"L'obsession anti-fasciste n'a pas comme seul effet d'empêcher le Front national d'arriver au pouvoir, elle empêche depuis des décennies toute discussion en France, estime l'essayiste Jean Bricmont, en revenant sur les perspectives des candidats.
Quand le général De Gaulle est arrivé à Londres en 1940, le parti travailliste britannique lui a envoyé une délégation pour l'interroger afin de vérifier qu'il n'était pas «fasciste» (du, moins, c'est ce qu'il raconte dans ses Mémoires de guerre). Lorsqu'il est revenu aux affaires en 1958, le Parti communiste français (PCF) a dénoncé un «coup d'Etat» fasciste et De Gaulle a dû préciser à la presse que c'était lui qui avait rétabli les libertés publiques et qu'il ne se proposait pas de les supprimer.
L'anti-fascisme imaginaire ne date pas de cette campagne électorale, mais il atteint aujourd'hui des proportions surréalistes
En 1968 et par la suite, les gauchistes ont crié «CRS-SS» et ont comparé Pompidou à Pétain. Si c'était vrai, comment se fait-il que tout ce qui s'est passé à cette époque, en terme de contestation de l'ordre établi, ait eu lieu ?
Ces rappels montrent que l'anti-fascisme imaginaire ne date pas de cette campagne électorale, mais il atteint aujourd'hui des proportions surréalistes.
On peut évidemment appeler «fasciste» tout ce qu'on n'aime pas, ce qui a été une habitude assez courante dans le gauchisme post-68. Dans ce sens, un prof un peu autoritaire, un flic, un oncle conservateur sont tous des «fachos». Ce qui fait du «fascisme» la chose la plus répandue au monde.
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Mais si l'on veut bien prendre la peine d'utiliser ce mot dans le sens historique du terme, c'est-à-dire celui de régimes comme celui de Mussolini, qui a inventé l'expression, et de ceux qui l'ont imité (comme Hitler) alors il se réfère à la dictature d'un parti unique dirigé par un chef incontesté et un contrôle total sur les médias.
Où trouve-t-on quelque chose de similaire dans le programme du Front national (FN) ou celui de Mme Le Pen ? Le meilleur argument que les antifascistes puissent avancer, c'est de prétendre que les intentions dictatoriales du FN sont cachées. Mais Hitler et Mussolini n'ont jamais caché leurs intentions et on voit mal comment un parti peut «prendre le pouvoir» si ses propres militants ne sont pas au courant de ce projet.
Le même genre de fantasmes a aussi existé, de l'autre côté si l'on peut dire, avec le communisme. Pendant toute la guerre froide, il n'y avait non seulement aucun risque d'invasion soviétique de l'Europe de l'Ouest (les Soviétiques sachant parfaitement qu'ils avaient assez de mal à garder le contrôle de l'Europe de l'Est) mais aucun risque non plus de prise de pouvoir révolutionnaire par un parti communiste occidental. Même ceux qui étaient relativement forts, comme le PCF ou le Parti communiste italien (PCI) n'en avaient ni les moyens ni l'intention. Pourtant, un anticommunisme tout aussi imaginaire que l'anti-fascisme actuel a dominé les esprits et les débats pendant des décennies, permis de diaboliser toute une partie de l'opinion, a alimenté les dépenses militaires et contribué à la justification des guerres, en Indochine, et même à Suez ou en Algérie." (...)

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