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Une encyclopédie culturelle thématique par citations
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Yves Bonnefoy

Yves Bonnefoy | Dits-Bao | Scoop.it

La photographie ‘au Leica’, c’est comme un rayon qui jaillit des yeux pour aller à l’objet et l’élire, lui conférer l’être, en cela la véritable lumière. Et c’est aussi une aide dans la lutte qu’il faut savoir mener, au sein de toute photographie même instantanée, contre ce que je dirais son ‘dark side’. Ce péril existe en effet, car la photo ne saisit pas que l’objet central, l’être regardé, l’objet qui devient de l’être par le regard, mais, pêle-mêle alentour, tout le contenu du champ visuel, avec une masse de choses qui risquent de pétrifier la scène, de prendre l’instant dans leur filet, et de le faire sombrer dans le non-être’

Yves Bonnefoy, « Giacometti et Henri Cartier-Bresson », dans Alberto Giacometti-Henri Cartier-Bresson. Une communauté de regards, Tobia Bezzola & Agnès Sire éds., Paris, Fondation Henri Cartier-Bresson & Zürich, Kunsthaus, Scalo, 2005, p. 43 (repris dans Le siècle où la parole a été victime, Mercure de France, 2010, sous le titre « Des yeux qui se font regard ») »

Remerciements à Patrick Werly pour cette citation

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Roger Munier

" Le lieu est d'abord un cadre de nature. Il se découvre à la faveur des pas. Au détour d'un chemin, de la route – d'un chemin plus que de la route – il apparaît. Comme de lui-même, on dirait, se dégage de son entour, de ce qui n'est, pour le passant hâtif, qu'un continu de paysage globalement ressenti. Il apparaît, se donne à voir, mais non d'emblée, ni en pleine évidence. Le lieu ne s'impose pas, comme ferait un site à découvert, aussitôt admiré ; le lieu n'est pas chose qu'on admire. Il est ce qui nous parle. D'une voix sourde le plus souvent, et qu'il faut savoir reconnaître, mais bientôt insistante… C'est une prairie déclive à l'orée d'un bois, montant vers lui d'un mouvement paisible, avant de se perdre en sa zone d'ombre ; c'est l'eau immobile d'un étang devinée entre les arbres, ou la mer soudain apparue, masse lisse d'eau bleue entre deux falaises… Le lieu parle d’ici, avec les moyens d'ici, mais d'ailleurs  aussi bien – comme d'un ailleurs dans l'ici. Il est, bien sûr, à chaque fois une découpe dans ce qui n'est qu'alentours ou parages indistincts, mais non tout à fait arbitraire et qui semble en attente d'être avérée, ratifiée, de trouver en nous son écho. À l'analyse et après coup, on peut même penser qu'il est réellement attente et sourd appel, voix qui ne demandait pour être telle que d'être si faiblement que ce soit entendue, parole sinon proférée, du moins proférable du monde. "


Roger Munier, Si j'habite, Fata Morgana 1994, p. 20. 

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Jean Roudaut

"Il y a en tout esprit une chambre vide, lieu du manque de sens. C'est la cause et le lieu d'être des récits littéraires. Ce qui est vrai en ces récits, ce ne sont pas leurs détails mais leurs fissures. C'est de ce lieu, néant et musical, que provient l'interminable questionnement qui occupe notre existence. Un narrateur ne ressuscite pas un mort, à peine dans son souffle maintient-il son souvenir ; il n'est pas son représentant mais son porte-silence. Nous voisinons en absence. Ce qui se voit quand on se regarde dans « l'oubli fermé par le cadre », n'est pas soi mais l'absence de ce qui nous hante. Ce qu'on espère voir au-delà de soi, réside dans une zone d'oubli, le long d'un lac glacé que bordent les asphodèles" (18).


(Jean Roudaut, Critique n° 668.669, janvier-février 2003, dossier « Louis-René des Forêts »), p. 18

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Ingmar Bergman

«  Les forces créatrices accourent quand l’âme est menacée »


Ingmar Bergman, via Pascal Bruckner, qui a placé cette citation en épigraphe de son dernier livre, Un bon fils, Grasset, 2014


Trace de cette citation dans un article du Monde, daté du 13 décembre 2013 : 

« J'ai conçu Fanny et Alexandre à l'automne 1978, une époque où tout n'était pour moi que misère et ténèbres », écrit Bergman dans Images (éditions Gallimard, 1992). « Les forces créatrices accourent quand l'âme est menacée » ajoute-t-il.

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Annie Leibovitz


"La réalité abrupte est parfois plus étrange que la fiction, et mon travail est un mélange entre la mise en scène et des éléments de la vie réelle. Mes photos de reportage et celles de célébrités constituent un tout. Je ne fais que chroniquer ce que je vois - le pouvoir, la beauté, l'authenticité, le superficiel... - d'une façon aussi conceptuelle qu'instinctive."


Annie Leibovitz, interview pour L'Express à l'occasion de la sortie de son  livre  (50 kg ! ), chez Taschensource

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Georges Didi-Huberman

« Sommes-nous vraiment mieux lotis que les papillons ? Larves, ne sommes-nous pas privés de regard et de parole, étouffés dans la masse de nos formes embryonnaires ? Et pourtant déjà fantômes, bientôt revenants (larvae), puisqu’on s’apprête à nous donner un nom et un prénom que des morts, bien avant nous, avaient portés ? Chrysalides, ne sommes-nous pas privés d’expérience et de sagesse, étouffés dans nos langes ou nos malaises d’enfants ? Et pourtant déjà spectres de cette origine qui nous traverse, nous revêt et nous habite entièrement ? Imagos, ne sommes-nous pas privés du choix de changer de peau – de forme, de couleur – étouffés dans les savantes symétries de notre belle parure ? Et donc déjà voués à servir de trophée, de représentation, d’ancêtre transfixé, pour ceux qui voudront bientôt nous utiliser comme fantômes, transmettre notre nom à leurs petites larves, e così via… ? 
Certes l’imago – le papillon adulte – vole [...] Cela dure un jour ou deux : courte vie. Le troisième soir, il s’exalte pour de bon devant la clarté aveuglante d’une ampoule pendue au plafond – sa dernière vérité, son absolu – et il meurt. » (Phalènes, p. 165)


Georges Didi-Huberman, Phalènes, Essais sur l'apparition, 2, Les Editions de Minuit, 2013, p. 165

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Yves di Manno

"Bien des livres auront croisé ma route au bon moment, sans que j’aie l’impression d’y être pour grand-chose : il suffisait parfois que ma main se tende, saisisse l’un d’entre eux sur une étagère – et c’était justement celui dont j’avais besoin, sans le savoir. (…) il me semble que les livres qui m’auront le plus marqué seront toujours venus à moi, plus que je ne les aurais cherchés"


Yves di Manno, Terre ni Ciel, Editions Corti, 2014, p. 34, cité par Claude Adelen dans un article de Poezibao

voir cette note de lecture : http://goo.gl/u3shlN

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Vincent Pélissier

"Nous n'avons pas trouvé pour notre part qu'ils étaient tous morts et enterrés celles et ceux qui pouvaient tenir les choses et les êtres au sein d'une certaine lumière, ou tenir la lumière dans une certaine présence avec la vie qu'on a maintenant, qu'ils pouvaient aussi le faire de façon neuve, indiciblement neuve, sans le tapage requis d'ordinaire. "


Vincent Pélissier, cité par Jean-Luc Porquet dans l'article qu'il a consacré au numéro 13 de  la revue Fario, le 29 avril 2014, dans le Canard enchaîné


Vincent Pélissier est écrivain et a fondé et dirige la revue et les éditions Fario : http://www.editionsfario.fr


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Jacques Roubaud

Hypothèses du poète, III  
J'affirmerai fortement que la question de la poésie ne concerne pas que les poètes. La chute de la poésie menace la langue d'aphasie. La chute de la poésie menace chacun en sa mémoire, menace sa faculté d'être libre. [...] La poésie donne à quelqu'un comme aucune autre activité à mon sens la mémoire de sa propre langue.


Jacques Roubaud, Poésie, Etcetera : ménage, Stock 1995, p. 144 et 145.  
 
Que la poésie est difficile, III 
Parce que la poésie contient le futur de la langue, 
la langue paraît étrange dans la poésie extrême-contemporaine parce qu'elle y représente certains traits de son futur. 
La langue paraît étrange dans la poésie extrême-contemporaine parce qu'elle y présente certains traits oubliés de son passé. 
La poésie préserve le passé de la langue dans son présent.  


Jacques Roubaud, Poésie, Etcetera : ménage, Stock 1995, p. 268.  

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Walter Benjamin

"La rue conduit celui qui flâne vers un temps révolu. Pour lui, chaque rue est pente, et mène, sinon vers les Mères, du moins dans un passé qui peut être d’autant plus envoûtant qu’il n’est pas son propre passé, son passé privé. Pourtant, ce passé demeure toujours le temps d’une enfance. Mais pourquoi celui de la vie qu’il a vécue? Ses pas éveillent un écho étonnant dans l’asphalte sur lequel il marche. La lumière du gaz qui tombe sur le carrelage éclaire d’une lumière équivoque ce double sol."

– Walter Benjamin, Le Flâneur in Le Livre des passages
source, ce site, que j'invite à consulter car il propose presque quotidiennement de magnifiques citations
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Paul Valéry

« Ni la matière, ni l’espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu’ils étaient depuis toujours. Il faut s’attendre que de si grandes nouveautés transforment toute la technique des arts, agissent par là sur l’invention elle-même, aillent peut-être jusqu’à modifier merveilleusement la note même de l’art.

Sans doute ce ne seront d’abord que la reproduction et la transmission des œuvres qui se verront affectées. On saura transporter ou reconstituer en tout lieu le système de sensations, – ou plus exactement, le système d’excitations, –  que dispense en un lieu quelconque un objet ou un évènement quelconque. Les œuvres acquerront une sorte d’ubiquité. Leur présence immédiate ou leur restitution à toute époque obéiront à notre appel. Elles ne seront plus seulement dans elles-mêmes, mais toutes où quelqu’un sera, et quelque appareil. Elles ne seront plus que des sortes de sources ou des origines, et leurs bienfaits se trouveront ou se retrouveront entiers où l’on voudra. Comme l’eau, comme le gaz, comme le courant électrique viennent de loin dans nos demeures répondre à nos besoins moyennant un effort quasi nul, ainsi serons-nous alimentés d’images visuelles ou auditives, naissant et s’évanouissant au moindre geste, presque à un signe. »

 

Paul Valéry, « la Conquête de l’ubiquité », Œuvres II, La Pléiade, p. 1284-1285 – cet article date de 1928

cité par Benoît Peeters, in Valéry, Tenter de vivre, Flammarion, 2014, p. 359.

 

Benoît Peeters dans ces pages de son livre esquisse une comparaison entre Walter Benjamin et Paul Valéry.

Il donne cet extrait de l’article de Valéry qui précède de plusieurs années l’essai de W. Benjamin « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique », rédigé en 1935 et publié de façon posthume en 1955. 


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Patrick Boucheron

"Un ami historien de l’art qui se nomme Gérard Labrot [...]  m’a un jour confié ceci : il faut pour voir des images aller les voir souvent et rapidement. Il ne faut pas s’abîmer dans la contemplation. Quelqu’un qui aime vraiment la peinture ne reste pas une journée entière dans un musée. C’est assommant. Il va voir ce qu’il a à voir. Quand j’allais à Sienne, ce n’était pas pour vérifier les choses, en amateur méditatif, mais  pour cavaler. Je rentrais et sortais sans arrêt. J’essayais de feinter l’image. Elle est assez imposante : c’est ce que Daniel Arasse appelait un « lieu d’images ». C’est écrasant ! Aussi faut-il tenter de la prendre de vitesse."


NDLR : extrait d'un entretien passionnant sur le site Le rideau, de Dimitri Laurent avec Patrick Boucheron, auteur de Conjurer la peur, Sienne, 1338, essai sur la force politique des images, Seuil. 

source : http://www.lerideau.fr/patrick-boucheron/7971


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Jean Dubuffet

« Les romans, les colloques et séminaires, les fines psychologies, le bon ton, le bel écrire, j’y suis allergique à un degré qui n’est pas croyable. Je suis avide mangeur d’éclosions crues et je ne me vois offrir que cuit et recuit, pré-cuit, surbouilli, dragées cent fois sucées qui me laissent sur ma faim, je souffre de faim, c’est à peine si chaque trois ou quatre ans je trouve un petit repas à faire. »


Jean Dubuffet et Valère Novarina, Personne n’est à l’intérieur de rien, préface de Jean Vilar, L’Atelier contemporain, 2014, p. 78

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Bernard Noël

Le rôle du poète ? Sans doute vaut-il mieux partir du fait que la société actuelle n’assigne aucun rôle à la poésie que, généralement, elle ignore. En conséquence, la poésie doit se fortifier de ce qui la nie et tirer de cette pré­sence négative un nouveau souffle. D’ailleurs pourquoi est-elle ainsi reléguée ? Parce qu’elle n’appartient pas à l’univers médiatique même s’il peut arriver qu’un poète y soit momentanément considéré. La raison de cette mise à l’écart est simple : la poésie ne saurait parler le langage simplificateur de la consommation sans y perdre sa nature, et elle ne saurait être lue sans contester la passivité qu’engendre cette simplification. Cela étant, faire acte de poésie, c’est aujourd’hui faire un acte de résistance à l’avilissement de l’intériorité par les stéréotypes qui, sous prétexte de démocratie, stérilisent l’émotion et l’imaginaire, tout en privant de sens la pen­sée. Un produit conçu pour tous est forcément un produit insignifiant selon les critères de la consommation. La poésie est donc d’emblée inconsom­mable parce qu’elle a besoin, comme l’amour, d’un effort d’attention pour qu’advienne le partage. Sa signification est dans la qualité qu’elle rend au langage et, par lui, à la relation humaine…

 

 

Bernard Noël, La Place de l’autre, P.O.L., 2013

source

 

Bernard Noël sera le 12 avril à Grenoble, voir ici

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Georges Didi-Huberman

Il arrive que les images ne relèvent plus de l’imagerie, ni même de l’iconographie, ni même de la rhétorique quand elles se font figures. Il arrive qu’elles atteignent au rythme et à sa profonde démesure. Dans ces moments, la chose (Sache) danse, se retourne et livre un pan de sa cause (Ursache). Or, il est du pouvoir des mots que de regarder, symptomalement, musicalement, vers cette origine. Ce pouvoir nommé poésie.


Georges Didi-Huberman, Phalènes, les Editions de Minuit, 2013, p. 193


Ces mots concluent un chapitre qui est la reprise d'une préface à un livre de Karine Winkelvoss, Rilke, la pensée des yeux.(2004). 

AxoDom Guillerm's curator insight, August 12, 2014 3:31 AM

Une des plus profondes definitions de la poésie trouvée dans la grotte à citations de Florence Trocmé.

il n'est pas anodin qu'elle soit d'un philosophe et germaniste.

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Vincent Pélissier

Des fils ténus, mal visibles, mais curieusement solides sont tendus entre le monde où nous prenons pied provisoirement d’une part, et notre cœur et notre entendement d’autre part. Avant même que nous disposions du langage, que nous puissions démêler un peu les lignes de l’espace, nommer les lieux, former des images et dessiner des cartes, nous sommes livrés comme cire au sceau des pays. Mais ce lien n’est pas univoque. Il ne se résume pas à une “théorie des climats” telle que l’ont conçue les hommes des Lumières et de la raison toute puissante. Car si les données de l’espace nous impressionnent à notre insu, il arrive à rebours que des frontières intimes ou des régions mythiques de l’âme, se superposant à quelques pérégrinations réelles, bousculent parfois la géographie ordinaire et dessinent des plans peu orthodoxes, fantasques, disloqués ou estropiés.


source


Vincent Pélissier est le fondateur de la revue d'art et de littérature Fario et des éditions du même nom. Il a écrit un très beau livre, Toucher Terre, publié aux éditions crées par Antoine Jaccottet, le fils de Philippe Jaccottet, le Bruit du temps. 

Poezibao tient la revue Fario pour une des plus belles revues littéraires actuelles. 

Il faut noter aussi chez cet éditeur le soin éditorial, qualité qui se perd bien trop aujourd'hui. 


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Pierre Boulez

Si l’on n’a pas su éviter l’écueil qu’est l’obéissance à un désir de structuration sans poétique, c'est-à-dire si la structuration devient trop forte et contraint la poétique à n’être qu’inexistante, on se situe, oui, à la limite du pays fertile, mais du côté de l’infertilité. Au contraire, si la structure force l’imagination à entrer dans une nouvelle poétique, alors, on est, en effet, en pays fertile.

 

Pierre Boulez, Le Pays fertile, Paul Klee, texte préparé et présenté par Paule Thévenin, Gallimard, 1989, p. 173. 

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Walter Benjamin

« La manière dont le passé reçoit l'empreinte d'une actualité plus haute est donnée par l'image en laquelle il est compris. Et cette pénétration dialectique, cette capacité à rendre présentes les corrélations passées, est l'épreuve de vérité de l'action présente. Cela signifie qu'elle allume la mèche de l'explosif qui gît dans ce qui a été » 
 
Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, Cahiers de l'Herne, 2007. 
 
Cité dans un article du Monde, signé Franck Nouchi et daté mercredi 19 mars 2014, à propos d’un film de Vivianne Perelmuter, Le Vertige des possibles. La citation de Benjamin est introduite par ces mots :  
Vivianne Perelmuter pourrait faire sienne une citation à laquelle se réfère Chantal Akerman dans son Autoportrait en cinéaste (Cahiers du cinéma, 2004) 

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Claude Louis-Combet

[De la littérature]

"Déjà elle était présente dans l'enfance, et la conduisait, alors même que l'enfant ignorait qu'il y eût seulement une littérature, se contentant de savoir qu'il y avait des livres, et de se porter vers eux avec une passion aveugle, jusqu'à étourdissement et exténuation de la conscience vigile. Car l'enfant, l'adolescent, le jeune homme, l'homme mûr et le vieil homme aussi, poussés par une injonction indiscutable, à peine audible et toutefois clamante, proférée dans l'obscurité de la conscience, ne firent que courir de livre en livre, compulsivement, insatiablement, dans toutes les directions de tous les temps de la culture et du savoir, comme des fous en déroute ou des illuminés insatisfaits, cherchant une manière de trace, de témoignage, de parole ultime, de mot manquant, de solution d'énigme, de sens à l'absence. Et la littérature n'était pas autre chose : la sphère supérieure dans l'infinitude et l'inépuisabilité de laquelle l'être cherchait son lieu et la réponse à la question de son existence [...] il n'a pas renoncé à la tremblante attente qui le tient à l'orée d'un texte – ancien ou contemporain, poème ou roman, réflexion d'un philosophe ou méditation d'un spirituel. Il oublie ce qu'il lit, ce qu'il a lu, à mesure qu'il le lit, dès qu'il l'a lu. Dans cette quête parfaitement subjective et intuitive il est tout à fait incapable de dégager le sens de sa démarche : il est seulement saisi par l'irruption de l'intelligence et de la beauté, au hasard de la rencontre du texte. Il n'a pas d'autre méthode que celle du cœur prêt à s'enthousiasmer, et celle du désir qui ne recule devant aucune chance d'identification

Claude Louis-Combet, De la littérature dans sa hâte in  L'homme du texte, José Corti 2002, p. 257. 

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Joë Bousquet

« L’homme existe par son adhésion aux évènements, par sa façon d’accomplir, à travers eux, l’événement qu’il aura été ».


 (source, un très bel article de Serge Bonnery sur Joë Bousquet, poète et soldat)

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Goethe

« Dans les œuvres de l'ancienne architecture allemande, dit-il, on voit la fleur d'un âge extraordinaire. Celui qui rencontre tout à coup une fleur pareille, naturellement est saisi d'une grande surprise; mais au contraire, si vous avez pénétré dans la vie intérieure de la plante, si vous avez assisté au développement et à la lutte des forces qu'elle renferme, si vous l'avez vue se développant peu à peu, alors c'est avec un tout autre regard que vous verrez les objets : vous saurez ce que vous voyez. »


Goethe, conversations avec Eckerman, traduction d’Emile Delerot, précédées d'une introd. par M. Sainte-Beuve,.... 1863 (Gallica, BNF)


Dienstag, den 21. Oktober 1823


Man sieht in den Werken der altdeutschen Baukunst, sagte er, die Blüte eines außerordentlichen Zustandes. Wem eine solche Blüte unmittelbar entgegentritt, der kann nichts als anstaunen ; wer aber in das geheime innere Leben des Pflanze hineinsieht, in das Regen der Kräfte und wie sich die Blüte nach un nach entwickelt, der sieht die Sache mit ganz anderen Augen, der weiß, was er sieht.


Goethe, Gespräche mit Eckerman


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