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Comment utiliser au mieux la Revue de presse Théâtre
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Le spectateur de Belleville
April 28, 10:14 AM
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Par Lucile Commeaux dans Libération - 28 avril 2025 A la Comédie-Française jusqu’au 15 juillet, Elsa Granat explose le classique fataliste d’Anton Tchekhov, y injectant justesse et compassion dans une mise en scène puissante. Sur la scène, Arkadina goguenarde se demande si le spectacle que vient de donner son fils Treplev est une «plaisanterie» ou un «manifeste», et c’est comme une oscillation qui meut tout le spectacle d’Elsa Granat, un spectacle énergique, généreux, et d’une intelligence littéraire qui dérouille efficacement le ressort méta-théâtral du texte. Une mouette se fracasse sur la scène de la Comédie-Française, ses ailes démantibulées et sanglantes ont quelque chose de ridicule et de terrifiant à la fois. On en sort un peu sonné, étourdi par la puissance des moyens déployés, et tremblant de la peine qu’on a éprouvée pour des personnages dont on a cessé pourtant de nous dire qu’ils n’étaient que ça : des personnages. Prétention grosse comme un cormoran Théâtreux intransigeants et tchékhoviens de collège, passez votre chemin. Cette Mouette d’Elsa Granat explose le texte, supprime figures et dialogues, pour mieux concentrer la matière dans un spectacle qui peut paraître éparpillé, mais dont la complexité est une nécessité dramatique. La Mouette, on en a soupé. Sans doute faut-il pour qu’on l’entende la débarrasser de toutes les mythologies qui souvent l’encombrent, et font planer sur cette histoire triste un sérieux sinistre et une prétention grosse comme un cormoran. Tchekhov y campe un groupe de personnages qui se retrouvent en villégiature au bord d’un lac. Irina, une actrice célèbre, y a pris ses quartiers, accompagnée de son amant Trigorine, un auteur à la mode, de son fils Treplev, aspirant écrivain torturé qui est tombé amoureux de la jeune voisine, Nina, de son vieux frère, d’un médecin raisonneur et d’un instituteur qui poursuit de ses assiduités la fille du régisseur, elle-même amoureuse de Treplev depuis toujours. Chacun y cherche un chat qu’il chasse en vain : les amours se croisent sans se trouver, les ambitions se frottent douloureusement les unes aux autres, les espoirs et les innocences s’évaporent au gré des saisons. Elsa Granat organise le drame en quatre séquences bourrées d’effets sonores, lumineux et scénographiques, dont la première perturbe d’emblée le spectateur. Recréé à partir d’autres textes du dramaturge, ce prologue raconte à la fois l’après et l’avant de cette histoire : dans un clair-obscur et le son d’un bourdon électronique, une Irina fantomatique hante la scène et se rappelle sa jeunesse, c’est-à-dire son fils petit qui la réclame en vain, sa carrière et ce qu’elle a exigé de sacrifices, ce que c’est qu’être acteur, la jouissance et la peine. Le théâtre, le bois du plateau, les ors de ses murs et la souplesse de ses toiles peintes sont désignés et malmenés, le public parfois violemment éclairé : sans cesse on nous rappelle où nous sommes, et le danger qu’il y a d’y être. Biffé, outré et malmené On craint d’abord que cette qualité méta théâtrale, c’est-à-dire la sempiternelle réflexion sur le caractère fictif et joué de toute existence, n’engouffre et n’assèche toute la pièce, mais c’est paradoxalement l’inverse qui se produit. Il semble que chair et émotions adviennent précisément à la condition qu’on n’en oublie jamais le factice. Voici des personnages qui sont hypervivants dans la manière même qu’ils ont de se vider de leur vie. Ils s’en vident à la fois parce qu’ils la ratent, ou anéantissent celles des autres, mais aussi parce qu’on les désigne sans cesse comme des personnages, des pantins figés, clowns tristes, Bérénice vociférantes. Au fil du spectacle le prologue apparaît moins comme une mascarade intello maligne que comme le moyen paradoxal de bazarder tous les artifices du méta, et trouver la moelle sensible du texte de Tchekhov, une tragédie sans transcendance dans laquelle les hommes sont responsables de leur douleur, un vaudeville cruel qui échoue à arrimer qui que ce soit à l’objet de son désir. Elsa Granat fait ainsi le pari qu’on trouvera dans le surplus la quintessence et la simplicité. Le plateau paraît encombré et se meut sans cesse sous les pas des acteurs qui arpentent à grande vitesse toute la gamme des tons et registres – parfois burlesques, parfois tragédiens – et trouvent dans ce vertige une justesse psychologique très singulière et souvent déchirante. Mention spéciale à Adeline d’Hermy, qui compose une Nina ardente et brutale comme une jeune fille, mais surtout à l’immense Marina Hands et à Loïc Corbery, qui campent respectivement une Irina minaudante et monstrueuse, et un Trigorine inédit – ce personnage d’écrivain médiocre anéantisseur de la mouette dans lequel Elsa Granat active un potentiel comique particulièrement jouissif. Dans ce Tchekhov biffé, outré et malmené, on entend enfin quelque chose qu’on n’avait jamais entendu : le cri de la Mouette débarrassé de ses modulations conventionnelles, un cri organique, qui sonne haut et qui arrache véritablement le cœur. Une mouette. Adaptation et mise en scène Elsa Granat d’après la Mouette d’Anton Tchekhov. Avec Marina Hands, Loïc Corbery, Julie Sicard, Bakary Sangaré, Adeline d’Hermy, Julien Frison… A la Comédie-Française jusqu’au 15 juillet. Légende photo : La pièce est débarrassée de ses modulations conventionnelles. (RAYNAUD DE LAGE Christophe)
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Le spectateur de Belleville
April 25, 10:14 AM
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Par Fabrice Dubault dans Le Midi Libre - Publié le 25/04/2025 L'emblématique directeur du festival "Montpellier danse" de 1983 à 2024 est décédé ce vendredi 25 avril 2025 à l'âge de 77 ans, des suites d'un cancer. Né à Alger en 1947, il a été une figure majeure de la culture à Montpellier et de la danse en France et en Europe.
Il a été Le Monsieur danse à Montpellier durant 42 ans. Il y est décédé ce 25 avril 2025. En 1983, Jean-Paul Montanari est devenu conseiller pour la danse à l’Opéra de Montpellier puis, en 1984, membre de la Commission d’attribution des subventions aux compagnies chorégraphiques du ministère de la Culture (jusqu’en 1991). Entre-temps, il est nommé membre du Conseil supérieur de la danse (1991). En 1996, il prend en charge la saison danse qui est aujourd’hui la saison danse de l’Opéra national de Montpellier. En 2001, il quitte la direction du Zénith de Montpellier qu’il occupait depuis 1999, pour revenir se consacrer pleinement au festival et à la saison danse. Depuis 2010, il dirigeait l’Agora, cité internationale de la danse, un lieu consacré à la danse unique en Europe réunissant tous les aspects du travail de la danse, de la création à la diffusion d’un spectacle. Retrouvez Jean-Paul Montanari en 2021, pour les 40 ans de Montpellier danse. Voir la vidéo Retraité depuis octobre 2024, il avait laissé sa place à un quatuor à la direction de L'Agora, nouvelle Cité internationale de la danse à Montpellier. Jann Gallois, Hofesh Shechter, Dominique Hervieu et Pierre Martinez viennent en effet d'être nommés à la tête de la structure qui regroupe le festival Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national de la ville. "Il s’est battu toute sa vie, au service d’un seul maître, la danse" Dans un long communiqué, le maire de Montpellier retrace sa vie, son parcours unique dans l'Hérault en faveur de la danse contemporaine et lui rend hommage. "Jean-Paul est cet enfant de la terre d’Algérie, né dans une famille modeste et aimante, ce petit garçon de Boufarik et de la plaine de Mitidja : cette Algérie qu’il a gardée au cœur, et qu’il évoquait si souvent et avec tant d’intelligence et d’émotion. Cette Algérie qu’il verra se soulever et gagner son indépendance, et qu’il devra quitter. Il est cet adolescent découvrant la métropole et Lyon, où sa famille s’installe en 1962, ce jeune homme bien de son temps épris de philosophie et de littérature, qui s’initie au chinois, découvre le cinéma et le théâtre, se passionne pour les créations de Planchon et Chéreau. Déjà, il sait que sa vie sera vouée à la scène : 'Je n’en suis jamais sorti. Mon monde était là', écrira-t-il encore récemment. Il est cet étudiant engagé qui découvre la joie et la fraternité des luttes en mai 68, ce militant qui fonde en 1975 le Groupe de libération homosexuel de Lyon : le courage des convictions, déjà. Ces mêmes convictions qui l’amèneront, une décennie plus tard, à incarner ici la lutte contre le SIDA. Chez lui, la vie, la politique et l’art sont intimement liés ; à la même époque, il intègre le Centre dramatique national de Lyon, en devient le programmateur pour la danse, invite Maguy Marin, Dominique Bagouet, d’autres encore, lance à Villeurbanne Viva, un festival de danses et de musiques extra-européennes. Il ne sait pas encore que son destin va s’écrire plus au sud, tout près de cette Méditerranée dont il est l’enfant". Et Michaël Delafosse poursuit : "Jean-Paul Montanari a éveillé nos regards. Il nous a appris à regarder la danse, patiemment. Avec lui, nous avons compris que 'tous les corps sont des corps politiques.' Nous lui devons d’avoir été bouleversé, ému, parfois choqué, par les créations d’artistes venus du monde entier. Il a programmé et a accueilli ici les plus grandes, les plus grands : Trisha Brown, Merce Cunningham, William Forsythe, Ohad Naharin, Angelin Preljocaj, Anne Teresa De Keersmaeker, Emanuel Gat... Et Raimund Hoghe, ce véritable 'chamane', pour reprendre le mot de Jean-Paul, disparu en 2021 et dont une place de notre ville porte depuis le nom. Jean-Paul Montanari rappelait sans cesse que rien ne s’obtient sans effort". Fabrice Dubault / Le Midi Libre
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Le spectateur de Belleville
April 24, 3:52 AM
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Par Anaïs Héluin dans Sceneweb - 24 avril 2025 En ouverture de la première édition du festival « Écritures en acte » porté par Le Quai – Centre Dramatique National d’Angers du 22 avril au 7 mai 2025, est né Il s’en va. Suite du Portrait de Raoul écrit par Philippe Minyana pour Raoul Fernandez et mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo, ce seul en scène d’une très grande délicatesse nous parle autant de la vie romanesque du comédien que de la beauté du théâtre lorsque ses différents métiers sont unis par l’amitié. Allongé derrière un voile noir, vêtu lui aussi de sombre, Raoul Fernandez nous apparaît allongé auprès d’une majestueuse couronne de fleurs blanches. La situation est claire, et le titre du spectacle qui commence ainsi, Il s’en va – Portrait de Raoul (suite), en confirme la funeste nature : c’est depuis la mort que va nous parler le comédien Raoul Fernandez. Ou plutôt son double théâtral très proche de l’original, s’autorisant seulement quelques libertés avec une biographie déjà fort émancipée de tout type de convention. Né de la rencontre entre le vrai Raoul, l’auteur Philippe Minyana et le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo, ce personnage ne meurt pas à peine né : il a déjà une belle vie derrière lui, Portrait de Raoul – Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte entrouverte ayant visité bien des villes de France et d’Amérique latine depuis sa création en 2018. Dans ce premier seul en scène, créé dans le cadre des « Portraits d’artistes », spectacles itinérants dédiés à une figure artistique et initiés par Marcial Di Fonzo Bo alors à la tête de la Comédie de Caen – il dirige maintenant Le Quai, producteur de cette nouvelle création –, les grandes lignes de l’existence aux ramifications multiples de Raoul Fernandez nous étaient contées de façon relativement linéaire et avec force couleurs. En la plongeant cette fois dans le noir, en l’orientant vers une parole plus fragmentaire et moins chronologique, auteur et metteur en scène révèlent de nouvelles facettes de leur « Figure » – l’expression est de Philippe Minyana – et continuent d’en explorer d’autres qu’ils avaient déjà mises à jour. Faire causer Raoul Fernandez depuis l’au-delà est beaucoup plus qu’un simple principe d’écriture justifiant le retour de l’acteur vers son foisonnant passé. Qui a vu la première partie du triptyque consacré par l’auteur et le metteur en scène au comédien – en janvier 2025 a aussi été créée une forme de récital où l’acteur prouve qu’il chante également très bien (Maria Casarès le lui aurait dit après l’avoir entendu dans une mise en scène de Marianik Revillon, apprend-on dans la préface à Il s’en va signée par le journaliste Hugues le Tanneur) – sait à quel point celui-ci est un passe-frontières de génie. Les limites, les séparations dont se joue Raoul Fernandez, et avec lesquelles l’aident à jouer ses deux complices depuis leurs ombres respectives, sont d’abord géographiques. Raoul Fernandez est né à El Tránsito, au Salvador, et il a beau avoir quitté l’Amérique latine pour la France à l’âge de vingt ans pour se former au théâtre, il n’a de cesse dans son triptyque que de convoquer ses racines. Dans Il s’en va comme dans Portrait de Raoul, ce retour aux sources passe bien sûr par les histoires qu’il raconte, en particulier celles – nombreuses – dont sa mamá Betty est la protagoniste principale, mais aussi par la manière dont il les livre. Loin de lui mettre dans la bouche un français standard qui ne lui ressemblerait pas, c’est en effet une langue très orale, où l’on devine l’espagnol à chaque instant, que Philippe Minyana confie au comédien. Proche du parler quotidien de Raoul Fernandez, l’écriture du spectacle est un formidable geste d’humilité de la part de son auteur, qui disparaît presque entièrement derrière son sujet. Le metteur en scène fait preuve de la même discrétion, qui est aussi parlante dans ce spectacle que Raoul Fernandez lui-même, prolixe en anecdotes où l’art se mêle si étroitement à diverses choses intimes – souvent sexuelles – de la vie qu’il finit par s’y confondre tout à fait. C’est là une autre des frontières sur laquelle Raoul pratique son funambulisme avec une grâce qui n’appartient qu’à lui, soulignée avec la plus grande élégance par les quelques perruques et accessoires mis à sa disposition par Marcial Di Fonzo Bo. Dans Il s’en va, la mort abordée dans un esprit très latino-américain permet au trio de se passer des transitions qui reliaient un minimum dans son solo précédent les explorations multiples de Raoul Fernandez. Celui-ci peut ainsi exprimer son admiration pour les chorégraphies de Bob Fosse, avant d’évoquer un amour déçu pour un garçon alors qu’il réalisait des costumes pour Jean-Pierre Vincent – comme il le raconte dans Portrait de Raoul, il est entré dans le milieu du théâtre grâce à sa faculté à travailler le tissu, héritée de sa mamá – et d’affirmer : « Raoul, il faut que tu arrêtes toutes ces cochonneries qu’on fait avec les hommes ; sauf que l’année suivante j’étais à nouveau amoureux d’un acteur beau comme un dieu, mais l’acteur aime les dames et moi j’ai beaucoup souffert ». Ici, comme souvent dans le spectacle, le passé redevient présent sans pour autant effacer l’homme d’âge mûr qu’est désormais l’artiste. Le Raoul Fernandez d’aujourd’hui est fait de tous ceux qu’il a été. Et il s’amuse visiblement beaucoup à les faire apparaître les uns après les autres devant le public, à qui il s’adresse sans détour et avec toute la douceur qui le caractérise. Qui a vu Portrait de Raoul – Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte entrouverte peut remettre dans l’ordre les différentes bribes de l’histoire que livre Raoul Fernandez dans Il s’en va. Ce spectateur aguerri pourra facilement situer les unes par rapport aux autres les grandes étapes de sa vie, que Raoul déplie ici par la bande, par le détail souvent croustillant. Ce même spectateur pourra aussi combler certains des nombreux trous de la narration, en y ajoutant quelques épisodes centraux dans le premier volet de la trilogie, comme la rencontre de notre héros avec Copi – sa « fée n°2 », comme il dit, la première créature magique à s’être penchée sur son berceau étant bien sûr mamá Betty – dès son arrivée à Paris ou celle avec Noureev, qui fait de lui une habilleuse d’opéra. Mais cette connaissance biographique n’est pas nécessaire pour goûter la proposition. Naviguant entre les genres avec le mélange de gravité et d’allégresse qu’il met en tout, le délicieux Raoul Fernandez s’attarde ici davantage sur les inconnus, sur les anonymes qui ont fait son existence, que sur les célébrités qui lui ont permis de se creuser un sillage très particulier dans le théâtre français, dont Il s’en va est alors forcément une traversée. En faisant auprès de Stanislas Nordey, avec qui il a beaucoup travaillé, ou de Marcel Maréchal une place au travelo dit « Madame X », dont les pilules magiques lui ont fait mal aux jambes au lieu de lui faire pousser les seins, ou encore à quelques-uns des hommes qui firent fondre son cœur d’artichaut, Raoul Fernandez relie le théâtre au monde comme il est rare que cela soit fait. L’un des grands talents de cet artiste est sa capacité à la rencontre et à l’amitié. C’est grâce à elle qu’existe ce spectacle, qui nous fait percevoir avec une acuité particulière l’alerte ainsi très simplement formulée : « Sans le théâtre, une société meurt ». Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr Il s’en va – Portrait de Raoul (suite) Texte Philippe Minyana Mise en scène Marcial Di Fonzo Bo Avec Raoul Fernandez Piano Nicolas Olivier Guitare Pierre Fruchard Arrangements Étienne Bonhomme Régie générale Arthur Beuvier Régie plateau Astrid Rossignol Régie lumière Simon Léchappé Régie son Tristan Moreau Couture, habillage Anne Poupelin Production Le Quai CDN Angers Pays de la Loire Le texte est édité aux Solitaires Intempestifs. Durée : 1h Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire du 22 au 24 avril 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris du 6 au 18 octobre
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Le spectateur de Belleville
April 22, 7:26 AM
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Publié par Corinne Denailles dans Wethéâtre - 17 avril 2025 Joue, joue !!! Reprise du spectacle Seras-tu là ? (2022) sous un nouveau titre : La Fin du début. Cela commence dans une chambre d’enfant bien désordonnée. Le comédien en tenue de tennis maculée de taches, le visage blanc de crème solaire tartinée à la diable, la raquette à la main, se livre à une partie endiablée avec lui-même. Au bout de quelques minutes, apparaît sur l’écran en fond de scène la présentatrice d’un journal télévisé annonçant la mort de Michel Berger, terrassé par une crise cardiaque au cours d’une partie de tennis. Seras-tu là ?, une des plus belles chansons du chanteur a donné le titre initial à ce stand-up ou one-man-show, solo imaginé par l’intrépide Solal Bouloudnine qui nous parle de cette angoisse de la mort qui lui est tombée dessus le jour du décès de Michel Berger en août 1992 à Ramatuelle où le comédien passait des vacances en famille. Ce jour-là, explique-t-il, il est sorti de l’enfance ; il avait 6 ans et venait de prendre conscience de notre finitude. Les chansons de Michel Berger, dont on reconnaît des fragments dans le cours du texte, accompagnent le spectacle. Pour conjurer la mort, Solal Bouloudnine commence par la fin, comme ça, c’est fait, continue par le début et finit par le milieu, passage « fourbe » s’il en est dont on ne peut dire ni quand il commence, ni quand il finit. Il raconte ses débuts dans la vie biologique, amoureuse, scolaire, artistique, explique qu’il a mis 32 ans à comprendre qu’il avait une mère juive, fait un récit burlesque de son expérience traumatisante en salle d’opération auprès de son père chirurgien qui côtoie la mort avec désinvolture. Il imagine un bureau futuriste où l’on pourrait programmer sa mort, et celle de ses enfants, pour ne pas être pris au dépourvu ; on nous donnerait le choix entre plusieurs scénarios tous plus horribles les uns que les autres. Grand escogriffe à la bouille enfantine, Solal Bouloudnine a du ressort, toujours un pied dans l’enfance dont il garde le goût du déguisement, des imitations, des clowneries. Il brasse avec délectation le réel et l’imaginaire dans des scènes joyeusement absurde, au-delà de la mise en abîme, où il parle au téléphone à un interlocuteur dans la réalité de la fiction tout en lui expliquant que c’est un dialogue imaginaire dont il est le maître, puis raccroche rageusement le téléphone Fisher Price. Avec une énergie folle, le comédien brave ses peurs : « on ne peut pas échapper à la fin », alors « essaie de vivre, essaie d’être heureux ça vaut le coup. Joue, joue !!! ». La Fin du début de Solal Bouloudnine et Maxime Mikolajczak, avec la collaboration d’Olivier Veillon. Conception et jeu, Solal Bouloudnine. Mise en scène Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon. Création lumière et son, régie générale, François Duguest. Musique, Michel Berger. Costumes Elisabeth Cerqueira. A Paris, au Théâtre Lepic, les lundis et mardis à 21h, jusqu’au 29 avril 2025. Durée : 1h20. résa : : 01 42 54 15 12. Corine Denailles / Webthéâtre www.theatrelepic.com
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Le spectateur de Belleville
April 21, 7:40 AM
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Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 21 avril 2025 La metteuse en scène et adaptatrice Elsa Granat bouscule les lectures habituelles de la pièce de Tchekhov, au risque de perturber le public.
Lire l'article sur le site du "Monde : https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/21/a-la-comedie-francaise-une-mouette-transgressive-qui-n-en-fait-qu-a-sa-tete_6598385_3246.html Ils sont venus, ils sont tous là, les héros tchekhoviens, saisis par l’auteur russe au point de bascule tragique de leurs vies : l’avenir qui se dérobe sous les pas pressés de la jeunesse, le présent qui s’écoule bien trop vite pour les parents et les aînés, la mort qui se profile quel que soit l’âge des protagonistes. Créée en 1896 à Saint-Pétersbourg, La Mouette est une pièce qui se faufile d’époque en époque. Pas une saison, ou presque, sans qu’un artiste ne la mette en scène. A l’automne 2024, Stéphane Braunschweig en livrait, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris, une version d’une rugueuse noirceur. Six mois plus tard, c’est au tour d’Elsa Granat, nouvelle venue à la Comédie-Française, de s’approprier le texte et de le plier à ses visions d’un geste si impérieux que le doute n’est pas permis : quoi qu’on pense de ses choix d’adaptation et des audaces qu’elle prend avec La Mouette originelle, elle impose un spectacle singulier, parfois agaçant mais souvent exaltant, qui ne ressemble à aucun autre. Dans la salle Richelieu, les personnages ne font pas leur entrée sur cette réplique prophétique qui inaugure le drame : « Pourquoi êtes-vous toujours en noir ? » « Je porte le deuil de ma vie », répond Macha à Medvédenko, l’instituteur qu’elle n’aime pas mais qu’elle épousera malgré tout. Sur le plateau, les héros arrivent d’un avant. D’une enfance que Tchekhov n’a pas écrite mais qu’Elsa Granat imagine et déploie dans un décor gigogne où des tulles et des cadres se lèvent, se superposent, s’effacent, libérant des espaces de jeu dans les clairs-obscurs des lumières. A la périphérie se tient Tréplev, fils en manque d’une mère qui ne le regarde pas assez à son goût car elle a mieux à faire : jouer sur les scènes des théâtres. Arkadina, actrice en majesté, ici incarnée par l’incandescente Marina Hands, ne sera pas de celles qui s’excusent d’avoir failli aux tâches maternelles. Pourquoi aurait-elle dû choisir entre son travail et son fils ? Une réécriture subjective Le fil dramaturgique suivi par Elsa Granat est d’une cohérence imparable : les héroïnes tchekhoviennes (Arkadina, Nina, Macha) sont des femmes qui ne s’autorisent que d’elles-mêmes. Autant dire que leurs aspirations passent avant tout le reste : Arkadina ne sacrifie à rien ni personne sa vocation et son amant Trigorine. Nina (fabuleuse Adeline d’Hermy) ne renonce ni au théâtre ni à l’amour qu’elle a pour ce même Trigorine. Macha (percutante Julie Sicard) préfère l’indifférence de son Tréplev chéri à l’enfant qu’elle a eu avec Medvédenko. Toutes vont au bout de leurs désirs, quel que soit le prix à payer. S’il faut, pour les accompagner sur ce chemin de liberté extrême, sauvage, par moments trop hystérisé, glisser des vers de Racine ou de Shakespeare, des notes de Vivaldi, de Haendel ou de Janis Joplin, détruire un décor à coups de marteau ou le chasser à coups de pied, expulser le texte de soi en hurlant, faire rire quand tout porte à pleurer, bref, violenter le spectateur en quête d’orthodoxie, Elsa Granat le fait. Et l’assume. L’artiste ne s’interdit aucune torsion. Sa Mouette est une réécriture subjective de la pièce par les moyens du jeu et de la mise en scène. Elle aussi, elle va au bout de son désir, quitte à se montrer d’un autoritarisme qui peut heurter. Sous sa conduite, l’affrontement entre les « formes nouvelles » appelées par le jeune poète Treplev et la convention perpétuée par l’écrivain Trigorine, est supplanté par les enjeux humains. Il y a des larmes, des baisers, des crises de nerfs, du soufre qui se propage dans la salle, de la chair et de l’organique. Une suite d’imprévus Mais comment rester de marbre devant la finesse des intuitions et l’intelligence avec laquelle Elsa Granat transgresse les lectures habituelles de La Mouette. De l’invention d’un couple de techniciens intermittents au pseudo-trou de mémoire de Marina Hands, son spectacle est une suite d’imprévus, d’accidents et d’incertitudes qui réussit l’exploit de rendre inattendue la pièce la plus jouée de Tchekhov. Pas un héros ne s’y montre conforme à l’idée qu’on pouvait avoir de lui, chacun est talonné par l’ici et maintenant d’une représentation qui ne se calme jamais, au risque de frôler le trop-plein de mots et d’émotions. Rideaux rouges de théâtre, paysages bucoliques peints sur de hauts tulles, intérieurs nuit ou transats sous le soleil, le plateau accueille un déferlement d’images et d’ambiances qui se fondent les unes dans les autres avec une saisissante fluidité. Même les hommes se tiennent sur le qui-vive dans ce maelström organisé par la metteuse en scène. Aussi féministe soit-elle, elle se garde bien de figer les héros masculins dans des postures réductrices. Et pour cause : Julien Frison en Tréplev, Loïc Corbery en Trigorine ou Birane Ba en Medvédenko sont la caisse de résonance sensible des trois héroïnes qui leur tiennent tête. Or ces trois-là n’en font qu’à leur tête. « C’est ça une femme qui se met à genoux : des restes mal assemblés qui ne disent rien de vrai », affirmera, campée sur ses deux jambes, Marina Hands. Au diapason d’un spectacle qui, lui aussi, refuse de mettre son genou à terre. Voir la bande-annonce vidéo Une mouette, d’après Tchekhov. Traduction : André Markowicz et Françoise Morvan. Adaptation et mise en scène : Elsa Granat. Avec Julie Sicard, Loïc Corbery, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Adeline d’Hermy, Julien Frison, Marina Hands, Birane Ba, Dominique Parent. Comédie-Française, Paris 1er, salle Richelieu. Jusqu’au 15 juillet. Joëlle Gayot / LE MONDE
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Le spectateur de Belleville
April 18, 3:01 AM
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Par Armelle Héliot dans son blog - 14 avril 2025 Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Aurélien Hamard-Padis met en scène la pièce féroce de Marius von Mayenburg. Elle a souvent été représentée en France, mais la vision proposée, la nouvelle traduction et l’éblouissante distribution, revivifient la comédie. Cette pièce date de 2007. Dix-huit ans. Contemporaine, certes, mais déjà un peu voilée par les années passées en une époque durant laquelle les sociétés se sont transformées très rapidement. En même temps, précisons-le, l’argument central demeure actif : on juge les êtres, d’abord, sur leur apparence. Laurent Muhleisen a retraduit la pièce qui avait été publiée par les deux très bons connaisseurs et truchements, Hélène Mauler et René Zahnd et jouée lors de la mise en scène de Jacques Osinski, vue au Rond-Point, en 2011. On ne s’attardera pas : c’est très drôle, mais très dérangeant. C’est grinçant, cela met mal à l’aise, cela fait rire et cela noue l’estomac et le coeur. Un homme qui réussit dans son métier, et très bien, est rabattu dans sa prétention légitime à vouloir défendre publiquement un système qu’il a mis au point, par son supérieur hiérarchique qui lui fait comprendre qu’il est « moche ». Le moche va se faire opérer et devenir un être très séduisant…cela finira-t-il bien ? Ce serait trop simple…. Dans un décor malin de Salma Bordes, des costumes qui fonctionnent de Claire Fayel, des finesses dans le son d’Antoine Richard et des lumières de Jérémie Papin, les comédiens, précisément guidés par Aurélien Hamard-Padis, qui ne bride en rien les fortes personnalités réunies, sont un bonheur. On ne connaissait pas Jordan Rezgui, mais il est très convaincant. On est heureuse de retrouver Sylvia Bergé, toujours idéale et, ici, multiple et épatante. Dans la partition de l’assistant du personnage-titre, Thierry Godard impose sa personnalité forte. Quant au « moche », Lette, Thierry Hancisse lui offre son grand art, délié, profond, très bouleversant sans quitter le fil de la farce. Plus cela va, plus Thierry Hancisse est grand. Une interprétation exceptionnelle qui donne à la pièce une dimension universelle. Studio-Théâtre jusqu’au 4 mai. A 18h30 du mercredi au dimanche. Relâches supplémentaires les 19, 20 avril et 1er mai. Durée : 1h15. Tél : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr
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April 17, 2:51 PM
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Par Armelle Héliot dans son blog - 16 avril 2025 Indissociable du parcours de Georges Lavaudant, artiste audacieux et visionnaire, il s’est éteint il y a trois jours. On ne l’oubliait pas. Il est inoubliable.
Des grandes aventures artistiques qui ont éclos dans les années 70-80, il est indéniable que celle de Georges Lavaudant, Ariel Garcia-Valdès et leurs amis, à Grenoble, et bien au-delà, est l’une des plus fortes. L’une des plus séduisantes aussi, parce que l’on était, à chaque fois, ébloui par un univers esthétique époustouflant.
Des grandes aventures artistiques qui ont éclos dans les années 70-80, il est indéniable que celle de Georges Lavaudant, Ariel Garcia-Valdès et leurs amis, à Grenoble, et bien au-delà, est l’une des plus fortes. L’une des plus séduisantes aussi, parce que l’on était, à chaque fois, ébloui par un univers esthétique époustouflant. Chaque fois que l’on me demande quel est mon plus puissant souvenir de théâtre –et pardon, ici, de m’en tenir à ce « je » qui n’est que très personnel- je cite des images, et elles concernent la même pièce. Oublions que nous hantent Orlando Furioso aux Halles de Baltard, ou L’Age d’or à la Cartoucherie, et avouons que Les Géants de la montagne, mise en scène de Giorgio Strehler, à l’Odéon-Théâtre de France, en 1966 (année des Paravents), ou alors un peu plus tard, avec cette fin terrible d’un rideau de fer écrabouillant la carriole des pauvres comédiens, fut pour nous un moment d’émotion tel que, soixante ans plus tard, on retrouve le tourment de cette hallucination. Les années passèrent, et les grandes mises en scène, les grands spectacles, les scénographies magistrales, nous firent glisser vers des représentations d’une puissance profonde. Mais on n’a jamais oublié, et on a toujours la chair de poule en revivant ce moment, la lente montée du rideau de fer dévoilant l’immense pont coupé qui était l’espace que Jean-Pierre Vergier avait imaginé pour Les Géants de la montagne de Luigi Pirandello, mise en scène de Georges Lavaudant. C’était à Annecy. La veille ou le lendemain, on découvrirait un très grand Marivaux (sur un échiquier noir et blanc, mais pas de Vergier) signé Alain Françon. Des années durant on a été époustouflé par la force, l’éloquence, la beauté des espaces que cet homme discret imaginait. Il signait également les costumes, superbes, seyants, faits pour le jeu mais splendides. Jean-Pierre Vergier n’était pas d’un abord facile. Avec les journalistes, il était volontiers taiseux, sincèrement étonné que l’on puisse être renversé par ses créations. Il était peintre. Un homme du silence. Il a dû bien rire et parler avec Jo, Ariel et leur bande du Théâtre Partisan, devenus les patrons du centre dramatique et la coqueluche des Parisiens et habitués du Festival d’Automne. Vergier était un poète, un voyant aux fulgurances bouleversantes. Foin des dramaturges et autres Trissotin, avec lui. Des tous les artistes, les peintres, qui ont marqué le théâtre depuis la deuxième moitié du XXème siècle, jusqu’à nos jours, il est le plus puissant, le plus original, le plus libre. Palazzo mentale de Pierre Bourgeade, Les Cannibales, La Rose et la Hache, pour ne citer que les premiers textes épanouis en inoubliables scénographies, donnent à Jean-Pierre Vergier la place d’un exceptionnel artiste/ Il a travaillé auprès d’autres metteurs en scène, mais sans quitter la constellation des poètes : Bruno Boëglin, Bruno Bayen, Daniel Mesguich et Ariel Garcia-Valdès, qui signa de belles mises en scène. Un grand artiste s’efface qui composait aussi les affiches des spectacles. Elles aussi, inoubliables.. Armelle Héliot
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Le spectateur de Belleville
April 16, 7:18 AM
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Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 16 avril 2025 Figure respectée du théâtre subventionné, cette interprète de haut vol est décédée le 11 avril à Paris à l’âge de 58 ans.
Lire l'article sur le site du Monde : https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2025/04/16/nadia-vonderheyden-comedienne-et-metteuse-en-scene-est-morte_6596608_3382.html
Elle avait des allures de guerrière qui n’a pas froid aux yeux. Née le 22 février 1967 à Alger, la comédienne et metteuse en scène Nadia Vonderheyden, morte le 11 avril à Paris à l’âge de 58 ans, était d’une folle combativité lorsqu’il fallait faire entendre la langue des auteurs sur les planchers de bois. Peu connue du grand public, cette actrice respectée du théâtre subventionné a été des trois aventures théâtrales contemporaines qui ont marqué le spectacle vivant au cours des quarante dernières années. Formée par le dramaturge Didier-Georges Gabily (1955-1996) dont elle intègre à 18 ans le collectif T’chan’G, elle devient membre, en 1991, de la troupe du Radeau que dirige François Tanguy (1958-2022), avant d’iriser, d’une voix aussi veloutée qu’éraillée, les plateaux de Jean-François Sivadier. Ces trois artistes ont su tirer le meilleur de sa dualité tragi-comique et de son troublant, mais joyeux, pas de deux entre le féminin et le masculin. Elle a plus d’une fois envoyé les robes valser dans les coulisses pour se glisser dans les costumes des hommes. Lorsqu’elle était jeune, Nadia Vonderheyden dessinait, dansait et lisait de la philosophie. « Ce qui regroupait le tout, c’était le théâtre », confiait-elle au micro de France-Culture en 2014, ajoutant que sa rencontre avec Gabily « était telle qu’elle avait remporté le morceau ». Qu’a-t-elle appris auprès de cet auteur-metteur en scène ? A coup sûr, la puissance du verbe, l’engagement du corps, la conjugaison des énergies au service de spectacles qui entremêlaient le cérébral et l’organique. Avec le collectif T’chan’G, elle explore les gouffres des tragédies. L’Orestie, Phèdre, Hippolyte : faire ses gammes de comédienne en compagnie de personnages antiques est un passeport vers des rivages poétiques ancrés loin des sentiers battus de la convention et des modes. Brecht, Feydeau, Shakespeare Lorsqu’elle rencontre François Tanguy, créateur d’univers sensoriels d’une beauté fulgurante, elle adopte sa grammaire : chuchotements arrachés au mutisme ou disputés à la musique, frou-frou des silhouettes frôlant les châssis de bois. Elle troque la pleine lumière pour les clairs-obscurs, se fond dans le tremblé de représentations vagabondes où les acteurs se mettent au diapason de l’onirique. Entourée par la troupe du Radeau, elle joue en 1991 dans Le Chant du bouc, en 1993 dans Choral puis, en 1996, dans La Bataille du Tagliamento. Une autre collaboration déterminante se profile : celle qui l’unira à sept reprises au metteur en scène Jean-François Sivadier. Sous sa conduite, l’actrice étincelle. Gouvernante chez Beaumarchais (Le Mariage de Figaro, 2000), moine ou pape dans La Vie de Galilée de Brecht (2002), Monseigneur de Kent dans Le Roi Lear de Shakespeare (2007), elle fait hurler de rire chez Feydeau (La Dame de Chez Maxim, 2009), elle inquiète chez Ibsen (Un ennemi du peuple, 2019). « Elle connaissait la manière de faire trembler une salle mais elle avait aussi trouvé le clown en elle », témoigne Jean-François Sivadier. « Il y a des rencontres qui bousculent nos vies, ce sont des moments où tout, à l’intérieur de soi, s’ouvre », déclarait Nadia Vonderheyden. Elle parlait de Marivaux dont elle avait créé d’une main de fer La Fausse Suivante, une représentation qui « marivaude en dansant sur l’air de la révolution de 1789 qui s’annonce » notait, en 2012, la critique parue dans Le Monde. Pédagogue, la metteuse en scène animait fréquemment des ateliers de formation. Transmettre lui était une nécessité. « Elle n’a jamais été solo, elle a toujours eu besoin de s’intégrer dans des aventures, d’être une parmi les autres. C’était une femme qui cimentait les équipes », observe Stanislas Nordey qui, à défaut de l’avoir dirigée, l’a recrutée comme enseignante à l’école du Théâtre national de Bretagne. Pour cette interprète de haut vol, jouer rimait avec une recherche constante et exigeante sur son art. En 2016, présentant son dernier spectacle (S’en sortir, d’après des textes de Danielle Collobert), elle expliquait vouloir « nommer ces choses que tout le monde ressent : la peur de l’écrasement, de la disparition ». Les écritures, pour elle, étaient respiratoires. C’est dire à quel point le théâtre, sa lecture, son étude, sa pratique, lui tenaient lieu d’oxygène. Joëlle Gayot / Le Monde Légende photo : Nadia Vonderheyden, au Théâtre de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), en 2003. JEAN-MARC ZAORSKI/GAMMA RAPHO _____________________________________ Par Marie-Céline Nivière, paru dans L'Oeil d'Olivier 16 avril 2025 Le monde du théâtre est en deuil, la comédienne, metteuse en scène et pédagogue a tiré sa révérence dans une grande discrétion le 11 avril à l’âge de 58 ans. Pour beaucoup d’entre nous, Nadia Vonderheyden était la comédienne fétiche de Jean-François Sivadier. Avec Nicolas Bouchaud, elle formait un binôme puissant. Son jeu, toujours incandescent, impressionnait. Le monde du théâtre perd aujourd’hui une grande artisane. « Elle a œuvré dans l’ombre. Mais ceux qui l’ont rencontré savent de quelle planète rare elle faisait partie » (Johanna Nizard). Une belle personnalité Sa voix inimitable, grave et légèrement voilée était une de ses particularités. Le comédien Arnaud Stephan, dans son hommage sur FaceBook, la définit si bien : « Celle d’un ange-clown, écorchée vive, à la poésie chevillée au corps, que tu as toujours été de la scène à la vie… » Elle a été un modèle, de ceux qui – comme le dit si bien Xavier Deranlot (Dans le jardin de l’ogre) – « vous donnent envie de faire ce métier par leur intégrité, leur mélange de puissance et de fragilité. Nadia a été pour moi quand j’étais jeune élève au TNB, une ogresse d’une extrême sensibilité et qui m’a donné envie d’être exigeant avec moi-même. » Au service de son art Si Nadia Vonderheyden est née en Algérie, c’est en France qu’elle grandit. Le théâtre était pour elle l’endroit idéal pour assouvir sa passion des mots, de la pensée, de l’art. Elle suit sa formation de comédienne auprès de Didier Georges Gabily, dès 1985, puis en participant au groupe Tchan’G. De 1989 à 1991, elle joue sous la direction de Stéphane Braunschweig dans la trilogie Les Hommes de neige. Puis vient la période du Théâtre du Radeau, dirigé par François Tanguy, Le Chant du bouc (1991), Choral (1994) et Bataille du Tagliamento (1996). Et ce sera enfin la grande aventure auprès de Jean-François Sivadier, La Folle Journée ou le Mariage de Figaro, La Vie de Galilée, Italienne scène et orchestre, Le Roi Lear, La Dame de chez Maxim’s, Noli me Tangere… Passer du jeu à la mise en scène était pour elle une évidence. Elle avait notamment mis en scène en 2011, La Fausse suivante de Marivaux, qui après une belle tournée est jouée en 2014 au théâtre Nanterre Amandier. La pédagogie était aussi pour elle une évidence, elle a dirigé des ateliers et des résidences à l’université de Rennes II et à l’ERAC de Cannes. Une présence forte Comme George Perec, je vais égrainer les « Je me souviens », tous attachés aux spectacles de Jean-François Sivadier. Le premier, c’était en 2006, au Festival Paris Quartier d’Été, à l’Opéra-Comique, où le metteur en scène reprenait son spectacle cultissime, Italienne avec Orchestre (la première version de cette Traviata vu des coulisses). Je découvrais sa voix, sa présence. Elle était impayable en assistante toujours à cran et revendicatrice. Puis en 2007, ce fut la magie de la cour d’honneur d’Avignon et du Roi Lear, incarnant de sa voix grave et de son autorité le duc de Kent. Parce qu’elle rêvait, enfant, d’être trapéziste, Sivadier avait imaginé que son personnage volait dans les airs. En 2009, elle fut une extraordinaire Madame Petypon dans La Dame de chez Maxim’s à l’Odéon. On l’a retrouvée dans cette même salle, dans Noli me Tangere. Elle incarnait magnifiquement un comédien borné et un ange. Celui-ci vient de s’envoler pour toujours. Adieu Madame, et merci pour tous ces bonheurs. Marie-Céline Nivière - L'Oeil d'Olivier
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April 16, 3:25 AM
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Par Laurent Goumarre dans Libération - 14 avril 2025 Sinistre, créature drama queen interprétée par Jean-Luc Verna, et Festive, Jonathan Capdevielle en perruque blonde et robe panthère, entremêlent jeu et chant pour mettre en scène l’élégance du désespoir. «C’est un spectacle sur le fil, un fil tendu entre le «presque bon» et «je regrette»», constate Jean-Luc Verna fringué tunique noire à paillettes style Zizi Jeanmaire, tandis que Jonathan Capdevielle se la joue tailleur rose Roselyne Bachelot. Sur le fil, c’est exactement ça pour un show tour de chant piano-voix, avec distribution des rôles. Verna, qui nous vient des arts plastiques, expose son corps déjà spectaculaire, entièrement tatoué visage compris, dans le rôle de Sinistre. Sa créature drama queen à la double voix superbement caverneuse ou doucement aiguë prend alors de grands airs pour chanter Barbara le bras levé ou Diane Dufresne, diva Starmania, dans ses «Adieux de sexe symbole» (sic). Face à cet oiseau /clown noir, Capdevielle compose Festive en robe panthère perruque blonde – hommage Sylvie Vartan période Palais des Sports – et capitalise sur une culture variét’pop dans des mashups ébouriffants. Sur l’air de Ne me quitte pas – oubliez Jacques Brel –, sa voix de presque ténor balance Je veux ta saleté, je veux ta maladie avant de transitionner vers le Bad Romance de Lady Gaga. Bref c’est travestissement à tous les étages. Et quand Julien Bienaimé – qu’on a connu animateur du Classic Bazar sur FIP – se met au piano, lunettes noires /chemise ouverte, le spectacle bascule sur le concours de sosie doublement raté mais hyper convaincant de Gilbert Montagné et Patrick Sébastien. Voilà le trio gagnant d’un rendez-vous sauvage qui massacre J’ai encore rêvé d’elle, lance des biscuits Bonne Maman au public comme on nourrit les fauves au zoo. Sinistre et Festive sont sur le plateau, ça commence comme une blague, ça se poursuit avec l’élégance du désespoir : les Idées noires de Lavilliers /Nicoletta, Vie violence de Nougaro, Frozen de Madonna… Vous aurez compris le message. Et si vous n’aimez pas ce parfum de fin du monde, voici un conseil signé Barbara /Verna dans la chanson Elle vendait des p’tits gâteaux : «Mangez donc de la merde avec.» Sinistre et Festive, avec Jonathan Capdevielle, Jean-Luc Verna, Julien Bienaimé et des guests… Mis en scène par Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna. Jusqu’au 8 juin au théâtre de l’Atelier. Laurent Goumarre / Libération Légende photo : Sinistre et Festive sont sur le plateau, ça commence comme une blague. (© Arthur Pequin)
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April 11, 6:32 AM
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Par Sonya Faure dans Libération - 10 avril 2025 Au Théâtre du Rond-point puis en tournée en France, les scénographies miniatures et immersives de Cécile Léna convoquent la grande histoire de l’Aéropostale et de Saint-Exupéry. L’expérience tient de la lanterne magique, du petit théâtre et de la baraque de foire. Dans une grande salle sombre, des cabines en enfilade attendent que les visiteurs soulèvent leurs rideaux. On s’y installe seul, casque sur les oreilles et dans la vitrine un petit théâtre s’éveille doucement : une rue de Toulouse la nuit, le désert marocain, une maison coloniale à Saint-Louis du Sénégal, un hangar au Brésil… A chaque étape, une voix off retrace en quelques minutes un moment, un lieu, un personnage de la longue histoire de l’Aéropostale, la première ligne aérienne transatlantique lancée en 1918. La soute pleine de courriers et de lettres à distribuer, les vols de l’aéropostale ralliaient, sur 12 000 kilomètres, Toulouse à Santiago du Chili. Saint-Exupéry, Mermoz, Guillaumet étaient de ces pilotes qui assuraient leur mission dans des conditions parfois extrêmes. «Des dizaines de ces postiers du ciel en sont morts, rapporte Cécile Léna. Parce que voler était leur passion mais aussi parce qu’on sortait de la guerre et que ces hommes obéissaient.» Femme pilote Cécile Léna est scénographe, elle a été formée et a travaillé pour le Théâtre national de Strasbourg et plus récemment sur la pièce Le temps des fins, de Guillaume Cayet (qui sera présentée du 12 au 17 mai au Théâtre de la Cité internationale). Fille d’astrophysicien, elle raconte qu’elle guettait l’atterrissage de la Caravelle-observatoire de son père au Centre d’essais en vol de Brétigny. Chaque étape de l’exposition est un petit décor, une petite scénographie aux lumières aussi travaillées qu’au théâtre, aux détails évocateurs (quelques verres sur une table, un store cachant une fenêtre), aux portes entrouvertes. Le parcours du spectateur fini assis dans la carcasse d’un vieux coucou (grandeur nature ou presque cette fois), sur les traces de Saint-Exupéry, quelque part au-dessus de la mer Méditerranée. Il n’y avait pas de femme pilote dans l’Aéropostale. Cécile Léna en a pourtant volontairement glissé une dans ses architectures miniatures, paradoxalement c’est la scénographie la plus saisissante. Car c’est la voix d’Adrienne Bolland (1895-1975) qu’on entend, tirée d’une interview de Radio France. Incroyable femme, future résistante qui, à 25 ans, sera la première à réussir la traversée de la cordillère des Andes par avion (exploit qu’on attribua longtemps à Blériot). Dans Poste restante elle explique, des années plus tard : «Moi, j’ai voulu passer par l’endroit où les autres s’étaient tués.» «Au pifomètre», comme elle dit, et avec l’aide d’une voyante, qui lui avait dit par quel côté contourner la montagne… Plus grande qu’une fiction. Jusqu’au 13 avril au Théâtre du Rond-Point (plus d’informations ici). Puis en tournée, au Tandem à Arras, du 22 avril au 18 mai, au Musée de l’Hydraviation à Biscarosse (Landes) du 29 mai au 30 juin, etc. (plus d’informations ici). Légende photo : Dans les vitrines, des petits théâtres s’éveillent doucement : une rue de Toulouse la nuit, le désert marocain, une maison coloniale à Saint-Louis du Sénégal, un hangar au Brésil… (DR)
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April 9, 12:36 PM
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April 8, 4:20 PM
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Fruit de six mois de travaux et de quasi 120 heures d’auditions, le rapport de la commission d’enquête parlementaire rendu ce mercredi dresse le tableau d’un secteur «surexposé» au risque de violences et propose des solutions. C’est une actrice anonymisée qui confie : «On m’a convaincue que c’est parce que je souffre qu’un réalisateur est heureux.» Une autre à qui un réalisateur a demandé «de [s]‘insérer un œuf dans le vagin en [lui] laissant entendre que, si [elle était] une vraie actrice, [elle serait] capable de le faire». Ou Anna Mouglalis, décrivant cette intensité recherchée chez les actrices y compris dans les silences, qu’elle appelle «vulnérabilité charismatique» et qui s’avère «particulièrement sensible chez les survivantes – d’inceste, de viol». 85 auditions et tables rondes, 118 heures d’échanges avec 350 professionnels, 87 recommandations au total. En 279 pages, le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans le milieu culturel dresse un diagnostic accablant pour les secteurs artistiques, tirant l’un après l’autre les fils d’une omerta tenace. Mise en place après les accusations de l’actrice Judith Godrèche contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, cette commission a ensuite été élargie aux secteurs «de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité». Révélations terribles et inouïes sur le métier Tuée dans l’œuf lors de la dissolution le 9 juin, après un mois de travaux, elle avait été remise sur pied début octobre, sous la présidence de la députée Sandrine Rousseau (Les Ecologistes), avec le rapporteur Erwan Balanant (Modem). Ses conclusions seront remises mercredi 9 avril. Un exercice inédit et historique pour dépasser l’accumulation de témoignages individuels, aller au-delà de ce «#MeToo en pointillés» décrit par la députée, où chaque récit de violences sexuelles en chasse un autre, sans permettre un recul suffisant sur des «violences systémiques». «C’est au nom de l’art et de la création que les aspirants artistes sont prêts à tout sacrifier ; c’est aussi au nom de l’art et de la création que d’autres commettent les plus terribles violences», résume Sandrine Rousseau dans son avant-propos. Techniques d’apprentissage maltraitantes, travail autour du corps, très forte hiérarchisation de ces milieux marqués par la précarité d’un grand nombre de professionnels, usage banalisé d’alcool et de stupéfiants, négation de la relation de travail, peur des représailles dans un milieu où le réseau est primordial… Tous ces paramètres accentuent le risque de subir des violences. L’émotion non dissimulée des députés, parfois les larmes, ont marqué les cinq mois d’auditions. Entre autres professions (dont certaines rarement représentées, tels les scénaristes ou critiques), les actrices y ont livré les récits les plus médiatisés, révélations terribles et inouïes sur leur métier. Sara Forestier, racontant avoir dû refuser d’enlever sa culotte lors de son premier casting à 13 ans ou s’être entendu dire à 15 par un régisseur de l’Esquive : «J’ai envie de te faire l’amour dans les fesses». Anna Mouglalis, évoquant les baffes improvisées par un acteur sur elle en tournant une scène d’agression sexuelle ou encore ce plan volé sur son sexe lors d’un autre tournage, conservé au montage du film et sa bande-annonce contre son consentement. Eprouvants, les extraits de ces témoignages scandent le rapport où bien d’autres disciplines, comme le spectacle vivant, ont voix au chapitre. Témoignant de son expérience au Théâtre du Soleil, la comédienne Agathe Pujol déclenchait un séisme dans l’institution d’Ariane Mnouchkine, en plus d’un signalement au procureur de la République. Protection de l’enfance Certaines recommandations cliveront. D’autres étonnent surtout parce qu’on ne soupçonnait pas l’existence du vide qu’elles viennent combler. Au centre : la protection de l’enfance, motivation initiale de la création de la commission. Avec une attention particulière aux castings, apparus comme les lieux de tous les débordements, négligés par l’inspection du travail. Professionnalisation des personnes amenées à encadrer les enfants, recours aux psychologues obligatoire, renforcement de la présence des représentants légaux… La commission souhaite aussi rendre obligatoires les coordinateurs d’intimité pour les scènes impliquant les mineurs, et interdire leur «sexualisation à l’écran et dans les photos de mode, par exemple en les montrant en sous-vêtements». Le rapport recommande aussi d’encadrer impérativement les scènes d’intimité entre adultes avec clauses de contrat et médiation d’un coordinateur spécialisé, ce qui pourrait braquer le milieu encore réfractaire à cette idée. Les parlementaires vont plus loin et préconisent un droit de regard aux comédiens sur le montage final, sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée, pour «s’assurer que leur image n’est pas utilisée de manière abusive». De quoi potentiellement bousculer l’intouchable «final cut» du cinéaste. S’attaquant à la phobie des préjudices financiers liés à des dénonciations de violences sexuelles, la commission veut rendre obligatoire la couverture assurantielle des risques VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels). L’invitation à réfléchir sur «la prescription glissante» des violences sexuelles à l’encontre des majeurs promet de relancer un débat houleux. Aide juridictionnelle sans condition de ressources pour accompagner les victimes lors du dépôt de plainte ou conditionnement des aides publiques à une exemplarité sur la parité et la diversité complètent la liste des préconisations. Confrontation de mondes professionnels Parce qu’en grande partie filmées et retranscrites en direct, quand le huis clos n’était pas réclamé, les quelques centaines d’auditions auront souvent fait l’effet d’étranges moments de télévision. Uniques, pour la teneur des sujets abordés, la nouveauté de l’adresse au législateur. Mais aussi pour la confrontation de mondes professionnels, parlementaires d’un côté et institutionnels de la culture de l’autre (la Cinémathèque française, Serge Toubiana), parfois même de critiques de cinéma (Télérama, les Cahiers du Cinéma), où personne ne semblait parler la même langue ni tout à fait de la même chose, les arguments hésitant entre l’esthétique et la morale, certitudes et approximations, débat sur le culte de l’auteur et coquettes citations de Jacques Rivette ou François Truffaut. Lorsqu’à des victimes de violences succédaient des personnes identifiées comme parties prenantes d’un système qui les autorise, le ton a pu évoquer celui d’un conseil de discipline, laissant couver la défiance voire le clash. Auditionnée en pleine polémique liée aux conditions de projection du Dernier Tango à Paris, la direction de la Cinémathèque ne bronchait pas lorsque Sandrine Rousseau déclarait en conclusion : «La résistance dont vous êtes l’un des piliers ne tiendra pas très longtemps parce que la société est bien en avance sur vous.» A l’inverse, pour avoir fulminé à l’adresse de la présidente de la commission – «Arrêtez de faire la morale à tout le monde. Ça commence à bien faire. Si c’est mon procès, je me taille !» –, l’agent Dominique Besnehard, créateur de la série Dix pour cent, aura marqué les esprits. Non sans avoir rappelé son soutien à Gérard Depardieu, revendiquant son appartenance à «l’ancien monde» et imputé les agressions d’Harvey Weinstein au comportement des actrices – «On ne va pas dans un hôtel avec un metteur en scène. Excusez-moi, Weinstein qui allait à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine.» A l’issue des travaux de la commission, trois signalements pour parjure ont été réalisés, visant l’ancien président de la Cinémathèque Serge Toubiana, entendu au sujet des accusations contre Benoît Jacquot, le directeur délégué de NRJ, Gaël Sanquer, et l’équipe de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Si la plupart des mécanismes ne sont pas spécifique au milieu culturel, «certaines singularités en font vraisemblablement des secteurs surexposés au risque de violences», insiste la commission en appelant de ses vœux à la mise en place d’une étude de victimation de vaste ampleur.
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April 28, 3:59 PM
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Par Fabienne Darge dans Le Monde - 28 avril 2025 Le duo d’artistes ose le grotesque et le port du masque, notamment dans un « Makbeth » aux accents kafkaïens. Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/28/a-la-tete-du-munstrum-theatre-louis-arene-et-lionel-lingelser-lachent-les-monstres_6600973_3246.html
C’est étrange. On s’étonnerait presque, à rencontrer Louis Arene et Lionel Lingelser, de découvrir leurs vrais visages. Lesquels semblent s’offrir en miroir inversé, comme si leur amour du contraste se vivait dans leur propre chair. Anguleux, yeux bleus, cheveux roses, pour l’un. Douceur des traits, yeux bruns, cheveux bruns, pour l’autre. Silhouette athlétique, dans les deux cas. Débarrassé des masques qu’il porte dans ses spectacles, le duo à la tête du Munstrum Théâtre provoque encore le trouble. Comme si Louis Arene et Lionel Lingelser portaient sur eux les potentialités de métamorphose qu’ils ne cessent d’explorer d’une création à l’autre. Depuis quelques années, leurs spectacles remportent un succès fou partout où ils passent, notamment auprès des jeunes, qui plébiscitent ce théâtre superlatif et queer, ultraphysique et visuel, aux accents postapocalyptiques et pourtant totalement jouissif. Et qui, surprise, remet sur le devant de la scène le bon vieux masque de théâtre, objet un peu oublié et ici redécouvert dans ses infinies possibilités. Aujourd’hui, les voilà qui s’attaquent à Makbeth, avec ce petit k qui vient se glisser dans le titre original. K comme Kafka, k comme punk : un Macbeth comme on ne l’a jamais vu, qui lâche les monstres, ose le grotesque, fait suinter le mal de partout et, par là, réussit le tour de force de rendre cette pièce maudite et immontable à nouveau audible et passionnante pour aujourd’hui. C’est peu de dire qu’avec eux le théâtre élisabéthain retrouve son essence brute, âpre et flamboyante, souvent lissée par des visions académiques. « Créer du mystère » Les deux compères, nés respectivement en 1985 et en 1984, se sont rencontrés au Conservatoire de Paris, à la fin des années 2000. Louis Arene, Parisien et fils d’architectes, travaillait déjà, depuis tout jeune, dans la troupe d’Emmanuel Demarcy-Mota. Lionel Lingelser avait « un parcours plus provincial » : venu de Kingersheim, une banlieue de Mulhouse (Haut-Rhin), il avait, à l’adolescence, croisé la route des Arts Sauts, la troupe de voltigeurs créée par Stéphane Ricordel et Laurence de Magalhaes (aujourd’hui directeurs du Théâtre du Rond-Point). Un premier « choc poétique » qui a « changé [sa] vie ». Et, d’emblée, ils se sont retrouvés sur un théâtre physique, le clown, l’improvisation. Et sur l’art du masque, transmis par Christophe Patty et Mario Gonzales. Lionel Lingelser est parti deux ans à Genève (Suisse) pour travailler au Teatro Malandro d’Omar Porras, un des rares metteurs en scène, en Europe, à travailler encore avec cet outil ancestral. Louis Arene, lui, est entré dans la troupe de la Comédie-Française. En 2012, ils ont créé leur compagnie : « On voulait continuer ce laboratoire et creuser cet art archaïque du masque, qui nous a tellement bouleversés, mais qui était devenu poussiéreux et décrié », se souvient Lionel Lingelser. « On trouvait qu’il y avait quelque chose de magnifique dans cet outil qui est l’objet théâtral par excellence depuis la nuit des temps. Mais la manière dont il nous a été transmis, ce masque en bois, très lourd, ou en cuir, avec des archétypes très marqués de la commedia dell’arte, ces masques très grotesques qui, tout de suite, imposent une expressivité, un type de caractère, cela nous encombrait dans le travail, précise Louis Arene. On voulait aller vers un objet qui puisse aussi exprimer l’étrangeté, l’inquiétude, l’angoisse. On s’est orientés vers un masque plus épuré, pour prendre cet objet dans sa capacité à effacer, à enlever, à créer du mystère, à faire du visage une surface de projection pour l’imaginaire des spectateurs. » « Des humains d’après, augmentés » Louis Arene s’est mis alors à sculpter les masques qui font l’identité du Munstrum, avec une résine médicale servant à réaliser des prothèses orthopédiques. Un masque-casque, sans cheveux, sans couleurs ni ornements, qui laisse toute sa place à l’expressivité du regard, dégage le bas du visage et permet de respirer. Le vecteur parfait pour le théâtre qu’ils voulaient inventer : un « théâtre physique, sensuel, brut, des antagonismes entre le rire et l’effroi ». Et l’outil dramaturgique par excellence d’un théâtre de la catastrophe, de l’identité et de la métamorphose, où la forme plastique en dit souvent plus sur notre monde que les mots. « Avec cet outil, il y a l’idée, kafkaïenne, et qui court dans tout notre travail, que l’on ne sait pas si l’autre n’est pas soi, en fait. Et comme le masque nécessite un jeu un peu extraordinaire, cela crée d’emblée des figures extra-humaines, ou des humains d’après, augmentés. Il y a une puissance totémique qui se dégage de ces objets-là. » Après un premier essai peu concluant – de leur propre aveu –, le Munstrum a trouvé sa voie avec Le Chien, la Nuit et le Couteau, qui a immédiatement créé le buzz quand il a été présenté à Avignon, au Théâtre de la Manufacture, en 2017. Sorte d’Alice au pays des merveilles horrifique, le spectacle a posé les bases de ce théâtre pétrissant la chair d’une humanité monstrueuse, travaillée par la défiguration – les duettistes ont aussi une passion pour le peintre britannique Francis Bacon (1909-1992). « La joie, notre fer de lance » Mais l’atout maître du Munstrum, c’est d’inscrire ces cauchemars dans une jubilation théâtrale féroce, avec une vitalité sans appel, en n’hésitant pas à pousser les curseurs du kitsch et du mauvais goût, ou supposés tels. La réflexion queer est passée par là, qui montre que le féminin et le masculin, le beau et le laid, ne sont bien souvent que des constructions sociales, et qu’elles peuvent à l’endroit du théâtre être joyeusement dynamitées. Les costumes délirants et l’hémoglobine, les faux nez et les ventres postiches, les hybrides mi-homme mi-animal de Zypher Z (2021) et les créatures transgressant toutes les frontières, y compris celle de la vie et de la mort, de Copi dans 40 degrés sous zéro (2019), dessinent les contours d’un nouveau baroque, unique dans le théâtre français. « La vérité de notre travail, elle est dans ces zones de tension entre le comique et le tragique, le sacré et le profane, l’ombre et la lumière, le kitsch et le sublime », appuie Lionel Lingelser. « Mais la joie, c’est notre fer de lance, précise Louis Arene. Pour nous, elle est ce qu’il y a de plus politique aujourd’hui. Arriver à reconvoquer cette vitalité, cette flamme, cette force primordiale, dans la génération qui nous suit, malgré un monde qui s’effondre et qui, dans cet effondrement, cherche à aspirer comme un vampire cette vitalité de la jeunesse. Comme tout le monde, nous avons le sentiment de ne plus savoir comment agir face à cette folie, cette barbarie qui monte. Mais nous sommes convaincus que le spectacle, l’art, peuvent nous redonner des forces poétiques. C’est un des derniers bastions où on peut résister à cette violence qui nous contamine, où peut se vivre la fameuse catharsis. » Cette dimension de « montreurs de monstres », contenue dans le nom même qu’ils se sont choisi pour leur compagnie – où ils sont tous deux acteurs et initiateurs des projets, tandis que Louis Arene seul assume la mise en scène –, devait inévitablement les mener vers Macbeth, la pièce par excellence qui convoque les forces du mal. Mais, avant cela, il y a eu un détour par la Comédie-Française, où ils ont proposé en 2022 un détonnant Mariage forcé, où l’outil du masque et l’inversion des rôles féminins et masculins rendaient à ce petit bijou de Molière toute sa cruauté et son actualité. « Des clowns tragiques » Macbeth, pour ces amoureux de David Lynch et de Romeo Castellucci, s’est imposée comme un défi qu’il était temps de relever, et une nécessité. « Malheureusement, la pièce fait terriblement écho aux temps sombres dans lesquels on est à nouveau entrés, observent-ils. On avait envie de se confronter à ce théâtre élisabéthain qui casse le quatrième mur entre la scène et la salle, et qui permet de faire expier les monstres, aussi. D’où le parti pris grotesque, qui était vital pour nous : les personnages sont des clowns tragiques. » La pièce maudite de Shakespeare glisse le plus souvent entre les doigts des metteurs en scène, surtout quand elle est montée de manière trop sage, comme si l’insondable du mal inscrit au cœur de l’humain échappait à la représentation. Dans ce petit déplacement entre Macbeth et Makbeth s’inscrit la proposition forte du Munstrum, entre des scènes de bataille d’un réalisme saisissant, qui font éprouver la violence comme rarement au théâtre, et l’imagination débridée au pouvoir dans l’esthétique et les costumes, qui voit notamment Lady Macbeth porter une robe à crinoline réalisée avec une tente Quechua. Last but not least, les duettistes jouent eux-mêmes le couple fatal, Lionel en Lady, Louis en Macbeth. « C’est un cadeau que nous nous sommes fait, s’amusent-ils. L’idée, c’était d’en faire un monstre à deux têtes. » Pour les deux têtes du Munstrum, la boucle est bouclée. Makbeth, d’après Shakespeare, par le Munstrum Théâtre. Théâtre public de Montreuil (Seine-Saint-Denis), du 29 avril au 15 mai. Puis tournée jusqu’en avril 2026, notamment au Théâtre du Rond-Point, Paris 8e, du 20 novembre au 13 décembre. Reprise du Mariage forcé, de Molière, à la Comédie-Française Fabienne Darge / Le Monde Légende photo : Louis Arene et Lionel Lingelser, devant l’Hôtel du Sentier, à Paris, le 14 octobre 2024. LÉO KELER
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Le spectateur de Belleville
April 25, 3:05 PM
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Par Ève Beauvallet dans Libération - 25 avril 2025 Indétrônable durant quarante et un ans, le charismatique directeur du festival «Montpellier Danse» a incarné à lui seul une frange de l’histoire de l’art et de son institutionnalisation. Il est décédé ce vendredi 25 avril à 77 ans. C’est un peu mourir sur scène. Et si le scénario était fictionnel, peut-être aurait-il dit de tout cela, «quel mauvais théâtre !» Jean-Paul Montanari n’a pas survécu à son départ, sans cesse repoussé après quarante et un ans de règne admiré et controversé, du poste d’emblématique directeur du festival Montpellier Danse. En juin dernier, lorsque nous le rencontrions pour retracer ensemble, dans son bureau, une histoire de la danse contemporaine qu’il a contribué à déployer, le grand patron en partance s’était étranglé : on venait de lui diagnostiquer un cancer lui laissant peu d’espoir. Ce natif d’Alger, d’extraction populaire, devenu directeur redoutable et passionné, amoureux fou de la danse quand elle est écrite par de grands auteurs, lecteur avide et militant, aura juste tenu le temps suffisant pour apprendre les noms de ses successeurs. Le 10 avril était annoncée l’arrivée prochaine de l’équipe formée par la chorégraphe Dominique Hervieu (avec Hofesh Shechter, Jann Gallois et Pierre Martinez) à la tête d’une nouvelle structure, l’Agora, issue de la fusion entre Montpellier Danse et le centre chorégraphique attenant. Quinze jours plus tard tombe donc la nouvelle de sa mort, à 77 ans. «La danse perd son plus fidèle serviteur, la ville de Montpellier un homme qui lui a offert un rayonnement artistique mondial, et je perds un ami», a écrit le maire de la ville, Michaël Delafosse, héritier du clan Georges Frêche, ancien édile indissociable de l’aventure Montanari. Le ministère, de son côté, célèbre un bâtisseur et un défricheur inlassable et fidèle. D’années en années, la retraite du «vieux dictateur» – comme il aimait à s’appeler – était devenue la plus célèbre arlésienne du coin, un vaudeville dont il a toujours fait mine de se délecter plutôt que d’en rougir : «C’est pire que Charles Aznavour…» nous glissait-il en juin. Jamais sans doute directeur de structure culturelle n’avait à ce point fait corps avec sa créature. Lorsqu’on lui demandait pourquoi il s’était accroché aussi longtemps à son siège, Jean-Paul Montanari avait enchaîné les pirouettes comiques avant d’atterrir dans cet abîme : «La peur. Je n’ai pas de copain, pas de famille, pas d’amis. Vous seriez étonnée de la façon dont je passe mes week-ends, parfois sans parler à personne. Montpellier Danse est tout ce que je suis. Voilà.» Légende photo : Jean-Paul Montanari à la cité internationale de la danse à Montpellier, le 29 juillet 2024. (Sandra Mehl/NYT.REDUX.REA)
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April 25, 3:42 AM
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Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog de Mediapart - 22 avril 2025 Né à Strasbourg en juillet 1939 , le comédien Bernard - dit Bill - Freyd, grande figure du TNS des années Jean-Pierre Vincent et au-delà, est décédé entouré des siens au terme d’une belle carrière. Alors qu’il n’avait guère joué que du théâtre amateur en dialecte alsacien, la route de Bernard Freyd croisa celles de Claude Petit Pierre et d’Hubert Gignoux qui donnaient un nouvel élan au théâtre strasbourgeois. Il entre à l’école -groupe 3 -au sein d’ un théâtre qui ne s’appelait pas encore le Théâtre National de Strasbourg. A la sortie, Il ira faire un petit tout chez René Lesage qui dirigeait alors la Comédie des Alpes avant de revenir à Strasbourg pour être distribué dans des spectacles signé Hubert Gignoux ou André Steiger. Jean-Pierre Vincent , alors à la tête de la compagnie le Théâtre de l’espérance le distribue dans la Cagnotte de Labiche, la Tragédie optimiste de Vichnievski, et quand Vincent est nommé à la direction du TNS et constitue un « ensemble artistique », Bill Freyd en fait partie. Neuf ans de bonheur et de spectacles qui font date et auxquels Bill Freyd contribue hautement : Germinal, Le Palais de justice (où il incarne une avocat célèbre du barreau de Strasbourg), Vichy-Fictions ( où il disait la liste des cadeaux offerts au Maréchal Pétain), Le Misanthrope, etc. On l’ apprécie aussi au sein du TNS dans les spectacles signés André Engel comme Baal ou Week-end à Yaik ou encore Et ils allaient obscurs dans la nuit solitaires où il était le Pozzo d’En attendant Godot. Bill Freyd et son léger accent strasbourgeois traversent cette formidable aventure que fut le TNSè-Vincent, des années aussi belles que fastes jusqu’au dernier.spectacle de Vincent au TNS Dernières nouvelles de la peste à Strasbourg d’abord puis au festival d’Avignon. Bill Freyd poursuivra sa vie d’acteur ailleurs, au théâtre, dans des films, des téléfilms et même une série où il interprète le rôle d’un commissaire et les gens l’interpellent dans la rue pour connaître la suite de l’intrigue. Et puis, en 1987, il retrouvera Jean-Pierre Vincent qui a la bonne idée de lui confier le rôle titre quand il met en scène Le faiseur de théâtre de Thomas Bernhard. J’écrivais alors : « Entouré de ses partenaires, l’interprète du comédien, auteur, éructeur Bruscon, Bernard (dit Bill) Freyd salue le public, épuisé, léger, souriant. IL y a de quoi. Il vient de rencontre ce qu’un comédien touche une, deux, rarement trois fois dans une carrière : un rôle qui semble avoir été écrit pour lui de toute éternité, un personnage dans lequel longtemps on ne pourra plus imaginer ni supporter aucun autre acteur, une figure qui propulse au pinacle de la scène les virtualités d’un comédien qui n’avait jamais eu l’occasion de les dénouer avec autant d’aisance. (…) Freyd retrouve en Bruscon une hargne de dire, une rage de jouer et une ironie d’être qui lui son chères. Seul un foutu Alsacien comme lui pouvait se mettre en bouche et nous renvoyer à la gueule avec une abjection savoureuse (sentiment bernhardien par excellence) des mots chers à l’Autrichien comme « glaucome », « Gaspoltshofe », « soupe à l’omelette » ou « cercleur de tonneaux »... » / Adieu Bill Freyd, et merci. Jean-Pierre Thibaudat
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April 24, 3:43 AM
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Propos recueillis par Fabienne Pascaud dans Télérama - 24 avril 2025 Indépendance vis-à-vis des institutions, recettes propres, travail dans la durée… L’entreprise Pommerat poursuit sa route. Rencontre avec cet “écrivain de spectacle”, à l’occasion de la création de sa dernière pièce, “Les Petites Filles modernes”. Lire l'article sur le site de Télérama : https://www.telerama.fr/theatre-spectacles/la-methode-joel-pommerat-un-theatre-a-part-qui-fait-recette-depuis-vingt-cinq-ans-7025369.php
Sur le magnifique site de Châteauvallon, dans la salle de théâtre obscure et silencieuse, Joël Pommerat, de noir vêtu, travaille son dernier spectacle, Les Petites Filles modernes. Titre provisoire, sans lien avoué avec la comtesse de Ségur. « Je donne peu mes sources d’inspiration, dira-t-il plus tard. Je suis traversé de tant de choses dont je suis à peine conscient… » Debout devant la scène, long et droit, l’auteur-metteur en scène de 62 ans déroule doucement au micro le programme des répétitions de 14 heures à 20 heures, réglé comme une machine. Le matin, il écrit. Le soir, il réécrit à la lumière de ce qui a été répété. Les trois comédiens — Éric Feldman, Coraline Kerléo, Marie Malaquias — sont assis sagement dans les premiers rangs. La douzaine de techniciens de sa Compagnie Louis Brouillard — son, vidéo, lumière, costumes ou régie — écoute les consignes. L’atmosphère est concentrée, chaque minute, précieuse. Grand initiateur de spectacles clairs-obscurs à l’écoute de nos sociétés comme de l’invisible, de nos relations au monde comme à l’Histoire, de nos liens à la famille comme au travail, autant conteur que sociologue, Joël Pommerat achève ici une résidence d’un mois. Pour dignement célébrer les 60 ans du théâtre qui surplombe majestueusement la Méditerranée, l’acteur-metteur en scène Charles Berling, directeur de la Scène nationale Châteauvallon-Liberté de Toulon y a en effet invité quelques artistes phares à partager les lieux. Les Petites Filles modernes s’y créeront le 24 avril. À lire aussi : Joël Pommerat refuse à son tour la Légion d’honneur, par esprit “d’indépendance” Horizontalement et verticalement, défilent sur la scène d’abstraites et splendides images vidéo noir et blanc. Autant de motifs qui hypnotisent, créent le mystère quand s’égrènent de tristes notes de piano. Une grande boîte close est suspendue aux cintres. En jaillissent les hurlements angoissés d’une enfant. « J’ai voulu plonger dans le fantastique, le surnaturel, et non déjouer le merveilleux comme nous le faisions dans Cendrillon. J’aime la simplicité, les lignes claires des contes. Transformés en humains par punition, un garçon et une fille débarquent ici d’un autre monde. Ils purgent leur peine sur Terre, accusés de s’être trop attachés l’un à l’autre, chose interdite là d’où ils viennent. Ils rencontrent deux collégiennes. L’intrigue interroge l’amitié, l’amour, le besoin de se lier. C’est ce lien qui nous fait percevoir et dépasser nos limites physiques et mentales. Les Petites Filles modernes sont juste une déambulation dans la construction de soi. Sans morale. » Sans adultes non plus. Ou seulement présents par leurs voix, via des dispositifs sonores sophistiqués. Du Petit Chaperon rouge (2004) à Contes et légendes (2019), le monde de l’enfance, d’ordinaire peu présent au théâtre, l’est beaucoup chez Pommerat. « M’y intéresser a été au début un moyen de me rapprocher de ma fille âgée alors de 7 ans. On ne vivait pas ensemble. Mon travail prenait tout mon temps. Je voulais qu’elle s’intéresse à moi, à ce que je faisais. Et puis représenter des enfants, leur apprentissage du monde — sans m’adresser forcément à eux — m’a passionné, j’ai continué. En fait d’enfance, c’est celle de ma mère surtout qui m’a marqué : 4 ans en 1945, 4 kilomètres à pied en pleine campagne à 5 ans pour aller à l’école, avec des peurs terribles. Moi, j’étais un petit garçon sage, bon élève, choyé par elle, vendeuse au supermarché dans la banlieue de Chambéry. Mon père, sous-officier dans l’armée, puis petit employé de banque, est mort jeune. Du coup, je n’ai pas passé le bac. Mais ma mère n’a jamais été inquiète de mon avenir, elle me faisait confiance. » Passer d’une création à l’autre m’angoisse — je suis lent —, et puis, si on prend soin de lui, un spectacle mûrit, devient plus beau encore. Comme dans Le Petit Chaperon rouge et Contes et légendes, les adolescentes des Petites Filles modernes sont incarnées par deux adultes. « Les enfants changent trop en grandissant, travailler sur une longue période avec eux est impossible. Or j’ai besoin que mes spectacles se jouent longtemps, je le revendique. D’abord, passer d’une création à l’autre m’angoisse — je suis lent —, et puis, si on prend soin de lui, un spectacle mûrit, devient plus beau encore. Voir vieillir les acteurs dans leurs rôles, c’est la vie. » Voilà le cœur de la méthode, de la magie Pommerat : nourrir, enrichir le travail dans la durée. « Jouer, c’est conjuguer les temps fictionnel et réel. Réinventer le temps. “L’habiter autrement”, comme dit le poète Valère Novarina. » Cinq mois de répétitions discontinues dans sept résidences d’artiste — de Paris à Bourges, d’Agen à Châteauvallon, via La Rochelle et les Tréteaux de France — auront été nécessaires aux Petites Filles modernes, faute d’un lieu permanent où travailler. « Dès l’été 2023, rêver, réfléchir seul sur l’urgence de l’histoire à raconter et de la forme à adopter. En 2024, choix des acteurs, début d’ateliers d’improvisation autour de situations et de thématiques. Les répétitions avec texte commencent en janvier 2025 et la pièce se construit de manière chaotique. Je ne pratique pas “l’écriture de plateau”, qui reprend les impros des comédiens. J’attends plutôt d’eux qu’ils m’inspirent, fassent vivre leurs personnages. Je filme tout, et je visionne. Les voir active mon écriture. Les rôles sont écrits sur mesure, jamais interchangeables. » Que Joël Pommerat ait toujours refusé de diriger un Centre dramatique national, avec le confort de subventions garanties, s’explique donc. Comment y concilierait-il sa lenteur de créateur et la réactivité d’un patron ? « Diriger ma compagnie, écrire, répéter, c’est déjà trois vies. Et les artistes que j’ai vus céder aux mirages d’une direction ont fini par perdre les qualités pour lesquelles le ministère les avait justement nommés. Accueillir d’autres créations dans son lieu, se battre avec les tutelles pour obtenir des moyens, c’est trop de charge mentale ! Pourquoi les accabler de responsabilités administratives, financières qu’ils ne maîtrisent pas ? Dans les scènes nationales, nombre de directeurs le font admirablement, tout en sachant programmer des artistes dont nous, leurs pairs, n’avons pas le temps d’aller voir les spectacles, reconnaissons-le. Chacun doit faire la part qui lui revient et dont il est surtout capable : voilà notre vraie, notre seule responsabilité, et non nous éparpiller dans ce que nous ne savons pas faire. Les créateurs que j’admire sont ceux qui ont modelé leur théâtre, cherché leur propre mode de production sans se caler sur l’existant : Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie, Peter Brook autrefois aux Bouffes du Nord. » Sa part à lui, Joël Pommerat, est déjà immense côté lumière, son, image vidéo, gestuelle dans l’espace. « Le théâtre n’est pas que texte : le corps de l’acteur fait aussi parole. Il faut inventer toutes sortes de formes à la parole. En “écrivain de spectacle”, j’écris en trois dimensions. Sans négliger l’invisible. Ni l’imaginaire du spectateur qui coconstruit la pièce avec nous. À condition qu’on lui laisse des trous qu’il ait envie de combler. Il faut savoir écrire entre les pleins et les creux. J’ai souvent utilisé des voix off, qui amorçaient l’histoire. Dans le “théâtre-roman” que j’essaie désormais, les choses se racontent en même temps qu’elles se vivent. » Une expérience de « pur présent » qui se défie des mécaniques de la représentation comme des trucs de jeu. Les comédiens de la Compagnie Louis Brouillard, fondée en 1990, sont rompus à l’exercice, et en rare osmose avec le public. Jusqu’à Ma chambre froide (2011), Pommerat n’écrit d’ailleurs que pour ses premiers compagnons d’aventures. Pas assez sûr de lui, avoue-t-il, pour engager d’autres acteurs et supporter des contre-propositions extérieures au groupe pionnier. « Après, j’ai craint de les bloquer dans mon monde et qu’ils en souffrent. J’ai ouvert la troupe, choisi des comédiens capables de “ne pas faire”, juste de laisser transparaître, doués pour l’artifice, mais dans le dépouillement. Avant de voir l’acteur, je cherche la personne. » À lire aussi : Joël Pommerat, le metteur en scène qui rend visibles les invisibles Depuis une douzaine d’années, avec une trentaine de techniciens, ils sont une cinquantaine d’interprètes sur les routes à être salariés annuellement par la Compagnie Louis Brouillard (avec un cachet de 280 à 300 euros brut par représentation). Ils tournent parallèlement environ cinq spectacles — en 2024-2025, Contes et légendes, Marius, Amours (2), La Réunification des deux Corées et bientôt donc Les Petites Filles modernes. Non seulement Joël Pommerat aime que ses créations se peaufinent avec le temps, vivent pour le plus grand nombre possible de spectateurs, mais il a besoin des recettes de ces tournées. La production des Petites Filles modernes coûtant 700 000 euros — longues répétitions et moyens techniques obligent —, comment la compagnie peut-elle faire lorsque l’État lui accorde 400 000 euros — et c’est une des mieux dotées ! — et la Région Île-de-France 120 000 euros ? "On bricole en permanence, l’équilibre est fragile. Mais nos créations seraient encore plus onéreuses si je dirigeais un théâtre public." Dans l’entreprise théâtrale Pommerat, les subventions couvrent en général 50 % des frais de fonctionnement. À sa charge d’assurer le reste par les recettes de billetterie, les ventes de spectacles, la part de coproduction au titre d’« artiste associé » : à Nanterre-Amandiers, à la Scène nationale de La Rochelle, au TNP de Villeurbanne. « On bricole en permanence, l’équilibre est fragile, soupire-t-il. Mais nos créations seraient encore plus onéreuses si je dirigeais un théâtre public, dont les conventions collectives sont plus drastiques. C’est vrai qu’elles coûtent plus qu’elles ne rapportent. L’installation d’un spectacle en tournée, par exemple, nécessite deux jours, la compagnie ne fait jamais plus de 500 euros de marge. Et nos subventions n’ont pas augmenté depuis 2017, à l’inverse des frais de fonctionnement. Alors faut-il collaborer avec le théâtre privé ? S’il a eu le courage de reprendre, à perte, Ça ira (1). Fin de Louis — vingt comédiens en scène et un coût de production de 1 200 000 euros ! —, Jean Robert-Charrier, qui dirige le Théâtre de la Porte-Saint-Martin (propriété de Fimalac), n’aurait jamais pu le produire seul ! Et personne dans le secteur privé ne se serait engagé avec lui sur un tel projet. Au moins a-t-il respecté notre travail et accepté mes conditions : réduire la jauge pour un bon rapport scène-salle, ne pas jouer tous les soirs pour que les comédiens se reposent des cinq heures de spectacle, pratiquer un prix de place accessible. » Avec ses tournées et résidences — quinze jours minimum, un mois maximum, sans jamais maîtriser les dates —, Joël Pommerat est un artiste nomade. Pour garder sa liberté, son indépendance et un isolement propice au travail. Mais il est dur d’être en continuel déplacement quand on se dit casanier, n’aimant guère les voyages, ne supportant plus de se retrouver dans une gare. « J’habite dans le Lot-et-Garonne et ma meilleure résidence est le théâtre d’Agen, tout proche, dont la directrice me confie les clés aux vacances. » Son rêve ? Acheter une ferme désertée et ses corps de bâtiment, comme il y en a tant là-bas, pour en faire un lieu de travail et de résidence à partager avec d’autres. Pourtant Joël Pommerat ne réclamera rien. Il continuera son système avec rigueur et débrouillardise, seul en France à rejouer son répertoire pour créer d’autres œuvres plus profondes encore, dialoguant mieux encore avec le monde et permettant d’en explorer les zones d’ombre. Six salariés en CDI Il fait vivre une compagnie où six salariés sont en CDI ; lui ne veut l’être qu’à mi-temps, parce que payé déjà en droits d’auteur. Élégance. Honnêteté. Fierté. Timidité. Il s’investit peu dans les écoles et l’éducation artistique, leur préfère les prisonniers et les prisons. Et pourrait animer à la rentrée un théâtre construit au Centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille. Une salle pour détenus plutôt qu’un Centre dramatique national ? « Je suis devenu un bourgeois, mais je n’appartiens pas à ce monde-là. J’ai compris tardivement que montrer au théâtre ces invisibles à qui on ne donne pas la parole, comme je le fais, renvoie à mes origines populaires. Je ne suis pas à l’aise avec ce monde de l’élite que je côtoie et qui me considère comme l’un des siens. Mais ce malaise me gêne peu. J’ai besoin d’être seul. » Propos recueillis par Fabienne Pascaud / Télérama Les Petites Filles modernes, du 24 au 29 avril, au Théâtre couvert de Châteauvallon, tél. : 09 80 08 40 40. Et du 4 au 6 novembre à La Rochelle, du 22 novembre au 10 décembre au TNP de Villeurbanne, du 18 décembre au 23 janvier au Théâtre Nanterre-Amandiers. Légende photo Joël Pommerat : « Les artistes que j’ai vus céder aux mirages d’une direction ont fini par perdre les qualités pour lesquelles le ministère les avait justement nommés. » Photo Caroline Chevalier pour Télérama
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April 21, 11:42 AM
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Par Sonya Faure, envoyée spéciale à Strasbourg pour Libération - 21 avril 2025 Le Théâtre national de Strasbourg a créé une structure recueillant les histoires de vie des habitants, qui nourriront la création de spectacles. Elles ont notamment inspiré des pièces présentées à partir de mercredi au festival les Galas. «On reprend au moment où elle arrive avec son carnet de correspondance !» La fillette, en violet de la tête aux pieds (pieds montés sur des semelles de baskets qui clignotent de mille feux à chaque pas), revient des coulisses pour s’installer sur une chaise, au centre de la scène. Angelina a 9 ans et elle est l’héroïne de la nouvelle pièce de Caroline Guiela Nguyen, Valentina, qui sera présentée pour la première fois en France ce mercredi 23 avril dans le cadre des Galas, le tout nouveau festival du Théâtre national de Strasbourg. Caroline Guiela Nguyen l’a écrit comme un conte (1) : Valentina est une enfant dont la mère, roumaine, ne parle pas français. Un soir en rentrant de l’école elle doit lui traduire une lettre écrite par un médecin. Comment lui annoncer qu’elle a une maladie grave ? Faut-il dire la vérité ? Mentir pour supporter le drame ? Un autel avec des guirlandes de fleurs en tissu, un cœur humain enchâssé dans de l’or comme les sacré-cœurs des églises. Du rose, des néons et le plateau qui, magique, palpite tout au long des répétitions : de chaque côté de la scène, un ventilateur fait vibrer de grandes plaques de laiton dorées, qui projettent leur scintillement sur le décor et les actrices. Une nouvelle fois, Caroline Guiela Nguyen mêle la fiction très assumée (décor fabuleux, séquençage pensé en épisodes, musique accompagnant le récit) avec un sujet réaliste et grave : sur scène Valentina tient un vrai bipeur entre ses mains, de ceux qui sonnent quand un cœur, enfin, est disponible à l’hôpital. Singulier attelage entre l’irréel et l’hyper-concret. Avec Saïgon, le spectacle qui l’a fait connaître au grand public en 2017, la fiction se déroulait dans un restaurant vietnamien. Dans Lacrima, succès du Festival d’Avignon l’an passé qui a tourné partout en France, la metteuse en scène retraçait la très dramatique fabrication d’une robe de mariée destinée à la princesse d’Angleterre, mais nous faisait pénétrer de façon quasi-documentaire dans les secrets de la dentelle d’Alençon. Cette fois, pour Valentina, elle s’est longuement renseignée sur les enfants contraints d’être les interprètes de leurs parents. Sur les greffes d’organe aussi. Pour amasser ce matériau, elle s’est appuyée sur une structure d’un genre nouveau qu’elle a elle-même mise en place à son arrivée à la tête du Théâtre national de Strasbourg en septembre 2023 : le Centre des récits. Aux côtés de ses ateliers de costumes et de décors, le TNS abrite désormais un atelier à histoires vraies. Trois femmes – une documentaliste, une ex-journaliste radio et une dramaturge, enquêtent, enregistreurs Nagra à l’épaule, à la demande des artistes. Récoltent les témoignages des habitants des alentours, posent des questions, enregistrent, archivent. Depuis un an et demi, leurs bandes-son ont nourri sept spectacles. Enfants interprètes Pour Fidélité(s) ou la Panenka de Hakimi, de Mona El Yafi et Ali Esmili, joué au Théâtre de Lorient en janvier dernier, elles ont recueilli les témoignages de footballeuses amatrices dans un club de la région. Pour Lucarne de Maxence Vandevelde, une pièce sur la beauté (également présentée aux Galas du TNS), elles se sont longuement entretenues avec les quinze acteurs amateurs de la pièce, tous issus des quartiers ouest de la ville. En préparation du futur spectacle d’Hatice Özer, elles explorent désormais le tarab (mot arabe qui désigne l’extase procurée par la musique) et ce que ressentent les fans d’Oum Kalthoum en entendant sa voix. «Beaucoup d’artistes ont, comme moi, besoin de ponctionner le réel pour nourrir leur fiction, explique Caroline Guiela Nguyen. Les livres et les essais ne suffisent pas, le Centre des récits leur offre une dramaturgie du vivant. Avant de me lancer dans un projet, j’ai l’intuition qu’une chose est importante à raconter, mais le fait d’entendre des personnes en parler parce qu’elles l’ont vécue m’ouvre mille possibilités. Ces histoires me chargent, je sais en les écoutant que je suis au bon endroit.» Pour Valentina, Fanny Mentré et Béatrice Dedieu, du Centre des récits, se sont mises en quête de témoignages pour comprendre le poids que pouvait représenter, pour un enfant, de devoir traduire les réunions avec les professeurs ou les documents administratifs à sa famille. «Avec cette question en fil rouge : par la traduction, qu’est ce qui passe, qu’est-ce qui résiste ?», rapportent-elles. Elles rencontrent les membres de l’association Migration Santé Alsace. «Une des interprètes de l’association nous a confié qu’on lui avait demandé, enfant, d’annoncer à sa mère qu’elle avait un cancer. C’est elle, la fillette, qui a subi le choc de l’annonce en premier. Elle s’est évanouie.» Sur l’un des récits qu’elles ont enregistrés, une jeune femme d’origine turque raconte qu’elle a appris le français devant la télévision, «grâce aux dessins animés». Un jour, elle doit traduire un papier reçu de l’administration française statuant sur le statut de réfugiés de la famille. Angoissée, elle traduit mal : «Je leur ai dit qu’on était expulsés de France car on avait menti. Je me souviens de la tristesse sur leur visage. Le lendemain j’ai annoncé à mes amies à l’école qu’on allait retourner en Turquie.» Sauf que le courrier disait tout l’inverse. Il y a eu aussi cette phrase, prononcée par une interprète : «Il nous faut traduire les mots, il ne faut pas qu’on les imagine.» Elle a tant nourri l’imaginaire de Caroline Guiela Nguyen qu’elle est devenue un mantra pour sa petite Valentina contrainte d’annoncer la nouvelle d’un cœur grignoté par la fibrose à sa propre mère : «Traduis les mots, mais ne les imagine pas.» Ce jour de mars, Fanny Mentré et Béatrice Dedieu ont rendez-vous avec Zahra et Maryam, des sœurs jumelles nées en Afghanistan, grandies en Iran et aujourd’hui réfugiées en France. Toutes deux jouent dans Lucarne de Maxence Vandevelde qui, lui, n’utilise pas les récits collectés comme matériau pour sa fiction mais comme un moyen de mieux comprendre le parcours des interprètes amateurs de son spectacle. «Moi, je suis née en 1372…», commence l’une des deux sœurs. Soit en 1994, selon le calendrier grégorien. C’est Norouz, le nouvel an iranien, et les deux femmes ont accueilli Fanny et Béatrice avec une magnifique table remplie de dattes, de sucreries, de fruits… Les deux micros du Centre des récits sont posés sur la table basse. Zahra et Maryam racontent leur relégation, en Iran, parce qu’elles étaient afghanes. Leurs relations empêchées avec les garçons, la culpabilisation permanente. Elles retracent leur parcours depuis une heure quand l’une soudain se tait. Elle vient de dire ce jour où, revenue en Afghanistan, elle a cherché partout son amoureux, épouvantée, parmi les corps déchiquetés dans les rues où venait de se produire un attentat. Elle reprend, raconte son départ en France, quelques mois plus tard, en avion. Et la culpabilité de partir : «C’était comme s’il y avait des fantômes autour de moi, comme si des voix s’élevaient tout autour de l’avion et criaient : «Reste avec nous, ne nous abandonne pas !»» Des airs d’Oum Kalthoum Les entretiens de Fanny et Béatrice durent une heure ou plus. Elles livrent leurs enregistrements audios bruts à l’artiste qui les leur a commandés : «Car on ne sait jamais ce qui va le faire tilter.» Elles tiennent à l’aspect purement sonore de leur travail. «Une caméra serait trop imposante. L’écrit ne nous permettrait pas de conserver le rythme et les tics de langage. Les enregistrements gardent les hésitations, l’émotion qui déborde, un accent. Une voix est déjà une matière vivante.» Pour le prochain spectacle de la metteuse en scène Hatice Özer En attendant Oum Kalthoum (programmé pour la saison prochaine au TNS), elles ont échangé avec un joueur d’oud et d’autres femmes arabes qui se mettaient à fredonner des airs de l’immense chanteuse égyptienne. «Entendre ces voix m’ouvre la tête et l’imaginaire, témoigne Hatice Özer. J’imagine le corps qu’il y a derrière elles, je tente de comprendre un rire. Je ne sais pas encore à quoi va ressembler mon spectacle mais je sais déjà que la musicalité de ces voix s’y retrouvera. Je vais par exemple emprunter à cette femme que je ne connais pas cette façon de passer sans cesse de la parole au chant pour parler d’Oum Kalthoum. Ou bien la réaction de cette autre femme à qui Fanny et Béatrice demandent si elle écoutait Oum Kalthoum quand elle était petite. Elle est si surprise face à cette question dont la réponse lui semble évidente qu’elle répète sur tous les tons : «Ah mais Oum Kalthoum… Oum Kalthoum… Oum Kalthoum !» C’est sûr, ça aussi ça sera dans le spectacle !» Il parlera aussi du manque (comment revivre un concert de la chanteuse maintenant qu’elle n’est plus ?) et de la fierté. «Cette musique, c’est notre fierté à nous les Arabes, le souvenir d’un âge d’or perdu, c’est ce qui nous rassemble tous, juifs ou musulmans… et c’est ce qu’on retrouve aussi dans les témoignages recueillis pas le Centre des récits.» «De plus en plus d’auteurs sont en quête de récits qui ont longtemps été passés sous silence et sur lesquels il n’existe pas encore de «répertoire», appuie Béatrice Dedieu. Ils ne veulent pas dire n’importe quoi sur une réalité qu’ils n’ont pas vécue eux-mêmes.» Même quand il s’agit justement de dépasser les faits pour écrire une fiction ? «Peut-être même surtout pour une fiction, coupe Fanny Mentré. Car une fiction qui ne repose sur rien de réel ne fonctionne pas.» A chaque entretien, un contrat est signé garantissant l’anonymisation de l’enregistrement, précisant aussi son usage : le récit confié pourra-t-il être écouté par l’artiste uniquement ? Par toute l’équipe qui travaillera sur le spectacle ? Par un public plus large ? Car le Centre des récits résonnera bientôt plus loin, en réseau avec cinq autres théâtres. «L’idée est de créer dans deux ans un Centre européen des récits», précise Caroline Guiela Nguyen. Anonymisés, indexés par thèmes, tous les récits récoltés seront aussi rendus accessibles sur une plateforme numérique au printemps 2027. «Comme une grande bibliothèque où on pourra trouver une mémoire collective, où on verra aussi toute la matière dont les artistes auront eu besoin pour créer, rêve la metteuse en scène. Le Centre des récits c’est aussi une manière de dire aux habitants du territoire : nous avons besoin de vous pour écrire des histoires ! Nous vivons une époque où il n’y a jamais eu autant de réels différents en un même lieu, et les artistes ont besoin de les rencontrer.» La mère d’Angelina, Loredana Iancu, jouera son propre rôle sur la scène du TNS, dans Valentina. Elle n’avait jamais mis les pieds dans un théâtre, comme beaucoup des témoins enregistrés par le Centre des récits. Avec lui, c’est le théâtre qui est entré chez eux. (1) Valentina ou la Vérité a d’ailleurs d’abord été un conte, publié ce mois-ci chez Actes Sud, avant de devenir une pièce de théâtre. Valentina et Lucarne seront présentés aux Galas du TNS, aux côtés d’autres spectacles, du 23 avril au 3 mai à Strasbourg. Sonya Faure / Libération Légende photo : Au Centre des récits du TNS de Strasbourg, en mars 2025, Béatrice Dedieu (à gauche) et Fanny Mentré (au centre) recueillent le témoignage des sœurs Zahra et Maryam, nées en Afghanistan, grandies en Iran et réfugiées en France. (photo : © Jean-Louis Fernandez )
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April 18, 3:42 AM
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Par Véronique Hotte dans Webthéâtre - le 16 avril 2025 Trois femmes en mal d’être conscientes de leurs capacités à se battre. Dans la tradition d’une ré-appropriation des « classiques », Elsa Granat monte La Mouette en jouant, dit-elle, sur sa capacité à toucher un public contemporain - mettant l’accent sur la condition de la femme, ses désirs, ses succès et ses échecs. Artiste associée du Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis, la conceptrice regarde sa Mouette sous la dimension historique de la Salle Richelieu, puisant dans la mémoire théâtrale des acteurs la richesse d’incarnation des personnages de Tchekhov. La fougue allègre de la mise en scène donne sa préférence au désir de créativité des femmes, un regard sur-éclairé sur l’affranchissement de celles-ci à travers l’invention personnelle et l’accomplissement de soi si recherché. Aussi Une Mouette débute-t-elle par une « ouverture d’imaginaire » - un préquel - sur le destin d’Arkadina actrice sur le déclin chez Tchekhov. Tel un souffle violent qui viendrait de l’intime dans la rencontre irréversible de soi avec le monde et la vie quotidienne, se répand et s’impose l’amour du théâtre et de la vie, sur les planches, chez une actrice admirée et extravertie que son fils, un peu mis de côté, observe dans le sentiment d’être négligé face à l’Art maternel conçu comme plus grand que tout : cris et déclamations. L’occasion d’un jeu sur les costumes magnifiques de la diva, la manière de revêtir les parures destinées à un monde onirique et de rêve où tout serait beau : Marina Hands pour Arkadina, l’actrice emblématique, évolue dans le don de son art, à l’écoute de ses seules impressions, loin de son fils Treplev : et les enfants jouent leur partition sur la scène - théâtre dans le théâtre. A côté de la passion littéraire des mots et de l’incarnation scénique, demeure d’abord la dimension incontournable de l’Amour. Quand commence véritablement la pièce, s’épanouit la passion qui unit les personnages - le sentiment liant Arkadina à son amant Trigorine, écrivain en vogue et indécis dans la vie. Loïc Corbery dans le rôle est convaincant, attachant, rêveur et plutôt absent aux autres, un charme auquel la jeune voisine ardente de Treplev, Nina, dont celui-ci est amoureux, n’échappe pas, désirant à son tour jouer la comédie et éprouver le feu des sentiments. Treplev écrit de son côté et met en scène : art et amour. Nina interprétée par Adeline d’Hermy est juste, tellement vivante et tonique, admirative de la beauté artistique - écrire et jouer -, vivant pour son désir de s’accomplir sur scène, et amoureuse en même temps de Trigorine, l’infidèle. Même Macha, taiseuse et mélancolique, s’exprime ouvertement, faisant le spectacle inédit de ses aspirations et de ses empêchements, en colère contre elle-même et contre le monde dont elle ne réussit pas à suffisamment se démettre. Julie Sicard est une Macha débridée et sortie de ses gonds, mais vraie. Soit la révolte de trois femmes - Trois Soeurs ? - contre les désirs secrets et frustrés dans un concert sur-joué à trois voix sous influence hystérique et déjà sonorisées - pléonasme. Comme si le pouvoir de crier donnait plus de vérité à la douleur. Adeline d’Hermy nuance sa prestation entre réserve et expression vive. La mise en scène d’Elise Granat est malicieuse, ludique et acidulée - des tonalités à la Douanier-Rousseau, avec pour la villégiature à la campagne un paysage estival et verdoyant propice à la sieste et au pique-nique, humour d’un farniente sur des chaises de camping, chemise hawaïenne colorée et bermuda pour les hommes, chapeau de paille et robe légère pour les dames. Tous les personnages de la petite communauté tchekhovienne sont convoqués avec précision, Bakary Sangaré pour Sorine, l’oncle aimé de Treplev et le frère d’Arkadina, Nicolas Lormeau pour le médecin raisonnable et sensé, Julien Frison pour Treplev tourmenté et en souffrance, Birane Ba pour le maître d’école toujours positif et époux délaissé de Macha, Dominique Parent pour Chamraïev l’intendant ; et de l’académie de la Comédie-Française, Édouard Blaimont et Blanche Sottou, régisseur et costumière… Une Mouette illustrée et démonstrative qui n’en est pas moins appréciée du public, interpellé par tant d’émotions générées par ce désir de réussir sa vie en dépit de tout, et ne jamais abandonner. Une Mouette, adaptation et mise en scène Elsa Granat, traduction André Markowicz et Françoise Morvan, dramaturgie Laure Grisinger, scénographie Suzanne Barbaud, costumes Marion Moinet, lumières Vera Martins, son John M. Warts, conseil à la dramaturgie Jean-Michel Potiron, assistanat à la mise en scène Laurence Kélépikis, de l’académie de la Comédie-Française, assistanat à la mise en scène Aristeo Tordesillas, assistanat à la scénographie Anaïs Levieil, assistanat aux costumes Aurélia Bonaque Ferrat. Avec Julie Sicard, Loïc Corbery, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Adeline d’Hermy, Julien Frison, Marina Hands, Birane Ba, Dominique Parent et de l’académie de la Comédie-Française Édouard Blaimont Nikita, Blanche Sottou, et les enfants en alternance, Abel Bravard, Noam Butel, Sandro Butel, Marcus Grau, Gabrielle Christophorov, Jeanne Mitre Robin, Suzanne Morgensztern, Olympe Renard. Du 11 avril au 15 juillet 2025, en matinée 14h et soirée 20h30, à La Comédie-Française, Salle Richelieu, place Colette 75001Paris. comedie-francaise.fr Véronique Hotte / Webthéâtre Crédit Photo : Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française.
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April 17, 3:11 PM
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Par Marie-Aude Roux dans Le Monde - 17 avril 2025 Après l’Opéra de Nancy en février, la « fable musicale » inspirée des mémoires de Gypsy Rose Lee, célèbre strip-teaseuse américaine, triomphe à la Philharmonie de Paris. La chanteuse lyrique, devenue comédienne, y partage la scène avec sa fille, Neïma Naouri.
Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/17/avec-gypsy-la-folle-metamorphose-de-natalie-dessay_6596969_3246.html
C’est une Philharmonie de Paris en délire qui a salué le final de Gypsy, la « fable musicale » de Jule Styne – compositeur des musiques des films Les hommes préfèrent les blondes (1953) et Funny Girl (1968) –, dont la première française, montée en février à l’Opéra de Nancy, poursuivra sa route au Luxembourg. Considérée comme « la mère des comédies musicales », Gypsy, qui ne partage avec l’opérette de Francis Lopez (1916-1995), créée au Théâtre Sébastopol de Lille, fin 1971, que le patronyme, a vu défiler, depuis sa création en 1959 – avec la mythique Ethel Merman (1908-1984) et plus de deux mille représentations –, la plupart des grandes divas de Broadway dans le rôle écrasant de Madame Rose, ce personnage de mère abusive, dont la dévorante ambition n’aura de cesse de transformer ses deux filles, June et Louise, en stars. Tiré des mémoires de la seconde, la moins aimée et la moins douée des deux, devenue une célébrité du strip-tease sous le pseudonyme de Gypsy Rose Lee (1911-1970), le livret d’Arthur Laurents (1917-2011) relate le quotidien, entre espérances avortées et déboires bien réels, de la petite famille de saltimbanques, qui a d’abord sillonné les Etats-Unis pendant la première moitié du XXe siècle, auditionnant et se produisant dans de petits spectacles « rêvés » par leur mère. Traduit et partiellement réécrit en français par Agathe Mélinand, le texte suit le destin de la jeune Louise, que le mariage de sa sœur plus douée, June, a propulsé, faute de mieux, sur le devant de la scène. C’est alors qu’Herbie, un ancien agent d’artistes tombé amoureux de la matricielle Rose, décroche « par erreur » le sulfureux contrat qui fera basculer la vie de la jeune femme dans la célébrité. La musique de Jule Styne, ici interprétée sur scène par une grosse cinquantaine de musiciens, livre une partition enlevée, entre fanfares de cuivres et rythmes de danse, sur les paroles du jeune Stephen Sondheim (1930-2021), également compositeur, dont Sweeney Todd et Into the Woods faisaient encore, il y a peu, les riches heures du Théâtre du Châtelet, au temps de Jean-Luc Choplin. D’une grande sobriété, le dispositif élégant imaginé par Laurent Pelly, un podium central encadré d’allées et des passerelles jalonnées de néons, supporte sans faiblir deux heures de numéros, dont les changements de scènes, signifiés par des cartels portés par des personnages ou machinistes traversant l’espace, évoquent le procédé des cartoons. Inventive et vivifiante, farcie avec subtilité de ce brin d’humour dont le metteur en scène a si souvent égayé ses spectacles (magistral numéro des strip-teaseuses expliquant à la novice Louise les « ficelles » – strings – du métier), la direction d’acteurs fait mouche, renforcée par les lumières et les habiles chorégraphies de Lionel Hoche, qui recensent avec spontanéité les standards du métier (claquettes, acrobaties). Mezzo animal Véritable reine de la soirée, Natalie Dessay campe, avec une autorité rageuse, une énergie proche du désespoir et une indéniable vis comica, ce bout de femme en rouge, oriflamme de la déraison, bien décidée à sortir de sa condition et à offrir à sa progéniture une autre vie que la sienne. Sur scène, l’ancienne chanteuse lyrique est vocalement méconnaissable. Le souvenir des Reine de la nuit, Olympia, Lakmé, Manon ou autre Zerbinette ? Envolé : l’ancienne soprano colorature a changé d’étage et de registre. Son mezzo animal s’ancre désormais dans un style qui a su apprivoiser le micro et acquérir, au prix d’une transformation radicale de la technique, ce registre du belting, « voix de poitrine haute », tripale, aux profondes et puissantes résonances dramatiques. Le résultat est bluffant, presque déconcertant. Et l’on ne peut que rester suspendu aux lèvres de cette Madame Rose, monstre d’égocentrisme certes, mais touchante et émouvante dans sa fragilité et sa frustration. Dans la carrière de la chanteuse de 60 ans, nul doute que la chanson You’ll Never Get Away From Me (« vous ne serez jamais débarrassés de moi ») prend un écho particulier. Tout comme le fait de savoir que c’est sa propre fille, Neïma Naouri, qui incarne le rôle de Gypsy. Un personnage attachant que la jeune femme, à la voix chaude et parfaitement placée, impose en digne fille de sa mère, avec délicatesse et passion, qu’elle entonne le juvénile et émouvant Little Lamb ou qu’elle explose de sensualité, vilain petit canard devenu cygne, s’opposant à sa marâtre, désormais maîtresse de son propre destin. Un époustouflant panel d’artistes Un époustouflant panel d’artistes aussi bons chanteurs qu’acteurs ou danseurs renforce ce spectacle jubilatoire. Et ce, au long d’une pyramide des âges qui va des jeunes chanteurs de la Maîtrise populaire de l’Opéra-Comique (Rose Quillet-Xavier en blonde Baby June, Olivia Neri en brune Baby Louise) aux aguicheuses « Hollywood Blondes » engagées par Rose, tout comme l’équipe masculine (Rémi Marcoin, David Dumont, Léo Gabriel), où s’impose l’impressionnant Tulsa d’Antoine Le Provost, 19 ans, un mixte prometteur de Gene Kelly et de Fred Astaire. Parmi les filles, la sensuelle Barbara Peroneille (Mazeppa, impayable strip-teaseuse avec trompette coquine), Marie Glorieux (Electra, l’effeuilleuse aux accessoires lumineux) et la vaporeuse Kate Combault (Tessie Tura aux voiles de nymphe). Alors qu’il sont tous deux malmenés par Rose, la June de Medya Zana, joli soprano bien timbré, finira par quitter sa mère pour se marier, et le compatissant Herbie de Daniel Njo Lobé jettera l’éponge – non sans avoir régalé l’auditoire de son beau timbre de basse –, faute de pouvoir épouser celle qu’il aime. Menant grand train sous la battue d’un Gareth Valentine en forme olympique, l’Orchestre de chambre de Paris (il a remplacé Les Frivolités parisiennes de Nancy) n’a pas laissé une miette du festin musical. Vidéo de présentation de "Gypsy" Gypsy, de Jule Styne (musique), Stephen Sondheim (paroles) et Arthur Laurents (livret). Avec Natalie Dessay, Neïma Naouri, Medya Zana, Daniel Njo Lobé, Antoine Le Provost, Barbara Peroneille, Marie Glorieux, Kate Combault, Juliette Sarre, Rémi Marcoin, David Dumont, Léo Gabriel, Thomas Condemine, Pierre Aussedat, Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Massimo Troncanetti (scénographie), Marco Giusti (lumières), Lionel Hoche (chorégraphie), Maîtrise populaire de l’Opéra-Comique, Orchestre de chambre de Paris, Gareth Valentine (direction). Philharmonie de Paris, Paris 19e. Jusqu’au 19 avril. Reprise au Grand Théâtre du Luxembourg, les 30 avril, 2 et 3 mai. Marie-Aude Roux / LE MONDE Légende photo : Répétition générale de « Gypsy », « fable musicale » mise en scène par Laurent Pelly, avec Natalie Dessay (au centre), à la Philharmonie de Paris, le 14 avril 2025. MATHIAS BENGUIGUI/PASCO AND CO
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April 17, 4:36 AM
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Propos recueillis par Fabienne Darge dans Le Monde - Publié le 16 avril 2025 A l’occasion de la reprise, à la Porte Saint-Martin, à Paris, de deux pièces du dramaturge, le metteur en scène souligne, dans un entretien au « Monde », leur modernité et leur dimension de comédie.
Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/16/alain-francon-le-theatre-de-marivaux-mise-sur-l-intelligence-du-public_6596680_3246.html
Avec Les Fausses Confidences et La Seconde Surprise de l’amour, Alain Françon fait redécouvrir un Marivaux débarrassé de tout cliché et de tout… marivaudage. Un Marivaux aérien, et subtilement politique dans le parcours de liberté qu’il fait vivre à ses personnages. Le metteur en scène, âgé de 80 ans, s’explique sur cette redécouverte tardive de l’auteur français. Pendant longtemps, vous avez monté plutôt des auteurs contemporains ou des classiques de la modernité, comme Ibsen et Tchekhov. Comment êtes-vous venu à Marivaux ? Je m’étais essayé à Marivaux à mes débuts, déjà, en mettant en scène La Double Inconstance, avec François Cluzet en Arlequin [en 1981]. Le spectacle avait bien marché, mais j’avais eu la sensation que ce théâtre m’était complètement étranger, que je n’avais rien compris. Bien plus tard, j’ai mis en scène Un mois à la campagne, de Tourgueniev [2018], et plusieurs amis m’ont conseillé de me repencher sur Marivaux. J’ai relu notamment ses romans, La Vie de Marianne et Le Paysan parvenu, que j’ai trouvés magnifiques. Qu’est-ce qui vous a « accroché » dans ces œuvres ? Ce qui me fascine, aussi bien dans les romans que dans les deux pièces que j’ai montées, c’est l’adéquation entre l’intériorité des personnages et leur conduite sociale. Dans les romans, les deux héros, Marianne et Jacob, vivent une ascension incroyable : il y a toujours chez Marivaux la description du parcours à l’intérieur d’une société très précise. Et puis, toujours, la révélation de soi-même et de l’autre par l’amour. Dans Les Fausses Confidences, on retrouve, plus que dans La Seconde Surprise…, cette dimension romanesque qui me plaisait beaucoup : la pièce est écrite juste après les deux romans, en 1737. La manière dont Dorante dit être tombé amoureux d’Araminte, en la voyant descendre les escaliers de l’opéra, c’est du pur romanesque, c’est délicieux. Quelle est la modernité de ces pièces, notamment quant aux rôles féminins, assez uniques dans le théâtre et la littérature de l’époque ? Cette modernité est plus patente dans Les Fausses Confidences, dans la lignée de La Vie de Marianne. Il s’agit pour une femme d’être enfin le sujet de sa propre existence, d’être enfin soi-même. Et, pour cela, il faut passer par l’épreuve. Une épreuve qui, ici, est surtout sociale. Araminte doit rompre avec les coutumes, les liens familiaux. A la fin, elle est non seulement devenue elle-même, mais elle a une image embellie d’elle par tout ce qui a pu être dit de la manière dont Dorante est tombé amoureux d’elle, et qui est très valorisant : elle a refusé le mariage arrangé avec un comte, mais Dorante a fait d’elle une princesse. L’amour-propre d’Araminte a été créé par le sentiment amoureux de Dorante. Elles sont non seulement veuves, mais fortunées. Dans la société de l’époque, c’est une condition de liberté unique pour une femme, même quand la pression familiale est omniprésente, comme dans Les Fausses Confidences, par le biais du personnage de la mère. Est-ce la question du langage, aussi, qui vous a mené vers Marivaux ? Vous avez toujours travaillé des auteurs qui proposent une langue forte… Le poète Michel Deguy [1930-2022], dans un livre formidable, La Machine matrimoniale ou Marivaux [Gallimard, 1981], parle à son propos d’une « langue des jardins » qui finit par revêtir l’évidence d’une « langue maternelle ». J’aime beaucoup cette idée : c’est une langue qui est dans la délicatesse, le bourgeonnement, mais aussi dans l’économie. Et ce qui est incroyable, c’est la manière dont le sens circule dans cette économie-là. Si je me suis éloigné si longtemps de Marivaux, c’est parce que j’ai vu nombre de représentations que je n’ai pas aimées. Et c’était dû au fait que j’avais l’impression que la langue était maltraitée, comme si elle était jouée par des poissons morts. Pendant longtemps, en France, on a fait de Marivaux une langue de salon, un drame bourgeois. Alors que c’est d’une intelligence incroyable dans la manière de faire avancer les enjeux profonds par la description de tout petits riens, et pas par des événements majeurs. Comment faut-il le jouer pour sortir de cette « langue de salon » ? C’est tout sauf évident. La question du rythme est fondamentale. Marivaux disait qu’il fallait « jouer emporté » : emporté dans le flux du texte, autrement dit. C’était pour lui le gage de l’authenticité. On a fait un gros travail prosodique, quasi musical, pour trouver une forme de fluidité, et l’équilibre entre naturel et formalisme. Il y aurait un danger à en faire une langue trop familière, et, en même temps, il ne faut pas non plus prendre trop de distance, en faire juste une langue de politesse. Ce qui est très difficile à trouver, et qui est fondamental, c’est le travail sur l’instant, dans lequel sont toujours les personnages. Marivaux parle à ce sujet d’une « succession rapidement variée de moments ». J’ai fini par comprendre une chose : quand on joue ces pièces, il faut que la profondeur donnée à l’instant soit aussi grande que celle qu’il pourrait y avoir dans une destinée humaine. Est-ce ce travail sur l’instant qui donne un tel sentiment de vie sur scène ? Oui, parce que cela permet aux acteurs de jouer sans anticiper ce qui va suivre, d’être totalement dans l’instant. Et c’est beau parce que l’instant, chez Marivaux, contient toutes les contradictions humaines possibles : on peut quasiment jouer une chose et son contraire en même temps. J’ai la chance de travailler avec des acteurs formidables à ce jeu. Vous avez fait le choix d’un Marivaux sans noirceur, à cœur ouvert, alors que la tendance, ces dernières années, avait été d’accuser la cruauté de l’auteur, pour contrecarrer les clichés rose bonbon. Pourquoi ? Eh bien, je lis les pièces de près, et il me semble qu’il y a beaucoup d’optimisme en elles. Dans les deux cas, la surprise de l’amour advient, s’accomplit, et ce sont des « secondes surprises » qui plus est, montrant que l’amour peut toujours renaître, même quand on prétend y avoir renoncé, que la surprise de l’amour arrive plusieurs fois. Et puis, particulièrement dans Les Fausses Confidences, je suis sensible à l’aspect prérévolutionnaire de Marivaux. Dubois, le valet qui tire les ficelles dans la pièce, annonce le Figaro de Beaumarchais. La pièce est un drôle de mélange dans sa manière de faire bouger les places et les classes sociales, et je trouve ce mélange plutôt joyeux. L’optimisme du XVIIIe siècle est là : l’œuvre est écrite en 1737, on n’est pas très loin des premiers écrits de Rousseau, aux alentours de 1750. Marivaux est au tout début des Lumières, il annonce les philosophes qui vont suivre. Y a-t-il une dimension psychanalytique de Marivaux, dans les jeux de langage, l’articulation entre le langage et le corps, le processus du chemin vers soi ? Oui, bien sûr. Tout se joue chez Marivaux entre l’être et le paraître. Mais cette dimension est aussi un piège théâtral. Comment la faire advenir ? Il ne s’agit pas que les personnages soient l’objet d’une étude psychique, d’un point de vue surplombant. Il s’agit de laisser émerger ce mélange de conscient et d’inconscient tel qu’il se joue entre la langue et le corps. Il faut que ça échappe, comme dans la vie. Ces dernières années, j’ai cherché, de plus en plus, à fuir comme la peste l’intentionnalité au théâtre. Je vais faire un détour par Paul Cézanne, qui m’a toujours fasciné. Cézanne regardait la montagne Sainte-Victoire toute la journée, puis il rentrait chez lui et, devant sa toile, il se disait : « Tous les clichés y sont déjà, alors pourquoi peindre ? » Alors il a eu ce mot incroyable : « Il faut créer un chaos irisé. » Une touche de peinture après l’autre, il créait un rythme, une transposition. Je trouve cette opération absolument nécessaire au théâtre : la trop grande intentionnalité produit le cliché immédiatement. Cela peut sembler paradoxal, car j’ai passé des mois à lire des livres sur Marivaux, mais il faut arriver à se mettre dans cet endroit de non-savoir. La langue de Marivaux a une structure énorme, mais c’est une langue qui autorise. Je crois que c’est pour cela que je l’ai rencontré à ce stade de mon parcours : parce qu’il autorise. Avec les années, votre registre est passé largement du tragique au comique, et vous épousez tout à fait la dimension de comédie de ces deux pièces. En quoi est-ce important ? Les Fausses Confidences et La Seconde Surprise de l’amour sont des comédies, à respecter comme telles. Sans aller chercher un rire forcé, le plaisir et la jubilation du public sont importants dans le processus mis en place par Marivaux. Il y a quelque chose de totalement jubilatoire dans sa langue et dans les situations qu’il invente, et qui implique un aspect fondamental, et politique : chez lui, le public n’est pas un tiers exclu, mais un tiers inclus. Il est mis dans la confidence, par un théâtre qui mise sur son intelligence. Comment expliquez-vous l’évolution chez vous vers la légèreté et le comique ? C’est lié à ce que j’évoquais sur la question de l’intentionnalité. Je dois beaucoup, intellectuellement, à l’auteur Edward Bond [1934-2024], mais il y a énormément d’intentionnalité dans son théâtre, et je crois qu’avec le temps on en a vu les limites. Non seulement parce que cela produit du cliché, mais il y a aussi ce constat : pendant des années, on a produit, en France, des spectacles qu’on a crus politiques. On a dit ce qu’il fallait penser, ce qu’il fallait faire. Et où en est-on aujourd’hui ? On se demande s’il n’y a pas eu un effet boomerang. J’ai trouvé magnifique le dernier livre du philosophe Jacques Rancière, Au loin la liberté [La Fabrique éditions, 2024], qui est un essai sur Tchekhov. Il y fait le constat que la littérature politique, la vraie, réside dans la description. Pas dans le discours, pas dans les situations. Tchekhov, Marivaux, Feydeau ou Michel Vinaver [1927-2022] ne vous disent pas ce qu’il faut penser. Ils ont une position plus en biais, moins frontale, qui me semble être devenue beaucoup plus juste aujourd’hui. Les Fausses Confidences et La Seconde Surprise de l’amour, de Marivaux. Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris 10e, du 16 avril au 25 mai, et du 4 juin au 13 juillet. Propos recueillis par Fabienne Darge / Le Monde Légende photo : Alain Françon, metteur en scène, à La Scala, à Paris, le 17 février 2023. CLÉMENTINE SCHNEIDERMANN POUR « LE MONDE »
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Le spectateur de Belleville
April 16, 4:48 AM
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Par Laure Solé dans le Petit Bulletin - Lyon - 9 avril 2025 C'est une baisse de 12 % du budget consacré au fonctionnement relatif à la culture, à la création et à l'enseignement artistique que la Région Auvergne-Rhône-Alpes a discrètement élaboré. Les lignes des tutelles de nombreux lieux, dispositifs et compagnies ont disparu des commissions culture de la Région tandis que d'autres ont été rabotées. C'est le média national consacré au spectacle vivant Sceneweb qui avait fait les comptes en premier : depuis les commissions culture de février et mars, les couperets tombent sur les artistes et les lieux de toute la région, totalisant une baisse de 5, 2 millions d'euros dans tout l'écosystème culturel du territoire. La Région Auvergne-Rhône-Alpes avait pourtant annoncé une hausse du budget culture-patrimoine par rapport à celui de 2024, de 8, 5 millions d'euros précisément. Force est de constater que c'est surtout le volet patrimoine qui profitera de cette hausse, à hauteur de 34 % contre 11 % pour la partie culture. Une somme qui est allouée à de nombreux projets patrimoniaux tels que le château-musée de Saint-Maurice-de-Rémens, la cité de la civilisation gauloise Gergovia dans le Puy-de-Dôme, la Halle aux blés à Clermont-Ferrand, la restauration du Domaine royal de Randan dans le Puy-de-Dôme et, évidemment, l'agrandissement du musée lyonnais, le Musée des tissus, dont l'ouverture a été repoussée à 2030. Il devait cependant rester une belle part allouée à la culture. Cependant, 33 % du budget culture est dédié à l'investissement. En résulte donc une baisse de 12 % du budget consacré au fonctionnement relatif à la culture, à la création et à l'enseignement artistique. Lyon en première ligne Dans la métropole de Lyon, Ramdam a perdu 8 000 €, le théâtre de l'Iris 5 000 €, la SMAC 07 d'Annonay 30 000 € et AFX Lyon 15 000 € totalisant une baisse de 58 000 € par rapport à 2024. À cela, il faut ajouter le théâtre de l'Élysée, les Clochards célestes, À Thou bout d'chant, la MJC Ménival, Le centre Leo Lagrange – Espace Tonkin Villeurbanne, Le grand nid de poule et Désoblique qui ont disparu des tableaux, perdant au passage la totalité de leurs subventions (pour un total de -139 500€ par rapport à 2024). Mis bout à bout ce sont 197 500€ qui sont désengagés des structures consacrées à la culture, à la création et à l'enseignement artistique dans la métropole de Lyon. D'autres structures de la région ne sont pas épargnées : Le Pacifique, CDCN de Grenoble perd 15 000 € tandis que La Manufacture Aurillac, le Footsbarn théâtre à Hérisson, Le Prunier sauvage, La bobine et Cultur'act à Grenoble ont aussi disparu des tableaux, ce qui représente -78 500€ par rapport à 2024. Les compagnies du territoire ont aussi été visées par une coupe drastique. En tout, 546 000 € de tutelles ont été supprimées depuis l'année 2024. Une baisse qui concerne 23 compagnies auxquelles il faut ajouter les compagnies qui ont disparu du tableau : celle de Maguy Marin, le groupe Émile Dubois (la structure de Jean-Claude Gallotta), la cie Chatha (danse), Les Nouveaux nez (cirque), la cie Kumulus, Magma performing theatre (arts de rue), la cie Travelling, Brozzoni, La belle meunière, Lézard dramatique, Raskine & cie et Scènes (théâtre). Cinq groupes de musique et ensembles se sont aussi vus accorder des subventions rabotées par rapport à 2024 (-57 000 €). Contactée, la Région Auvergne-Rhône-Alpes réfute avoir revu à la baisse le budget de la culture : « Pas un euro de baisse ! Peu d'autres collectivités dans notre région peuvent en dire autant. Nous avons procédé à des rééquilibrages dans le domaine culturel au profit de nos territoires ruraux. » Un argumentaire que la collectivité avait déjà brandi plusieurs fois lors de précédentes baisses de subventions. Pour illustrer son propos, celle-ci évoque un "bon élève", l'Opéra de Lyon qui avait pu récupérer une partie de sa subvention en 2024, en la fléchant exclusivement vers un dispositif d' "Opéra itinérant" dans toute la région : « Nous favorisons désormais tous ceux qui permettent d'amener la culture dans les territoires, notamment vers ceux qui en sont les plus éloignés. La plus belle démonstration de cette nouvelle politique, c'est tout le travail que nous avons mené avec l'Opéra de Lyon. » La Région assume donc, après coup, les coupes ciblées sur les importants centres urbains : un peu Grenoble, surtout Lyon. Au-delà du discours qui motive ces baisses, c'est une décision que de nombreuses structures auraient souhaité anticiper. Des baisses sans préavis Plusieurs déclarent avoir appris ce revirement en découvrant la ligne manquante dans les tableaux de la Région, parfois au téléphone, parfois entre deux portes. « J'étais en commission DRAC, on est allés fumer une cigarette avec mon conseiller et il m'a annoncé que ma compagnie perdait l'entièreté de sa subvention, soit 25 000€ », témoigne Nadège Prugnard, qui dirige Magma performing theatre ainsi que les Ateliers Frappaz, Centre national des arts de la rue et de l'espace public situé à Villeurbanne. Elle se dit « accablée », une grande partie de cette subvention devait servir des actions culturelles écrites en partage avec les Ateliers Frappaz. Elle ne se résout pas à une fin de non-recevoir : « on a déjà pris des engagements auprès d'acteurs, c'est très compliqué de rétropédaler ». Du côté de l'école de cirque de Lyon – MJC Ménival, c'est l'entièreté du projet de l'école qui est remis en cause. La formation préparatoire aux grandes écoles de cirque reconnue par le ministère de la Culture a perdu l'entièreté de sa subvention, soit 60 000 €, sans laquelle il semble impossible d'amener les douze élèves au terme de leur cursus de deux ans, car celle-ci risque de fermer en juin prochain. La formation préparatoire jouit pourtant d'un taux de réussite record de 80 % en écoles supérieures. Celle-ci irrigue directement les 160 compagnies présentes sur le territoire, dont 52 % sont diffusés hors région, 14 % à l'étranger et 34 % dans la région. « Les élèves sont en état de choc. On leur coupe leurs rêves, leur projet professionnel », témoigne Nadège Cunin, coordinatrice générale de l'école de cirque de Lyon qui évoque la responsabilité de la Région en matière de formation et s'inquiète des impacts sur le long terme : « Si on continue dans cette direction, dans 10 ans, il n'y aura plus d'artistes de cirque. On sabote le premier maillon de la chaîne. » L'école a d'ailleurs lancé une pétition en ligne pour inciter la collectivité à rouvrir le dialogue. Quelle place pour l'émergence ? La MJC Ménival – école de cirque de Lyon était accompagnée par la Région au titre de l'appel à projets Scènes découvertes lancé par la Ville de Lyon et auquel la Région était partenaire avec la DRAC. La collectivité se retire du dispositif sans avoir préalablement sollicité de bilan et déclare « souhaiter analyser les projets au regard de ses critères d'aides aux lieux du spectacle vivant (diffusion, soutien à la création et action culturelle) et des équilibres territoriaux ». Cinq structures lyonnaises sont concernées. Pour le théâtre de l'Élysée, c'est un poste à mi-temps, des heures d'intermittence et des coproductions qui disparaissent, pour le théâtre des Clochards célestes, plus de minimum garanti et de défraiement pour les artistes, plus de brochure de saison, peu ou plus de déplacements pour aller voir des spectacles en dehors de Lyon. Pour la salle de concerts À Thou bout d'chant, c'est un 35h qui saute, et au moins huit concerts et deux projets d'action culturelle avec des lycéens qui passent à la trappe, sans compter les résidences d'artistes qui vont, elles aussi, se raréfier. « À l'échelle de la Région, les montants sont pourtant petits », rappelle Emma Nardone qui codirige la salle de concert. C'est 15 000 € en moins pour À Thou bout d'chant, même montant pour l'Élysée, 17 000€ pour le théâtre des Clochards célestes. « C'est pourtant énorme à l'échelle de nos budgets », abonde Martha Spinoux-Tardivat, la directrice du théâtre des Clochards célestes qui rappelle que « les compagnies qu'on fait jouer sont en grande partie issues des territoires de la région, nous sommes le premier maillon de la chaîne, essentiel pour que les artistes puissent exister, et éventuellement, évoluer ». Emma Nardone approuve et rappelle qu'avant de remplir des Zéniths, des artistes comme Terre noire, ou Pomme, sont passés par les planches d'À Thou bout d'chant. Des petites jauges qu'on ne retrouve peu ou pas en ruralité : « J'y vois une forme d'eugénisme... on garde que ce qui est très gros, visible, sans se poser la question des autres formes existantes ou de ce qui a permis leur émergence », conclut Martha Spinoux-Tardivat. De nombreux lieux et artistes espèrent voir leur structure réévaluée au cours des prochaines commissions culture de la Région. Pour rappel, le festival Sens interdits n'avait obtenu sa subvention de 2024 qu'en octobre dernier. Certaines d'entre elles n'ont d'ailleurs pas souhaité prendre la parole, jugeant trop grand le risque d'être identifiées persona non grata par la collectivité, et de perdre ainsi l'hypothétique retour de leur tutelle. Raconte-moi la suite En tout état de cause, ce régime sec interroge. Pour rappel, le controversé spectacle Raconte-moi la France avait bénéficié d'un soutien à la promotion de 445 000€ puis de 60 000€ par la Région en 2024. Au-delà du geste particulièrement généreux, force est de constater que le spectacle est à l'arrêt depuis ses premières dates à Clermont-Ferrand données du 26 au 31 octobre 2024. Les représentations lyonnaises ont été annulées et aucune nouvelle date n'a été annoncée depuis. D'après la Région, « les spectacles lyonnais ne sont pas annulés mais reportés de quelques mois pour des raisons d'organisation. La tournée de ce spectacle grandiose, est prévue dans trois à quatre villes par an pendant cinq ans. » Laure Solé / Le Petit Bulletin - Lyon
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April 11, 11:56 AM
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Décès en 2024 : Personnalités théâtre, arts de la scène, cinéma
Décès 2024 Laurent Achard Cinéaste 25/03/24 - 59 ans https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Achard Anouk Aimée Comédienne 18/06/24 - 92 ans https://fr.wikipedia.org/wiki/Anouk_Aim%C3%A9e Ecouter deux émissions d’entretiens avec Anouk Aimée, enregistrés en 2014 par Laure Adler sur France Culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-anouk-aimee-des-roles-et-une-femme Photo : Giancarlo Botti/Gamma-Rapho Chantal Albo Théâtre Paris-Villette 22/02/24 https://sceneweb.fr/la-mort-de-chantal-albo/ Niels Arestrup (01/12/24 - 75 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Niels_Arestrup Odette Aslan (20/07/24 - 98 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/odette-aslan-une-vie-pour-la-scene/ Micheline Attoun (14/03/24 - 88 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/micheline-attoun-femme-dengagements/ Philippe Bachman (02/02/24 - 57 ans) https://www.cnc.fr/cinema/actualites/hommage-a-philippe-bachman_2118064 Laurence Badie (11/01/24 - 95 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurence_Badie Basile Bernard de Bodt (16/09/24 - 67 ans) https://www.basile-bernard-debodt.fr/accueil.cfm/366572_basile-bernard_de_bodt.html Roland Bertin (19/02/24 - 93 ans) https://www.loeildolivier.fr/2024/02/roland-bertin-mort-dun-seigneur-de-theatre/ Michel Blanc (03/10/24 - 72 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Blanc Christine Boisson (21/10/24 - 68 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_Boisson Edward Bond (03/03/24 - 86 ans) https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/selection-edward-bond-le-theatre-de-l-extreme Jacques Boudet (14/07/24 - 89 ans) https://www.loeildolivier.fr/2024/07/jacques-boudet-les-adieux-au-grand-jacques/ Jean-Claude Bourbault Acteur 01/10/24 - 79 ans https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Bourbault Philippe Buquet (19/03/24 - 69 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/philippe-buquet-un-esprit-essentiel/ Laurent Cantet Cinéaste (25/04/24 - 63 ans) https://www.lesechos.fr/weekend/cinema-series/laurent-cantet-1961-2024-le-dernier-voyage-2091334 Patrice Cauchetier Costumier (15/07/24 - 80 ans) http://theatredublog.unblog.fr/2024/08/10/adieu-patrice-cauchetier/ https://www.arts-florissants.org/actualites/hommage-au-costumier-patrice-cauchetier Caroline Chaniolleau (11/06/24 - 71 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/caroline-chaniolleau-lenvol-de-la-grace/ Edgardo Cozarinsky Cinéaste argentin (02/06/24 - 85 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Edgardo_Cozarinsky Gilles Defacque Clown, directeur de théâtre (28/12/24 - 79 ans) https://sco.lt/4xRAUS Renée Delmas Directrice de théâtre (31/03/24 - 94 ans) https://www.loeildolivier.fr/2024/04/renee-delmas-le-theatre-en-poche/ Basile Bernard de Bodt (09/09/24 - 67 ans) Alain Delon (18/08/24 - 88 ans) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/hommage-a/hommage-a-alain-delon-du-dimanche-18-aout-2024-1025509 Philippe Deplanche (22/04/24 - 71 ans) https://www.imdb.com/fr/name/nm0220100/ Jérôme Derre (16/04/24 - 65 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/jerome-derre-inoubliable/ Prosper Diss (25/01/24 - 89 ans) https://www.facebook.com/story.php/?story_fbid=794363509378686&id=100064151315864 Guillaume Druez Comédien / auteur belge (26/02/24 - 34 ans) https://www.lalibre.be/culture/scenes/2024/02/27/le-comedien-guillaume-druez-sen-est-alle-Q7TKF2HTCRHSLGUHM63CWDYSUI/ https://le-carnet-et-les-instants.net/2024/02/27/deces-de-guillaume-druez/#more-69485 Jean-Michel Dupuis (14/09/24 - 69 ans) https://actu.fr/normandie/gournay-en-bray_76312/le-comedien-jean-michel-dupuis-originaire-de-gournay-en-bray-est-mort_61612568.html Shelley Duvall Actrice américaine (11/07/24 - 75 ans ) https://fr.wikipedia.org/wiki/Shelley_Duvall Genco Erkal comédien, auteur, réalisateur turc (31/07/24 - 86 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Genco_Erkal Georges Forestier Universitaire, spécialiste du théâtre du 17e siècle (18/04/24 - 72 ans) https://www.fabula.org/actualites/120276/disparition-de-georges-forestier.html Denis Fouquerau Comédien, artiste de rue, clown (21/09/24 - 42 ans) https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/necrologie-ne-a-saumur-installe-a-angers-le-comedien-denis-fouquereau-avait-soif-de-contacts-dace4742-78fe-11ef-baa4-02fdc42b3515 Michel Frantz Dir. de la musique à la Comédie-Française (6/09/24 - 93 ans) https://regardencoulisse.com/deces-de-michel-frantz/ Jany Gastaldi (25/11/24 - 76 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/jany-gastaldi-une-flamme-seteint/ Geneviève Grad (07/11/24 - 80 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Genevi%C3%A8ve_Grad Alexis Grüss Ecuyer, directeur de cirque (6/04/24 - 90 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_Gr%C3%BCss Hannelore Hoger (21/12/24 - 82 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hannelore_Hoger Didier Kaminka Réalisateur, acteur ( 25/09/24 - 79 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Didier_Kaminka Kris Kristofferson Chanteur et acteur américain (28/09/24 - 88 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Kris_Kristofferson Philippe Laudenbach (22/04/24 - 88 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Laudenbach Philippe Leroy-Beaulieu acteur 01/06/24 - 93 ans https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Leroy-Beaulieu_(acteur) Denis Llorca Metteur en scène (15/02/24 - 74 ans) https://lejournaldarmelleheliot.fr/denis-llorca-artiste-flamboyant/ Titouan Maire Apprenti acrobate (CNAC) (06/05/24 - 23 ans) https://etudiant.lefigaro.fr/article/etudes/un-etudiant-en-cirque-fait-une-chute-mortelle-lors-d-un-exercice-20240507/ Daniel Martin (07/03/24 - 72 ans) https://sceneweb.fr/la-mort-de-daniel-martin/ Mladen Materic Tattoo Théâtre (02/06/24-71 ans) https://www.theatregaronne.com/artiste-associe/mladen-materic Margaret Menegoz Productrice de films (7/08/24 - 83 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Margaret_Menegoz Sandra Milo actrice italienne (29/01/24 - 90 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Sandra_Milo Paul Morrissey (28/10/24 - 86 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Morrissey Guy Naigeon (07/12/24 - 93 ans) http://compagnielestroishuit.fr/artiste/guy-naigeon Andrea Novicov Metteur en scène (05/06/24 - 66 ans) https://angledange.ch/about/ Marisa Paredes Comédienne espagnole (16/12/24 - 78 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Marisa_Paredes Orélien Péréol (Roland Petit) critique dramatique (27/03/24 - 70 ans) https://www.leshumanites-media.com/post/or%C3%A9lien-p%C3%A9r%C3%A9ol-mort-d-un-d%C3%A9cal%C3%A9-chronique Georges Perpès Metteur en scène (18/05/24 - 70 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Perpes René Pollesch metteur en scène allemand (26/02/24- 61 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Pollesch Micheline Presle (21/02/24 - 101 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Micheline_Presle Gena Rowlands (14/08/24 - 94 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gena_Rowlands Serge Saada (27/08/24 - 59 ans) https://www.culturesducoeur.org/Home/Actu_afficher?id_actu=7076 Maggie Smith actrice britannique (27/09/24 - 89 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Maggie_Smith Donald Sutherland acteur canadien (19/06/24 - 88 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Sutherland Laurent Tirard cinéaste réalisateur, scénariste (05/09/24 - 57 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Tirard Tania Torrens Actrice, sociétaire de la Comédie-Française 12/12/24 - 79 ans https://fr.wikipedia.org/wiki/Tania_Torrens https://www.loeildolivier.fr/2024/12/tania-torrens-une-etoile-a-file-au-firmament/ Rimas Tuminas (metteur en scène lithuanien) (06/03/24 - 72 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Rimas_Tuminas Erika Vandelet (21/10/24 - 67 ans) https://www.ouest-france.fr/bretagne/lorient-56100/disparition-de-la-comedienne-engagee-erika-vandelet-a-lorient-2a296cf2-920b-11ef-83a4-0ededa6d6967 https://www.erika-vandelet.com/biographie/ Jean-Marie Villégier metteur en scène de théâtre et d’opéra (23/01/24 - 87 ans) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marie_Vill%C3%A9gier
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Le spectateur de Belleville
April 10, 11:50 AM
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par Ève Beauvallet dans Libération, publié le 10 avril 2025 La métropole, la région Occitanie et le ministère ont annoncé ce jeudi 10 avril le nom de la nouvelle équipe de direction retenue pour piloter ce nouveau projet de place forte de la danse en France. Fin du suspens pour le secteur chorégraphique : la candidature au rayonnement international le plus manifeste a finalement été retenue par la métropole de Montpellier, la région Occitanie et le ministère de la Culture. Très peu de candidats s’étaient lancés dans la course pour la direction de cette nouvelle structure, intimidés qu’ils étaient sans doute par la candidature de Nicolas Dubourg, ancien président du plus puissant syndicat des scènes publiques (le Syndeac) que l’on disait grand favori du maire Michaël Delafosse. Un modèle «innovant et hybride» Le choix de ses principaux adversaires n’a cependant rien de surprenant : l’attelage entre le chorégraphe israélien basé à Londres Hofesh Shechter, devenu star mondiale de sa discipline, et de la directrice artistique Dominique Hervieu, passée par Chaillot, la Biennale de Lyon et les JO de Paris, représentait une candidature des plus solides pour diriger cette nouvelle structure au modèle vanté comme «innovant et hybride». Ils sont accompagnés par la chorégraphe hip-hop Jann Gallois et le directeur artistique Pierre Martinez. L’Agora est en fait issue de la fusion entre deux entités quadragénaires indissociables de l’aventure de la danse en France – d’un côté le prestigieux festival de Jean-Paul Montanari Montpellier Danse (3,6 millions d’euros de budget), de l’autre le Centre chorégraphique national (2,1 millions de budget) lancé jadis par le chorégraphe Dominique Bagouet, en lien étroit avec le maire d’alors, Georges Frêche. Ève Beauvallet / Libération, Légende photo : L’Agora est issue de la fusion entre deux entités indissociables de l’aventure de la danse en France : le festival Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national. (Eric Beracassat/Hans Lucas. AFP)
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April 9, 11:04 AM
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Par Cristina Marino dans Le Monde - Publié le 8 avril 2025 Cédric Revollon mêle jeu d’actrices, théâtre d’ombres et manipulation de marionnettes pour mettre en scène un texte de Léonore Chaix sur Irena Sendler, qui a sauvé 2 500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/08/avec-juste-irena-la-compagnie-paname-pilotis-se-fait-passeuse-d-histoires-entre-les-generations_6592791_3246.html
Déjà remarquée pour sa précédente création marionnettique, Les Yeux de Taqqi (2016), nommée aux Molières 2020 dans la catégorie Jeune public, la compagnie Paname Pilotis, créée en 2004 par le comédien et metteur en scène Cédric Revollon, revient avec un nouveau spectacle, Juste Irena. Derrière ce titre court et énigmatique se cache une personne bien réelle, Irena Sendler (Irena Stanislawa Sendlerowa, 1910-2008), dont le nom semble être longtemps resté dans les oubliettes de l’histoire, alors qu’elle a été reconnue Juste parmi les nations en 1965 pour avoir sauvé 2 500 enfants juifs du ghetto de Varsovie pendant la seconde guerre mondiale. Cette assistante sociale et militante polonaise, bien moins connue que l’industriel allemand Oskar Schindler – rendu célèbre par le film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler (1993) –, a cependant été candidate pour le prix Nobel de la paix en 2007, à la demande du Sénat polonais. Elle ne l’obtiendra pas (Al Gore et le GIEC se le partageront cette année-là), mais, à cette occasion, elle a gagné un peu de visibilité, juste avant sa mort. Pour évoquer le combat de cette femme qui a risqué sa vie pour sauver celle des autres (arrêtée en 1943 par la Gestapo, elle a été torturée et condamnée à mort avant d’être sauvée in extremis par une organisation clandestine polonaise) et surtout le rendre intelligible pour le jeune public d’aujourd’hui, Cédric Revollon a choisi de croiser plusieurs temporalités, plusieurs époques en variant les techniques d’interprétation et de représentation scénique. Réseau de femmes La période de la seconde guerre mondiale est abordée à travers le théâtre d’ombres et quelques marionnettes (notamment des créatures monstrueuses à tête de loup pour symboliser les nazis), la lutte quotidienne de « Jolanta » (le nom d’Irena Sendler dans la clandestinité) et des autres membres de son réseau, essentiellement des femmes, pour sauver des enfants juifs est incarnée par quatre comédiennes. Quant aux années actuelles, elles sont évoquées grâce à quatre marionnettes, conçues par Anaël Guez et Julie Coffinières, manipulées au plateau par les mêmes actrices (qui passent avec aisance de l’ombre, cachées derrière leurs marionnettes, à la lumière de l’interprétation face au public). Outre le personnage central d’Irena, représenté sous les traits d’une marionnette de vieille dame évoquant ses souvenirs à 94 ans, la troupe fait aussi entrer en scène, toujours sous la forme de marionnettes portées, trois étudiantes américaines du Kansas, Liz, Megan et Sabrina, qui, dans les années 1990, ont réellement enquêté sur Irena Sendler, dans le cadre d’un projet pédagogique sur les héros oubliés, et contribué à la faire sortir de l’ombre. A travers le dialogue entre ces différentes générations de femmes se dessine un pont entre le passé et le présent, entre l’histoire et les histoires individuelles. En cette année de commémoration des 80 ans de l’ouverture du camp d’Auschwitz-Birkenau, un spectacle jeune public, à la fois pédagogique et poétique, comme Juste Irena, contribue à l’indispensable devoir de mémoire et à la défense de valeurs comme l’humanisme, l’empathie et la solidarité. Conçu comme « une histoire à transmettre pour ne pas oublier que même sur les charniers fleurissent les coquelicots », pour reprendre la définition qu’en donne son metteur en scène, il œuvre à sa manière à « réparer le monde », selon le concept du « tikkoun olam » de la pensée hébraïque. Juste Irena, par la compagnie Paname Pilotis. Texte : Léonore Chaix. Conception et mise en scène : Cédric Revollon. Avec Camille Blouet, Anaël Guez, Nadja Maire et Sarah Vermande. En tournée, notamment le 11 avril à Louvres (Val-d’Oise), le 29 à Cannes (Alpes-Maritimes), le 6 mai à Herblay (Val-d’Oise)… Au Festival « off » d’Avignon, théâtre L’Entrepôt, du 5 au 26 juillet. Cristina Marino / Le Monde Légende photo : De gauche à droite : Anaël Guez (marionnette de Liz), Nadja Maire (marionnette d’Irena), Camille Blouet (marionnette de Megan) et Sarah Vermande (marionnette de Sabrina) dans « Juste Irena », de la compagnie Paname Pilotis, mise en scène par Cédric Revollon, en avril 2024. ALEJANDRO GUERRERO
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Le spectateur de Belleville
April 8, 4:04 PM
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Par Sonya Faure dans Libération le 8 avril 2025 Subtile réflexion sur la mémoire en fuite, la pièce musicale retrace avec poésie la lutte du compositeur, brillamment incarné par Vladislav Galard, contre une maladie neurodégénérative. Un décor outrageusement classique, un homme à barbe déguisé en soubrette : les premiers stimuli envoyés à nos neurones sont un peu dissonants. Des riffs de batterie font bondir le public à peine assis. Mais voilà Vladislav Galard qui entre en robe de chambre, presque dansant, comme au ralenti, annonçant la délicatesse du morceau de théâtre à venir autour des dernières années de Maurice Ravel. Présenté dans la petite salle du théâtre Silvia-Monfort, Dans le cerveau de Maurice Ravel retrace la lutte du compositeur du Boléro contre la maladie neurodégénérative qui, progressivement, implacablement, borne sa créativité et le livre à ses obsessions. La maison étroite où l’on se trouve avec lui, c’est le Belvédère de Montfort-l’Amaury (Yvelines) que le musicien a acheté en 1931, où il vivra seul avec sa gouvernante, Mme Reveleau (Thomas Gonzalez), jusqu’à sa mort en 1937. Aura-t-il le temps de finir son opéra sur Jeanne d’Arc ? Il l’a tout entier dans la tête, mais parviendra-t-il à l’en sortir ? «Je rature beaucoup Mme Reveleau en ce moment.» L’ensemble de la pièce est organisé autour du face-à-face, drôle et léger, du musicien et de sa gouvernante, sorte de Céleste Albaret (en moins sympathique que la gouvernante de Proust). Après tant d’années passées à ses côtés, Mme Reveleau a fini par s’y connaître en arpèges et harmonies. Avec une grande intelligence d’écriture, par de simples touches, on entend la rivalité de Ravel et Debussy, l’amour du jardin du compositeur (on peut toujours visiter, à Montfort-l’Amaury, le jardin japonais qu’il a lui-même dessiné), sa passion pour les systèmes, pour la mécanique et le savant ordonnancement des choses et des notes, sa volonté de ne pas se laisser aller aux sentiments. A mesure que la maladie gagne, le décor se déforme sous l’influence des jeux de lumières (Kelig Le Bars), la batterie se rapproche et gronde – un peu trop en force parfois. Le texte de la pièce (coécrit par le metteur en scène Julien Fišera et par Vladislav Galard) est d’une telle poésie et d’une telle justesse qu’on voudrait l’entendre plus fort encore. Les insomnies, les cauchemars, les listes de choses à se réciter chaque jour pour tenter d’en retenir la mémoire. L’espoir d’une opération et le coma dont le compositeur ne se réveillera pas après sa trépanation. A jamais, Jeanne d’Arc restera dans le cerveau de Ravel. Dans le cerveau de Maurice Ravel, mes Julien Fišera, écriture du texte Julien Fisera et Vladislav Galard, écriture musicale Anthony Laguerre. Jusqu’au 10 avril au théâtre Silvia-Monfort, (75015). Puis le 13 mai au théâtre des Quatre-Saisons (Gradignan). Sonya Faure / Libération Légende photo : «Dans le cerveau de Maurice Ravel» retrace la lutte du compositeur du «Boléro» contre la maladie neurodégénérative. (Simon Gosselin)
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