Le rôle du poète ? Sans doute vaut-il mieux partir du fait que la société actuelle n’assigne aucun rôle à la poésie que, généralement, elle ignore. En conséquence, la poésie doit se fortifier de ce qui la nie et tirer de cette présence négative un nouveau souffle. D’ailleurs pourquoi est-elle ainsi reléguée ? Parce qu’elle n’appartient pas à l’univers médiatique même s’il peut arriver qu’un poète y soit momentanément considéré. La raison de cette mise à l’écart est simple : la poésie ne saurait parler le langage simplificateur de la consommation sans y perdre sa nature, et elle ne saurait être lue sans contester la passivité qu’engendre cette simplification. Cela étant, faire acte de poésie, c’est aujourd’hui faire un acte de résistance à l’avilissement de l’intériorité par les stéréotypes qui, sous prétexte de démocratie, stérilisent l’émotion et l’imaginaire, tout en privant de sens la pensée. Un produit conçu pour tous est forcément un produit insignifiant selon les critères de la consommation. La poésie est donc d’emblée inconsommable parce qu’elle a besoin, comme l’amour, d’un effort d’attention pour qu’advienne le partage. Sa signification est dans la qualité qu’elle rend au langage et, par lui, à la relation humaine…
Bernard Noël, La Place de l’autre, P.O.L., 2013
Bernard Noël sera le 12 avril à Grenoble, voir ici
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