"Le goût de la Francophonie: une célébration des auteurs qui ont façonné notre langue. Page de couverture du Goût de la Francophonie. Mercure de France. De Du Bellay à Amélie Nothomb, le livre retrace l'histoire de la Francophonie à travers de courts extraits saisissants..."

Le goût de la Francophonie: une célébration des auteurs qui ont façonné notre langue

De Du Bellay à Amélie Nothomb, le livre retrace l’histoire de la Francophonie à travers de courts extraits saisissants.

 

Comment aborder le vaste sujet qu’est la Francophonie ? Cette lourde tâche a incombé aux éditions Mercure de France, qui publient ce 5 septembre Le goût de la Francophonie. Du Bellay, Pouchkine, Apollinaire, Yourcenar, Senghor… Les autrices et auteurs se succèdent à travers la sélection d’un ou deux textes poignants, méticuleusement sélectionnés par le haut fonctionnaire et écrivain Emmanuel Maury. Une manière légère de découvrir la richesse et les nuances de la langue française, dispersées aux quatre coins du monde.

Et la communauté des locuteurs francophones est immense : plus de «330 millions de personnes emploient régulièrement le français», et ils seront «autour de 500 millions vers 2050», lit-on dans l’introduction du recueil. Fortement en progression en Afrique, la langue de Molière est la cinquième langue la plus parlée au monde, et ce dans «quelque 90 pays ou régions principales». Elle est aussi la seule langue avec l’anglais à être présente sur les cinq continents, offrant un florilège d’auteurs les plus diversifiés les uns que les autres.

Les précurseurs

Parmi les figures de proue, Emmanuel Maury choisit de mettre en avant le poète Joachim Du Bellay (env. 1522 - 1560) et son plaidoyer en faveur du français moderne dans Défense et illustration de la langue française (1549). Cet extrait est emblématique car il intervient 10 ans après la publication de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en août 1539, imposant le français dans tous les actes à portée juridique. Prônant la vivacité du Français, Du Bellay donne synthétiquement le ton de ce livre. «[...] On ne doit ainsi louer une langue et blâmer l’autre : vu qu’elles viennent toutes d’une même source et origine, c’est la fantaisie des hommes [...]».

Autre pionnier, le géographe Onésime Reclus est accueilli en grande pompe dans l’ouvrage, lui qui a inventé les mots «francophonie» et «francophone» à travers son livre France, Algérie et colonies (1883). Dans les extraits sélectionnés, Onésime Reclus dénonce les communautés francophones que l’on néglige, tels que les Canadiens des États-Unis, les Louisianais, les Sénégalais, les Gabonais, les Cambodgiens ou les Cochinchinois. Il s'interroge sur l’avenir de ces communautés d’un point de vue «francophone», et introduit ainsi la notion permettant à cette anthologie d’exister. Les textes d’Alexandre Pouchkine, Nguyen van ou d’autres précurseurs sont aussi à y retrouver, chacun apportant une vision de la Francophonie qui lui est propre.

Les modernes

Dans la deuxième partie, Guillaume Apollinaire, Marguerite Yourcenar, Samuel Beckett, Aimé Césaire et d’autres se chevauchent pour exposer, toujours avec un ou deux écrits, leur usage du Français. Le poète malgache Jean-Joseph Rabearivelo (1901-1937), moins célèbre que ses contemporains, offre cependant une contribution originale et singulière, en vers, à cette grande famille qu’est la Francophonie.

«Oiseaux migrateurs, nomades de l’azur

 

et du calme vert des forêts tropicales,

que de mers encore, hélas ! et que d’escales

avant de trouver le port heureux et sûr !»

Chants pour Abélone, Prélude

Le livre aborde aussi le père de la Francophonie, Léopold Sédar Senghor. L’exclure aurait été un sacrilège, tant l’auteur et ancien président du Sénégal a contribué à l’espace francophone.

 

«Je me rappelle, je me rappelle…

Ma tête rythmant

Quelle marche lasse le long des jours d’Europe où parfois

Apparaît un jazz orphelin»

Chants d’ombre

Senghor comme nul autre a donné un sens fédérateur à la Francophonie, comme le rappelle dans l’introduction Emmanuel Maury à travers une citation de l’homme d’État sénégalais. «La Francophonie, c’est l’usage de la langue française comme instrument de symbiose, par-delà nos propres langues nationales ou régionales, pour le renforcement de notre coopération culturelle et technique, malgré nos différentes civilisations».

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Les contemporains

Parmi les contemporains, le recueil ratisse large : François Cheng, Maryse Condé, Dany Laferrière, Tahar Ben Jelloun, Amélie Nothomb… Grand symbole de la littérature française et tchèque, le roman L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera arbore fièrement les pages, et cède à la Francophonie un extrait de ses réflexions philosophiques. «[...] La vie ressemble à toujours à une esquisse. Mais même «esquisse» n’est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l’ébauche de quelque chose, la préparation d’un tableau, tandis que l’esquisse qu’est notre vie est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau».