Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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Rescooped by Le spectateur de Belleville from Revue de presse théâtre
September 2, 2018 4:11 AM
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Comment utiliser au mieux la Revue de presse Théâtre

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Bonne navigation sur la Revue de presse théâtre !

 

Au fait, et ce tableau en trompe-l'oeil qui illustre le blog ? Il s'intitule  Escapando de la critica, il date de 1874 et c'est l'oeuvre du peintre catalan Pere Borrel del Caso

 

Julie Dupuy's curator insight, January 15, 2015 9:31 AM

Peut être utile au lycée

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«To Like or Not», un spectacle interactif où tout peut basculer d’un Insta à l’autre 

«To Like or Not», un spectacle interactif où tout peut basculer d’un Insta à l’autre  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sonya Faure dans Libération - 10 février 2025

 

Dans un spectacle où s’enchaînent contenus postés sur les réseaux sociaux, pièce de théâtre et expérience de réalité virtuelle, Emilie Anna Maillet explore les images et les masques que les adolescents se créent.

 

Accolés au titre shakespearien de la pièce, To Like or Not, les mots semblent redonder : un «spectacle augmenté sur l’adolescence». L’adolescence, période déjà assez riche en émotions, boursoufflée de honte et de malaises, débordante de fièvre et d’exaltation, avait-elle vraiment besoin d’être encore augmentée ? Mais ici le terme est à prendre au sens strict et technique : la metteuse en scène Emilie Anna Maillet prolonge sa pièce de théâtre de dispositifs numériques avant, pendant et après sa représentation – vue au théâtre des Quartiers d’Ivry, la pièce arrive au théâtre des Abbesses, à Paris.

 

 

D’abord sur Instagram, où les personnages Marilou, Jules-Elie, Alma… ont un compte que l’on peut suivre (les stories ont été tournées avec les élèves du lycée Voltaire, à Paris, où Emilie Anna Maillet mène des ateliers). Puis, dans le hall du théâtre, une heure avant la représentation, où une expérience de réalité virtuelle (VR) permet de prendre la place d’un des six personnages invités à une soirée chez Alma. Dans les basques d’Anaïs, on s’est fait harceler, pressée et bousculée par des ados en surchauffe. Dans notre casque de VR, leurs grosses têtes venaient se coller à notre visage, dans une ambiance flottante où on aurait juré sentir des vapeurs d’alcool. Puis on a choisi de devenir Victor, et, assis dans un canapé, on a été «outé» en pleine soirée par une amie ivre. Et sur la scène enfin, la pièce de théâtre, où nous les retrouvons tous, cette fois-ci incarnés par des comédiens, au lendemain de la soirée que nous venons de vivre. Comment chacun va-t-il se confronter à ce qu’il vient d’encaisser ou d’observer ? Comment ces adolescents qui avaient construit avec tant d’effort leur image au lycée et sur les réseaux sociaux, vont-ils s’adapter à celle qui vient d’être révélée à la soirée, filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, et qui constitue désormais leur réputation, leur double ?

Former les personnels aux nouvelles technologies

 

Pour monter son projet à destination des adolescents, Emilie Anna Maillet, artiste associée à la MC2, la scène nationale de Grenoble, «a été chercher de l’argent là où personne ne pense à le faire», raconte le directeur du théâtre qui produit le spectacle, Arnaud Meunier. C’est-à-dire auprès de la Caisse des dépôts et consignations, du quatrième Programme d’investissements d’avenir et du projet «France 2030». Lancé par Emmanuel Macron en 2021 et géré depuis Matignon, ce dernier consacre 54 milliards d’euros au développement de l’innovation dans de multiples secteurs, dont un milliard est fléché vers les industries culturelles (à titre de comparaison, l’ensemble du budget Culture 2025 est de 4,5 milliards). Comme ces noms et acronymes peuvent le suggérer, remplir un dossier pour une subvention du «PIA 4» demande un petit entraînement. «A côté, les appels à projet européens, c’est de la petite bière, témoigne Arnaud Meunier. Au premier rendez-vous, la Caisse des dépôts m’a expliqué que ses subventions visaient à “amorcer et dérisquer” les projets. Je leur ai d’abord demandé ce que ça voulait dire. Puis je me suis rendu compte que c’était complètement dingue. Dans le spectacle vivant aujourd’hui, ça n’arrive jamais qu’on vous dise : “On vous prête de l’argent pour que vous essayiez des trucs et que vous puissiez vous tromper.”»

 

C’est d’ailleurs le paradoxe : très conséquentes, les subventions de France 2030 permettent de monter des projets innovants, portés par des artistes… mais qui risquent de n’être que des vitrines un peu vaines si de son côté le budget Culture ne cesse d’être raboté et que le secteur ne peut se structurer, les lieux théâtraux adapter leurs bâtiments et former leurs personnels à ces nouvelles technologies encore lourdes à déployer. En tout, la MC2 et la compagnie d’Emilie Anna Maillet ont reçu une subvention de 830 000 euros pour leur projet «Nouveaux récits pour la jeunesse», qui comprend To Like or Not, un futur projet autour du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux et la création d’un département Recherche & Développement à la MC2, ouvert aux artistes en quête d’accompagnement pour leurs projets en VR.

«A mes jeunes spectateurs, je demande de faire tout ce qui est normalement interdit au théâtre»

 

Emilie Anna Maillet résume le fil de son spectacle : «On part de la poche [avec Instagram et le téléphone] et on finit sur du spectacle purement vivant.» Les six films projetés dans chacun des casques VR de l’installation ont été minutieusement scénarisés. «Souvent, dans les expérimentations de réalité virtuelle, les spectateurs sont en position de voyeurs, explique-t-elle. Ici au contraire, j’ai utilisé une caméra particulière, pas la plus pointue technologiquement, pour pouvoir filmer les autres personnages très proches de vous, que vous ayez la sensation qu’il n’y a pas de distance entre vous et le monde, une impression typique de l’adolescence. C’est de la réalité virtuelle, mais on a fait du Méliès : les ralentis sont faits par les acteurs eux-mêmes, on a eu recours à une machinerie de plateau. Aucune postproduction en 3D et compagnie.»

Et alors que la pièce To Like or Not va commencer, un ouvreur débarque qui, au lieu de nous presser d’éteindre nos téléphones portables, nous demande de nous connecter à Instagram. «A mes jeunes spectateurs, je demande de faire tout ce qui est normalement interdit au théâtre, s’amuse Emilie Anna Maillet. Avoir son téléphone allumé, interagir…» Dans les représentations pour les scolaires surtout, ils sont vibrants, bruyants : «Les filles crient “Alma t’es la plus belle !”, ça réagit quand deux garçons s’embrassent sur scène… C’est magnifique cette adresse directe aux personnages. On décrit les ados comme totalement absorbés par les écrans, mais le théâtre les fait vivre.» Il y a enfin une quatrième et dernière facette au «spectacle augmenté» d’Emilie Anna Maillet : un dernier rendez-vous est donné sur Instagram, le lendemain, alors que se joue une nouvelle représentation de To Like or Not, avec de nouveaux spectateurs. On est cette fois de l’autre côté de la scène, dans les coulisses, avec les comédiens qui changent de perruques, d’un personnage à l’autre : c’est alors un dernier masque qu’Emilie Anna Maillet fait tomber, celui du théâtre et de la fiction dramatique.

«To Like or Not» d’Emilie Anna Maillet au Théâtre de la ville-les Abbesses (75018) de mardi à samedi, puis du 26 au 29 mars au TNG de Lyon et le 8 avril au Théâtre Théo-Argence à Saint-Priest. A partir de 14 ans.

 

Légende photo : Une expérience de réalité virtuelle permet de se mettre dans la peau d’un des six personnages invités à une soirée chez Alma.

 

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Pourquoi supprimer le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle serait une très mauvaise idée

Pourquoi supprimer le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle serait une très mauvaise idée | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Hélène Rochette dans Télérama Publié le 10 février 2025

 

Cette instance créée en 2005 rassemble acteurs du monde culturel et de l’enseignement et valorise une éducation artistique de qualité, auprès des collectivités territoriales notamment. Mais le Sénat a voté sa suppression en première lecture fin janvier… Explications.

 

En vingt ans d’existence, il a réussi à imposer une idée-force : la nécessité de généraliser la place des arts et de la culture à l’école. Créé en 2005, le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) pourrait pourtant vivre ses derniers instants en 2025. Le 30 janvier, les sénateurs ont adopté en première lecture une proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet (Union centriste) visant à le supprimer en raison de son inutilité supposée – comme neuf autres instances, parmi lesquelles le Conseil stratégique de la recherche ou le Conseil national de la gestion des risques en forêt.

 

Si ce vote au Sénat doit encore recueillir l’assentiment des députés à l’Assemblée, la simple volonté de mettre fin à cet organisme consultatif a déjà suscité des réactions d’incompréhension, voire d’indignation. Dans un communiqué, Nathalie Lanzi, élue socialiste au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, s’est insurgée contre ce qu’elle considère comme « un signal très inquiétant » pour le développement de l’éducation artistique.

Charte fondatrice

Constituée de trente membres, cette instance collégiale qui réunit artistes, élus, chercheurs, représentants du milieu éducatif et des membres de l’administration est présidée depuis sa création par les deux ministres de l’Éducation et de la Culture, et animée depuis 2013 par le recteur de l’Académie de Bretagne, Emmanuel Ethis. Chargée de définir les orientations et les priorités en matière d’initiation artistique sur le territoire, ce comité de sages et d’acteurs du monde culturel a élaboré en 2016 une charte fondatrice pour l’éducation artistique et culturelle (EAC) qui énonce et garantit des principes d’équité et d’accessibilité de tous les élèves à une éducation artistique de qualité.

 

Plusieurs recommandations ont par ailleurs été précisées par le HCEAC : présence des artistes dans les classes, développement de projets culturels dans les établissements des premier et second degrés – ateliers d’écriture avec des artistes-auteurs, interventions de compositeurs de musique ou de plasticiens, élaboration d’œuvres participatives sous l’égide d’artistes renommés –, généralisation des sorties éducatives dans les lieux de sociabilité et de culture : théâtres, musées, médiathèques… Autant de préconisations destinées à réaffirmer qu’une ambitieuse politique publique d’éducation artistique contribue à l’épanouissement des enfants et à l’émancipation des jeunes esprits.

 

À lire aussi :

Costumière, cinéaste, scénariste… Quand les artistes retournent au lycée pour susciter des vocations

 

Comment alors comprendre ce soudain revirement des pouvoirs publics ? « J’espère beaucoup que cette proposition de loi ne sera pas reprise à l’Assemblée ! », nous déclare la sénatrice Sylvie Robert, qui a été l’une des rares voix dans l’hémicycle à s’être opposées avec vigueur à ce projet de suppression du HCEAC. Membre de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat depuis dix ans, l’élue parlementaire (Parti socialiste) assure que le Haut Conseil est « une instance qui a été très active et qui continue de l’être aux côtés des collectivités territoriales pour valoriser et accompagner l’éducation artistique et culturelle ». Il est irresponsable, insiste-t-elle, de vouloir mettre fin aux activités de la seule instance nationale de concertation en matière d’éducation artistique : « Vouloir remettre en question les projets éducatifs et artistiques, au collège et au lycée, quand un certain nombre de villes font l’effort de financer des initiatives dès l’école primaire, comme à Clermont-Ferrand par exemple, c’est inadmissible. Il ne faudrait pas stopper une telle dynamique, mais au contraire l’encourager. »

 

L’ancienne chargée de mission au cabinet Culture d’Aurélie Filippetti se dit persuadée que de renoncer à l’art et à la culture dans les apprentissages élémentaires aurait des conséquences néfastes pour l’ensemble de la société : « Le Haut Conseil a infusé partout cette idée que l’éducation artistique et culturelle est un élément essentiel qui participe de l’émancipation individuelle et collective de notre société de demain. Le développement de l’EAC doit commencer à l’école, pour toucher tous les enfants d’où qu’ils viennent. C’est l’un des fondements indispensables de notre démocratie. »

 
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February 9, 6:54 PM
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A Nanterre, le théâtre pour «retrouver l’espoir après le meurtre de Nahel» 

A Nanterre, le théâtre pour «retrouver l’espoir après le meurtre de Nahel»  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Article de Romain Boulho,  pour Libération - 7 fév. 2025

 

Quatorze jeunes habitants seront sur la scène des Amandiers, à Nanterre, les samedi 8 et dimanche 9 février, pour jouer «Nemetodorum», une pièce qui raconte l’attachement à leur ville, encore traumatisée par le drame et les émeutes de l’été 2023. Un témoignage intime et politique.

 

Il dit «j’y étais», sans détour ni prétention, comme un secret qu’il partagerait avec beaucoup de monde. Il parle des émeutes. Aussi : «Nahel était mon ami.» Est-il possible de transcrire la «haine» qui l’a saisi cet été-là sur une scène de théâtre, de ne pas la pervertir en simple «colère» ? Aymen s’interroge. Il tente de jouer avec «de l’émotion» mais il ne veut pas qu’on confonde tout. Il se réprime. «De base», le théâtre, il est loin de ça. Aymen, la majorité franchie de peu, est un technicien fibre optique pour un opérateur télécoms. Quelques mois après l’été 2023, un «grand du quartier» organise un concours d’éloquence. Il hésite, s’inscrit, gagne, poursuit jusqu’à faire dorénavant partie d’une asso locale. Il discourt en général sur «les injustices policières et le train de vie d’un banlieusard qui n’est pas un bandit ou une personne mal intentionnée». Il rit parce que ça lui semble incohérent. Avec sa dégaine, survêt gris, chaussé de Nike Requin, le cheveu lustré de gel, son crâne liseré d’un trait de rasoir. Mais, surtout, avec ce qu’il se figurait jadis de lui-même. Il dit que, aussi surprenant qu’un crachin une journée azur, le théâtre lui est «tombé dessus».

 

Aymen est l’un des quatorze comédiens sur la scène des Amandiers pour deux représentations de Nemetodorum, ces 8 et 9 février. Des jeunes amateurs de la ville, dans un théâtre de la ville, avec des spectateurs de la ville (les deux dates sont complètes), sur le trauma de la ville, la mort d’un jeune de 17 ans abattu par le tir à bout portant d’un policier, et ses répercussions.

 

Depuis l’espace jeunesse du quartier du Parc, planté tout près des tours Nuages, qui se confondent dans la vapeur glacée du soir avec celles de La Défense, Nicolas Sene se place en retrait des comédiens qui répètent. «Les habitants restaient silencieux, et moi, je voulais trouver une forme pour parler des événements qu’on a vécus, donner la parole aux jeunes avec quelque chose d’artistique», retrace celui qui est à l’origine du projet. Vidéaste en plus d’être coordinateur jeunesse du quartier, il se rapproche des Amandiers, prospecte, allume la mèche chez certains jeunes, mène des auditions. «Une trentaine sont venus. Ils me racontaient leur vie, leurs passions, leur rapport à Nanterre. Je les ai emmenés sur les derniers événements qui les ont marqués. Bien sûr, ils ont très vite évoqué la mort de Nahel.»

 

Une pièce «poétique et intime»

La pièce commence par quelque chose d’impossible à dire. Deux mots, «d’abord, rien», c’est-à-dire l’émotion de Noah sur ce qui a déclenché l’embrasement des quartiers partout en France. Le «rien» de Noah et la «haine» d’Aymen. Certaines formules du texte heurtent en douceur. Sur l’éclat de la révolte : «Depuis ma fenêtre, au-dessus de l’avenue Pablo-Picasso, je reçois en continu cette onde sonore, qui me traverse.» Ses dégâts : «Ce soir, la ville s’automutile.» Ces phrases sont l’œuvre de tous, converties en répliques par Noham Selcer après plusieurs séances d’écriture collective, avec à la mise en scène Jade Herbulot et Julie Bertin, du Birgit Ensemble. Noham Selcer n’y voit pas une pièce «uniquement politique mais aussi poétique et intime. Elle fait voir qui sont ces jeunes-là, quels sont les lieux qu’ils arpentent et qu’ils aiment». Elle vit sur les histoires des comédiens qui la composent, autant que leurs rejets et leurs rêves – de Pascal Praud au Dakota, le grec du coin où «c’est pas l’Amérique mais c’est encore plus».

 

Marija, 21 ans, travaille à l’hôpital Foch, à Suresnes, elle y est agent d’administration. Elle suit des cours au conservatoire de Nanterre depuis trois ans. Longue robe de laine cordelée à la taille, haute posture. A la simplicité d’une brève discussion, elle préfère vider en un éclair : «Toute ma vie j’ai été effacée. Je passe inaperçue. Je ne parle pas. Là, je voulais montrer de quoi je suis capable. Qui je suis, pour pas qu’on m’oublie. Je n’ai ni rêve ni mission ni but, comme je dis dans un monologue. Je l’ai écrit comme ça, d’un trait, pendant une soirée, et ce monologue représente toute ma vie. Je veux juste le livrer.» Marija raconte tout autant l’insouciance, ce qui la rattache à Nanterre, sa chambre de jeune fille ou cette colline de la ville par exemple, une colline de rien, sans même de nom, juste un endroit où, enfant, les jours de neige, elle dégringolait enfouie dans un sac-poubelle, «trop pauvre» pour acheter une luge.

Pour Simon, c’est le parc des Anciennes Mairies, un lieu qu’il fréquente depuis môme, où il se pose pour écrire parce que ça l’apaise. Il dit qu’il se sent connecté à l’endroit, qu’il y a accumulé des souvenirs qui affleurent au seuil de sa mémoire en images, «spectacle de trapèze, concert de rap, ex quittée, combat SDF contre crackhead». Le titre, Nemetodorum, c’est lui. «Je suis passionné par l’histoire de Nanterre. C’est le nom de la ville, donné par les Celtes : le bourg sacré.» Le jeune homme, école, collège, lycée, même prépa à Nanterre, poursuit avec des noms venus des temps anciens, qui s’achèvent en -um. Lui est «ému». Parce qu’il est ouvreur aux Amandiers d’habitude, qu’il va fouler cette fois la scène, qu’il écrivait voilà un an des textes, seul dans sa chambre, dont des pans sont utilisés dans la pièce, gribouillis dans la section «notes» de son téléphone. Qu’il voit tout cela comme une sorte de revanche. «Je me souviens d’un des premiers trucs que Nicolas Sene m’a dit : “Cette pièce, c’est comment retrouver l’espoir après, appelons un chat un chat, le meurtre de Nahel”. Je la vois presque, pas comme un hommage, mais une façon de faire honneur, à Nahel et à la ville.» Puis, voix claire et fierté rentrée : «Ça m’émeut. Ce sont nos textes, notre parole, sur un endroit qui est le nôtre.»

«Se réunir autour d’une émotion commune»

«C’était délicat, donc je crois qu’on l’a été aussi, reconstitue François Lecours, responsable des actions culturelles des Amandiers. Parce qu’il s’agit de la mort de quelqu’un de proche, parfois d’intime. L’événement reste présent dans l’esprit de tout le monde et je crois que ça va être quelque chose pour la ville, une façon de se retrouver, de se réunir autour d’une émotion commune.» Nicolas Sene voudrait l’y voir sur la grande scène du théâtre, à la fin de la rénovation en cours. Déjà, Aymen, lui, dit qu’il est «content à mort». Dans la pièce, le garçon parle du PSG et du Collectif ultra Paris, qui constitue une partie de son identité. Et phosphore sur les émeutes.

Là, posé sur une chaise haute tandis que les répétitions se poursuivent, yeux et barbelette noirs, il se retourne sur la fin du mois de juin 2023, songe à cette révolte «à notre façon». «On a peut-être dégradé mais c’était nécessaire. On est dans une société qui marche comme ça, par la violence. Regarde les gilets jaunes, comment ont-ils obtenu gain de cause ? On nous apprend ça, à réagir comme ça. Notre seul moyen de s’exprimer, ce sont les révoltes. On ne porte pas plainte, puisque les policiers ne sont jamais inquiétés. On n’a pas les médias avec nous. On va peut-être casser notre quartier mais on va montrer ce qui est toléré par le gouvernement et même une partie de la France. Sans les émeutes, Nahel est un parmi tant d’autres. On n’a que ça. Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ?» Désormais, et aussi insensé que ça puisse lui sembler, Aymen a le théâtre.

 

 

Romain Boulho / Libération

 

 

Légende photo : Lors des répétitions de «Nemetodorum» à Nanterre, le 1er février 2025. Simon, avec les lunettes, a trouvé le titre : «C’est le nom de la ville, donné par les Celtes : le bourg sacré.» (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)

 
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February 8, 7:08 AM
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Dans la bibliothèque d’Hubert Colas : épisode 61/11 du podcast Dans la bibliothèque de...

Dans la bibliothèque d’Hubert Colas : épisode 61/11 du podcast Dans la bibliothèque de... | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Sur la page de l'émission Le Book Club,  animé par Marie Richeux, site de France Culture, 7 février 2025 

 

 

 

Aujourd’hui, c’est le metteur en scène et dramaturge Hubert Colas qui déballe pour nous ses rayonnages. Il fait la part belle aux textes contemporains, de Laura Vazquez, à Simon Johannin, en passant par Jean D’Amérique et Sarah Kane.

 

Avec

 

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En créant le festival Actoral et le lieu Montevideo à Marseille il y a plus de 20 ans, Hubert Colas adressait un geste fort à l'écriture contemporaine, un geste de reconnaissance et de désir pour l'écriture comme acte. Même quand il n'y a pas de théâtre a priori, Hubert Colas a mis en espace ces dernières années des textes romanesques, des textes frisant le théorique, des textes dans le politique et le poétique sur des scènes de théâtre et leur a ainsi donné une autre vie, comme tout récemment avec le roman d'Hélène Lorrain Partout le feu créé avec la comédienne Stéphanie Aflalo au Festival Les Singuliers au 104 à Paris. La possibilité du risque, celle de la révolte, celle du trouble, le corps, le politique, le collectif, tout ceci se lie dans ses choix artistiques et se retrouve dans les livres qui peuplent sa bibliothèque, une bibliothèque qui honore le présent.

Les choix d'Hubert Colas :

Simon Johannin, L’été des charognes (Allia)

 
"Ce texte m'habite encore aujourd'hui d'une certaine façon, surtout que l’on va le rejouer dans un mois. Je l'ai rencontré en librairie avant de rencontrer Simon à Marseille et de l'inviter dans le cadre de Montevideo. Souvent, à l'intérieur des écritures que je choisis, en les approchant, j'entends une voix. J'ai la sensation d'entendre le corps de la personne qui l'a écrit. Il y a une certaine forme de musicalité, une chair qui se fait entendre dès les premières lignes." Hubert Colas

 

Jean D’Amérique, Soleil à coudre (Actes Sud)

 

"J’ai également découvert ce texte et je l’ai lu en librairie. J’ai trouvé qu’au-delà du poétique, il osait le baroque, il osait des mots romantiques, il osait ce que la littérature contemporaine n'osait pas trop il y a quelques années. Il a une forme de lyrisme et là aussi un corps dans l’écriture. Ce texte comme les autres que j’ai choisis sont comme de véritables corps fantômes qui se battent à l'intérieur de moi et qui tentent de trouver, par mes mises en scène de la mise en scène ou mes propres tentatives d'écriture, une voix, et un corps pour célébrer une forme de liberté." Hubert Colas

 

Laura Vazquez, Zéro (Du Sous-Sol)

 

"Ce texte m’émeut énormément. Je trouve que Laura Vasquez entend l'inaccomplissement de la rencontre amoureuse. Je trouve également très beau d'oser parler d'amour et qu'on en parle dans ce qui n'est pas comblé, ce qui n'est pas vécu : parler de ce qu’est l'échec de l'amour, mais qui reste l’amour malgré l'échec." Hubert Colas

 

Mathieu Riboulet, Les Oeuvres de miséricorde (Verdier)

 

"Dans ce texte de Mathieu Riboulet, comme pour les autres, je suis troublé par son écriture qui parle de la rencontre des corps, une écriture poétique, et une grâce de l'écrit comme un regard porté sur les autres, extrêmement délicat sur ce qui se rapproche, et sur ce qui s'unit et se désunit. Ce texte parle de la rencontre de deux corps, l’un Français, l’autre Allemand, et du trouble de ce que deux générations n'ayant pas vécu la guerre se mettent à vivre lorsqu'elles s'approchent l'une de l'autre. Pour moi, ses textes sont de grandes réconciliations."  Hubert Colas

 

Sarah Kane, 4.48 Psychose (l’Arche) traduit par Evelyne Pieiller

 

"La première fois que j’ai lu Sarah Kane, j’ai eu l’impression d’entendre une sœur parler. J’étais très troublé par cette écriture extrêmement sensible. L’effleurement de la mort, l'impossibilité de continuer, l'impossibilité de trouver la réponse de nos propres douleurs à travers le corps d'un autre, c'étaient des choses qui me touchaient énormément. Sarah Kane exprime l'endroit où elle semble ne pas être née, ne pas être vivante. Je trouve ses textes incroyables parce qu’ils disent une chose de la difficulté de l'existence et je m'y reconnais sans doute." Hubert Colas

 

 

Archives

Jean D’Amérique, "la poésie mère de tous les genres" lors du Festival Hors Limite de Seine-St-Denis en 2021

 

Laura Vasquez, émission La 20e heure, Eva Bester, France Inter, 20/11/24

Musique de fin

Jean D’Amérique, Naufrages, prélude

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February 7, 10:42 AM
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Kelly Rivière crée « La Vie Rêvée », un seule en scène brillant

Kelly Rivière crée « La Vie Rêvée », un seule en scène brillant | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Amandine Cabon dans La Terrasse - 7 fév. 2025

 

Après le succès de sa première création, An Irish Story, Kelly Rivière revient avec un nouveau seule en scène où elle interprète son double fictif, Kelly Ruisseau. Mêlant musique et théâtre, la comédienne retrace son parcours d’artiste, du rêve à la réalité.

 

Les applaudissements retentissent. Une danseuse en tutu blanc, pointes aux pieds vient saluer. Cela ressemble de loin à une fin, mais ce n’est que le début d’un rêve éveillé. Celui de Kelly Ruisseau, comédienne de quarante ans et alter-ego fictif de Kelly Rivière, créatrice et interprète de ce seule en scène épatant. La machine à remonter le temps est lancée. Kelly Ruisseau nous embarque sur les rapides de sa mémoire, un périple semé d’embûches, entre « Cluedo » de Comité d’Entreprise, casting foiré et rêve de danseuse étoile envolé. Sans jamais faire naufrage, elle se raccroche aux bouées de sauvetage lancées par la vie : Liam, son fils, Mamie Nana, sa grand-mère paternelle, Max, son ami et comparse de théâtre. Un tourbillon de personnages, tous plus drôles et attendrissants les uns que les autres, jaillit sous nos yeux, incarnés ou réincarnés pour certains, par le corps et la voix de Kelly Rivière. Elle se métamorphose, change d’aspect et d’accents, tour à tour mère irlandaise cinglante ou mamie montpelliéraine déboussolée. L’artiste déploie un jeu savoureux, s’amusant des codes implicites du théâtre avec talent. Un hommage à l’art dramatique qui se double d’un hommage à ses proches disparus (Max, son ami comédien et Mamie Nana). N’est-ce pas une des missions du théâtre que de dialoguer avec nos morts ?

 

Une mise en scène aussi drôle que poétique

Dans l’œil de l’ouragan, se lovent la beauté et la douceur d’une éclaircie. Dans cette mise en scène, se logent la musique et la poésie. Ainsi, la superbe composition scénographique d’Estelle Gautier s’ajoute à la douce mise en lumière de Laurent Schneegans, offrant au spectateur un espace noué de souvenirs. Un macramé noir et doré tisse le fond de scène tandis qu’un piano recouvert de photos et de partitions trône à jardin. Avec celui-ci, Kelly Rivière nous emporte dans les mélodies de Jacques Debronckart : « Je suis comédien, je dors le matin… », ou dans ses rêves de Broadway de jeune comédienne. Des plumes aériennes tapissent le plateau. La métaphore de l’oiseau se file quand la comédienne s’affranchit des ramages et des plumages du milieu théâtral. Elle ne devient pas le cygne de Tchaïkovski, comme l’aurait peut-être voulu la Kelly de treize ans, mais la libre Pie Voleuse de Rossini. Piquant, tournoyant et virevoltant, Kelly Ruisseau s’envole avec panache vers le firmament.

 

Amandine Cabon / La Terrasse

 

La Vie Rêvée
du lundi 3 février 2025 au samedi 15 février 2025
Les Plateaux Sauvages
5 rue des Plâtrières, 75020 Paris.

du lundi au vendredi à 19h et le samedi à 16h30. Tél. : 01 83 75 55 70. Durée : 1h15.

 

En tournée : le 13 mars au Théâtre de la Tête noire de Saran. Le 10 avril au Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas. Les 17 et 18 avril au Théâtre le Pilier de Belfort.

 
 
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« Brûler d’envies » ou la rage fougueuse des jeunes artistes circassiens

« Brûler d’envies » ou la rage fougueuse des jeunes artistes circassiens | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde - 5 février 2025

 

A La Villette, six diplômés du Centre national des arts du cirque proposent un spectacle de fin d’études énergique et réjouissant.

Lire l'article sur le site du "Monde"

https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/02/05/bruler-d-envies-ou-la-rage-fougueuse-des-jeunes-artistes-circassiens_6533439_3246.html

Pas besoin de chauffage sous le chapiteau de La Villette, à Paris. Non seulement les six jeunes artistes de la 36e promotion du Centre national des arts du cirque (CNAC) sont fermement décidés à « brûler d’envies », comme l’indique le titre du spectacle, mais ils charbonnent si fort qu’ils ont mis le feu à la piste, et aux spectateurs avec. Et qu’est-ce que c’est bon de taper des pieds de concert sur les gradins, de crier, d’applaudir en souriant béats jusqu’au bout des oreilles !

 

Chaque début d’année depuis 1996, le CNAC, installé à Châlons-en-Champagne, prend ses quartiers dans le parc de La Villette. Il dépêche ses émissaires frais diplômés après trois ans d’études et les lance à l’attaque du milieu professionnel et à la rencontre du public dans une production « carte d’identité », destinée à tourner si succès. Sous la direction d’un metteur en scène et d’un chorégraphe reconnus, ici David Gauchard et Martin Palisse, cette création affiche un cahier des charges complexe. Elle doit accorder les différents tempéraments au travail dans un geste commun en proposant une synthèse des talents de chacun. Le pompon ? Sortir du lot de l’exercice de style et affirmer sinon une signature, du moins un esprit, une couleur.

 

Question palette, noir, c’est noir sur la piste de Brûler d’envies. A l’écoute des jeunes acrobates, David Gauchard et Martin Palisse ont pris à bras-le-corps le défi que représente ce spectacle tremplin de fin d’études. Ils répercutent leurs météos orageuses et inquiètes. Il fait sombre, l’avenir est bouché. « Il n’y a plus rien à faire », entend-on répéter dans la bande-son caverneuse signée par le compositeur électro Pangar, qui va bientôt accélérer les percus qui cavalent fort.

Envie d’en découdre

Un texte en arabe, traduction de la chanson Paix, de Catherine Ribeiro + Alpes, dite par le surprenant spécialiste de l’équilibre sur les mains Jaouad Boukhliq, résonne sous la toile : « Paix à nos esprits malades, à nos cœurs éclatés, paix à nos membres fatigués, déchirés, paix à nos générations dégénérées, paix aux grandes confusions de la misère… » Une seule issue au désespoir qui étouffe : voir rouge, se jeter à fond dans sa passion et foncer sur ses agrès encore et encore pour évacuer la tension et tenter de venir à bout du feu qui consume.

 

Si la vulnérabilité juvénile des interprètes, tous habillés en noir et blanc, affleure parfois au cours de la pièce et fait filer un frisson épidermique, elle ne bride pas leur envie d’en découdre. Elle est même sans doute l’un des carburants de leur rage fougueuse qui les projette sans répit sur scène. Mano Vos porte sa roue Cyr de 1,85 mètre de diamètre et de 22 kilogrammes à bout de bras au-dessus de lui ou en équilibre sur une épaule, avant de la faire tournoyer autour de son cou comme un collier démesuré. L’Irlandaise Heather Colahan-Losh s’enroule dans sa corde lisse et se love dans son refuge rien qu’à elle. L’acrobate au sol Marine Robquin bondit et voltige entre les bras de ses partenaires. Courses et sauts du haut d’un mur de baffles s’enchaînent et activent des circulations de plus en plus urgentes, comme si tous les bouchons qui retiennent l’énergie avaient explosé dans une fièvre indomptable.

 

Cette libération prend le ton d’une frénésie d’exploits, de culbutes incroyables. Entre les deux mâts chinois plantés au bord de la piste, le duo Antonin Cucinotta et Uma Pastor, vivants projectiles, tracent, s’accrochent et s’imbriquent dans des étreintes à la renverse sidérantes. Grimper, se contorsionner, chuter, recommencer, tester, s’obstiner. Chaque interprète se distingue tandis que le collectif s’enflamme et décolle dans un climax. Du risque, du muscle, de la grâce et cette foi en l’autre qui auréole le jeu du cirque, aussi dangereux soit-il, d’une beauté joyeusement humaine.

 

 

Brûler d’envies, par les étudiants du CNAC, dans une mise en scène de David Gauchard et Martin Palisse. Jusqu’au 16 février, à La Villette, Paris 19e. En tournée : les 28 et 29 mars à Elbeuf, les 20 et 21 juin à Lyon.

 

 

Rosita Boisseau / Le Monde 

 

Légende photo : « Brûler d’envies », par la 36e promotion du Centre national des arts du Cirque (CNAC), à La Villette, en novembre 2024. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

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February 5, 11:55 AM
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Marion Pellissier met les « Trois petits cochons » sur le gril

Marion Pellissier met les « Trois petits cochons » sur le gril | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Vincent Bouquet dans Sceneweb - 5 fév. 2025

 

À la tête de sa compagnie, La Raffinerie, la metteuse en scène place la fable populaire à hauteur d’Hommes, et ouvre, avec juste ce qu’il faut d’audace, les portes d’un méta-conte en forme de turbulent laboratoire théâtral.

 

 

 

« Ceci n’est pas un spectacle jeune public ». L’avertissement délivré par Marion Pellissier dès les premières lignes de sa note d’intention n’est pas superfétatoire, tant le titre de sa dernière création, Trois petits cochons, fait immédiatement référence dans l’imaginaire collectif, et malgré son sous-titre Les monstres courent toujours, au conte pour enfants dont elle s’inspire. Sans cette mise en garde, parents et enseignants, alléchés par leurs propres souvenirs de jeunesse de ce conte européen hérité de la tradition orale du XVIIIe siècle, pourraient être tentés d’y emmener les plus petits – ce qui pourrait leur provoquer, prévenons-les d’emblée, quelques jolies frayeurs. Ce réflexe serait d’autant plus compréhensible que l’univers du conte a, ces dernières années, envahi les scènes théâtrales avec, dans l’immense majorité des cas, une forme appropriée au jeune public. De Blanche-Neige à La Petite Sirène, d’Hansel et Gretel au Petit Chaperon rouge, en passant par Cendrillon, nombre de fables populaires sont devenues des sources d’inspiration pour des artistes aussi différents que Géraldine MartineauRose MartineJoël PommeratIgor MendjiskyMichel Raskine ou encore le collectif Das Plateau – pour ne citer qu’eux. Le plus souvent adaptées, de manière plus ou moins fidèle, parfois réécrites par des auteur·rices, telle Marie Dilasser, il est remarquable d’observer leur capacité à résister à l’écoulement du temps, à parler, grâce à leurs multiples couches narratives, autant aux adultes qu’aux enfants, et à se parer de reflets nouveaux une fois éclairées par les lumières contemporaines.

 

 

Ce travail de réactivation, voire de réappropriation, des contes anciens, Marion Pellissier le mène avec l’audace de celles et ceux qui n’ont pas peur de passer à la vitesse supérieure. Plutôt que de raconter l’histoire de Naf-Naf, Nif-Nif et Nouf-Nouf – pour peu que l’on veuille bien reprendre les noms donnés, au XXe siècle, par Disney –, la fondatrice de la compagnie La Raffinerie plonge dans le quotidien de la famille Cochon, et plus particulièrement dans la vie de Nina, Nouria et Naël. Installés à Villeton, une petite commune du Lot-et-Garonne, depuis leur enfance, les trois membres de la fratrie décident de quitter le domicile familial à la suite de la mort de leur mère, Andrea, une chanteuse de cabaret à succès. Tandis que leur père, dévasté par le chagrin, se montre un rien tyrannique avec eux, les deux soeurs et leur frère veulent chacune et chacun bâtir une petite maison pour poursuivre leur parcours en solo : l’une, celle de Nouria, en paille, l’autre, celle de Naël, en bois, et la dernière, celle de Nina, en briques. Par rapport au côté un peu évaporé de la première et au caractère inconséquent du second, la troisième, qui prend son rôle d’ainée très à coeur, apparaît beaucoup plus anxieuse, maniaque du contrôle, comme si quelque chose la poussait toujours à se préparer au pire. Future mère, son existence sérieuse et solitaire tranche avec celles de son frère, qui végète en mari un peu mollasson, et de sa soeur cadette, qui se rêve déjà en future star de la chanson. C’est d’ailleurs par ce biais que le loup va entrer dans la porcherie, en se faisant passer pour un producteur intéressé par les compositions de Nouria, avant qu’elle ne se rende compte que l’homme n’est autre que Claude Michel, surnommé « le cannibale des Causses ».

 

 

À travers cette réécriture à hauteur d’Hommes, Marion Pellissier remonte le cours de la parabole qui, à l’origine, sous-tendait le conte et chargeait des figures animales avec des sentiments humains. Cette opération de distanciation littéraire, l’autrice et metteuse en scène la renverse et (ré-)humanise la fable pour mieux la rapprocher de nous. Dans chacun des individus mis en jeu, elle s’attache à injecter certaines caractéristiques de l’histoire et des personnages animaliers dont elle s’empare – le départ du cocon familial pour vivre sa vie, la minutie presque un peu trop pointilleuse de Naf-Naf, l’assurance frivole de Nif-Nif et Nouf-Nouf, le besoin de chair fraîche du loup… –, et ouvre alors les portes d’une forme de méta-conte. Car, à l’image du fonctionnement de la fable qui sert à formater les petits esprits humains à coups de sentences moralisatrices – en l’espèce : si tu te tiens sage et que tu travailles, tu t’en sortiras mieux face aux difficultés de la vie qu’en étant turbulent et paresseux –, Marion Pellissier interroge la manière dont les traumatismes familiaux influent, eux aussi, sur les individus, comment ils conditionnent leurs comportements et orientent leur trajectoire de vie. Consciente que les contes répondent, pour remplir leur fonction éducative première, à une série de codes narratifs, la metteuse en scène ne s’arrête pas là et redouble son geste en tentant de les subvertir. Au lieu de se servir d’un vecteur théâtral dramatiquement classique, elle multiplie les styles, et, scène après scène, passe du thriller au vaudeville, de la sitcom américaine à la Nouvelle Vague, de l’opéra à la comédie musicale, de la danse contemporaine au western, du documentaire à la pantomime, de l’installation d’art contemporain aux bruitages en direct, ou encore du road-movie façon série B à la tragédie en alexandrins.

 

 

Aussi audacieux que déroutant, ce kaléidoscope de genres, empruntés aussi bien aux domaines littéraire, théâtral que cinématographique, transforme le plateau en laboratoire scénique prolifique et turbulent. Si la mise en oeuvre de certains styles pourrait parfois être plus accentuée, ou rallongée, pour produire pleinement ses effets, si le récit fictif est enchevêtré avec une histoire méta-théâtrale qui, malgré sa justesse – en même temps que les coulisses de la fabrication du conte, Marion Pellissier éclaire celles, pas toujours roses, de la création d’un spectacle, où le metteur en scène peut se montrer, lui aussi, monstrueux et les atermoiements privés et professionnels des uns et des autres peuvent venir percuter l’acte artistique –, tend à le parasiter et n’apparaît pas suffisamment aboutie dans l’écriture, ce procédé multi-formes trouve sa pertinence dans sa façon de mettre le conte à l’épreuve. Tantôt cocasses, tantôt organiques, tantôt iconoclastes, tantôt adéquats, les multiples styles, leur hybridation et leur alternance occasionnent des frottements emplis d’étincelles, et révèlent la force des codes et leur capacité à influencer le récit délivré – à la manière de la fonction poétique du langage de Jakobson –, soit en l’amplifiant, soit en le décalant, soit en le parasitant, soit en pointant l’un de ses reliefs jusqu’ici restés dans l’ombre. Pour réussir cet exercice, à la fois culotté et périlleux, Marion Pellissier peut compter sur une belle et solide bande de comédiennes et comédiens, visiblement réjouis de participer à cette expérience théâtrale qui, de style en style, les challenge autant qu’elle nous stimule.

 

 

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Trois petits cochons / Les monstres courent toujours
Texte et mise en scène Marion Pellissier
Avec Yasmine Berthoin, Charlotte Daquet, Julien Derivaz, Steven Fafournoux, Morgan Lloyd Sicard, Sabine Moindrot
Création sonore Thibault Lamy
Création vidéo Nicolas Comte
Création lumière Jason Razoux
Costumes Julien Derivaz, Sabine Moindrot
Scénographie Marion Pellissier, Gabriel Burnod
Construction, décoration Gabriel Burnod, Jean Bastien Savet, Denis Collas, Claire Bochet
Composition des chants Eugénie Bernachon, Yasmine Berthoin

Production La Raffinerie
Coproduction ZEF, Scène nationale de Marseille ; Théâtre de Châtillon ; Théâtre Jean Vilar de Montpellier ; Théâtre SORANO, Scène conventionnée de Toulouse (GIE FONDOC) ; Scène nationale Grand Narbonne (GIE FONDOC) ; Collectif En Jeux
Avec le soutien du Théâtre Joliette (Marseille), de la Maison Jacques Copeau, de La Ferme du Buisson, du Centquatre-Paris, du Théâtre de Malakoff, du Festival FRAGMENTS#11 (la Loge) et du Warm UP / Printemps des Comédiens de Montpellier

Ce spectacle reçoit le soutien de la SPEDIDAM et d’Occitanie en scène dans le cadre de son accompagnement au Collectif En Jeux. Le texte est accompagné par le collectif À Mots Découverts.

 

La Raffinerie est conventionnée par la DRAC Occitanie, soutenue par la Région Occitanie et la Ville de Montpellier. Marion Pellissier est associée au ZEF, Scène nationale de Marseille.

Durée : 2h10

Théâtre de Châtillon
les 3 et 4 février 2025

Centquatre-Paris, dans le cadre du Festival Les Singulier·es
du 7 au 9 février

 

Photo Elven Sicard

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February 4, 11:42 AM
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« La Peur » : François Hien dénonce les abus sexuels au sein de l’Église catholique

« La Peur » : François Hien dénonce les abus sexuels au sein de l’Église catholique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Gérald Rossi dans L'Humanité - 2 février 2025

 

Dans la Peur, François Hien s’interroge sur les dégâts du silence de certains prélats de l’Église catholique confrontés aux révélations d’abus sexuels.

 

Pas d’orgue fleuri de piété, pas non plus de peinture édifiante. Sur la scène, seule une belle et lourde table de bois garnie de deux bancs crée un espace intime et apaisé. Installé sur des gradins disposés de trois côtés, le public est invité à partager hésitations et tourments d’un curé ordinaire brutalement confronté au secret de la confession dans une affaire de pédocriminalité. La Peur, de François Hien, qu’il met en scène avec Arthur Fourcade, est ainsi une fiction qui se conjugue dans la réalité du quotidien.

Parce qu’il aime les garçons, mais sans jamais avoir abusé quiconque, le père Guérin (Arthur Fourcade, particulièrement convaincant) a été banni de sa paroisse. Il vit désormais reclus chez Mathilde, sa sœur (Estelle Clément-Bealem en alternance avec Laure Giappiconi). Aujourd’hui, Mgr Millot (Marc Jeancourt, acide et tourmenté à la bonne mesure) vient lui proposer de pouvoir à nouveau exercer son sacerdoce dans une nouvelle paroisse. Mais c’est un troc. Une arnaque même.

Un homme sur le chemin de la vérité

L’évêque est désormais confronté à la justice d’un tribunal. Pour avoir, comme l’on dit souvent un peu vite, « couvert » des actes d’agressions sexuelles. Selon le témoignage du père Guérin (qui avait recueilli la confession du prêtre violeur), le verdict sera forcément différent. « Ne dites que la vérité. Mais ne la dites pas tout entière », demande le prélat. Le curé, tout à son bonheur de simple homme d’Église de retrouver des fidèles, entre d’abord dans le jeu de l’évêque, son supérieur hiérarchique.

La Peur fonctionne comme un polar. Il ne s’agit à aucun moment de s’en prendre à la religion catholique (ni à aucune autre d’ailleurs) mais de déboulonner une omerta mortifère. « Je crois que le théâtre peut être le lieu d’un dépassement du conflit, mais un dépassement qui n’est possible qu’à condition de ne rien passer sous silence », explique François Hien.

 

 

Lorsque la pièce a été créée pour la première fois au Théâtre des Célestins, à Lyon, en novembre 2021, l’actualité bruissait encore de la publication du rapport Sauvé estimant à 216 000 le nombre de jeunes victimes d’agressions sexuelles au sein de l’Église, entre 1950 et 2020. En ce début d’année, la Peur est recréée, avec une équipe en partie changée. Et voilà que l’Église est à nouveau empêtrée dans un scandale après les accusations portées contre l’abbé Pierre (mort en 2007) par plus de trente femmes, abusées.

 
 

Dans la Peur, un jeune homme, Morgan (remarquable Pascal Cesari en alternance avec Mikaël Treguer), lui-même victime d’abus, finit par amener le père Guérin à reconsidérer sa position. Ce que fait aussi à sa façon Tawfik (Kadiatou Camara en alternance avec Ryan Larras), un temps amoureux du curé. « C’est tout le chemin accompli par un individu sur le chemin de la vérité, c’est un homme qui change à vue », pointe François Hien. Le metteur en scène et son équipe sont parvenus à donner, avec une bonne dose d’humour, une intensité rare à cette pièce où des non-dits sont aussi forts que des mots pénibles à exprimer.

 

Gérald Rossi / L'Humanité 

 

 

Jusqu’au 16 février, à la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, Paris 12e. Tél. : 01 43 28 36 36. www.la-tempete.fr

 

Légende photo : La Peur fonctionne comme un polar. Il ne s’agit à aucun moment de s’en prendre à la religion catholique (ni à aucune autre d’ailleurs) mais de déboulonner une omerta mortifère.   Photo © Bertrand Stofleth

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February 2, 7:01 PM
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Aux Célestins de Lyon : «Il Capitale…», en avant, Marx 

Aux Célestins de Lyon : «Il Capitale…», en avant, Marx  | Revue de presse théâtre | Scoop.it
 
Jusqu’au 8 février, la pièce raconte la longue lutte des ouvriers italiens, dont certains sont sur scène, de l’industriel GKN. Ils tentent de reprendre depuis trois ans le contrôle de leur usine par les arts.
 

Deux plafonniers éclairent le plateau, vide mis à part un mégaphone posé au sol. Un homme, la quarantaine, monte sur scène et essaye de l’allumer. Il s’arrête. Il commence à raconter. Il s’appelle Dario Salvetti, il est l’un des porte-paroles du collectif d’usine GKN. Le 9 juillet 2021, il a été licencié par un simple mail avec 421 de ses collègues et 80 intérimaires. Soit l’ensemble de la masse salariale de l’usine automobile GKN de Campi Bisenzio près de Florence. L’entreprise avait été rachetée par le fonds d’investissement Melrose dont la devise était : «Au sommet de tout, il y a le bien-être des employés.» Ça ne s’invente pas.

 

Révoltés, les employés se sont donné rendez-vous devant le portail de l’usine, l’ont poussé en chœur et l’ont fait tomber, rentrant dans l’entreprise pour y ouvrir une assemblée syndicale de crise devenue, depuis, permanente. Les ouvriers ont d’abord réussi à faire annuler leur licenciement par le tribunal de Florence, mais ils n’en sont pas restés là. A l’image de l’usine de montres LIP à Besançon, expérience d’autogestion dans les années 70, ou plus récemment de Duralex à Orléans, le collectif veut reprendre l’usine par la création d’une coopérative ouvrière, qui a pris le nom de «GFF» (GKN for Future).

La plus longue assemblée de l’histoire italienne

Pendant les premières semaines, leur cas va attirer l’attention de tous les médias en Italie. Déclenchée par mail et à l’insu des syndicats, cette procédure de licenciement complètement illégale indigne le pays. Sur la scène, Dario Salvetti se souvient : «Au début, les journalistes et les politiques défilent à l’usine et ils se concentrent sur ce fait choquant. Mais on sait que pour nous, ce n’est pas bon. Ils le font parce qu’ils savent que, de toute façon, quelqu’un va se fatiguer à un moment donné. Et ce “quelqu’un”, ce sont souvent les ouvriers.» L’enjeu devient alors clairement de tenir bon, de trouver le moyen de s’installer sur le temps long. Et les ouvriers y parviennent. Trois ans et demi après le déclenchement de la lutte, l’assemblée syndicale est toujours en place : la plus longue de l’histoire syndicale italienne.

 

Comment y sont-ils parvenus ? Pour Alberto Prunetti, auteur d’Amianto. Une histoire ouvrière (Agone, 2019) et soutien actif de la lutte, la réponse est simple : «En construisant son imaginaire, la classe ouvrière a fait en sorte de prendre soin d’elle-même.» Raconter ce qu’on vit, imaginer une nouvelle façon de travailler, ça mobilise : «Les ouvriers les plus impliqués culturellement sont parmi les plus motivés dans la lutte.» A l’usine, au cours de ces trois ans et demi, se sont tenus de nombreux concerts, des expositions, deux festivals de littérature en 2023 et 2024, un festival de théâtre en 2024. Sans compter les livres écrits et les documentaires tournés sur cette mobilisation.

 

 

Les machines-outils sont toutes à l’arrêt. Elles servaient à produire des arbres d’entraînement, ces pièces qui relient les boîtes de vitesses au moteur, surtout pour Stellantis. Mais l’usine est loin d’être morte. Les ouvriers y organisent des assemblées où se rencontrent et se fédèrent plusieurs luttes syndicales, d’abord de la région et puis, de proche en proche, d’un peu partout dans le pays. Leur première manifestation nationale a rassemblé à Florence plus de 20 000 personnes, le 18 septembre 2021, et s’est terminée en fanfare avec un concert à l’usine.

 

Renouveau des luttes

C’est comme ça qu’est né le spectacle dans lequel joue Dario Salvetti : Il Capitale. Un libro che ancora non abbiamo letto («le Capital, un livre qu’on n’a pas encore lu»). A l’été 2021, Nicola Borghesi et Enrico Baraldi, membres de la compagnie bolognaise Kepler-452 et cinéastes, viennent à l’usine après avoir entendu parler de ce qu’il s’y passe de particulièrement bouillonnant. Ils veulent écrire une pièce à partir du livre de Karl Marx et sillonnent à ce moment-là l’Italie en passant d’une grève à l’autre, des ouvriers agricoles aux travailleurs de la logistique. Ils décident de rester à GKN plusieurs semaines, rencontrent les ouvriers et leur proposent de jouer dans la pièce.

 

 

Dario Salvetti ouvre et clôt le spectacle, mais trois de ses collègues y racontent leurs expériences de travail à l’usine, ce que leur ont fait la fermeture et les débuts de la lutte. L’une découvre la précarité de son statut d’employée, un autre a la nostalgie du travail, le dernier arrête d’avoir des crises de panique dès que l’occupation commence. «Quand on est rentrés dans l’usine, la matière théâtrale était déjà là, se souvient Nicola Borghesi. Ici, ils faisaient les répétitions pour les manifestations !» Il Capitale a gagné en 2023 un prix spécial aux Ubu, les molières italiens. Il jouera au théâtre des Célestins à Lyon du 4 au 8 février.

 

 

Le collectif d’usine ne veut pas seulement lutter contre les licenciements et les délocalisations. Leur but est de mettre en avant ce qui relie leur cause aux autres problèmes économiques, écologiques et sociaux. Une nécessité, selon Dario Salvetti : «La lutte de classe des patrons ne te laisse rien. Elle te prend les mots, elle te prend l’imagination, elle te prend les concepts. Elle ne néglige rien. Donc nous, on est obligés de créer des nouvelles connexions pour résister.»

 

Un véritable renouveau des luttes italiennes pour la chercheuse en histoire contemporaine à l’université de Bologne Francesca Gabbriellini, qui travaille sur le mouvement ouvrier : «Ils créent un nouvel imaginaire. Ils se donnent la possibilité de lutter pour leur emploi, mais en même temps de jeter les bases d’une transformation sociale plus profonde.» Cette méthode s’illustre par les assemblées qui se tiennent sans cesse à l’usine, puis par le tour d’Italie fait par les ouvriers en 2022 à la rencontre des luttes écologiques et sociales, comme les No Tav (opposants à la ligne de TGV Lyon-Turin) ou les jeunes de Fridays for Future.

Après ces rencontres, les ouvriers commencent à donner un sens écologique à leur projet industriel : fabriquer, installer et recycler des panneaux solaires à faible consommation de terres rares. Ils veulent aussi que leur établissement devienne un pôle d’activités sociales et culturelles, avec un bar Arci (pour Association récréative communiste italienne) à l’intérieur. Remettre l’usine au centre du village. «La force de ce collectif, c’est de ne pas se battre pour n’importe quel boulot, abonde Francesca Gabbriellini. Ils veulent créer des emplois qui ont du sens pour la société.»

«Si on ne gagne pas ici, on ne gagnera nulle part»

Les ouvriers se battent actuellement pour récupérer l’usine dont ils ne sont pas propriétaires, par la création d’un groupement d’intérêt public avec la région Toscane et la mairie de Campi Bisenzio. Dans l’Italie fascisante d’aujourd’hui, le programme semble compliqué à réaliser. L’action des ex-GKN a traversé deux gouvernements successifs (Draghi, Meloni) et s’est développée dans un climat de plus en plus répressif. Dans ce contexte, les ouvriers et les solidaires vivent leur aventure collective comme un îlot de résistance. «Si on ne gagne pas ici, où on a construit autant de liens et on a réussi à résister très longtemps, on ne gagnera nulle part», résume Tommaso, membre de l’organisation Studenti di Sinistra (étudiants de gauche) solidaire de la lutte GKN.

 

 

Pour Alberto Prunetti, l’auteur d’Amianto et co-organisateur des festivals de littérature, c’est la culture ouvrière qui fait peur : «Cette lutte faite par les livres fait sortir les patrons de leurs gonds. Tant qu’on fait des manifestations et des tracts, on reste dans les rails. Si on commence à écrire et raconter nos propres histoires, tout à coup, ça devient un problème.» Avant le deuxième festival de littérature Working class, organisé du 5 au 7 avril dernier, la centrale électrique de l’usine a été sabotée, mettant en péril la tenue du festival et la suite du projet. Sans électricité, impossible d’avoir du chauffage, de faire fonctionner le système son et d’assurer la permanence des ouvriers.

 

Mais la solidarité, à nouveau, s’est mise en marche : une coopérative de Florence a mis à disposition des panneaux solaires, encore aujourd’hui source primaire d’électricité à l’usine, le maire de Campi Bisenzio a proposé d’utiliser le terrain public devant la grille pour la tenue de la manifestation et un entrepreneur voisin a prêté un camion pour qu’il devienne la scène où se tiendront les échanges entre auteurs venus de toute l’Europe. Résultat : plus de 5 000 personnes sont venues assister aux débats. L’entreprise aujourd’hui est en liquidation judiciaire, les ouvriers ne touchent plus de salaire depuis début 2024 et ils ont appris sept mois après le deal que l’usine avait été subrepticement vendue à des spéculateurs immobiliers. La lutte continue donc.

Il Capitale. Un libro che ancora non abbiamo letto de la compagnie Kepler-452, Enrico Baraldi et Nicola Borghesi. Du 4 au 8 février aux Célestins de Lyon.

 

Giovanni Simone / Libération

 

 

Légende photo : En 2021, les 422 salariés de GKN sont licenciés. (Photo : Luca Del Pia)
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Dans la bibliothèque de Nicolas Bouchaud : épisode 60/11 du podcast Book Club, émission de Marie Richeux / France Culture

Dans la bibliothèque de Nicolas Bouchaud : épisode 60/11 du podcast Book Club, émission de Marie Richeux / France Culture | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Sur la page de l'émission le Book Club, de Marie Richeux - 31 janvier 2025

 

 

Aujourd'hui, c'est le comédien Nicolas Bouchaud qui nous fait visiter sa bibliothèque. S’y côtoient un poème d’Ingeborg Bachmann, un texte de Paul Celan, des romans de Thomas Bernhard et de Samuel Beckett, et un essai de Hannah Arendt.

Avec

 

 

Ecouter l'émission (60 mn)

 

 

En 2017, au moment de porter sur scène Maîtres Anciens, le roman de Thomas Bernhard, Nicolas Bouchaud décide de commencer par son milieu. Comme il l’écrit plus tard : "commencer par le milieu du roman est une manière de ne pas commencer et sans doute aussi une promesse de ne jamais finir". Pour le metteur en scène : "le choix de faire entendre une voix, faire entendre une pensée qui se cherche et n'est subordonnée à aucune fin". Ce travail de faire entendre des textes, Nicolas Bouchaud le fait depuis longtemps, sous différentes formes. Aussi, nous n’avons aucun doute sur la place qu’occupe la lecture dans sa vie, elle apparaît même centrale et vitale, et les portraits que lui consacre la presse n’oublient jamais de mentionner qu’il a toujours un ou deux livres dans la poche. Ce que nous voulons découvrir avec Nicolas Bouchaud aujourd'hui, c'est le genre de lecteur qu’il est, ce que ces livres, dans la poche ou à la maison, ont fait à son existence, et ce que ce partage généreux, sérieux et amical des textes avec le public produit encore et toujours en lui. Alors découvrons les textes qu’il a choisi de partager avec nous.

Ses actualités :

Palombella Rossa , mis en scène de Mathieu Bauer, du 7 au 14 février 2025 à la MC93-Bobigny et en tournée (le spectacle a été créé en octobre dernier à Maubeuge) D’après le film de Nanni Moretti (1989), direction musicale Sylvain Cartigny, Nicolas Bouchaud interprète le rôle joué par Nanni Moretti dans le film, celui de Michele Apicella.

 

L’amante anglaise de Marguerite Duras, mis en scène de Emilie Charriot, avec également Dominique Reymond et Laurent Poitrenaux, du 21 mars au 13 avril 2025 au Théâtre de l’Odéon

Les choix de Nicolas Bouchaud

Ingeborg Bachmann, La bohème est au bord de la mer poème extrait du recueil Toute personne qui tombe a des ailes. Poèmes 1942-1967 (Gallimard) traduction de l’Allemand par Françoise Rétif)

J’ai découvert Ingeborg Bachmann quand j'ai lu son recueil de nouvelles et le j'avais trouvé magnifique, puis j'ai lu son roman "Malina". Ensuite, j'ai retrouvé Ingeborg Barkman à travers Thomas Bernhard qui l'admirait beaucoup et évidemment Paul Ceylan puisqu'ils étaient amants. Dans ce poème, j'ai l'impression qu'on rentre dans un paysage. Il y a quelque chose de très délicat. Je l'ai choisi parce que, comme dans une grande partie de la poésie, vous entrez dans un paysage que vous ne reconnaissez pas tout de suite et vous y cheminez. Nicolas Bouchaud

 

Paul Celan, Le méridien. Discours prononcé à l’occasion de la remise du prix Georg Büchner en 1960 et autres proses édité sous le titre Le Méridien & autres proses (Seuil) traduit de l’allemand et annoté par Jean Launay

 

Ce qui m'intéresse dans ce texte de Paul Celan c'est ce qu'il se demande lui-même quand il est en train d'écrire le discours. Il pose cette question à Bachmann, dans une lettre. Il lui demande si elle pense qu’il est possible d'avoir un discours sur sa propre pratique. Paul Celan relève le défi dans son livre Le Méridien, mais il ne le fait pas avec un discours argumenté, discursif, mais il le fait avec le langage de la poésie. Ce discours est très étonnant, parce qu'on a l'impression qu'il s'invente au fil des mots, au fil de son énonciation, et cela le rend très vivant. Nicolas Bouchaud

 

Thomas Bernhard, Gel (Gallimard) traduction de l’allemand par Josée Turk-Meyer et Boris Simon.

Souvent, on décrit Thomas Bernhard comme quelqu’un de très sombre, mais ce n’est pas le cas, c’est au contraire quelqu’un de très drôle, et dans quasiment tous ses romans, on rit énormément. Il dit que : "dans le moment le plus tragique de l'existence de quelqu'un, il y a quand même toujours quelque chose de drôle". Mais l'inverse est vrai aussi. Donc il joue constamment sur les contraires. Il y a dans ses livres une vitalité, y compris quand elle est désespérée qui est drôle et moi, cela me touche énormément.

 
 

Samuel Beckett, L’innommable (Editions de Minuit)

"Ce texte est complètement dégraissé de tout récit, mais aussi de toute description. D'ailleurs, le personnage de "l'innommable" est immobile. Il est incapable de bouger, incapable de parler, mais aussi de ne pas parler. En fait, c'est vraiment une sorte de créature, un trou noir. Il n'a pas de nom, il dit « je » et est incapable de faire le moindre mouvement. Ce qui est magnifique, dans ce texte, c'est le langage, en tant qu'il pourrait toujours se casser, s'arrêter. Et donc, on est dans un livre très étrange, dans lequel on a l’impression que c’est presque l’inconscient qui écrit et c’est ce qui est absolument fascinant", Nicolas Bouchaud.

 
 

Livre bonus : Hannah Arendt, préface à La crise de la cultureHuit exercices de pensée politique (Gallimard, Folio) traduction de l’Anglais, pour la préface, par Jacques Bontemps et Patrick Lévy

 

 

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Tommy Milliot se penche sur l’écriture de Maurice Maeterlinck

Tommy Milliot se penche sur l’écriture de Maurice Maeterlinck | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Anaïs Héluin dans La Terrasse - 16 déc. 2024

 

 

 

Après Massacre de Lluisa Cunillé en 2020, Tommy Milliot choisit pour son retour à la Comédie-Française de se pencher sur l’écriture de Maurice Maeterlinck. Sous la forme d’un diptyque, il en monte deux pièces de jeunesse, L’Intruse et Les Aveugles, paraboles de la condition humaine.

 

Depuis Lotissement de Frédéric Vossier (2016), jusqu’à L’Arbre à sang d’Angus Cerini (2023), en passant par des textes de Fredrik Brattberg, Lluisa Cunillé et Naomi Wallace, votre théâtre se concentre sur les écritures contemporaines. Pourquoi travailler maintenant sur Maeterlinck, figure de proue du symbolisme

Tommy Milliot : L’idée de monter des textes de Maurice Maeterlinck est entièrement liée à la Comédie-Française. Je n’aurais pu aborder ailleurs ce grand auteur du répertoire, qui révolutionnait en son temps l’approche du drame alors très naturaliste en proposant tout autre chose : des paraboles de la condition humaine qui ne nous font comprendre qu’une chose, notre incompréhension du monde.

 

 

Pourquoi avoir choisi de rassembler deux pièces, et de les séparer par un entracte ?

T.M. : L’Intruse et Les Aveugles sont des pièces de jeunesse de l’auteur. Elles paraissent toutes les deux dans un même ouvrage en 1890, avant d’être rééditées en 1901 avec une troisième, Les Sept Princesses, en une Petite trilogie de la mort. La mort est en effet omniprésente dans ces deux courts drames dit « statiques ». Dans le premier, elle survient au sein d’une famille rassemblée pour veiller une femme dont l’accouchement récent fut difficile. Dans le second, la mort est là d’emblée bien que seul le spectateur le sache : le guide de douze aveugles a en effet péri, laissant ces derniers seuls dans une forêt septentrionale.

« Nous devons faire entendre les silences de Maeterlinck, aussi importants que ses mots. »

Quel type de jeu faut-il selon vous déployer pour faire exister cette écriture si particulière ?

T.M. : Il faut tendre vers un jeu neutre. Le théâtre de Maeterlinck étant absolument privé d’héroïsme, et même d’action, c’est cette absence qu’il est nécessaire d’atteindre. Cette écriture pousse à l’humilité, et c’est cette attitude que je cherche à adopter avec les comédiens. Nous devons faire entendre les silences de Maeterlinck, aussi importants que ses mots.

 

 

Quel type de scénographie avez-vous conçu ? Car c’est ici comme à votre habitude vous qui assumez cette fonction en plus de la mise en scène.

T.M. : Mon désir de fidélité à l’esprit de Maeterlinck m’a très naturellement poussé à une grande simplicité en la matière. Dans mes recherches dramaturgiques, j’ai découvert un scénographe très célèbre à l’époque de l’auteur, Adolphe Appia, qui m’a beaucoup inspiré dans mon traitement de la profondeur afin de créer volumes, ombres et lumières. Cela afin de stimuler l’imaginaire du spectateur.

 

Propos recueillis par Anaïs Heluin / La Terrasse

 

 

« L’Intruse » et « Les Aveugles »
du mercredi 29 janvier 2025 au dimanche 2 mars 2025
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris

le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30 et dimanche à 15h. Tél. : 01 44 58 15 15.

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Vassili Grossman entre en scène - La chronique théâtre de Jean-Pierre Léonardini 

Vassili Grossman entre en scène - La chronique théâtre de Jean-Pierre Léonardini  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Léonardini dans L'Humanité - 26 janvier 2025

 

 

Gerold Schumann, qui a fondé en 1992 le Théâtre de la Vallée, sis à Écouen (Val-d’Oise), met en scène l’adaptation, par René Fix, de Vie et destin, vaste fresque romanesque de 1 200 pages publiée par Calmann-Lévy 1. L’œuvre valut à son auteur, le journaliste et écrivain juif soviétique Vassili Grossman (1905-1964), une effroyable cascade de déboires et de menaces, avant et jusqu’après la mort de Staline.

 

Il eut droit à tout : foudres de la censure, fouilles du KGB, trahisons d’éditeurs et de collègues écrivains. Dès ses débuts, il flirtait   « entre le bannissement et les honneurs ». Ses écrits ne collaient pas au « réalisme socialiste ». Il fut célèbre en sa qualité de correspondant de guerre pour l’Étoile rouge, organe de l’Armée rouge, durant la bataille de Stalingrad et la découverte des camps nazis. Sur le front en Ukraine, il éprouve l’ampleur des massacres perpétrés contre les juifs. Il y apprend la mort de sa mère dans le ghetto de Berditchev, sa ville natale. Dans la clandestinité, Vie et destin passa en Occident sous la forme de microfilms, pour être publié en Suisse et en France.

Les enjeux majeurs de l’œuvre, mis en pratique par six interprètes.

On se dit que porter en scène une telle somme littéraire relève de la gageure et que qui trop embrasse mal étreint, mais on n’oublie pas que le Russe Lev Dodine avait présenté en 2007 sa version de Vie et destin à la MC93 de Bobigny, avec de grands moyens. Gerold Schumann n’a pas les mêmes. Du moins sa réalisation tient-elle compte des enjeux majeurs de l’œuvre, mis en pratique par six interprètes (François Clavier, Maria Zachenska, Thérésa Berger, Vincent Bernard, Thomas Segouin et le guitariste Yannick Deborne). Ils ont à vite changer de personnage en annonçant la couleur ; officier SS, officier soviétique, soldate russe, soldat allemand, Eichmann, femme ukrainienne, etc.

 

 

Parfois, on s’y perd un peu, mais du moins le climat tragique d’un temps de guerre totale, à l’héritage actuel si lourd, est-il synthétisé en ondes concentriques, à l’aide de la vidéo (Pascale Stih), qui cite, en noir et blanc, les ruines de Stalingrad, entre autres terribles épisodes historiques dans lesquels fut impliqué, à son corps défendant, Vassili Grossman, qui osa dire : « En mille ans l’Homme russe a vu de tout, mais il n’a jamais vu une chose : la démocratie. »

 

 

Jean-Pierre Léonardini

 

 

  1. Vu le 13 janvier à la Grange à Dîmes, à Écouen (Val-d’Oise). Jusqu’au 1er février, il est à l’affiche du Théâtre-Studio d’Alfortville (Val-de-Marne) et, le 30 avril, il sera au Théâtre de l’Arlequin, à Morsang-sur-Orge (Essonne). ↩︎
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“Privé S.V.P” : les chansons d’amour de Maud Lübeck s'invitent sur scène avec Clotilde Hesme

“Privé S.V.P” : les chansons d’amour de Maud Lübeck s'invitent sur scène avec Clotilde Hesme | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Marie Durand dans les Inrocks - 7 février 2025

 

 

Dans un spectacle musical et romanesque, hanté par la perte, “Privé S.V.P”, la chanteuse et autrice Maud Lübeck, accompagnée de Clotilde Hesme, met délicatement en mots un deuil à l’aube de ses 15 ans.

 

Il paraît que l’on a l’âge de nos traumatismes. Maud Lübeck, née en 1973, a donc 13 ans. Durant l’été 1988, elle traversa une expérience dont elle s’est à peine remise, comme une scène primitive de sa vie, y compris celle de chanteuse et d’autrice : la mort accidentelle d’une fille de son âge, Claude, dont la présence éphémère l’électrisa comme personne.

 

Sans pouvoir mettre clairement le mot “amour” sur ce sentiment, elle éprouva à ses côtés, à la regarder marcher dans les rues, une émotion qui dépassait le simple niveau de l’amitié, pour ressembler plutôt à une sorte de possession, de connexion mystérieuse avec son esprit. Une projection fantasmatique en somme, qui ne disqualifie en rien l’intensité du lien.

Un journal de deuil

De cette disparition et des traces qu’elle laissa en elle durant des années, elle tira un journal intime, que Roland Barthes nomma, lui, après la mort de sa mère, un Journal de deuil. C’est ce journal, publié l’an dernier (Privé S.V.P, paru au Nouvel Attila/Seuil), qu’elle met en scène au Théâtre 14, assise au piano, en face d’une violoniste et d’une violoncelliste, et de la comédienne Clotilde Hesme qui dit lumineusement ses mots tristes. Le spectacle procède ainsi à la fois du récit d’un arrachement, construit à partir d’une série de pièces à conviction de leur courte histoire, et du disque de Maud Lübeck, 1988, chroniques d’un adieu, hanté par des chansons d’amour et des plaintes d’adolescentes d’une simplicité désarmante et d’une musicalité enveloppante.

 

Sur un écran, défilent des images qui rappellent les souvenirs de cette tendre adolescence fracassée par la perte du sujet aimé. Clotilde Hesme parle, Maud Lübeck chante, parfois avec elle, créant un lointain effet de réminiscence de films anciens (par exemple, Les Chansons d’amour, de Christophe Honoré où Clotilde Hesme chantait déjà sur une musique d’Alex Beaupain, dont les tonalités de Maud Lübeck ne sont pas si éloignées).

Dans le cadre du Festival Les Singulier·es 2025

Monté d’abord pour la Maison de la poésie comme une simple lecture musicale, le spectacle déborde ce cadre en réussissant à générer un vrai effet théâtral, né d’un dispositif à la fois narratif, visuel et musical. Dans cette délicate façon d’imbriquer trois registres créatifs en un mouvement scénique plein, Maud Lübeck, accompagnée de Céline Gaudier à la mise en scène, se libère des souffrances de sa jeunesse, par la douceur de souvenirs qui remontent à la surface comme un cadavre avec lequel la paix serait enfin possible.

 

Comme si elle était enfin capable de vivre “avec” cette perte plutôt que “dans” cette perte. Son long calvaire intime s’est adouci dans ses mots si justes et ses musiques murmurées, dont le spectacle porte les traces éruptives.

Privé S.V.P avec Maud Lübeck/Clotilde Hesme, Théâtre 14, avec le Cent Quatre, dans le cadre du festival Les Singulier.es, jusqu’au 15 février

 
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Nicolas Bouchaud : "Le théâtre, dans sa beauté, est pauvre"

Nicolas Bouchaud : "Le théâtre, dans sa beauté, est pauvre" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Au micro de Marie Labory, dans l'émission de France Culture "Les Midis de Culture" - Diffusé le 10 février 2025

 

 

En claquettes, bonnet de bain et peignoir, Nicolas Bouchaud s'interroge sur ce qu'il reste des utopies dans l'adaptation théâtrale du film culte de Nanni Moretti, "Palombella Rossa".

 

Ecouter l'émission (28 mn) 

 

Nicolas Bouchaud est l’une des figures du théâtre public contemporain. Associé à ses débuts au metteur en scène Didier-Georges Gabily, Nicolas Bouchaud rejoint à la fin des années 90 l'homme de théâtre Jean-François Sivadier auprès duquel il porte les plus grands rôles classiques ; Dom Juan, Le Roi Lear, Galilée, Othello, Danton... Acteur-penseur auquel on doit un beau recueil de pensées sur le métier de comédien (Sauver le moment), acteur-passeur qui a fait entendre sur scène, en solitaire, quelques grands textes (Loi du marcheur, d’après Serge Daney, Méridien, de Paul Celan, Maîtres anciens, de Thomas Bernhard...) Nicolas Bouchaud pratique un théâtre en prise avec les questions de son temps.

Cette saison, dans l’adaptation du film éponyme de Nanni Moretti, Palombella Rossa, mis en scène par Mathieu Bauer, Nicolas Bouchaud incarne Michele Apicella, un militant communiste amnésique contraint de disputer un match de water polo. Paré d’un bonnet de bain et drapé d’un peignoir, Michele Apicella devise sur le sens de son engagement et s’interroge sur ce qu’il reste des utopies, entre deux actions sportives décisives.

 

Que sont devenues les utopies ?

 

A l’origine de la pièce Palombella Rossa, il y a un film culte, celui de Nanni Moretti, sorti en 1989, dans lequel le cinéaste compose un récit fragmentaire, à l’image de la mémoire trouée de son personnage principal. « Moretti n'a pas voulu créer une histoire linéaire avec un début, un milieu et une fin. On est exactement dans la tête de son personnage Michele Apicella, qui a perdu la mémoire. La seule chose tangible, c'est la continuité du match de Waterpolo. A l'intérieur de ça, lui retrouve la mémoire par bribes. La narration est explosée et elle correspond évidemment avec l'explosion du personnage lui-même et l'explosion du communisme. »

Film burlesque, par son ton, sa forme et son rythme, Palombella Rossa n’en est pas moins un film politique, dans lequel le personnage principal s’interroge sur l’avenir des utopies. « Moretti a fait ce film par peur qu'on ne retienne que le négatif du communisme, donc le stalinisme, et qu'on oublie tout ce qu'il y avait eu de positif. On peut donc dire que c'est un film sur le devenir du communisme. Et ça nous pose aussi encore une question aujourd'hui. Après 89, c’est le triomphe d'une seule idéologie, le capitalisme, dans laquelle nous sommes en plein et plusieurs pas en avant. On est d'une certaine façon encore plus sous l'eau qu'en 89, mais essayons de flotter, parce que, comme dit Serge Daney flotter c'est encore du travail. »

 

Des hypothèses de personnage

 

Le rôle que joue Nicolas Bouchaud dans Palombella Rossa de Mathieu Bauer est celui de Michele Apicella, un double du cinéaste lui-même, dont la personnalité se fragmente, se renouvelle et se contredit parfois au gré de la réminiscence. « C'est comme si on vous demandait de jouer Charlo dans les temps modernes, Buster Keaton dans « Va chez moi » ou Woody Allen dans « Annie Hall » ou « Manhattan ». Les acteurs réalisateurs qui se sont inventés à l'écran un ou une alter ego, c'est assez compliqué parce que à la fois c'est complètement eux et à la fois, ils sont un peu le personnage qu'ils disent, qu'ils prétendent être à l'écran."

 

Pour jouer, pour trouver sa place dans ce jeu de mascarade, Nicolas Bouchaud a choisi de partir de la perte de mémoire, qui, en faisant éclater le personnage en fragments, lui a permis de se glisser dans chacune des situations : "j'ai épousé les différents fragments pour justement laisser aux spectateurs aussi la possibilité de rassembler les pièces du puzzle. » Ceci résonne avec la manière dont il conçoit plus généralement le personnage : « Un personnage, c'est toujours des hypothèses, c'est des bouts de fiction qui sont comme lancés dans le paysage. »

 

 

 

À écouter

Dans la bibliothèque de Nicolas Bouchaud

Le Book Club, émission de Marie Richeux 

 

 

L'actualité de Nicolas Bouchaud

  • Nicolas Bouchaud incarne Michele Apicella dans "Palombella Rossa", une mise en scène de Mathieu Bauer d'après le film de Nanni Moretti, du 7 au 15 février 2025 à la MC 93 puis en tournée. Les 25 et 26 février au Lieu Unique à Nantes, les 10 et 11 mars au Grand Théâtre D’Albi, le 13 mars à l'Empreinte, Scène Nationale de Brive-Tulle, du 3 au 14 juin au Théâtre Silvia Monfort à Paris.
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February 10, 5:29 AM
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Dans les Pays de la Loire, l’heure des comptes pour un secteur culturel passé au rabot

Dans les Pays de la Loire, l’heure des comptes pour un secteur culturel passé au rabot | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandrine Blanchard dans Le Monde - 9 février 2025

 

Programmations rétrécies, emplois supprimés, compagnies menacées de disparaître… Quatre acteurs du spectacle vivant et de la création artistique expliquent l’impact des baisses de subventions régionales.


Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/02/09/dans-les-pays-de-la-loire-l-heure-des-comptes-pour-un-secteur-culturel-passe-au-rabot_6538283_3246.html

« Ce que l’on craint le plus, c’est un effondrement à bas bruit du service public de la culture. » Catherine Blondeau, directrice du Grand T, théâtre de Loire-Atlantique, à Nantes, résume ainsi le sentiment qui s’est emparé des acteurs culturels des Pays de la Loire après le coup de tonnerre provoqué par la baisse drastique des subventions régionales.

 

Le 19 décembre 2024, sous l’impulsion de sa présidente, Christelle Morançais (Horizons), qui s’est targuée de « s’attaquer à un secteur que personne n’osait affronter jusqu’alors », cette région a voté une baisse de 62 % des aides au fonctionnement de quelque 500 lieux, initiatives et projets dans tous les domaines de la culture.

 

Après la sidération et plusieurs manifestations, l’heure est aux comptes, à l’évaluation des conséquences de ces réductions budgétaires pour les structures, les artistes, mais aussi de ses répercussions sur le public. Programmations rétrécies, emplois supprimés, compagnies qui risquent de disparaître… Pour comprendre ce qui se joue derrière les chiffres et le retrait partiel du financement régional, nous avons interrogé quatre acteurs du spectacle vivant et de la création artistique (trois structures aux statuts différents et une compagnie connue) pour mesurer l’impact, à leur échelle, des choix politiques du conseil régional.

Au Grand T, qui deviendra, dans le courant de la saison 2025-2026, Mixt, un nouvel établissement réunissant Le Grand T et Musique et danse en Loire-Atlantique, la directrice a décidé de proposer à son conseil d’administration une augmentation du prix du billet, passant de 25 euros à 28 euros, et la création d’un nouveau tarif, à 33 euros, pour les « spectacles grand format ». « C’est la seule solution pour reconstituer, en 2026, les 100 000 euros qui manqueront de la région », assure Mme Blondeau, qui a notamment été contrainte de reporter la venue de la nouvelle création du réputé metteur en scène Joël Pommerat, prévue initialement en 2025.

 
 
Lire le portrait (2025) | Article réservé à nos abonnés Christelle Morançais, la « Thatcher » des Pays de la Loire
 
 
 

« Nous sommes obligés d’optimiser le ratio entre le prix du spectacle et les recettes. Actuellement, une pièce avec plus de trois comédiens est presque toujours déficitaire. Le risque est de ne plus pouvoir programmer certains spectacles, tel que Le Ciel de Nantes, de Christophe Honoré, que nous avions accueilli en 2022, et de devoir privilégier davantage les petits formats », développe la directrice. A cela s’ajoute « ce que le spectateur ne voit pas » : les actions d’éducation culturelle et artistique, les ateliers pour les lycéens. « Sur toutes ces missions de service public qui ne rapportent pas d’argent, nous sommes contraints de réduire la voilure », se désole-t-elle.

« La casse est énorme »

Aux Quinconces, scène nationale du Mans, qui compte deux salles, de 800 et de 500 places, les engagements pris avec les équipes artistiques sont maintenus jusqu’en juin, mais « nous allons devoir supprimer cinq spectacles sur la saison 2025-2026, ce qui signifie moins de levers de rideau, moins de compagnies produites ou accueillies en résidence. La casse est énorme pour les artistes », regrette la directrice, Virginie Boccard.

 

« D’ores et déjà, nous gelons les recrutements dans notre équipe, ajoute-t-elle, et avons suspendu nos contrats avec certains prestataires. » Parmi ceux-ci : un imprimeur, une attachée de presse et l’arrêt des achats d’encarts dans la presse locale. Comme un effet domino, « la baisse de subvention [94 000 euros] se répercute sur tout un écosystème », insiste la directrice.

Elle aussi réfléchit à une nouvelle politique tarifaire et redoute de devoir louer ses espaces pour des activités autres qu’artistiques. « Se transformer en salle polyvalente, accueillir des combats de boxe, par exemple, n’est pas notre volonté. Nos représentations se jouent presque toujours à guichets fermés, nos chiffres de fréquentation sont excellents, la critique de l’entre-soi faite au théâtre est, juge-t-elle, un procès d’intention à visée idéologique. »

 

 

Avec un arrêt total de sa subvention régionale en 2026 (165 000 euros, soit 20 % de son budget) et une baisse de 16 %, dès 2025, le Théâtre régional des Pays de la Loire, à Cholet (Maine-et-Loire), voit son avenir malmené. « C’est comme si l’on nous coupait un bras, et même un peu plus », résume le directeur et metteur en scène Camille de la Guillonnière. Cette structure atypique de décentralisation théâtrale, cofinancée, depuis 1972, par la région, accueille des compagnies en résidence, et sa troupe parcourt chaque été les routes pour une tournée de spectacles en plein air. « Pour cette année, nous avons dû renoncer à dix représentations d’Antigone, de Sophocle, dans des villages et à cinq semaines d’accueil de compagnies », liste le directeur. Pour 2026, le projet sera recentré sur l’agglomération de Cholet, et les emplois permanents passeront de cinq à deux.

 

 

Sans marge artistique, le répertoire de 19 spectacles ne va pas pouvoir s’enrichir et se renouveler. « Au lieu des 65 représentations estivales, nous ne pourrons en faire que 30, et devrons, l’année prochaine, diviser par deux le nombre d’artistes », poursuit M. de la Guillonnière. Vingt ans pourtant que le théâtre sillonne une soixantaine de villages et mène un travail artistique et social. « Il faut des années pour construire des liens, et peu de temps pour les détruire », prévient-il.

Signes avant-coureurs

A l’heure où la ministre de la culture, Rachida Dati, ne cesse de mettre en avant son plan culture et ruralité, les difficultés de ce théâtre itinérant semblent incongrues. « Si une structure comme la nôtre, hyperdécentralisée, qui joue dans des communes de 1 000 habitants, n’est pas éligible au Printemps de la ruralité, qui va l’être ? », s’interroge le directeur après un rendez-vous vain, il y a quelques jours, avec la direction régionale des affaires culturelles.

 

 

Lire aussi (2025) | Article réservé à nos abonnés Dans l’Hérault, coupes franches dans le financement de la culture
 

Si les acteurs culturels ne reviennent toujours pas de la brutalité et de l’absence de concertation qui ont prévalu dans les décisions budgétaires, ils reconnaissent qu’il y avait des signes avant-coureurs. Depuis deux ans, les aides aux compagnies régionales pour participer au Festival « off » d’Avignon ont fondu comme neige au soleil. En 2023, après plus de vingt-deux années de présence dans la salle avignonnaise du Grenier à sel, qui était devenue un lieu de diffusion très envié, la région Pays de la Loire s’est retirée. L’année suivante, elle n’a soutenu que quatre compagnies pour participer à ce grand rendez-vous théâtral. En 2025, les aides à la création ont été supprimées.

 

« Ces coupes budgétaires brutales viennent s’ajouter à une situation difficile du spectacle vivant en France, avec une chute importante de la diffusion. Dès la saison 2024-2025, nous avons dû faire face à 50 % d’annulation de représentations, pointe la performeuse et metteuse en scène Phia Ménard. Cela nous a obligés à réduire notre activité, à reporter des créations, à ne pas engager d’artistes. » Sa compagnie Non Nova, fondée en 1998 et installée à la périphérie nantaise, s’est vu retirer l’intégralité de l’aide de la région (40 000 euros annuels) après vingt ans de conventionnement. Conséquence : le licenciement économique d’un permanent, des baisses de salaire pour les autres, et une flopée de contrats avec des prestataires (transporteur, entretien, informatique, etc.) résiliés. Les liens avec les autres collectivités financeuses (ville de Nantes, département) sont « très bons, nous pouvons discuter », constate Phia Ménard. « La région n’a mené aucune concertation avec les autres collectivités partenaires, et ce, quelle que soit leur couleur politique », déplore Virginie Boccard.

« Opération #DeboutPourLaCulture »

Abattus, conscients d’avoir « perdu la bataille de l’opinion publique », ces acteurs culturels essaient désormais de se faire entendre avec l’opération #DeboutPourLaCulture. A la fin de chaque représentation, les spectateurs se lèvent, une photo est prise, puis diffusée sur les réseaux sociaux. Après les manifestations qui se sont révélées inopérantes, l’objectif est de créer « un mouvement joyeux et positif », veut croire Catherine Blondeau. Et de montrer que, contrairement à ce qu’affirme Christelle Morançais, la grogne dépasse largement une « minorité bruyante », mais concerne la population.

 

Dans l’entourage de la présidente du conseil régional, le maître mot à l’attention des structures culturelles est de les appeler à « se réinventer ». « Mais nous ne sommes pas hors-sol, nous gérons, nous aussi, des budgets et des équipes », rappelle Mme Boccard. En diminuant les subventions de fonctionnement, la région donne un coup de boutoir au financement croisé Etat-collectivités locales, sur lequel repose, depuis plus de quarante ans, la politique culturelle.

 

 

 

Lors de ses derniers déplacements et de ses prises de parole devant les parlementaires, Mme Dati a systématiquement demandé aux collectivités, qui portent deux tiers des dépenses culturelles, de « prendre leurs responsabilités ». « Il faut refonder le pacte entre l’Etat et les collectivités territoriales. (…) La culture est le cœur battant de notre pays. Ça fait mal au cœur de voir que nos politiques culturelles font, ici et là, l’objet de choix que je ne peux approuver », a déclaré la ministre de la culture, le 17 janvier, au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, faisant allusion aux décisions de la région Pays de la Loire.

Durant l’été 2025, la compagnie du Théâtre régional des pays de la Loire montera Les Midinettes, de Jacques Hadjaje, l’histoire d’ouvrières licenciées pour cause de délocalisation, qui ont décidé d’occuper leur usine de confection de sous-vêtements. « Elles sont au bord du précipice, c’est comme un écho à notre situation », estime Camille de la Guillonnière. Cette pièce, le metteur en scène aimerait notamment la jouer devant l’usine Michelin, à Cholet, qui va bientôt fermer.

 

 

Sandrine Blanchard / Le Monde 

 
Légende photo : Manifestation pour protester contre les coupes drastiques dans la culture et le sport, annoncées par Christelle Morançais, la présidente de la région des Pays de la Loire, à Nantes, le 19 décembre 2024. SÉBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

 

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February 8, 8:12 AM
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«L’Intruse» et «les Aveugles» de Maurice Maeterlinck : terreur de la personne 

«L’Intruse» et «les Aveugles» de Maurice Maeterlinck : terreur de la personne  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Lucile Commeaux dans Libération - 8 février 2025

 

 

Sous la direction de Tommy Milliot, la troupe de la Comédie-Française s’empare de deux pièces de l’écrivain belge. Une fiction d’épouvante réussie, pleine de tension dramatique.

 
 
 

C’est un spectacle double, qui commence et s’achève dans le silence et la pantomime : le visage tendu, yeux fermés et joues gonflées d’un vieillard ; les bouches grimaçantes de tout un chœur. Sur le plateau du Vieux-Colombier, Tommy Milliot et la troupe de la Comédie-Française travaillent la prose de Maeterlinck moins comme une langue que comme une matière sonore et lumineuse, quelque chose qui s’extrait à peine du silence et des ténèbres pour y retourner aussitôt, comme une cavité dans un souterrain ou une lueur dans un ciel noir.

Justesse exceptionnelle

Pourtant le plateau, alors que le rideau ouvre sur la première des deux courtes pièces qui composent le spectacle, paraît bien civilisé : de grands pans de bois aux tons chauds entourent une salle à manger sobre qu’éclaire une lampe à la lumière légèrement vacillante. Dans l’Intruse, publiée en 1890, le jeune écrivain belge Maurice Maeterlinck, précurseur du symbolisme en théâtre, campe une famille qui attend. Une jeune femme est dans une chambre attenante, malade. C’est le soir, on discute de choses et d’autres, autour du grand-père aveugle, qui est de plus en plus persuadé, sans qu’on sache pourquoi, qu’il va se passer quelque chose de terrible. Les Aveugles, plus longue, plus peuplée, met aussi en scène l’imminence de quelque chose de terrible. Exit la salle à manger : la structure de bois accueille désormais des colonnes et de grandes marches, sur lesquelles est assis un groupe de non-voyants, femmes d’un côté et hommes de l’autre, abandonnés loin de l’hospice par le prêtre qui les menait, sans qu’ils sachent pourquoi ni pour combien de temps.

 

Si le décor rappelle une sorte de temple grec, aucun dieu ne vient à la rescousse des êtres de Maeterlinck : les ténèbres dans lesquelles ils errent deux heures durant, et les visions qui paradoxalement les agitent, n’ont rien de mystique. Nul recours, nulle pitié pour eux, et le spectacle double conduit doucement son public aux confins d’une terreur sourde. Une fiction d’épouvante à bas régime s’élabore dans ce décor qui bientôt n’a plus rien de rassurant, sans haut cri, presque sans déplacement. Bakary Sangaré en particulier, trouve dans le rôle du grand-père aveugle de l’Intruse une justesse exceptionnelle. Il insuffle ainsi une sorte d’affolement statique qui rend – c’est peut-être une légère faiblesse du spectacle – la première pièce bien plus belle et saisissante que la seconde, où l’ennui guette parfois, menaçant de rompre la tension dramatique.

Décor riche et signifiant

C’est qu’il faut composer avec la pauvreté de ces textes écrits à l’os, dans un dépouillement antilyrique radical. La force de la proposition de Tommy Milliot réside grandement dans ce qu’il a choisi précisément un décor riche et signifiant pour y élaborer, en chimiste, une matière composée de signes, de musique et de lumière mêlés. Les comédiens chantent presque le texte qui devient, au contact d’une bande sonore composée d’accords orchestraux, de musique électronique, et du tic-tac d’une horloge bourgeoise, une sorte de partition bouclant les vaines interrogations des personnages. C’est comme une brume dont on s’extrait finalement, et dont on garde longtemps quelques impressions ouatées.

«L’Intruse» et «les Aveugles» de Maurice Maeterlinck, mise en scène par Tommy Milliot, avec Bakary Sangaré, Gilles David, Dominique Parent, Claïna Clavaron, Charlotte Clamens… Au théâtre du Vieux-Colombier Comédie-Française jusqu’au 2 mars.

 

Lucile Commeaux / Libération

 

Légende photo : Bakary Sangaré en particulier, trouve dans le rôle du grand-père aveugle de «l’Intruse» une justesse exceptionnelle. (Photo : Christophe Raynaud de Lage)
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February 7, 5:03 PM
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Maeterlinck vu par Tommy Milliot, quand l’invisible régit le réel

Maeterlinck vu par Tommy Milliot, quand l’invisible régit le réel | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Arvers dans Les Inrocks - 7 février 2025

 

Avec Maeterlinck, tout est question d’atmosphère. Mais comment mesurer l’impalpable inhérent au ressenti d’une atmosphère ? En provoquant un effet miroir où se reflètent les motifs dramaturgiques qui la structurent, répond Tommy Milliot en montant en diptyque L’Intruse et Les Aveugles, les deux pièces en un acte que le dramaturge a écrites dans sa jeunesse. Un détail qui compte puisque naissance et mort s’y confrontent à chaque fois, mais en ordre inversé.

Avec Maeterlinck, tout est question d’atmosphère. Mais comment mesurer l’impalpable inhérent au ressenti d’une atmosphère ? En provoquant un effet miroir où se reflètent les motifs dramaturgiques  qui la structurent, répond Tommy Milliot en montant en diptyque L’Intruse et Les Aveugles, les deux pièces en un acte que le dramaturge a écrites dans sa jeunesse. Un détail qui compte puisque naissance et mort s’y confrontent à chaque fois, mais en ordre inversé.

 

Dans L’Intruse, un silence troué de paroles et des bruits du dehors enserrent comme un étau la réunion de famille regroupant le grand-père aveugle et ses enfants, attendant le médecin au chevet de la jeune femme qui se meurt tandis que son bébé dort, ignorant ce qu’il en coûte à sa mère de l’avoir mis au monde. Avec Les Aveugles, la mort est déjà là, mais les aveugles ne peuvent la voir et attendent vainement le retour du prêtre, qui gît à leurs pieds, pour rentrer à l’hospice. Dans les bras de l’aveugle folle, seul son bébé peut voir, mais ne peut ni guider la troupe ni la sauver du froid et de la nuit qui va l’engloutir.

 

La similarité et la complémentarité des éléments constitutifs des deux pièces évoquent le célèbre palindrome attribué à Virgile : “In girum imus nocte ecce et consumimur igni” (“Nous tournoyons dans la nuit et nous voilà consumés par le feu”). Par la forme, le palindrome, et le fond, la métaphore de l’expérience humaine comme cycle bordé par la naissance et la mort, elle dit la vanité à se penser unique au cœur d’une incommensurable multitude.

Pour sa deuxième création à la Comédie-Française, après  Massacre de Lluïsa Cunillé en 2020, Tommy Milliot, qui s’était fait connaître par la pertinence de ses lectures d’auteur·rices contemporain·es – de Frédéric Vossier à Fredrik Brattberg ou Naomi Wallace –, a donc choisi un auteur classique. L’invitation de la Comédie-Française s’est depuis transformée en collaboration, notamment pour la construction du décor réalisé au Nouveau Théâtre Besançon, dont il a été nommé directeur en janvier 2024.

Teinte sépia et lignes claires à la géométrie douce et arrondie par le velouté des ombres qui la peuple, la scénographie accentue l’immobilisme des corps, brisés dans leur élan par une menace invisible. Tous·tes impeccables d’ardeur contenue et de frayeur glacée, les interprètes, avec leur voix, incarnent la multiplicité des expériences vécues. Traumatismes et pressentiments, désirs et craintes y sont continûment balayés par l’impermanence des choses et la pesanteur d’un temps imperméable au mouvement de l’existence, qu’il écrase avec la même régularité que la pulsation de vie qui le précède.

 

 

L’Intruse et Les Aveugles, de Maurice Maeterlinck, mise en scène et scénographie Tommy Milliot, avec la troupe de la Comédie-Française. Jusqu’au 2 mars au théâtre du Vieux-Colombier, Paris

 

 

Fabienne Arvers / Les Inrocks

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February 7, 9:48 AM
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Au Collège de France, le metteur en scène Wajdi Mouawad fait couler le sang pour sa leçon inaugurale

Au Collège de France, le metteur en scène Wajdi Mouawad fait couler le sang pour sa leçon inaugurale | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 7 février 2025

 

Sollicité par l’historien Patrick Boucheron pour intervenir dans la vénérable institution, le dramaturge n’a ménagé ni sa pensée, ni son humour, ni sa peine.

 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/02/07/au-college-de-france-le-metteur-en-scene-wajdi-mouawad-fait-couler-le-sang-pour-sa-lecon-inaugurale_6536097_3246.html

Il y avait foule, jeudi 6 février, au Collège de France, à Paris, pour assister à la leçon inaugurale de l’auteur et metteur en scène Wajdi Mouawad. Longue file de gens frigorifiés au-dehors, qui patientaient en espérant entrer, salle pleine au-dedans, avec, aux premières loges, trois anciennes ministres de la culture. Rima Abdul Malak, Roselyne Bachelot et Aurélie Filippetti avaient fait le déplacement. Pas Rachida Dati. L’actuelle locataire de la Rue de Valois a raté un discours dont le contenu et la conclusion ont laissé l’assemblée bouche bée.

 

 

Lire l’entretien avec Wajdi Mouawad (en 2024) : Article réservé à nos abonnés « L’exil m’a apporté le désir et la curiosité d’aller vers l’autre »
 

Pour sa première conférence, l’artiste n’a ménagé ni sa pensée, ni son humour, ni sa peine. Sollicité par l’historien Patrick Boucheron pour intervenir dans la vénérable institution (où il donnera huit cours et séminaires), le directeur de La Colline s’est livré à une prestation théâtrale radicale et impérieuse, allant jusqu’à se maculer le visage de son sang dans un final digne des performances de l’Espagnole Angelica Liddell.

 

Veste tombée, en chemise blanche, manches retroussées, il a tendu ses veines à la seringue d’une infirmière. « En attendant que le sang soit ici versé, car il le sera à n’en point douter », avait-il prévenu le public d’entrée de jeu. Wajdi Mouawad ne vient pas faire le beau dans le saint des saints de l’intelligence à la française. Il vient y parler d’écriture. Or, aujourd’hui, pas de doute selon lui, l’encre, c’est le sang.

« Entre le cœur et le crayon »

Joindre le geste à la parole n’était pas de nature à effrayer cet homme de plateau aguerri. Maniant le verbe avec un sens fou de ses rythmes, il a promené ses hordes de mots du passé au présent, de ses origines libano-québécoises jusqu’aux horizons créatifs qu’il habite désormais.

 

 

Alors qu’il va occuper la chaire annuelle « L’Invention de l’Europe par les langues et les cultures », il a titré son monologue introductif d’un énigmatique « L’ombre en soi qui écrit ». Et c’est bien elle qui a surgi, l’ombre sans qui « rien n’est possible entre le cœur et le crayon », et qu’escortaient, dans une oraison passionnante, les débris du Liban, les blessures de l’enfant, les questions de l’adulte.

 

Fustigeant les morales étriquées, les replis sur soi ou la perte du sens tragique, les sommations de Mouawad n’ont poursuivi qu’un but : « Tout ce qui n’est pas poésie est trahison. » Des phrases de ce goût-là, rappels à l’ordre fulgurants de vérités à marteler en temps de crise, il y en avait des dizaines, toutes plus frappantes les unes que les autres. Elles ont fait le show autant que leur auteur, par ailleurs excellent comédien. Prochain rendez-vous, mardi 18 février : « Epiphanie du verbe “être” ». Prenez date, il va y avoir foule.

 

 

Wajdi Mouawad au Collège de France, chaire annuelle : « L’Invention de l’Europe par les langues et les cultures ». Jusqu’au 8 avril. Programme détaillé disponible sur le site du Collège de France.

 

 

Joëlle Gayot / LE MONDE

 

 

Légende photo : Wajdi Mouawad lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, à Paris, le 6 février 2025. PATRICK IMBERT/COLLÈGE DE FRANCE

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February 5, 12:15 PM
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Au Théâtre de l’Atelier, Vincent Dedienne joue les mots de Lagarce à tombeaux ouverts 

Au Théâtre de l’Atelier, Vincent Dedienne joue les mots de Lagarce à tombeaux ouverts  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Lançon dans Libération - 3 fév. 2025

 

Maniant tendresse et humour, le comédien rend justice aux mots du dramaturge mort du sida il y a trois décennies avec deux spectacles, «Il ne m’est jamais rien arrivé» et «Juste la fin du monde».

 

 

Jean-Luc Lagarce est mort du sida à 38 ans, en 1995. Depuis quelques années, il survivait. Son journal devient donc assez vite le journal d’un survivant, mais bien vivant. Jeune homme puis homme jeune, metteur en scène, dramaturge, homosexuel, allant vers la mort de corps en corps avec un sentiment d’horreur et un certain sourire, drelin drelin, en lutte légère, tenace, finale. Il a 20 ans lorsqu’il commence à le tenir, le mercredi 9 mars 1977 : «Pion au lycée de Montbéliard. Habite entre Besançon, chambre d’étudiant, ce lycée et chez mes parents à Valentigney. Amoureux de Ghislaine. Mon grand-père maternel a un cancer. Création du théâtre de la Roulotte (le 24).» D’emblée, la liste, non pas de ses envies, mais de ses constats. Les constats décollent un peu la membrane du poumon. Ça respire mieux tout en respirant mal, un peu plus vite peut-être.

A 21 ans, la liste ébauche la forme des monologues qui fleurissent alors au théâtre, bientôt dans le sien. Monologues secs, tendus, minutieux, taillant leur chemin dans les sous-sols d’une conscience qu’ils projettent, comme un menuisier rabote sa planche, de copeau en copeau : «Etre homosexuel mais être laid et ne pas être désirable. Etre obligé à des amours de rencontre dans des lieux sordides et furtifs. Un garçon noir, une nuit, à Audincourt, qui veut devenir chanteur de variétés. Un garçon dont la femme s’appelle Elisabeth et qui a deux enfants. Un soldat qu’on ramène jusqu’à sa caserne, pour rien, dans la nuit…»

Fragilité d’insecte

 

Ensuite, la longue marche de dix-huit ans commence, nerveuse, enjouée, désespérée, sur les planches et vers sa fin. Il la pressent avant de l’affronter : le plus intense de ce qu’on finit par vivre, c’est comme si on l’avait toujours vécu. A 19 heures, Vincent Dedienne lit des extraits du journal. Lit ? Un peu plus. Debout, face au public, c’est un seul en scène. Dedienne est Lagarce. Il dit ses listes en souriant, tendre, espiègle, effleurant le chagrin, et ce sourire, cette caresse physique sur la langue, cette dure fragilité d’insecte, rendent d’autant plus net le cheminement du texte : Il ne m’est rien arrivé est le meilleur des deux spectacles.

 

A gauche du comédien, assise sur un baffle noir, Irène Vignaud dessine sur un iPad des figures, des paysages. Naissant en blanc sur le fond noir de la scène, elles illustrent ce qu’on entend. «Jeudi 20 avril 1989. Mâcon. Mort de Bernard-Marie Koltès. 40 ans. De quoi on vous le laisse deviner. Cela me bouleversa totalement et me laissa sur le flanc toute la journée.» Et le visage de Koltès se dessine. Koltès, dont l’art théâtral du monologue a tant influencé Lagarce. «Samedi 3 mars 1990. Dans une interview, Hervé Guibert annonce qu’il a le sida et qu’il va mourir très bientôt. Il dit calmement les choses. Il va mourir.» Et le visage de Guibert se dessine. Guibert, dont le livre Mes parents a tant marqué Lagarce.

 

Il y a beaucoup de passages comiques, par exemple lorsqu’il fait visiter les monuments de Paris à ses parents : on est presque chez Courteline, et Dedienne fait ici merveille. La chute est précise et laconique. Lagarce est à l’hôpital et il note, sans bavardage et sans date : «Me suis réveillé avec une érection. Me suis réveillé pendant des années – quinze ans – avec une érection et l’envie de baiser et toute l’énergie du monde pour l’assouvir. C’est fini.» Dedienne, qui ne veut pas désespérer le public, finit sur une note joyeuse : «La prochaine fois, si vous êtes sages, je parlerai de cul. Oh ! Excusez-moi mais je crois que c’est un sujet que je dois aborder. Nous en reparlerons avec les personnes les moins sensibles.» Il ajoute : «Ça aussi, c’est dans le journal !» Et il salue.

 

Chagrin colérique

A 21 heures, le revoilà sur scène, avec d’autres, pour jouer Juste la fin du monde, la pièce la plus célèbre de l’auteur, écrite et réécrite, publiée en 1990 : son autre tombeau. Un fils, double de fiction de Lagarce, joué par Dedienne, revient dans sa famille en Franche-Comté, pour annoncer qu’il est malade et va mourir. Il ne leur dira rien. Ce sont eux qui parlent, qui lui balancent leurs vies, leurs souvenirs, leurs reproches. Il faut voir les deux spectacles pour comprendre comment la vie d’un créateur passe dans sa création. Dans son journal, Lagarce écrivait : «Il ne m’est rien arrivé.» Dans la pièce, c’est le frère de son double qui le dit. Celui qui est resté sur place, cloué dans son chagrin colérique, se plaignant de tout et d’abord du retour inutile du frère absent. C’est lui, le frère sédentaire, qui parle ici admirablement, qui décortique leur vie et se décortique à mort, qui déborde sans un mot de trop, avec toute l’injustice de la vérité subie. C’est lui qui dénonce, chez son frère en surplomb et accablé, «cette façon habile et détestable d’être paisible en toutes circonstances». Le comédien qui le joue, Loïc Riewer, est le clou du spectacle.

 

La pièce est une suite de monologues de ce frère, de la mère, de la sœur, de la belle-sœur, courts, moyens, longs, lancés sur le revenant. Rôle de réceptacle difficile à tenir, auquel Dedienne n’est sans doute pas habitué. Face aux mots, embarrassé, il sourit, mains serrées ou à la ceinture. De temps à autre, il se retourne vers le public et dit un monologue à son tour. Le revenant raconte non pas sa vie, mais ce qu’il ne parvient pas à dire aux autres : «Je me réveillai avec l’idée étrange et désespérée et indestructible encore qu’on m’aimait déjà vivant comme on voudrait m’aimer mort sans pouvoir et savoir jamais rien me dire.»

 

Le théâtre est un divan contrôlé par la forme ; et le texte a la délicatesse fracassée du destin. La manière dont ces personnages s’adressent à tout le monde et à personne, aux autres et à eux-mêmes, Marguerite Duras l’avait résumé bien des années plus tôt, à propos de l’un de ses livres, le Square : «Quand on me dit que la bonne à tout faire du Square ne parle pas naturellement, bien entendu qu’elle ne parle pas naturellement, puisque je la fais parler comme elle parlerait si elle pouvait le faire.»

Il ne m’est jamais rien arrivé, d’après le journal de Jean-Luc Lagarce, et Juste la fin du monde, jusqu’au 22 mars au Théâtre de l’Atelier à 19 heures et 21 heures. Mise en scène de Johanny Bert.

 

Philippe Lançon / Libération

 

Légende photo : Debout, face au public, c’est un seul en scène. Vincent Dedienne est Jean-Luc Lagarce. (Christophe Raynaud de Lage)
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February 4, 11:53 AM
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Adèle Haenel : "Je suis la représentante de cette enfant qui a disparu, que personne n'a protégée"

Entretien du 16 décembre 2024, émission de France Inter 

 

À 7h50, l'actrice Adèle Haenel est l'invitée de Sonia Devillers, quelques jours après la fin du procès du réalisateur Christophe Ruggia, qu'elle accuse de l'avoir agressée sexuellement alors qu'elle était mineure. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/adele-haenel-2610582?gdfsvg

 

Mise à jour du 3 février 2025

Le réalisateur français Christophe Ruggia a été condamné à quatre ans de prison, dont deux ferme à effectuer sous bracelet électronique, pour avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans #AFP

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February 4, 5:26 AM
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Vincent Dedienne plonge en apnée dans l’écriture de Jean-Luc Lagarce

Vincent Dedienne plonge en apnée dans l’écriture de Jean-Luc Lagarce | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Arvers dans Les Inrocks - 30 janvier 2025

 

“Il ne m’est jamais rien arrivé” et “Juste la fin du monde”, deux spectacles en une soirée dirigés par Johanny Bert, où Vincent Dedienne se confronte à la vie et à l’œuvre du dramaturge Jean-Luc Lagarce.

 

Une tragédie en deux actes. En décidant de jouer en première partie de soirée une adaptation du Journal de Jean-Luc Lagarce, avant d’enchaîner avec la pièce Juste la fin du monde, le metteur en scène Johanny Bert et l’acteur Vincent Dedienne nous replongent dans l’hécatombe des années sida où s’est convulsé le XXe siècle finissant.

 

Mort trop jeune, avec tant d’autres, d’Hervé Guibert à Bernard-Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce en fut le diariste attentif, méticuleux et insolent, y affirmant haut et fort ses convictions et ses désirs. Un contraste saisissant avec sa langue de dramaturge, reconnaissable entre mille par sa façon élégante et pointilleuse de répéter en en modifiant le temps verbal l’expression de ses sentiments ou de ses actes.

Se concentrer sur l’homme

Une écriture qui court le risque, avec le temps, de se transformer en gimmick, estime Johanny Bert qui a voulu réunir autour de Vincent Dedienne “des actrices et acteurs venant d’horizons différents, prêts à [lui] faire confiance et à travailler cette langue lagarcienne, non pas comme une disfluence verbale savante, mais comme une humanité en mal de communication, en quête du vrai, avec ses heurts et ses frottements”.

Se colleter au Journal de Jean-Luc Lagarce, Vincent Dedienne en rêvait depuis longtemps, et c’est lui qui en a proposé à Johanny Bert une adaptation, achoppant volontairement sur tout ce qui a trait au théâtre pour se concentrer sur l’homme, son époque et l’expression d’un désir homosexuel, que rien, pas même l’irruption du sida, ne saurait entraver. On sent l’admiration que l’acteur porte à l’auteur, laissant affleurer les identifications par lesquelles on se construit, et c’est in fine un autoportrait qui se croque sous nos yeux. Impression appuyée par les dessins qu’Irène Vignaud réalise en direct, projetés sur le rideau noir, unique élément de décor.

Des acteur·rices épatant·es

Le fantôme de Jean-Luc Lagarce ne quitte pas le plateau pour la représentation de Juste la fin du monde. Il plane, comme l’ensemble du mobilier et des accessoires suspendus à des cintres et descendant le temps d’une scène pour camper ce décor – la maison familiale où revient, pour annoncer sa disparition prochaine, le personnage principal. Mais fils prodigue, il ne l’est pas. Son retour sera plutôt l’occasion de règlements de compte avec une famille qu’il revoit après tant d’années, et il repartira sans leur avoir rien dit.

Toute la vivacité de Vincent Dedienne prenant le Journal à bras-le-corps a disparu, reportée dans Juste la fin du monde sur le quatuor épatant qui l’entoure : sa sœur (Céleste Brunnquell), qui a tellement grandi et l’a tellement rêvé, ce frère absent, son frère (Loïc Riewer), bloc d’amertume en souffrance, sa belle-sœur (Astrid Bayiha) et sa mère (Christiane Millet), qui voudraient tant arrondir les angles et faire table rase du passé. Déjà ailleurs, Vincent Dedienne se transforme alors en chambre d’écho atonale, où toute parole retombe dans un silence définitif.

 

Fabienne Arvers / Les Inrocks

 

Il ne m’est jamais rien arrivé, d’après le Journal, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Johanny Bert, avec Vincent Dedienne et Irène Vignaud, et Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Johanny Bert, avec Astrid Bayiha, Céleste Brunnquell, Vincent Dedienne, Christiane Millet et Loïc Riewer, au théâtre de l’Atelier, Paris, jusqu’au 22 mars.

 
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February 2, 8:54 AM
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Dans « Taire », Tamara Al Saadi entrecroise les fils d’Antigone et d’une jeunesse fracassée d’aujourd’hui

Dans « Taire », Tamara Al Saadi entrecroise les fils d’Antigone et d’une jeunesse fracassée d’aujourd’hui | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde - 2 février 2025

 

 

La jeune autrice et metteuse en scène franco-irakienne présente, au Théâtre de La Criée, à Marseille, sa pièce où deux héroïnes expriment de manière différente une même révolte.

 

Lire l'article dans le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/02/02/dans-taire-tamara-al-saadi-entrecroise-les-fils-d-antigone-et-d-une-jeunesse-fracassee-d-aujourd-hui_6528021_3246.html

Crier ou se taire. L’éternel mauvais choix dans lequel sont piégées les femmes, encore et encore, puisque leur parole est si souvent inentendue. Dans Taire, que crée la jeune autrice et metteuse en scène Tamara Al Saadi au Théâtre de La Criée, à Marseille, deux héroïnes s’offrent en miroir. L’une crie, l’autre se tait, deux manières d’exprimer une même révolte, face à ce que les adultes ont fait de leurs vies.

Celle qui se tait, c’est Antigone, telle que Tamara Al Saadi interprète l’héroïne antique, figure éternellement ardente et vive de la lutte contre un pouvoir arbitraire, pour qui la raison d’Etat sert de rouleau compresseur aux valeurs humaines les plus fondamentales. Antigone a cessé de parler depuis que son frère Etéocle s’est transformé en tyran, bannissant leur autre frère, Polynice. Elle oppose le même silence face à l’absurdité du monde, quand les deux s’entretuent et que Créon, au pouvoir, ordonne de jeter la dépouille de Polynice aux chiens, sans lui accorder le droit à une sépulture digne.

 

Celle qui crie, c’est Eden, une jeune fille d’aujourd’hui, dont le prénom sonne avec une ironie douloureuse. Née d’un viol, abandonnée peu après sa naissance, elle se retrouve, alors qu’elle avait été recueillie au départ par un couple aimant, ballottée de foyers en familles d’accueil, en raison d’une règle administrative aussi implacable et absurde que celles édictées par les dieux de l’Antiquité. Alors Eden part en vrille, retourne la violence contre elle-même et contre les autres, de manière indifférenciée.

Magie délicate

Tamara Al Saadi entrecroise les deux histoires avec fluidité, et les liens se tissent peu à peu, dans ce spectacle lancé sous les auspices de Désenchantée, la chanson de Mylène Farmer. Taire, qui aurait pu être plombé par un réalisme envahissant, est tenu par la qualité de son écriture, textuelle et surtout scénique. C’est la manière dont Tamara Al Saadi occupe le plateau et le fait vibrer qui emporte ici, en un spectacle limpide, qui sait accorder leur place au temps et au silence, et déjoue tout naturalisme sociologique par une forme de magie délicate.

 

Cela advient par la grâce d’une écriture du corps, du son, de la lumière et de l’image. Tout respire et palpite ici, sans pesanteur, grâce aux éléments de décor mobiles, qui glissent en un clin d’œil et laissent la lumière (superbe, et signée par Jennifer Montesantos), la couleur, les mouvements des corps faire image et exprimer la violence ou les rêves de réparation. Une coulée de sable rouge sang et deux corps qui tombent, pour la lutte fratricide entre Etéocle et Polynice. Des étoffes aériennes que l’on agite comme des voiles, comme des désirs d’ailleurs, derrière un vaste écran bleu comme la mer ou le ciel.

La forme théâtrale ici reste classique (une histoire, des dialogues, des personnages), mais elle s’hybride constamment et en douceur, non seulement avec l’image, mais aussi avec la musique et un travail sonore bien particulier. Le chanteur et compositeur libanais Bachar Mar-Khalifé signe les chants, magnifiques, interprétés par le coryphée (qu’il incarne lui-même) et le chœur. Le guitariste Fabio Meschini accompagne les accès de rage électriques d’Eden.

Derrière les mots

Surtout, une bruiteuse et créatrice sonore, Eléonore Mallo, est présente sur le plateau, réalisant à vue ses effets étranges et poétiques, qui participent largement de l’atmosphère du spectacle. Les bruiteurs savent que le son crée de l’image mentale, superbe traduction pour aujourd’hui des sortilèges des magiciennes antiques. Et c’est beau de voir ce spectacle reposant sur la question de la parole que l’on n’entend, que l’on n’écoute pas, tisser cette matière sonore riche et subtile, qui invite justement à dresser l’oreille, à écouter ce qui se dit derrière les mots, lesquels ne jouent pas toujours à armes égales face à la violence du monde.

 

Ainsi se nouent les fils de ces deux histoires, dans ce spectacle porté par une distribution impeccable, emmenée par Mayya Sanbar en Antigone irradiante, très éloquente dans son silence. C’est bien la question de la filiation qui relie ici les différentes héroïnes : Eden aussi bien qu’Antigone et sa sœur Ismène sont des « filles de personne », le fil de la transmission ayant été perverti ou rompu. Antigone, pourtant, prévient, quand elle retrouve la parole, à la fin du voyage : « Celui qui détruit l’enfant est conduit à se détruire lui-même. »

 

Tamara Al Saadi, autrice et metteuse en scène franco-irakienne, s’était fait connaître en 2018, avec un spectacle intitulé Place, dans lequel elle s’interrogeait sur la « place » à trouver entre deux mondes, entre deux langues. Cette place, il semblerait bien qu’elle l’ait trouvée aujourd’hui dans le théâtre français.

 

 

Taire, de et par Tamara Al Saadi (texte publié aux éditions Les Solitaires intempestifs). Théâtre de La Criée, Marseille 7e, jusqu’au 7 février. Puis tournée jusqu’à fin 2025 à Nice, Toulon, Saint-Ouen, Saint-Denis (Théâtre Gérard-Philipe, Seine-Saint-Denis), Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône)…

 

Fabienne Darge (Marseille) / Le Monde 

 

Légende photo  : « Taire », mis en scène par Tamara Al Saadi, au Centre dramatique national de Dijon-Bourgogne, en janvier 2025. Photo : CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

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Suppression des budgets pour la culture dans l’Hérault : «On peut parler de sabotage» –

Suppression des budgets pour la culture dans l’Hérault : «On peut parler de sabotage» – | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération - 1er février 2025

 

Après nos révélations sur l’abandon des subventions non obligatoires à la culture par le département, Sandrine Mini, directrice de la scène nationale archipel de Thau, à Sète, déplore une attaque brutale contre les artistes, les techniciens et le service public, aux dépens de tous.

 

Il est peu courant qu’un communiqué public censé réfuter les informations d’une enquête les confirme. Après nos révélations sur la suppression totale des budgets non obligatoires consacrés à la culture de l’Hérault, son président socialiste Kléber Mesquida a répondu que nos informations étaient fausses et que la baisse ne sera que de 48 %. Tout en précisant que le département ne financera en 2025, comme nous l’écrivions dans l’enquête, que ce qui relève de ses compétences obligatoires, à savoir : les écoles de musique, les financements pour les médiathèques, les actions dans les maisons d’enfants à caractère social et les Ehpad. Nous confirmons donc que, sauf revirement in extremis, toutes les subventions non obligatoires seront supprimées dès 2025, comme du reste, celles dédiées aux associations.

 

 

Le 30 janvier, dans un message que nous avons pu consulter, le président du département alertait le Premier ministre, François Bayrou, des conséquences catastrophiques des coupes immédiates si l’Etat ne desserrait pas la tenaille : «Ce sont des pans entiers de notre action publique qui sont aujourd’hui menacés. […] Les fermetures seraient dramatiques : licenciements, fermeture d’établissement d’accueil, arrêt de dispositifs d’insertion, disparition d’initiative culturelles et sportives qui irriguent nos territoires…»

Certes, toutes les associations sont concernées et le mot culture n’apparaît que furtivement et sous forme d’adjectif dans la missive. Cette absence explique-t-elle que les budgets qui lui soient associés puissent être rayés le plus souvent brutalement sans qu’aucune information ne soit donnée aux artistes ? Un seul exemple : il y a peu, la compagnie Joli mai a appris l’annulation de toutes ses dates de représentation à Bayssan, espace scénique dépendant du département, alors même que son spectacle est annoncé sur les plaquettes. Sans aucune garantie de dédommagement. Sandrine Mini, directrice du Théâtre Molière – scène nationale archipel de Thau, perd de son côté 81 000 euros après avoir déjà vu filer 9 000 euros, il y a deux ans. Elle explique quels effets ces coupes budgétaires auront sur le public.

 

Le président de l’Hérault rejette la responsabilité de ses coupes budgétaires sur l’Etat, et explique que face à l’alourdissement des charges du département, il n’a pas d’autres choix que de supprimer les subventions à la culture…

Nous sommes des partenaires même si le département a refusé récemment de venir au comité de suivi des projets d’établissement… Il n’est pas possible que Kléber Mesquida décide sans concertation de rayer la culture. Même les conseillers départementaux nous disent que beaucoup de décisions sont prises sans eux. On peut parler de sabotage de tout notre secteur. Nous, on connaît les techniciens qu’on n’emploiera pas, les artistes à qui on répond qu’on ne va plus pouvoir accompagner leur projet. Ils sont désespérés. Le département ne donnait pas forcément des sommes importantes aux établissements. Mais c’est ce maillage fin entre les différentes sources de subventions publiques qui nous permettait de travailler ensemble, et c’est de cette histoire qu’on hérite lorsqu’on dirige une scène décentralisée. Qu’un élément s’écroule, et c’est tout l’édifice qui tangue, car on est déjà dans une économie au cordeau.

 

 

Que permet un théâtre financé et conçu comme un service public ?

En premier lieu, d’avoir des prix de places accessibles pour tous. Concrètement, dès la rentrée prochaine, comme beaucoup de scènes, nous allons être obligée d’augmenter le tarif des billets. On peut craindre que dans un avenir proche, de même qu’il y a des gens qui ont les moyens de consulter un médecin dans le privé et les autres, il y aura les spectateurs qui peuvent aller au théâtre et les autres. C’est le sens de notre mission qui est mis à mal. Au-delà du prix des places, la présence d’artistes sur un territoire change tout, la majorité des habitants n’aurait par l’occasion de croiser un geste professionnel artistique sans une conception de la culture de service public, dans lequel d’ordinaire le département est partant. Actuellement, nous travaillons sur un projet de territoire magnifique, la création d’un opéra méditerranéen avec un chœur amateur emmené par Walid Ben Selim, l’équivalent masculin d’Oum Kalsoum, qui provoque une immense fierté. Il y a également toutes les initiatives qu’on développe autour de la petite enfance pour notre grand événement dans l’espace public Le kilomètre de danse avec les chorégraphes Myriam Soulanges, Virgile Dagneaux et Benjamin Tricha. Un territoire habité par des artistes, ce n’est pas la même chose qu’un territoire sans artiste ! La municipalité de Sète le sait bien, elle qui fonde une partie de l’attractivité de la ville sur cet ancrage.

 

Vous parlez d’héritage : cette conception de la culture comme d’un service public provient-elle d’un bord politique ?

Non. Le théâtre compris et conçu comme un service public émane tout autant du Conseil national de la résistance, quand résistants gaullistes et communistes se sont associés pour reconstruire la France après guerre, que de Malraux, ministre de la culture sous de Gaulle qui a poursuivi une politique de décentralisation. Il y avait vraiment l’idée que la culture était comme la santé ou l’éducation, transpartisane et nécessaire à tous. La démocratie tient sur plusieurs pieds. Quand l’un est coupé, c’est mauvais signe pour les autres. L’art et la culture font partie de ce socle commun.

 

 

Y a-t-il des scènes ou des territoires qui s’en sortent mieux ?

Aujourd’hui, certains théâtres de ville, qui n’ont qu’une ou deux tutelles, sont en situation plus favorables que les scènes labellisées dont les financements sont croisés. Or, depuis quarante ans, toutes les politiques de décentralisation sont assises sur des financements croisés afin notamment d’éviter le clientélisme, une dépendance extrême à certains élus. Par ailleurs, le public est revenu, on commence tout juste à récupérer les spectateurs qu’on avait perdu pendant la fermeture liée au Covid. Mais on va devoir à nouveau vider les salles car on ne va plus avoir les moyens de programmer. En revanche, le patrimoine n’est pas ou très peu touché.

 

 

Pourquoi le patrimoine est-il préservé, contrairement aux arts vivants ?

Dans tous les moments de contractions budgétaires il y a une forme de contraction de la pensée. En outre, tous les gouvernement d’extrême droite en Europe font ce choix patrimonial, les pierres, ça ne parle pas. Dans tous les moments où les questions financières deviennent prégnantes, il y a un appauvrissement des propositions. Par ailleurs, l’obligation d’avoir des salles pleines à chaque lever de rideau conduit à une forme de censure qui ne dit pas son nom. On va programmer du «facile», on va vers un lissage de la pensée.

 
 
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Article 353 du Code pénal

Article 353 du Code pénal | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Annie Chenieux dans le blog "Au Théâtre et ailleurs" 25 jan. 2025

 

Emmanuel Noblet adapte et met en scène le roman de Tanguy Viel, avec Vincent Garanger, impressionnant.

C’est l’histoire d’un honnête homme qui devient un meurtrier. Le voici face à son juge, à faire le récit de sa vie et des événements qui l’ont conduit à son geste fatal. C’est la matière du roman de Tanguy Viel, dont la formule «Refabriquer du vivant », est reprise à bras-le-corps sur la scène par Vincent Garanger dans la peau de Martial Kermeur. Dans le périmètre d’un chantier à l’abandon, avec en fond des images de la mer froide, de la rade de Brest, ou encore des lumières d’un rêve hypothétique, l’homme coupable est face au juge, interprété par Emmanuel Noblet, qui a adapté le texte. Il dit sa vie, intime et professionnelle, avec les difficultés, le chômage, le divorce, la garde de son fils, l’espoir d’acheter un bateau avec ses indemnités de licenciement, puis l’arrivée d’un promoteur immobilier… Alors l’homme se laisse prendre au piège, vaguement flatté d’être reconnu avant de se sentir dupé.

La force du récit  

Vincent Garanger arpente le plateau comme si Martial Kermeur arpentait sa terre du Finistère, taiseux devenu intarissable, emporté dans des vagues de paroles. « On était assis sur un tas d’or recouvert de choux-fleurs ! » Pendant un temps, l’homme simple a cru à cette chimère, espéré une vie meilleure pour son fils. Avant de déchanter et de revenir à la réalité. Ce retour à soi-même, à ses ressources intimes, ce sursaut d’honneur nourrissent le texte de Tanguy Viel et son personnage. Tout entier emporté dans son récit, Vincent Garanger exprime l’aveuglement, les espoirs, les doutes et les peurs de Kermeur, puis sa colère, sa révolte et sa détermination froide. Sans effets, par son engagement dans l’épaisseur du récit, le comédien est cet homme allé au bout de lui-même pour retrouver sa dignité.

Article 353 du Code pénal           * *

Théâtre du Rond-Point, 2 bis av. Franklin D. Roosevelt, Paris 8e Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 15 février. Tournée : Théâtre de l’Union, Limoges, 20-21 février, Théâtre de l’Etincelle, Rouen, 25 février-1er mars, Les Scènes du Golfe, Vannes, 21 mars, Comédie de Valence, 27 mars-17 avril, L’Estive, Foix, 29 avril, Théâtre de la Madeleine, Troyes, 23 mai.

(photo Jean-Louis Fernandez)

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January 31, 3:52 PM
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Théâtre : « Notre école », un système fragile qui vibre encore

Théâtre : « Notre école », un système fragile qui vibre encore | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Béatrice Bouniol,  publié dans La Croix, le 24/01/2025

 

Jana Klein et Stéphane Schoukroun, (et leur compagnie (S)-vrai) poursuivent leur travail documentaire et intime avec Notre école (tragi-comédie). Un cri d’alerte sur la fragilité de notre système d’éducation autant qu’un hommage à l’énergie et l’intelligence qu’il fait encore surgir, malgré tout.

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Un plateau presque vide, la lumière blafarde des néons, des tableaux blanc sur roulettes, et deux chaises qui nous transportent aussitôt dans nos souvenirs de classe. Puis une voix métallique, celle d’une intelligence artificielle qui, invisible, guidera sans émotion aucune le récit. Tant mieux. Car un fil, même tendu par un robot, nous sera fort utile, une fois pris dans l’enchevêtrement de cette histoire si sensible. Notre histoire avec l’école.

 

Des ateliers en milieu scolaire durant trois ans

L’école, elle a laissé en nous des cicatrices douloureuses ou des souvenirs lumineux. Elle accueille nos enfants, elle fait peur, nous agace. Elle retient la fatalité, crée la surprise, échoue. Elle va mal, partout, mais surtout là où vivent les plus pauvres, dans les zones REP+. Que peut le théâtre face à cette pelote de frustrations et de désespérances, d’idéaux malmenés et d’injustices criantes ? L’exposer, en tirer les laines emmêlées, dans un autre espace, aux yeux de tous, en faire un spectacle, répondent avec humilité Jana Klein et Stéphane Schoukroun.

 

 

Tous deux déploient, pièce après pièce, un théâtre documentaire et intime à la fois. Déjà, dans Notre histoire, ils abordaient la transmission et l’antisémitisme à partir de leur expérience de couple mixte et l’entrée à l’école de leur fille. Pour Notre école (tragi-comédie), ils ont mené des ateliers durant trois ans dans différentes écoles, collèges et lycées de zones d’éducation prioritaire. Ils jouent leur propre rôle, de parents, de couple, de comédiens et de metteurs en scène. Sans doute est-ce leur sincérité qui, à chaque fois, fait mouche.

 

 

« Pendant trois non dix non vingt ans, ils ont rencontré beaucoup d’enseignantes et d’enseignants, ils ont vu beaucoup d’adolescentes et d’adolescents, ils ont mangé dans un grand nombre de cantines scolaires/Entre l’an 21 et 23 du XXIe siècle, ils ont fait cinq non sept non douze spectacles participatifs avec des gens de tous âges qui ont parlé de l’école… », résume l’IA sur son ton monocorde.

Humour potache, musique et chant

Là encore, ils exposent tout. Leur travail dans les classes, face à des silences gênés et un vacarme usant. Les espoirs et les humiliations fixés en eux depuis les bancs de leur enfance, les failles qui nourrissent ou tarissent leurs élans, leur fille au collège, la réalité froide du logiciel pronote et celle, glaciale, du harcèlement.

 

Les rêves et les colères des élèves d’aujourd’hui, les constats et combats des enseignants qui tiennent, encore, cette école à bout de bras. « Ça nous tiraille/ça nous cisaille/Tout seul toute seule/Dans la bataille/Seuls dans nos échecs/Pédagogiques/Dans nos errances/Didactiques ». « Ça nous tiraille/ça nous cisaille/Tout seul toute seule/Dans la bataille/Seuls devant le tribunal parental. », insiste le chœur formé par Ada (Harb) et Baptiste (Febvre), hilarants et émouvants en profs d’anglais et de français.

L’humour potache, la musique de Pierre Fruchard et le chant, pulvérisent de bout en bout discours lénifiants et autres bonnes intentions naïves. Rien n’est édulcoré des doutes, des renoncements, de la désintégration durant les confinements. Rien non plus de la situation sociale des élèves, étouffante, aberrante, incontournable.

 

 

De ce désordre mouvant s’échappent pourtant des tentatives, des envolées, des explosions d’intelligence. Une élève de CM2 écrit : « L’infini est une région. Il faut s’y diriger/Pour combien de temps bâtissons-nous des maisons ?/Pour combien de temps scellons-nous nos engagements ?/Combien de temps dure le partage entre les frères ?/Même la haine, se maintient-elle ici-bas pour toujours ?/Face au Soleil, tout à coup, il ne reste plus rien./Ce ne sont plus que libellules emportées par le courant ».

 

 

Et à la fin, on se rassure timidement. Tout cela n’est que du théâtre, même ce néon qui décroche mais ne tombe pas, même ces flammes qui viennent lécher notre école, sans encore l’avaler.

 

Béatrice Bouniol / LA CROIX

 

Du 28 janvier au 1er février 2025 au Théâtre Romain Rolland, Villejuif (94), du 8 février au 13 février 2025 au Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne (94), le 13 mars 2025 au Théâtre du Fil de l’Eau, Pantin (93)

 
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