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Le spectateur de Belleville
June 11, 2016 2:16 AM
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: A la veille de la présentation des travaux de la Mission nationale pour l’art et la culture dans l’espace public, les 14 Centres Nationaux des Arts de la Rue publient une Tribune incisive sous le titre : "Un espace public en état d’urgence artistique". Ce texte pointe notamment le rôle bien marginal du Ministère de la Culture et de la Communication dans le développement d’un secteur artistique pourtant en plein bouillonnement.
Retrouvez le texte intégral de la Tribune par ici : http://www.lefourneau.com/sites/www.lefourneau.com/IMG/pdf/8/a/7/tribune_du_reseau_des_cnarep.pdf
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 7:33 PM
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Par Frédérique Roussel pour Libération :
Pérégrinations, en compagnie de l’écrivain Serge Mestre, sur les traces du destin tragique du poète et dramaturge espagnol assassiné en Andalousie par les phalangistes.
Son souvenir hante l’Espagne, en particulier Grenade et sa région, ce coin d’Andalousie où il était né. L’aéroport porte son nom, comme le parc central de la ville, comme de nombreuses places un peu partout en Espagne… Serge Mestre, fils de républicain espagnol, a rencontré Federico García Lorca à 15 ans en se plongeant dans la lecture des poètes de la lutte et de la liberté. Eluard, Aragon et surtout Lorca lui ont donné envie d’écrire. Son dernier roman (1) revisite à sa manière la vie du poète andalou, en forçant le trait sur des épisodes méconnus, décrivant un personnage engagé et joyeux. L’écrivain et traducteur l’a écrit sans se rendre sur les lieux. Découverte avec lui de la Grenade de Federico García Lorca.
Ainadamar
L’endroit n’est pas simple à dénicher. La route monte en lacets dans un paysage vallonné au-dessus d’Alfacar, à 9 kilomètres de Grenade. «Seul compte le charme de cette région de collines, de montagnes caillouteuses boisées de hêtres, de chênes, de pins, de micocouliers encore en fruits en ce milieu de l’été 36, où ronces, taillis sont tout mouchetés du rouge, du noir, du violet et du mauve des baies», décrit Serge Mestre dans son roman. Les restes de Federico García Lorca se trouveraient dans cette zone semi-aride et escarpée. Le 19 août 1936, le poète a été fusillé par des phalangistes avec deux anarchistes, Francisco Galadi et Joaquín Arcollas, et un instituteur, José Dióscoro Galindo.
Serge Mestre demande aux rares passants croisés sur la route où se trouve «Ainadamar». Ainadamar, titre de son roman, nom de la source aménagée par les Arabes au Xe siècle à Fuente Grande. «On perçoit le murmure de la source qui file tout près, jadis canalisée par les Maures d’Al-Andalus, pour conduire l’eau pure jusqu’au quartier de l’Albaicín, à Grenade. Elle bruisse de minuscules bulles se hissant à la surface depuis les profondeurs de la roche, distillant un filet de pérennes, pures gouttes d’eau. On l’appelle ainadamar, oui, la fontaine aux larmes», a imaginé l’écrivain.
Le pèlerin voit enfin de ses propres yeux cette splendide fontaine, un peu en contrebas de la route. Elle a la forme d’une grande goutte d’eau, entourée d’un muret et joliment recouverte de verdure. Serge Mestre, surpris, ne trouve aucune inscription relative à Lorca sur les lieux, ému à la pensée que le poète ait pu être tout près il y a quatre-vingts ans. «Où est-il ? On ne le saura jamais…» Son récit démarre précisément par cette nuit d’août 1936, tout au début de la guerre civile, pour remonter librement la chronologie, à la différence de la biographie de référence, celle de Ian Gibson (2). Il l’a d’ailleurs emportée avec lui sur les traces de Lorca.
Parc García Lorca
A quelques centaines de mètres de la fontaine, au milieu d’une pinède, se situe le parc García Lorca. A part une aficionado du poète, il n’y a pas âme qui vive dans cet espace vert créé en 1986. «Vacarme assourdissant de son absence», murmure Serge Mestre. Les marches solennelles de l’entrée mènent à une place principale entourée de stèles sur lesquelles figurent des fragments de poèmes de l’auteur de Noces de sang. Pensif, Serge Mestre traduit à voix haute les mots gravés. Plus loin sur la gauche, près de l’olivier où l’on dit qu’il mourut, se dresse un grand bloc de pierre. «A la memoria de Federico García Lorca, y de todas las víctimas de la guerra civil 1936-1939.» Dessus, des visiteurs ont posé des petites fleurs ou des morceaux de papier griffonnés de vers.
En novembre 2009, une partie du terrain a été retournée pour tenter d’exhumer les dépouilles de l’exécution d’août 1936. A la demande des autorités régionales et des descendants de l’instituteur et des deux anarchistes, contre l’avis de la famille Lorca. «Sa nièce pense que Lorca est bien là où il est.»De nouvelles recherches ont recommencé en 2014 pour le localiser. «Tout le monde cherche cette tombe. Ecrire ce livre avec les mots de la littérature, c’était la réouvrir et dire symboliquement ce qu’il y avait dedans.» Car il n’y a pas que des hommes dans la tombe. «On l’a tué parce qu’il avait des opinions politiques et humanistes.»
La Ruta de Lorca
En redescendant la colline d’Alfacar, Serge Mestre justifie de ne pas s’être déplacé à Grenade pour son roman qui lui a demandé sept ans de travail. «Ce voyage me montre que j’ai eu raison. Si j’étais venu ici, je ne vois pas ce que ça m’aurait apporté. C’est bien plus émouvant après.» Impossible de ne pas être alerté par la Ruta de Lorca à Alfacar, ville réputée pour son pain et ses eaux thermales. C’est comme si on prenait l’itinéraire du poète à l’envers. La voiture qui l’emmenait vers sa fin serait passée là, d’où le nom de l’hôtel Ruta de Lorca («la route de Lorca»). Sur les murs du restaurant de cuisine traditionnelle, les images du poète abondent. Dans un cadre ancien, un portrait noir et blanc le montre la main enserrant une feuille manuscrite, les yeux vers son destin. Une grande affiche, réalisée pour le musée de la maison natale à Fuente Vaqueros à une quinzaine de kilomètres de là, retrace sa vie en bande dessinée. Et, fin du fin, il y a aussi sous verre son certificat de décès.
La Huerta de San Vicente
Retour dans le cœur battant de Grenade, dans un autre parc… Lorca. La Huerta de San Vicente, qui était la villégiature de sa famille, se trouve au détour d’une allée. C’est désormais un musée où la plupart des pièces ont été laissées dans leur jus. Dans le salon, il y a le piano, dont Lorca était un virtuose. Dans Ainadamar, Serge Mestre l’imagine jouer la cantate de Bach. Sa chambre se trouve au premier, avec un lit, un bureau et la fenêtre donnant sur les oliviers. «Après avoir gravi les marches de l’escalier pour se rendre dans sa chambre, il s’enferme à clé, puis s’assoit à son bureau, piles de livres s’élevant aux deux angles du plateau collés au mur, pieds nus sur la mosaïque du sol, sortes de parallélépipèdes imbriqués avec des carrés plus simples dans une sorte de pavage géométrique, tête tournée vers le balcon lui-même.»
Le poète se trouvait là, trois jours avant son arrestation. A Madrid, quelques jours avant, il était apparu pour la dernière fois en public lisant la Maison de Bernarda Alba, son ultime pièce. Mais il avait décidé de venir se réfugier à Grenade pensant à tort s’y trouver plus en sécurité. C’est dans la Huerta de San Vicente que l’escadron de phalangistes mené par Francisco Estévez fait irruption le 15 août et menace d’emmener le père si Concepción ne dit pas où son frère se trouve. On connaît la tragique suite. A la boutique du musée, Serge Mestre a acheté l’affiche de la Barraca, le théâtre qu’avait fondé Lorca. «Pour lui, la Barraca n’est pas une simple troupe de théâtre, c’est un outil d’éducation du peuple. Son engagement. L’instrument politique qui porte les valeurs de l’égalité. De la République.»
Le Chikito
Sur la Plaza del Campillo, le restaurant Chikito a pour devise : «El arte de hacer amigos» (l’art de se faire des amis). Dans les années 20, sous le nom de café Alameda, il était le principal lieu de rendez-vous artistique de Grenade. C’est là qu’est né El Rinconcillo («le petit coin»), un groupe de discussion littéraire auquel participaient Federico García Lorca, Manuel de Falla, Manuel Angeles Ortiz, Hermenegildo Lanz… H. G. Wells, Rudyard Kipling ou Arthur Rubinstein leur rendirent visite.
Pour commémorer ce lieu d’ébullition grenadin et son pilier, une statue grandeur nature du poète trône à une table du fond depuis le 26 février 2015. Sans doute accompagné d’un café avec un doigt de rhum motrileño, Federico García Lorca, crayon à la main, semble chercher l’inspiration. Comme encore vivant.
(1) «Ainadamar, la fontaine aux larmes», de Serge Mestre, Sabine Wespieser Editeur, 284 pp., 21 €.
(2) «Federico García Lorca, une vie», de Ian Gibson, Seghers, 546 pp., épuisé.
Ce reportage a été réalisé en partenariat avec Sabine Wespieser Editeur.
Frédérique Roussel
Photo Dans les environs de Grenade, où Federico García Lorca a été fusillé en 1936. Photo Georges Bartoli. Divergences
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 3:20 PM
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Par Sonia Legendre, pour l'Hebdo du Vendredi :
Récemment, avec l'aide des étudiants du Cnac, plusieurs pistes de recherche explorées au sein d'ICiMA ont été présentées à Châlons. (© l'Hebdo du Vendredi)
Peu connu du grand public, le volet innovation s'impose pourtant comme l'une des composantes majeures du Cnac. « L'innovation fait partie intégrante de notre projet d'établissement, dixit Gérard Fasoli, le directeur. Il faut sans cesse réinterroger nos pédagogies, et donc développer la recherche, tant sur le plan technique, sur les rapports avec les agrès, que sur la prévention des risques, physiques comme psychologiques. » Impulsée par la Région et financée jusqu'en 2018 par ses partenaires, la Chaire d'innovation cirque et marionnette est un dispositif unique en son genre, au niveau national mais également mondial. Sa vocation : fédérer le plus grand nombre de synergies autour de chantiers de recherche menés par les deux établissements. « Il ne s'agit pas de créer une usine à production de spectacles circo-marionnettiques, précise Raphaèle Fleury, titulaire de la Chaire au sein de l'IIM. Et l'on parle bien d'innovation sociale et territoriale. Nos deux structures sont sur la même dynamique en la matière. Nous avons identifié plusieurs problématiques, soit communes, soit complémentaires, sur lesquelles travailler. » Avec un leitmotiv : ne rien s'interdire, décloisonner cette démarche et garder une trace écrite de toute l'aventure, des hypothèses étudiées jusqu'aux résultats des travaux.
Textiles innovants et agrès en papier froissé
Concrètement, trois grandes pistes sont explorées par le biais de la Chaire : le geste et le mouvement, les matériaux et la terminologie multilingue. « On se rend compte que nos disciplines utilisent un vocabulaire et des termes très différents d'un pays à l'autre. L'idée, c'est de créer des référentiels internationaux pour notre documentation et nos archives. » Autres domaines de réflexion : le numérique, la santé, la biomécanique, le recyclage des matériaux du spectacle vivant ou encore les textiles innovants. Co-titulaire au Cnac, Cyril Thomas revient sur une rencontre avec des artistes plieurs-froisseurs, lors du festival Orbis Pictus. « A la base, il était question d'imaginer une scénographie en papier froissé, en travaillant sur la technique du froissage structuré et la résistance du matériau. Très vite, la réflexion s'est portée sur la création d'agrès. Nous ne nous substituons pas aux chercheurs, mais nous créons des passerelles et des équipes interdisciplinaires autour des chantiers. En croisant différents métiers, comme les philosophes, les laborantins, les artistes, etc. Ce sont des expériences extrêmement enrichissantes et stimulantes. »
Associer le grand public à l'expérience
Plusieurs rendez-vous sont d'ores et déjà imaginés pour associer le grand public et vulgariser tous ces travaux. Lors des Journées du patrimoine ou de la Fête de la science, par exemple. « On souhaite démontrer qu'il n'existe pas de frontière entre la société et la Chaire. Le cirque et la marionnette sont des arts de très haute technicité, et pour autant très populaires. Ils touchent tout le monde. Les citoyens doivent participer à l'expérience. » Sonia Legendre
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 2:19 PM
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Par Fabienne Darge dans Le Monde :
L’Angleterre fête la première de ses rockstars, morte il y a 400 ans, le 23 avril 1616. Depuis des mois, la Shakespearemania fait rage dans la perfide Albion, suscitant les colloques les plus pointus comme les opérations de merchandising les plus improbables. Shakespeare est partout, sur les emballages de savonnette, les tasses à thé ou les coques de téléphone portable, mais il est aussi, Thank God, dans les théâtres, et notamment dans « son » théâtre, le Globe.
Quel meilleur endroit pour le retrouver, et pour fêter cette longévité qui a de quoi faire pâlir celle des Rolling Stones ? Certes, le Globe actuel, sis dans le quartier de Bankside, au sud de la Tamise, n’est pas vraiment le théâtre dans lequel le grand Will créa la plupart de ses pièces, de 1599 à 1613, date où le théâtre brûla, lors d’une représentation d’Henry VIII, à la suite de la mise à feu d’un canon utilisé pour les effets spéciaux.
DEPUIS QUELQUES MOIS, LE GLOBE EST DIRIGÉ PAR UNE METTEUSE EN SCÈNE, EMMA RICE, CONNUE POUR SON ESPRIT ICONOCLASTE
Le Globe d’aujourd’hui est une création récente : il a été reconstruit à l’identique, d’après les plans de l’original et avec les techniques de l’époque, en 1996, à quelque deux cents mètres de l’emplacement originel. Mais c’est là que l’on peut le mieux humer l’atmosphère de ce qu’était le théâtre de l’époque élisabéthaine, dans ce bâtiment en rond, avec ses galeries en bois, son parterre à ciel ouvert, sa scène en avancée dans le public et son ambiance à tout casser, digne d’un concert de rock.
Depuis quelques mois, le Globe, venu d’un temps où les femmes n’avaient pas le droit de se produire sur la scène, et où les personnages féminins étaient donc joués par des hommes, est dirigé par une metteuse en scène, Emma Rice, connue pour son esprit iconoclaste.
Et c’est peu de dire que la nouvelle directrice met le feu à la maison du monstre sacré, avec sa création inaugurale : un Songe d’une nuit d’été kitsch et excentrique, du Shakespeare mâtiné de Bollywood, de Mr Bean et de gender studies. Un objet très réussi dans le genre, qu’il serait impossible de voir ailleurs qu’en Grande-Bretagne − laquelle, comme on sait, est une île où rien ne se passe comme ailleurs.
Une distribution multiculturelle
Emma Rice joue à fond la carte d’un théâtre élisabéthain où tout se passe au milieu même du public, et avec lui. Lequel public est ici intégré à la représentation comme s’il était invité à un mariage. Cet heureux événement est évidemment celui qui doit unir Thésée, le duc d’Athènes, et Hippolyte, la reine des Amazones.
Mais aussi celui qui devait unir les jeunes Hermia et Démétrius d’une part, Héléna et Lysandre d’autre part, avant que l’amour et le désir, ces joyeux vagabonds de la nuit qui transforment l’homme en dieu ou en bête, selon les cas, ne s’en mêlent, et n’affolent cette nuit d’été remplie d’esprits et de sortilèges.
D’EMBLÉE LE TON EST DONNÉ QUAND APPARAÎT HIPPOLYTE, EN MANTEAU PANTHÈRE ET STILETTOS ROUGES
Et d’emblée le ton est donné quand apparaît Hippolyte, en manteau panthère et stilettos rouges. La reine des Amazones est en soi une créature, puisqu’elle est incarnée par Meow Meow, une performeuse et chanteuse de cabaret très connue au Royaume-Uni, où elle est une icône des milieux « queer ».
Elle joue également Titania, la reine des fées, et ce choix est à l’image de l’ensemble du spectacle, qui s’amuse de la manière la plus contemporaine possible avec tous les jeux d’identité inventés par Shakespeare dans cette triple intrigue qu’est Le Songe, où se côtoient dans la forêt les créatures mythologiques, féeriques, et de simples mortels qui pourtant sont un peu plus que cela puisqu’ils jouent du théâtre.
C’est ainsi qu’Héléna est jouée par un garçon, ce qui corse et recadre la relation quadrangulaire entre les jeunes nobles d’Athènes de manière passionnante, dans ce spectacle dont la distribution est par ailleurs totalement multiculturelle. C’est désormais l’usage en Angleterre, où le public considère comme une évidence de voir des acteurs d’origine indienne ou africaine interpréter les personnages de Shakespeare, quels qu’ils soient.
Un public en contact direct avec les acteurs
Tout est jeu dans ce Songe où les fées de la forêt, lilliputiennes et immatérielles, peuvent être incarnées par de grands costauds velus, vêtus de costumes délirants qui semblent tout droit sortis des placards de Vivienne Westwood, la papesse baroque-punk de la mode anglaise. Puck, le lutin diabolique, qui sert d’instrument à l’affolement de tous les compteurs fantasmatiques, est, lui, joué par une femme, l’irrésistible et acrobatique Katy Owen, laquelle tire sur le public avec son pistolet à eau et vole au-dessus des spectateurs comme un super-héros.
L’amour est une drogue, douce ou dure, c’est selon, nous dit Shakespeare dans Le Songe. Ce qu’Emma Rice traduit avec une alacrité et une fantaisie débridées dans ce spectacle où se télescopent aussi le Space Oddity, de David Bowie, et les scènes de comédies musicales bollywoodiennes. Le public londonien, notamment celui qui est debout au parterre (les places les moins chères), en contact direct avec les acteurs, en redemande ; ce Songe agit sur lui comme une substance euphorisante.
Car Dieu sait qu’il est drôle et fou, ce Songe d’une nuit dans l’été anglais. Mais, pour être délirant, il est loin, très loin d’être idiot, et d’une vraie pertinence par rapport à Shakespeare, qui est transgenre par essence, avec ses voltiges incessantes autour de l’identité sexuelle. « Totus mundus agit histrionem », était-il écrit à l’entrée du Globe : le monde entier est un théâtre où chacun joue un rôle, homme ou femme, noir ou blanc, ange ou démon.
A Midsummer Night’s Dream (Le Songe d’une nuit d’été), de William Shakespeare. Mise en scène : Emma Rice. Shakespeare’s Globe, jusqu’au 11 septembre. http://shakespearesglobe.com
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 11:40 AM
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Lettre aux spectatrices et spectateurs du "81 avenue Victor Hugo" Soutien au collectif du 81 avenue Victor Hugo Aubervilliers le 9 juin 2016 Vous avez vu 81 Avenue Victor Hugo, la pièce d'actualité n° 3. Nous vous écrivons aujourd'hui pour vous informer de la situation du collectif du 81 avenue Victor-Hugo, dont sont issus les acteurs du spectacle, et solliciter votre soutien.
Lire sur le site du Théâtre de la Commune CDN Aubervilliers : http://us6.campaign-archive2.com/?u=dce5591efc03c9012c4797bf5&id=b96aa68052&e=354a65208f Le spectacle, si vous vous en souvenez, racontait la violente et paradoxale situation dans laquelle se trouvent prises les personnes sans-papiers qui vivent au 81, avenue Victor-Hugo à Aubervilliers. Beaucoup d'entre elles travaillent mais sont condamnées par l’arbitraire des lois de notre pays au travail au noir ou clandestin, et se retrouvent coincées dans une situation kafkaïenne inextricable : pour être régularisé, il faut pouvoir justifier d'un contrat de travail, mais comment faire un contrat de travail à une personne sans-papiers ? Le fait que des hommes se dressent avec courage pour dire l'insupportable de leur situation sur une scène de théâtre, qu'ils fassent la claire démonstration de l'absence du droit, appuyés par le soutien du public et l'attention de la presse, a poussé Didier Leschi, alors préfet à l’égalité des chances de la Préfecture de Bobigny à venir assister à la pièce. Sensible à la singularité de leur aventure en tant que collectif, il a alors promis de regarder avec bienveillance les dossiers et de régulariser l'ensemble du collectif « au fil de l'eau ». Pour maintenir vive cette promesse et continuer à faire entendre l’intenabilité de nos lois, nous avons continué et continuons à jouer le spectacle : au Festival d'Avignon, au festival Homo Novus de Riga, à Marseille, bientôt au Festival d'Automne à Paris... Car la promesse est ambiguë : la préfecture de Bobigny a en effet décidé d'assouplir ses critères dans l'examen des dossiers, mais elle a posé une condition à ces régularisations : la présentation pour chacun d’eux d'une promesse d'embauche. Cette condition minimale demeure insurmontable pour la plupart alors même qu’ils travaillent. Ces promesses sont en effet très difficiles à obtenir : soit que les patrons craignent des contrôles mettant au jour le recours à des travailleurs illégaux, soit parce qu’ils gagnent à garder à leur merci une main d’œuvre invisible, sans droits ni exigences salariales. Devant ces inextricables difficultés, en collaboration avec le collectif et le théâtre de La Commune, nous avons travaillé à obtenir ces promesses d’embauches. Nous avons sollicité les réseaux associatifs et les entreprises culturelles que nous connaissions. 41 personnes ont pu ainsi être régularisées, et 22 dossiers sont actuellement en cours de traitement. Mais les forces dont nous disposons sont insuffisantes. Et il reste toujours une vingtaine de personnes sans-papiers car ne pouvant fournir de promesse d’embauche. Bientôt, la porte qui a été entrouverte par la préfecture risque de se refermer sur le collectif comme un piège. Une nouvelle préfète a été nommée et elle demande au collectif de quitter le squat du 81, avenue Victor-Hugo d'ici le 20 juin. Les personnes qui ont déjà été régularisées sont à priori assurées d'être relogées, mais les autres seront mises à la rue. De plus, la préfecture fait peser la menace d’OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) pour ceux qui chercheraient à résister à l’expulsion dans le but de diviser la force politique qui fait l’union du collectif. Nous ne pouvons l’accepter. Nous avons donc demandé un délai pour pouvoir mener à terme la régularisation de tout le collectif, comme cela avait été envisagé au départ par l'ancien préfet. Quand ces 20 personnes auront été régularisées, elles pourront quitter le lieu qui leur sert aujourd'hui d'abri. Mais sans titre de séjour comment pourraient-elles espérer trouver un logement ? Devant l'urgence de la situation, nous nous permettons de lancer un appel. Si vous êtes en mesure de fournir une telle promesse d'embauche pour l'un d'eux, vous pouvez prendre contact avec le théâtre de La Commune qui vous expliquera la procédure à suivre. Il doit s'agir de contrat en CDI aux ¾ temps minimum (homme de ménage, garde d'enfant, jardinier, agent d'accueil, travaux dans le bâtiment, etc. ) Soyons clair, il s'agit de défaire le cercle infernal dans lequel se trouvent pris nos amis. Il s'agit de leur permettre d'obtenir des papiers pour qu'ils puissent ensuite trouver un logement pérenne, un travail déclaré, et leur permettre ainsi de mener une vie décente. Nous espérons que cette lettre trouvera en vous un écho. Et nous vous remercions pour votre soutien passé et futur.
Pour résumer : 1/ nous vous demandons, si vous le pouvez, de nous aider à établir des promesses d’embauche. Le théâtre de La Commune vous expliquera la démarche, qui est simple, un peu contraignante sur le plan administratif (fournir des pièces justificatives) mais qui ne vous engage pas de façon définitive. Le Théâtre peut vous aider à les remplir. Écrire à : direction@lacommune-aubervilliers.fr ou téléphoner au +33 (0)1 48 33 16 16
2/ nous vous demandons d’écrire au Préfet du 93, M. Galli, et à Mme Benrabia (Préfète à l’égalité des chances) pour demander que l’engagement pris par l’ancien Préfet Leschi soit maintenu, qu’il n’y ait pas rupture de la parole de l’Etat, que la situation de nos amis soit traitée avec l’intelligence et la confiance qu’avait instaurées M. Leschi. - que nos amis aient le temps de déposer leurs promesses d’embauche - que l’expulsion du 20 juin soit abandonnée; ou si ça n’est pas possible, que nos amis en attente d’examen de leur situation, soient relogés ensemble. Il existe à Aubervilliers un local désaffecté, ancienne gendarmerie, propriété de l’Etat, qui sert aujourd’hui d’hébergement d’urgence, et qui peut aisément accueillir nos amis. Il est important qu’ils ne soient pas renvoyés à la rue, et qu’ils demeurent ensemble. La solution existe à Aubervilliers! Écrire à : M. Le Préfet/ Mme La Préfète à l’égalité des chances préfecture de Bobigny- 1, esplanade Jean Moulin - 93007 Bobigny Cedex
3/nous vous invitons à nous rejoindre lors d'un rassemblement de soutien, mercredi 15 juin à partir de 14h30 devant la préfecture de Bobigny, 1 esplanade Jean Moulin, Bobigny (métro ligne 5, station Bobigny Pablo Picasso). « La lutte continue, on n’est pas fatigués ». Merci. L'équipe artistique du 81 Avenue Victor Hugo, Olivier Coulon-Jablonka, Barbara Metais-Chastanier, Camille Plagnet
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Le spectateur de Belleville
June 9, 2016 4:29 PM
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Les théâtres, salles de spectacles et festivals que nous dirigeons ne pourraient exister sans le régime dit de l’intermittence, dont relèvent une grande partie des artistes et techniciens qui viennent y travailler. Sans ce régime spécifique d’indemnisation chômage, le spectacle vivant risquerait de disparaitre totalement. Pour tenir compte des particularités de fonctionnement de ce secteur économique et de son modèle particulier, des négociations sectorielles ont été inscrites dans la loi du 17 août 2015.
Pour la première fois, les organisations représentatives de l’ensemble du secteur du spectacle (employeurs de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle vivant regroupés au sein de la FESAC et représentants des salariés à travers les 5 fédérations spectacles CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) ont travaillé ensemble à fixer les règles d’indemnisation des artistes et techniciens du spectacle. Cette négociation sectorielle du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle s’est achevée jeudi 28 avril 2016 par la finalisation d’un accord signé par les représentants des employeurs et la totalité des organisations de salariés représentatives du spectacle vivant.
Cet accord est historique. Il respecte les grands principes de la plateforme de revendication commune des partenaires sociaux patiemment constituée au fil du temps et répond à une très grande partie des revendications partagées depuis presque 15 ans entre les salariés intermittents et leurs employeurs. Cet accord est vertueux, durable et équitable.
Chacun a fait des efforts dans l’intérêt de tous. L’ensemble des redistributions et des contributions nouvelles représente un équilibre radicalement différent par rapport au passé, tout en effectuant une économie générale maintenant chiffrée.
Mardi 24 mai, le comité d’experts présidé par l’économiste Jean-Paul Guillot a rendu son verdict : l’accord du 28 avril génèrerait une économie comprise entre 84 et 93 millions d’euros (105 millions exigés par l’UNEDIC). Cet accord fait la démonstration que l’expertise de partenaires sociaux responsables peut conduire à trouver un accord qui permette à la fois d’élargir le nombre des bénéficiaires, d’être plus équitable et plus vertueux dans la redistribution des droits.
Cet accord doit maintenant être validé par les organisations interprofessionnelles gestionnaires de l’UNEDIC, comme la loi les y engage. Sans atteindre tous les objectifs de leur lettre de cadrage, jugée provocatrice par la ministre de la Culture, l’accord propose une alternative maintenant incontournable et les attaques habituelles évoquant « des effets de comportements » contribuant une fois de plus à diffamer les professionnels de notre secteur n’y changeront rien.
Lors de la séance de négociation sur la convention d’assurance chômage, les organisations interprofessionnelles ont examiné l’accord du 28 avril et ont émis des réserves quant au respect de la trajectoire financière.
Nous saluons la réponse du gouvernement visant au renforcement du rôle du fonds de professionnalisation, à l’instauration d’un comité de suivi de l’accord associant l’ensemble des parties prenantes, et affirmant s’engager dans « la préparation de la mise en oeuvre de l’accord à compter du mois de juillet 2016, avec l’Unédic, Pôle emploi et les professionnels du spectacle ».
C’est pourquoi : nous appelons toutes les parties prenantes, employeurs et salariés du spectacle vivant et de l’audiovisuel, spectateurs, partenaires et citoyens intéressés à la préservation de notre modèle culturel à le faire savoir et à le défendre ensemble dans l’unité et l’intérêt général nous demandons à l’État de mettre tout son poids dans les négociations mais de ne pas intervenir directement dans le financement des Annexes des intermittents du spectacle qui doivent strictement demeurer dans le cadre interprofessionnel.
- Caroline Melon, directrice, Chahuts - Bordeaux - Philippe Prost Directeur Le Pin Galant Mérignac - Eric Roux Directeur Rockschool Barbey Pad SMAC Bordeaux - Sylvie Violan Directrice le Carré-Colonnes, , St Médard/Blanquefort - Frédéric Maragnani, Directeur La Manufacture Atlantique, Bordeaux - Joël Brouch, Directeur, Office Artistique de la Région Aquitaine, Bordeaux - Catherine Marnas, directrice, Théâtre national Bordeaux Aquitaine, Bordeaux - Stéphanie Bulteau, Directrice Théâtre le Liburnia / Fest’arts, Libourne - Nathalie Besançon, Les Sept Collines, Tulle - Sophie Casteignau, Centre Simone Signoret, Canéjan - Stéphane Jouan, Directeur Avant-Scène Cognac, Cognac - Olivier Couqueberg, directeur, La Mégisserie, Saint-Junien - Patrick Duval, directeur, Le Rocher de Palmer, Cenon - Pascale Aujay – Directrice – La Médoquine, Talence - Sophie Trouillet, Le Plateau, Théâtre Jean Vilar, Eysines - Catherine Dété, Théâtre du Cloître, scène conventionnée, Bellac - Denis Lecat, Créa, Saint-Georges de Didonne - Laurence de la Fuente, metteur en scène, Cie Pension de famille Bordeaux - Bruno Rapin, Directeur, Théâtre Georges Leygues, Villeneuve sur Lot - Laurent Guyot, JP Pacheco et Gwen Lescaillet, Théâtre La Boîte à Jouer, Bordeaux - Bruno Lecomte et Monique Garcia, co -directeurs du Glob Théâtre, Bordeaux - Christine Dormoy, directrice Cie Le grain Bordeaux - Nathalie Yéramian, directrice, Festival 1000 Sources & Dordogne, AMELI, Corrèze - Dominique Burucoa Directeur, Scène nationale du Sud-Aquitain, Bayonne - Géraldine Dedieu, Directrice, Espace culturel Treulon, Bruges - Philippe Sanchez, directeur du CREAC / la citéCirque, Bègles - Magali Godart, Directrice, Centre culturel LA CARAVELLE, Marcheprime. - Chantal Achilli – directrice, L’odyssée, Périgueux - Stéphane Guignard, directeur, Cie musicale éclats, Bordeaux - Vincent Léandri, directeur, Théâtre de La Coupe d’Or, Rochefort - Jane Amboise, Centre culturel de Terrasson et Festival « Les chemins de l’imaginaire » - Didier Estebe, directeur, SMAC KRAKATOA, Mérignac - François Maton, directeur, ATABA, Biarritz - Frédéric Durnerin, Directeur, Agora PNAC, Boulazac Isle Manoire - Florence Cailton, Directrice des affaires culturelles, Espace d’Albret, Nérac - Jérôme Montchal, directeur, 3T-Théâtres de Châtellerault - Stephan Lauret, Directeur CDC, d’Aquitaine Le Cuvier, Artigues-près-Bordeaux - Frédéric Branchu, directeur, Théâtre de Thouars - Magali Lugan, Directrice Carré Amelot, espace culturel La Rochelle - Gurval Réto, directeur, Scènes de Territoir, Bressuire. - Paul-Jacques Hulot, directeur , Le Moulin du Roc, Niort - Anne Théron, directrice artistique, compagnie Les Productions Merlin, Poitiers - Nathalie Chanas Nicot, directrice, La Canopée, CC Val de Charente, Ruffec. - Guy Garcia, directeur, SMAC LE sans-réserve, Périgueux - Christiane Artigalas, référente mairie Théâtre « Côté Cour » MEZIN – - Emilie ATHIMON, coordinatrice - Les CARMES (La Rochefoucauld 16) - David Sauvignon Directeur Salle Diff’art Parthenay (79) - Joël Breton Directeur Association LA Palène Rouillac 16 170 - Laurent Moulédous, chargé de production, Hart Brut, Lucq de Béarn - Filgi Claverie - Resp serv cult - Communauté de communes Errobi (Pays Basque) - Thibaud Keller, Directeur, Le Champ de Foire, Saint André de Cubzac - Yves Beaunesne, directeur, Comédie Poitou-Charentes, CDN, Poitiers - Jérôme Lecardeur, directeur, TAP - Théâtre et Auditorium de Poitiers - Matthieu Roy - metteur en scène/dir art Cie du Veilleur, Poitiers - Martin Palisse, directeur, le Sirque PNAC, Nexon - Christelle Derré, et Martin Rossi Co-direction , Collectif Or Normes Poitiers. - Thomas Condemine, directeur artistique, TPN Theatre, Royan - Dominique Sarah, Directrice, Gallia theatre, Saintes (17) - Bruno Brisson, Festival Musicalarue Luxey 40 - Lauriane Chammings, festival d’ici danse, St Germain du Puch 33 - Thierry Faucher, directeur Cie caus’ toujours Niort
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 7:25 PM
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Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog de Mediapart
Il faut savoir terminer une occupation après avoir eu satisfaction, il faut aussi savoir présenter un spectacle au public après en être un tantinet satisfait. C’est à cette double confrontation qu’ont dû faire face les initiateurs de l’occupation du théâtre de la Bastille.
L’idée initiale en revient à la directrice adjointe Géraldine Chaillou, bénie par son directeur Jean-Marie Hordé : que le théâtre soit occupé d’avril à juin (fin de la saison) par une soixantaine de spectateurs volontaires, complices d’une équipe de six d’acteurs avec à leur tête un meneur, à la fois acteur, auteur, metteur en scène et agitateur d’idées et de projets, le Portugais Tiago Rodrigues.
68 jours d'occupation
Le dit Portugais (parlant français) avait fait son entrée dans ce théâtre la saison dernière par la salle du haut avec « By heart », un spectacle où il parlait de sa grand-mère, et, chemin faisant, entouré de spectateurs volontaires, partageait avec eux le pain d’un sonnet de Shakespeare, lequel sonnet, à la fin du spectacle, était collectivement récité. Une merveille de douceur. On allait retrouver Tiago Rodrigues quelques mois plus tard au festival d’Avignon avec une autre proposition autour de Shakespeare tout aussi merveilleuse (lire ici). C’est là qu’on apprenait conjointement sa nomination à la direction du Théâtre National de Lisbonne et le projet d’occupation du théâtre de la Bastille.
Avec jubilation, j’ai raconté les deux premiers épisodes : le début de l’occupationavec « Bovary » (lire ici), puis le savoureux épisode acteurs-spectateurs que fut « Ce soir ne se répétera jamais » (lire ici). On attendait en ce début juin la fin programmée de l’occupation avec ce qui aurait pu être son apothéose ou sa sortie de crise (de rire) : « Je t’ai vu pour la première fois au théâtre de la Bastille ». Seul le titre fut joli. Ce fut une soirée souvent maussade, assez vide, une soirée de trop. Faux rythmes, fausses bonnes idées, ravages de l’entre soi. Au mieux un vague bout à bout d’une première étape d’un spectacle futur où l’on se dirait : ça on garde, ça on jette, ça c’est pas mal mais il faut le faire à l’envers, etc.
Capitaine Tiago
Dans la salle, le soir de la première de « Je t’ai vu pour la première fois au théâtre de la Bastille », on reconnaissait parmi les spectateurs bon nombre d’occupants qui, dans le précédent spectacle, étaient sur scène et chacun d'entre eux pouvait s’approprier le titre du spectacle. Un paquet de « gags » (les guillemets sont de rigueur) qui adviennent sur scène leur sont destinés,comme il est fait aussi plusieurs fois référence à « Bovary », à « By heart » et à certains spectacles donnés à la Bastille. Mieux vaut avoir suivi le feuilleton.
L’idée, pas sotte, consiste à imaginer ce que serait le théâtre dans vingt ans, toujours occupé. Mais la proposition tourne vite en rond, patine. Faute de temps ? D’écriture ? Les deux, mon capitaine. Et d’ailleurs, il est où le capitaine Tiago ? Reparti à Lisbonne ? Non, à la fin, il vient saluer.
La fin, justement, il en est question dans le programme qui, contient implicitement la critique du spectacle. « Le théâtre s’est toujours confronté à un problème de fin » écrit Tiago Rodrigues avec un sens aigu de la prémonition. Il tire humblement et honnêtement le bilan de cette occupation nullement contestataire mais assurément salutaire : « Nous avons vécu des moments d’incroyables activité et participation. Nous avons vécu des moments de crise et de paralysie quasi totale. Nous nous sommes tantôt attendris, tantôt ennuyés. (…) Aujourd’hui, nous pouvons dire sans l’ombre d’un doute que nous avonstravaillé ensemble au théâtre. Nous avons essayé ensemble ».
Un manifeste de l'"essayé ensemble"
C’est beau cet « essayé ensemble ». Dans ce spectacle de fin (d’année), il y avait bien l’essai (quel beau mot qui dit à la fois le processus et ce qu’il en résulte que cela soit dans le rugby ou en littérature) mais il manquait un « ensemble » plus conséquent. Comme si le spectacle portait en lui ce qui résulte de sa disparition le soir de la dernière : on se sépare et chacun retourne chez soi. L’occupation de la Bastille avait rendez-vous avec sa mélancolie.
Tiago Rodrigues : « Je ne sais même pas si elle [l’occupation] a donné du courage ou rassuré quelqu’un. Par contre, je sais que nous avons essayé. Et que peut-on espérer de plus du théâtre que la tentative ? ». C’est cela qui nous restera. Ce « théâtre des tentatives », ce théâtre qui retrouve le goût de l’essai et nous invite à le partager.
Théâtre de la Bastille, jusqu’au 12 juin, 20h, dim 17h, sf jeudi, entrée gratuite.
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 6:59 PM
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Publié sur le site du Syndeac
(à retrouver dans le dossier Télérama « A bout de sous » ) L’enquête sur les financements publics menée depuis plusieurs années par le SYNDEAC a été le point de départ d’une collaboration avec Télérama concernant le dossier spécial « A bout de sous » à paraître dans leur numéro daté du 8 juin 2016. Malgré des financements de l’Etat stables et le maintien sur certains territoires de politiques culturelles ambitieuses, la baisse des dotations aux collectivités territoriales apparaît sur la moyenne des politiques culturelles. Au-delà des situations de retrait observées jusqu’ici sur certains territoires, l’enquête élargie aux adhérents du SNSP, de PROFEDIM, des Forces musicales et du CIPAC, révèle l’amorce nette d’une baisse à échelle nationale en 2016, signifiant la généralisation du repli des budgets culturels. Une moyenne cachant de très fortes disparités de situation entre les territoires, mais aussi les typologies de structures. L’échantillon ne comprenait pourtant que des structures crées avant 2013 et ayant conservé au moins un partenaire public en 2016. Que dire de la situation de jeunes projets ou des projets qui se sont déjà éteints ?
Cette tendance pourrait rapidement s’amplifier, à mesure des attributions des subventions. A titre d’exemple : 32% des structures de l’échantillon n’ont à ce jour aucune confirmation écrite ni information orale sur le montant qui leur sera attribué par la Région en 2016, 24% sont dans la même situation concernant les financements des Conseils départementaux.
http://www.syndeac.org/action-syndicale/communiques/baisse-financements-publics-de-culture-moyennes-cachant-de-tres-fortes-disparites/
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 6:42 PM
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Publié dans Info-Tours :
La nouvelle saison vient d’être présentée par Jacques Vincey.
« Vous remarquerez que le récapitulatif de la saison est écrit en plus petit que l’an passé » s’amuse le directeur du Théâtre Olympia de Tours en débutant la présentation du programme septembre 2016-juin 2017 du théâtre régional devenu national il y a peu. 20 rendez-vous contre 16 la saison passée, dont deux récemment auréolés d’un Molière lors de la cérémonie annuelle de récompenses pour le théâtre français.
Un mot barre aussi le programme des réjouissances : OSER. « Il faut oser pour ouvrir de nouvelles propositions, notre mission c’est de défricher, éclairer, proposer au public ce qu’il aime et ce qu’il ne sait pas encore qu’il aime. Entretenir une curiosité dont la flamme est fragile, ne jamais se reposer. Le théâtre est un chemin fait de bonnes surprises, parfois de déceptions » argumente Jacques Vincey qui parcourt les salles de spectacles toute l’année pour établir sa programmation et planifie aussi plusieurs créations dans les murs de l’Olympia.
Pour 2016-2017, deux nouveaux artistes associés travailleront à des projets inédits pour Tours : Bérangère Vantusso et Mohamed El Khatib : « ils ont une esthétique très différente de la mienne, et très différente l’un de l’autre. Bérangère travaille avec des marionnettes et Mohamed sur la réalité brute, pour coller au plus près de ce qu’il ressent » détaille le directeur du théâtre qui présentera le duo au public lors de la soirée de lancement de saison le 17 juin, avec des balades urbaines dès 17h, la fameuse présentation à 20h puis une soirée dancefloor dans le théâtre à 22h avec DJ Squirrell (entrée libre sans réservation).
Dans les prochains mois, le Théâtre Olympia compte également poursuivre l’extension de sa galaxie. Via la tournée de La Dispute de Marivaux mise en scène par Jacques Vincey (une quarantaine de dates) ou des partenariats de plus en plus poussés avec La Pleïade de La Riche, l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours, le futur CCCOD, l’Opéra, l’Université ou le Centre Chorégraphique National de Tours.
« On a faim et on pousse le bouchon » commente encore Jacques Vincey à propos de la liste de représentations qui débutera par la création de Bérangère Vantusso, L’Institut Benjamenta, du 29 septembre au 7 octobre, l’histoire d’un bon domestique trop insignifiant (avec des marionnettes, donc). Puis on évoquera la mémoire avec Presque l’Italie de Laurent Cogez en octobre (création, aussi), Didier Girauldon présentera Les Paratonnerres début novembre (histoire d’une famille au cœur de la guerre), le travail de Mohamed El Khatib sera sur scène dès la fin novembre (Moi Corinne Dadat), Molière sera totalement revu par de jeunes comédiens presque sans décor du 31 janvier 2017 au 11 février (ça s’annonce déstabilisant et très intéressant !), la jeunesse théâtrale qui tiendra de nouveau le premier rôle fin avril pour la deuxième édition du festival WET° juste avant l’un des temps fort de l’année : Qui a peur de Virginia Woolf ?
Olivier COLLET
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 2:49 AM
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Par Emmanuelle Bouchez et Sophie Rahal dans Télérama :
Alors que le modèle culturel français de financement croisé vacille, “Télérama” a donné la parole a plusieurs directeurs et administrateurs d'établissements culturels qui décryptent leur relation avec les tutelles. Aujourd'hui, certains n'hésitent plus à chercher les subventions ailleurs.
Lire sur le site de Télérama : http://www.telerama.fr/scenes/subventions-et-spectacle-vivant-la-parole-aux-directeurs-de-lieux-culturels,143478.php
“Des projets se sont faits avec le seul argent de nos tournées.” Boris Charmatz, directeur du Musée de la danse, CCN de Rennes.
Budget global 2015 : 2 172 360 euros, dont 64 % de subventions. « En 2011, le département d'Ille-et-Vilaine a baissé toutes les structures culturelles de 20 %, et l'on n'a jamais inversé la tendance depuis. L'Etat est notre premier financeur, la Ville de Rennes vient juste derrière, suivie de la Région. Ces subventions sont stables depuis ma nomination, en 2009, je dois donc m'estimer heureux de ne pas subir de baisse. Mais le coût de la vie augmente... Alors que notre projet Musée de la danse est novateur et explose les chiffres de fréquentation, de tournées, de coproductions, on aurait pu s'attendre à davantage de soutien. Des projets nouveaux comme Fous de danse, où interviennent de grands chorégraphes toute une journée sur la plus grande place de Rennes, se sont faits avec le seul argent de nos tournées. » Propos recueillis par E.B. “Il est compliqué de trouver d'autres ressources que l'Etat.” Nathalie Garraud, directrice de la Compagnie du Zieu (Aisne). Budget 2015 : 437 634 euros, dont 26,1 % de subventions. « L'aide de l'Etat est importante (convention de 50 000 euros annuels sur trois ans) et c'est la condition sine qua non au développement de nos productions. Elle nous assure une certaine stabilité et une visibilité financière, donc de l'autonomie. Depuis 2012, nos ressources propres ont augmenté tandis que les financements publics restent stables, avec une légère diminution cette année (en raison d'une baisse de 10 % du Conseil départemental). Mais nous n'avons plus de perspective d'augmentation, et cela rend notre structure fragile. D'autant qu'il est compliqué, pour une compagnie de théâtre, de trouver d'autres ressources : répondre à des commandes pourrait distordre le projet artistique, et puis comment s'engager dans le montage de projets européens sans poste dédié à la recherche de fonds ? Comment engager des mécènes à soutenir notre création quand il y a peu de retour sur investissement comparé à ce que peut offrir un événement public d'ampleur ? » Propos recueillis par Sophie Rahal “Réussira-t-on l'équilibre mixte public-privé ? On l'espère.”
Paul Rondin, directeur délégué du Festival d'Avignon.
Budget 2016 : 12 365 786 euros, dont 52 % de subventions. « Le festival, depuis toujours, est un projet national en région : l'Etat est donc pour nous un vrai partenaire. Il vient même de renforcer son soutien de 100 000 euros en 2016 pour notre action culturelle dans 200 établissements scolaires de la région. Mais aujourd'hui, il n'y a que l'Etat et la Région qui tiennent leurs engagements : Christian Estrosi (Région PACA) vient d'augmenter sa subvention. Signée pour quatre ans dès 2014, notre convention n'a empêché ni la Ville (PS) ni le département, certes parmi les plus pauvres de France, à baisser leurs subventions en 2015. Pour ne pas peser sur l'artistique, nous avons baissé notre coût de fonctionnement de 8 % en renégociant tous nos contrats, et nous cherchons de l'argent partout. Le mécénat - 86 % de notre action éducative - fait arriver de l'argent parce que le festival est un symbole fort. Notre nouvelle piste de revenus est l'activité numérique : nous avons créé un incubateur de start-up en partenariat avec l'Université d'Avignon. Tout cela pour continuer à servir l'esprit de Jean Vilar ! Réussira-t-on cet équilibre mixte public-privé ? On l'espère. » Propos recueillis par E.B. ------------------------------------------- “Je suis déçu par les coupes catastrophiques.” Yoann Bourgeois, codirecteur du CCN de Grenoble. Budget 2016 : 1 074 744 euros, dont 42,1 % de subventions.
« J'ai quitté ma compagnie de cirque qui fonctionnait très bien pour prendre la codirection, avec Rachid Ouramdane, d'une institution que j'espère régénérer de l'intérieur. Le financement, je l'envisage aussi de manière nouvelle : ce n'est pas qu'une question d'argent, mais aussi d'échanges d'idées et de savoir-faire. Les partenariats avec les fondations - Rothschild ou SNCF sur l'opération 1er Acte, consacrée à la diversité -, les systèmes solidaires ou les petites entreprises me l'ont appris. Je suis déçu par les coupes catastrophiques - - 15 % en 2016 ! - du nouveau maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, alors que nous défendons un projet impliquant les populations. Mais je vais essayer de comprendre cette équipe municipale, d'imaginer avec elle des actions sur le terrain sportif ou social... La nouvelle Région Auvergne-Rhône-Alpes ne s'est pas encore prononcée, seul l'Etat - très attentif - et le département de l'Isère s'engagent. Dans le climat actuel, entre colère sociale et montée de l'extrême droite, j'attends du ministère de la Culture une vision forte. » Propos recueillis par E.B.
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“On nous demande de ne pas tout engager sur l'exercice en cours, au cas où...”
Pascale Boeglin-Rodier, directrice du Théâtre Liberté - Scène nationale de Toulon (Var). Budget 2015 : 4 millions d'euros dont 76% de subventions.
« Même si, pour des raisons historiques, il y a parfois un manque de courage politique pour remettre les choses à plat, on sent de la bienveillance chez nos tutelles publiques, et une réelle volonté d'accompagnement. Nous n'avons que cinq ans d'existence : la réussite de notre projet – un nouveau théâtre à Toulon – a joué en notre faveur et nous avons obtenu le label “Scène Nationale” en décembre dernier. Nous sommes en cours de formalisation d'un contrat avec l’Etat, mais, à ce jour, nous n'avons pas encore la garantie d'obtenir en 2016 la totalité de la subvention plancher allouée aux scènes nationales. On nous demande donc d'être prudent et de ne pas tout engager sur l'exercice en cours, au cas où... C'est complexe de jongler avec des subventions non consolidées ! Cette incertitude fragilise notre façon de travailler car engager une création demande du temps et de l'anticipation. Les subventions publiques sont essentielles pour mettre en œuvre un projet de théâtre public (avec des prix attractifs, une offre diversifiée). Et si celles des collectivités territoriales sont stables (la ville et l'agglomération s'engageant à hauteur de plus de deux millions d'euros), on ne refuse pas le reste pour autant. On cherche du mécénat, on établit des partenariats, on loue l'établissement, on sollicite même des dons du public via le “billet suspendu” grâce auquel un spectacteur peut acheter deux places et en laisser une “au comptoir” pour les plus démunis...» Propos recueillis par Sophie Rahal
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“Un bloc républicain s'est formé contre la menace du Front National.” Guy-Pierre Couleau, directeur de la Comédie de l'Est, CDN de Colmar. Budget 2015 : 2 376 000 euros, dont 82% de subventions
« Tous nos financeurs (Etat, Région et Ville) ont augmenté leurs subventions en 2016, sauf le département, en difficultés réelles, qui a baissé de 40 000 euros. Mais en Alsace-Lorraine et Champagne-Ardennes, l'intérêt pour la culture s'est encore renforcé lors des dernières échéances électorales : un bloc républicain s'est formé contre la menace du Front National. Tous les artistes se sont mobilisés et les collectivités territoriales les ont beaucoup écoutés, voire consultés. A la même période, le musée Unterlinden a par exemple réouvert ses portes (grâce à plus de 40 millions d'euros investis par les collectivités locales !).... Aujourd'hui, on essaye tout de même de diversifier nos sources de financement, en travaillant avec des institutions étrangères (La Comédie de Genève), en multipliant les coproductions, en tournant nos spectacles... Le mécénat, ici, est facilité par notre statut d'association : en droit local alsacien, notre établissement peut bénéficier du mécénat directement (contrairement à beaucoup d'autres centres dramatiques), et le club de quatorze partenaires qui nous soutient peut défiscaliser. Ces « petits » financements (50 000 euros environ) sont essentiels car ils sont le socle de notre action culturelle en faveur des écoles, de l'institut médico-pédagogique, des publics défavorisés... » Propos recueillis par SR -------------------------------------- “Aujourd'hui, le non-accompagnement peut venir de n'importe où.” Jean-Michel Puiffe, directeur du Théâtre Sénart - Scène nationale (Seine-et-Marne). Budget 2015 : 6,4 millions d'euros (dont 1,5 million de charges de production), dont 74% de subventions. « Certains élus, toutes tendances politiques confondues, font encore le choix d’investir : en l’occurrence 42 millions d’euros dans le Théâtre-Sénart, reconstruit et réouvert en novembre 2015. Malheureusement, nous avons eu la confirmation début mars que la subvention du département (300 000 euros) allait baisser de moitié ! Cela nous fragilise car cette baisse importante survient en cours d’exercice. La saison artistique va exister, mais on a dû réduire la voilure : reporter des projets, baisser le nombre de représentations… Nous qui n’étions pas rompus à l’exercice des demandes de financements nous tournons aujourd’hui vers l’Europe, et vers la nouvelle majorité de la Région Ile-de-France. En cinq ans, le changement est radical : auparavant, on savait que « l'attaque » venait de telle ou telle collectivité. Aujourd'hui, le non-accompagnement peut venir de n'importe où. Propos recueillis par SR
--------------------------------------------- “Comment engager des mécènes quand le retour sur investissement n'est rien ?” Nathalie Garraud, directrice de la Compagnie Du Zieu (Aisne) et Ariane Salesne, administratrice. Budget 2015 : 437 634 euros, dont 26,1% de subventions.
« L'aide de l’État est importante (50 000 euros annuels sur trois ans) et c'est la condition sine qua non à notre structuration et au développement de nos productions. Elle nous assure une stabilité et une visibilité financière minimale, donc une certaine autonomie. Depuis 2012, nos ressources propres ont augmenté tandis que les financements publics restent relativement stables, avec une légère diminution cette année (en raison notamment d'une baisse de 10 % du Conseil Départemental), mais surtout, sans perspective d'augmentation. Le déséquilibre qui en découle nous expose à une fragilité structurelle. D'autant qu'il est compliqué, pour une compagnie de théâtre, de trouver d'autres sources de financement : répondre à des commandes pourrait distordre le projet artistique, et puis comment s'engager dans le montage de projets européens ? Comment financer un poste dédié à la recherche de fonds ? Comment engager des mécènes à soutenir un projet de création quand le retour sur investissement n'est rien, comparé à ce que peut offrir un événement public d'ampleur ? Propos recueillis par SR
--------------------------------------------- “On tente aussi le ‘crowdfunding’.” Vincent Eches, directeur de La Ferme du Buisson - Scène nationale de Marne-la-Vallée, et Philippe Fourchon, directeur adjoint. Budget 2015 : env. 5 millions d'euros, dont 74% de subventions Pour 2016, la communauté d'agglomération et le département ont diminué leurs subventions, de respectivement 100 000 € et 150 000 €. Nous avions anticipé dès 2015 ces restrictions, mais la confirmation du montant versé par le département n'est arrivée qu'en février dernier ! Du coup, notre position est compliquée : si l'on est trop prudent, on ne peut mener à bien notre mission de service public culturel sur la saison ; si l'on est trop optimiste, on prend un risque. A cause de toutes ces baisses, nous avons donc décidé de prendre quand même un risque financier sur la saison de l'année prochaine, tout en réduisant légèrement la programmation. Nous allons désormais à la pêche aux soutiens : dans le cadre de co-réalisations avec d'autres lieux, nous partageons les coûts mais aussi les recettes, nous sollicitons les fondations, les sociétés civiles. On tente aussi le « crowdfunding »... Autant de financements hélas difficilement projetables d'une année à l'autre. Propos recueillis par SR
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“En région Nord-Picardie, l'espoir renaît aussi d'un pari sur la culture.” Romaric Daurier, directeur du Phénix, scène nationale de Valenciennes (Nord). Budget 2016 : 4,6 millions d'euros, dont 73,9 % de subventions publiques
Nous sommes en pleine renégociation de la convention d'objectifs 2017-2020 avec les collectivités territoriales. La ville et l'agglomération, la région, et l'Etat, s'engageant à nos côtés jusqu'à aujourd'hui, à parité et à hauteur de 900 000 euros chacune. Cette convention est un outil précieux parce qu'elle nous offre une visibilité à long terme, mais il ne s'agit pas d'un engagement définitif sur les moyens... Depuis mon arrivée au Phénix en 2009, les subventions sont stables mais pas en hausse ! Or dans notre secteur, c'est mécanique puisqu'il s'agit d'abord d'investissements humains les charges augmentent. Et nous ne pourrons jamais faire de gains de productivité sur la répétition d'un quatuor de Schubert... Ma réponse à cette situation fut d'augmenter notre activité de production en cherchant de l'argent ailleurs. Mais je n'aurais jamais pu le faire sans l'apport des subventions car elles servent de levier ! Ces nouvelles ressources sont liées à des actions particulières, la réinsertion des jeunes par exemple, ou le développement d'un réseau européen de partenariat. Le Phénix vient d'ailleurs d'être reconnu « Pôle Européen de création » par le ministère de la Culture pour les projets menés avec le Toneelhuis d'Anvers, le Toneel Group d'Amsterdam, ou le Buda à Courtrai... Avec lesquels on accompagne, dans le cadre du programme européen Interreg, le rayonnement de nos artistes... Cela représente pour Le Phénix 300 000 par an... sur quatre ans. En région Nord-Picardie, l'espoir renaît aussi d'un pari sur la culture, grâce à Xavier Bertrand, le nouveau président de région, qui a tenu les promesses faites avant les élections à un milieu artistique alors très mobilisé. Il a augmenté son budget de 70 à 110 millions d'euros et souhaite, d'ici le mois de septembre, construire sa politique culturelle en dialogue avec nous. Cela compense le fait que la culture, dans l'état actuel de la réforme, ne soit toujours pas invitée à siéger dans les futures conférences des collectivités territoriales. Propos recueillis par E.B.
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“J'ai encore réduit le festival cette année.” Pedro Garcia, directeur de l'Abattoir, Centre National des Arts de la rue, Châlon-sur-Saône. Budget 2016 : 1,78 millions d'euros... dont 92 % de subventions publiques. « Les arts de la rue sont un art désargenté et le plus souvent gratuitement offerts au public. C'est leur philosophie. Quand je coproduis des artistes et m'engage à les soutenir aussi par des résidences de création aux Abattoirs, je refuse de percevoir des droits de suite pour la tournée. Ils sont tous trop fragiles. Voilà pourquoi la subvention publique est si importante dans notre économie : la billetterie comme le mécénat ne peuvent y être que très modestes. Nous étions à Chalon-sur-Saône, l'un des Centres Nationaux des Arts de la Rue les mieux dotés en subventions parmi la douzaine de CNAR répartis dans toute la France... Quand la nouvelle mairie LR de Chalon, nous a annoncé brutalement, en 2015, la baisse de sa subvention (majoritaire dans notre budget puisque celle-ci en représentait 68 %), c'est tombé comme un couperet... 360 000 euros en 2015, et encore 100 000 de moins en 2016. Mais aujourd'hui, après la mobilisation du milieu et la diplomatie menée par le ministère de la Culture, le dialogue reprend. La ville, en finançant 1,15 millions d'euros en 2016, garde tout de même son implication historique et majoritaire. Le reste de la saison, hélas, cherche encore son financement à cause de cette dernière coupe... Pourtant, j'ai encore réduit le festival cette année : 16 spectacles au lieu de 20 lors des éditions normales. La région pourrait sans doute s'engager davantage. Nouvel espoir : la ville promet de ne pas baisser à l'avenir et discute avec les autres tutelles d'un nouveau contrat d'objectifs de 2017 à 2019. Le sujet important est le suivant : le festival d'été Chalon dans la rue, qui est une aubaine économique pour la ville, ne va pas sans centre de création permanent à l'année. Parce que c'est grâce à cela que nous pouvons défendre la qualité artistique du IN, seule condition pour faire venir les professionnels et maintenir ainsi la présence du OFF... donc une nombreuse fréquentation. Tout se tient. Pour ma part, à l'âge de 62 ans, et après treize ans de direction artistique, je tire ma révérence et pars au printemps prochain. Une nouvelle direction assurera le festival 2017… »
Propos recueillis par EB
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Le spectateur de Belleville
June 7, 2016 6:02 PM
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HOMMAGE A VALERIA TASCA, par Jean-Claude Berutti
HOMMAGE A VALERIA TASCA Rendre hommage à notre chère amie Valeria Tasca pour tout son travail avec les artistes est une tâche dont je ne saurais m’acquitter en quelques minutes, il y faudrait une longue étude… universitaire pour lui rendre justice ! Valeria a travaillé tout au long de son beau parcours d’accompagnement d’artistes avec de nombreux metteurs-en-scène. Encore en 2007, elle reprenait (en collaboration avec son amie Ginette Herry) « Il Campiello » de Goldoni pour la Comédie-Française dans la mise-en-scène de Jacques Lassalle et l’on pouvait voir au cours de la même saison au Vieux Colombier sa traduction de « La Festa » de Spiro Scimone dans la mise en scène de Galin Stoev. Tous sont aujourd’hui désemparés et tristes de perdre une fidèle compagne de travail, notre chère « servante aimante » (« La Serva amorosa » est un des chefs d’œuvre goldoniens), notre chère Coraline ! Oui, servante Valeria l’a été, toujours au service de la représentation, de ce que celle-ci doit à l’immédiateté. Valeria savait oublier comme personne son savoir de professeur et réinventer pour la scène ce qui devait être le plus jubilatoire pour le public (« jouissif » aurait-elle dit avec son rire malicieux). Oui, servante aimante elle le fut, car elle aimait plus que tout le contact avec ceux qui brûlent les planches, qu’ils soient chanteurs, comédiens, conteurs… Je pense bien sûr à la si longue collaboration avec Dario Fo. Qui d’autre que Valeria, dans l’ombre de la salle Richelieu, aurait eu la patience d’adapter, de transformer, de recomposer les pièces brèves de Molière sur la médecine afin que le grand Dario y trouve enfin son compte ? De Molière j’en viens naturellement à la version goldonienne de « La fausse malade » pour laquelle j’ai eu la joie de diriger une lecture de sa traduction encore en chantier… Valeria écoutait les comédiens avec son bic bleu à la main, en reprenant son propre texte, déplaçant ici une virgule, corrigeant là une formulation, à vue, dans la confiance de ce que les comédiens lui apportaient d ‘instinct et de vivacité. Oui, avec les artistes qu’elle aimait, Valeria était comme une dentellière qui sait trouver pour chacun le point juste ! Je me souviens du merveilleux « Faut pas payer » de Fo monté par Jacques Nichet en 2005. A l’occasion Valeria avait repris sa traduction déjà ancienne pendant les répétitions, à l’écoute des comédiens et de la façon dont la pièce pouvait résonner dans le contexte de la crise. Quel travail de patience elle fit, toujours fidèle au poste, avec douceur mais avec fermeté, face à la légendaire impatience des artistes ! Après que Valeria et moi-même eussions convaincus Giovanna Marini de composer un opéra à partir du canevas goldonien de « La bague magique », il lui fallut se mettre immédiatement au travail et écrire dans les mois d’été un livret complet : Giovanna trépignait après nous avoir fait attendre pendant plus d’un an… Valeria vint passer quelques jours chez moi et j’ai eu le privilège de la voir travailler « à chaud », la voir inventer une poésie singulière pour cette histoire de perte de mémoire qui résonnait tant avec aujourd’hui, faisant appel pour cela autant au fond culturel italien que français… Il lui vint, par exemple, l’idée de composer un chœur d’ouverture à partir du « chant des scieurs de longs », qu’elle se mit à chanter in peto, et à adapter dans la minute qui suivit pour qu’il puisse être être mis en musique. Une autre fois, à Bussang, je me trouvais insatisfait d’un air de l’opéra en train de se répéter. Assise dans ma voiture, Valeria sortit de son sac un bic bleu (toujours le même) et une feuille de papier et écrivit un petit poème. Giovanna s’en emparât et ,appuyée sur le capot de la même automobile, en composât la musique dans l’instant. Bien sûr, Valeria ne pouvait inventer dans l’instant que grâce à son immense culture binationale. Dans ces moments d’adieu et de peine que nous partageons, c’est encore on souvenir joyeux que je veux encore évoquer. Coraline, dans « La servante aimante » ne déclare-t-elle pas, dans les moments d’abattement : « Parlons de choses gaies. » ? Hé bien oui, parlons de choses gaies ! Nous étions chez moi en bande en plein été et Valeria, tout en travaillant, encore à « La bague magique », suivait nos activités de vacances… Un festival donnait non loin de là, dans un château « Les Burgraves » de Hugo, et il fut décidé que nous irions ensemble assister à une représentation. Le spectacle ronronnait gentiment lorsqu’un grand silence se fit entendre au quatrième acte : un comédien avait un trou de mémoire, un grand trou noir, de ceux qui s’éternisent tant que sur la plateau chacun cherche en vain à s’en sortir La panique était perceptible. Se fit entendre alors, depuis la salle, une petite voix fluette qui souffla se deux alexandrins suivants au comédien perdu… Valeria connaissait tout simplement ses « Burgraves » par cœur ! La représentation était sauvée. Merci, chère Valeria pour tous ces moments d’écoute, de collaboration, d’AMOUR qui restent gravés dans notre cœur. Jean-Claude Berutti 07/06/2016
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Le spectateur de Belleville
June 7, 2016 3:40 PM
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Yann Frisch, magicien, le 26 Mai 2016 ˆ Paris (Photo Iorgis Matyassy)
Par Gilles Renault dans Libération :
Magicien brillantissime enclin au questionnement, le jeune homme revient avec quelques collègues au Théâtre du Rond-Point.
Question ironie du sort, l’anecdote se pose là : la veille de la rencontre, Yann Frisch s’est fait tirer son portable. Il était au théâtre et, la représentation terminée, on rallume les lumières et… plus d’iPhone 6. Volatilisé. Comme par enchantement. Bien sûr, l’incident l’a contrarié, «pas tant pour la valeur de l’objet que pour toutes les notes qu’il contient». Pourtant, cela n’a pas empêché ses copains de le chambrer copieusement dans la soirée et lui-même a fini par en sourire.
Car, si ce désagrément prête le flanc à la plaisanterie, c’est que Yann Frisch est magicien. Par surcroît, on ne croise pas tous les jours des illusionnistes de ce calibre-là. Sa dextérité lui a valu de devenir champion de France, puis d’Europe en 2011 avec un numéro, Baltass (consultable sur YouTube, où il collectionne les vues par millions), qui allait le conduire l’année suivante au titre suprême de champion du monde, dans la catégorie close-up. Petite incise : la compétition, où accourent des quatre coins de la planète quelque 250 candidats, comporte deux grandes sections, le close-up et la magie de scène, elles-mêmes sujettes à ramifications (micromagie, cartomagie, mentalisme, grande illusion…).
Dans le cénacle de la tromperie, Yann Frisch est donc un caïd du contact rapproché… lequel a trouvé à qui parler, mais tâche de ne pas trop s’en formaliser, «ça n’est pas si grave». Plus généralement, l’illusionniste désillusionné n’est pas ramenard, lui qui, dans la conversation, s’emploie à relativiser à plusieurs reprises un talent pourtant si flagrant à l’œil nu : «A la base, je ne crois pas être particulièrement doué de mes mains. Néanmoins, j’ai quand même dix ans de jonglage dans les bras. La magie est surtout un artisanat qui requiert du temps, de l’obstination, mais pas l’hyper-régularité d’un sportif de haut niveau : arrêter une semaine ne vous fera pas régresser comme un athlète. En fait, l’essentiel, c’est que cette discipline me parle. J’ai le goût du mensonge : faire le contraire de ce qu’on dit, ou l’inverse. Après, de là à être champion du monde… Ça n’est pas comme au tennis, tous les meilleurs ne se présentent pas et je suis le premier à dire que le numéro avec lequel j’ai gagné me semble classique à bien des égards, mais le jury a dû lui trouver une certaine singularité.»
A l’évidence bon camarade, cf. une nette propension à vanter les mérites d’autrui (le comédien Sébastien Barrier, son confrère Raphaël Navarro…), Yann Frisch creuse son sillon depuis quelques années, au gré des rencontres. En 2013, il cosigne avec trois condisciples le spectacle mêlant cirque, théâtre et théâtre Oktobre, qu’il tourne encore. Le trompettiste star Ibrahim Maalouf le convie au beau milieu d’un casting musical franco-libanais. Après le succès du Syndrome de Cassandre, un «seul en scène» qui affirmait en début d’année son talent de comédien dans le rôle ambigu d’un clown limite névropathe, le Théâtre du Rond-Point l’accueille à nouveau dans Nous, Rêveurs définitifs, un cabaret réunissant la fine fleur de l’illusion déringardisée (Etienne Saglio, Eric Antoine…). Et ainsi de suite jusqu’à l’horizon 2018, où l’escamoteur, qui cultive «l’intuition de plusieurs réalités coexistantes», devrait créer deux spectacles : l’un, en hommage à la magie moderne, l’autre, traitant des dimensions rituelle, médicale, religieuse, etc. de la pratique, à partir d’éléments glanés avec une anthropologue aussi bien chez les guérisseurs à mains nues des Philippines, que chez les chamans de Mongolie.
A 26 ans, Yann Frisch en paraît plus. L’air juvénile qu’on lui trouvait sur des vidéos encore récentes n’a pas survécu à une tignasse et une barbe fournies. Les yeux, d’une extraordinaire clarté, n’ont, en revanche, rien perdu de leur aspect perçant. «Un gamin au regard d’enfant halluciné, avec une détermination de vieux briscard», retient de lui José Manuel Gonçalvès, le directeur du CentQuatre, qui l’a côtoyé dans le cadre de résidences. «Il y a chez ce mec quelque chose de totalement flippant et d’une infinie tendresse», complète le patron de l’établissement parisien, où Frisch a déjà fait forte impression sur scène. Comme en dehors, manifestement.
Quand il a fallu fixer un lieu de rendez-vous matinal, l’artiste a suggéré «dans la rue, avec ma valise». Une boutade qui n’en est pas une puisque, dans une brasserie propice au repli stratégique, il se présente sans domicile fixe depuis trois ans et demi, squattant chez les uns et les autres au fil de ses actualités. «Persuadé qu’on s’encombre très vite», il s’imagine toutefois trouver un point de chute l’an prochain en Bretagne. Et de là, pourquoi pas, se remettre au piano, passer du temps en cuisine, voire développer un suivi sentimental auquel le nomadisme vient de payer un douloureux tribut.
Yann Frisch se souvient s’être «ennuyé comme un rat mort» pendant son enfance, passée au Mans entre quatre frères et sœurs. A 10 ans, il découvre tout de même «le vertige émotionnel de l’émerveillement», lorsque, pour l’anniversaire d’un pote, un magicien fait s’enflammer un foulard et déclenche un petit feu d’artifice. Sur ces entrefaites, l’univers du cirque le fascine, car peuplé d’«adultes faisant moins peur que ceux que je connaissais déjà». Fils de médecins issu de la bourgeoisie catholique - d’où une sainte méfiance des dogmes, la spiritualité passant à ses yeux par un questionnement que la religion réprouve - lui préfère cultiver une envie insatiable de «résoudre des problématiques en substituant de plus en plus la sophistication à la simplicité, quand bien même celle-ci pourrait demeurer difficile d’accès par la pensée». Après des débuts «solitaires et autodidactes», sûr de sa vocation, il part suivre une formation à Lyon, puis à Toulouse. La famille tique. Mais finit par se résoudre à l’idée qu’il ne prononcera jamais le serment d’Hippocrate.
L’artiste loue aujourd’hui l’idée d’un travail d’équipe, où l’on associe les compétences pour imaginer des subterfuges qu’hormis les contraintes liées au temps et à l’argent, il juge «rarement irréalisables». Les 52 cartes d’un jeu, par exemple, offrent à ses yeux des possibilités d’exploration infinies. A l’école (bac scientifique), il n’était pas bon en maths. Cela ne l’a pas empêché de prendre le pli : c’est par un biais ludique que Yann Frisch accomplira des prouesses, plutôt que des miracles. «Exténué par ce sentiment générationnel de se faire balader», le citoyen abstentionniste n’imagine «aucune bonne surprise» sortir du prochain chapeau électoral. Mais, à défaut, n’en entend pas moins continuer de rêver très fort.
5 mars 1990 Naissance à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). 2007 Ecole de cirque de Lyon. 2012 Champion du monde de magie close-up à Blackpool (Angleterre). 2013 Oktobre.
2015 Le Syndrome de Cassandre.
Jusqu’au 3 juillet "Nous, Rêveurs définitifs" au Théâtre du Rond-Point.
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Le spectateur de Belleville
June 7, 2016 3:27 PM
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Ecouter la revue de presse sur le site de France Culture : http://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-culturelle-d-antoine-guillot/sortir-d-un-rapport-de-consommation-avec-l
Alors que "vingt-quatre stars en colère" réclament une hausse des aides au théâtre privé, Hortense Archambault, à la MC93, et Robin Renucci, aux Tréteaux de France, réfléchissent, chacuns à leur manière, à dépasser le modèle malrucien d'accès à la culture.
Le théâtre, enfin un certain théâtre, appelle « au secours », par les voix de “vingt-quatre stars en colère, nous apprend une brève du Parisien. « Les théâtres privés et les spectacles qu’ils créent sont en danger », s’alarment Daniel Auteuil, Muriel Robin, Thierry Lhermitte, Philippe Torreton ou encore François Berléand, Richard Bohringer, Michel Bouquet et Isabelle Gélinas dans une lettre ouverte à la ministre de la culture, Audrey Azoulay, et à la maire de Paris, Anne Hidalgo. Les signataires réclament une hausse de leurs aides – sévèrement réduites ces cinq dernières années – pour sauver le fonds de soutien des théâtres privés qui permet d’éponger leurs pertes, aggravées par les attentats du 13 novembre.”
"Aujourd'hui, les vrais enjeux culturels sont en banlieue" Hortense Archambault
Côté théâtre public, on ne va pas, pour une fois, parler de problèmes de subventions, mais de politique de terrain. “Il y a du nouveau à Bobigny, où la MC93 fait peau neuve, raconte ainsi Fabienne Darge dans Le Monde. Hortense Archambault, qui a été nommée en août 2015 à la tête de ce lieu emblématique de la décentralisation théâtrale à la française, annonce ses projets. Pas lors d'une conférence de presse, comme c'est l'usage : ce sont les habitants qui auront [eu] la primeur du programme. Le 4 juin, une centaine d'entre eux, volontaires pour être « spectateurs compagnons » de la MC93, [auront été] réunis pour cette présentation, tandis qu'un banquet artistique [réunissait] d'autres Balbyniens. [Aujourd’hui] 6 juin, le nouveau site Internet, conçu comme fortement participatif, [a été] lancé. Tout aura lieu « hors les murs » puisque le bâtiment du boulevard Lénine est en rénovation jusqu'en mai 2017. Ce lancement de saison est à l'image du projet que la nouvelle directrice a imaginé pour Bobigny : un théâtre fortement ancré dans sa ville et ouvert sur ses habitants.
« Aujourd'hui, les vrais enjeux culturels sont en banlieue, souligne-t-elle d'emblée. Pour moi, l'action culturelle et la création doivent marcher ensemble. La question cruciale est celle de la circulation des publics : comment s'inscrire mieux sur le territoire de Seine-Saint-Denis et développer le lien avec les acteurs locaux ? Il faut réfléchir à des manières différentes de s'adresser à l'entourage de ces grandes maisons de théâtre, qui gardent une puissance symbolique forte. Je ne dis pas qu'il faut faire de la MC93 une MJC, mais comme, par ailleurs, les MJC dans ce département se sont transformées en centres sociaux purs, nous avons un rôle important à jouer. » La MC93 cheminera donc sur les deux jambes de la création et de l'action culturelle. « C'est la seule manière de sortir d'un rapport de consommation avec l'art », constate Hortense Archambault. […] « Je suis convaincue que le volontarisme, ça marche », s'enthousiasme Hortense Archambault.”
Il faut que le public soit "œuvré"
« Sortir d'un rapport de consommation avec l'art », c’est aussi la direction que Robin Renucci a donnée aux Tréteaux de France, qui posent leurs malles de théâtre itinérant pour un mois à la Cartoucherie de Vincennes. « Aller à la rencontre de nos concitoyens, c’est aller à la rencontre des 60 % de ceux que l’on dit éloignés, parfois invisibles, qui sont à la merci des partis d’extrême droite, vous explique-t-il, Marie-Josée Sirach, dans un long entretien accordé à L’Humanité. Cela implique un énorme investissement auprès d’une population en demande, justement, de visibilité. Parler, converser avec les citoyens, c’est dépasser le modèle Malraux et l’idée de l’accès à la culture pour aller vers le partage par le truchement du théâtre, écrire avec eux, en faire des amateurs éclairés de théâtre. Aux Tréteaux, dit Renucci, nous sommes des rémouleurs. Nous permettons d’aiguiser ces outils de création, de transmission. […] L’accès à la culture [dans la conception d’André Malraux] induit une démarche horizontale qui consiste à amener les gens aux œuvres. Par tous les moyens, j’essaie que les gens se réapproprient les œuvres et s’incluent dans l’œuvre. En partant de leur culture populaire et en leur donnant la parole, c’est une façon de créer une œuvre.
L’élargissement des publics est essentiel, veiller à multiplier les cercles des initiés pas en les intimidant avec des grandes œuvres mais par la pratique. Une grande œuvre crée un choc émotionnel mais si elle ne touche que 20 % des gens… Pourquoi, comment les gens peuvent-ils avoir le désir des œuvres, de fréquenter des œuvres ? Il faut que le public soit « œuvré », qu’il soit porté et, qu’à la fin de la pièce, il éprouve l’envie de poursuivre la conversation entamée avec l’œuvre. […]
Miser sur l'intelligence du public
Nous ne faisons pas un théâtre qui montre mais qui donne à voir, revendique le directeur des Tréteaux de France. La télévision montre, le théâtre permet au public de construire son imaginaire. Parler d’accès à la culture ne suffit plus aujourd’hui car le défi à relever est d’accompagner le spectateur, le citoyen dans la production symbolique de l’autre. Ce qui est émancipateur, ce n’est pas qu’il y ait d’un côté les artistes et de l’autre les spectateurs. Je considère que chacun, où qu’il soit, produit de la singularité. Je crois que cette bataille de l’imaginaire commence avec l’éducation artistique. Je ne parle pas d’éducation à l’art mais bien par l’art. On peut tout savoir des règles théoriques de la natation, si on ne sait pas nager, on coule. Chacun, depuis l’école, peut pratiquer du théâtre. Mais il faut aller plus loin. Insister sur la formation des enseignants, organiser des ateliers enseignants/artistes, amateurs/professionnels, en finir avec le cloisonnement actuel persistant qui n’est plus concevable. Le citoyen est à l’aune du spectateur qu’on fabrique. S’il est considéré comme un simple consommateur, il est un citoyen qui ne vote pas, qui ne prend pas la parole. Or prendre la parole, prendre part au débat, c’est participer au monde, c’est commettre un acte de création. Nous avons créé les Ateliers de la disputation pour que les gens apprennent à débattre, argumenter. […] Il faut miser sur l’intelligence du public, quel qu’il soit. » Voilà qui résonne avec quelques Disputes récentes…
Photo : Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France• Crédits : IBO - Sipa
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 7:45 PM
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Par Claire Guillot pour Le Monde Photos Bartek Sadowski pour le Monde Voir sur le site du Monde avec toutes les photos : http://www.lemonde.fr/culture/visuel/2016/06/04/wroclaw-a-l-ouest-toute_4934869_3246.html
Dans un pays gagné par le repli, la dynamique capitale européenne de la culture défend un art ouvert et tire parti de son histoire mouvementée.
En janvier, lorsque le ministre de la culture polonais, Piotr Glinski, est venu lancer en grande pompe les festivités à Wroclaw, la nouvelle capitale européenne de la culture, il s’est fait huer par le public réuni dans le Forum national de musique. « C’est regrettable, soupire Anna Szarycz, ajointe au maire de Wroclaw, c’était un moment de réjouissances, pas de débat politique. » Dans cette ville qui donne ses voix depuis vingt-cinq ans à un maire de la droite modérée et proeuropéenne, l’assistance a peu goûté le discours du nouveau ministre conservateur vantant une culture « basée sur un système de valeurs polonaises et chrétiennes européennes ». En cette festive année 2016, Wroclaw a des allures de paradoxe. La capitale de la Basse Silésie, à l’ouest du pays, vitrine économique avec ses 3,4 % de chômage, offre le visage d’une cité ouverte et accueillante, alors même que le nouveau gouvernement polonais, dominé par le PiS (Droit et Justice) eurosceptique et ultraconservateur, est dans le collimateur de la Commission européenne pour sa reprise en main de la justice et des médias. Côté culture, le nouveau gouvernement a pris position contre les œuvres jugées pas assez « patriotes ». Mais Anna Szarycz précise : « Le ministère de la culture est partie prenante du projet de la capitale européenne de la culture, et il n’a jamais imposé quoi que ce soit ici. Nos commissaires ont eu toute liberté dans leur programmation. » A Wroclaw, malgré les débats politiques, on continue donc de célébrer la culture sur tous les tons : un millier d’événements sont prévus, populaires ou plus pointus, pilotés par huit commissaires. On y insiste sur l’esprit d’ouverture légendaire et le multiculturalisme de la ville. Et sur l’histoire locale heurtée, sans équivalent en Europe. Magdalena Babiszewska, chargée des relations avec la presse pour l’événement, évoque ses grands-parents venus de Vilnius (Lituanie) et de Lvov (Ukraine). Un cas banal ici : « A Wroclaw, nous savons ce que c’est que de devoir tout quitter et de s’inventer une nouvelle vie », dit-elle. A Wroclaw, nous savons ce que c’est que de devoir tout quitter et de s’inventer une nouvelle vie.
Une population renouvelée à 100 % après 1945 La quatrième ville polonaise du pays a été successivement sous domination polonaise, tchèque, hongroise, autrichienne, prussienne. Devenue l’allemande Breslau, elle est tombée devant l’armée rouge en 1945 après un siège qui l’a laissée détruite à 80 %. La population allemande qui y restait a été chassée en même temps que les nouvelles frontières attribuaient la ville à la Pologne. Les nouveaux arrivants ? Des déplacés venus d’anciens territoires polonais réquisitionnés par l’URSS, contraints de venir peupler les ruines. « Pendant des années, les gens pensaient que les Allemands allaient revenir et récupérer leurs maisons, ils ont eu du mal à prendre racine », explique Magdalena Babiszewska. Une exposition présentée à Wroclaw, « Les Allemands ne sont pas venus », fait référence à cette crainte ancestrale. A l’écart de la ville, un étonnant dôme aux allures de gros gâteau, la halle du centenaire, a été rénovée et son annexe restaurée pour accueillir des expositions. Cet immense auditorium de 10 000 places, construit en 1913, a vu défiler aussi bien les harangues d’Hitler au temps des nazis, le Congrès mondial des intellectuels pour la paix de 1948 organisé par l’URSS où vinrent Picasso et Eluard, mais aussi les messes du pape Jean-Paul II. En ce moment, pas de politique… c’est Julio Iglesias qui y donne un concert.
Quand j’étais étudiant, le passé allemand était un sujet tabou mais je voyais bien qu’il était gravé partout dans la ville. Marek Krajewski, écrivain
Cette architecture pionnière en béton armé, classée à l’Unesco, incarne surtout le passé allemand que les dirigeants communistes ont longtemps voulu gommer. L’écrivain et universitaire Marek Krajewski a situé toute sa série de polars (Les Fantômes de Breslau, éd. Gallimard) à cette époque-là. « Quand j’étais étudiant, explique-t-il, le passé allemand était un sujet tabou mais je voyais bien qu’il était gravé partout dans la ville. Cela m’a fasciné. » Aujourd’hui, à Wroclaw, les touristes achètent des cartes de la ville de Breslau avec les noms des rues en allemand. Et c’est cette histoire mélangée qui est mise en avant. « Nous avons construit notre identité sur les ruines, la douleur et les destructions… cela nous a rendus résistants, et ouverts à la diversité », souligne l’adjointe au maire. Le QG de la capitale européenne de la culture, le café et centre d’art Barbara, est lui aussi chargé d’histoire. Avec ses grandes verrières et ses mosaïques noir et blanc, le lieu est établi à l’endroit où se réunissaient les trublions d’Alternative Orange : ce mouvement politico-artistique défia le régime communiste et la loi martiale dans les années 1980 par des happenings poétiques. Fondé par un étudiant en art, Waldemar Fydrych, il organisait des manifestations réclamant le retour du père Noël ou des défilés de gens déguisés en nains, coiffés d’un bonnet orange. Le mouvement a réuni des milliers de personnes, sapant le régime par son ironie. Le nain, qu’on croise en statue à chaque détour de rue, est devenu le symbole de Wroclaw. Une récupération qui n’est pas forcément du goût du principal intéressé : furieux de voir « utilisé ce symbole de la bataille pour la liberté sur des gadgets touristiques », Waldemar Frydrych a gagné un procès contre la mairie de Wroclaw.
Architecture en patchwork La ville, qu’on surnomme « la Venise polonaise » avec ses îles sur la rivière Oder, se présente comme un patchwork architectural compliqué, sans unité mais non sans charme. En 2016, une nouvelle application gratuite permet de repérer une centaine de bâtiments remarquables. Car les couches d’histoire s’empilent : restes allemands, bâtiments soviétiques, constructions modernes… Sans compter les monuments détruits reconstruits à l’identique. « Notre histoire a créé un paysage, mais aussi une société particulière, égalitaire, raconte Zbigniew Mackow, architecte et commissaire chargé de l’architecture. On a longtemps appelé cette région “Le Far West’’ parce qu’on pouvait y recommencer sa vie, comme en Amérique. Il n’y a pas de gros fossé entre les groupes sociaux. » Le programme architectural qu’il a lancé pour 2016 vise surtout à « rendre les gens de Wroclaw plus proches de l’architecture, et leur donner le pouvoir sur l’environnement ». Ainsi « Wuwa 2 », un projet d’habitat collectif et coopératif inspiré d’un projet immobilier pionnier de 1929, a été élaboré avec les habitants dans un quartier excentré de la ville, Nowe Zerniki. Mais le titre de capitale culturelle a aussi permis à plusieurs bâtiments ambitieux de sortir de terre. Ainsi l’immense Forum national de musique, à la fois centre de conférences et lieu de concerts ultramoderne, dont on salue partout l’acoustique. Le chantier traînait depuis des années, il a finalement abouti : la structure massive aux intérieurs soignés abrite désormais près de 12 formations musicales, et organise pas moins de cinq festivals. Si son budget a été critiqué – près de 100 millions d’euros – le directeur, le chef d’orchestre Andrej Kosendiak, insiste sur son immense succès, partagé par tous : « Tous les concerts sont jusqu’à présent complets. Et nous avons un programme éducatif très important, qui s’adresse jusqu’aux bébés dans le ventre de leur mère ! »
Le Forum national de la musique
Un multiplexe d’art et d’essai Le cinéma New Horizons est une autre des fiertés de la ville. D’extérieur, le bâtiment ingrat a des airs de multiplexe – c’en était un autrefois. Mais l’intérieur ressemble plutôt à un centre d’art, avec cafés et lieu d’exposition. Dans ses neuf salles, ni pop-corn ni publicité. C’est le distributeur Roman Gutek, qui a beaucoup œuvré pour faire connaître les films d’auteur en Pologne, qui l’a monté à Wroclaw. Soutenu par la ville, il mélange quelques films grand public à une programmation nettement art et essai. Et organise aussi un festival international d’ampleur qui précédera cette année la remise du prestigieux prix du cinéma européen à Wroclaw. Contrairement à d’autres capitales européennes de la culture moins dotées, la ville n’a pas eu à chercher loin pour bâtir son programme. La pratique culturelle locale, souvent commencée clandestinement pendant la période communiste, y était forte. Citons une tradition littéraire intense, couronnée cette année par le titre de capitale mondiale du livre attribué par l’UNESCO. Ou l’héritage laissé par un grand metteur en scène et théoricien du théâtre, Jerzy Grotowski. Ou encore ce centre d’art pionnier dans les nouveaux médias, WroArt, qui a commencé ses activités en 1989 sous forme de laboratoire culturel underground. Piotr Krajewski, l’historique directeur de WroArt, a mis en place pour cette année un important dispositif d’expositions et d’interventions, toutes gratuites, dans les quartiers autour des relations entre art, nature et technologie, intitulé « Ecoexpanded City ». Ici, l’art s’est développé comme sur une île, avec sa propre dynamique. Varsovie a longtemps été à 7 heures de route, bien plus loin que Berlin et Prague.
Dorota Monkiewicz, directrice du musée d'art contemporain de Wroclaw Lorsqu’on s’écarte de la ville, on tombe sur le musée d’art contemporain de Wroclaw, installé dans un bunker de la guerre à l’étonnante forme ronde, face à une locomotive écrasée, comme tombée du ciel. Sa directrice, la bouillonnante Dorota Monkiewicz, qui quitte son poste à la fin de l’année, insiste sur l’effervescence de la culture des années 1960 aux années 1980 à Wroclaw : c’est ici qu’ont été lancées les œuvres pionnières dans le champ de la poésie visuelle, de l’art conceptuel. Cigarette à la main, débit de mitraillette, elle explique : « Ici, l’art s’est développé comme sur une île, avec sa propre dynamique. Varsovie était à 7 heures de route, plus loin que Berlin et Prague. Et les artistes, tolérés, avaient le droit d’avoir un passeport, de voyager. » Une grande exposition, « The Wild West », dédiée à l’avant-garde de Wroclaw, tourne en ce moment en Pologne et dans les pays alentour. Mais pas à Wroclaw, faute de place – le nouveau bâtiment prévu pour le musée a été mis sur la touche.
Subventions coupées net La mairie espère doubler les pratiques culturelles de la population, et augmenter la fréquentation touristique à Wroclaw. Mais la question de l’après se pose ici plus vivement qu’ailleurs. Avec le nouveau gouvernement, qui veut par la culture promouvoir l’héritage national, les institutions culturelles ont déjà senti le vent tourner : le Théâtre polonais, à Wroclaw, s’est attiré l’ire du ministre de la culture en début d’année avec La Jeune Fille et la Mort, en prévoyant des scènes de sexe jouées par des acteurs porno. En guise de protestation, le directeur Krzysztof Mieskowski donne actuellement dans son théâtre Le Procès, de Kafka. « Le héros s’est fait arrêter alors qu’il n’avait rien fait…, souligne le directeur, crinière blonde et yeux bleus tranchants. Aujourd’hui, en Pologne, la culture est vue comme dangereuse. Et nous affrontons la censure économique, pas seulement du gouvernement. » De fait, les musées de Wroclaw ont vu les subventions de l’Etat se tarir. Au centre WroArt, pour la première fois, ni les projets d’art visuel ni les programmes éducatifs, n’ont reçu de soutien ministériel. Au musée d’art contemporain, la situation est identique. « Aucun des quatre musées d’art contemporain de Pologne n’a vu son dossier accepté », explique Dorota Monkiewicz, qui a dû annuler tout son programme de 2017 pour se concentrer sur une seule exposition, consacrée au travail. Elle ajoute : « Il faut repenser totalement le système, faire appel au privé, et collaborer. Il faut avancer, on ne peut pas faire que pleurer. » A Wroclaw, la déploration n’a jamais fait partie de la culture.
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 4:11 PM
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Par Hadrien Volle pour sceneweb :
Peu de personnages – ici un quasi duo –, sont baignés dans un amoncellement d’objets sur un immense plateau, ce qui a pour effet de donner à chaque scène une dimension monumentale où l’œil est joué dans de multiples perspectives. On retrouve aussi les platines vinyles, la même étagère – qui porte ici des boîtes de conserves quand elle était parsemée de livres dans « Nous sommes repus (…) ». La vidéo occupe également la même place en arrière plan et, là aussi, les acteurs cassent de la porcelaine. Enfin, on retrouve, dans le rôle du héros principal, Laurent Papot.
Cet ensemble produit de belles images, surtout lorsque Séverine Chavrier accepte de jouer avec la lenteur – ce qui est rare. On est captivé par quelques jeux de chute, notamment un vent d’automne qui balaye les feuilles mortes sur la scène, absolument splendide. Dans ces « Palmiers sauvages », Chavrier joue beaucoup des effets météorologiques comme pendant aux émotions d’Harry et Charlotte. La rencontre, le coup de foudre, l’emprisonnement d’une relation fondée en partie sur le mensonge et l’aboutissement forcément mortel.
La structure dramatique est construite comme l’ensemble des souvenirs d’une relation, sans lien vraiment narratif. Le texte de William Faulkner résonne avec celui de la mise en scène de Julie Duclos, « Nos Serments », vue à la Colline ces deux dernières saisons. Mais là où Duclos parvient à trouver l’équilibre entre le calme et la colère, Chavrier sombre trop souvent dans le bruit et l’hystérie exacerbée. Les personnages hurlent, baisent comme des lapins, mais au final la tension n’est pas si constante. Ces « Palmiers sauvages » sont assez beaux, mais le spectacle aurait gagné en force et en profondeur s’il avait été d’une forme plus apaisée.
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
Les palmiers sauvages mise en scène et musique Séverine Chavrier d’après le roman de William Faulkner Si je t’oublie Jérusalem (ou Les palmiers sauvages) scénographie Benjamin Hautin dramaturgie Benjamin Chavrier son Philippe Perrin lumière David Perez vidéo Jérôme Vernez régie générale Frédéric Aguet avec Laurent Papot, Déborah Rouach production
Théâtre Vidy-Lausanne
/ Compagnie La sérénade interrompue coproduction
Nouveau Théâtre de Montreuil avec le soutien
de la SPEDIDAM, du Ministère de la Culture et de la Communication,
du CDN de Besançon Franche-Comté, de
Pro Helvetia durée : 1h45
Théâtre de l’Odéon Du 3 au 25 juin 2016
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 2:45 PM
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"La comédie-ballet est la quintessence du théâtre populaire" (Clément Hervieu-Léger, metteur en scène de "Monsieur de Pourceaugnac")
Epaulé par le chef d’orchestre William Christie, Clément Hervieu-Léger a mis en scène “Monsieur de Pourceaugnac”, comédie-ballet de Molière et Lully. Il réactualise le genre en plaçant la pièce dans le Paris des années 1950. par Patrick Sourd pour M le magazine du Monde : Qu’est-ce qu’une comédie-ballet? C’est l’ancêtre de nos comédies musicales. Une sorte de chaînon manquant. Contrairement à l’opéra où la musique prime, le théâtre est le sujet premier de la comédie-ballet et c’est là son originalité. L’art préféré du roi Louis XIV était la danse. Molière a l’idée de s’associer avec Lully pour inventer cette forme neuve qui met en scène danse et musique en les intégrant à son théâtre. Pourquoi « Monsieur de Pourceaugnac »? Ce projet est lié à ma rencontre avec le chef d’orchestre William Christie. J’ai eu la chance de monter avec lui mon premier opéra, La Didone de Cavalli. A l’issue de cette collaboration, il m’a confié avoir envie de travailler avec moi sur une comédie-ballet de Molière et Lully. Il m’a laissé le choix de l’œuvre. Monsieur de Pourceaugnac m’est apparu comme le plus abouti. Le chant y est un véritable prolongement de la parole et les moments dansés participent de la cruauté de son propos. Contrairement à d’autres pièces du genre, elle devient bancale quand on se passe de la musique. Pouvez-vous nous résumer l’intrigue ? On y retrouve les grands thèmes de l’écriture de Molière. Une jeune fille est promise à un homme qu’elle n’a jamais vu. Quand Monsieur de Pourceaugnac débarque de son Limousin natal, Julie monte un complot avec sa servante et son amoureux pour faire échouer ce mariage arrangé. La pièce est fascinante, elle raconte comment un groupe arrive à se liguer contre un homme seul pour en faire un bouc émissaire. La musique, le chant et la danse participent de ce mouvement d’encerclement qui va rendre fou Pourceaugnac. Il en perd jusqu’à son identité et finit par fuir Paris en se déguisant en femme. Pourquoi situer l’action dans le Paris des années 1950 ? Pour sortir sans ambiguïté de l’esthétique du xviie siècle. Dans les années 1950, un bourgeois de Limoges peut encore n’avoir jamais mis les pieds à Paris sans que ce soit irréaliste. D’un autre côté, William Christie aime dire que « le baroque swingue » alors pourquoi s’en priver. Ce Paris populaire de l’après-guerre est celui des photos en noir et blanc de Robert Doisneau. Il est aussi celui où l’on découvre au cinéma "Et Dieu créa la femme" de Roger Vadim, où Brigitte Bardot devient un modèle pour des jeunes filles ayant le désir de s’émanciper. Quel est le sens de l’épreuve vécue par Monsieur de Pourceaugnac, incarné par Gilles Privat ? Je ne voulais pas faire de Pourceaugnac un être ridicule. J’ai tout de suite pensé à Gilles Privat. C’est un acteur magnifique. Il incarne son personnage avec tant de poésie qu’il en devient extrêmement émouvant. C’est un rôle dans lequel il ne fait que subir. Gilles Privat a une telle innocence dans le regard qu’il nous désarme. On en arrive même à penser qu’il ne mérite pas d’être traité de cette manière. Que le spectateur pense ainsi compte beaucoup pour moi. Comment concilier ce côté sombre de la pièce à un art du divertissement propre à la comédie-ballet? J’y vois une forme de quintessence du théâtre populaire. On entre dans le spectacle en pensant qu’on va passer un moment de pur divertissement. On en sort en se demandant si l’on a bien fait d’en rire. Molière nous soumet des questions. Sommes-nous de simples témoins ou devenons- nous des complices ? J’aime l’idée que chacun puisse s’interroger sur son rôle de spectateur au regard de cette chasse à l’homme. Monsieur de Pourceaugnac, comédie- ballet de Molière avec la musique de Lully, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, direction et conception musicale de William Christie. du 14 juin au 9 juillet, Théâtre des bouffes du nord, 37 bis, bd de la Chapelle, paris 10e, tél. : 01-46-07-34-50. www.bouffesdunord.com Photo © Brigitte Enguerand
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Le spectateur de Belleville
June 10, 2016 1:48 PM
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Le spectateur de Belleville
June 9, 2016 4:50 PM
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Par Delphine Baffour dans le blog "Danse avec la plume" :
Le 15 juin prochain, le premier mandat de Didier Deschamps à la tête du Théâtre National de Chaillot prendra fin. L'occasion pour Danses avec la plume d'évoquer avec lui son bilan et la place de la danse dans notre société. Rencontre avec un homme heureux qui déborde d'envies et de projets.
Avec une fréquentation en hausse, des compagnies de renommée internationale qui sont fidèles à Chaillot, une politique de mécénat efficace qui permet de peu augmenter les tarifs et un climat social apaisé, le bilan de votre premier mandat est de toute évidence très positif. Qu'est-ce qui vous donne le plus de satisfaction ?
Un ensemble de choses. C'est d'abord d'être parvenu à ce que ce théâtre continue son activité à un haut niveau de prestations, dans une situation où tout aurait pu conduire à le fermer pendant la période considérée. Parce que c'est extrêmement compliqué de faire vivre un lieu avec une activité constante en étant en même temps en travaux aux quatre coins de ses espaces. Ça, c'est une vraie satisfaction.
L'autre satisfaction est bien évidemment la rencontre avec des artistes magnifiques, qui m'ont régulièrement bouleversé par leurs propositions, leur engagement, leur générosité, et la puissance de leurs œuvres. En corolaire à cela, je suis très heureux de la réception de ces pièces, même si, sur un certain nombre de propositions, j'aurais aimé qu'on puisse y intéresser d'emblée un public encore plus large. Nous sommes très contents de la présence et de l'évolution de celui-ci, mais cela s'exprime de manière nuancée selon les spectacles. Je pense par exemple à Chunky Move, que nous avons fait venir pour la première fois avec Anouk van Dijk et Falk Richter. Complexity of Belonging est pour moi une des plus belles pièces de ces dernières années. Il y a eu du public, mais nous aurions pu en avoir beaucoup plus. En même temps, c'est là exactement que se situent nos enjeux, notre travail et notre mission. C'est quelque chose qui se construit dans la durée. Mais on rêve toujours que l'effet soit plus immédiat !
D'autre part, je ne peux séparer dans mon esprit la fabrique de l'exposition. C'est-à-dire que pour moi, la vie de la maison, du matin au soir, compte tout autant que le moment où l'on ouvre au public. Il y a des difficultés au quotidien, ce qui est inévitable lorsqu'on est dans le faire. À partir du moment où on réalise des choses, il y a une infinité de questions à résoudre. Mais quel que soit le nombre, le degré, le niveau de ces questions, je me sens toujours bien ici, je ne viens jamais en reculant. Et c'était une promesse que je m'étais faite lorsque j'ai été nommé : ne jamais avoir peur, d'aller voir les gens, d'affronter les questions, les problèmes s'il y en a. Pendant ces cinq ans, je n'ai jamais eu un moment de recul. J'ai toujours finalement trouvé les raisons de mon bonheur. Et je ne vis pas pour être malheureux. Je pense profondément que ce type de responsabilités implique tellement d'investissement, tellement de temps, que si on ne s'y retrouve pas suffisamment, il faut être masochiste pour poursuivre. Et je ne suis pas masochiste (rire) !
En dehors de ce bonheur qui est déjà beaucoup, que retirez-vous de cette expérience de direction d'un théâtre, vous qui avez été danseur, chorégraphe, pédagogue, responsable de la danse au ministère de la culture puis directeur du CCN Ballet de Loraine ?
Je vais répondre à cette question d'une manière un peu détournée. Pourquoi finalement ai-je souhaité arrêter de diriger une compagnie alors que j'y trouvais toute satisfaction ? C'est une expérience qui m'a passionné, j'étais extrêmement heureux. Nous tournions beaucoup, plus de 100 dates par an, et j'en étais ravi. Mais si nous avons vécu énormément de moments formidables, j'ai souvent eu le sentiment, dans les lieux où nous étions invités, qu'il était peut-être possible de fonctionner différemment, de vivre différemment. Il est arrivé quelques fois qu'on ne rencontre même pas la direction, les équipes en place. J'avais le sentiment que l'on était là, mais que l'on aurait pu être ailleurs, que c'était un peu indifférent. Petit à petit s'est développé en moi, vraiment, le désir de vivre dans un théâtre. Et peut-être de tenter qu'un théâtre puisse fonctionner autrement.
Et ça, c'est aussi une grande satisfaction. Toutes les troupes qui passent à Chaillot nous disent, nous témoignent qu'elles y sont reçues d'une manière absolument spécifique, par tous les gens à qui ils ont affaire. Cela va du plateau à la couture, de la production aux relations publiques, etc. Aux côtés du volet strictement artistique et esthétique, c'était vraiment ça mon projet. Je pense d'ailleurs qu'il faut qu'on continue sur cette voie, que l'on contribue encore plus à cela. C'est pour moi, un défi, un enjeu formidable.
Avant d'être nommé au Théâtre National de Chaillot, vous aviez postulé à la direction de la Maison de la Danse et de la Biennale de Lyon. Ne nourrissez-vous aucun regret par rapport à ça ?
Non aucun. Je n'ai pas de regrets du tout. D'abord parce que je ne suis pas une personne qui fonctionne de cette manière-là, je n'ai pas envie de ressasser. Et puis j'ai finalement trouvé ici un outil avec un potentiel absolument extraordinaire. J'ai développé à la fois des choses que j'aurais voulu faire à Lyon, mais aussi d'autres.
Je vais même me permettre de dire ceci : je pense que j'aurais été rapidement dans un certain nombre de difficultés, avec le personnel politique que je ne trouve pas très à la hauteur à Lyon. Il me semble d'ailleurs très anormal qu'ils aient promis à Dominique Hervieu des choses qu'ils ne tiennent pas, comme la Maison de la Danse troisième génération. Il est vraiment regrettable que les responsables politiques bafouent ainsi leurs engagements. Depuis que je suis ici, c'est-à-dire en cinq ans, j'ai connu quatre ministres. Et je dois dire qu'à contrario, après un moment où il faut que l'on fasse connaissance, j'ai toujours apprécié la qualité de mes relations avec les gens à qui j'ai eu affaire.
J'ai trouvé ici un outil avec un potentiel absolument extraordinaire.
Dans les missions qui vous étaient confiées lors de votre nomination, le ministère indiquait : "la recherche de collaborations étroites avec le CND, afin de constituer un pôle chorégraphique de référence". Or, ces collaborations me semblent n'être qu'épisodiques, comme l'année dernière avec Trisha Brown, programmée à Chaillot alors que Roof Piece était donné sur les toits de Pantin. Pourquoi ?
C'est vrai. Il se trouve qu'au moment où j'ai été nommé, il y avait une logique de rapprochement avec le CND. Monique Barbaroux et moi-même en avions une compréhension commune, très forte. Mais la direction a changé, Mathilde Monnier, dont je suis proche puisque j'ai longtemps dansé avec elle lorsque nous étions beaucoup plus jeunes, est arrivée. Elle met en place des projets que je trouve très intéressants, très beaux, mais qui n'arrivent pas à trouver d'articulation avec les programmations de Chaillot, même si, de mon point de vue, il y aurait des points de rencontre plus grands que ce que nous arrivons à mettre en œuvre.
Il y a aussi une chose qu'il faut prendre en compte, c'est que de Chaillot, place du Trocadéro, au CND à Pantin, il y a une heure de transport. On peut envisager des collaborations en région, en prenant le train ça n'est pas plus long... Néanmoins je pense que sur le travail de recherche, sur des expositions, nous pourrions être plus articulés parfois. Mais nous n'avons pas les même choix artistiques, esthétiques. Eh bien écoutez, ça renforce la pluralité des approches, et c'est tant mieux !
Vous définissez six grands axes qui vous paraissent primordiaux pour le Théâtre de Chaillot : la création/production, la programmation/tournées, la richesse du lieu et son avenir, la diversification des publics, l'animation des équipes et la dynamique économique. La conservation du patrimoine chorégraphique ne fait-elle pas partie également des enjeux importants ? Réaliser des captations de spectacles et faire vivre le répertoire en programmant des pièces plus ou moins anciennes, comme vous le faites, ne participe-t-il pas de cette volonté ?
Nous venons justement de parler du CND, cette mission est beaucoup plus la leur. Avec une médiathèque, la possibilité de faire appel à des notateurs, des lieux de formation, des mémoires, la cinémathèque etc. ils sont équipés pour cela. C'est vraiment un de leurs cœurs principaux. Il me semble que la responsabilité qui nous incombe, dans un théâtre, c'est de faire vivre le répertoire. Le faire vivre à travers ses interprètes, ses chorégraphes, à travers un certain nombre de choses que l'on peut faire, et que l'on fait justement lorsque l'on organise ces fameux samedis, ces journées autour d'un artiste. C'est bien de cela qu'il est question. Nous montrons tout un univers, et c'est ça qui constitue le patrimoine. Après on peut imaginer, et d'ailleurs cela se fera peut-être dans les années à venir, mettre à un moment une sorte de focus sur une période, sur une problématique de ce genre. À l'évidence, ce serait très intéressant. Mais on ne peut pas tout faire.
Néanmoins, pour vous répondre, lorsque je suis arrivé, j'ai tout de suite voulu mettre en chantier une grande exposition sur l'histoire de la danse à Chaillot. Je l'ai à l'époque proposée à Monique Barbaroux qui était très intéressée. Nous avons d'ailleurs lancé de premières études. Historiquement, si Chaillot est un des hauts lieux du théâtre, il a en réalité toujours accueilli de la danse. Que ce soit d'ailleurs sur la scène, dans les escaliers, dans les fontaines, sur les parvis… C'est tout à fait étonnant ! Par exemple, Katherine Dunham a dansé ici pendant un mois, dans les années 1950.
Historiquement, si Chaillot est un des hauts lieux du théâtre, il a toujours accueilli de la danse.
J'ai souhaité également que l'on déborde un peu du strict cadre de Chaillot, en s'intéressant à la place de la danse dans les grandes expositions, à la fois universelles et coloniales. C'est un fait, beaucoup de pays, je pense à l'Indonésie par exemple, envoyaient pour montrer le génie de leurs peuples des troupes de danse, traditionnelles la plupart du temps. C'est d'ailleurs ce qui a inspiré des artistes comme Fernand Léger pour La création du monde. Nous sommes dans une proximité géographique trop grande pour ne pas en profiter. J'avais donc proposé cette exposition, mais à son arrivée, Mathilde n'était pas intéressée. Comme je voulais poursuivre, je me suis adressé à la BNF et nous allons faire, en 2018, une grande exposition dans leurs locaux sur ce sujet. Voilà une manière de considérer le répertoire.
Je rêve aussi un jour, je voulais d'ailleurs le faire si j'étais resté à Nancy, de réaliser un travail sur La Mort du cygne. C'est d'abord une période extrêmement intéressante, dans le rapport de la danse et de la marionnette. Et ce ballet occupe encore une grande place dans l'imaginaire, avec de nombreuses interprétations existantes. Je connais un certain nombre de documents qui sont tous magnifiques, avec par exemple les interprétations, d'une même artiste à vingt ans d'écart. On voit ainsi les évolutions. Outre ces documents, je pense également que ça pourrait donner lieu à une très belle série de spectacles.
D'autre part, à l'automne 2017, nous allons faire notre troisième Biennale d'art flamenco. Nous allons justement mettre un accent particulier sur l'exil, et l'exil des artistes qui fuyaient le franquisme. Nous allons le traiter avec un certain nombre de conférences, des commandes de spectacles, mais aussi avec tout un travail de recherche, qui est d'ailleurs entamé. Il existe à Xérès un institut dédié à l'histoire du flamenco tout à fait intéressant. Ils sont actuellement au travail pour collecter des documents à ce sujet.
À ce propos, la nouvelle Biennale d'art flamenco n'aurait-elle pas dû avoir lieu la saison prochaine ?
Oui en effet, mais j'ai préféré la repousser de quelques mois pour disposer de la salle Gémier. Nous n'avons plus le droit d'installer un théâtre éphémère dans le grand foyer pour des raisons de sécurité, et je me retrouve avec la grande salle et le petit studio, ce qui limite beaucoup les choses. J'ai donc choisi de reporter de trois mois, pour que l'on puisse vraiment déployer dans tout le théâtre cette Biennale.
Rafael Campallo, présent lors de la 2e Biennale d'art flamenco du Théâtre National de Chaillot Vous avez décidé de renommer Chaillot, Théâtre National de la Danse (et non plus Danse/ Théâtre), parce qu'il vous parait important d'affirmer qu'un des cinq Théâtres Nationaux est dédié à la danse. En quoi l'est-ce plus aujourd'hui qu'il y a cinq, ou même un an ? La prédominance de la danse à Chaillot vous parait-elle menacée ?
Je considère effectivement que depuis cinq ans, il y a dans l'économie de la danse, quelque chose qui est de l'ordre de la régression. Cela s'exprime par bien des aspects. Sur l'aspect strictement institutionnel, je trouve étonnant qu'on ait mis six mois à nommer un délégué à la danse. Il y a sans doute des raisons dont je n'ai pas connaissance qui l'expliquent. Mais quand même, imagine-t-on cela dans une autre discipline ? Je ne l'ai jamais vu. On pense donc que cela est possible pour la danse… Voilà un élément.
Je vois aussi, c'est ce que me disent les gens et je le constate en étudiant les dossiers des compagnies, une difficulté croissante pour réunir les conditions de la fabrication d'un spectacle, de l'existence d'une troupe. Et je pense qu'il faut qu'il y ait, un peu comme des lumières qui clignotent, des choses comme ça pour dire : "Attention ! Ne compromettons pas toutes ces avancées formidables qui ont été faites et actées."
Alors sans doute, je n'ai pas vu venir cela suffisamment quand je suis arrivé. Dominique Hervieu avait déjà affirmé ce caractère, mais j'ai toujours envie de mon côté que les choses soient fluides entre les disciplines. Nous ne sommes pas là pour dresser des murs. Cependant, il y a des moments où la communication, comme un changement de nom, est aussi un élément de stratégie qui permet d'affirmer des choses. Je le ressens d'autant que, mon premier mandat se terminant, de manière tout à fait légitime un certain nombre de personnalités se projettent, tant que la décision n'est pas définitivement arrêtée. Et depuis un an j'entends des rumeurs, multiples, sur des personnalités du théâtre, que par ailleurs j'apprécie beaucoup, qui se projettent ici. En soi cela n'a rien de scandaleux. Ce qui le serait c'est que la danse soit de nouveau pénalisée par le fait de lui enlever un de ses principaux outils. C'est donc pour moi une manière de rappeler qu'il y a un enjeu particulier ici.
Et puis, je suis un peu triste parfois que le monde du théâtre ou de la musique, n'avance pas plus vite par rapport à la pluridisciplinarité ou l'interdisciplinarité. Il y en a qui le font de manière magnifique, mais encore trop peu. C'est donc aussi une manière de dire, non pas de créer un rapport de force, ce n'est pas du tout ça, mais de dire : "Bon écoutez, nous retournons un peu le miroir."
Je considère effectivement que depuis cinq ans, il y a dans l'économie de la danse, quelque chose qui est de l'ordre de la régression.
Vous voulez dire que les théâtres ne programment pas suffisamment de danse ?
Oui, mais je pense qu'il y a des maisons d'opéra qui pourraient le faire aussi. La danse fait partie de leur histoire, elles disposent d'outils formidables avec des troupes permanentes, dans lesquelles il y a ne serait-ce que quinze ou vingt danseurs. Quelle est la compagnie indépendante qui a les moyens d'avoir une troupe de quinze à vingt danseurs ? Elles existent dans ces maisons d'opéra et parce que, à quelques exceptions près, on ne leur accorde pas une place, une reconnaissance suffisante, un respect suffisant, elles vivotent. C'est un peu dommage. Ça ne leur couterait quasiment rien de plus, si ce n'est de considérer la danse dans sa véritable capacité.
Vous faites, comme nous tous, le constat qu'il est de plus en plus difficile pour les danseur.se.s de vivre de leur art et pour les jeunes chorégraphes de créer. Les moyens de production et les budgets se restreignent, les séries sont de plus en plus courtes. Mais Est-ce selon vous spécifique à la danse ou le lot du spectacle vivant, et plus généralement de la culture en cette période de crise ?
C'est en effet plus général. Ça ne concerne, malheureusement d'ailleurs, pas que la danse. Simplement, encore une fois, il y a des disciplines dont l'économie est plus fragile. Et comme toujours, ce sont les plus fragiles qui en payent le prix le plus élevé. Mais dans cette situation, je pense que nous devons aussi chacun balayer devant nos portes. Ce n'est pas seulement parce qu'il y aurait des moyens en raréfaction. Sur le plan de l'Etat lui-même, le budget de la culture augmente. Il faut être rigoureux et honnête là-dessus, et le rappeler. C'est globalement que l'économie est en retrait, parce qu'il y a effectivement un certain nombre de collectivités qui diminuent drastiquement leur soutien au domaine artistique. Mais aussi, peut-être, parce que nous sommes en grande difficulté pour nous réformer nous-mêmes.
C'est un peu la question que j'allais vous poser. Il y a eu dans l'Hexagone cette volonté de créer les CCN, qui constituent un maillage sur tout le territoire. À Paris, nous avons le Théâtre National de Chaillot, le Théâtre de la Ville, le CND ou le Ballet de l'Opéra de Paris. La danse ne vous parait-elle pas malgré tout privilégiée en France, si nous nous comparons à d'autres pays ?
Oui c'est une évidence.
Visuel des 30 ans des CCN, fêtés au Théâtre National de Chaillot Malgré cette politique assez ambitieuse, qui a vu le jour en même temps que la nouvelle danse française dans les années 1980, il me semble que le public reste assez confidentiel, par rapport à des disciplines comme le théâtre ou à la musique. Confirmez-vous cette impression et si oui, comment l'expliquez-vous ?
D'abord, quand il y a une offre plus importante, il y a aussi plus de public. Ensuite, nous avons tous une part de responsabilité, mais je serais plus pondéré dans le constat. Quand je me déplace dans les festivals de danse, je remarque qu'il y a un monde fou. C'est le cas pour beaucoup de spectacles, partout, et c'est même, paradoxalement, avec la danse que les théâtres remplissent le plus.
Après, ce qui peut être questionné, c'est qu'il y a inévitablement dans l'histoire des arts, et la danse n'y échappe pas, des périodes où les artistes, disons une partie des artistes, travaille sur des problématiques esthétiques qui ne sont pas de nature à réunir un très large public. Mais il est en même temps absolument fondamental que ces démarches se tiennent. On peut parler, pour aller vite, de la non danse ou de la danse conceptuelle de ces dernières années. Pour moi, ça appartient complètement à ce phénomène-là. Je vois avec beaucoup d'intérêt et d'espoir, que de nouvelles générations digèrent, intègrent tout ça, et reviennent sur des formes qui ont cette capacité à s'adresser à un public beaucoup plus large. Mais enrichies par le travail qui a été fait par leurs prédécesseurs.
La responsabilité que nous avons collectivement, est certes de veiller à soutenir ces démarches, mais aussi de proposer dans le même temps des moments de grand rassemblement. Il y a matière à le faire, avec la plus haute exigence artistique. Nous avons peut-être connu une période où cette préoccupation n'était pas assez présente, dans ce qui était mis en œuvre par certains lieux. Du coup, une part du public n'a pas suivi autant qu'il aurait pu. Je suis frappé de voir que sur certaines propositions, c'est immédiatement la foule. Cela prouve que l'envie, le goût, est là. C'est aussi pour ça que je suis tellement content d'avoir bientôt la salle Gémier. C'est justement pour pouvoir conduire cet équilibre. Et encore une fois, il n'y a pas de notion de quelque chose qui serait plus exigent, plus rigoureux, d'un intérêt supérieur d'un côté et plus populaire de l'autre. Non. Le niveau d'exigence est le même quand on s'adresse au plus grand nombre.
Le niveau d'exigence est le même quand on s'adresse au plus grand nombre. Il y a en effet des spectacles qui sont moins accessibles, ou accessibles lorsqu'on en a vu beaucoup d'autres. Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont d'une meilleure ou d'une moindre qualité.
Je crois pour ma part que beaucoup de spectacles sont accessibles immédiatement pour un très large public. Il faut simplement les présenter de la bonne manière, et faire un travail par rapport aux spectateurs.
Vous parlez du travail de médiation à accomplir ?
Oui il y a un travail de médiation. Mais il y a aussi une relation de confiance qui se construit, et qui fait qu'au bout d'un moment le public vous suit. Lorsque j'étais à Nancy, nous faisions d'une année à l'autre des propositions extrêmement différentes. Au début, les gens ne s'y retrouvaient pas. Mais à la fin ils me disaient : "Nous venons même si nous ne connaissons pas du tout ce qui est présenté, parce que nous avons justement envie de découvrir, d'être surpris." Et ce qui me faisait le plus plaisir est qu'ils ajoutaient : "Même si nous n'aimons pas, nous revenons, parce que de toutes manières c'était intéressant." Je trouve que c'est fondamentalement à cet endroit que se situe notre travail. Mais il faut la durée pour ça.
Ensuite, l'éternelle question est que quand on arrive à finalement construire un public fidélisé, il ne faut pas s'arrêter là. C'est le danger que pointait déjà Jean Vilar. Ça marche, mais ça marche trop d'une certaine manière. Il faut alors regarder tous ceux qui ne sont pas dans cette marche. C'est encore plus nécessaire aujourd'hui, où l'on constate de telles fractures dans la société.
Justement, Chaillot est situé au Trocadéro, dans le 16ème arrondissement. Vous parlez de société fracturée, il ne doit pas être facile de faire venir tous les publics ici ?
Il y a d'abord une chose dont je suis assez satisfait, c'est que nous accueillons, hors scolaires, 28 % de jeunes. Ensuite, à peu près 1/3 de notre public vient des quartiers ouest, c'est-à-dire de proximité, 1/3 des quartiers est parisiens, et le tiers restant de la banlieue, de la province ou de l'étranger. C'est donc relativement équilibré. Mais évidemment cela ne suffit pas. Nous savons bien que certains publics ne viennent pas.
Nous faisons donc des opérations très ciblées, où l'on invite, par le biais d'associations relais, des gens qui pénètrent pour la toute première fois dans un théâtre. Et c'est extrêmement touchant de les voir arriver. Ils osent à peine entrer dans le grand foyer, comme s'ils pensaient que ce n'est pas pour eux. Au début, ils ne comprennent pas comment tout ça fonctionne, quels sont les codes, et nous avons un vrai travail à faire. La manière dont ils reçoivent les choses, pas seulement le spectacle mais tout l'ensemble, comme un vrai cadeau, est assez merveilleuse. Nous sommes vraiment heureux à chaque fois que nous mettons en place de telles opérations. Nous essayons de le faire le plus possible, mais nous sommes dans un équilibre, y compris budgétaire, sur lequel ça a un impact… que nous assumons complètement.
Après, nous sommes effectivement dans le 16ème arrondissement, mais quelque chose me frappe énormément, auquel je n'avais jamais réfléchi avant de travailler ici. Que se passe-t-il quand il y a de grands matchs de foot ? Où vont les supporters ? Ils ne restent pas à Saint-Denis, à proximité du Stade de France. Ils viennent sur les Champs-Elysées, ils viennent au Trocadéro, pour manifester leur joie et le fait d'appartenir à une collectivité. Pourquoi ? Parce que les attributs de cette collectivité, les symboles, les emblèmes se trouvent ici. Je trouve ça formidable ! Et je rêve, moi, que du point de vue du théâtre, ça fonctionne de la même manière. C'est-à-dire que si nous devons aller sur le terrain, nous devons aussi créer les conditions pour que les gens aient envie de venir, et que ce soit une fête pour eux. Chaillot ne doit pas être réservé au public de proximité. C'est une des missions que l'on a quand on est doté d'un tel lieu.
C'est aussi vrai d'ailleurs, par rapport aux régions. Nous avons pour les années à venir, je trouve, de belles idées, de belles envies de collaborations, dans lesquelles outre des lieux, des personnalités, nous allons essayer d'entraîner d'autres partenaires pour la mise en œuvre, comme la SNCF.
Vous avez déjà des projets précis de cet ordre ?
Oui. Par exemple Abou Lagraa ouvre à Annonay un lieu formidable, avec des appartements, qui s'appelle La Chapelle. Nous allons être l'un de ses partenaires pour y développer des résidences de création. Résidences qui trouveront bien évidemment à un moment écho à Chaillot, dans la programmation. Mais nous voulons également faire un travail sur le public de proximité là-bas. En particulier un public qui peut être rural. Nous allons essayer de bâtir des modalités qui faciliteront leur venue ici. Il y a quantité de choses à inventer, à mettre en œuvre, à partir du moment où cela rencontre aussi des désirs et des préoccupations sur place. Et je crois qu'on peut le développer dans beaucoup d'endroits. Si le temps nous est donné, nous ferons ça.
Vous avez, avec L'art d'être spectateur, une politique très active à l'égard des publics. Arrivez-vous à en mesurer les retombées ?
Oui. Et pour ma part, j'en suis à la fois très heureux et peu satisfait. J'en suis très heureux pour ceux qui en bénéficient. C'est quelque chose qu'ils aiment, ils nous le témoignent régulièrement. Ils ont le sentiment à la fois de s'enrichir et de partager des choses. C'est donc magnifique. Là où ça ne me satisfait pas, c'est que, très vite, c'est un peu ce que nous disions tout à l'heure, ce sont toujours les mêmes personnes qui reviennent. Bien sûr il ne faut pas oublier ces gens-là. Mais nous devons absolument consacrer une part de notre énergie, de nos moyens et de notre imagination, à ceux qui ne sont pas déjà dans cette dynamique.
J'ai découvert, dans cette rubrique, la création pour septembre 2016 du site Data-danse. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet ?
Il est en cours de constitution. C'est le fruit de tout un parcours qui a réuni différentes structures et différentes équipes, qui travaillent en lien avec des associations et des relais, pour parler de la danse. C'est très dur de parler de danse. Très vite on n'a à notre disposition qu'un lexique qui vient des arts plastiques, de la musique, du théâtre, on est embarrassé. Un travail a donc été réalisé sur un certain nombre de mots clés, qui peuvent donner des modalités d'accès à une œuvre, à une démarche artistique.
Mais une fois ce corpus défini, de quelle manière l'actionner, le mettre en œuvre ? Et comment amener les gens à être autonomes par rapport à lui, ce qui est l'un des objectifs ? Bien évidemment, il est apparu très vite que, l'un des seuls outils, enfin l'un des meilleurs outils aujourd'hui est internet.
C'est donc la mise à disposition d'une sorte de vocabulaire ?
En partie mais pas seulement. Il s'agit de proposer, de donner quelques entrées possibles, à des gens qui n'ont pas l'habitude de voir des spectacles, que ce soit sur scène ou en vidéo. Par exemple : "Que regardez-vous ? Regardez-vous s'il y a des duos, si ça danse à l'unisson, s'il y a des moments dans le silence ? Est-ce que la danse suit la musique ? Est-ce que ça va au sol ? Y a-t-il des moments dans le noir, d'où vient la lumière ? Les costumes ont-ils une fonction, et la couleur ? Est-ce que ça saute, est-ce qu'il y a beaucoup de tours ?" Etc.
Alors il s'agit d'offrir une grille de lecture, des outils de décryptage ?
Voilà, et j'ai une petite appréhension par rapport à ça. C'est vraiment intéressant, et en même temps je fais partie de ces gens pour qui le premier rapport à l'œuvre, à l'art, doit être dépouillé de toute grille de lecture. Mais je reconnais qu'en terme pédagogique c'est un bel outil. Trop de personnes disent : "Ce n'est pas pour nous, on ne comprend pas". Masi si, ils peuvent tout à fait comprendre ! C'est ce que faisait Stockhausen dans certains de ses concerts. Il disait à ses auditeurs : "Je vous propose de prendre un élément musical, soit une note soit autre chose, et de le suivre toute l'œuvre. C'est une manière d'y accéder. Il y en a cent milles autres, c'est l'une d'entre elles. Elle vous permettra de ne pas être perdu, de ne pas décrocher si vous ne savez pas comment appréhender les choses." Je trouve ça magnifique !
Je fais partie de ces gens pour qui le premier rapport à l'œuvre, à l'art, doit être dépouillé de toute grille de lecture.
Mais les deux démarches ne sont pas forcément contradictoires. On peut se laisser porter tant que ça fonctionne, et se raccrocher à ces outils-là si jamais on se perd.
Ma réaction vient du fait que j'ai eu, dans mon enfance, de mauvaises aventures de ce point de vue trop scolaire, trop appliqué. Je ne fonctionnais pas du tout comme ça. J'étais plutôt dans la rêverie, dans le fantasme. J'ai toujours vécu comme une punition de devoir appliquer des méthodes strictes. Alors je me dis qu'il faut toujours garder cette préoccupation du sensible. Mais on peut parfaitement articuler les deux, bien sûr.
Vous parlez souvent de pluridisciplinarité, et il est vrai qu'à Chaillot beaucoup de spectacles mêlent musique et danse, ou théâtre et danse, ou même les trois. En revanche, si la danse s'hybride aussi avec le cirque, c'est une discipline qui n'est pas très présente chez vous. Pourquoi ?
C'est vrai, même si l'on a reçu pendant un mois le Cirque Eloize, il y a quatre ans déjà. C'était un moment de fête absolu, magnifique. Le spectacle était extraordinaire. La chorégraphie était assurée par Mourad Merzouki, une raison supplémentaire de les accueillir. Vous avez raison et le cirque reviendra, c'est tout ce que peux dire. C'est tout simplement qu'on ne peut pas tout faire. Si nous avions trois salles, je crois que l'on aurait du cirque très souvent.
Sans parler de cirque pur, on peut penser également à des artistes comme James Thierrée ou Yoann Bourgeois, dont les œuvres sont proches de la danse.
Absolument, mais en ce qui concerne ces artistes-là, c'est aussi parce qu'ils ont des histoires qui les attachent à d'autres maisons. Ils ont une relation forte avec le Théâtre de la Ville, ce que je respecte complètement. Ça ne veut pas dire qu'ils ne viendront jamais ici. Si un jour ils en ont envie, la porte est bien évidemment grande ouverte. Mais pour le cirque pur, qui aurait tout à fait sa place à Chaillot et qui la trouvera à un certain moment, c'est aussi parce que j'ai le sentiment qu'il y a beaucoup d'espaces aujourd'hui qui lui sont ouverts, qu'il n'y a pas une nécessité absolue. Même si en réalité je reçois beaucoup de messages de gens qui ont envie de venir, pour des raisons que j'entends. Mais c'est vrai, on pourrait dire aussi la même chose de la comédie musicale, d'ailleurs.
Oui, bien que Volver, le spectacle d'Olivia Ruiz et Jean-Claude Gallotta programmé la saison prochaine s'en approche.
C'est vrai, c'était le cas également cette saison avec Naked Lunch de Club Guy & Roni.
Il y a eu également Contact de philippe Découflé, l'année dernière. Des comédies musicales sont donc égrainées au fil des saisons, même si l'on n'en voit pas chez vous des classiques, du type de celles qui se jouent au Châtelet.
Non c'est vrai. C'est extrêmement difficile à formuler, et même à penser d'ailleurs, mais une programmation n'est pas simplement l'adition d'un certain nombre de choses. Il y a à l'intérieur des lignes de force, des cohérences, qui sont essentiellement de l'ordre de l'intuition, de quelque chose que je ne sais pas, et que je n'ai surtout pas envie d'ailleurs de trop poser, parce que ça deviendrait un système. Jean-Paul Montanari (ndlr, le directeur de Montpellier Danse) explique que c'est une fois sa programmation faite qu'il la comprend, qu'il parvient à poser un discours dessus. C'est un artisanat, c'est dans le faire qu'on découvre les choses.
Vous aviez l'habitude chaque saison de proposer un focus, comme pour la Corée cette année. Il n'y en aura pas la saison prochaine. Es-ce, comme pour la Biennale de flamenco, dû aux travaux de la salle Gémier ?
Oui c'est pareil. Je n'aime pas prétendre, faire semblant, être uniquement dans de l'affichage. Je ne peux pas faire de focus avec une salle et demie.
Il y a dans une programmation, des lignes de force, des cohérences, qui sont essentiellement de l'ordre de l'intuition.
Il y aura, avec le départ de Carolyn Carlson, un artiste associé en moins. Est-ce toujours pour la même raison ?
En partie. Mais c'est surtout parce que je suis en discussion très avancée avec Philippe Decouflé, qui sera en résidence ici, même si ce n'est pas encore la saison prochaine, puisque nous allons utiliser cette période pour définir les modalités de son association avec Chaillot.
Mais il y a une autre raison, qui aujourd'hui devient un peu pénible. Comme vous le savez, José Montalvo est, depuis un an maintenant, en attente de savoir s'il va être nommé à la MAC de Créteil. Et moi j'attends aussi de savoir si je dois définir avec lui de nouvelles modalités de travail, parce que nous poursuivrons notre collaboration de toutes façons, ou si il reste là. Etre dans ce flou rend les choses vraiment compliquées. Cela devient un peu loufoque, un peu extravagant, le choix aurait dû être fait l'été passé. Il y a apparemment à notre époque, quelque chose qui est de l'ordre de cette difficulté à aboutir des décisions. Parce qu'au Théâtre de la Cité Internationale, c'est un peu pareil. Je dois sans doute ne pas connaître un certain nombre de raisons qui expliquent ces difficultés. Mais en tous les cas, vivement quand même qu'elles soient résolues !
En ce qui vous concerne, vous êtes candidat à votre propre succession. Connaissez-vous les autres postulants, êtes-vous confiant ?
En dehors des rumeurs que j'entends, je ne connais pas les autres candidats. On est nommé à Chaillot par décret, en conseil des ministres, il n'y a donc pas d'appel à candidature classique. Cela n'empêche pas de spontanément se déclarer, c'est d'ailleurs ce qui se passe. Je pense que la ministre, qui propose au président de la République la nomination, envisage tout à fait légitimement différents scénarii. Et qu'elle rencontre donc des gens, les consulte. Ça me parait totalement logique et sain.
Néanmoins je suis très confiant. Je considère que j'ai rempli la mission qui m'était confiée, et qu'il y aurait bien des logiques à ce que je poursuive. D'abord parce que la fin des travaux arrive, qu'il faut quand même aller jusqu'au bout, et qu'il me paraitrait légitime de me donner la possibilité de mettre en œuvre ce pour quoi ils ont été faits. Ensuite parce que cinq ans c'est une vraie durée, mais c'est en même temps court, par rapport aux enjeux d'une telle maison. Enfin parce qu'il y a aussi une réalité de nature économique. J'ai réussi à constituer un panel de mécènes qui sont dans une relation de confiance, et nous apportent 900 000 euros par an, ce qui est loin d'être facile. Et puis tout simplement parce que le désir est là, et que le désir, parfois peut être entendu !
Je considère que j'ai rempli la mission qui m'était confiée, et qu'il y aurait bien des logiques à ce que je poursuive.
Réponse le 15 juin ?
Oui, j'espère que ça n'ira pas au delà du 15 juin. J'espère même que ça pourrait être avant ! Mais ça ne m'appartient pas.
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Le spectateur de Belleville
June 9, 2016 3:30 PM
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Par Anne Diatkine dans Libération/Next
Depuis trois mois, le Théâtre de la Bastille est investi de fond en comble par le metteur en scène portugais, 70 spectateurs et des comédiens. Retour sur une expérience unique qui a vu émerger une floraison de spectacles.
Des idées merveilleuses ont surgi de l’Occupation Bastille, pratiquée au théâtre de la Bastille pendant soixante-huit nuits et jours par le metteur en scène, acteur, écrivain, directeur du théâtre national de Lisbonne Tiago Rodrigues, accompagné des comédiens Jacques Bonnaffé, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios, Miguel Borges, Ruth Vega-Fernandez, Raquel Castro, ainsi que 70 spectateurs intégrés au processus et toute l’équipe du théâtre - de la direction à l’accueil, en passant par le service de presse. Des idées merveilleuses qui font leur chemin et qu’on garderait bien pour la vie quotidienne, cette vie sans scène pour la jouer ni représentation pour la montrer. Comme le projet de la lettre non écrite qui reste en latence, jusqu’à ce que quelqu’un, en l’occurrence le comédien David Geselson, se propose de la rédiger à notre place. Les spectateurs, acteurs et autres participants à l’occupation se sont emparés de cette occasion rare de dire l’indicible et d’adresser une missive toujours différée, et avec sa rédaction par un autre est venue la première transformation. Ensuite, certaines de ces lettres ont été restituées un mardi soir devant le public.
Grâce Deuxième transformation. L’expérience intime est bien là, mais les mots résonnent alors pour tous. «C’est comme si leur envers était dévoilé. Le locuteur était moi et pas moi et c’était extrêmement intéressant de l’entendre car je pouvais saisir pourquoi cette lettre était restée si longtemps non écrite», dit une spectatrice à la suite de l’expérience. Entre toutes, celle lue par un spectateur d’une vingtaine d’années qui surgit du public et la découvre en même temps que nous. Il doit s’interrompre à plusieurs reprises, il est bouleversé. C’est la lettre non écrite d’une femme qui, deux décennies auparavant, venait d’apprendre qu’elle ne serait jamais enceinte et s’adresse à l’enfant qu’elle n’a pas attendu. Lui qui n’existe pas peut-il recevoir la lettre qu’elle ne lui a pas écrite ? Moment de grâce sur scène où une actrice et un spectateur qui ne se connaissent pas se retrouvent cependant. La lettre est reprise dans le spectacle final, à voir jusqu’à la fin de la semaine, intitulé Je t’ai vu pour la première fois au Théâtre de la Bastille, belle promesse qui n’est ni un bilan ni un document, mais une transposition rêvée et cauchemardesque de ce qui a pu advenir durant ces trois mois, et des traces de ce trajet.
Ça aurait pu être de l’agit-prop, de l’animation, un atelier théâtre. Ça aurait été intéressant, mais ça n’a été rien de tout cela. Jamais pendant cette occupation les spectateurs n’ont fait de progrès dans la profession d’acteur, et les acteurs ne sont pas non plus devenus de bons spectateurs. Les places n’ont pas été interverties, et quand les spectateurs sont montés sur scène, ont constitué des chœurs, fait entendre des échos ou évoqué des bribes d’histoires, aucune confusion n’était possible. Les uns n’étaient pas les autres. Oui, mais quelle était leur place ? Cette question est l’un des fils conducteurs de cette occupation écheveau, qui mêle et emmêle les pelotes, passionne même quand la présentation est fragile, car peu importe, le critère de réussite et de ratage est ici inopérant. Et il y a toujours des fulgurances.
Ça aurait pu être la réédition d’une vieille expérience des années 70, où l’on voulait mettre le spectateur au cœur de la scène et les acteurs, pourquoi pas, dans la salle. Mais Tiago Rodrigues s’inscrit néanmoins dans le présent d’une manière telle que son occupation a anticipé et fait écho à d’autres occupations : celle de la place de la République ou du Théâtre de l’Odéon par les intermittents, évidemment imprévisibles au moment où le projet a été lancé par la directrice adjointe du Théâtre de la Bastille, Géraldine Chaillou.
Transgression Troisième hypothèse, ce serait une entreprise sur l’urgence : l’urgence de s’arrêter de fabriquer des spectacles, de vite les programmer, de vite les consommer, de vite pouvoir en penser et dire quelque chose, de vite les oublier. L’urgence, en somme, de prendre son temps - trois mois - et d’appréhender un peu mieux les spectateurs : leur désir et leur besoin d’action. Ne pas se contenter de passer deux jours dans un théâtre d’une ville d’Europe, lorsqu’on a la chance d’avoir un spectacle qui tourne, ne pas considérer le public comme le dernier maillon d’une chronologie qui viendrait quand tout est terminé, quand le spectacle est prêt, à la toute fin. «Alors qu’il est le premier, dit Tiago Rodrigues, c’est lui qui déclenche le spectacle en entrant dans la salle, et en choisissant de traverser la ville pour le voir. On n’entre pas dans un théâtre par hasard». Prendre son temps, peut-être, mais à condition que ces trois mois sans programme préétabli donnent lieu à pas moins de trois types différents de représentation, dont deux qui doivent batailler avec le risque du néant.
Il y a eu celle, longuement travaillée et répétée, de Bovary autour du procès de Flaubert et de la transgression des normes sociales d’un roman «sur rien», selon les mots de Flaubert. Celle de trois impromptus au beau titre générique Ce soir ne se répétera jamais présentés trois mardis de suite, et qui effectivement, dans tous les sens du terme, ne pouvaient pas se répéter. Et celle du spectacle final, donc, qu’on peut voir encore une poignée de soirs de juin. Clôturer une utopie, n’est-ce pas prendre le risque de la tuer ? C’est surtout une expérience qui échappe à toutes les malles où l’on tente de la ranger avec quelques boules de naphtaline pour résister à l’usure et à l’oubli. Une expérience qu’il est impossible de scinder en spectacles disjoints : Bovary, tout comme les trois impromptus et le dernier spectacle forment une boule à facettes mais aussi se diffractent les uns les autres. Leur lumière rémanente persiste.
euphorie Tout ne fut pas idyllique durant ces trois mois, même si la plupart des participants disent que leur vie en est bouleversée. Il y eut des moments de doutes et de baisse de tension, et au moins une crise : des spectatrices remirent en question âprement la place que le metteur en scène et les acteurs leur accordaient et évoquèrent leur déception. N’étaient-elles pas réduites à une participation passive, marionnettes d’un processus qui leur échappait, simple combustible pour des spectacles élaborés et joués par d’autres ? Des figurantes, en somme. Et pourquoi ne pourraient-elles pas lire des lettres sur scène, de même que les acteurs ? N’y avait-il pas un risque que le jeu et l’action soient confisqués par les comédiens, et que les décisions ne soient prises uniquement par le metteur en scène, finalement auteur ?
Comment crée-t-on à partir de rien, lorsqu’on vient de réussir une présentation euphorique où de la cave au grenier en passant par la rue et les loges, le théâtre a été occupé, rendant matériellement d’ailleurs impossible la vision de la totalité de la présentation ? Ça avait eu lieu un mardi, et entre les jours de pause et l’autre mardi, il ne restait que trois jours, pour tout construire, le propos et le décor, la règle étant que d’une semaine à l’autre rien ne soit réutilisé ou refait. «Est-ce que tout le monde a compris que mardi prochain, la représentation ne se passera que sur ce plateau ?» demande Tiago Rodrigues. Première petite déception. «Je trouve bien que tout le monde ne soit pas sur scène. Il faut travailler les entrées et les sorties. Et qu’on orchestre les échos des spectateurs.» C’en est trop pour Camille, qui sort sans mot dire, avec quelques autres, rapidement suivies du metteur en scène. Conciliabule à l’extérieur. Il obtient qu’elles reviennent afin de parler de leur impression d’être manipulée. Seules des femmes ont contesté le pouvoir du metteur en scène et évoqué une passivité dans laquelle elles se sentaient assignées, les hommes restant mystérieusement silencieux, se laissant porter et imprégner par le processus de création beaucoup plus aisément. La crise n’était pas publique, mais il y avait du public dans la salle, et des journalistes. Jamais personne ne s’est proposé de nous faire sortir. «Bien au contraire, la crise fait partie du processus. Ce qu’on a vécu, c’est ce qu’on vit systématiquement avec les acteurs après une représentation qui s’est merveilleusement bien passée et qu’on baisse la garde. Pour sortir d’une crise comme celle-ci, soit on dit que "l’enjeu de la représentation est social", soit on garde une exigence artistique, et faute de temps et de travail, on se rabat sur le savoir-faire des acteurs», dit Tiago Rodrigues. Qui ajoute : «Ce qu’on a gagné après la crise, c’est d’énoncer que le droit à la participation se gagne par la participation. Ce qui aurait été de la manipulation, c’est que la crise soit dissimulée et n’ait pas lieu. Je l’attendais.»
Squelette On s’achemine donc vers la fin. Plus que quelques jours pour continuer d’occuper la Bastille. Dans le spectacle final, les spectateurs sont de nouveau dans la salle, et les acteurs sur scène, on pourrait croire que l’espace théâtral est bien ordonné, sauf que non, pas du tout, le plateau est un capharnaüm, un squelette traîne côté jardin et l’enseigne lumineuse de la façade du théâtre placée au fond de la scène est sur le bord de s’éteindre. Je t’ai vu pour la première fois au Théâtre de la Bastille, spectacle écrit en deux jours, et répété en une semaine, nous projette vingt ans plus tard : les occupants n’ont trouvé aucune bonne raison de quitter la scène, et lasses, les autorités ont oublié de les expulser. Certes, la place de la République est devenue place de l’Oligarchie, la France est une tyrannie, et les journaux, cette chose étrange où l’on pouvait trouver les nouvelles du jour, n’existent plus. Les acteurs sont en ligne sur des chaises face aux spectateurs, ils sont vieux. Il y a toujours une actrice portugaise qui, lorsqu’elle entre en scène, perd son français, «c’est le seul moment où Lisbonne lui manque».
Et le comédien Grégoire Monsaingeon continue de poser chaque jour la même question, sur un ton de plus en plus agressif : «Y a-t-il de nouveaux projets ?» Tant que des mains s’élèveront, l’occupation continuera. Il y a la mémoire du théâtre et de tous les spectacles vus et le souvenir de ce metteur en scène si sourcilleux qu’il avait obtenu que la première représentation de son spectacle soit posthume. Et bien sûr, il y a la crise. La fameuse crise. Qui trouve ici une tout autre résolution.
Par Anne Diatkine Je t’ai vu pour la première fois au Théâtre de la Bastille Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, 75011. Jusqu’au 12 juin. Rens.: www.theatre-bastille.com
Photo : Tiago Rodrigues après une répétition, samedi. Photo Pierre Grosbois
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 7:04 PM
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Face aux inquiétudes exprimées par le monde de la culture dans «Libération» mercredi, le Premier ministre rappelle que l’urgence du gouvernement était d’assurer la continuité de l’indemnisation.
Tribune du Premier ministre publiée dans Libération :
Pérenniser le régime des intermittents, un acte de confiance La culture n’est pas un supplément d’âme, c’est l’âme de notre pays, de notre République. La culture, ce n’est pas un mot vague, désincarné, ce sont des créateurs, des artistes, des interprètes, des techniciens du spectacle qui la défendent et la font vivre partout sur le territoire. Pour la gauche, c’est un projet politique.
C’est fort de cette conviction, ancrée au plus profond de mon engagement, que nous soutenons la création, avec un budget en augmentation depuis 2014. J’entends certes les inquiétudes exprimées mercredi dans ces colonnes [«Intermittents: la dangereuse générosité de l’Etat», tribune d’un collectif de personnalités du monde de la culture publié dans Libération du 8 juin, ndlr] , mais c’est parce que je crois que le régime de l’intermittence est une chance pour notre pays, que je me suis battu pour le défendre aux côtés des artistes et des créateurs.
Ce combat, ce n’est pas simplement un discours de tribune, ce sont des heures et des heures de discussion avec tous les acteurs du secteur, ce sont des débats, des confrontations même que j’ai pour certaines conduites moi-même, avec Fleur Pellerin puis Audrey Azoulay.
Déjà en 2014, nous avons fait face à une crise qu’il fallait résoudre : grèves, arrêts ou perturbations de festivals. Ce que nous avons mis en œuvre, aucun autre gouvernement ne l’avait fait.
Nous avons tout d’abord répondu à la crise par une mesure, nécessairement temporaire, de contribution au financement du régime. Puis, suivant les préconisations de la mission Gille-Combrexelle-Archambault, menée en concertation avec l’ensemble des professionnels, nous avons agi dans deux directions :
- D’abord, structurer l’emploi dans le secteur du spectacle. C’est l’objectif du fonds pour l’emploi que nous allons mettre en place et qui vise notamment à soutenir l’emploi permanent. Structurer l’emploi, c’est également l’objectif des négociations ouvertes dans l’ensemble du secteur pour faciliter la transformation de contrats à durée déterminée d’usage en contrats à durée indéterminée. C’est une orientation sur laquelle l’audiovisuel public s’engage.
- Ensuite, consolider les annexes 8 et 10. Nous avons inscrit dans la loi la nécessité de prendre en compte les spécificités des métiers du spectacle dans la détermination des règles d’assurance chômage applicables aux intermittents. Et nous avons souhaité que désormais les partenaires sociaux du spectacle définissent eux-mêmes les évolutions à apporter à leurs règles d’indemnisation.
Alors quelle est la situation ? Parlons du moment où nous sommes et disons clairement quelles seraient les alternatives à l’engagement du gouvernement. Car le régime de l’intermittence, ce n’est pas simplement une construction théorique, c’est l’indemnisation des artistes et professionnels du spectacle dès les mois prochains qui est en jeu. C’est maintenant que l’on devait permettre aux discussions d’aboutir. Car il faut l’entendre, et c’est tout le paradoxe de notre situation : il faut préserver un modèle unique, celui de l’intermittence, mais lui donner sa place dans un régime général d’assurance chômage. C’est cela la première revendication des professionnels du spectacle.
Un modèle unique : un accord a été trouvé le 28 avril dernier à l’unanimité par les organisations représentatives des salariés et des employeurs du spectacle. C’est un accord historique. Il propose de réelles avancées sociales, tout en consolidant financièrement les annexes 8 et 10. Je salue l’esprit de responsabilité des partenaires sociaux du secteur qui se sont engagés à réaliser plus de 90 millions d’euros d’économies, tout en permettant le retour tant attendu à la date anniversaire pour l’indemnisation.
Une inscription au cœur du régime général d’assurance chômage : la loi prévoit que c’est aux partenaires sociaux qui gèrent l’Unédic de fixer un cadrage financier aux professionnels du spectacle. Au terme d’un long travail, il apparaît qu’un écart demeure entre ce cadrage et l’accord conclu par les professionnels du spectacle.
Alors aujourd’hui, les uns estiment qu’un montant supérieur d’économies était possible voire souhaitable, et les autres au contraire que ce cadrage était trop élevé. Nous avons suivi tous ces débats, mais la responsabilité du gouvernement, c’est que les intermittents du spectacle disposent de leur indemnisation dès cet été et puissent bénéficier des avancées contenues dans l’accord. Que n’aurait-on dit si nous avions été les spectateurs muets de l’échec des discussions et, de fait de la fin de ce régime ? Certains s’inquiètent de ce qui pourrait advenir dans un an, je leur réponds qu’il fallait d’abord répondre à l’urgence et ensuite se battre pour des choix de société au printemps 2017.
J’ai donc proposé aux partenaires sociaux que l’Etat accompagne la mise en œuvre de l’accord en finançant deux mesures : l’allocation journalière minimale et la prise en compte des maladies de longue durée dans le décompte des heures de travail ouvrant droit à l’indemnisation. Le financement de ces mesures passera par des canaux distincts de l’assurance chômage et permettra à l’accord de respecter le cadrage de l’Unédic. Ce n’est pas de la «générosité» mais de la responsabilité.
Par cette intervention, le gouvernement ne remet pas en cause la solidarité interprofessionnelle qui fonde le régime d’assurance chômage et l’inscription des annexes 8 et 10 dans cette solidarité. C’est un acte de confiance dans ce régime, qui permet sa consolidation et à chacun des artistes et professionnels du spectacle de se projeter dans l’avenir. Je suis fier d’y avoir contribué.
Manuel Valls Premier ministre
Ce texte répond à la tribune des professionnels du spectacle publié dans Libération lundi 6 : http://www.liberation.fr/debats/2016/06/07/intermittents-la-dangereuse-generosite-de-l-etat_1457927
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 6:46 PM
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La ministre de la Culture s'est félicitée mardi d'un "bon accord" concernant l'assurance chômage des intermittents. Audrey Azoulay veut qu'il soit appliqué au 1er juillet.
L'accord sur l'assurance chômage des intermittents du spectacle sera appliqué et mis en place dès le 1er juillet : La ministre de la Culture s'y est engagée ce mardi après-midi à l'Assemblée nationale.
Le problème c'est que cet accord de branche signé à l'unanimité le 28 avril dernier par les syndicats et la partie patronale est pour l'instant rejeté par le Medef, la CFDT, la CGC et la CFTC. Ils s'en remettent à l'état notamment pour son financement.
"Cet accord prévoit des droits nouveaux mais prévoit aussi un certain nombre de contributions patronales supplémentaires qui fait qu'il génère entre 84 et 93 millions d'euros d'économie. Nous soutenons pleinement ce processus. C'est un accord qui est bon pour tout le monde. " Audrey Azoulay
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Le spectateur de Belleville
June 8, 2016 6:06 PM
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Par Alicia Dorey pour le blog Les 5 pièces
Si l'on utilise souvent le terme d'« inclassable » à tort et à travers, force est de constater qu'il sied à merveille au spectacle de Guillaume Béguin.
Entre performance, danse, théâtre et promenade au zoo de Vincennes, bienvenue aux origines du langage.
Sur un plateau plongé dans le noir, une tête de gorille à peine éclairée se met à parler. Un frisson de surprise et d'amusement parcourt la petite salle du Centre Culturel Suisse. Puis silence. Trois autres individus en maillots de corps et shorts en coton sortent de leur tanière, mi-hommes mi-primates, singeant avec une incroyable maîtrise la gestuelle si particulière de nos amis les grands singes. S'ensuit un dialogue physique et sensuel entre ces quatre étranges créatures : les corps s'effleurent, se frottent, se provoquent, s'enroulent, se parlent avant de se taire à nouveau. On s'étonne de si bien comprendre ce que chacun veut « dire », de s'émouvoir d'une caresse légèrement suggestive ou de se passionner pour une séance d'épouillage. Avec une seule question en toile de fond : ne pourrait-on pas se passer des mots ? Un décor de sous-bois, une lumière crue, quelques monticules blancs et anguleux sur lesquels nos primates vont se hisser, se rejoindre et se pousser : derrière cette apparente simplicité se cache une réflexion sur le langage que l'on devine éminemment complexe et travaillée. Et pour cause, Le Baiser et la morsure ne cesse d'évoluer au fil des représentations. C'est peut-être ce qui rend ce spectacle aussi fascinant qu'inaccessible, au moins à ceux qui ne la ferme jamais.
Au Centre culturel suisse, jusqu'au 10 juin
http://www.ccsparis.com/events/view/guillaume-beguin-cie-de-nuit-comme-de-jour
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Le spectateur de Belleville
June 7, 2016 7:16 PM
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Par Martine Pullara pour Lyon Capitale
La 17e Biennale de la danse ressemble à de la danse comme on aime : sans chichis, avec des surprises et toujours le souci des publics. Mais cette édition (dévoilée ce lundi) a ceci de particulier qu’elle donne à voir, de manière intense, ludique et charnelle, la matière corps du danseur et l’âme de l’interprète. Panorama.
Un parcours savant-populaire Avec 15 % de budget en moins (6,7 millions d’euros au lieu des 7,8 millions de 2014) dont 5 % de subventions publiques et une Biennale ramenée à 17 jours, Dominique Hervieu semble avoir redoublé d’imagination pour créer l’événement avec 37 spectacles (dont 23 créations ou premières françaises). Un des fils conducteurs sera le parcours créé entre la danse savante et la danse populaire dont s’emparent nombre de chorégraphes pour revivifier la création contemporaine. Les comédies musicales qui ont accompagné des crises économiques ou des mutations de société en font partie. Elles seront revisitées par la “French touch” de Jean-Claude Gallotta qui dans Volver expérimente le lien entre la danse de Cunningham (chez qui il s’est formé) et ce genre qu’il considère comme noble, le tout sur des chansons d’Olivia Ruiz. Ou encore par Yan Duyvendak dans un Sound of Music qui s’annonce décapant. Construit comme un show clinquant venu de Broadway, le spectacle fait surgir une bande de jeunes qui dansent sur fond de naufrage économique et écologique décrivant une vie sans espoirs.
Battle of styles / Corbeaux (B. Ouizguen). On découvrira aussi Bouchra Ouizguen avec Corbeaux dansé uniquement par des femmes âgées, autour du rituel et de la transe. Très attendu, Christian Rizzo présente Le Syndrome Ian, troisième acte d’une trilogie sur les danses populaires qui aborde, après les danses folkloriques méditerranéennes, les danses de club. On n’oubliera pas un événement jubilatoire, le Battle of styles qui confrontera les danseurs du Pockemon Crew (hip-hop), du ballet Preljocaj et de la Forsythe Company (néo-classique) et du Tanznetz de Dresde (contemporain). Un mélange des genres et une première française qui va électriser le palais des sports de Lyon ! Découvrir et discuter avec de grands interprètes
© Virginie Khan Christiana Morganti dans “Jessica and Me”. Dominique Hervieu a eu cette très belle idée d’inviter, avec leur création, de grands interprètes ayant contribué au succès de grands chorégraphes. Ainsi Cristiana Morganti, qui a dansé toutes les pièces de Pina Bausch, parle dans le solo Jessica and Me de son travail avec Pina, tout en questionnant son parcours de danseuse et son rapport au corps. Les Lyonnais retrouveront Louise Lecavalier, la muse du chorégraphe québécois Édouard Lock qui a hélas arrêté sa compagnie. Elle présente un duo qui met les corps dans des états mécaniques, des mouvements presque déshumanisés. Olivia Grandville a dansé avec Dominique Bagouet dans ses dernières créations. Sa pièce Combat de Carnaval et Carême explore avec dix danseurs le rythme. Plus jeune danseur à avoir intégré la compagnie Merce Cunningham, Jonah Bokaer vient pour la première fois en France, avec un travail très visuel sur une musique de Pharel Williams. Ce focus, accompagné de discussions avec les interprètes, est une manière subtile d’approcher la danse autrement que par la notion de représentation, abordant la danse de l’intérieur, celle de l’ombre, des répétitions, du vécu d’artistes que l’on met peu en lumière. Il réjouira aussi les passionnés de danse qui ont vu les œuvres des chorégraphes concernés. Les événements La Biennale s’ouvre en même temps que la grande exposition au musée des Confluences sur les “Corps rebelles”, retraçant l’histoire de la danse depuis 1913. Symbole de modernité mais aussi d’un corps rebelle annoncé, celui du danseur Nijinski, Le Sacre du printemps sera à l’honneur avec des films sur les versions de plusieurs chorégraphes. Maurice Béjart, un autre rebelle, sera également présent, dansé par le CNDC d’Angers sous la baguette du chorégraphe Hervé Robbe, avec un extrait d’une pièce révolutionnaire, Messe pour le temps présent, sur la musique de Pierre Henry. Le 18 septembre, le défilé de la Biennale sera au rendez-vous autour de la thématique “Ensemble”, avec un final magistral sur la place Bellecour. Le circassien Yoann Bourgeois posera son trampoline circulaire au milieu de la place, entouré de la foule qui terminera la fête par une tarentelle façon “rumba”. Corps en défis… Corps engagés ! Le Belge Jan Fabre se lance, seul, dans une performance sur un vélo au vélodrome du parc de la Tête-d’Or, histoire de ne pas battre le record du monde de l’heure d’Eddy Merckx.
Catherine Gaudet est à ne pas rater avec un quatuor de danseurs sur la force du désir sexuel. Inconnu à Lyon, l’Italien Fabrizio Favale réunit huit danseurs masculins et une femme DJ, entre danse virtuose, danse archaïque et hypnotique. Alain Platel revient avec une nouvelle création, Mahler Projekt (notre photo de une), et neuf danseurs pour se pencher sur l’Europe juste avant la Première Guerre mondiale. On ira les yeux fermés ! Olivier Dubois revient en force avec vingt-quatre danseurs dans Auguri, une quête éperdue du bonheur. Les danseurs s’entraînent actuellement sur l’endurance comme des athlètes de haut niveau pour tenir le rythme de cette course sur scène. On n’oubliera pas le duo Tordre de Rachid Ouramdane, qui explore les fondements de la danse chez deux femmes dont une a un bras en prothèse et l’autre explore à l’envi, depuis son enfance, la notion de cercles dans l’espace. La rencontre s’annonce fragile et sensible.
Une Biennale au plus près de la danse Construite pour beaucoup autour de formes légères (restrictions budgétaires obligent) et sans scénographies grandiloquentes, cette Biennale nous donne l’heureuse sensation de nous rapprocher d’une certaine intimité chorégraphique, comme si le corps reprenait sa place. Pour nous dire que c’est de lui que tout jaillit. Le sens du mouvement, l’âme de la danse, l’émotion du danseur… et la nôtre !
Biennale de la danse – Du 14 au 30 septembre, à Lyon.
Défilé le 18 septembre.
Horaires et réservations sur le site Internet de la Biennale. http://www.biennaledeladanse.com/
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Le spectateur de Belleville
June 7, 2016 4:25 PM
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Appel à projets – Montréal
Nous cherchons des œuvres en construction, dont la mise au jour est considérée comme urgente par leur auteur. Ce qui nous allume, ce sont leur nécessité et leur résonnance actuelle. Vous pouvez nous présenter un projet qui en est à l’étape d’idée, de premier jet ou de version complète. Nous avons l’habitude de lire des œuvres en chantier. La programmation comporte deux volets.
Texte ou projet de texte pour une lecture théâtrale Le cœur de la programmation du Festival du Jamais Lu est composé de lectures théâtrales d’œuvres inédites d’auteurs émergents. Nous cherchons des œuvres en construction, dont la mise au jour est considérée comme urgente par leur auteur. Ce qui nous allume, ce sont leur nécessité et leur résonnance actuelle. Vous pouvez nous présenter un projet qui en est à l’étape d’idée, de premier jet ou de version complète. Nous avons l’habitude de lire des œuvres en chantier.
Projet spécial Le Jamais Lu produit des projets spéciaux construits autour de la prise de parole théâtrale sous toutes ses formes : soirée politique, concert littéraire, table ronde, opéra rock, salon littéraire participatif, etc. Si vous avez un projet fou en tête, une envie d’engagement artistique, un événement original dans vos cartons, n’hésitez pas à nous en faire part.
16e Festival du Jamais Lu
Date limite de dépôt : vendredi le 26 août 2016 Date de l’événement : du 4 au 12 mai 2017
Télécharger le formulaire sur le site du Jamais lu : http://www.jamaislu.com/?page_id=35
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Le spectateur de Belleville
June 7, 2016 3:31 PM
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