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AFTRAL emprunte la voie de la réalité augmentée
Dans ses centres, AFTRAL forme principalement des conducteurs routiers et des logisticiens. Les apprentissages pratiques nécessitent des plateaux techniques et des moyens matériels importants : véhicules, chariots élévateurs, entrepôts, pistes, etc. Aujourd’hui la formation d’un conducteur routier se déroule sur 3 mois, avec une partie théorique, un enseignement assisté par ordinateur, et une partie pratique en conduite et toutes les qualifications requises pour conduire un véhicule en France. En 2019, Philippe Maggioni, directeur de secteur Nouvelle-Aquitaine d’AFTRAL a lancé une réflexion sur la réalité augmentée dans son approche pédagogique. « Je fais partie de différents réseaux (FFP, ARDIR) et c’est en assistant à plusieurs conférences sur le digital, que je me suis demandé comment s’inscrire dans ce type de démarche. J’avais l’idée, mais pas les finances. C’est le Fond Régional pour l’Innovation dans la Formation qui a rendu le projet possible. Je cherchais à innover pour une question d’image, pour répondre à des considérations environnementales, ainsi que pour élaborer une approche pédagogique sur la base d’ateliers. » Les premières phases pratiques d’une formation de conducteur se déroulent sur des simulateurs dynamiques, avec vérins hydrauliques, validé par le ministère. Les stagiaires y font leurs premiers pas dans l’apprentissage de la conduite d’un véhicule lourd avant les séances de conduite sur route. Elles comprennent aussi ce qu’on appelle les « vérifications avant départ ». Un conducteur routier doit, avant de prendre son véhicule, s’assurer que son véhicule répond à tous les impératifs de sécurité : extincteurs, pneus, arrimage du chargement, documents de bord, etc. L’apprentissage de ces vérifications se fait traditionnellement avec un véhicule. Le simulateur en réalité augmentée permet de « téléporter » le stagiaire sur un véhicule modélisé pour qu’il effectue ces opérations. Il est réservé aux vérifications avant départ des véhicules lourds de transport des marchandises et de voyageurs et n’est utilisé que dans le cadre des formations initiales de conducteurs (CAP, Titres). Cette solution virtuelle allège donc les contraintes de disponibilité des matériels. Elle permet également la mise en place d’ateliers. Aujourd’hui, toutes les formations connaissent des temps morts. Les stagiaires doivent, par exemple, attendre leur tour avant qu’un véhicule se libère et pratiquer certaines manœuvres. Le principe est de réduire les périodes de latence en organisant une rotation entre un atelier théorique en salle, un atelier pratique de vérification en réalité augmentée, un atelier sur simulateur de conduite, un atelier avec fiches orales et écrites. « Avec ce fonctionnement, je peux donner énormément de liant pédagogique, limiter les zones blanches et respecter un principe d’entrées et sorties permanentes par rapport à nos clients qui nous demandent de plus en plus de réactivité sur les formations que nous proposons. » « Plutôt que de garder 3 personnes sur un plateau technique, une dans le véhicule et les deux autres qui regardent les manœuvres, aujourd’hui je raisonne différemment. Une seule personne avec son véhicule fait des manœuvres avec le formateur, les autres vont sur des simulateurs ou sur la réalité augmentée dans le cadre de la vérification avant départ. La partie la plus chère du projet est le développement et l’ingénierie, notamment parce que le matériel évolue constamment. « Nous avons travaillé avec la société EDISER, qui nous accompagne déjà pour les simulateurs de conduite. Ce travail consiste à décrypter chaque phase pédagogique nécessaire à la vérification avant départ sur tout type de véhicule. Il a été réalisé avec notre prestataire, par le service pédagogique d’AFTRAL au niveau national, afin de construire un scénario en phase avec nos attentes pédagogiques. Puis de développer des outils, principalement des lunettes virtuelles 3D. » Ce dispositif répond pour l’instant à un besoin bien particulier, mais il est tout à fait envisageable de l’étendre à d’autres métiers. Ainsi le secteur de la logistique, dans le cadre des formations de préparateur de commandes ou de cariste d’entrepôt. Il est possible d’imaginer des scénarios dans un univers logistique, pour l’apprentissage des opérations de préparation de commande, de mise à quai, etc. « Tout est envisageable à partir du moment où l’on trouve le financement et les prestataires techniques capables de prendre en charge le développement. Ce que nous ne pouvons pas faire en interne. » « La crise sanitaire nous a retardés dans la mise en place du dispositif, qui aurait dû s’effectuer au printemps dans les 10 établissements de Nouvelle-Aquitaine. Nous avons eu notre première livraison en septembre, le reste s’échelonnera d’ici la fin de l’année. Le déploiement se fera d’abord par des formations pour les formateurs, afin qu’ils prennent l’outil en main. »
Découverte des métiers et immersion, la recette ecloZion
A son démarrage en 2016, l’association bordelaise « Soyons le changement » se donnait comme objectif de travailler sur les vocations professionnelles des jeunes, au moment où ils doivent faire leurs premiers choix d’orientation. Son premier programme, baptisé « citiZchool horiZon », a été lancé en partenariat avec plusieurs établissements scolaires, sous forme d’une quinzaine d’ateliers en classes de 3e ou de 4e. Le principe est de permettre aux élèves d’échanger et d’expérimenter différents métiers par la venue de professionnels dans leur établissement et par le déplacement d’élèves en entreprise. L’idée est que les élèves puissent se projeter et élargir leurs perspectives professionnelles. « Aujourd’hui ce programme va un peu au-delà au niveau des partenaires et de la géographie » précise Lydie Drouard, responsable projet. « Dans le sens où l’on travaille avec collèges et lycées, mais aussi avec des centres sociaux et des missions locales. On s’est aussi étendu en Dordogne, Lot et Garonne et Vienne. Pendant les ateliers, nous avons constaté que certains jeunes avaient besoin d’aller plus loin dans la découverte de métiers. On voyait aussi en parallèle qu’il y avait des besoins pour des publics plus âgés en matière de vocation professionnelle. » Dans cet esprit, l’équipe de Soyons le changement a pensé une nouvelle action, « ecloZion », menée avec deux autres partenaires, le Lycée Edgar Morin (LEM) qui travaillera sur la motivation, la cohésion de groupe et la démarche projet. Et « l’Atelier Remuménage » qui s’occupera de l’accompagnement socio-professionnel. Géographiquement, ecloZion concerne surtout des jeunes de Quartiers Prioritaires de la Ville de la métropole bordelaise, même si elle est ouverte également aux zones de revitalisation rurale. « Nous avons essayé de rencontrer les différents acteurs jeunesse, missions locales, associations, médiateurs, pour qu’ils en parlent à leurs publics et essaient de capter les jeunes qui passent sous les radars. Nous voulons démarrer le 1er décembre, ce sera la première fois que l’on fait cette action sous ce format-là.» 12 jeunes seront sélectionnés, avec une liste d’attente pour permettre à des candidats de bénéficier d’une place qui se libérerait. Pas de prérequis particulier, c’est la motivation qui est le critère essentiel, la compréhension du programme, ce qu’il peut apporter au jeune et la cohérence avec son parcours. Le groupe est limité à 12, de manière à pouvoir gérer à la fois les temps collectifs, la dynamique de groupe, et d’avoir des temps individuels en immersion dans des entreprises, en fonction des envies et des besoins de chaque participant. L’accompagnement proposé se déroule sur 6 mois, les jeunes de moins de 26 ans ayant la possibilité de le suivre en service civique. « C’est intéressant d’utiliser ce dispositif pour aider les jeunes à reprendre pied avec un cadre, des contraintes horaires, et à l’issue, avoir acquis ces savoir-être là. » Pour les plus de 26 ans, « on signe avec eux un contrat d’engagement, ils sont membres de l’association, mais n’ont pas de statut particulier. On leur parle aussi des droits auxquels ils ont accès. » Pendant le premier mois du programme, les jeunes suivront des semaines dites de « découverte ». Elles seront essentiellement dédiées à l’expérimentation de différents métiers. Plusieurs demi-journées seront consacrées au leadership et à la confiance en soi, ainsi qu’à l’accompagnement socio professionnel, à la co-construction du parcours et aux activités sportives. Une vingtaine de secteurs et métiers ont été choisis pour offrir un panel qui représente différentes formes d’intelligence (cf. Gardner). Le but est d’élargir leur horizon professionnel et leur faire découvrir un maximum de choses, pas de leur présenter des secteurs bouchés. Elargir au maximum tout en donnant des perspectives accessibles. Le deuxième mois sera consacré à des semaines types « immersion » dans des entreprises, à raison de 3 jours par semaine, suivis de temps de bilan. Les deux premiers mois sont volontairement plus « cadrés ». Les 4 suivants alterneront ces deux semaines types, l’idée est de coconstruire avec le jeune, de travailler sur ce qui aura émergé pendant les deux premiers mois. Pendant les semaines d’immersion, qui se feront via des Périodes de Mise en Situation en Milieu Professionnel (PMSMP), un debriefing aura lieu tous les jeudis, pour lever les points de difficulté qui peuvent progressivement se présenter. Le but est de tester un métier, pas seulement de l’observer. Les entreprises partenaires savent qu’elles accueillent des jeunes dans un enjeu d’expérimentation. « Nous avons beaucoup de partenaires avec lesquels nous travaillons déjà. L’idée est de les avoir pour les deux premiers mois et ensuite, en fonction de ce qui se sera passé, d’en trouver d’autres. Nous voulons construire avec les jeunes, on les mettra dans une posture pro active pour chercher des entreprises après les deux premiers mois. Ça leur servira pour la suite. » Tout au long des 6 mois, une demi-journée est consacrée à des projets citoyens, destinés à valoriser le jeune dans sa capacité à créer quelque chose et à être utile à la société. Ces projets constitueront une sorte de fil rouge du programme, une action citoyenne qui se fera en petits groupes ou en individuel, selon les envies des uns et des autres. L’objectif est qu’au cours de ce parcours le jeune puisse définir son projet professionnel pour qu’à l’issu du programme le jeune puisse démarrer une formation qualifiante ou un emploi en lien avec son projet. Si un jeune trouve un véritable emploi en cours de parcours, il pourra exceptionnellement quitter le programme. « Il ne faut pas qu’il parte pour un remplacement d’un mois et que derrière il se retrouve avec les mêmes difficultés sur le marché de l’emploi. S’il fait une immersion pendant le programme et qu’à l’issue on lui propose quelque chose qui correspond à ce qu’il a envie de faire sur le long terme, pourquoi pas ? Tout l’enjeu du projet est de remobiliser les jeunes sur de l’emploi ou sur de la formation. » Le projet ecloZion est financé par la Région Nouvelle-Aquitaine (Appel à Projet « mobilisation formation »), la Fondation d’Entreprise Société Générale pour la Solidarité, Bordeaux Métropole et l’Agence nationale de la cohésion des territoires. La fin de la première édition est prévue au 31 mai 2021.
Chercher la complémentarité entre alternance et AFEST
« Comment articuler la formation en alternance avec l’Action de Formation En Situation de Travail ? », c’est le thème choisi par la Fédération Régionale des Maisons Familiales et Rurales de Nouvelle-Aquitaine pour déposer un dossier auprès du Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation. Pour Joel Buguet, référent apprentissage et formation professionnelle, la démarche s’inscrit en droite ligne de la pédagogie habituelle des MFR qui inclut l’alternance depuis plus de 80 ans. Les formateurs la pratiquent au quotidien, privilégiant, en lien étroit avec l’entreprise, la formation in situ des apprenants et les apprentissages en centre sur les situations professionnelles. « L’AFEST est une modalité à part entière, et je me suis dit qu’il était intéressant de voir comment les deux pourraient être articulées. En interrogeant les formateurs, ils ont l’impression d’en faire déjà avec l’alternance. Sauf que ça n’est pas aussi simple, puisque l’AFEST répond à certaines caractéristiques et obligations, avec des supports particuliers. Nous allons voir comment nous pouvons trouver une cohérence entre les deux. » Afin de lancer l’expérimentation fin 2019, la fédération voulait initialement développer des actions dans une dizaine de maisons. Contexte oblige, elle a d’abord privilégié la sensibilisation du réseau sur ce qu’est l’AFEST. Deux réunions se sont tenues avec des directions et quelques formateurs, pour leur présenter ce qu’est une formation en situation de travail et comment l’articuler avec la pédagogie de l’alternance. A l’issue, deux groupes de travail collaboratif ont été constitués, un sur le secteur du commerce, l’autre sur le secteur agricole. Ils ont produit des supports, certains les ont mis en application. Par exemple, un support destiné à l’apprenant, des grilles qui lui servent à noter ce qu’il fait au sein de l’entreprise, comment il progresse avec son tuteur, comment il s’auto-évalue sur certaines activités. Ainsi que des « fiches process » contenant toutes les étapes d’une FEST, ses points importants, sa construction avec l’entreprise. Également, une grille d’évaluation, des outils et des aides pour l’accompagnateur. Le travail de sensibilisation a même dépassé les frontières. Plus précisément celles du Portugal où Joël Buguet est allé présenter l’AFEST à ses partenaires professionnels, peu familiers avec le principe même de l’alternance. « L’idée étant que lorsque nos jeunes partent en stage là-bas, nous puissions avoir des retours d’acquisition de compétences. » « Nous avons fait une journée de formation pour les formateurs, notamment avec l’Education nationale qui est intervenue par le biais d’un service spécialisé (CAFOC). Nous savons qu’il va falloir un peu de temps pour que les gens s’approprient le process, les modalités, et voir comment ça peut se déployer. Cela dépend des diplômes, et aussi des apprenants. Nous avons un catalogue interne de formation, financé par notre opco Ocapiat. Chaque année, en fonction des besoins, nous pourrons y intégrer un module sur l’AFEST. » Au final, quelques maisons ont engagé des actions, comme celle de La Force en Dordogne pour des jeunes en management des unités marchandes. Et celle de Thiviers, sur un certificat de conducteur d’engins agricoles, qui a organisé des rencontres avec les tuteurs et leur a fourni des outils. Si les deux modalités semblent être proches, la différence se situe dans une formalisation beaucoup plus précise et exigeante en AFEST. La prise en compte et le positionnement du tuteur en entreprise sont également plus importants. On leur demande notamment d’aménager des phases réflexives avec leurs apprenants. « Nous allons peut-être proposer des parties de diplômes, des blocs de compétences, qui se feraient uniquement en AFEST. Concrètement, un nombre d’heures qui ne seront pas traités en centre de formation, mais uniquement en entreprise. Sur certains diplômes, comme les titres pros, avec une identification claire sur ce qu’il faut acquérir comme compétences, il est concevable de faire tout en AFEST. Mais je ne suis pas partisan d’un 100%. Nous voulons garder des temps collectifs avec tous les apprenants en centre de formation, permettre une certaine émulation de groupe, les échanges et les retours d’expérience. La rencontre, la confrontation d’idées et de vécus sont source d’apprentissage et de progrès pour les apprenants » Reste à convaincre les entreprises, notamment les petites, dans une conjoncture peu favorable, notamment en restauration et tourisme. Mais certains ont très bien compris leur rôle de formateur. « Les entreprises vont nous faire remarquer que c’est chronophage. Et dans certains secteurs, c’est compliqué de dégager du temps. D’autres, au contraire, en voient l’intérêt puisqu‘elles forment les personnes à leur culture de travail, leur vision des choses. Je le vois notamment sur notre expérience de l’école de la Vigne. Certains châteaux nous disent clairement que pour eux il s’agit de former leurs futurs salariés. » Dans le futur, la fédération régionale voudrait développer ces modalités sur l’ensemble de son réseau de 56 MFR, du moins sur une bonne partie. Elle compte convaincre que l’AFEST, la posture qu’elle nécessite, son état d’esprit et ses outils, favorisera leur développement. « Les trois quarts des maisons pourront adopter ces modalités progressivement, chacune à leur rythme. Chaque maison est autonome, la décision leur appartient. Notre rôle est de sensibiliser, ouvrir des portes, mais pas d‘imposer. »
L’outil numérique contre l’illettrisme
Comme d’autres acteurs de la lutte contre l’illettrisme, l’ACLEF de Châtellerault constate que les dispositifs de droit commun peinent souvent à atteindre les personnes ciblées. L’illettrisme reste largement tabou, les parents par rapport aux enfants, les salariés par rapport à l’entreprise. La situation est d’autant plus délicate que le besoin de maitriser le numérique est croissant en raison de la dématérialisation des services. Or le rapport entre illettrisme et illectronisme est étroit, et encore trop d’intervenants peinent à aborder ces questions avec leurs publics. Pour Muriel Coisne, co-responsable de formation avec sa collègue Marie-Claude Mioza, il faut privilégier une approche concrète des savoirs. L’apprentissage doit répondre aux questions réelles de la personne. « Depuis quelques années, nous avons mis le numérique au service des apprentissages. Les apprenants se mobilisent d’autant plus dans la formation si elle est menée à partir de leurs propres outils numériques ou ceux qu’ils retrouvent dans les maisons de quartiers, les médiathèques. Pour faire adhérer les publics, particulièrement les jeunes, et les amener vers plus d’autonomie avec l’écrit, nous travaillons principalement sur ordinateur, tablette ou téléphone mobile. Par leur utilisation au quotidien, il va pouvoir y avoir un réel ancrage des apprentissages. » « Notre cœur de métier, depuis 35 ans, c’est l’illettrisme. Les personnes que nous recevons vont du niveau non lecteur complet jusqu’au niveau CAP. Même avec un CAP elles n’ont pas toujours les compétences de base. Nous avons aussi des personnes d’origine étrangère, et des salariés, principalement de SIAE. Souvent, quand on parle d’illectronisme, on pense plutôt aux retraités qui n’ont pas la maitrise de ces outils, mais il concerne également tous les publics qui ne sont pas encore autonomes dans les actes de la vie quotidienne. Nous savons que beaucoup de personnes en difficulté dans les compétences de base ne franchissent pas les portes des organismes de formation. Combiner le repérage illettrisme et l’accès aux savoirs numériques de base pour tous, par l’approche du numérique, est moins stigmatisant et permet également d’élargir le repérage. » Pour l’appel à projets régional sur l'illectronisme, l’approche de l’ACLEF consiste d’abord à mobiliser les acteurs du territoire pour les aider à mieux repérer les publics en situation d’illettrisme. Certains de ces publics exprimant des difficultés avec le numérique sont dirigés vers des organismes de formation pour travailler dans ce domaine, mais il s’avère que leur problème a plus souvent à voir avec la maîtrise de l’écrit, les repères espace-temps, les mathématiques. « Nous menons des réunions avec nos partenaires habituels du réseau comme Pôle emploi, la mission locale Nord Vienne, les maisons de solidarité, les services sociaux, les structures d’insertion, le CIDFF. ET nous en sollicitons de nouveaux comme les associations caritatives, les médiathèques, les Maisons de quartier, TOPE 5 (Territoire Zéro Chômeur Longue Durée). Ces temps d’échanges leur permettent d’acquérir une meilleure approche et écoute des publics, une meilleure compréhension des difficultés qu’ils rencontrent, pour leur proposer un suivi de parcours adapté, des réorientations possibles. » L’ACLEF propose ensuite aux publics des « ateliers accroches » pour les engager progressivement, s’ils le souhaitent, dans un véritable parcours de formation. Ces ateliers d’une durée de 3 heures minimum consistent à travailler sur les outils numériques des personnes ou ceux de la structure, pour mener à bien leurs demandes. « Nous pouvons aussi leur faire découvrir d’autres modules de formation à leur disposition sur le Grand Châtellerault, les orienter vers des prescripteurs, les accompagner sur d’autres lieux ou point numériques.» Chaque personne arrive avec une demande précise, souvent la création d’une messagerie pour leur projet professionnel, l’envoi d’un document par Internet depuis leur téléphone, l’utilisation d’une clé USB. Dans un entretien individuel, elle est reçue pour faire le point sur ses moyens techniques et ses besoins, les raisons de sa demande. On lui propose ensuite de revenir pour des séances de formation personnalisée, par ateliers de 3 heures, aux jours qui lui conviennent et à son rythme. C’est l’autonomie qui est privilégiée. Ce travail préalable est important, puisque beaucoup de personnes ignorent qu’il existe tel ou tel service, ou elles n’osent pas demander. Les formateurs leur proposent parfois de prendre rendez-vous et de les accompagner pour découvrir des lieux ressource comme les maisons de quartier ou les médiathèques. « Nous leur apprenons à passer d’un outil à un autre, par exemple pour utiliser leur boite courriel de leur téléphone à l’ordinateur d’une maison de quartier. Nous avons des jeunes aussi qui viennent pour apprendre à utiliser un clavier, alors qu’ils n’ont que les réflexes de l’écran tactile. En effet l’autonomie sur un outil n’implique pas nécessairement une autonomie sur tous les outils. De plus, il n’y a pas que le téléphone, ou l’ordinateur, ce sont aussi les bornes automatiques dans un parking, à la pharmacie, pour retirer de l’argent, le GPS, une alarme à programmer, etc. » Pour beaucoup de personnes, aborder l’écrit par le biais de l’intelligence verbale linguistique se rapproche trop de la représentation qu’elles ont du milieu scolaire. Travailler avec d’autres intelligences est devenu incontournable : visuelle, auditive, manipulation de matériel, déplacement corporel. Ceci à partir d’outils spécifiques, innovants, sur tablettes et ordinateurs. C’est une façon de faire adhérer les personnes dans les apprentissages et ainsi garantir l’accès aux droits pour tous. « Dans le cadre du marché régional, qui est prolongé jusqu’à mai 2021, nous n’avons pas eu besoin de changer nos démarches, ni notre fonctionnement. Par le biais d’un meilleur repérage, en mobilisant de nouveaux acteurs du territoire, en rencontrant les publics en direct par des ateliers « accroches », cet appel à projet permet leur orientation vers d’autres dispositifs. Et l’accès pour certains, même les plus « fragiles », aux parcours qualifiants. »
Transformation numérique, l'approche d'Atelier Lan Berri
Le cœur d’activité d’Atelier Lan Berri (ALB - Anglet) est l’accompagnement à la création d’activité, la transmission et la création d’entreprise sur le Sud de la Nouvelle Aquitaine. Depuis 3 ans, la structure a engagé la transformation numérique de ses produits et services. Aujourd’hui, cette SCOP est cheffe de file d’un groupement de structures qui appartiennent toutes à l’Economie Sociale et Solidaire, groupement qui intervient dans le cadre du dispositif régional « Entreprendre, la Région à vos côtés. » « L’idée est que les accompagnements des porteur(euse)s de projets que nous avons effectué avec différents dispositifs de formation professionnelle et de modalités de financement, ont évolué avec le temps, » décrit Amandine Lafferrairie, coopératrice. « Ce qui nous parait important, c’est de sécuriser et moderniser notre expérience, nos contenus créés depuis plus de 20 ans. Nous construisons un parcours multimodal qui met en musique des temps de travail en présentiel, à distance, synchrone, asynchrone, en formation et en autoformation, en individuel et en collectif. Toutes ces modalités combinées pour arriver à un parcours pédagogique qui soit pratique et qui évolue avec les outils, les attentes et les disponibilités des bénéficiaires. » Le projet de transformation numérique, soutenu par le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF), comportait 3 phases. Il a commencé par une période d’ingénierie pédagogique au cours de laquelle le contenu de formation a été remanié et restructuré en différentes séquences et activités. En ce qui concerne le support technique, le choix s’est porté sur la plateforme Moodle, jugée la plus adaptée pour l’avenir. Elle présente l’intérêt d’être un outil libre et dynamique, fidèle à la philosophie d’ALB. Elle est également très accessible puisque les outils déjà disponibles grâce à la communauté, permettent une utilisation facilitée pour tout type de public, qu’il soit initié ou non au numérique. Une deuxième phase de développement technique s’est achevée fin septembre, au cours de laquelle un travail a été effectué avec des partenaires et fournisseurs locaux. Enfin, une phase d’expérimentation est engagée en partenariat avec une autre structure, Andere Nahia, un collectif d’accompagnement de femmes entrepreneures. Il s’agit de mettre à disposition un « parcours complet de formation multimodal à distance ». Les bénéficiaires seront « des échantillons » de porteur(euse)s de projet du dispositif « Entreprendre, la Région à vos côtés ». Leurs avis seront recueillis afin de pouvoir modifier et améliorer le service. « En termes de volume, le Groupement Territoires et entreprises 64 accueille autour de 300 porteurs de projets par an sur le département. Ils peuvent nous être envoyés par Pôle emploi ou d’autres prescripteurs, ou s’adresser à nous directement. Il n’y a pas de profil type, nous avons des demandeurs d’emploi, des salariés, des retraités, tous les cas de figure. Nous sommes tenus d’accueillir et d’informer toute personne qui se pose la question à moins de 30 km de chez lui sur le territoire. » Le projet est exclusivement développé par Atelier Lan Berri dont les formations abordent les questions de création d’entreprise, en particulier les statuts juridiques, la réponse aux marchés publics, la création d’un outil de gestion financière appropriée au TPE/PME qui reprend les notions de seuil de rentabilité, de compte de résultat, la protection des données personnelles, etc… Pour ce qui relève spécifiquement de la création d’entreprise, Atelier Lan Berri ne disposait pas d’une plateforme dédiée, mais avait déjà intégré dans ses pratiques des contenus dématérialisés et des espaces de stockage partagé depuis une dizaine d’années. Beaucoup de ses actions pouvaient déjà être qualifiées de formations à distance. « Les outils que nous utilisions par le passé étaient déjà satisfaisants, mais il est important d’évoluer en la matière et de proposer l’ensemble de nos prestations au travers d’une plateforme globale et complète. Nous accompagnons tout type de projets, pas exclusivement ceux qui relèvent de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Les actions d’accompagnement passées étaient organisées sur des temps de formation beaucoup plus longs (8 à 10 semaines), dans lesquelles des temps en présentiel, en travaux dirigés, hors les murs du lieu de formation, auraient pu être déjà considérés comme étant à distance. Il y avait plusieurs avantages à faire évoluer le produit, à commencer par centraliser la diffusion des contenus sur une plateforme compatible RGPD, au lieu de créer un stockage en ligne par groupe avec lequel il est difficile de protéger les données personnelles. Par ailleurs, l’utilisation d’un outil libre pour partager des contenus protégés par des licences de bien commun et les diffuser sur tous les types d’appareils numériques permet au plus grand nombre d’y avoir accès. La dimension ESS est toujours présente dans la démarche d’Atelier Lan Berri. Par exemple, la question du partage de responsabilité de l’entrepreneur(euse), l’ancrage de l’activité sur le territoire, la mise en réseau sont des facteurs qui sécurisent la création d’entreprise et permettent d’augmenter les chances de pérenniser l’activité. « Rien ne nous obligeait à mener ce projet de numérisation. Il nous parait cependant indispensable aujourd’hui de proposer un catalogue de formation en ligne avec des modalités à distance adaptées au tissu entrepreneurial de notre territoire (96% des entreprises de la communauté d’agglomération Pays Basque ont moins de 10 salarié(e)s). C’est également un moyen très concret de participer au développement du numérique par la mise à disposition d’un outil adapté et facilement appréhendable par nos publics. »
Inclusion numérique : regards croisés de formateurs
Isabelle Lachèze est formatrice au Greta Nord-Aquitaine. Elle intervient auprès de publics adultes variés (demandeurs d’emploi, salariés, personnes en situation d’illettrisme et en situation de handicap, détenus) notamment dans les domaines des savoirs de base, de l’insertion professionnelle et de la culture générale. Quelle est votre définition de l’inclusion numérique ? "Avec la loi de dématérialisation totale des services administratifs, le numérique s’est immiscé dans tous les actes de la vie quotidienne, notamment administratifs. Nous sommes tous dans l’obligation de connaître et de savoir utiliser les outils numériques pour gérer des situations de la vie très courante. C’est devenu une nécessité pour nombre d’actes de la vie quotidienne et d’actes sociaux. L’inclusion numérique vise à éviter que ceux qui ne maitrisent pas l’outil se retrouvent exclus ou en difficulté." Diriez-vous que l’utilisation du numérique est imposée ? "C’est effectivement une situation de contrainte, d’obligation d’utilisation du numérique. Même pour des actes très simples. Cela pose la question de l’accès aux droits. Par exemple, les demandeurs d’emploi qui n’utilisent pas leur messagerie Pôle emploi peuvent être radiés parce qu’ils n’ont pas répondu aux messages et fourni les documents demandés." Pensez-vous qu’apprendre à utiliser le numérique est la solution à tous les problèmes ? "Sur le court terme, nous essayons de donner à un certain nombre de personnes le moyen d’y accéder. La technologie existe, mais il y a une question de fonds qui n’est pas réglée : celle de son utilité sociale. Quelle est sa plus-value sociale ? Que va apporter à la société la dématérialisation des démarches administratives ? Quels avantages pour l’ensemble de la population ? Quand on parle numérique, ce qui revient à chaque fois, c’est ce caractère obligatoire. Mais il n’y a pas de réflexion de fond. Et puis il y a la question de la sécurité des données, qui nous concerne tous, mais qui se pose d’autant plus pour les personnes en difficulté avec la lecture et l’écriture. Il y a un risque de dépossession de leur vie, puisqu’elles doivent passer par un tiers pour leurs démarches. Souvent, ce tiers c’est la famille. Mais quand la famille est en difficulté, c’est un tiers extérieur qui, de fait, détient une foule de données sur la personne. C’est un double handicap." Selon vous, illettrisme et illectronisme sont-ils directement liés ? "Non, c’est plus subtil que ça. Il existe beaucoup de profils différents. Oui, un grand nombre de personnes en situation d’illettrisme sont dits « empêchés » numériquement du fait de leur maîtrise partielle de l’écrit. En revanche, on constate aussi qu’un petit nombre d’entre elles savent naviguer sur Internet, utiliser des sites et les réseaux sociaux, etc. L’illectronisme concerne également les personnes qui sont réfractaires aux outils numériques et ce, depuis leur apparition. Certaines générations (les personnes âgées) sont démunies, parce que ce n’est pas leur culture. La complexité des sites administratifs et la peur de se tromper poussent beaucoup de personnes à abandonner leurs démarches et donc à renoncer à leurs droits. Ajoutons tout ce qui relève des escroqueries, qui touchent des personnes qui se font voler leurs données, ou dont la carte bleue est débitée par des sites malveillants." Comment convaincre un public qui refuse ces usages ? "Il faut parler du sens, de l’utilité du numérique, de l’objectif. Il faut en quelque sorte dédramatiser l’outil en tant que tel, qui est inerte et ne fait rien seul. On peut faire un parallèle avec une télécommande de télévision : il y a des boutons, des procédures à suivre, c’est très binaire. Tout va mieux une fois qu’on a compris le chemin à prendre, le circuit à suivre avec un code à respecter, comme sur la route." On dit souvent que les jeunes sont nés avec le numérique et qu’ils le maitrisent parfaitement. Qu’en pensez-vous ? "Ils sont rapides, ils vont tout de suite trouver une réponse, mais ils vont en rester au premier résultat. Ils ne font pas de distinction entre les blogs, les sites officiels ou « sérieux ». Je constate souvent qu’ils discriminent très mal. Ils peuvent naviguer rapidement sur les réseaux sociaux, mais ils ont du mal à mener une réflexion, à croiser les informations ou choisir des critères de sélection… Pour la recherche d’information, l’usage qu’ils ont est finalement très restreint et pas du tout réflexif. Mais tout cela s’apprend. D’une certaine manière je trouve rassurant que l’apprentissage ait encore un rôle à jouer." Quels sont les véritables enjeux de la dématérialisation ? "Je pense qu’ils sont essentiellement économiques. Cela revient beaucoup moins cher de tout numériser que de payer des personnes à accueillir le public. C’est la réduction des coûts qui est recherchée. Le numérique est souvent présenté sous l’angle de la facilité et de la rapidité, mais en fait c’est une illusion. Faire des démarches administratives en ligne est très chronophage. Il faut se concentrer, être au calme, reformuler, recommencer si on se trompe… Et je ne parle pas des économies de papier qui sont reportées sur l’utilisateur, ou encore des coûts énergétiques et écologiques qui n’apparaissent pas." "Je suis consciente que l’inclusion numérique est nécessaire pour éviter que des personnes se retrouvent sur le bord de la route. Mais je crois qu’il est important de garder un esprit très critique. Il faut permettre aux gens de comprendre le fonctionnement et les usages, mais aussi mener avec eux une réflexion sur les limites et les dangers. La dématérialisation n’est pas la panacée. Pour les personnes les plus fragiles, l’accompagnement est essentiel. Le lien, la relation directe, sont fondamentaux." ------------------------------------------------------------------------------------------ Jean-Noël Saintrapt est formateur d’adultes au Greta du Limousin, depuis plus de 30 ans, sur des niveaux qui vont de l'illettrisme au BTS, avec des objectifs aussi divers que l'insertion professionnelle, le qualifiant en Tertiaire, Bâtiment, Tapisserie ou l’acquisition de compétences clés (Français – Numérique). Testeur d'usages du Numérique depuis l'aube d'internet, il coordonne des formations labellisées "Grande École du Numérique" ou liée au dispositif "Territoire d'action pour un Numérique inclusif" pour le département de la Creuse. Il partage son regard réflexif sur ces usages sur son portfolio en ligne : http://www.saintrapt.com/ Comment abordez-vous la question de l’illectronisme ? "Si je remonte aux sources de cette notion, l’illectronisme nous concerne tous. J’ai moi-même connu des difficultés avec le numérique. Ma génération s’est trouvée dans l’obligation d’apprendre une nouvelle langue. Je m’y suis mis par intérêt associatif et familial. Car pour s’intéresser au numérique, il faut avoir un moteur, une raison. Aujourd’hui, le principal moteur c’est la pression de l’Etat et de la société. Ça n’est pas de l’inclusion, mais une injonction. En 2020, les gens en difficulté dans cette société du numérique et de la relation numérique resteront des exclus sociaux s’ils ne sont pas accompagnés dans leur montée en compétence." "Il existe deux possibilités : la formation, et l’accompagnement pour faire. L’inclusion numérique doit proposer ces deux réponses, car nous savons que certaines personnes ne pourront pas monter en compétences en raison de problèmes cognitifs, matériels, financiers, etc. Le premier impératif c’est que toutes les plateformes Internet simplifient leurs façons de faire. Aujourd’hui même un expert peut se retrouver en difficulté face à des usines à gaz en ligne. On l’a vu pendant le confinement, lorsqu’il a fallu faire des déclarations de chômage partiel par exemple. Nos fondamentaux en France, c’est la paperasse. Mais on pourrait simplifier. Et il faudra simplifier. La démarche de l’Etat est déjà dans cet esprit-là. Nous commençons à nous rendre compte que notre usine à gaz technologique est liée à notre usine à gaz administrative." Dans ce contexte, quel outil faut-il utiliser ? "L’outil n’est jamais une réponse à rien. La technologie non plus. C’est l’usage qui est une réponse. Bien entendu, il faut disposer de l’essentiel, un téléphone, une tablette, un ordinateur, une connexion Internet. Aujourd’hui la connexion devrait être un bien commun. Nous payons aujourd’hui pour un équipement que la société nous oblige à avoir. C’est une incohérence. C’est l’Etat qui devrait mettre en place les outils d’inclusion sociale. Derrière l’outil et le moyen de connexion, il faut réfléchir en termes d’usage. Or il en existe de différents niveaux, de différentes sortes, différents aussi en fonction de la personne. Celui d’une personne âgée ne sera pas celui d’un collégien. Il faut adapter l’outil à l’usage de la personne, à son vécu et à son histoire. Mais il faut que les plateformes fassent un effort pour s’adapter aux difficultés des uns et des autres." Et si les plateformes ne le font pas ? "Si les plateformes ne le font pas, cela veut dire que nous devons former les gens à une sorte de culture numérique globale. Quand on a utilisé un traitement de texte, on est censé savoir utiliser tous les traitements de texte. Mais à l’usage, la transférabilité des compétences n’est pas si évidente. Les compétences transversales, celles qui permettent de résoudre n’importe quel problème et de s’adapter à l’outil, sont les plus complexes à enseigner et à maîtriser. On l’a vu au travers de la crise sanitaire. S’adapter n’a pas été à la portée de tant de monde que ça. Beaucoup d’entreprises et de structures se sont trouvées en réelle difficulté. Je crois que l’inclusion numérique va également augmenter le nombre d’invisibles. Ceux qui vont se cacher de la société, qui vont passer sous les radars sociaux, qui ne vont plus aller à Pôle emploi parce que c’est trop compliqué… On constate qu’il y a un grand nombre de personnes qu’on ne touche plus dans nos formations et qu’il est très complexe d’aller chercher. C’est un constat d’échec." Que faire pour arriver à toucher les publics les plus en besoin ? "Pour toucher un maximum de publics, nous travaillons en réseau, avec l’ensemble des opérateurs qui prescrivent et orientent vers la formation. En premier lieu avec les Unités Territoriales d'Action Sociale (UTAS), Cap emploi, Pôle emploi, les missions locales. Mais aussi avec d’autres structures de terrain qui sont en capacité de recevoir les personnes en difficulté, comme les plateformes de solidarité numérique, les tiers lieux, etc. Le problème est de toucher celles et ceux qui ne font pas connaître leurs difficultés. Nous essayons d’élargir notre réseau pour détecter le moindre appel au secours face au numérique. Mais il subsistera toujours une frange de la population qui s’enfermera et ne s’exprimera pas. Sans compter que l’injonction numérique, l’obligation, crée toujours des résistances. On ne fera pas de l’inclusion complète. Heureusement, la société est faite de différence et cette différence subsistera." L’obstacle de l’illectronisme n’est-il pas malgré tout une affaire de technologie ? "Aborder cette question par le biais du matériel fait qu’on ne parle pas des gens. Aujourd’hui on aborde trop la question sous l’angle technologique, pas assez sous l’angle humain. Pour fournir le matériel, il suffit de trouver de l’argent. Je sais que ça n’est pas aussi simple que ça, mais la solution existe. La vraie question c’est, est-ce que l’être humain est capable de comprendre cette nouvelle langue ? Illectronisme et illettrisme sont liés, les difficultés sociales sont les mêmes. Pourtant on n’est pas du tout sur les mêmes bases. On peut savoir lire et écrire et ne pas savoir utiliser la langue de la culture numérique. Il faudrait déterminer des "niveaux d’illectronisme" comme pour l’illettrisme, en tenant compte des capacités et des besoins. "L’autre enjeu, c’est que les concepteurs mènent une réflexion plus orientée utilisateur, en s’inspirant de démarches qualité comme le FALC (Facile A Lire et à Comprendre). Parce que Internet n’est pas très intuitif. Il faut être capable de voir, écouter, taper sur un clavier, bouger une souris, etc. On prend très peu en compte bon nombre de handicaps. C’est une proportion de la société qui est importante et qu’il ne faudra pas laisser sur le carreau." Les opérateurs doivent-ils maitriser tout l’éventail des outils disponibles ? "Ils vont devoir beaucoup tester, se familiariser avec les réseaux sociaux, les plateformes, s’approprier les outils, pour avoir la capacité de recevoir une personne et de l’orienter vers telle ou telle solution. Le numérique est mouvant, des nouvelles propositions apparaissent constamment, on ne peut pas imaginer disposer d’un outil durablement stable. Peut-être que le numérique va devoir aussi s’adapter, se mettre à niveau et les bons "bricoleurs" pourront transmettre leurs façons d’avancer. Il ne faut pas hésiter à changer d’outils tout le temps, rester en veille pour repérer ce qui est nouveau, ce qui va venir. "L’outil miracle n’existe pas. Ce n’est pas l’illectronisme que l’on essaie de résoudre, mais les difficultés d’une personne. Elles sont différentes d’une personne à l’autre. C’est l’adaptabilité et la diversité des outils qui vont nous permettre de répondre à tous les cas. L’éventail de solutions que le numérique nous présente aujourd’hui, les opérateurs de formation doivent s’en emparer. On est sur une diversité de difficultés, parfois cognitives, parfois liées à un handicap. Le problème de l’illectronisme, ça n’est pas un bloc monolithique que l’on pourrait résoudre avec un seul outil." Notre dossier :
« Tremplin pour l’emploi », mobiliser par la médiation numérique
L’Espace Numérique Sud Charente (ENSC) est une structure associative charentaise créée il y a environ 10 ans. Sa vocation initiale était de répondre à des enjeux de fracture numérique, particulièrement dans les communes qui ne disposaient pas de connexion Internet. L’association intervenait à l’époque grâce à un camion aménagé en salle de formation numérique. « Avec ce véhicule équipé d’une antenne satellite, nous allions dans le sud Charente pour proposer ce service de connexion, ainsi qu’un apprentissage à l’outil informatique », décrit Bertrand Mercadé, coordinateur de l’ENSC. « Aujourd’hui, c’est notre espace mobile de médiation numérique. » Avec son équipe de 7 salariés et 4 jeunes en mission de service civique, l’association déploie diverses actions d’inclusion numérique, comme les chèques APTIC pour lesquels elle est missionnée par le Département de la Charente. Elle s’appuie sur des tiers lieux présents sur chacune des communautés de communes couvertes : Barbezieux-Saint-Hilaire, Montmoreau et une antenne à Villebois. A Montmoreau, « La parenthèse » est un lieu d’échanges et de débat accessible à tous les habitants. C’est également un fablab équipé d’une découpeuse laser et d’une imprimante 3D. « L’idée est d’avoir un maillage sur le Sud Charente. Chaque lieu a un « facilitateur » qui est chargé à la fois de coordonner, accueillir et animer. » Le projet « Tremplin pour l’emploi », soutenu par la Région, s’adresse aux demandeurs d’emploi. Il s’agit d’une formation de 35 heures qui vise à leur donner des clés pour les aider dans leur recherche. Ils apprennent à utiliser une plateforme d’inscription, faire un cv et une lettre de motivation, valoriser leurs compétences via les réseaux sociaux, gérer leur « E-réputation ». Les savoir-faire développés leur sont utiles également dans beaucoup d’aspects de la vie quotidienne. « A vrai dire, nous sommes plus sur un accompagnement que sur un vrai processus de formation. C’est un tremplin vers d’autres dispositifs. Par exemple, nous sommes partenaires d’une formation de « développeur web », dans laquelle nous intervenons sur la question de la médiation numérique. Nous pouvons réorienter les gens vers ce type de formation, comme notre titre pro de « responsable d’espace de médiation numérique », titre qualifiant de plus de 1 000 heures. » « Tremplin pour l’emploi » aborde la question de l’illectronisme par une stratégie de contournement qui consiste à manier des outils créatifs. Ainsi l’utilisation d’une imprimante 3D pour imprimer une pièce simple nécessite de faire une recherche sur Internet, penser son projet, sa finalité. Cela permet de travailler un ensemble de compétences, avec une dimension ludique qui dédramatise la question de l’illectronisme. « C’est de la pédagogie de projet, que l’on a beaucoup expérimenté sur d’autres dispositifs, notamment avec des décrocheurs scolaires que nous avons fait travailler sur la confiance en soi et la valorisation de leurs compétences. » Le parcours proposé, pensé pour être suivi sur une semaine complète, a lieu tous les vendredis (crise sanitaire oblige). Les participants, par groupes de 8, sont majoritairement des jeunes mais pas seulement. « Notre accompagnement n’est pas une formation classique. Mais il vise un objectif professionnel, ça n’est pas un atelier loisir ludique. Il y a des horaires à respecter, un cadre, etc. Je pense que c’est important de renvoyer ces codes aux personnes. Notre enjeu c’est de le rendre ludique, que les gens y trouvent un intérêt. Avec certains jeunes c’est un peu compliqué, il faut les remobiliser, trouver un moyen d’accompagnement un peu différent de ce dont ils ont l’habitude. D’où l’utilisation des outils du fablab. Les amener vers du concret, c’est le produit d’appel. » Les personnes accompagnées se trouvent souvent en situation d’isolement social. Le seul fait de les réunir en groupe est bénéfique pour elles. Au cours d’un module « numérique et vie quotidienne » transversal, elles apprennent à utiliser un outil numérique sur l’aspect technique, mais pas uniquement. Il s’agit de lier cet apprentissage à l’usage qu’elles en auront dans leur vie quotidienne. Après une phase de bilan, celles qui le désirent peuvent aller plus loin, intégrer d’autres dispositifs ou des formations certifiantes plus longues. « Notre idée est de travailler en partenariat avec le tissu local. D’autres structures interviennent dans l’accompagnement, notamment les prescripteurs comme Pôle emploi, Cap emploi, la mission locale. Ou l’AAISC (Association Accueil Information Sud Charente) qui est habilitée à faire passer des badges de compétences dans le cadre d’un module spécifique, que les gens peuvent ensuite valoriser. Je pense que ce qui fait la différence, c’est l’aspect créatif, la pédagogie de projet, la stratégie de contournement. Les personnes sont connectées à du concret, ça n’est pas juste du vocabulaire. »
La mission locale de Limoges vise l’autonomie par le numérique
Les jeunes utilisent facilement leur smartphone dans le cadre de leurs loisirs. Mais ils rencontrent des difficultés à utiliser un ordinateur pour faire des recherches et des démarches administratives, s’inscrire sur des sites, formaliser des documents ou trouver un logement. C’est du moins le constat posé par la mission locale de Limoges et ses partenaires avec les publics qu’ils accompagnent dans la plupart des actes de la vie quotidienne. Connect’milo* est le projet qui a émergé de cette réflexion et d’une expérience vécue il y a quelques années par la mission locale avec la fondation Orange qui l’avait dotée de mallettes équipées d’ordinateurs portables conçues pour animer des ateliers numériques mobiles. « Faute de moyens, nous n’avons pas pu poursuivre. Mais nous avons fait le choix de conserver un espace numérique, pour que les jeunes se connectent facilement, même s’ils sont plus équipés qu’on ne le croit », décrit Corinne Reberat, directrice. « Cela dit, on s’est aperçus qu’on ne pouvait pas laisser les jeunes en accès libre, que ce soit pour la consultation ou l’inscription en ligne sur les sites de recherche d’emploi ou autres. » Le projet Connect’milo répond à la préoccupation de mieux accompagner les jeunes sur une montée en compétences. Il comprend 3 actions essentielles. La première consiste à mettre en place un parcours numérique constitué d’une dizaine d’ateliers animés de façon ludique par un conseiller spécialisé. Il doit permettre aux jeunes de viser une certification Pix. « Les jeunes ont de la facilité à aller sur les réseaux sociaux. Du coup on part un peu vite du principe qu’ils possèdent naturellement des habiletés numériques. Leur fournir des postes en libre accès, ça n’est pas ça qui leur permet de développer de l’autonomie. Notre objectif est de faire en sorte qu’ils ne soient pas dépendants de quelqu’un pour faire un CV, aller sur leur compte Pôle emploi, à la CAF ou sur Améli. » La deuxième action est la création, avec un groupe, d’un site web qui recenserait le maximum de stages en Période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) effectués par des jeunes, avec un témoignage sur l’entreprise d’accueil. Elle comprend la réalisation de petits reportages vidéo réalisés sur smartphone. Pour la partie la plus technique, la mission locale sera accompagnée par une professionnelle de l’image. Le projet débutera en septembre. Troisième axe, celui de la montée en compétence numérique des conseillers de la mission locale. « Nous voulions accompagner les équipes sur une meilleur pratique du numérique, même si ça n’est pas le socle du projet. Elles en ont besoin tout au long de l’année pour en comprendre l’intérêt et mieux en parler aux jeunes. » Le conseiller spécialisé leur présente régulièrement des outils, en leur indiquant des priorités pour éviter l’effet de « zapping » qui consiste à abandonner un outil dès qu’un nouveau apparaît, approfondir son utilisation avant de le remplacer. La principale difficulté vient du fait que le numérique évolue très vite. Plus les technologies se développent, plus la fracture numérique est évidente. L’enjeu de Connect’milo est de créer chez les jeunes un état d’esprit, les mettre en condition pour qu’ils se familiarisent à ces outils importants pour eux, par exemple dans leur connaissance du territoire. « Nous ne sommes pas là pour faire de la formation, mais développer des habiletés, faire prendre conscience aux jeunes que la maîtrise du numérique est un savoir de base. » Signe des temps, les jeunes doivent aussi être prêts à se présenter pour des entretiens à distance. Ils sont déjà préparés pour le présentiel, avec des ateliers d’entretiens d’embauche avec un réseau de parrains qui les mettent en situation. Mais l’exercice est très différent face à un écran. La prochaine étape, c’est la préparation au « pitch », la présentation de son projet en quelques minutes. « Répondre à cet appel à projets a été pour nous l’occasion de mieux structurer notre offre de services et de bouger un peu dans nos pratiques. Mais on ne va pas remplacer l’accompagnement en présentiel par l’accompagnement à distance. Nous avons poursuivi des ateliers en distanciel, mais développer des habiletés dans ces conditions n’est pas l’idéal. » A la rentrée le recours à la visioconférence continuera, notamment pour les visites d’entreprise une fois par mois. C’est le chef d’entreprise qui expose ses métiers et fait visiter ses locaux à l’aide d’un smartphone. Ce n’est pas une présentation statique par un professionnel, qui aurait moins de plus-value. « Nous sommes dans un entre-deux, une présentation un peu statique puis une visite filmée plus active, pour découvrir la logistique, la gestion des stocks, les réserves chez un commerçant par exemple. C’est plus dynamique que de visiter un magasin. » « Pour l’instant, il est difficile de tirer un bilan, notamment parce que nous n’avons pas pu aller au bout de la certification Pix. Ce sera pour nous la meilleure façon d’évaluer nos actions sur les jeunes. Nous ne sommes pas des formateurs, nous n’avons pas un déroulé de formation propre. Avec la certification nous disposerons d’un vrai repère. » * Le projet Connect'milo est financé par la Région nouvelle-Aquitaine dans le cadre de l'appel à projets "illettrisme et illectronisme" 2019.
GCIF, réinventer la formation aux métiers du commerce
Le GCIF est un organisme bordelais qui forme depuis 11 ans aux métiers du commerce et de la grande distribution. Depuis sa création, il a constaté une évolution dans la nature des publics et les exigences des entreprises, qui l’ont amené à s’interroger sur sa démarche pédagogique et sur les manières d’attirer un public en rupture scolaire, en insertion ou en reconversion. Car le domaine du commerce s’avère peu attractif et sous-estimé, notamment en raison des contraintes horaires et des évolutions des modes de vie (ouverture des magasins le week-end…) qui ont une influence sur les publics, ainsi que sur les entreprises et les organismes de formation. « Nous avons réfléchi à ce qui pourrait changer la donne sur l’attractivité du commerce, et ce qui donnerait envie de se consacrer à ces métiers », explique Coralie Vidal, directrice du GCIF. « Les nouvelles générations nous les vivons au quotidien. Nous devions redynamiser notre contenu pédagogique. » L’action menée par le GCIF, avec le soutien du FRIF, a réuni plusieurs partenaires (Opco, stagiaires, institutions, magasins, etc.) qui se sont répartis sur 4 axes de travail. Le premier chantier a consisté à optimiser et rendre « séducteur » le recrutement. « Nous avons créé un « escape game » dont le but est de démystifier l’approche du recrutement. C’est un outil qui touche aux compétences de tous les titres professionnels du commerce. On part du principe que dans le commerce, peu importe le niveau, il faut connaître les compétences de base. » Cet outil propose aux stagiaires de se confronter à différentes activités chronométrées (tactiles, virtuelles, physiques). Il est centré sur l’évaluation de la performance et des compétences sous un abord ludique. Actuellement expérimenté, il sera installé dans un premier temps dans une salle de formation. Il pourra également être fourni aux entreprises pour qu’elles s’en servent d’outil de recrutement. L’axe 2 vise à faire en sorte que le centre de formation ressemble moins à une école et soit plus attractif pour le stagiaire. C’est le mode « phygital » qui a été développé, dont l’idée consiste à aménager différentes salles ouvertes, chacune avec une vocation particulière : salles de cours, salle de tournage, magasins école (épicerie fine, prêt à porter). Elles sont organisées autour d’une pièce centrale baptisée « la vigie ». Le stagiaire évolue dans ces différents espaces de manière autonome. Il construit son parcours en suivant des modules selon un emploi du temps personnel. Il est accompagné dans son projet par un animateur toujours à sa disposition dans la vigie. La partie digitale est omniprésente, avec différents outils qui permettent de restituer la compétence, des petits logiciels pour créer des présentations originales, des moocs, des padlets, des teasers, etc. 90 % de la formation se fait en présentiel, d’où la partie « physique ». « Cette plateforme phygitale a été testée sur deux compétences (Maintenir l’état marchand du rayon et Tenir le poste “caisse”), avec des groupes qui se sont montrés très impliqués. On a passé un cap sur l’implication personnelle et le mode projet. On adapte la situation et le stagiaire voit qu’on s’intéresse à lui. En termes d’ingénierie pédagogique, c’était un gros travail. » L’axe 3 porte sur le développement de la coopération tripartite, entre apprenant, organisme de formation et entreprise. Coralie Vidal regrette que « l’effort pédagogique ne soit pas toujours relayé dans l’entreprise. » Pour elle, le message est clair : « si vous voulez que des gens viennent travailler chez vous, il faut travailler sur l’accueil stagiaire et accompagner ce temps d’intégration. » Il faut considérer le stagiaire non pas comme de la main d’œuvre gratuite qui arrive brutalement au sein de l’entreprise, mais comme un potentiel futur salarié. C’est pourquoi il faut repenser le modèle existant, sensibiliser les entreprises, accorder le temps nécessaire pour ne plus avoir de problèmes de recrutement. Dans le cadre du projet, le travail a consisté à établir des constats, faire des études et des questionnaires, afin d’aller plus loin au cours d’une prochaine étape. Quatrième thème, celui de l’attractivité des métiers. Au premier abord, le commerce n’attire pas. Et les prescripteurs ne peuvent pas y remédier seuls. « Il faut que le centre de formation ne ressemble plus à une école et soit attractif pour le stagiaire. Les magasins doivent eux aussi être plus attractifs. Tout en tenant compte des normes d’hygiène et de sécurité, surtout pour les métiers de bouche, il faut alléger les contraintes, prendre le temps d’expérimenter. » Retravailler le modèle d’attractivité implique de revoir les plannings, les missions, les charges. Et donner du sens au travail. Pour des métiers de répétition, physiquement exigeants, il faudrait rendre les équipes plus polyvalentes, tourner sur les postes. « Avec ce projet, on est dans la progressivité et dans l’envie, dans la recherche d’améliorations. Nous avons atteint l’objectif fixé lors du dépôt du dossier. Tous les partenaires ont répondu positivement quand ils ont été sollicités (Ocpo, magasins, prescripteurs, etc.). Ça n’est pas toujours le cas, donc je suis fière du travail fourni. La prochaine phase c’est l’AFEST. Nous allons pouvoir y aller progressivement avec des outils déjà prêts plutôt que de se lancer sans expérience. »
Projet COOP, un fablab pour l’entrepreneuriat
CESI est un groupe d’enseignement supérieur et de formation professionnelle qui compte 25 campus en France, dont 4 en Nouvelle Aquitaine (Angoulême, Bordeaux, La Rochelle, Pau). Parmi ses missions, CESI œuvre à la sensibilisation et au développement de l’entrepreneuriat étudiant. C’est pourquoi, depuis environ 5 ans, les campus ont commencé à développer leurs propres fablabs, conçus comme des lieux de vie accessibles aux élèves. Ils sont dédiés à l’acquisition de compétences scientifiques et techniques en mécanique, électronique, informatique, ainsi qu’aux aptitudes de travail en équipe, à la gestion de projets, à la communication. Avec quelques années de pratique, le bilan s’avère positif, sauf pour la dimension entrepreneuriat. Le campus de Bordeaux a décidé d’aller plus loin dans ce domaine. Il entretient des liens avec les incubateurs de la région et compte de nombreux anciens élèves qui ont développé leur propre structure. Le projet COOP lui a permis de franchir cette étape. « Le fablab est un lieu qui ne suffit pas s’il reste fermé et uniquement accessible aux élèves du CESI, » explique Céline Viazzi, responsable du projet COOP. « Le projet nous a permis en 2019 d’ouvrir l’accès au fablab à des publics variés, collégiens, lycéens, demandeurs d’emploi, salariés en formation, qui n’ont pas du tout dans l’idée de se rendre dans un laboratoire prototypal rapide. » Le mélange de publics fait du fablab un véritable espace de découverte, d’apprentissage, d’échanges et de développement de compétences techniques et professionnelles. Une animatrice est chargée de gérer un planning qui tient compte des capacités d’accueil entre les étudiants, les startups ou entreprises qui désirent faire du prototypage. Il a également accueilli des évènements grand public comme la fête de la science en octobre 2019. « Il est important pour nous de toucher les collégiens pour leur expliquer ce qu’on peut faire en sciences et techniques. Et pour inciter les jeunes filles à aller vers des métiers plus techniques, dans l’industrie, mais aussi dans le design, la conception de vêtements, d’accessoires. Ce que l’on cherche à faire c’est donner confiance, expliquer, cela fait partie de notre rôle. » En matière de formation, le fablab offre la possibilité d’apprendre l’utilisation d’une imprimante 3D ou d’un outil de découpe laser. Ainsi que de suivre un parcours qui va de la conception de l’idée à la mise en œuvre d’outils adaptés et de prototypage rapide. Céline Viazzi précise que l’esprit est « d’apprendre en faisant : lancez-vous, essayez, vous avez le droit de vous tromper, de faire des tests, d’améliorer. Tous les programmes de formation de notre école d’ingénieurs fonctionnent sur ce format. Au fablab, on bricole, on assemble, on teste, on réessaie, on fonctionne comme ça. Dans le cadre de COOP tout ce qu’on a développé est sur le même modèle. » Pour Sylvie Cohu, directrice de l’école d’ingénieurs, cette approche « rejoint ce que les entreprises mettent en place dans le cadre de l’AFEST. CESI a une pédagogie active qui s’appuie sur des projets aussi réels que possible, qui ont une existence par eux-mêmes. Pas du tout sur les cours magistraux et les travaux dirigés habituels. L’étudiant apprend en menant son projet. L’acquisition des compétences se fait au travers de la résolution des problèmes. Le fablab est une des façons d’apprendre. » CESI ambitionne aussi de s’adresser aux demandeurs d’emploi, afin de les remobiliser, leur faire découvrir des aspects liés aux outils numériques. « C’est la première fois que l’on fait ce genre d’actions, grâce au soutien de la Région. On en retire un bénéfice et une richesse par les nouvelles personnes que l’on côtoie, des publics dont on n’a pas l’habitude. Pour nous, il peut simplement s’agir de les familiariser au numérique et à l’innovation, dont ils ont parfois une image très inaccessible. Les mettre au contact des outils et les utiliser peut développer leur curiosité et leur appétence. » Les prescripteurs sont invités à inscrire une visite au fablab dans le parcours de leurs publics pour les amener à s’intéresser à des secteurs qui proposent des emplois, et qui pourraient leur convenir. En ce qui concerne l’entrepreneuriat, la finalité du projet est d’accueillir plus d’entreprises, de startups, d’indépendants, de créateurs. Pour autant, le fablab n’a pas vocation à devenir incubateur, il se limitera à ses missions de formation et de sensibilisation. Pendant les 18 mois d’existence, COOP s’est fixé comme objectif d’effectuer un accompagnement personnalisé pour 5 porteurs de projets qui veulent tester leur idée avant de se lancer. « L’action COOP permet à nos étudiants de côtoyer tous ces gens qui sont dans l’innovation, la création d’entreprises et de startups. C’est très riche pour eux. » Sylvie Cohu espère que « plus tard, nous serons identifiés comme acteur capable de s’adresser à des personnes éloignées de l’innovation, peut être sous forme d’événements. On est sur une rampe de lancement. Avec le projet COOP, nous avons construit et semé. Ensuite nous devrions pouvoir récolter. » Le projet COOP a été financé par le Fonds Régional d’Innovation pour la Formation de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Resto’Fabrik couve les apprentis restaurateurs
Ouvrir un restaurant ne nécessite aucun diplôme ou niveau de formation particuliers. C’est une des seules activités qui le permettent. Le point positif est que tout porteur de projet peut envisager d’ouvrir son établissement ou monter un gîte. Mais beaucoup se lancent sans avoir les prérequis. Point négatif, les taux d’échecs sont très importants, puisque 2 restaurants sur 3 ferment dans les 3 ans après leur création. Dans ces conditions, comment permettre la création d’activité dans le domaine de l’hôtellerie-restauration tout en la sécurisant ? « Par manque de connaissances, beaucoup de personnes prennent le risque de se mettre en grande difficulté » décrit Jean-Baptiste Maurin, directeur développement de la fondation INFA à Bordeaux. « C’est un constat partagé d’acteurs qui travaillent sur les mêmes sujets à différents stades, et qui sont confrontés au même problème. La fondation INFA forme des cuisiniers et des serveurs depuis plus de 30 ans, ainsi que des formations comme le permis d’exploitation. Il faut savoir que la majorité des stagiaires ont la volonté à moyen ou long terme d’ouvrir une activité. Mais on observe un réel manque de connaissances sur des éléments comme le bail commercial, les rations, les fonds de commerce, etc. » C’est pour pallier l’absence d’outil destiné à accompagner les porteurs de projets en restauration, que la fondation INFA a imaginé un parcours de formation baptisé « Resto’Fabrik ». Du fait de son caractère expérimental, il a fallu communiquer et faire la promotion du concept auprès de toute une série de prescripteurs et d’acteurs de la formation professionnelle, mais aussi de la création d’entreprises. « Nous avons une expérience et une légitimité dans la formation, mais la création d’entreprise n’est pas notre cœur de métier. Cette action nous a permis d’élargir nos connaissances dans ce domaine. » Avec la fondation INFA, les partenaires associés au sein de Resto’Fabrik sont la couveuse bordelaise Anabase et l’association la Peña rive droite, qui animent conjointement Resto Starter, la première couveuse spécialisée en restauration en France. Les professionnels sont représentés par l’UMIH nouvelle aquitaine et la Région apporte son soutien par son Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF). Enfin, Otellia, une auberge de jeunesse, qui met à disposition son outil de production, et la commune de Blanquefort, ville où sont installées toutes les infrastructures. Le public visé, ce sont les porteurs de projets, qui doivent avoir un minimum d’expérience ou une formation en cuisine (CAP), et connaître l’hygiène en restauration. « Nous prenons en considération l’ensemble d’un profil, même si les prérequis ne sont pas tous remplis. On peut avoir des personnes qui ont travaillé en tant que manager dans toutes sortes de restaurants, qui ne sont pas cuisiniers à la base, mais qui ont une connaissance du secteur, ou une expérience associative. » Dans ces métiers, il faut aussi vérifier les compétences de base : savoir lire, écrire, compter. Enfin, les candidats doivent présenter leur projet, prouver qu’ils ne viennent pas juste chercher une formation en restauration. Pour trouver les candidats, la fondation INFA organise des informations collectives et individuelles. Une fois que les personnes sont informées et continuent à exprimer leur intérêt, elles passent un entretien de motivation. Grâce à l’effet d‘annonce, les premières sessions ont été vite remplies. Par la suite, il a fallu déployer un gros effort de communication et de promotion pour se faire connaître sur un segment où il n’y avait jusque-là aucune possibilité d’accompagnement. Les sessions de formation, depuis leur lancement en novembre 2018, ont une durée de 3 mois. La première semaine consiste à travailler sur les formations obligatoires pour ouvrir son restaurant (permis d’exploitation pour les débits de boisson, hygiène en restauration commerciale (normes HACCP)). Les 2 semaines suivantes sont consacrées à la partie restauration, un peu de théorie avec les coûts matière, les bons de commande, les fournisseurs, l’organisation du travail, et des temps de pratique en cuisine : cuissons de base, gestuelles, associations primaires, etc. La partie création d’entreprises est abordée ensuite, à nouveau pendant 2 semaines, sur des thèmes comme « de l’idée au projet », le plan de financement, le budget prévisionnel sur 3 ans, la communication, le marketing, la gestion. Pendant les 8 dernières semaines, les stagiaires encadrés par des formateurs en restauration sont chargés de piloter le restaurant de l’auberge de jeunesse Otellia. L’objectif est de les former en situation de travail, de réaliser les différentes prestations pour gagner en dextérité, en rapidité et en rythme, ainsi qu’en qualité de service et en régularité. « Pour la partie restauration, on s’est appuyé sur le CQP commis de cuisine, l’objectif étant de disposer d’un référentiel, et d’un étalonnage de la compétence acquise par rapport à un diplôme existant. En ce qui concerne la création, le référentiel ce sont des formations délivrées dans toute structure proposant de la création d’entreprise. Quant à la formation en situation de travail, des gestes techniques sont mis en lien avec un apport théorique et un moment réflexif sur la situation. » Le maître mot de Resto’Fabrik est la sécurisation. Qu’elle se fasse par la création d’activité, par la réorientation vers un autre secteur ou la requalification. De fait, les suites de parcours peuvent prendre des formes très diverses, du reclassement sur une autre formation en restauration, à une réorientation complète lorsque le stagiaire prend conscience qu’il n’est pas fait pour ce métier, en passant par une création directe avec un accompagnement de la couveuse généraliste ou la couveuse Resto starter afin d’y tester son concept pendant 6 mois. Le caractère innovant du projet réside dans la collaboration d’acteurs venant de mondes différents et dans sa logique de transférabilité vers d’autres intervenants et territoires. « En parallèle, nous créons un diplôme en lien avec la branche, un « CQP d’entrepreneur de la restauration TPE », puisque les PME et TPE représentent 90% du parc de restaurants en France. Il devrait sortir en septembre, et couvrira les besoins en termes de diplôme. »
Le CIBC Sud Aquitaine poursuit ses activités... à distance
Entretien avec François BANIZETTE, Directeur du CIBC Sud Aquitaine En ces temps de confinement, vous avez opté pour une solution à distance. Quelle est-elle ? Nous avons mis en place ce système dès que nous avons compris que nous allions devoir fermer nos accueils. L’idée était d’assurer la continuité de l’activité, comme toutes les entreprises qui sont soumises aux plans de continuité. On nous avait déjà demandé de faire ça en prévention, à l’époque de la grippe H1N1. Nous avons commencé par annuler tout ce qui était collectif puisque, clairement, il y avait une consigne d’ordre sanitaire, que l’on a évidemment respectée. Pour tous les rendez-vous individuels positionnés, nous avons contacté chaque personne. Nous leur avons proposé de maintenir le rendez-vous par téléphone lorsque c’était possible, ou de le reporter si cette solution n’était pas adaptée. Ou encore pour tous ceux qui voulaient absolument passer par le biais d’une rencontre physique. Quel résultat avez-vous eu ? Nous avons reçu un accueil très favorable des gens, qui ont bien compris les contraintes et les ont acceptées en grande majorité. Petit à petit, nous avons mis en place des solutions plus élaborées, par visioconférence. Très concrètement la plupart des personnes peuvent utiliser ces solutions techniques, ce qui nous a permis de poursuivre notre travail. Nous avons également fait savoir par le site Internet et les réseaux sociaux, que l’activité continuait et que nous pouvions continuer à prendre des rendez-vous. De fait, nous sommes sollicités par de nouvelles personnes, même si ça n’est pas au rythme habituel. Nous répondons à ces nouvelles sollicitations, après avoir initialement donné priorité à toutes les personnes qui devaient venir nous voir sur nos 2 PRC (Landes et Pyrénées atlantiques). Comment faites-vous en pratique ? Les rendez-vous se tiennent à distance au lieu d’être physiques. La seule chose que nous n’avons pas pour le moment, ce sont les temps d’information collective. Ils sont plus difficiles à organiser, puisque que ça nécessite que plusieurs personnes se connectent en même temps. C’est faisable, les outils existent, mais c’est un peu plus compliqué. Nous avons privilégié l’individuel. Mais on n’est qu’au début de la deuxième semaine de confinement, et je pense que l’on pourra très vite organiser des séances collectives à distance. On se heurte encore à quelques difficultés matérielles, ou de qualité de liaison. Il y a des limites à l’exercice. D’un point de vue professionnel, comment vivez-vous la situation ? Il y a un temps d’adaptation parce que travailler à distance ne fait pas partie de nos habitudes professionnelles. Que ce soit pour la VAE ou pour nos activités de bilan de compétences, la pratique c’est de se voir et de se parler. D’ailleurs c’est souvent la raison pour laquelle les gens nous choisissent. C’est la relation directe qu’ils privilégient. Même s’il nous est arrivé de faire du conseil et de l’accompagnement à distance avec des salariés expatriés, ce n’est pas la clé de voute de notre métier. Donc ça change un peu les habitudes, mais les conseillers et conseillères sont très adaptables. Qu’est-il impossible de faire à distance ? En réalité, rien. Tout est faisable, il faut juste savoir manier l’outil, savoir partager des écrans, remplir des documents à distance. La limite n’est pas technique, mais humaine. Pensez-vous que cette expérience aura des incidences sur votre pratique habituelle ? Je pense que ce type d’outils, cette façon de faire, va venir enrichir l’arsenal de nos propositions. Ils ne remplaceront pas le face à face et les rencontres puisque, encore une fois, les personnes y sont attachées. Nous avons présenté cette solution comme un plus. D’autant que l’exercice n’est pas virtuel, on se voit, on se salue, on s’amuse même à partager un café ou un thé, comme pour de vrai dans un bureau. La situation nous oblige à en passer par là, elle a précipité la généralisation du recours à ces outils. Puisque nous avons la possibilité de télétravailler… faisons-le. Et puis la période est propice à s’occuper de son avenir professionnel. Des entreprises veulent en profiter pour encourager les salariés à faire une VAE. Ce n’est pas surprenant, c’est peut-être le moment de penser évolution ou certification professionnelles, et d’une certaine façon de préparer le jour d‘après. C’est une des raisons qui nous ont poussé à chercher une solution pour continuer le service.
A Tulle, l'apprentissage se met en scène
Former au plus près du territoire et valoriser les entreprises en tant qu’entreprises apprenantes fait partie de la logique qui sous-tend les actions de formation en situation de travail (AFEST). En 2018, le CFA Les 13 vents de Tulle a pris la décision de s’appuyer sur la formation en situation de travail pour développer, dans le cadre d’un projet soutenu par le fonds régional pour l’innovation dans la formation, des pratiques pédagogiques nouvelles destinées aux apprentis et aux stagiaires de la formation professionnelle. L’innovation, c’est le recours à la vidéo. Le projet « AFEST vidéo » s’est appuyé sur une expérience précédente. « Nous avions depuis un certain temps des « parcours territorialisés », qui s’adressaient à des apprentis éloignés du centre » précise Isabella Ernst, directrice adjointe du CFA, « particulièrement dans des métiers pour lesquels nous avions peu de demandes, et qui ne justifiaient pas une ouverture de section. Dans certains cas, nous avons délégué aux entreprises, par convention, une partie des enseignements que ces apprentis auraient dû suivre au CFA. Avec toujours l’apport d’un œil expert pour valider ce qui a été appris en entreprise. » Ce principe de délégation a été repris, et l’utilisation de la vidéo instaurée comme preuve de l’action de formation en situation de travail. Outre le fait d’éviter aux jeunes les plus éloignés de se déplacer, le dispositif présente plusieurs avantages, comme celui de permettre une montée en compétences et une valorisation des tuteurs en entreprise. Par ailleurs, il autorise une meilleure visibilité sur ce qui se fait dans l’entreprise entre deux passages au CFA. « Cette visibilité nous faisait défaut avant. Le principe de complémentarité entre l’entreprise et le centre ressemblait trop souvent à deux formations juxtaposées, sans qu’il y ait forcément d’interaction. » Les jeunes se rendent au CFA toutes les 3 semaines. C’est entre deux sessions au centre qu’ils doivent réaliser une ou plusieurs vidéos dans leur entreprise, en fonction du temps de délégation qui a été conventionné avec cette dernière. Une vidéo, c’est une scène d’une durée maximum de 4 minutes, filmée par le tuteur qui s’est formé à l’utilisation de l’outil, durant laquelle l’apprenti va réaliser un geste professionnel tout en l’expliquant, ou décrire un processus de fabrication. On se concentre à chaque fois sur un aspect technique particulier en rapport avec le référentiel. La dimension d’individualisation du parcours réside dans le fait que chaque jeune suit un programme correspondant aux activités de son entreprise. « Notre public est plus à l’aise avec cet outil qu’à l’écrit, il y est plus habitué. L’application permettant les vidéos est implantée sur leur téléphone, c’est très simple à utiliser. Mais on ne fera pas du 100 %, certains jeunes refusent le principe. Pour d’autres, c’est trop compliqué, puisque l’on attend d’eux de montrer un geste, mais aussi de mener une analyse réflexive. C’est-à-dire d’expliquer ce qu’ils font, pourquoi ils le font, et comment. Ce sont des choses qu’on a parfois du mal à obtenir dans le cadre de l’apprentissage traditionnel. Mais il n’y a pas de FEST sans analyse réflexive.» Le déploiement du dispositif s’est avéré assez long, ne serait-ce qu’en raison du changement radical d’approche pour les formateurs, les tuteurs et les jeunes. Après un travail d’identification de tous les gestes professionnels nécessaires à maîtriser pour un niveau CAP (pour l’instant le seul diplôme préparé selon cette modalité), les formateurs se sont rendus dans les entreprises volontaires (150 depuis le lancement) afin d’étudier le référentiel avec elles, puis élaborer une sorte de livret des compétences indispensables. Une convention encadre tous ces engagements, notamment le nombre d’heures de délégation, c’est à dire le temps pendant lequel l’apprenti est en formation en situation de travail. Les documents technologiques lui sont fournis pour qu’il puisse préparer ses interventions. « Nous n’avons pas encore atteint le rythme de croisière. Nous avons progressivement constaté qu’il était nécessaire d’établir des conventions qui fixaient bien les termes. Nous n’avions pas pensé initialement au livret d’activités, mais il est apparu comme incontournable pour guider les tuteurs. Et dès lors que l’on utilise la vidéo, se pose la question du droit à l’image. Donc au fur et à mesure, nous avons ajouté tel ou tel élément. » Les contenus filmés appartiennent aux jeunes et aux entreprises. Ils sont conservés sur une plate-forme numérique jusqu’à un an après la fin de la formation. Les vidéos sont ensuite données aux jeunes puis effacées de la plate-forme. La pratique, déjà en genèse avec les parcours territorialisés, a montré qu’elle pouvait convenir à tous les apprenants, qu’ils aient ou non des problèmes de mobilité. Au point que le CFA Les 13 vents envisage d’en faire une de ses modalités pédagogiques régulières, voire centrale dans son organisation. « Nous allons essayer d’étendre le dispositif à plus de parcours, et pas seulement sur des métiers de niche. Son développement pourrait notamment se faire dans le cadre du pacte régional d’investissement dans les compétences. »
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Formation digitale à la carte pour une meilleure qualité de vie au travail
Pour les professionnels de la santé, la crise du COVID est venue ajouter aux problèmes de ressources humaines caractéristiques du secteur, marqués notamment par des pénuries de personnel sur des postes essentiels (aide-soignant(e)s, infirmier(e)s, paramédicaux). Ces métiers souffrent d’une faible attractivité, d’une exposition importante aux risques professionnels, à la fois physiques et psychologiques, d’une surcharge de travail grandissante. En Nouvelle-Aquitaine, la moitié des salariés de la branche associative ont plus de 45 ans, ce qui pose le problème de la gestion des secondes parties de carrière. Comment l’Opco Santé*, partenaire emploi formation de ses adhérents, peut-il les accompagner, les outiller et les former afin que le management puisse résoudre des enjeux RH structurels forts en se saisissant des questions de santé et de qualité de vie au travail ? Pour Sylvie Godard, secrétaire générale, « ça, c’est la motivation de départ.» Les initiatives qui visent à améliorer la santé au travail pour fidéliser les salariés, limiter le turnover et anticiper les évolutions, ne sont pas nouvelles. « Depuis 2015, nos administrateurs ont souhaité poursuivre la dynamique et l’offre de services que nous avions déjà développée auprès de nos adhérents sur la prévention et la promotion de la santé au travail, qui nous avait permis de toucher plus de 1 000 stagiaires dont 180 travailleurs handicapés travaillant dans les ESAT. Notre objectif était de proposer des solutions formation qui permettent aux structures de déployer des démarches pérennes autour de ce thème. » L’opco distingue 4 niveaux de maturité des structures sur la question de la santé au travail. De l’établissement constatant que le problème de la santé au travail existe mais n’a pas engagé de démarche, à celui qui maîtrise les indicateurs et veut élaborer une stratégie efficace de prévention. En passant par l’adhérent qui est convaincu mais a besoin de se former, et celui qui a entamé un travail et voudrait le pérenniser en abordant des thématiques précises comme l’usure dans l’emploi ou l’intégration du handicap. « Pour toutes ces situations, nous avons construit des réponses différentes : réunions d’information, ateliers méthodologiques, recherches actions, formations menées avec des partenaires comme l’ARACT. Nous avons conçu notre opération comme un cycle qui avait l’ambition de s’adresser à tous les adhérents, quel que soit leur niveau de maturité dans l’appréhension de la problématique. » En 2019, les administrateurs ont décidé d’aller plus loin, souhaitant que l’ensemble des services soient rendus disponibles en format digital. Le but étant d’outiller et former encore plus d’adhérents sur des démarches de prévention et de promotion, quelle que soit leur localisation géographique. Le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation a permis de lancer la démarche, qui a également été portée à l’opco national. Ce dernier apporte un complément de financement afin que l’expérimentation se déploie en Nouvelle-Aquitaine en 2021, dans la perspective éventuelle, en fonction des retours d’expérience, de la généraliser à l’ensemble des adhérents en France. « Le principe du projet est de transposer toute notre offre de services en format digital grâce à une plateforme LMS. Donner accès à des moocs, serious games, de la FOAD, toute une palette plus ludique et interactive complémentaire des ressources formation uniquement présentielles. Le pari c’est de laisser aux adhérents le choix de suivre un parcours 100% digital, mixte, ou encore de continuer à faire du 100% présentiel. » L’offre baptisée Santéo sera disponible en février 2021. Sur la page d’accueil du site Opco Santé Nouvelle-Aquitaine l’adhérent trouvera un diagnostic de positionnement par rapport à la santé au travail. Au maximum une quinzaine de questions pour que l’algorithme construise un parcours personnalisé. Cette préconisation lui sera envoyée par courriel. Il rencontrera ensuite un conseiller opco qui l’aidera à affiner son parcours pour l’année 2021 : modules, modalités, publics, périodes, avant de s’inscrire directement sur la plate-forme. Les publics ciblés sont les directeurs d’établissement, les DRH, ainsi que les chefs de mission, des services qualité, les chefs de projet santé au travail, les instances représentatives du personnel et l’encadrement de proximité. Le catalogue comporte un mooc sur les fondamentaux de la QVT, des ateliers méthodologiques ayant pour thèmes « quelle pratique managériale pour favoriser la santé au travail au quotidien », « communication interne et santé au travail » ou « QVT et TIC ». Il inclut également un cycle sur la prévention, et 5 modules additionnels sur la prévention des addictions au sein de l’établissement, l’usure professionnelle ou encore la prévention des inaptitudes (ergonomie, TMS …). « Nous savons bien que le temps des dirigeants se rétrécit avec la multiplication des injonctions de leur tutelle, la raréfaction des fonds, le modèle économique, tant dans le secteur associatif que privé. Nous faisons l’hypothèse que proposer ces solutions en digital permettra au plus grand nombre d’en bénéficier. » Dernière réponse proposée, un serious game, une modalité ludique choisie pour donner des clés aux DRH afin de repérer les salariés en situation de proches aidants, leur expliquer les obligations qu’ils ont vis-à-vis de ces salariés, les acteurs et les ressources qu’il peut mobiliser. Le but est de travailler sur la « marque employeur » et la dimension de responsabilité sociale de l’entreprise, tout ce qui permet de fidéliser les collaborateurs. Un des objectifs de l’offre est d’aider à la formalisation des pratiques. L’accompagnement consiste à outiller et fournir des réponses très concrètes et opérationnelles. « Il faut que ce soit intégré et porté par le management, mais surtout par la gouvernance, en lien avec les IRP. S’il n’y a pas ces éléments réunis dès le départ, il y a peu de chance que le projet aboutisse. Cela conduit à l’épuisement et à la démotivation du directeur qui essaie de mettre en place des choses sans y parvenir. Et qui ne comprendra pas pourquoi ça ne veut pas bouger. » * L’Opco Santé Nouvelle-Aquitaine représente l’ensemble des branches de la santé privée, principalement le sanitaire et les personnes âgées, soit 87 000 équivalents temps plein, 1 000 structures et entreprises sièges, 2 600 établissements. Pour en savoir plus : Sylvie Godard Secrétaire Générale OPCO Santé Nouvelle-Aquitaine (sylvie.godard@opco-sante.fr) Marine Pallas, Chargée de projet ingénierie – Offre Santé au travail (marine.pallas@opco-sante.fr )
La méthanisation agricole, du déchet au biogaz
La méthanisation est une technologie de dégradation contrôlée des matières organiques qui produit du biogaz et un résidu appelé digestat, utilisé comme fertilisant et amendement. Elle intéresse le milieu agricole en raison de la disponibilité dans les exploitations de matières transformables comme les déjections d’élevage, résidus de cultures, déchets verts. En 2019, on comptait plus de 600 unités de méthanisation de différentes puissances. Elle répond à plusieurs enjeux actuels, notamment ceux de production d’énergies renouvelables, de valorisation des déchets agricoles, et d’économie circulaire. C’est donc une réalité qui s’ancre progressivement, au point qu’il existe une Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France qui regroupe plus de 322 adhérents. L’AAMF fait entre autres actions remonter les besoins de terrain pour piloter des unités de méthanisation puisque, en l’absence de formation spécifique, les premiers agriculteurs méthaniseurs se sont formés au fur et à mesure, en échangeant entre eux, en s’inspirant d’exemples étrangers pas forcément très adaptés… « J’avais déjà fait des enquêtes auprès des agriculteurs méthaniseurs en Dordogne pour savoir quelles étaient les spécificités de ce métier, donc j’avais déjà un point d’accroche dans la méthanisation » précise Carine Dumas-Larfeil formatrice au CFPPA de la Dordogne. « J’ai également rencontré un collègue de Bar-le-Duc qui proposait déjà un diplôme universitaire en méthanisation, mais plus axé bureau d’études. Par la suite la profession s’est rapprochée de nous, et nous avons travaillé tous ensemble sur un projet de formation plus pratique. » Cette démarche a été un travail de longue haleine. Les partenaires ont recensé les besoins de la profession dans une note d’opportunité fournie au ministère de l’Agriculture, qui de son côté a réalisé des enquêtes. Au final, début 2019, le Certificat de Spécialisation Responsable d’Unité de Méthanisation Agricole a été créé. « Au CFPPA de la Dordogne, avec d’autres centres de formation (Bar-le-Duc, les Herbiers, Laval, Montbrison), nous avons décidé de le mettre en place. Nous faisons partie du groupe de travail formation de l’AAMF, et nous travaillons en réseau pour quadriller la France au moins par grandes régions. » Le responsable d’unité de méthanisation agricole est un nouveau métier aux compétences très spécifiques. Selon l’installation, il doit vérifier différents paramètres tout au long de la journée, effectuer des opérations programmées, surveiller l’alimentation du digesteur. Mais cette activité n’est pas forcément à temps plein au sein d’une exploitation, même si une présence est requise. « En Dordogne ce sont plutôt des petites unités, avec un ou deux agriculteurs. Après il existe d’autres formes d’installations, avec des unités un peu excentrées par rapport aux exploitations qui apportent de la matière. Dans ce cas, il y a quelqu’un qui est là à temps plein pour gérer les transports, les intrants, et gérer le côté administratif. » Grâce au soutien du Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF), le CFPPA s’est fixé plusieurs objectifs : développer le partenariat avec la profession, élaborer des formations en situation de travail, construire des outils en lien avec des situations professionnelles. « Nos partenariats et notre réseau étaient déjà conséquents, mais nous avons continué à le développer en participant partout en France à des salons, à des formations, des journées techniques, etc. Le premier objectif, c’est le développement du partenariat qui vise également à trouver des lieux de stages et de visites, prendre contact avec des intervenants professionnels. On développe aussi les réseaux sociaux, où on fait connaître la formation. » Deuxième axe, former les stagiaires en situation de travail. Le CFPPA de la Dordogne dispose sur site d’une exploitation agricole, d’un atelier de transformation et d’une unité de méthanisation, où les stagiaires peuvent se rendre pour observer et travailler. C’est de là que les formateurs tirent les situations de travail à faire pratiquer aux apprenants. Troisième action, la construction d’outils en regard de situations professionnelles. Des outils de pilotage, des études de cas qui peuvent être faites lors des visites, qui pourront être travaillées ensuite en centre et venir abonder une banque de données. La formation elle-même est organisée en 3 blocs de compétences : gérer les flux d'entrée et de sortie, assurer le fonctionnement du digesteur, piloter l'unité de méthanisation. Chaque bloc comprend des périodes de 4 semaines en centre, et des périodes de 6 semaines en entreprise. Cette alternance favorise le retour d’expérience compte tenu de la diversité des unités de méthanisation et des process, etc. « Nos stagiaires ont des profils agricoles, électrotechniques et mécaniques. Nous demandons un diplôme agricole ou une année d’expérience en agriculture. Ensuite nous complétons soit l’aspect agricole, soit l’aspect maintenance. Nous avons fait une information collective auprès de demandeurs d’emploi, je pense qu’à cause de ses différentes contraintes (horaires, extérieur, astreintes, etc.), et pour éviter les mauvaises surprises, il faut qu’ils aient déjà évolué dans un contexte agricole. » A cette date, une première promotion de 3 personnes a terminé sa formation en septembre. Une autre est en cours, avec 7 stagiaires. Le CFPPA a prévu une session par an, mais ce chiffre pourrait augmenter en fonction des demandes. « Notre problème est de trouver des candidats. La formation est assez longue, 12 semaines en centre et 18 en entreprise. C’est un nouveau métier et la méthanisation agricole n’est pas encore très connue. Surtout en Nouvelle-Aquitaine où il n’y a pas forcément beaucoup d’unités par rapport à d’autres régions. Les professionnels formés doivent aussi accepter de bouger, de se rendre là où sont les installations et les projets. »
Interfacéa repère et forme les futurs salariés de l’aide à domicile
Absentéisme, difficultés de recrutement, contraintes budgétaires, manque de formation initiale du personnel sont des réalités auxquelles sont quotidiennement confrontés les Services d'Aide et d'Accompagnement à Domicile (SAAD). Le constat est général, notamment en ce qui concerne l’aide à domicile, qui reste un métier difficile, peu valorisé, peu rémunérateur, avec des contraintes horaires importantes (soir, matin, week-end). Ces salariés, majoritairement des femmes, expriment aussi un manque de reconnaissance sur ce qu’ils apportent aux personnes âgées dépendantes. « En Charente-Maritime, notre SAAD avait lui aussi ce problème » décrit Pascale Renoux, directrice déléguée du groupe MSA des Charentes. « Nous nous sommes dit que l’on pourrait réfléchir à une plateforme de mise en relation des personnes en recherche d’emploi et des services d’aide à domicile qui cherchent des salariés. » Un travail a été mené en interne par des conseiller(e)s déjà habitué(e)s à accompagner des personnes dans l’emploi. L’idée était de recevoir des CV, de mener des entretiens avec des candidats susceptibles d’occuper une place dans l’aide à domicile puis, après une première sélection, de présenter aux SAAD qui en font la demande des personnes qu’ils pouvaient recruter. La plate-forme Interfacéa est née de cette réflexion. Ce projet a été présenté au conseil départemental de la Charente-Maritime et à la Région Nouvelle-Aquitaine, ce qui a permis notamment d’obtenir un financement fin 2019 par le biais du Fonds Régional d’Innovation pour la Formation. « Avant cela, depuis 2018, nous avons mené une expérimentation qui portait sur le pré-recrutement, » précise Hervé Lalanne, chargé de projet. « Nous recevions des offres d’emploi de la part des SAAD, puis on se chargeait de procéder à une sélection pour leur proposer des personnes compatibles avec leurs besoins. Nous faisions quasiment leur recrutement. En 2019 nous avons reçu environ 70 sollicitations. En 2020, nous en sommes à 85 malgré la crise sanitaire. » La démarche a plusieurs effets : développer une reconnaissance de la part des SAAD qui prennent l’habitude d’utiliser le service, et développer progressivement un « vivier » de candidats. « Aujourd’hui je pense que l’on répond à près de 70% des demandes des SAAD en Charente-Maritime. Nous touchons aussi quelques acteurs privés. » En pratique, le projet a été développé par l’association Atouts et compétences, auparavant MSA formations, qui est sous convention avec le CD 17 pour accompagner les bénéficiaires du RSA vers le soin et leur proposer un « appui social individualisé », et met également en place des actions de formation et d’accompagnement sur l’inclusion numérique. Interfacéa, autre mission portée par Atouts et compétences, est mise en œuvre par deux conseillères emploi mobilisées à temps plein sur la plate-forme. L’intermédiation en est le premier volet. Il s’agit de la poursuite de l’expérimentation préalable à sa création, sachant que les offres d’emploi « anonymées » apparaissent sur le site « Indeed ». Les candidats savent à quel secteur géographique correspond le poste, mais pas précisément à quel service. Pour Pascale Renoux, « la plus-value de la plateforme est qu’elle analyse l’ensemble des candidatures (plusieurs centaines depuis le début du projet), réalise éventuellement des entretiens avec les candidats, effectue un premier tri. Cela évite aux SAAD de faire ce travail et de disposer assez rapidement de candidats « clés en main. » Le deuxième concerne la formation, qui répond à la fois aux besoins des SAAD et à ceux des salariés qui doivent apprendre les gestes, postures et connaissance des outils pour travailler dans les meilleures conditions. Interfacéa propose un catalogue comprenant des formations initiales, des formations continues et des formations courtes. « Beaucoup de candidats nous disent que les formations de 4 à 6 mois sont trop longues. Nous proposons, avec les MFR, des formations de 2 jours maximum qui enseignent les éléments techniques d’une tâche. On peut les cumuler en fonction de son parcours, ou apporter certaines compétences et techniques à des personnes qui ont déjà un peu d’expérience, pour les rendre employables rapidement. » Troisième mission, la valorisation des métiers de l’aide à domicile, qui restent méconnus et n’attirent pas véritablement. L’idée est de les faire mieux connaître, en exposer les aspects positifs sans occulter les contraintes qu’ils impliquent en matière de mobilité, d’horaires atypiques, de garde d’enfants, etc. Aujourd’hui, le nombre de candidats est déjà insuffisant, alors que le besoin est croissant et que la moyenne d’âge des intervenants dépasse largement les 50 ans. Ce qui laisse augurer, dans un futur proche, des difficultés de recrutement encore plus importantes. Pour Hervé Lalanne, il faut essayer d’anticiper cette situation. « Nous développons des accompagnements vers les demandeurs d’emploi et toutes les personnes qui voudraient travailler dans les métiers de l’aide à domicile, qu’elles soient peu ou pas formées. C’est la démarche vers laquelle nous voudrions aller, des accompagnements pour augmenter ce potentiel de candidats. » Autre problématique, celle de la fidélisation des salariés, qui ont d’autant plus de facilité d’être « nomades » que les besoins sont partout. En libérant du temps aux SAAD sur la question du recrutement, Interfacéa peut leur permettre de consacrer plus à l’accueil des nouveaux entrants et à l’amélioration continue des conditions de travail sur ces métiers difficiles, ce qui aurait pour effet de retenir les salariés dans leurs structures. Tout en étant conscient qu’il faut assurer l’activité au quotidien et parfois répondre dans l’urgence aux besoins des personnes âgées. « Nous sommes en train de créer un modèle, que l’on peut exporter sur d’autres territoires pour les métiers de l’aide à domicile, ou pour d’autres métiers qui connaissent les mêmes difficultés de recrutement. La dimension plateforme permet de regrouper tous les acteurs d’un secteur d’activité, employeurs, professionnels, candidats, organismes de formation, qui ne communiquent pas toujours autant qu’il le faudrait. » « Le projet est important pour nous », ajoute Pascale Renoux. « Nous disposons des personnes compétentes, et nous voulons pérenniser la structure, mais le financement futur pose question. Dans le récent rapport El Khomri sur les métiers du grand âge, la création d’une plateforme départementale des métiers du Grand âge est évoquée. Nous avons le sentiment qu’Interfacéa est adaptée aux enjeux et s’inscrit entièrement dans cette logique départementale, mais également nationale. »
Renforcer l’accompagnement des personnes âgées et valoriser les métiers de l’aide à domicile
Dans le cadre de ses fonctions, Nadine Sicault, chargée de mission à la MFR de Gençay (Vienne), est amenée à rencontrer des demandeurs d’emploi et des salariés qui font, ou ont fait, de l’accompagnement au domicile auprès de personnes âgées. Elle a constaté qu’une demande était fréquemment exprimée par ces intervenants, celle de pouvoir acquérir les compétences pour « faire plus » auprès des bénéficiaires. Par ailleurs, les personnes âgées elles-mêmes sont en demande d’accompagnement qui vont au-delà de l’aide à la toilette et aux repas. « Depuis une dizaine d’années, nous formons une quinzaine de stagiaires par an au métier d’animateur en gérontologie (titre de niveau 4). Nous avons considéré qu’il fallait réfléchir à une formation destinée aux personnes qui travaillent au domicile, qu’elles soient ou non salariées. Le besoin était réel, le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF) est intervenu pour nous permettre d’étudier son contenu, le décrire et le formaliser. L’objectif est d’aller jusqu’au référentiel. » Le projet de la MFR de Gençay est donc de créer une nouvelle formation « d’animateur » spécifique, dont le sujet serait l’animation à domicile. Il a débuté par une première phase d’écoute et de diagnostic. En l’occurrence, le terrain d’observation choisi est l’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR) de la Vienne, avec laquelle a été signée une convention en février 2020. « L’intérêt de l’ADMR c’est qu’ils ont à la fois des structures qui travaillent en Vienne Sud, et un regard sur toute la Vienne. L’étude va déterminer les modalités (titre, formation à part entière ou pas). Pour ce travail, je suis accompagnée de Brigitte Géhin Responsable du développement des titres de l’union nationale des MFR qui peut demander son enregistrement au RNCP, parce que nous voulons une formation qui soit reconnue. » Une première réunion s’est tenue en début d’année avec une vingtaine de personnes, membres du CA et salariés de l’ADMR motivées et réactives. L’objectif était de mieux comprendre le secteur, le contexte de travail géographique des différents intervenants, leurs activités, ainsi que les compétences nécessaires, les contraintes et les aspects légaux. Après avoir été repoussées pour cause de crise sanitaire, d’autres réunions participatives se déroulent depuis la rentrée afin de nourrir en profondeur le travail de recherche, d’enquête et de diagnostic. « Quand on parle de l’analyse du territoire, on parle aussi du territoire relationnel, qui ne sont pas exactement les mêmes. Il faut que tous les partenaires de l’aide à domicile soient partie prenante, soient intégrées à la réflexion. » Le principal souhait des professionnels du domicile est d’accompagner les personnes âgées sur le plan relationnel, avoir plus de temps d’échange et de dialogue, ne serait-ce que pour maintenir leur mémoire et de les stimuler intellectuellement. Pour cela, il faut être en capacité de recueillir et d’analyser leurs attentes, d’accepter de comprendre le point de vue de l’autre, partir des besoins de la personne âgée sans les mettre en difficultés ou en danger. Pour valoriser les métiers de l’aide à domicile, « ce n’est pas qu’une question d’affectivité, ça va bien au-delà. Le principe pourrait être de prolonger le métier, les soins le matin et les activités plus ludiques, pédagogiques et de stimulation l’après-midi et qui demandent des compétences spécifiques. Cela permettrait aussi de fournir un complément d’activité aux intervenants qui ont rarement des temps pleins. D’ailleurs nous travaillons en réunion sur la question des emplois du temps découpés. » Cependant, il existe moins de solutions de financement pour des formations longues. Un des problèmes est que les intervenants à domicile sont majoritairement de niveau V (niveau 3 dans la nouvelle nomenclature), et que les métiers sont mal reconnus, voire dévalorisé. La volonté de la MFR est d’aboutir à une formation diplômante avec un potentiel d’accompagnement suffisant et adapté aux contraintes des personnels. Elle s’adressera à des personnes proches de la retraite (offrant ainsi une solution à la gestion des fins de carrière), et à des intervenants à domicile expérimentés, qu’ils soient demandeurs d’emploi ou salariés en activité. Les personnes en reconversion et travailleurs handicapés peuvent éventuellement être concernés, mais une connaissance préalable du domicile sera privilégiée. La suite du projet dépendra des résultats de l’analyse en cours. « L’analyse des réunions permettra de dégager un référentiel de formation avec un descriptif de métier dans le but d’un enregistrement au RNCP pour avoir une reconnaissance. Pour cela, il y a plusieurs entrées possibles : un CQP, l’inventaire, ou un RNCP entier. Cela va dépendre des résultats du diagnostic. »
D-CLICS, Le numérique comme support d’apprentissage des savoirs de base
« A la ligue de l’enseignement, notre cœur de métier c’est de travailler pour les compétences de base », explique Karin Tudal, directrice de l’Atelier Pédagogique Personnalisé (APP) de Bergerac. « En Dordogne, nous sommes reconnus comme un acteur important dans le champ de la lutte contre l’illettrisme. Et en tant que membre du comité consultatif de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI), je suis sensibilisée aux questions de maitrise du numérique de base pour les personnes en difficulté de lecture et d’écriture, et à l’accès aux droits face à la digitalisation des services publics. C’était la motivation pour élaborer le projet D-CLICS. » D-CLICS a été lancé en partenariat avec l’Association Périgourdine d'Action et de Recherche sur l'Exclusion (APARE) de Périgueux, qui gère un centre d’hébergement en urgence et un centre de formation pour les savoirs de base et la lutte contre l’illettrisme. L’idée était de couvrir l’ensemble du territoire départemental. Son principe est de proposer des modules très simples sur les compétences de base en numérique et sur les droits en ligne. Les personnes intéressées sont accueillies par une coordinatrice qui évalue leur niveau de connaissance des outils numériques et des savoirs de base. En fonction de ce positionnement, un programme personnalisé est défini (nombre d’heures, thèmes) en tenant compte du rythme de chaque personne. Les publics viennent essentiellement pour des questions d’ordre administratif et de vie quotidienne (faire un CV, une lettre de motivation). La première étape de l’aide qu’ils reçoivent à l’APP consiste à lever leurs appréhensions, voire leurs peurs, de dédramatiser l’outil et de s’approprier la dimension numérique de la lecture et de l’écriture (utiliser un ordinateur, c’est 90% de l’écrit). Les parcours peuvent durer jusqu’à 150 h. Mais pour un démarrage, pour apprendre certaines bases, la moitié peut suffire. « Le numérique est un prétexte pour entrer ensuite sur les savoirs de base. On essaie de motiver les gens pour qu’ils reviennent sur un dispositif de droit commun. Si on voit que quelqu’un rencontre réellement des difficultés d’écriture, on peut coupler avec un travail sur la graphie, la lecture et l’écriture de base. » L’évaluation des acquis intervient en milieu et en fin de parcours. Par la suite, on essaie d’établir des passerelles avec des dispositifs de droit commun du type de l’habilitation de service public « socle de compétences » de la Région Nouvelle-Aquitaine. Les personnes sont bien évidemment libres de poursuivre ou pas leur parcours. D-CLICS agit comme un sas, une solution souple et ouverte, pour mettre les gens en confiance. « En fait nous mettons en pratique ce que nous faisions déjà, mais dans un cadre plus formalisé, un dispositif contraint avec des prescriptions, des parcours normés, etc. Le but était de mettre en place une offre souple et personnalisée. Un genre de service public, une offre permanente sur les territoires de Bergerac et de Périgueux, pour des personnes qui viendraient chez nous uniquement sur le champ de l’illectronisme. Avec l’idée, en deuxième plan, d’utiliser le numérique dans tous les apprentissages. » Dans cette approche, on ne travaille pas sur les compétences de base avant d’aborder l’outil numérique. Ce dernier est utilisé dès l’entrée du parcours, comme une sorte de levier. L’objectif est d’éviter de revenir aux savoirs de base sur le mode papier-crayon, ce qui peut être très perturbant pour une personne en situation d’illettrisme parce qu’elle pourrait se croire ramenée à une posture scolaire. En passant par un outil numérique, même s’il peut être effrayant de prime abord, et une fois que les usagers ont intégré l’idée que l’on pouvait utiliser un traitement de texte pour rédiger une lettre par exemple, il est possible de revenir sur la maîtrise de l’écrit, en réduisant leur appréhension. L’APP utilise désormais le même principe pour toutes ses activités. « On le fait aussi pour le Français Langue Etrangère en passant sur des sites en ligne. Il y a l’usage pratique pour tout ce qui concerne l’accès aux droits, et il y a l’usage du numérique comme support pédagogique. Quelqu’un qui entre en formation va fatalement devoir utiliser un ordinateur ou passer par une formation en ligne. C’est une obligation de connaître cet outil, pas seulement pour remplir ses impôts ou son dossier CAF ou Pôle emploi, mais aussi dans une logique d’apprentissage de base, qualifiant ou pré qualifiant. » L’APP dispose d’une salle informatique qui sert autant pour l’accompagnement social (RSA) que pour des ateliers numériques. Autre dimension du projet, la sensibilisation des acteurs de premier accueil (missions locales, PLIE, Pôle emploi…) sur des aspects de formation. L’ANLCI a été sollicitée pour apporter son expertise en matière de formation de formateurs, pour aider au repérage des personnes en difficulté avec la lecture, l’écriture et le numérique. « Je vois D-CLICS comme une offre complémentaire à ce qu’on a déjà, comme un sas. Le fait que les gens viennent dans cet endroit où on développe des savoirs, simples mais importants, c’est déjà une forme d’entrée dans la compétence numérique et des savoirs. On est bien dans une complémentarité d’offres sur un territoire, et ça peut générer de l’appétence pour d’autres types de parcours. »
Réalité virtuelle et maintenance industrielle
L’IFRIA Nouvelle-Aquitaine est un centre de formation d’apprentis et de formation continue spécialisé dans les métiers des industries agro-alimentaires. C’est une structure entièrement hors murs, ses 250 apprentis évoluent tous sur des sites différents, des lycées et universités qui possèdent leur propre plateau technique et mettent à disposition les compétences de leurs formateurs. « Nous n’avons pas de plateau dédié », explique Vincent Cherel, directeur. « La plupart de nos formations se font avec les outils des entreprises. Nos propres formateurs interviennent sur les actions de formation continue, de montée en compétences, parfois en complément sur une formation. La réalité virtuelle est un principe qui nous convient bien. » C’est en 2019 que la démarche d’imaginer des modules de formation en réalité virtuelle a été lancée, d’abord sous l’impulsion d’un appel d’offres de l’Opco de branche (Ocapiat). Le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF) de la Région a ensuite été l’occasion de travailler sur un autre module. Le centre a voulu dès le départ associer à sa réflexion des partenaires réguliers (la société Fromarsac, les Grands Chais de France, Boncolac et Planète végétale). Le futur outil devait être suffisamment transversal pour convenir à ces différentes entreprises. Sujet choisi : la maintenance de premier niveau dans un unité de production, les fondamentaux que chaque conducteur de machine doit maîtriser. Le module virtuel a une triple vocation : la découverte des métiers et de l’environnement industriel, la formation des apprentis, et une partie évaluation. « L’idée de l’outil c’est qu’il puisse, demain, servir dans le cadre de la formation initiale par la voie de l’apprentissage. Ainsi que pour les demandeurs d’emploi dans la filière vins et spiritueux, afin de mettre en situation la personne sur la découverte des métiers puis pendant la formation. On peut aussi envisager que sur la partie CQP que l’on fait (régleurs sur ligne d’embouteillage par exemple), l’évaluation d’une compétence se fasse par ce biais. » Le travail a débuté par l’élaboration du cahier des charges. Il fallait faire la part entre ce qui est souhaité et ce qui est faisable, sélectionner les gestes intéressants à mettre en place sur le plan pédagogique, sachant que dans certains cas, le présentiel reste incontournable. Les entreprises partenaires ont aidé à repérer les compétences et habiletés nécessaires. Le choix a final a porté sur une chaîne de production réelle, un type de machine adapté à l’apprentissage de principes de maintenance applicables ensuite sur d’autres équipements. Les deux cabinets spécialisés chargés de la virtualisation ont ainsi pu travailler sur un modèle réel, de manière à ce que les futurs utilisateurs aient l’impression d’entrer dans une véritable salle de production, trouver rapidement leurs repères pour interagir avec la machine. En parallèle de la modélisation, il faut également mettre en place les actions pédagogiques, les gestes qui permettront d’évaluer les compétences et les savoirs de la personne sur la conduite et la maintenance. « Nous sommes partis sur la base d’une vraie machine à Bag-in-Box (conditionnement et emballage), en l’occurrence dans l’environnement des vins et des spiritueux. L’intérêt de la réalité virtuelle, c’est que l’on fait des choses qu’on ne ferait pas avec une vraie machine. On peut entrer dedans, voir des parties inaccessibles. Ou faire des erreurs qui n’auront pas d’impact sur le matériel. La réalité virtuelle c’est le droit à l’erreur. » « On le conçoit comme un outil complémentaire à la formation en présentiel. En aucun cas on ne fera des journées entières en réalité virtuelle. Ne serait-ce qu’en termes d’attention, car ça demande beaucoup de concentration. » Le module a une durée d’environ trente minutes, qui s’inscrira dans le cadre d’un cours sur la maintenance. C’est une modalité pédagogique différente et complémentaire à la disposition du formateur. Un seul opérateur agit dans l’espace virtuel, mais d’autres personnes peuvent visualiser ses actions. L’animateur peut s’en servir pour l’ensemble d’un groupe. « Les formateurs ont eux aussi été associés à la définition du cahier des charges. Dans la phase de livraison du module, il faudra qu’ils se l’approprient et l’envisagent comme une modalité pédagogique supplémentaire. Demain ils seront animateurs, c’est un outil qui changera forcément un peu leurs pratiques. Mais l’objectif reste le même. » Le module devrait être livré à l’automne, et pouvoir être intégré immédiatement dans les formations. Y compris pour les entreprises qui pourront l’utiliser de manière autonome. Par la suite, il rejoindra le « campus numérique » d’Ocapiat, dont le but est de réunir les modules développés par tous les organismes. Le campus constituera ainsi une sorte de bibliothèque de modules dans lesquels les organismes pourront aller chercher des outils pour complémenter leurs formations.
Tutorat en apprentissage, un rôle qui s’apprend
Depuis 2 ans, les politiques publiques s’efforcent de relancer l’apprentissage qui a largement prouvé son efficacité dans l’insertion professionnelle des jeunes. Cependant, un apprenti sur 5 ne va pas au terme de son contrat pour des raisons qui tiennent notamment aux mauvaises conditions de travail et à la défaillance de l’accompagnement. Trop souvent, les entreprises n’ont pas de programme d’intégration, des tuteurs insuffisamment préparés, des consignes peu ou pas du tout formalisées. L'EPLA (Etablissement Public Local Agricole) de Venours avait déjà posé le constat, dans ses relations avec les entreprises, que le suivi professionnel comporte trop de lacunes. Une visite épisodique au long d’un parcours de trois ans ne suffit pas à renforcer les liens. Lors d’une médiation en cas de situation à la limite de la rupture de contrat, il s’avère le plus souvent que les consignes manquent. En cause, le fait que l’exploitant agricole qui travaille seul ne dispose pas toujours des compétences et des outils adaptés à l’encadrement. « Nous avons voulu renforcer la formation des maîtres d’apprentissage » explique Stéphanie Séguineau, directrice. « Nous le faisions déjà, notamment en partenariat avec la Chambre d’agriculture. Mais dans des formats assez courts. Des sessions d’une journée avec des intervenants comme la Direccte sur la réglementation du travail. Globalement, une information descendante. L’idée c’est de proposer un accompagnement renforcé du maître d’apprentissage dans sa fonction de tuteur, de l’aider à intégrer un jeune, peut-être dans la perspective d’une reprise, des profils que l’on retrouve beaucoup en agriculture. » Nom du projet, la « formation maître d’apprentissage ». Son objectif est de faire suivre un parcours aux tuteurs jusqu’à la certification prévue par l’arrêté du 17 décembre 2018. Il résulte non seulement du constat posé par l’EPLA, ainsi que des questionnements des professionnels prêts à accueillir un apprenti, mais qui ne connaissent pas exactement la nature de leur implication et des engagements attendus du point de vue pédagogique. La formation comprend 12 heures à distance et 28 heures en présentiel, auxquelles s’ajoute le temps de préparation à la certification des maîtres d’apprentissage. Elle inclue un premier module obligatoire, sur le rôle du MA et les statuts juridiques. « On retrouve le volet statut juridique qui est déjà présent dans les formations courtes. Nous réunissons au moins une fois les participants pour leur expliquer ce à quoi ils s’engagent en accueillant un jeune, en termes de sécurité et de rémunération. » Suivent 5 modules sur des thèmes différents : l’accueil, la contribution du maître d’apprentissage à la formation, l’accompagnement, l’évaluation de l’apprenti, et un module de préparation à la certification. En fonction de sa disponibilité, chacun va se positionner sur un ou plusieurs modules par an, construire son propre parcours vers la certification. « Nous l’avons conçue avec des modules indépendants parce qu’on est sur un parcours long qui reste difficile à imposer aux entreprises agricoles qui n’ont pas toujours la possibilité de se rendre disponibles pendant 4 semaines en continu. Nous sommes sur une logique d’entrée sortie permanente, avec des formations mixtes digitales (FMD), des supports mis à disposition sur une plateforme. Les périodes de regroupement sont des temps d’échanges et de partage d’expériences. Et il y aussi des temps de production pour préparer la certification. » La formation ambitionne d’améliorer la notion de conditions de travail formatrices. L’idée est de faire la rencontre entre l’exploitant qui recrute un apprenti pour le faire travailler, et le jeune qui a besoin de situations de travail lui permettant d’apprendre. Exécuter une tâche n’est pas suffisant, il faut aussi expliquer pourquoi on choisit telle méthode, tel dosage pour l’alimentation animale, etc. C’est tout un raisonnement qu’il faut partager avec le jeune, provoquer son intérêt et sa curiosité, qu’il n’ait pas l’impression de ne rien assimiler en faisant un travail répétitif. « Théoriquement, la dimension apprenante est présente dans tout ce qui est fait dans une exploitation, mais il faut tout de même prévoir des phases d’analyse réflexive. A certaines périodes, pendant les moissons par exemple, il faut être productif sur un temps très court. De fait, le temps d’analyse n’est pas toujours respecté, mais la dimension apprenante devrait être présente du matin jusqu’au soir. » Autre point marquant, la notion d’évaluation de l’apprenti et la nécessité d’y intégrer le maître d’apprentissage. Qu’elle ne soit pas seulement un élément du parcours scolaire de l’apprenti en CFA. On intègre bien le tuteur comme contributeur à la formation et à l’évaluation sur un parcours d’1 à 3 ans. « Notre discours c’est de réaffirmer que le premier lieu de formation en apprentissage, c’est l’entreprise. Quand le lien est fait entre elle, le CFA et l’équipe pédagogique, le jeune réussit mieux et n’a plus de problèmes de comportement. On entretient des échanges entre professionnels, entre pairs. » * La "formation maître d’apprentissage" est financé par le Fonds Régional pour l'Innovation dans la Formation de la Région Nouvelle-Aquitaine.
La réalité augmentée et virtuelle version AFPA
L’intégration du numérique dans les pratiques de formation s’impose progressivement comme une évidence. Pour l’AFPA de Rochefort, cette évolution est venue d’une réflexion globale de réorganisation de son pôle nautisme. Auparavant, les formations se faisaient sur deux sites distincts à Rochefort, un pour la maintenance et l’entretien des bateaux, l’autre pour la partie construction en stratifié et bois, ainsi que l’aménagement intérieur. Pour créer un vrai pôle nautisme, il fallait regrouper toutes les formations dans un espace unique. Ce qui a été rendu possible il y a deux ans par la reprise des locaux d’une ancienne entreprise nautique situés dans la zone industrielle de Périgny à La Rochelle. Avec ses 2 500 m2 de superficie, cette implantation est techniquement très adaptée aux besoins des formations et permet d’avoir un espace unique pour toute l’offre nautique du centre AFPA. En plus d’être situé à proximité des entreprises. « Nous voulons poursuivre notre développement autour du nautisme » précise Michèle Le Pavec, directrice, « et faire évoluer nos modèles pédagogiques en intégrant du numérique dans les formations. Notre objectif est à la fois de proposer une approche innovante et ludique au travers de modules connectés, et des formations plus courtes, en centre et en entreprise pour les stagiaires et les salariés. » Des réunions ont été organisées avec les entreprises et notre partenaire Serious Frames, afin de déterminer leurs besoins en matière de compétences et de co-construire des scenarios d’usage afin de répéter un geste et le rendre optimal. Par exemple, visualiser l’intérieur d’un moteur, intervenir sur le polissage d’une coque de bateau, sans risque ni gaspillage ou déchets, mais également reproduire certains cas extrêmes comme intervenir sur une voie d’eau sur un bateau à quai. « Aujourd’hui nous disposons de techniques performantes qui simulent des pannes et des réparations virtuelles mais très proches de la réalité. Cela permet de travailler le geste avec les stagiaires, avant de passer à l’atelier. C’est un gain d’optimisation du matériel et ça évite le gaspillage. C’est une façon de prendre des bons réflexes dès le départ, de s’approprier les bons gestes de manière systématique. » Le développement technique a été confié à la société rochelaise Serious Frames. L’AFPA lui fournit le contenu pédagogique des différents modules pour qu‘elle effectue le passage à la réalité augmentée et virtuelle, et construise les scénarios qui viendront s’intégrer dans l’offre de formation globale. Ils incluent le déroulement d'activités d'apprentissage, la définition des objectifs, la description des tâches des apprenants et les modalités d’évaluation. Chaque activité peut durer de 1 à 4 heures, pendant lesquelles sont proposées différentes tâches afin de développer des compétences. Elles sont utilisées par un apprenant seul dans le cadre de son parcours, ou par plusieurs apprenants qui travaillent ensemble, par exemple pour le montage d’un tableau électrique. « Les scénarios en réalité virtuelle ou augmentée viennent compléter nos modèles pédagogiques. Ils seront utilisés dans notre offre longue qualifiante de 7-8 mois ou de façon indépendante pour du développement de compétences ou du perfectionnement. La réalité augmentée utilise le monde réel pour y afficher des informations (en 2D ou 3D), avec lesquelles l’utilisateur va pouvoir interagir. Ces données lui apparaissent sur un casque, des lunettes, un smartphone, tablette ou ordinateur. L’utilisateur évolue virtuellement dans un périmètre déterminé dans lequel il dispose de tous les outils et matériaux nécessaires pour réaliser son activité. Il fait en virtuel ce qu’il ferait en réalité, le poids en moins. C’est vraiment une ressource pédagogique différente, qui complète les cours et les supports habituels, une étape de renforcement des connaissances entre le théorique et le réel. » Les formateurs sont preneurs de ces outils, qui vont dans le sens de l’évolution de leurs métiers. Ils vont changer leur méthode pédagogique et, avec la 3D, aborder les enseignements de façon complètement différente. Le volume horaire des formations ne va pas changer. La partie « virtualisée » ne va pas s’ajouter, mais se substituer à des cours qui se faisaient avant au tableau ou compléter la partie en atelier. La réalité augmentée offre la possibilité d’aller plus loin dans l’explication avec les stagiaires, par exemple en utilisant des plans en 3D. Ces différentes pratiques apportent une dimension ludique, permettent la personnalisation des parcours, une meilleure mémorisation et une autonomisation de l’apprentissage. Elles ouvrent la possibilité de revenir sur les séquences à n’importe quel moment, en centre, en entreprise ou à domicile. « Cela va venir enrichir notre offre de formation classique, remplacer certains outils. Nous faisons évoluer nos modalités pédagogiques en développant « l’intelligence pratique » et le « savoir agir » autour du geste professionnel. Les stagiaires continueront à travailler en atelier sur des matériaux qu’ils retrouveront en entreprise. Il n’est pas question d’enlever ces parties là pour ne faire que du virtuel. Les stagiaires doivent se confronter à un moment à la matière, avec les exigences que cela implique. » Les outils virtuels n’ont pas vocation à remplacer toutes les modalités habituelles, ils viennent enrichir la pédagogie. La volonté du centre, c’est que la réalité augmentée ou virtuelle constitue environ un tiers des formations. « Notre objectif est qu’ils soient aussi disponibles dans l’entreprise, pour des apprentis ou nos stagiaires en formation sur un chantier nautique, et les salariés pour du développement de compétences, du perfectionnement. C’est pour ça que nous avons associé les entreprises dès le départ du projet, pour qu’elles donnent leur avis sur l’évolution de la formation. Et qu’elles en bénéficient à terme. » Pour l’instant, trois formations sont concernées (Agent de maintenance en marine de plaisance, Constructeur aménageur nautique bois et composites, Stratifieur composites). Mais cette démarche de numérisation pourrait s’appliquer à bien d’autres secteurs. « Nous avons commencé le travail en début d’année. Dans l’immédiat, nous voulons terminer des modules pour les présenter lors du Grand Pavois. Des expérimentations suivront avec les stagiaires en septembre-octobre. Tout devrait être opérationnel en fin d’année. Nous voulons poursuivre le travail sur le nautisme, avant de penser à étendre le système dans d’autres domaines comme l’électricité ou la climatisation. ».
F.A.C.I.L.e et l’agilité numérique des jeunes
Partout en région, les jeunes ont une connaissance partielle de l’offre de services de leur mission locale. Parmi les raisons évoquées, des lieux d’accueil insuffisamment adaptés aux besoins des publics. C’est pour apporter une solution ambitieuse à ce problème qu’a été imaginé le projet F.A.C.I.L.e, pour « Facilitateur d’Agilité de Compétences et d’information par le Lanceur e-communication et e-savoirs ». F.A.C.I.L.e s’inscrit dans la continuité d’une réflexion engagée depuis deux ans par la Mission locale Technowest sur la rénovation de ses accueils grand public. Pour Dominique Cardesse, responsable de secteur, ils sont beaucoup trop institutionnels, mal repérés, et ne facilitent pas les échanges spontanés avec les jeunes. « Nous avons réfléchi à un plan d’action pour les lieux qui ont un problème de locaux inadaptés, notamment notre siège situé à Mérignac et notre antenne de Blanquefort qui couvre 6 communes. Ce plan d’action est un préambule aux deux projets portés par les villes d’ici les 2 prochaines années, l’idée est de regrouper sur un même accueil, différents services autour de la dynamique jeunesse. » A Mérignac par exemple, on y retrouvera un lieu d’hébergement avec le foyer de jeunes travailleurs, le Bureau d’Information Jeunesse, le service jeunesse de la ville et la mission locale. Ce projet d’ampleur ne sera pas finalisé avant 2022, mais le travail est bien engagé. « En attendant, nous avons voulu nous investir pleinement dans cette démarche, en collaboration avec nos équipes et des jeunes, pour élaborer cette nouvelle pratique d’accueil et se décaler des modalités d’accompagnement traditionnelles en face à face. » Le projet prévoit tout d’abord la rénovation physique des locaux de Mérignac, la création d’un accueil décloisonné où les anciennes moquettes ont été remplacées par un plancher en bois clair, un espace de coworking avec du matériel numérique à disposition des publics, et un espace ressources. Toute cette démarche à été voulue dans une logique d’utilité sociale, éco solidaire et responsable. Ainsi, le plancher a été réalisé par les jeunes d’un chantier encadré par une association intermédiaire de Mérignac, le mobilier recyclé par des personnes en insertion dans une recyclerie de Bordeaux. Sur le site de Blanquefort, un chantier peinture a également été réalisé par les jeunes d’une association intermédiaire de Blanquefort. F.A.C.I.L.e vise également à introduire des changements en termes d’organisation, centrés sur les outils numériques, avec l’objectif de diffuser de l’information en continu sur des écrans, du contenu pas uniquement textuel, d’accueillir et d’accompagner sur ces outils les jeunes avec l’aide d’animateurs de zones d’accueil présents sur ces espaces. Autre nouveauté d’importance, la création d’une plateforme d’information d’accueil interactif, un numéro unique qui centralisera tous les appels gérés auparavant par chacune des antennes. Des agents d’accueil renseigneront directement les jeunes, et toutes les demandes un peu spécifiques, mais qui ne nécessitent pas de rendez-vous, seront traitées par des conseillers en « back office ». « C’est une nouvelle approche. En parallèle, nous travaillons sur une interface adaptée pour que les jeunes s’inscrivent en ligne directement, demandent un rendez-vous avec un conseiller dans la semaine qui suit. A terme une application leur permettra, à partir de leur téléphone, de se positionner sur un premier niveau d’offres de service, s’informer sur les ateliers que nous proposons, les offres d’emplois, les questions de logement, de santé, de mobilité… Nous voulons créer plus d’interactivité, et permettre une écoute plus importante des jeunes et de leurs besoins. L’expérience de Mérignac sera également menée à Blanquefort, sur le futur espace qui regroupera lui aussi plusieurs partenaires autour d’une même dynamique jeunesse. « L’intérêt d’une mission locale c’est de ne pas être isolée sur son activité, mais qu’elle soit intégrée à une démarche d’accueil jeunes décloisonnant ses interactions et ses partenariats. L’intérêt est aussi d’offrir aux jeunes une accroche horizontale, non pas en silos comme on l’a souvent vu, avec les déperditions que l’on connaît. » La crise sanitaire a renforcé la pertinence du projet. Elle a conforté la mission locale dans la nécessité d’utiliser davantage les outils des jeunes, à passer par les canaux qu’ils fréquentent. L’engouement qui s’est créé par la force des choses devra être enrichi et structuré pour lever les quelques appréhensions qui subsistent chez les professionnels et les jeunes les moins à l’aise avec le numérique. « Le travail que l’on mène avec les équipes sur Mérignac demande une approche un peu différente. Aujourd’hui on voit bien que l’accompagnement n’est plus ce qu’il était et qu’il a besoin de s’adapter aux contraintes actuelles, pas seulement celle de mobilité qui existe depuis longtemps. Même si l’accueil physique des personnes est essentiel, il nous faut progresser sur l’utilisation des nouveaux outils, se décentrer de l’accompagnement, partager les étapes de l’accompagnement avec d’autres partenariats qui nous permettent d’amener le jeune vers l’emploi de manière plus agile. Le covid nous a renforcé dans la démarche que nous avions initiée un peu avant. » Le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation a donné les moyens à la mission locale de se libérer de son fonctionnement au quotidien, pour qu’elle développe des expérimentations qui pourront être étendues à d’autres missions locales confrontées aux mêmes problématiques. Dominique Cardesse constate que son organisation se renforce dans le sens de ce qui avait été imaginé au départ. Le lancement prochain de la plateforme téléphonique et de l’interface numérique doit aussi augmenter l’agilité de tous les intervenants auprès des jeunes. « On ne décrète pas un travail collectif. Sur Mérignac et Blanquefort, le projet avance parce que les élus ont travaillé ensemble, et que les partenaires ont été associés dès le début (Gironde Habitat , FJT, service jeunesse, BIJ…) sur des situations individuelles. Un travail de co-construction également à partir de nombreuses rencontres de groupes participatifs de jeunes sur le projet de ce « Pole Territorial de Coopération Jeunesse », PTCJ, de la ville de Mérignac Depuis 2 ans, nous co-construisons avec les communes volontaires de notre territoire ces nouvelles approches de lieux d’accueil partagé de compétences jeunesse. Nous acceptons tous de nous retrouver autour de la table, en gardant nos spécificités, mais avec un point commun qui est le jeune. »
LE-CENTRE, pour une meilleure professionnalisation des aides à domicile
L’association poitevine LE-CENTRE fédère divers organismes de service à la personne sur le territoire de la Vienne et des Deux-Sèvres, associations, CCAS, entreprises, mutuelles, etc. Ainsi que des organismes de formation qui forment les professionnels de l’aide à domicile et du médicosocial. Dans ses échanges réguliers avec ces organismes, le manque de plateaux techniques est un sujet qui revient fréquemment. Non pas que ce type d’équipement n’existe pas, mais les établissements qui en disposent les utilisent déjà beaucoup, et ils sont peu accessibles à des utilisateurs extérieurs. Les organismes de formation continue doivent le plus souvent louer des locaux mal adaptés à leurs besoins. LE-CENTRE dispose lui-même d’un « espace autonomie » qui peut être utilisé comme outil de formation, mais il ne peut pas se substituer à un véritable plateau technique. « En tant qu’organisme qui essaie de structurer la filière autant que possible, nous avons imaginé de créer un lieu qui puisse compléter les plateaux techniques locaux, » décrit David Hamelin, directeur de LE-CENTRE. « Bien avant d’écrire le projet, nous avons en vain cherché un exemple existant. Nous visions un concept idéal, ou du moins le plus abouti possible afin de répondre aux besoins actuels et futurs des professionnels. Et qui ne se démode pas trop rapidement au regard des évolutions possibles ou imaginées du secteur. » Le projet se veut très partenarial, il rassemble les partenaires de LE-CENTRE et des acteurs de la « Silver économie » ou de la prévention des risques professionnels. Il vise plusieurs catégories de public : les futurs entrants dans le secteur, les stagiaires de la formation continue, des conseillers en insertion professionnelle pour leurs publics afin de découvrir les métiers avant d’aller au domicile ou en institution, voire des professionnels comme les infirmiers. L’idée est aussi de s’ouvrir au public scolaire, des jeunes qui se destinent à ces métiers. « Nous voulons le rendre accessible au plus grand nombre d’organismes de formation avec des coûts modiques. L’aide de la Région, par son Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF), nous permet de penser le lieu de manière la plus complète possible. Ensuite nous serons dans une logique de location du lieu, qui ne doit pas coûter plus cher que les locaux loués habituellement. Le but n’est pas de faire de l’argent, mais que les formations se fassent dans les meilleures conditions possibles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. » Principale raison d’être du projet, ouvrir un espace technique et professionnel mutualisé destiné à apprendre les gestes techniques liés aux métiers, aménagé de manière à proposer des situations pour travailler sur la prévention des risques professionnels, les postures, et penser l’aménagement du domicile actuel et futur. Il permettra également de sensibiliser les futurs professionnels et les formateurs aux questions liées à la santé environnementale. Les formations dispensées aujourd’hui ne disposent pas du matériel, des aides techniques que les futures aides à domicile seront amenées à utiliser. Le plus souvent elles doivent apprendre leur maniement sur le tas. Le terme « aides techniques » recouvre tous les matériels qui visent à compenser la perte d’autonomie. Elles vont du lit médicalisé au couverts adaptés à certaines pathologies, en passant par les lève-malades, les fauteuils, les sanitaires pour assurer la toilette, les tablettes numériques… Elles sont de plus en plus présentes dans les domiciles, mais les intervenants ne savent pas toujours les utiliser, ce qui peut être source de problème, voire faire augmenter la sinistralité. « Ces matériels sont souvent très couteux. Il faut être sûr qu’ils soient adaptés avant d’investir. Ils sont censés aider, mais encore faut-il savoir les utiliser. Exemple avec les déambulateurs. Il en existe de nombreux modèles, mais comment savoir lequel choisir en fonction d’une pathologie précise ? » David Hamelin constate depuis des années une véritable dégradation du niveau de formation des aides à domicile. Il estime que « former des gens sans le matériel, c’est former de très mauvais professionnels. » Le futur plateau a pour objectif de rendre un service, d’abaisser les coûts et de répondre à une certaine pénurie. Mais son objectif est avant tout d’aborder des questions qui ne le sont pas dans le cadre des formations initiales. Et faire en sorte que les salariés en formation ne travaillent pas que du contenu théorique et se confrontent à des situations « réelles », avec Troubles Musculo Squelettiques (TMS) potentiels. « Ça n’est pas facile de créer un lieu où on peut en quelque sorte créer des pièges, y compris pour aider les formateurs à développer leur expertise. C’est l’ambition, je ne sais pas si on y arrivera… » Le projet a pris un peu de retard sur son calendrier initial, essentiellement pour des raisons immobilières. Le besoin existe, la pérennité d’un tel équipement pourra être assurée sous réserve d’un niveau d’utilisation suffisant. « Nous avons fait des projections d’usage et de coûts. L’idée est que plus c’est utilisé moins c’est cher pour les structures. Nous ne cherchons pas à en tirer un bénéfice, juste couvrir les charges. Notre objectif est de familiariser les acteurs, les aidés et les aidants, à l’usage des aides techniques pour qu’elles intègrent le domicile et qu’il y en ait un usage adapté. C’est aussi d’améliorer la qualité des formations aux professionnels. »
In Situ, la formation mobile
Les métiers du cinéma et de la télévision attirent. Beaucoup. Mais contrairement à certaines représentations, pour être employable, il faut acquérir un grand nombre de compétences et de connaissances, d’où des formations longues et coûteuses, surtout si l’on considère tous les coûts induits, logement et déplacements. Le projet In Situ s’adresse à ceux qui se destinent aux carrières de caméraman, monteur ou assistant, mais qui ne disposent pas près de chez eux d’une solution de formation adaptée. Porté par Cinemagis, école bordelaise qui forme aux métiers techniques du cinéma, il a pour principe de proposer une formation à distance modularisée, adaptée et basée sur la pratique. Pour le mettre en place, l’école a travaillé avec ses formateurs et des professionnels pour déterminer ce qui peut se faire à distance, et ce qui nécessite l’utilisation du matériel. « Nous avons décidé de monter une procédure d’enseignement composée de modules thématisés reprenant notre schéma classique », décrit Olivier Poujaud, directeur de Cinémagis. « Un enseignement théorique à distance avec des vidéos et des supports texte mis à disposition des apprenants pour qu’ils comprennent les notions essentielles. Des QCM et exercices permettent de valider les acquis en cours. » Pour minimiser les risques de décrochage, les cours ont été pensés pour être interactifs et ludiques, pas une simple transposition d’un support écrit : mises en situation avec exercices, micromodules, infographies animées, objectifs réguliers, etc. Avec certaines matières (écriture de scénarios par exemple), tout est possible. Mais pour apprendre à utiliser une caméra ou un banc de montage, la pratique reste indispensable. La formation doit se faire en présentiel puisque tout le monde ne dispose pas du matériel adéquat. C’est là qu’intervient la particularité d’In Situ, qui inverse en quelque sorte la logique habituelle, puisque c’est le formateur et le matériel qui vont directement à la rencontre des apprenants. « Nous installons des sessions géographiquement proches des apprenants qui permettent la mise en situation avec des petits groupes installés dans des points relais (une pièce de 50m2, 5 ou 6 personnes, pour une durée maximum de 4 semaines). Nous avons constitué des unités de tournage, un formateur et du matériel (caméras ou bancs de montage) qui se déplacent partout en France. Mais pour que ce soit envisageable, il faut que les apprenants soient déjà prêts à recevoir le module, qu’ils aient suivi l’enseignement théorique au préalable. » Pour le montage, c’est encore plus souple, puisqu’il est possible de mener une session simultanée sur des lieux différents, une sorte de mélange entre présentiel et distanciel. Le formateur est en visioconférence et les apprenants ont accès aux mêmes éléments, à des rushes identiques et peuvent effectuer les opérations de montage à distance avec lui. Ils ont l’impression d’être en cours, ont tous accès au même matériel qui a préalablement été installé dans les relais (jusqu’à 8). Donc la logique est de s’installer dans des régions qui n’ont pas de formation à proximité mais, et peut-être surtout, là où il y a de l’emploi. « Nous faisons des formations adaptées au monde du travail, on ne forme pas pour former. On ne le fait que si l’on sait, grâce à nos partenaires comme les bureaux d’accueil des tournages, Pôle emploi, les missions locales, qu’il existe des possibilités d’emplois. Ce n’est pas une garantie absolue, mais on sait aussi que ça ne sert à rien de former 300 assistants caméras quand il y a 230 films produits par an. » Il est parfois possible d’anticiper l’arrivée de gros tournages plusieurs mois à l’avance. Ou d’attirer des productions qui s’installeront si elles savent qu’elles trouveront des techniciens sur place, ce qui constitue un argument attractif pour les territoires. Il n’y a pas eu de changement radical chez les formateurs, Cinémagis s’étant efforcée depuis 10 ans de mêler pratique et théorie au travers des cursus de formation qu’elle propose. Après une phase de développement, les premières sessions auront lieu au mois d’octobre avec des formations en prise de vues et en scénarios (sur une méthodologie mise en place par l’écrivain et scénariste Vincent Ravalec). « Nous avons commencé par le plus difficile, la technique caméra, puisque nous avons besoin de déplacer un formateur et un gros matériel. Dans notre planning, nous avons prévu 8 semaines de mise en situation pratique au sein d’un programme de 9 mois. Les retours que nous aurons nous permettront de faire des ajustements. Nous n’en sommes qu’au début de cette manière d’enseigner. » ww.cinemagis.fr Le projet In Situ est financé par le Fonds Régional pour l'Innovation en Formation (FRIF) de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Programme Pi, du métier à la compétence
On estime que seulement 68% des personnes possèdent les compétences mathématiques nécessaires pour être efficaces et à l’aise dans l’exercice de leur métier. Et ce, quel que soit le métier considéré et à tous les niveaux de collaboration. Guillaume Isnard, alors dirigeant d’entreprise, constatant qu’il existait à la fois un tabou important autour de ce sujet et aucune formation adaptée, a imaginé une solution innovante pour développer les compétences en calcul et raisonnement utiles dans le cadre professionnel. Cette solution, développée depuis 2016 par la société Grains’up et commercialisée en 2019, c’est le Programme Pi, une plate-forme de formation en ligne qui permet d’évaluer, former et certifier en compétences « calcul et raisonnement » utiles dans les métiers. Elle est innovante par son format digital et sa dimension ludique, et parce qu’elle ne repose pas sur des référentiels établis. « La question qu’on se pose en créant des modules c’est : de quoi j’ai besoin dans tel métier ? » décrit Stéphanie Bariant, responsable pédagogique, « Si je suis commercial, je dois pouvoir calculer ma marge et mes remises. Si je suis boulanger, les proportionnalités et les quantités, les conversions, etc. On met en situation les compétences mobilisées dans le quotidien professionnel de manière à ce que cela parle aux gens et soit directement exploitable. » Aujourd’hui, Programme Pi met à disposition 130 modules, et de nouveaux sont créés chaque semaine au rythme des nouvelles demandes. « Nous sommes à la fois organisme de formation et fournisseur de modules pour les entreprises ou pour les organismes qui nous contactent s’ils ont besoin d’un module spécifique qui n’existe pas pour un métier. Par exemple, faire un module pour le métier du vitrail (géométrie, etc.). Tous les domaines de la mathématique peuvent être abordés, pas seulement le calcul. C’est le métier qui décide. » Les modules sont conçus avec des professionnels pour des professionnels, souvent avec des CFA qui apportent à la fois la vision des formateurs en mathématiques et celle des formateurs métiers. La réflexion part d’une situation métier dont on « extrait » les compétences mathématiques afin de réaliser un module qui peut porter sur la réalisation d’une crème anglaise, la pose de dalles, l’aménagement d’un jardin ou l’impact de la réduction du taux de marge sur un chiffre d’affaires, etc. « Programme Pi sert dans un premier temps à évaluer, en une trentaine de minutes, les 12 domaines de compétences basiques qu’on peut rencontrer dans les métiers. Tout le monde passe la même évaluation « expresse ». Le rôle du formateur est de distinguer les compétences nécessaires pour remplir les objectifs. Ensuite, vient le parcours de formation, avec toutes les mises en situation professionnelles pour lesquelles on met en avant une ou deux compétences à maîtriser, en indiquant d’éventuels prérequis. » Les formations peuvent être suivies en présentiel, ou en distanciel tutoré sur des formats de 15 heures dont 5 de tutorat. Dans tous les cas, entre deux sessions, l’apprenant peut accéder librement à ses modules suivant ses contraintes professionnelles, sans conséquence sur l’activité de l’entreprise. Il peut aussi interrompre un module et le reprendre plus tard. Une fois par semaine, une visioconférence de 30 minutes avec le tuteur est prévue pour faire le point. « Pour l’expérimenter maintenant depuis quelques mois, c’est un vrai plus, je crée des liens personnalisés comme s’il s’agissait de cours particuliers. Je réponds aux questions, et en fonction de ce qu’on a constaté, on met en place de nouveaux modules. Programme Pi permet au formateur de garder toujours la main, en fonction des besoins de l’apprenant. » La grande force de Programme Pi, c’est l’individualisation. Puisque les besoins sur le terrain ne peuvent pas toujours être les mêmes, y compris dans des métiers similaires, chaque apprenant suit un parcours spécifique, en fonction des compétences acquises dans son contexte professionnel, ses objectifs, et son évolution en cours de formation. Pour les formateurs, c’est un outil puissant de lecture des besoins en temps réel. La certification intervient en fin de parcours, 55 questions qui permettent d’évaluer le niveau d’expertise de la personne par rapport à ce qu’on attend d’elle dans l’exercice du métier. Une enquête menée auprès de plusieurs centaines d’entreprises et de recruteurs a montré qu’elle était considérée comme un argument différentiel de recrutement. Depuis son lancement, Programme Pi a délivré plus de 800 certifications. Il concerne aujourd’hui plus de 2 500 utilisateurs, dont certains sont eux-mêmes formateurs. Le Programme Pi est utilisé par de grandes entreprises, par des établissements de formation professionnelle initiale et continue, mais aussi des lycées professionnels et des classes de collèges. « En plus du distanciel tutoré, nous intervenons à l’université de Limoges, dans le cadre du DU Réagir. Et nous mettons en œuvre des formats de 4 demi-journées pour des publics en insertion, par groupe d’une quinzaine de personnes qui ont chacune un ordinateur ou une tablette pour suivre son propre parcours. C’est la logique de Programme Pi de s’adapter à chacun en fonction de ses objectifs. » Programme Pi est un projet soutenu par le Fonds Régional pour l'Innovation dans la Formation de la Région Nouvelle-Aquitaine.
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