Revue de presse théâtre
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Rescooped by Le spectateur de Belleville from Revue de presse théâtre
September 2, 2018 4:11 AM
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Comment utiliser au mieux la Revue de presse Théâtre

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Au fait, et ce tableau en trompe-l'oeil qui illustre le blog ? Il s'intitule  Escapando de la critica, il date de 1874 et c'est l'oeuvre du peintre catalan Pere Borrel del Caso

 

Julie Dupuy's curator insight, January 15, 2015 9:31 AM

Peut être utile au lycée

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JO de Paris 2024 : pour la cérémonie d’ouverture, Thomas Jolly aux petits soins avec sa partenaire de Seine 

JO de Paris 2024 : pour la cérémonie d’ouverture, Thomas Jolly aux petits soins avec sa partenaire de Seine  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Copélia Mainardi dans Libération - 25 juillet 2024

 

Habile pour rompre avec les usages, le directeur artistique des cérémonies s’est attelé durant deux ans à imaginer et livrer une parade pharaonique malgré des contraintes tout aussi titanesques.

 

Elle coule en contrebas, imperturbable, ignorante des milliers de regards bientôt rivés sur elle. Voilà deux ans que Thomas Jolly a fait de la Seine son fief et sa partenaire. Nul hasard qu’on le rencontre près d’elle, en plein cœur de la capitale, dans un hôtel dont le dernier étage offre une vue panoramique sur les berges désertes, étrange réminiscence d’une période de confinement déjà lointaine. Lui en haut, elle en bas.

 

 

Le directeur artistique des cérémonies olympiques apparaît souriant, enthousiaste – détendu, oserait-on presque. «Je me sens plus impatient que stressé, mais peut-être suis-je simplement inconscient.» Sans doute faut-il l’être pour garder le cap de ce projet pharaonique, dont les chiffres de la seule soirée d’ouverture suffisent à donner le tournis : trois heures et quarante-cinq minutes, 6 kilomètres, 10 ponts, 80 écrans géants, 3 000 artistes, 500 habilleurs, coiffeurs et maquilleurs, de 900 à 3 000 euros la place, 300 000 spectateurs. C’est la première fois qu’une cérémonie n’aura pas lieu dans l’enceinte d’un stade et c’est précisément ce qui séduit Jolly : rompre avec les usages.

 

Il a imaginé cette parade olympique façon grand show, comme il en a l’habitude. A la phase de conception où tous les rêves sont permis, a succédé la découverte de contraintes titanesques – le patrimoine, le budget, la technique, la sécurité, mais aussi les ponts, le vent… Et même les poissons ! «Le réel qui rattrape, résume-t-il. Ne rien rogner à l’intention initiale a été une lutte de chaque instant.»

 

Besoin de sortir des cadres

Depuis dix ans, Thomas Jolly est partout. Théâtre public et structures privées, Palais des Papes et collèges de banlieue, de chaque côté des planches, parfois metteur en scène et rôle principal d’un même spectacle. «De Britten à Britney», comme il aime dire. Avec plus ou moins de succès, il jongle avec les recettes, les formules, les formats, s’est essayé à l’opéra (citons entre autres Fantasio à l’Opéra-Comique ou Roméo et Juliette à Bastille en 2023) et bien sûr à la comédie musicale : sa mise en scène du culte Starmania, en tournée mondiale, a déjà réuni près d’un million de spectateurs. Machinerie rodée et efficace, le spectacle allie variété populaire et sophistication scénographique – notamment des effets laser et stroboscopiques hypnotiques, l’une de ses marques de fabrique.

 

 

C’est pourtant avant tout un enfant du théâtre public. Après avoir fréquenté assidûment les ateliers théâtre de sa ville de Rouen, ce fils d’une infirmière et d’un imprimeur intègre à l’âge de 20 ans l’école du Théâtre national de Bretagne, alors dirigée par Stanislas Nordey«J’ai tout de suite repéré le metteur en scène derrière l’acteur, raconte ce dernier. Il était déjà fédérateur, a toujours aimé être parmi les autres, les voir évoluer.» En 2006, retour à Rouen et coup double ; Jolly fonde sa compagnie, la Piccola Familia, dans la foulée de l’une de ses premières mises en scène, Arlequin poli par l’amour de Marivaux. Léger, inventif, artisanal : c’est la naissance du théâtre de tréteaux à la Jolly. Dix-huit ans plus tard,  Arlequin  tourne encore.

 

 

Une fois lancé, Thomas Jolly assume son besoin de sortir des cadres. Le public avignonnais le découvre en 2014, en sortant un peu hagard d’un Shakespeare de… 18 heures. Son Henry VI réunit théâtre élisabéthain et culture pop, assume les références à Beyoncé et Game of Thrones sans sacrifier à l’exigence du texte. A 33 ans, il décroche le Molière du théâtre public et monte la suite, Richard III, avec nul autre que lui-même dans le rôle du tyran cruel et fascinant. En 2022, au CDN Le Quai d’Angers – dont il assure la direction depuis deux ans, avant de démissionner pour se consacrer aux JO –, il assume l’intégrale : 24 heures de représentation, dix ans tout pile après la création de la première partie. Standing ovations, selfies et autographes, ados en larmes à la mort de Jeanne d’Arc ou suspendus aux frasques du rebelle Jack Cade : on ne sait plus si c’est du Shakespeare ou un concert de rock, mais qui a dit que les jeunes n’allaient plus au théâtre ?

«Prendre le temps d’écrire la suite»

L’artiste rêve toujours plus grand, plus fort, plus haut – ce qui peut sembler paradoxal quand on sait qu’il défend depuis toujours un théâtre populaire et accessible, persuadé qu’on peut faire des merveilles avec trois bouts de ficelle. Que retrouve-t-on de son ADN dans cette cérémonie d’ouverture ? «Le même rapport d’adresse au public, malgré les cadres qui changent, affirme-t-il. La création d’une communauté pour produire un récit qui peut plaire, crisper, dérouter – et on ne sait jamais qui.»

 

 

Il est vrai que Jolly n’a pas été épargné. Libé, par exemple, n’a pas toujours goûté son «esthétique ampoulée», tout en lui reconnaissant une maîtrise de l’espace et du décor certaine. Au-delà de ses choix artistiques, on a pu lui reprocher sa prétention à l’ubiquité, dont son équipe angevine aurait notamment pâti. «Mais il fonctionne ainsi, en étant porté par une idée impossible qu’il parvient à réaliser envers et contre tout, avec une équipe qu’il pousse à se dépasser malgré les résistances de personnes parfois déstabilisées, analyse l’auteur et acteur Damien Gabriac, qui travaille avec lui sur les cérémonies des JO et le côtoie depuis l’école. A mon sens, c’est un metteur en scène, avant tout. Et si ses responsabilités n’ont fait qu’augmenter depuis vingt ans, il a conservé la même méthode de travail, la même manière de relever les défis.»

 

 

Malgré ces constantes, Thomas Jolly a depuis deux ans vu «la vie changer fort, très fort». Reconnaît une forme «d’hibernation», «d’accaparement total» duquel on ne sort pas indemne. «J’ai tout mis dans cette aventure, fait tapis», lâche-t-il. Ce n’est jamais sans conséquences. A quoi pourra donc ressembler l’après ? Son nom circulait avec insistance, mais c’est Julien Gosselin qui prendra finalement la tête du théâtre de l’Odéon. Jolly reconnaît qu’il aurait aimé «porter» ce lieu, sans pour autant paraître affecté outre mesure : «J’étais ailleurs.» De cet ailleurs, il va pourtant falloir revenir. «Je ne sais pas ce que je veux, ni même s’il y aura du théâtre, reprend-il. A 42 ans, il est temps de clore un grand chapitre et de prendre le temps d’écrire la suite.» Celle-ci sera peut-être moins artistique que personnelle : quand on l’interroge sur ce qui lui a le plus manqué dernièrement, il répond «l’amitié». Presque sans hésiter.

 

Copélia Mainardi / Libération 

 

 

Légende photo :   Le directeur artistique des cérémonies des Jeux de Paris, Thomas Jolly, à Saint-Denis le 7 juin 2024. (Florence Brochoire/Libération)

 
 
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July 25, 9:14 AM
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Cérémonie des Jeux olympiques : Thomas Jolly, l'homme le plus exposé de la planète

Cérémonie des Jeux olympiques : Thomas Jolly, l'homme le plus exposé de la planète | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Léna Lutaud, AFP agence et Ariane Bavelier dans Le Figaro  - Publié le 25 juillet 2024

 

 

PORTRAIT - Les amateurs de théâtre, d’opéra et les fans de Starmania adorent ses mises de scène. À 42 ans, ce surdoué surnommé « le farfadet » a su s’entourer pour imaginer quatre cérémonies comme on n’en a « jamais vu ».

Parce que c’était lui, parce que c’était eux. Nul ne sait encore ce que donnera la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris vendredi soir. Mais Thomas Jolly est exactement l’homme de la situation. La valse du grand escalier du Palais Garnier sur la scène de l’opéra Bastille pour Roméo et Juliette, c’est lui. Thyeste dévorant ses enfants dans Cour d’honneur du Palais des papes dans un opéra de nuit et de lumières, toujours lui. Henri VI de Shakespeare, époustouflant marathon du petit matin au bout de la nuit à Avignon, encore lui. Starmania remonté en grand show à la Seine musicale? Lui, lui, lui...

 
Vendredi soir, 326 000 spectateurs et plus d’un milliard de téléspectateurs découvriront la cérémonie qu’il a conçue pour l’ouverture des Jeux olympiques de Paris. Il l’a promis : tous devraient en avoir plein les yeux. Avec danseurs, chanteurs, plasticiens, circassiens, funambules, stars internationales - Céline Dion et Aya Nakamura sont annoncées, Lady Gaga espérée -, cette parade de trois heures qui aura pour scène la Seine s’annonce grandiose. «Ce sera le plus grand spectacle du monde», explique Thomas Jolly sans fausse modestie.
 

Rien de pédant, rien d'outré

Au lieu de diviser la soirée en trois temps (45 minutes de show, deux heures de parade des athlètes et une heure d’obligations protocolaires), ce surdoué créatif a imbriqué ces différents moments en «une grande fête homogène avec des surprises fortes et radicales» déclinée en une dizaine de tableaux. «La France, c’est la diversité. C’est à la fois Edith Piaf, le rappeur marseillais Jul et Natalie Dessay», expliquait-il à l’AFP il y a quelques mois. Jamais ce metteur en scène n’aura travaillé avec une équipe aussi importante. Jamais il n’aura eu à sa disposition autant de moyens, mais aussi autant de contraintes : une «scène» de plusieurs kilomètres avec des spectateurs tout du long, les caprices de la météo et du fleuve, les consignes hors normes de sécurité, les contraintes de la captation télévisée...

 

Ce frêle Rouennais de 42 ans a les épaules solides. «Plus ça approche, plus je suis heureux», dit-il. Il ne stresse pas, mais écarquille les yeux où brille la joie des petits enfants devant le sapin de Noël. Rien de pédant, rien d’outré chez lui. Il porte une simplicité qui lui va bien, marche dans la rue comme tout le monde et se dit impatient de pouvoir enfin partager sa création classée «secret-défense» sur laquelle il travaille depuis septembre 2022. Il ne joue aucun personnage, s’investit tout entier dans ses créations et possède un enthousiasme devant lequel cède le mot «impossible».

Une vision aiguisée auprès des maîtres

Né en 1982, d’un père imprimeur et d’une mère infirmière, il tombe dans le chaudron du théâtre à 11 ans, entre en classe théâtre, puis à l’université de Caen -section théâtre forcément-, où il crée sa première troupe. Il joue, met en scène, dirige, veut en savoir plus et plus encore, entre à l’École nationale supérieure de Bretagne à Rennes, dirigée par Stanislas Nordey, et travaille avec Claude Régy, Jean-François Sivadier, Robert Cantarella. Une manière d’aiguiser auprès des maîtres sa propre vision du théâtre... qui ne leur doit rien d’autre. Il la cisèle encore davantage en fondant sa compagnie la Piccola Familia à 24 ans. Ses productions touchent à tous les genres, de Marivaux à Guitry et au théâtre contemporain. Elles sont vite repérées et le monde du spectacle s’éprend de cet enfant prodige, fou de textes et de merveilles. Son Henri VI, à la fois magistral et digne du livre des records, lui vaut le son premier Molière. Starmania, où son spectacle fait oublier à quel point «le monde est stone», lui en apportera deux autres. «Mon mantra depuis que je fais du théâtre est de m'adresser au public le plus large», explique-t-il.

 

Jolly aime la démesure et le partage. Le minimalisme ? Très peu pour lui. Il lui faut de la musique, des lumières, faisceaux, néons, costumes, effets spéciaux si prenants, si proches de l’idée du spectacle total que le mot d’«opéra» naît spontanément sous la plume des critiques de théâtre. Selon Vanity Fair, il sait «ce que doit être le théâtre à l’heure de Netflix». «On n'est pas au théâtre pour voir des choses qui ressemblent forcément à ce qu'on peut voir à la télévision, au cinéma ou même dans nos vies», insiste-t-il. Aura-t-il forcé la dose pour le spectacle des J.O. où tous les moyens lui sont offerts?

Travail d’équipe

De 2020 à fin 2022, pendant la pandémie, il dirige le centre dramatique national Le Quai d’Angers, lorsque le journal L'Équipe l’interroge comme deux autres artistes sur ce que pourrait être la cérémonie d’ouverture. Il évoque une arrivée des athlètes en chars qui se transformeraient en voitures amphibies, les drapeaux des pays plantés dans la tour Eiffel, Catherine Deneuve en Olympe de Gouges ou encore PNL chantant L'Hymne à l'amour. Ces idées originales lui valent d'être embarqué dans les JO de Paris 2024, comme directeur artistique. Au fil du temps, son projet a évolué. Il a abandonné l'idée d'une tour Eiffel à l'envers qui servirait de vasque à la flamme olympique, de ballets aquatiques dans la Seine - quoique - ou de la présence de Daft Punk, duo séparé depuis 2021.

 

Il y a dix-huit mois, son premier travail a consisté à s'entourer de quatre auteurs, dont la romancière Leïla Slimani et la scénariste de la série «Dix pour cent» Fanny Herrero, pour imaginer «un grand récit» à partir du décor au cœur de Paris - le fleuve et ses monuments. Pour les chorégraphies, il a fait appel à Maud Le Pladec, prochaine directrice du ballet de Lorraine. Daphné Burki signe les costumes. Le récit de la cérémonie d’ouverture se poursuivra dans les suivantes, celles de clôture des JO au Stade de France, d’ouverture des Jeux paralympiques place de la Concorde, puis de clôture, à nouveau dans l’enceinte de Saint-Denis, le 8 septembre.

 

 

Thomas Jolly pourra alors prendre des vacances. «Depuis deux ans et demi, j'ai beaucoup aggloméré de projets et j'ai tout donné ce qu'il me restait pour ces cérémonies, dit-il. Maintenant, il faut, comme toute bonne terre, que je me mette en jachère.» Ensuite, il aimerait bien jouer pour d’autres. Sur les planches mais aussi au cinéma, glissant avoir «un scénario en cours.»

 
 
 

Par Léna Lutaud, AFP agence et Ariane Bavelier dans Le Figaro 

 

 

Légende photo : Les tragédies antiques, Shakespeare, l’opéra, Starmania et, maintenant, les JO en mondovision... Thomas Jolly est un homme-orchestre devant qui cède l'impossible. Tesson/ANDBZ/ABACAPRESS

 

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July 25, 7:29 AM
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Thomas Jolly, bouillon de cultures

Thomas Jolly, bouillon de cultures | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Éric Demey, publié sur le site d'Artcena le 24 juillet 2024

 

 


Thomas Jolly, bouillon de cultures


PORTRAIT
Il sera sans doute dans quelques jours le metteur en scène français le plus connu du monde. Que Thomas Jolly ait été chargé de concevoir la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 paraît s'inscrire naturellement dans l'élan de son audace, de son goût pour le spectaculaire et de sa capacité à surprendre, à se déplacer là où on ne l'attend pas. Mais aussi de son talent. Tentative de portrait d'un artiste bouillonnant d'idées.

 

Dans la campagne rouennaise, au sein d'une famille modeste, Thomas Jolly grandit dans un milieu qui ne le porte pas forcément au théâtre. Aiguillonné par une vocation précoce, il traverse cependant les frontières pour surgir là où on ne l'attend pas, connaît un succès croissant qui dépasse les cadres traditionnels du théâtre public et acquiert avec Starmania et la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques une visibilité à nulle autre pareil.

Pourtant, s'il est adepte des grands formats, Thomas Jolly l'est aussi de formes courtes diffusées dans l'espace public et d'un théâtre de textes qui conjugue artisanat et effets spectaculaires. Cet artiste baroque sous influence shakespearienne vise en fait à rendre au théâtre sa dimension populaire.

 

Balancer de la musique pop dans une tragédie n'empêche donc pas un rapport scrupuleux au texte. Un œil sur l'auteur, l'autre sur le spectateur, Thomas Jolly ne veut pas, en fait, signer ses mises en scène mais comprendre, transmettre, rendre accessible en laissant toute sa place à l'acteur. Une démarche qui s'appuie sur une foi presque anachronique dans le théâtre et sa capacité à créer un espace d'illusion commune.

 

 

Eric Demey / ARTCENA

 

Site de La Piccola Familia
www.lapiccolafamilia.fr

Crédit photo © Anthony Dorfmann

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July 24, 6:44 PM
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Qui est Thomas Jolly, la rock star du théâtre maître de la cérémonie des JO

Qui est Thomas Jolly, la rock star du théâtre maître de la cérémonie des JO | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 Philippe CHEVILLEY dans Les Echos - 24 juillet 2024

 

Le comédien-metteur en scène de 42 ans s'est réinventé en maître de cérémonie des Jeux olympiques de Paris. Un défi à la mesure de sa fulgurante carrière. Portrait d'un créateur éclectique et surdoué avant le grand rendez-vous du 26 juillet.

 

 

A 42 ans, l'ex-petit prince normand va devenir pour un soir le roi de Paris, voire le roi du monde, en orchestrant la cérémonie d'ouverture des J.O. 2024. Il est loin le temps où Thomas Jolly bricolait avec trois bouts de ficelle, des paillettes et deux projecteurs une version tonique et gracieuse d'« Arlequin poli par l'amour » de Marivaux.

 

 

Un joli coup d'éclat qui lui vaut une première reconnaissance des professionnels. On est fin 2006, le jeune comédien-metteur en scène, originaire de Rouen et formé à l'école du Théâtre national de Bretagne, a déjà des étoiles dans la tête. Mais, à 24 ans, il n'ose pas encore croire à la carrière qui l'attend.

 

Le coup du destin est provoqué par une séparation amoureuse à l'aube des années 2010. Pour combattre sa déprime, le jeune esseulé ne trouve pas mieux que de s'attaquer à une oeuvre parmi les plus longues du répertoire, « Henry VI » de Shakespeare - trois pièces, quinze actes et de dix mille vers déclamés par quelque cent cinquante personnages. Toute l'histoire de la Guerre de Deux Roses y passe, avec une traversée de la Manche à la clé (Charles VII, Louis XI versus Albion).

Le coup d'Henry VI

Thomas Jolly monte la fresque méthodiquement, en trois temps. En 2014, il présente à Avignon puis en 2015, à Paris, à l'Odéon, une intégrale qui signe son triomphe : 18 heures de spectacle en comptant les entractes. La Jeanne d'Arc shakespearienne prend des airs de Lady Gaga et les lords énervés semblent sortis de « Game of Thrones »… Le mélange de théâtre de tréteaux, de film de capes et d'épées, de poésie rock et de musique pop subjugue un public rajeuni.

 

En 2022, le metteur en scène offre une nouvelle version de sa fresque en 24 heures chrono, augmentée de « Richard III », pièce plus tardive de Shakespeare qui clôt le cycle historique. Thomas Jolly incarne lui-même jusqu'au bout de la nuit le sulfureux roi Richard. Les acteurs jouent à l'énergie, le public, extatique, fait des olas… Le Quai d'Angers, qu'il dirige alors encore pour quelques semaines, n'est plus un théâtre, c'est Woodstock…

 

 

Inventif, ingénieux, fantasque mais toujours respectueux des oeuvres, Thomas Jolly a su aisément transformer l'essai d'« Henry VI » avec ses mises en scène spectaculaires de « Thyeste », tragédie de Sénèque, dans la Cour d'honneur du Palais des Papes d'Avignon (2018), ou du « Dragon », fable d'Evgueni Schwarz (2022). Il s'empare aussi avec brio du répertoire lyrique avec « Fantasio » d'Offenbach (2016) ou « Romeo et Juliette » de Gounod (2022).

 

Le dramaturge n'a pas peur des grands écarts et se moque bien du culturellement correct. « J'assume d'aimer Deleuze et les Spice Girls, Britten et Beyoncé », confie-t-il avec malice. Une philosophie ouverte qui ne lui vaut pas que des amis dans le cercle fermé des gardiens orthodoxes du théâtre public.

Le triomphe de Starmania

Cet éclectisme, ce goût pour le glamour et les grands gestes lui valent de se voir offrir la maîtrise d'oeuvre de deux grands projets au début des années 2020 : la recréation de l'opéra rock de Michel Berger et de Luc Plamondon, « Starmania », en vue d'une grande tournée ; puis la mise en scène de la cérémonie d'ouverture des J.O. de Paris 2024. Thomas Jolly rend les clés du Quai d'Angers et s'attelle à la tâche. Sa mise en scène de « Starmania » est bouclée quand il s'attaque aux J.O. en 2022. Mais si le spectacle est mal accueilli, ce sera de mauvais augure.

Heureusement, sa relecture de « Starmania » est un triomphe. En suivant une trame plus fluide, l'opéra rock résonne furieusement avec les affres du présent. Le décor rétrofuturiste plutôt sobre contraste avec le maelström lumineux et sonore qui saisit sur scène. Priorité est accordée aux chanteurs et aux chanteuses : jamais le théâtre ne prend le pas sur la musique. Un équilibre qui fait mouche : les fans de l'oeuvre comme les néophytes sont bluffés.

 

 

Si Thomas Jolly déploie autant de maestria sur la Seine, le soir du 26 juillet, la partie sera gagnée. Il lui restera alors à gérer l'après… Evacuer la pression accumulée et reprendre les chemins du théâtre où il lui reste encore beaucoup à créer et à prouver. Dans cet univers magique, on se doit d'être prince et roi tous les soirs.

 

Philippe Chevilley / LES ECHOS

 

 

Légende photo : L'homme de théâtre n'a pas peur des grands écarts et se moque bien du culturellement correct. (© JOEL SAGET/AFP)

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July 23, 3:13 PM
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Grandeur et misère du sexe masculin

Grandeur et misère du sexe masculin | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thierry Jallet dans Wanderer - 19 juillet 2024

 

Nous ne pouvions pas quitter le Off sans faire une halte attendue au Théâtre Avignon – Reine Blanche où nous avions découvert le premier volet de « La Trilogie du mâle aimé » conçue et jouée par Mickaël Délis. En 2023, nourri des lectures de Beauvoir, il commençait à décortiquer savoureusement « les arnaques de la virilité » avec Le Premier Sexe. Cette année, le deuxième volet pousse encore plus avant cette savante – et nécessaire – déconstruction du mythe d’une virilité donnant lieu à tant de peines aux hommes comme aux femmes. Suivant sa ligne artistique, il réinvestit avec entrain le champ de l’autofiction pour s’attaquer au « pipo de la puissance » lié culturellement et abusivement à la taille du sexe masculin. Oscillant entre légèreté et gravité – y compris dans l’évocation à peine feutrée de sa propre vie, Mickaël Délis relance sa machine à pulvériser un patriarcat qui a fait long feu et célèbre un apaisement dans la tendresse, dans le silence aussi, qui laisse à chacun quel qu’il soit la possibilité d’être et ce, sans contrainte ni diktat. Le public a été au rendez-vous des deux premiers volets joués à la suite lors de cette édition du Festival et pour notre part, nous avons été une fois encore percutés de plein fouet et pour notre plus grand plaisir par cette « fête du slip » dont nous rendons compte ici. 

 

C’est une joie de revenir à la Reine Blanche et, dès l’ouverture des portes, de voir le sourire de Mickaël Délis qui accueille chaleureusement son public. Il prend des nouvelles des personnes connues, distribue des bises, interroge pour savoir ce que les spectateurs ont vu lors de cette édition du Festival. Il y a chez cet artiste une chaleur humaine à rayonnement très large et il faut avouer que cela fait toujours du bien. Tandis qu’on guide les derniers pour trouver une place dans les gradins, après un bref instant de concentration, il commence, vêtu de noir. « Bonsoir à toutes et à tous, bienvenue à la Fête du slip ! ». Il se présente sommairement ensuite, se définissant comme « un garçon sensible » – délicieuse expression ! – et avoue sans détour qu’il  entretient « un rapport très cordial avec son pénis ».

Le sujet est donc lancé : le sexe masculin, sa représentation physique et sociale, les difficultés qu’il augure en tant que symbole d’une supposée puissance aux effets dévastateurs. Loin d’être seulement enjoué, bien loin de donner dans l’humour placé sous la ceinture, le comédien qui est aussi auteur de ses textes, se place immédiatement sur le terrain d’une forme de militantisme féministe, en rupture sans appel avec un patriarcat aliénant et souvent mortifère. L’an passé, le premier volet de sa « Trilogie du mâle aimé » abordait frontalement la notion de genre et les injonctions qui y sont associés comme autant de douloureuses servitudes. Voilà que pour le deuxième cette année, il s’attarde sur le sexe biologique masculin et une autre injonction qui est fermement associée à un priapisme surévalué : l’impératif de la puissance du mâle (pour un organe qui, paradoxalement, reste le plus souvent flaccide, comme il le rappelle opportunément).

Dans une scénographie une nouvelle fois dépouillée utilisant principalement des néons aux nuances de couleurs variables, Mickaël Délis va s’engager dans une « enquête » qui prendra appui sur un sujet : lui-même. Et, avec l’autodérision qui le caractérise, il considère que ce n’est pas un problème pour un « narcissique » comme lui. Commence alors un défilé de personnalités qu’il donne à revoir et dont il fait réentendre les voix dans une énergie et une maîtrise dramaturgique qu’on lui connait bien. On retrouve, bien entendu, le personnage variation de sa propre mère entre deux cigarettes et quelques considérations sur son jardin, qui s’inquiète du fait qu’il va « encore parler de sa verge » et qui témoigne ouvertement de ses névroses ; le personnage de son psychanalyse nommé Courté, repéré sans l’accent aigu sur le « e » final dans l’annuaire, ce que le thérapeute ne manque pas d’interpréter comme un indice signifiant en lien avec le sexe masculin. On retrouve également le personnage variation de son frère jumeau soulignant l’opposition entre « faux jumeaux et vrais frangins » comme un état à rechercher, à cultiver ; la variation de son père enfin, quelques temps avant son décès, dans sa lutte contre la maladie – la réalité familiale s’insérant dans l’autofiction ici – qui écorne « l’autre Viennois », ce « Freud qui est une vraie couille ». Mickaël Délis se saisit de toute cette matière vivante autour de lui pour la recomposer après un passage par son imaginaire, servant de socle fécond à ce qu’il souhaite faire entendre.

 

Il semble créer des personnages-types pour mieux s’en défaire, comme les membres de ce groupe de paroles autour du sexe masculin qu’il côtoie, avec les accès de violence que cela génère chez certains d’entre eux, par exemple. Sous l’allure d’un discours supposé faire rire la salle – et il y parvient formidablement –  recourant aussi bien au registre graveleux qu’aux références intellectuelles tout à fait sérieuses comme les travaux du militant américain féministe John Stoltenberg, il distille un discours rigoureusement construit et singulier – le sien – au milieu d’une polyphonie qui, paradoxalement, n’est là que pour mieux le faire entendre : « on n’est pas prisonnier de son pénis ! » assène-t-il aux oreilles de tous les sexes, de tous les genres qui l’écoutent dans la salle.

 

En lien avec sa propre anatomie, il aborde sa vie d’homme gay et les difficultés d’être sexuellement actif quand il était plus jeune, avec le sida auquel ses proches le voyaient plus exposé que son frère jumeau dans sa vie hétérosexuelle – une autre discrimination liée au pénis de l’homme, dénoncée ici au passage. Il évoque en le faisant revivre de façon faussement comique le barbare tribunal de l’impuissance en France au XVIème siècle, où étaient exposés à la connaissance de médecins, de juristes et de membres du clergé (!)  les troubles de l’érection de certains hommes qui devenaient passibles de procès où des épouses insatisfaites voulant obtenir le divorce, rendaient notoires les déboires de leurs époux, leur imposant parfois l’acte sexuel en public pour qu’on évalue l’étendue de la défaillance, suivant une expertise des plus contestables. L’abjection judiciaire révèle ici pleinement l’emprise sociale et culturelle du pénis comme organe-instrument de domination historique.

Le comédien en vient au dépassement de ces oukases autour du pénis, de ce qu’il symbolise, de ce qu’il conditionne depuis des siècles. Pour cela, il évoque avec beaucoup de tendresse l’un des hommes qui ont compté dans sa vie – il citera plusieurs autres prénoms avec la même tendre sincérité : Lorenzo, un ex-amoureux dont il est resté très proche qui, tandis qu’il cuisine un plat de pâtes, lui dit que la violence n’est plus possible – ma non posso piu ! Il parle alors de l’amoureux qui partage sa vie aujourd’hui, de leur première fois pas terrible, du geste prodigieusement généreux et aimant que l’amoureux a accompli : il a ouvert grand ses déjà grands bras –  représentant cela par l’utilisation des néons sur pieds comme des bras métalliques. Il raconte comment il s’est lové dedans et combien il a pleuré pour laisser sortir tout ce qu’il avait accumulé jusque-là. L’évacuation d’une authentique violence.

« La maîtrise, c’est l’ennemi » et il le démontre une nouvelle fois à la faveur d’un autre exemple, quelque peu éloigné quoique présentant des similitudes malgré tout. En stage avec le metteur en scène Jean-François Sivadier, ce dernier ne le ménage pas, lui reprochant le contrôle, la « rigidité de la performance » (sur scène mais c’est évidemment en lien avec un ailleurs aussi, sans aucun doute). « La maîtrise, c’est l’ennemi » et c’est pourquoi il convient davantage de parler « le langage de l’indulgence, de la tendresse ». De « parler le silence » afin de ne plus chercher à éviter sa fragilité naturelle quand elle est là. Un nouvel art de vivre se dessine alors, bien loin de Priape et des tourments qu’il place dans l’esprit des hommes (et des femmes) depuis si longtemps.

Dans ce foisonnant spectacle où il fait « sa fête » à ce qu’il y a dans le « slip », Mickaël Délis ne déçoit absolument pas. Bien au contraire ici, il prolonge, il densifie son propos avec toute son érudition et sa drôlerie, explorant le genre, ses représentations ainsi que les mots-supports à la fois pour nommer et dépasser les nomenclatures stérilisantes. « Un pipo, ça se déjoue » et c’est, une fois de plus, chose faite. On est déjà impatient d’être à l’an prochain.

 

 

 
Légende photo : Un comédien-athlète sur le sexe masculin  -  Photo © Vladimir Perrin
 

La Fête du slip
Texte et jeu : Mickaël Délis
Co-mise en scène : Papy et Mickaël Délis
Collaboration artistique : Vladimir Perrin, David Délis, Clément Le Disquay et Romain Compingt
Lumières : Jago Axworthy

Production : Reine Blanche Productions
Co-production : ECAM-Théâtre du Kremlin-Bicêtre

Résidences de création à La MAC de Créteil, au Cresco à St-Mandé et l’Espace Sorano à Vincennes.

Avant-première au Théâtre de la Lucarne à Bordeaux le 25 avril 2024
Création du 8 mai au 14 juin 2024 au Théâtre La Reine Blanche – Paris

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July 22, 11:20 AM
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A l’heure du bilan, le Festival « off » d’Avignon empêtré dans ses chiffres

A l’heure du bilan, le Festival « off » d’Avignon empêtré dans ses chiffres | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandrine Blanchard dans Le Monde - 22 juillet 2024

 

La manifestation, qui a vu sa fréquentation baisser, notamment en raison de sa durée plus courte, ne peut pas donner une évaluation précise des tickets vendus.

 


Lire l'article sur le site du "Monde" :
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/07/22/a-l-heure-du-bilan-le-festival-off-d-avignon-empetre-dans-ses-chiffres_6255152_3246.html

 

Le festival « off » d’Avignon, avec ses 1 666 spectacles, 141 lieux et 24 664 levers de rideau, s’est achevé dimanche 21 juillet. Et, comme chaque année, il est impossible de donner une évaluation précise de sa fréquentation. Les responsables d’Avignon Festival et Compagnies (AF & C), l’association coordinatrice de ce vaste marché de spectacle vivant, ont eu beau tenter, vendredi 19 juillet, de dresser un « pré-bilan » de cette 58e édition, ils reconnaissent eux-mêmes que leurs chiffres ne sont « que des hypothèses de travail ». Réduit à dix-neuf jours (contre vingt-quatre habituellement) pour cause de Jeux olympiques, ce rendez-vous théâtral a, semble-t-il, pâti de l’actualité sportive et électorale et enregistrerait, selon « quelques remontées de théâtres et de compagnies », une baisse potentielle de 15 % à 25 % du nombre de billets vendus par rapport à 2023.

 

Mais, comme chaque année là encore, des spectacles, bénéficiant du bouche-à-oreille, ont rapidement affiché complet – d’autant plus s’ils étaient programmés dans des théâtres bien référencés tels que Les Halles, Le Train bleu, Le 11, Les Béliers, Actuel, Chêne Noir, etc. Tandis que d’autres ont « ramé », s’épuisant à tracter dans les rues avignonnaises pour attirer des spectateurs qui, de plus en plus, avaient établi leur programme avant même leur arrivée dans la cité des Papes.

 

Faute de billetterie centralisée (chaque lieu ayant la sienne) et donc de données exhaustives, l’AF & C s’appuie sur deux indicateurs pour établir son pré-bilan. D’abord les « cartes Off » d’abonnement (offrant 30 % de réduction sur les places de spectacle) : près de 63 000 ont été achetées cette année (contre 65 477 en 2023). Ensuite, la billetterie Ticket’off. Proposée par l’AF & C, elle ne représenterait que « environ 10 % de la globalité des ventes », précise Laurent Domingos, coprésident de l’association. A la date de vendredi 19 juillet, 193 815 tickets ont été vendus via cette plateforme (contre 172 781 en 2023). A partir de ces chiffres paradoxaux – une baisse des cartes d’abonnement mais une hausse des achats sur Ticket’off – l’association évalue le nombre total de billets vendus entre 1,4 million (fourchette basse) et 1,6 million (fourchette haute) pour une jauge de 2,5 millions.

 

« C’est un ordre de grandeur qu’il faut prendre avec prudence », insiste Laurent Domingos. Plus question – comme lors de la clôture de l’édition 2023 – de claironner que 1,95 million de tickets ont été vendus, chiffre dont la précision avait fait tiquer bon nombre de connaisseurs du « off ». Seule certitude, la réduction de la durée du festival, cette année, a pesé forcément sur ses résultats. « Sur la base du volontariat, nous allons demander aux théâtres, producteurs et compagnies de nous remonter leurs chiffres, que nous anonymiserons afin d’avoir, dans l’intérêt du collectif, des statistiques plus fiables. Nous présenterons ces nouvelles données courant septembre », promet Harold David, coprésident d’AF & C.

« Si on est honnête, ça n’a plus de sens »

Assistant à la présentation de ce pré-bilan, David Roussel, cofondateur du théâtre des Béliers et membre du conseil d’administration de l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), a mis les pieds dans le plat : « Pourquoi ne demandez-vous pas les chiffres de l’ASTP et du Centre national de la musique [CNM] ? » Ces deux organismes sont chargés de collecter la taxe sur le spectacle vivant à laquelle sont assujettis tous les entrepreneurs de spectacle – l’ASTP pour le théâtre, le CNM pour l’humour et les spectacles musicaux. « Ce n’est pas faute de les avoir demandés, a répondu Harold David. Mais ils ne nous ont pas été communiqués. » David Roussel a alors révélé ceux de l’ASTP. « En 2023, lors du “off” d’Avignon, 367 000 billets ont été assujettis à la taxe et 283 850 en 2022. Donc, de deux choses l’une, soit les chiffres que vous évoquez ne sont pas bons, soit la taxe est loin d’être systématiquement perçue », a conclu David Roussel.

 

Interrogé par Le Monde, le CNM a accepté de fournir ses chiffres. En 2023, cet organisme a récolté la taxe sur 167 030 entrées payantes du « off » d’Avignon (contre 137 664 en 2022). L’humour et la musique représentant 23 % des spectacles à l’affiche du festival, contre 51 % pour les pièces de théâtre, il est logique que la collecte soit moindre pour le CNM que pour l’ASTP. Mais les deux organismes semblent se heurter à des difficultés pour percevoir la taxe sur la totalité des œuvres présentées. Ces chiffres inédits, même s’ils ne sont pas parfaits, permettent malgré tout de mieux mesurer l’ampleur du « off » et de ses défis. Un festival qui souffre sous le poids de la hausse des coûts financiers (location du créneau horaire, logement, communication, etc.) et des difficultés de diffusion. Au point de susciter des questionnements même au sein de structures bien implantées.

 

« Pour la première fois, on songe à arrêter. On ne s’en sort plus », lâche David Roussel, reprenant sa casquette de codirecteur du théâtre des Béliers. Cette salle très identifiée par les festivaliers, présente à Avignon depuis 2006 (et à Paris depuis 2012), a pourtant multiplié les succès (avec les pièces d’Alexis Michalik, d’Ivan Calbérac ou encore Les poupées persanes d’Aïda Asgharzadeh). Cette année, elle a de nouveau fait le plein notamment avec The Loop, la nouvelle comédie de Robin Goupil. En dehors des productions maison, tous les spectacles y sont accueillis en coréalisation (pas de location de salle pour les compagnies mais un partage de la recette). « Autrefois, Avignon permettait de vendre suffisamment de dates de tournée pour être à l’équilibre ou en léger bénéfice. Désormais, ces dates qui se raréfient parce que les collectivités locales n’ont plus d’argent, ne font que rembourser les pertes avignonnaises, constate-t-il avec dépit. Si on est honnête, ça n’a plus de sens. »

 

Et David Roussel de donner un exemple qu’il juge symptomatique : « En 2006, nous louions, pour la durée du festival, 6 000 euros une maison pour notre équipe. Aujourd’hui, elle est passée à 23 000 euros ! Bien sûr, on ne la loue plus. Et désormais, il faut compter 2 000 euros par personne pour avoir un clic-clac merdique. A-t-on envie de financer des marchands de sommeil à Avignon ? Non. » A cette explosion du prix du logement s’ajoute, comme partout, celui de la nourriture. « Nous avons un catering dont le prix par personne a doublé en six ans », indique-t-il. « La seule solution serait de réduire les charges. Cela signifierait prendre des stagiaires à la place d’une partie du personnel, demander aux compagnies de payer davantage, faire de l’accueil low cost… De tout cela, il n’en est pas question, ce n’est pas notre manière de travailler, insiste David Roussel. Alors peut-être quitterons-nous Avignon, la mort dans l’âme. »

 

Sandrine Blanchard / LE MONDE

 

 

Légende photo : « Œuvrer son cri », mise en scène de Sacha Ribeiro, au Théâtre des Célestins, à Lyon, en 2022, pièce présentée pendant le festival « Off ». ARNAUD BERTEREAU

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July 21, 11:03 AM
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Festival d’Avignon semaine 3 : clap clap de fin

Festival d’Avignon semaine 3 : clap clap de fin | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par le service Culture de Libération - 21 juillet 2024

 

 

Cette semaine, on ondule avec le chorégraphe Noé Soulier, on cauchemarde avec le «Léviathan» de Sagazan. On se raconte des histoires et on est renversé.

 

Avignon, c’est presque fini et déjà nous manquent ces groupes d’amis circulant par grappes dans les rues de la ville, stationnant de longues minutes (heures ?) devant un mur d’affiches vantant les 1 683 spectacles recensés dans les 141 théâtres du festival off (vrais chiffres). «Le seul en scène sur l’inceste il doit être fort… - Sinon il y a le seul en scène sur la fin de vie, t’en penses quoi ?» Nous manquera aussi le délicieux spectacle des habitués du festival in. «Qu’est-ce que tu dis ? - Je dis qu’on en a marre de Richard III, il y en a trop des Richard III - Et tu as vu comme ils étaient mauvais ces jeunes comédiens qui jouaient Isabelle Huppert ? - Elle devrait porter plainte.» Nous manqueront un peu moins les sonnettes hystériques des vélos et de leurs conducteurs à tote bag, cherchant à optimiser dans les ruelles d’Avignon leur trajet entre le théâtre du Train bleu et celui de la Manufacture et ayant visiblement juré sur la tête de Jean Vilar qu’ils ne freineraient pas, dussent-ils renverser un couple de petits vieux.

Sur scène, ce sont d’autres véhicules et d’autres collisions qui nous auront transportés cette année – les voitures étant garées à plusieurs reprises sur les plateaux d’Avignon, que ce soit dans le fabuleux Absalon, Absalon de Séverine Chavrier ou dans Los Días Afuera de l’Argentine Lola Arias. On se souviendra de ces corps butant et cognant. Celui de l’ancienne danseuse de Pina Bausch, Héléna Pikon, 67 ans, percutant les chaises du mythique Café Müller, dans Forever de Boris Charmatz, ou les pas mal assurés de Belén González del Amo, l’actrice non voyante de La Gaviota de Chela de Ferrari. Cette année le festival a mis sur scène la vulnérabilité – des vieilles et des vieux, des personnes en situation de handicap, des vies cabossés d’anciens détenus chez Lola Arias et dans le beau Léviathan de Lorraine de Sagazan, et montré pourquoi elle pouvait être si puissante.

 
 

On adore

Close Up de Noé Soulier. Le chorégraphe français sublime le mouvement de ses danseurs virtuoses, qui se répondent comme en transe sur la scène de l’Opéra Grand Avignon. Notre critique.

On aime beaucoup

Léviathan de Lorraine de Sagazan. C’est une œuvre à la beauté plastique saisissante et inquiétante qui plonge dans trois comparutions immédiates comme dans un cauchemar sans issue. Fuyant le réalisme documentaire, elle incarne la dureté et l’humiliation de ces procédures ultrarapides. Notre critique.

 

Elizabeth Costello de Krzysztof Warlikowski. Pour son retour à la Cour d’honneur, le metteur en scène Krzysztof Warlikowski s’empare du personnage créé par le romancier JM Coetzee, l’écrivaine Elizabeth Costello. Une réflexion puissante sur la responsabilité morale qui devrait nous animer envers l’autre, humain, animal ou personnage de fiction, hélas un peu noyée dans ce cadre écrasant. Notre critique.

Pas mal

Forever de Boris Charmatz. Sept heures durant, le spectacle rejoue à plusieurs reprises le mythique Café Müller de la chorégraphe allemande, avec à chaque fois un groupe de danseurs différent. L’intérêt réside avant tout dans les variations. Notre critique.

Dommage

La Gaviota de Chela de Ferrari. La metteuse en scène péruvienne dirige des comédiens et comédiennes mal voyants dans une interprétation décevante de la Mouette de Tchekhov. Notre critique.

Le billet

Le plaisir du récit. Empruntant les codes du thriller, du documentaire ou de la bonne série, de nombreux spectacles de l’édition 2024 du festival ont démontré qules recettes éprouvées de la narration n’avaient rien perdu de leur pouvoir pour attirer le public.

Le portrait

Malicho Vaca Valenzuela. Dans le drôle, politique et tendre Reminiscencia, spectacle hanté par le territoire, le metteur en scène chilien mêle son histoire personnelle et l’héritage social de son pays.

Pendant ce temps-là dans le off

Une bonne histoire d’Adina Secretan. La pièce d’Adina Secretan revient sur une affaire d’infiltration menée par Nestlé en 2003 dans les milieux altermondialistes. Sur scène, deux comédiennes en explorent les conséquences pour les militantes abusées. Notre critique.

Le Papier peint jaune d’après Charlotte Perkins Gilman. Le papier peint jaune c’est le point d’obsession d’une femme, dans ce XIXe siècle finissant, tout juste mariée, tout juste mère, qui souffre selon son mari, médecin renommé, d’une «dépression nerveuse passagère». La comédienne Laetitia Poulalion fait remarquablement entendre le texte étrange et sombre d’une autrice méconnue, la féministe américaine Charlotte Perkins Gilman. Notre critique.

 

 

Anne-Christine et Philippe d’Arnaud Churin et Emanuela Pace. Quelle idée géniale d’adapter pour la scène le livre les Lances du crépuscule de Philippe Descola. L’anthropologue y raconte comment, à la fin des années 70 avec sa compagne Anne-Christine Taylor, il a passé pour ses recherches plusieurs années auprès des Achuar, qu’en Occident on appelle plus souvent les «Jivaros», en Haute-Amazonie. Drôle mais aussi intelligent, le spectacle aborde les petits tracas de l’ethnologue sur le terrain (faut-il vraiment aller déféquer avec ses voisins pour montrer son amitié, prendre des substances narcotiques et finir par chanter du Brel ?), ses petits arrangements avec la vérité pour se faire accepter des hommes qu’il «étudie», l’excitation de la «découverte» et finalement la lassitude de si bien les connaître.

 

Monstres d’Elisa Sitbon Kendall. Mettant en scène l’écriture d’une pièce de théâtre, Elisa Sitbon Kendall questionne, tout en nuance, la justesse de l’artiste lorsqu’il se frotte aux sujets dont il est trop éloigné. Notre critique.

 

Grégory par By Collectif. La pièce explore la complexité à raconter le réel dès lors qu’il faut mettre en récit un événement. Et se retrouve au cœur de la rédaction de Libération dans les années 80. Et prouve encore que les journalistes sont des protagonistes récurrents dans les spectacles de cette édition du festival d’Avignon. Notre analyse.

Bâtons rompus

Christiane Taubira. «Il est important que ce gouvernement de gauche arrive le plus rapidement possible. Il y a des gens qui n’ont pas le confort suffisant pour patienter.» Depuis Avignon, l’ancienne garde des Sceaux lançait un appel à l’union. Elections, laïcité, politiques culturelles, Nouvelle-Calédonie, racisme, justice, dissolution, responsabilité politique, offices notariaux, postes, écoles maternelles, Richard III, théâtre engagé… Elle s’est livrée à une discussion libre avec la journaliste Laure Adler. Compte rendu.

See you l’année prochaine

La direction du festival a annoncé que la langue arabe sera la langue invitée du prochain festival d’Avignon, après l’anglais l’an passé, et l’espagnol cette année. La danse gagnera quant à elle le saint des saints Palais des papes, avec la chorégraphe Marlene Monteiro Freitas qui y présentera un spectacle en tant qu’artiste invitée de l’édition 2025.

 
 
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July 19, 7:37 PM
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Une 78e édition du Festival d’Avignon atypique et ouverte à d’autres voix

Une 78e édition du Festival d’Avignon atypique et ouverte à d’autres voix | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge - Avignon, envoyée spéciale du Monde, publié le 19 juillet 2024

 

La manifestation, perturbée par le contexte politique et sportif, a fait le plein côté public.


 

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/07/19/une-78e-edition-du-festival-d-avignon-atypique-et-ouverte-a-d-autres-voix_6252783_3246.html

A année particulière, festival particulier. En Avignon, 2024 restera comme une année étrange, « atypique », comme l’a dit lui-même Tiago Rodrigues, le directeur du Festival, lors d’une rencontre avec le public, le 15 juillet. La 78e édition de la manifestation fondée par Jean Vilar avait déjà dû avancer son calendrier d’une semaine, en commençant le 29 juin, avant les vacances scolaires, pour ne pas se chevaucher avec les Jeux olympiques et la mobilisation, notamment sécuritaire, qu’ils exigent.

Puis il y a eu l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, et la tenue des élections législatives, le 30 juin et le 7 juillet, en plein festival, avec la perspective de l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir. Jusqu’au soir du second tour, une large partie du public et des professionnels est restée tétanisée par cette perspective. Pour Avignon, l’accès du Rassemblement national aux commandes aurait eu des conséquences directes : Tiago Rodrigues avait annoncé, dès le 16 juin, dans nos colonnes, qu’il « n’acceptera[it] jamais de travailler avec l’extrême droite » et qu’il défendrait un « festival qui ne collabore pas ». Ce qui aurait impliqué un festival à voilure considérablement réduite, privé des financements de l’Etat.

 
Ce contexte a fait peser de lourdes inquiétudes sur la fréquentation des spectacles, mais le public a été largement au rendez-vous : le taux de remplissage devrait s’établir autour de 90 % (pour une jauge d’un peu plus de 121 000 billets mis en vente), actant que le « in » a nettement mieux résisté que le « off », dont la fréquentation a manifestement souffert.

Quelques grands spectacles

Sur le plan artistique, cette édition est apparue comme moins riche, excitante, originale, que l’édition inaugurale de Tiago Rodrigues en 2023. Le festival a pourtant offert quelques grands spectacles, à commencer par la création d’ouverture donnée à La FabricA : Absalon, Absalon ! a fait passer Séverine Chavrier dans la dimension des maîtres de la mise en scène, avec une forme de théâtre total, porté par une réflexion puissante sur l’Amérique et le métissage, en lisant Faulkner à la lumière d’Edouard Glissant.

 

Avec le deuxième spectacle d’ouverture, Dämon, présenté dans la Cour d’honneur du Palais des papes, la performeuse et metteuse en scène Angélica Liddell a, comme à son habitude, divisé le public et la critique. Cette distance prise par une partie de la critique à l’égard de son travail, l’artiste espagnole l’a d’ailleurs mise en scène dans sa pièce, s’en prenant directement à certains journalistes – dont nous sommes – sous forme d’insultes ou de gestes grossiers.

 

Ces pratiques d’un autre âge feraient sourire si elles ne s’inscrivaient dans un contexte où le populisme gagne du terrain partout, et si elles ne rappelaient justement les meetings du Rassemblement national, où les journalistes se font régulièrement huer. La critique, comme tout autre genre journalistique, n’a pourtant de sens que si elle est exercée en toute indépendance. « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur », écrivait déjà, il y a plus de deux siècles, un certain Beaumarchais…

Jubilation sauvage

Troisième création majeure de ce festival, Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux, qui voyait le retour à Avignon du grand metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski, a peiné à trouver son public. Le spectacle n’était sans doute pas adapté à la Cour d’honneur du Palais des papes. Il n’en reste pas moins un geste artistique d’une beauté et d’une profondeur rares de nos jours. Entre Dämon et Elizabeth Costello s’est glissé dans la Cour d’honneur un autre moment fort : Mothers. A song for Wartime, orchestré par la metteuse en scène polonaise Marta Gornicka, a pris l’accent, par-delà le spectacle, d’une cérémonie unissant le public dans la communion pour une Ukraine martyre.

 

L’« artiste complice » de cette édition, le chorégraphe Boris Charmatz, laisse, lui, un bilan contrasté. Si Cercles, performance participative, a emmené dans sa ronde joyeuse aussi bien le public que ses 200 participants, les deux spectacles suivants, Liberté cathédrale et Forever, ont laissé le sentiment que le chorégraphe tirait peut-être un peu trop sur la corde de son savoir-faire.

 

Passé ces jalons incontournables, deux spectacles ont emballé à la fois le public et la critique. Les places se sont arrachées aussi bien pour Lacrima, de Caroline Guiela Nguyen, superbe récit théâtral tissant les fils d’un capitalisme destructeur, que pour Qui som ?, de la compagnie Baro d’evel, grand moment de jubilation sauvage et cathartique à la croisée du théâtre, des arts plastiques, du clown et de la danse. Tandis que, avec Hécube, pas Hécube, une pièce qui n’est certes pas sa meilleure, Tiago Rodrigues a tout de même offert une belle soirée dans ce lieu magique qu’est la Carrière de Boulbon, portée par les acteurs virtuoses de la Comédie-Française, la grande tragédienne Elsa Lepoivre en tête.

Mosaïque

La Vie secrète des vieux, de Mohamed El Khatib, et Léviathan, de Lorraine de Sagazan, ont également séduit, par leurs manières respectives de faire bouger les lignes du théâtre. Gwenaël Morin, lui, est apparu moins en forme que d’habitude avec son Quichotte. Quant à la programmation en langue espagnole, elle constitue la vraie déception de cette édition 2024, à l’exception de celui qui a été la révélation du Festival : l’auteur-performeur argentin d’origine indigène Tiziano Cruz, avec ses deux créations Soliloquio et Wayqeycuna.

A travers lui se lit un des axes forts du Festival, qui a mis en avant d’autres corps, d’autres voix, d’autres récits que ceux qui ont longtemps dominé la scène française. Qu’il s’agisse de la vieillesse, des femmes, particulièrement visées dans tous les conflits à travers le viol, des peuples indigènes subissant une forme de néocolonialisme ou de tous ceux qu’une société normative marginalise. A travers cette mosaïque se dessine un festival de bon niveau, porté par une réelle réflexion sur les lignes de programmation, et sur l’ouverture nécessaire de la manifestation avignonnaise hors de sa zone de confort, dans un idéal de « théâtre populaire » sans cesse à reconstruire et à réinventer.

 

Fabienne Darge (Avignon, envoyée spéciale du Monde )

 
Légende photo : « Absalon, Absalon ! », de Séverine Chavrier, à Avignon, le 28 juin 2024. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE/FESTIVAL D’AVIGNON

 

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July 19, 10:05 AM
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Dans la bibliothèque de Philippe Quesne : épisode /11 du podcast Dans la bibliothèque de...

Dans la bibliothèque de Philippe Quesne : épisode /11 du podcast Dans la bibliothèque de... | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Emission de Marie Rcheux, diffusée sur France Culture en mars 2024

 

Le vendredi, Marie Richeux visite des bibliothèques de personnalités. Aujourd'hui, nous découvrons celle du metteur en scène et scénographe Philippe Quesne. De Perec à Beckett, Claire Fercak, Gaëlle Obliegly ou encore Laura Vazquez, on y trouve les textes qui ont nourri son travail pour le théâtre.

 

Ecouter l'émission (58 mn)

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July 19, 8:41 AM
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Festival In d'Avignon. Krzysztof Warlikowski : « Ici s’ouvre l’abîme de l’inconnu »

Festival In d'Avignon. Krzysztof Warlikowski : « Ici s’ouvre l’abîme de l’inconnu » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sonia Garcia-Tahar dans Le Dauphiné, 18 juillet 2024

 

Krzysztof Warlikowski… de retour au Festival avec Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux, à la Cour d’honneur.

 

Le metteur en scène polonais, Krzysztof Warlikowski, qui s’était fait connaître en 2001 à Avignon avec un Hamlet resté dans les mémoires, a depuis imprimé sa facture léchée et dérangeante à la Cour d’honneur en 2009, avec (A)pollonia, un spectacle qui convoquait bourreaux et victimes de la tragédie antique au nazisme. La Cour d’honneur… justement, lui est offerte de nouveau par Tiago Rodrigues .

 
Le rendez-vous est donné à 22 heures, mais Krzysztof Warlikowski accompagnera le public bien au-delà des minuits avec Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux sa toute dernière création d’une durée de quatre heures. Elizabeth Costello, du nom de cette écrivaine imaginée par le romancier sud-africain J. M. Coetzee, revient plusieurs fois dans l’œuvre de son auteur… mais aussi dans celle de Warlikowski : « C’est un personnage qui brouille la frontière entre la fiction et la réalité. Elle apparaît dans le roman éponyme de J. M. Coetzee paru en 2003, avant de ressurgir quelques années plus tard dans L’Homme ralenti puis dans L’Abattoir de verre. Quant à moi, je l’ai déjà utilisée dans deux spectacles, notamment (A)pollonia, où elle donnait une conférence sur l’Holocauste, en faisant un parallèle scandaleux pour l’auditoire avec l’abattage contemporain des animaux. »
 
Six actrices pour un personnage complexe

Quels seront les sujets des leçons et contes moraux annoncés de cette écrivaine censée donner des conférences plus ou moins gênantes de par le monde ? « J’ai retenu certaines conférences plutôt que d’autres – sachant que deux d’entre elles avaient déjà été intégrées dans mes spectacles. Pour incarner ce personnage complexe, j’ai choisi six actrices de différents âges et physiques, ainsi qu’un homme. Il s’agit d’explorer ce personnage d’écrivaine qui déraille progressivement. »

 

Celui qui nous avouait en 2009, dans une interview accordée au Vaucluse matin, sa prédilection pour la « médiocrité », sentiment dans lequel il se reconnaissait « en tant que Polonais, » aura fort à faire avec ce personnage d’Elizabeth Costello, ostracisée après avoir connu le succès : « Elle vieillit et doit négocier avec ses désirs – ce qui l’affecte énormément. À travers ses conférences gênantes, la question de sa propre vie, de son devenir, de son vieillissement, se pose. » Pas sûr que le public obtienne de réponse, l’artiste ayant prévenu : « Ici s’ouvre l’abîme de l’inconnu, auquel seule la Parole peut avoir accès. Cette Parole, Costello, Coetzee, mon équipe et moi la recherchons tout en sachant que nous ne la trouverons pas. »

 

 

Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux, jusqu’au 21 juillet à 22 heures, Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon. Durée : 4 heures. Resa. au 04.90.14.14.14.

 

 

Sonia Garcia-Tahar / Le Dauphiné

 

 

Légende photo : Régulièrement invité au Festival, l’artiste polonais proposera sa création dans la Cour d’honneur. Photo Maurycy Stankiewisz

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July 16, 4:49 PM
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« Si la cérémonie d’ouverture des JO 2024 n’est là que pour produire de l’éclat éphémère, quel intérêt ? »

« Si la cérémonie d’ouverture des JO 2024 n’est là que pour produire de l’éclat éphémère, quel intérêt ? » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Ariane Chemin et Franck Nouchi
Publié dans Le Monde le 16 juillet 2024




ENTRETIEN

L’historien Patrick Boucheron, la scénariste Fanny Herrero, la romancière Leïla Slimani et l’auteur de théâtre Damien Gabriac ont travaillé, avec le metteur en scène Thomas Jolly, sur un spectacle en douze tableaux. Ils dévoilent au « Monde » les contours et l’esprit de la célébration du 26 juillet.

 

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/sport/article/2024/07/16/si-la-ceremonie-d-ouverture-des-jo-2024-n-est-la-que-pour-produire-de-l-eclat-ephemere-quel-interet_6250808_3242.html

Patrick Boucheron, Fanny Herrero, Leïla Slimani, Damien Gabriac. Dans le plus grand secret, un historien du Collège de France, une scénariste en vue, une romancière Prix Goncourt et un homme de théâtre ont « écrit » la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques (JO) de Paris. Ces personnalités ont été choisies fin 2022 par le metteur en scène Thomas Jolly, chef d’orchestre des cérémonies des Jeux. Les auteurs racontent au Monde dans quel esprit ils ont imaginé ce spectacle offert à plus de 1 milliard de téléspectateurs.

Que pouvez-vous nous dire de cette cérémonie d’ouverture du 26 juillet ?

Thomas Jolly et Damien Gabriac : C’est un spectacle vivant qui se déroule sur la Seine, 6 kilomètres durant, du pont d’Austerlitz à la tour Eiffel. Trois cent mille spectateurs y assisteront, et la cérémonie sera transmise sur 80 écrans géants. Ce spectacle sera une double première. L’ouverture des Jeux olympiques ne se fera pas dans un stade, contrairement à la coutume. Autre nouveauté, les délégations d’athlètes de chaque pays se mêleront en parade sur le fleuve aux cohortes d’artistes (acteurs, danseurs, acrobates…) et traverseront le spectacle. Tout va s’emmêler, y compris le protocole (les discours, l’ouverture par le chef de l’Etat, les hymnes, etc.). Le reste… Allez, on se tait !

Pour ce spectacle, vous avez convié un historien du Collège de France, une écrivaine Prix Goncourt (2016), une scénariste de séries et un auteur de théâtre. Pourquoi ces personnes, Thomas Jolly ?

T. J.  : Parler à autant de téléspectateurs, avec les mêmes images, au même moment, c’est une occasion unique. J’avais l’idée d’un immense spectacle, mais il me manquait un récit pour m’adresser au monde entier. Je travaille depuis longtemps avec Damien Gabriac, qui est un auteur de théâtre. J’ai voulu m’adjoindre quelqu’un qui ait un œil sur l’histoire. L’Histoire mondiale de la France, de Patrick Boucheron [Seuil, 2017], est restée longtemps sur ma table de chevet. J’ai contacté Leïla Slimani car j’avais besoin de la littérature, d’une langue aussi – je connais son rapport à la francophonie. Fanny Herrero a apporté son sens du scénario et de l’image. J’ai pensé que tous seraient complémentaires et que ce serait l’équipe idéale.

Fanny Herrero, on vous connaît pour votre série à succès « Dix pour cent ». Votre père, Daniel Herrero, a été joueur et entraîneur du club de rugby de Toulon et vous-même avez été une joueuse de volley-ball de haut niveau. Quelle a été votre réaction lorsque Thomas Jolly vous a sollicitée ?

Fanny Herrero : Mon premier réflexe, c’était que cette mission était trop grande et trop belle pour moi. J’ai eu peur. Et puis je me suis dit que c’était une aventure unique dans la vie d’une personne. J’ai aimé travailler à quelque chose de mémorable, pas seulement comme technicienne du scénario, mais comme citoyenne, tout simplement.

 
Leïla Slimani : Je me trouvais au fin fond de l’Atlas, attelée à l’écriture du troisième tome de mon roman quand Thomas m’a appelée. Son coup de fil providentiel m’a sortie de la solitude du romancier pour me proposer de frotter mon cerveau à d’autres. J’ai émigré en France à 18 ans et j’ai trouvé que c’était un très grand honneur qu’on me demande mon avis sur cette France qui m’accueille. J’ajoute que je suis aussi une romancière de la sensualité, et il y a un érotisme qui me touche dans le corps des athlètes. Je sais enfin que l’effort sportif est une possibilité d’émancipation, par-delà les nationalités. Comme Fanny, j’ai rapidement dit oui, sans trop réfléchir.
 

Patrick Boucheron : Pour moi aussi, l’occasion était trop grande, trop belle. Comme historien de la ville, ce qui m’a intéressé, c’est qu’il fallait écrire ces récits dans l’espace. Je rappelle que c’est une ville qui accueille les JO, et politiquement, c’est important : ce n’est pas France 2024, c’est Paris 2024. Restait à régler la part de l’historien dans cette aventure. Passer conseiller historique aurait été devenir le gardien du passé – je suis un historien amoureux du présent. Auteur m’allait mieux et l’idée-force du projet me plaisait : ne pas seulement représenter ce que fut hier, mais ouvrir à des promesses, produire des imaginaires (notamment sociaux), faire voir ce qui était resté invisible…

Quelles ont été vos références ? Ou vos contre-exemples ?

P. B. : Nous avons revu de vieilles vidéos. La cérémonie d’ouverture de Pékin, en 2008, c’est exactement tout ce que nous ne voulions pas faire : une leçon d’histoire adressée au monde depuis le pays d’accueil, une ode à la grandeur et une manifestation de force. Athènes, en 2004, éprouvée par sa dette, nous a donné une leçon d’humilité. En 2012, Londres a su dédramatiser les clichés nationaux par l’autodérision.

 

Mais personnellement, ce qui m’a encouragé, ce fut de visionner sur YouTube la cérémonie imaginée par Jean-Paul Goude pour le bicentenaire de la révolution française, en 1989. Le défilé déjouait les stéréotypes nationaux et ne craignait pas de prôner le « métissage planétaire » avec un optimisme que nous avons aujourd’hui perdu. Ce désenchantement a été en lui-même pour moi une source d’inspiration.

Comment avez-vous travaillé en commun sur la cérémonie ?

L. S. : : On avait un grand mur dans les bureaux de Paris 2024, et fin 2022 on a commencé à y coller tout ce qui nous passait par la tête dès que cela évoquait la France, et surtout Paris : auteurs, acteurs, livres, photos, poèmes, chansons, tableaux, œuvres d’art, grands événements historiques… On a jeté toutes nos idées sur un grand tableau. Thomas voulait ensuite un spectacle avec un fil rouge, des personnages, un début et une fin.

 

T. J. : On a enfilé nos doudounes et on est descendus en bateau du pont d’Austerlitz jusqu’à la tour Eiffel. On a regardé tout ce qui appartenait à la grande et à la petite histoire : les rues, les monuments, les places, les squares, les statues. On a ausculté les correspondances littéraires, cinématographiques, musicales. Au square du Vert-Galant trône la statue d’Henri IV, en face de la place Dauphine, qu’André Breton appelait « le sexe de Paris », pas loin du Pont-Neuf et des amants [du film] de Leos Carax…

De la Seine, on aperçoit aussi le décor de la série « Emily in Paris »…

T. J. : Oui, ou d’Amélie Poulain ! Ce sont déjà des visions oniriques de Paris. Evidemment, il fallait jouer avec les clichés, ces regards américains sur la France, mais sans s’en moquer. Le spectacle comporte douze tableaux et s’appuie sur tous les emblèmes de la ville et les sens qu’ils produisent. Notre-Dame, par exemple, c’est à la fois le coq, emblème de la France, Victor Hugo, une cathédrale qui se refait une beauté après un incendie. Tout cela va s’intégrer dans…

D. G. : … ce Paris au fil de l’eau…

L. S. : … cette grande pièce de théâtre surdimensionnée…

P. B. : … cette poétique de l’histoire, de cette frise un peu froissée du temps passé, mais débarrassée de la séduction du déclinisme…

F. H. : … ce récit. Thomas nous guidait et décidait : « Ça, j’aime bien », « ça non »… Comme scénariste, j’ai veillé à la dramaturgie, aux enchaînements, aux registres, aux variations d’émotions, comme dans une série, jusqu’au climax final. L’idée n’était pas de raconter l’histoire de France, vous l’avez compris, mais on est néanmoins partis de ce qui fait la France. Les fameuses valeurs, par exemple. Quel symbole dans tel lieu de bord de Seine ? Quel message ?

Quelles valeurs avez-vous retenues, alors ?

P. B. : La France, par exemple, est pour le monde une promesse de liberté, promesse qu’elle trahit toujours, mais qui lui demeure attachée.

L. S. : Je suis une femme vivant au Portugal et qui vient du Maroc. Je connais cette force de Paris, ses ciments. L’une de ses valeurs, c’est celle du collectif, cet impensable qu’on est capable de construire quand on est ensemble. Nous avons eu envie d’un récit très généreux. Il fallait qu’il y ait de la joie, de l’émulation, du mouvement, de l’excitation et de la pétillance, et pas seulement ces fameuses valeurs philosophiques traditionnelles que la France exhibe volontiers avec parfois trop d’assurance…

F. H. : Nous avons voulu contrer notre tendance naturelle à faire la leçon.

L. S. : Nous nous jouons de l’image que les Français peuvent avoir dans le monde. Par exemple, celle de personnes très sûres d’elles. Nous ne voulions surtout pas d’esprit de sérieux dans cette cérémonie. Il y a beaucoup d’humour, du moins je l’espère, dans notre spectacle. En tout cas, si on a travaillé très sérieusement, on a aussi beaucoup ri.

 

T. J. : Au départ, nos imaginaires n’ont eu aucune limite !

 

F. H. : J’avais rêvé d’une immense manif qui courait sur 6 kilomètres…

 

P. B. : Nous avions un temps imaginé des statues d’hommes célèbres plongeant de leur piédestal dans la Seine, y coulant des brasses synchronisées, façon grand bain de l’histoire. Notre idée était surtout de faire surgir d’autres statues à leur suite. On a abandonné. Un jour, il faudra raconter l’aventure de cette cérémonie : comment certaines idées s’évanouissent, tandis que d’autres se transforment, et que d’autres lancées en rigolant demeurent intactes dans le spectacle. C’est le cas du prologue filmé, imaginé tel quel dès les premiers jours.

Si on comprend bien, votre travail est tout sauf une reconstitution à la manière des spectacles du Puy-du-Fou…

En chœur : L’inverse !

F. H. : Surtout pas une histoire figée.

P. B. : Le contraire d’une histoire virile, héroïsée et providentielle.

Thomas Jolly, vous connaissez les critiques qui ont entouré la parution de l’ouvrage « Histoire mondiale de la France », en 2017, coordonné par Patrick Boucheron. Assumez-vous que le choix de vos auteurs produise des débats ?

T. J. : Une cérémonie olympique, c’est revenir sur d’où on vient, où on est, où l’on va. Cette question concerne la France, mais aussi le monde. Si le spectacle d’ouverture des JO n’est là que pour produire de l’éclat éphémère, quel intérêt ? Des athlètes vont traverser les monuments qui ont marqué notre passé commun, ce n’est pas rien. Je note que le trajet du spectacle nous propose lui-même une histoire bousculée. Dans l’espace, ces 6 kilomètres ne font pas une suite chronologique, mais désordonnée. Les monuments cohabitent dans un anachronisme joyeux qui pose mille questions. Comme celle-ci : depuis quand est-on français ? Depuis Clovis ? Avant ?

 

P. B. : J’avais voulu réconcilier le sentiment d’appartenance nationale avec le goût du monde, mais aussi l’histoire savante avec le grand élan d’un récit populaire. Le titre même de mon ouvrage collectif était une tentative de conciliation. La cérémonie des JO doit parler au monde et à la France, plus précisément : parler du monde à la France et parler de la France au monde.

Y a-t-il eu des censures ? Des figures imposées ? Des bâtons glissés dans vos roues ?

P. B. : Il y a toujours une somme de contraintes, pas seulement politiques. Nous avons livré le scénario complet de la cérémonie en juin 2023. Evidemment, il a changé : c’est l’histoire banale du spectacle vivant. Mais les structures, ça a tenu. J’insiste : nous avons eu carte blanche.

T. J. : Il y a aussi les contraintes budgétaires. Les filets du vivant et de la nature sont aussi des contraintes. On ne fait pas tout ce qu’on veut sur un fleuve ! Par exemple, la taille des ponts nous a fait renoncer à une parade artistique avec des barges spectacles.

Les sponsors s’en sont-ils mêlés ?

T. J. : Comme vous le savez, les Jeux olympiques, c’est de l’argent privé, pas public. Il y a donc des cahiers des charges. On peut se saisir des contraintes de ces partenariats privés en les transformant, en tentant de les intégrer.

Vous sembliez fébriles il y a quelques semaines. Que se serait-il passé si, le 7 juillet, l’extrême droite avait remporté les élections législatives anticipées ?

T. J. : On était très avancés et le spectacle serait devenu tout autre chose : une sorte de cérémonie de résistance.

L. S. : Ça n’a pas eu lieu. Et, par là même, cet aspect de résistance du spectacle sera d’autant plus beau, il me semble. Nous avons infiniment besoin de ce moment apaisé et partagé, de ce temps enfin suspendu, loin de cette violence qui éclate partout. J’ai le très grand espoir que les spectateurs acceptent de se laisser emporter. Comme le dit Thomas, on sera tous là, vivants, dans le monde, en même temps.

P. B. : On n’a pas bien dormi ces derniers jours. Le projet promis aurait pu dévier par un effet de contexte inimaginable, et le millésime des JO 2024 devenir un nouveau chrononyme, comme disent les historiens – cette nécessité de nommer un moment dans le temps. Mais ce n’est pas arrivé.

F. H. : Notre cérémonie est restée une cérémonie de célébration, de fédération.

 

 

 

Pourquoi tout ce secret autour de l’événement ?

T. J. : Il ne s’agit pas d’un secret d’Etat. Nous voulons simplement respecter la surprise, l’émotion, l’émerveillement d’un spectacle. Lorsque je monte Roméo et Juliette, de Charles Gounod, à l’Opéra Bastille ou Thyeste, de Sénèque, à Avignon, je ne raconte pas non plus la fin de l’histoire…

L. S. : Certains lecteurs me disent souvent : « Tout ça, vos livres, ce n’est pas vrai, c’est un mensonge pour faire rêver. » C’est exact. De la même manière, notre discrétion n’est pas un secret pour le secret, c’est un peu comme ces cadeaux qu’on enferme dans des placards avant Noël, pour ménager la surprise et ajouter de l’impatience à l’émerveillement. Il faut retrouver, le 26 juillet, cette part d’enfance en nous, la joie de la découverte, c’est devenu si rare.

Allez, une petite indiscrétion, un teasing du spectacle ?

T. J. : Nous n’allons pas investir seulement les quais et les ponts, mais le ciel aussi. Et l’eau. Qui sait, il y aura peut-être un sous-marin.

 

Propos recueillis par Ariane Chemin et Franck Nouchi / LE MONDE

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July 16, 9:21 AM
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Avignon 2024 : “Une ombre vorace”, de Mariano Pensotti, deux hommes faillibles en quête de sommets

Avignon 2024 : “Une ombre vorace”, de Mariano Pensotti, deux hommes faillibles en quête de sommets | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Emmanuelle Bouchez dans Télérama -  16 juillet 2024

 

D’un côté, un homme gravit, dans les pas de son père disparu, l’Annapurna. De l’autre, le comédien qui veut l’incarner au cinéma. Un jeu de miroirs entre autodérision et désenchantement, porté par un duo d’acteurs bien assorti.

 

 

Le spectacle itinérant, conçu cette année par l’auteur et metteur en scène argentin Mariano Pensotti pour être joué aux alentours d’Avignon, nous embarque une heure et demie durant, vers les contrées glacées du massif de l’Himalaya. Deux personnages marchent, chacun de leur côté, sur un tapis roulant. L’un, Paul Vidal, affronte une tempête soudaine alors qu’il entreprend de gravir seul l’Annapurna, là où son père, alpiniste célèbre, a disparu, trente ans plus tôt. L’autre, Michel Roux, est l’acteur choisi quelques années plus tard pour interpréter le rôle du même Paul Vidal dans un film.

 
Les deux récits cheminent ainsi en parallèle – l’histoire vécue et l’histoire jouée – dans un savoureux effet de miroir où se répondent  les turpitudes de chacun. À 35 ans, Paul accomplit là sa dernière ascension, quête ultime d’un père trop vite disparu qu’il a le sentiment de ne pas égaler. Michel lutte contre la maladie et, habitué aux mauvaises séries, se sent artistiquement   « périmé ». Chacun poursuit son objectif – aller au bout de l’ascension, décrocher le premier rôle du biopic – comme une dernière chance, avec un sentiment d’échec chevillé à l’âme et au corps. Si l’ambiance n’est pas au beau fixe, l’autodérision dont font preuve les protagonistes fait souvent rire ou sourire.

Dans ce spectacle créé pour le Festival d’Avignon, Mariano Pensotti a glissé de subtiles références à l’ascension du mont Ventoux qu’aurait accompli, avec son frère, le poète italien Pétrarque (1304-1374), qui a grandi à Carpentras et vécu à Avignon. Cette « ombre vorace » qui donne son titre à la pièce est celle qui l’accompagnait sur la route escarpée – angoisse de la mort, peur de l’enfer. Dans cette obscurité menaçante, Pensotti projette aussi en filigrane nos peurs actuelles liées à la surexploitation d’une planète sur laquelle les deux antihéros tentent de survivre sans écorner leurs rêves.

 

 

Le suspense y est distillé en petites touches par les deux acteurs bien assortis. Elios Noël, dans le rôle de Paul, est singulièrement touchant, avec son timbre de voix à la fois chaud et fragile. Cédric Eeckhout, à la mince silhouette, rassemble ses forces pour endosser son futur rôle. S’il fallait pour ce spectacle un décor mobile facile à transporter, le metteur en scène et sa fidèle scénographe Mariana Tirantte n’ont pas renoncé à certains effets. Ainsi de ces pales blanches fixées sur un axe, qui tournent et figurent aussi bien l’intimité d’une maison ou d’un studio de cinéma que des parois glacées, ou d’autres surprenants reliefs montagneux.

 

Emmanuelle Bouchez / Télérama

 

TT: Une ombre vorace, de Mariano Pensotti les 16 et 17 juillet au Théâtre Benoît-XII à Avignon, le 18 juillet à Vallabrègues, le 19 juillet à Villeneuve-lez-Avignon, le 20 juillet à Saze. Et en tournée : 14 au 17 août, Festival d’Aurillac, 19 au 21 novembre,  Théâtre de la Vignette, Montpellier (34), 8 au 12 avril 2025, Théâtre Dijon-Bourgogne (21), 20 au 24 mai, Théâtre Silvia-Monfort, Paris 15e.
 
 
 
Légende photo : L’alpiniste Paul Vidal (Elios Noël) et l’acteur Michel Roux (Cédric Eeckhout). Photo Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
 
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July 26, 12:40 PM
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«On apporte une autre façon de jouer» : en Bretagne, une troupe de théâtre pionnière de l’inclusion des personnes handicapées

«On apporte une autre façon de jouer» : en Bretagne, une troupe de théâtre pionnière de l’inclusion des personnes handicapées | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Elodie AuffrayCorrespondante en Bretagne,pour Libération - 25 juillet 2024

 

 

A Morlaix, la compagnie Catalyse emploie des comédiens en situation de handicap mental. «Libé» est allé suivre les répétitions d’un spectacle qu’elle monte avec les élèves du Théâtre national de Bretagne.

 

C’est comme un chœur antique, bizarre et envoûtant. Répartis en pupitres, les quinze comédiens narrent, commentent, bruitent, scandent ou susurrent au micro l’histoire de Dédale, depuis les origines de sa lignée, issue d’un étrange homme-serpent, jusqu’à sa condamnation à l’exil après le meurtre de son neveu. «Bravo ! Ce qui était super, c’était l’énergie, la fluidité, l’écoute entre vous», salue la metteuse en scène Madeleine Louarn à la fin de la séance de travail, ce vendredi matin. La toute dernière d’une résidence de deux semaines pour monter, en version pièce sonore, le premier acte de Daedalus, la vie de quelqu’un, réinvention contemporaine du mythe grec signée Frédéric Vossier, mise en musique par Olivier Mellano.

 

 

Sur la scène du Sew, à Morlaix, se mêlent des élèves du Théâtre national de Bretagne (TNB) et les acteurs, en situation de handicap mental, de la troupe Catalyse. L’une des rares en France, pionnière en son genre, qui a déjà joué trois fois au Festival d’Avignon, a monté Kafka, Shakespeare ou encore Tchekhov, collabore avec de grands noms et a entamé, depuis cinq ans, un compagnonnage avec l’école du TNB. C’est Guillaume Drouadaine qui interprète un Dédale froid et inquiétant, face à un neveu tout en candeur, joué lui par Sylvain Robic. Il y a aussi Manon Carpentier, qui déclame avec force certains des morceaux les plus homériques, avec son collègue Tristan Cantin. Barbe blanche au milieu de trois jeunes femmes, Jean-Claude Pouliquen capte l’attention par sa présence, silencieuse et comme habitée par les sonorités. Parfois, d’un murmure ou d’un geste discret, sa voisine de pupitre vient lui signifier que c’est son tour, qu’il faut se joindre au chœur ou dire sa réplique. «Dédale est un être à part», clame, soudain irradiant, l’acteur sexagénaire, figure de Catalyse.

Une reconnaissance nouvelle

«Il connaît bien son texte, mais parfois il faut lui rappeler que c’est le moment», explique Fanny Laborie, l’élève du TNB chargée d’être sa souffleuse. La jeune femme a adoré travailler avec les acteurs de Catalyse : «Nous, on peut vite rentrer dans quelque chose de psychologique, eux sont traversés par ce qu’ils disent. Ils sont entiers, on est obligés d’être à la hauteur. Plus que dans une représentation bien lisse, il y a toujours des petites étincelles, il faut être à l’écoute et parfois improviser. On est plus dans l’instant présent, on fait plus parler les tripes.»

 

 

Un regard qui fait écho à la reconnaissance, assez nouvelle, dont bénéficient les artistes handicapés. Cette évolution, Catalyse en a été le témoin, née dans les années 80. Alors éducatrice spécialisée au sein de l’Etablissement et services d’aide par le travail (Esat) des Genêts d’or, à Morlaix, Madeleine Louarn y crée un atelier de théâtre amateur, qui se professionnalise en 1994. A l’époque, «c’était perçu comme un geste social et non artistique. La société n’était pas prête, la personne handicapée était vue par ses manques plus que par ses apports», dépeint Thierry Seguin, autre historique de Catalyse.

 

 

Depuis cinq ans, «il y a une prise de conscience que cette vulnérabilité apporte quelque chose», goûte Madeleine Louarn. Pour elle, «ce sont des acteurs faits pour la poésie. Certains estiment qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils disent. C’est faux ! Ils comprennent, mais pas forcément ce que toi tu comprends. Ça crée un vrai truc», théorise la metteuse en scène autodidacte, inspirée par le surréalisme. Elle passe néanmoins beaucoup de temps à leur «expliquer les mots. Ce n’est pas que de la poésie sonore». «Ils ont un jeu d’une puissance invraisemblable, sans idées préconçues. Le texte, dit par eux, prend une autre dimension», admire aussi Thierry Seguin.

Des dispositifs de soutien inadaptés

«Ce que les autres nous disent souvent, c’est que notre façon de jouer les aide beaucoup dans leur travail, parce qu’on a une façon d’être vrais, libres. On apporte une autre façon de jouer, où tout n’est pas à construire, où on peut se laisser aller», raconte, à la pause Emilio Le Tareau, dernier recruté par Catalyse, âgé de 21 ans. «On ne ressent pas les choses de la même façon. Pour nous, le corps est très important», souligne de son côté Manon Carpentier, qui vit le théâtre «comme une décharge électrique».

 

Bien sûr, des adaptations sont nécessaires. «Il faut un peu plus de temps, refaire plus souvent pour être sûr que ce soit bien», indique Madeleine Louarn, qui y voit aussi «une grande qualité» parce que, «quand ça s’imprègne, il y a une épaisseur». Deux éducateurs accompagnent les acteurs. Leur rôle est «essentiel», décrit Thierry Seguin : «Ils font un travail discret, pour que les acteurs arrivent à l’heure, intègrent les règles… Ils veillent à la compréhension des consignes, aident à l’apprentissage des textes, organisent des entraînements, des visites d’expos…»

 

Pour développer les bonnes expériences telles que celles de Catalyse, le ministère de la Culture a créé en 2021 le Centre national pour la création adaptée, confié aux fondateurs de la troupe morlaisienne. Les premières années ont permis de recenser «beaucoup de projets talentueux», mais aussi «une grande précarité» et un «manque de reconnaissance quasi constant», dépeint Seguin, devenu son directeur. Parmi les obstacles relevés : la méconnaissance de la profession, l’accès compliqué aux écoles d’art ou encore des dispositifs de soutien inadaptés, qui «ne prennent pas en compte le temps et l’accompagnement nécessaires».

 

 

L’enjeu, selon lui, est aussi de sortir les artistes handicapés du champ médico-social, pour les intégrer dans le milieu ordinaire. «La régie, l’accueil, les musées… Il faut que tout le monde s’y mette», considère-t-il. Bientôt, il ira rencontrer les écoles de théâtre, avec un exemple à montrer : dans sa nouvelle promo, le TNB intègre deux acteurs handicapés.

 

 

Elodie Auffray / Libération 

 

Légende photo : La troupe Catalyse a déjà joué trois fois au Festival d’Avignon, et a monté Kafka, Shakespeare ou encore Tchekhov. (Vincent Gouriou/Libération)

 
 
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July 25, 10:03 AM
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Les aides au théâtre privé mises en cause

Les aides au théâtre privé mises en cause | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Nicole Vulser dans Le Monde  - 17 juillet 2024

 

 

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/07/17/les-aides-au-theatre-prive-mises-en-cause_6251541_3246.html

Ni équitable ni transparent et réservé à un petit « club fermé ». Rarement une telle salve de critiques s’est concentrée sur un système d’aides publiques dans la culture. Sixième rapport sur ce sujet depuis 2000, la mission d’étude de l’inspection générale des affaires culturelles, placée sous l’autorité du ministère de la culture, dresse un constat sévère sur le fonctionnement de l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP). Créée en 1964, elle administre les aides à ce secteur, qui proviennent pour moitié d’une taxe sur les spectacles dramatiques, lyriques et chorégraphiques, et pour l’autre moitié des subventions de l’Etat et de la Ville de Paris.

 

 

Publié mi-juin en catimini sur le site de la Rue de Valois, le rapport juge que « le système d’aides, ancien et complexe, soulève des questions d’équité et de transparence » et surtout apparaît « insuffisamment ouvert et accessible à tous les professionnels qui pourraient y prétendre ». Sans compter qu’il ne « semble pas toujours en phase » avec les « objectifs de la politique publique du théâtre ». L’ASTP regroupe 63 salles de théâtre parisiennes, 8 théâtres privés en région et 27 tourneurs, et bénéficiait en 2022 d’un budget de 16 millions d’euros, dont 10,8 millions étaient redistribués par le biais de 14 programmes d’aides.

 
Les auteurs, Emmanuelle Bensimon-Weiler, Myriam Burdin, François Hurard et Hannah Roux-Brion, rappellent que plus de 70 % du budget des aides repose sur une « garantie de déficit » – une aide automatique qui a vocation à aider la prise de risque dans la production de nouveaux spectacles dramatiques.

« Système transformé en rente »

Or « tous les spectacles sont soumis à la taxe mais certains seulement bénéficient en retour de la garantie de déficit », déplorent les rapporteurs, pour qui « le système est conçu par et pour les théâtres parisiens ». Sur le millier de contributeurs au fonds de soutien en 2022, seuls 53 membres actifs de l’ASTP en bénéficiaient. Surtout, selon les auteurs, « les aides sont réservées aux seuls membres de l’ASTP », ce qui est « en contradiction avec les obligations légales et réglementaires ».

Le rapport précise qu’en 2022, « le montant des subventions reçues appartenant au groupe Fimalac s’est élevé à 24 % des montants attribués ». Et les auteurs considèrent que « le système assurantiel s’est peu à peu transformé en rente ». Dans les annexes, on peut voir que 27 théâtres parisiens ont touché plus de 1 million d’euros d’aides cumulées chacun entre 2014 et 2022, dont plus de 5 millions pour le Théâtre Montparnasse, plus de 4 millions pour le Théâtre de Paris et plus de 3 millions pour le Théâtre de la Porte-Saint-Martin (ces deux derniers appartiennent au groupe Fimalac) ou le Théâtre Hébertot.

 

Certes, sans les aides de l’ASTP, « la logique industrielle favorisant les spectacles les plus rentables pourrait prévaloir et entraîner les groupes à préférer les variétés et l’humour au détriment des créations dramatiques », admet la mission, qui note aussi « la remarquable résilience » du théâtre privé au sortir de la crise sanitaire. Le rapport souligne également « une gouvernance qui demeure verrouillée malgré des réformes en cours » et affirme que « les membres de l’ASTP ne reflètent qu’imparfaitement le nombre et la diversité des acteurs du théâtre privé en France ».

Plusieurs scénarios d’évolution

Pour les auteurs, la gestion du fonds de soutien reste « marquée par un défaut majeur de transparence au regard des exigences légales ». Contrairement au Centre national de la cinématographie et de l’image animée ou au Centre national de la musique, l’ASTP ne publie pas sur son site Internet les subventions qu’elle attribue.

La mission propose plusieurs scénarios d’évolution de l’ASTP, en maintenant son statut associatif. Et milite pour une triple évolution : de la gouvernance, pour que « davantage de professionnels interviennent dans la gestion du dispositif », des bénéficiaires des aides, qui « doivent dépasser le nombre des seuls membres de l’association », et du fonctionnement, « qui doit garantir la transparence des aides et l’égalité de traitement entre les bénéficiaires des subventions ».

 

Dans sa réponse apportée à chacune des recommandations du ministère, l’ASTP promet de « poursuivre et amplifier » sa démarche, interrompue par la crise sanitaire, de réforme et de modernisation. Et admet avoir « plus que jamais besoin du soutien politique et financier sans faille de ses tutelles » pour mener à bien les objectifs ambitieux qui lui sont fixés. Le rapport préconise plus clairement « une tutelle renforcée du ministère ».

 

Nicole Vulser / LE MONDE



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July 25, 8:29 AM
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Odette Aslan, une vie pour la scène

Odette Aslan, une vie pour la scène | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 21 juillet 2024

 

 

Radio, télévision, articles, livres, elle aura, des dizaines d’années durant éclairé le monde des arts du spectacle. Elle s’est éteinte le 17 juillet, au travail presque jusqu’à son dernier souffle. Ses amis, sa famille lui diront adieu mardi 23 juillet, à 14h15, au cimetière de Bagneux.

 

Les arts de la scène, ce n’est pas comme le 7ème art : on ne rattrape jamais ce que l’on n’a pas pu voir. Au cinéma, on accède aux films, on peut les visionner, se faire un avis. Pour le théâtre, la danse, l’opéra, le mime, le cirque, on ne peut pas. Et même si, depuis quelques années, des productions font l’objet de transcriptions vidéo, on ne saisit vraiment la réalité des événements que par des témoignages. Par la sensibilité de ceux et celles qui étaient là.

 

 

Odette Aslan était là. Odette Aslan, sa bienveillance sans faiblesse, son inextinguible soif de voir, de connaître, de partager, vont nous manquer beaucoup. Son amie Béatrice Picon-Vallin, grande figure de la recherche, au CNRS, et bien au-delà, en témoigne, Odette Aslan a travaillé presque jusqu’à son dernier souffle. Elle était née le 8 juin 1926.

 

 

Il y a quelques mois, avait été publié un ouvrage, rigoureux et chaleureux, comme elle savait si bien les composer, La Comédie-Française et les metteurs en scène. Nous avions rendu compte de ce livre dans les colonnes de ce blog (septembre 2023).

Odette Aslan était une femme intimidante, lorsqu’on ne la connaissait pas. Derrière ses lunettes, son regard n’était pourtant qu’accueil, amitié. Son élégance classique, son esprit aigu, toujours en quête des nouveaux chemins frayés par la jeunesse, servaient de modèles aux étudiants comme aux personnes du métier.

 

 

Elle a été une pionnière. A la radio, pour des adaptations, des émissions culturelles, comme à la télévision, du temps de cette « école des Buttes-Chaumont », dont certains représentants étaient issus du théâtre et étaient devenus d’excellents réalisateurs.

 

 

Elle fut directrice littéraire du Théâtre des Nations, et, plus tard, collabora longuement au laboratoire de recherche sur les arts du spectacle du CNRS. La liste des ouvrages qu’elle a dirigés, composés, est longue et on peut la lire et la relire. Elle adorait les répétitions et prit souvent le temps, dans sa vie, de suivre les spectacles du premier jour à celui de l’éclosion. Elle était passionnée par l’étrange alchimie. Avec Giorgio Strehler, c’était facile, il aimait livrer au jour le jour son travail, avec Patrice Chéreau, c’était plus complique.

 

 

Lisez donc les ouvrages d’Odette Aslan : dans « Les Voies de la création théâtrale, éditions du CNRS, il y a Le Corps en jeuMatthias LanghoffPatrice Chéreau. Dans la collection «Mettre en scène », éditions Actes Sud-Papiers, il y a Ingmar Bergman  en 2012,  Georges Pitoëff en 2016.

 

D’autres livres sont publiés à L’Age d’Homme : Metteurs en scène et scénographes au XXème siècle (2014), et aux éditions Entretemps, a été repris L’Acteur au XXème siècle (Seghers 1974-Entretemps 2013). Elle s’est également intéressée à Jean Genet, à Roger Blin.

Ses curiosités ne s’arrêtaient pas au seul domaine de l’art dramatique. Dans ses grandes années, elle sortait tout le temps et suivait la danse, la musique, le cirque et ses métamorphoses. Elle accueillait avec générosité les journalistes des générations nouvelles et s’entretenait volontiers avec eux. C’est le mot qui revient : elle nous éclairait.

 

Rendez-vous ce mardi 23 juillet, à 14h15. Cimetière de Bagneux, dans l’un des carrés des tombes juives. Renseignements à l’entrée.

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July 25, 4:09 AM
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Julie Delille et le Théâtre du Peuple de Bussang

Julie Delille et le Théâtre du Peuple de Bussang | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Sur le site de l'émission "Les midis de France-Culture", animée par Chloé Cambreling - 24 juillet 2024

 

 

Artiste-directrice du Théâtre du Peuple de Bussang, Julie Delille est soucieuse de faire du théâtre un lieu de partage où se côtoient chercheurs, artistes professionnels ou amateurs et publics, le tout dans le respect des lieux. Dans cet esprit, elle met en scène "Le Conte d'hiver" de Shakespeare.`

 

 

Ecouter l'émission (43 mn)

 

 

Avec
  • Julie Delille Comédienne, metteuse en scène, cofondatrice du Théâtre des trois Parques, artiste-directrice du Théâtre du Peuple de Bussang

 

Comédienne, metteuse en scène, pédagogue et cofondatrice du Théâtre des trois Parques, Julie Delille est artiste-directrice depuis octobre 2023 du Théâtre du Peuple de Bussang dans les Vosges. 
Un lieu conçu par son fondateur, Maurice Pottecher, comme une utopie, valorisant l’alliage amateur-professionnel où l'ancrage territorial est toujours tourné vers la création, l’expérimentation et la transmission. Des valeurs que Julie Delille continue de défendre alors que le Théâtre du Peuple de Bussang fêtera ses 130 ans en 2025.

Pour cette première saison d'été à la tête de ce théâtre, Julie Delille met en scène Le Conte d'hiver de Shakespeare dans une version traduite par Bernard-Marie Koltès, du 20 juillet au 31 août 2024.

 
 
Le Théâtre de Bussang, un lieu artistique ouvert sur le vivant

Créé en 1895 par le poète Maurice Pottecher, le théâtre du Peuple de Bussang se situe au cœur du massif vosgien. Entièrement en bois, il a aussi la spécificité d’être ouvert sur l’extérieur. Son aspect vivant, organique, parle et plaît à Julie Delille, qui aime qualifier le théâtre de "ruche" ou de "cabane". Le Théâtre mêle également pratique amatrice et professionnelle, avec une tradition, celle d'intégrer des comédiens et comédiennes amateurs dans les représentations d'été.

Art et territoire : créer en arpentant

"La pratique que j’ai de la poésie est une pratique dans le sol (…) toutes mes œuvres sont fortement imprégnées des lieux et des présences qui sont dans les endroits où on a créé", constate Julie Delille, qui se qualifie elle-même d’"arpenteuse". Le lieu de Bussang ne fait pas exception pour la metteuse en scène, la rencontre des habitants et habitantes de Bussang ayant même donné naissance à un projet culturel à part, "Le Bourgeon Bussenais".

"Le Conte d’Hiver" de Shakespeare, pièce choisie par et pour Bussang

 

Mettre en scène Le Conte d’Hiver de Shakespeare à Bussang a été comme une évidence pour Julie Delille : pièce "absolument étonnante, très complexe, qui mélange la tragédie la plus sombre avec le comique le plus burlesque, [Le Conte d’Hiver] a une écriture qui me touche beaucoup parce qu’elle joue sur le trouble". La metteuse en scène s’est aussi sentie accompagnée par la traduction de Bernard-Marie Koltès, dont elle loue la rythmique et le style si particuliers.

Noter aussi que Le Métier du temps : La jeune Parque , dernière création de Julie Delille, est à voir du 22 au 26 avril 2025 à La Halle aux Grains – Scène nationale de Blois, ainsi que La très jeune parque, du 23 au 26 avril.

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July 23, 3:22 PM
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Pas de pitié pour le théâtre !

Pas de pitié pour le théâtre ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thierry Jallet dans Wanderer - Publié le 21 juillet 2024

 

D’un basculement l’autre. La 78ème édition du Festival d’Avignon porte nombre de projets artistiques à la scène qui questionnent la nature du théâtre, les frontières entre réel et fiction dans le champ théâtral. Nous avons vu et chroniqué Hécube, pas Hécube à la carrière de Boulbon où les lignes de démarcation s’estompent entre la répétition d’une tragédie antique et un présent fictif et réaliste. Les porosités se multiplient dans la création contemporaine, y compris au-delà de nos frontières comme on a pu le constater avec Historia de un senglar, joué au Théâtre Benoît XII. Prenant appui sur un texte écrit par l’uruguayen Gabriel Calderón, le comédien catalan Joan Carreras, seul en scène, dévide les fils narratifs du célèbre personnage de Shakespeare, qui s’enroulent finalement autour de lui – et ce n’est presque pas une image avec les guindes qui sont sur le plateau et qu’il utilise à cet effet – pour souligner la proximité, la quasi-gémellité entre Richard Gloucester et le comédien de seconde zone qui entend le jouer ici, mettant à jour des insuffisances, des faussetés, des non-sens et une forme de barbarie que ce métier recèle selon lui. D’un basculement l’autre, d’un vertige l’autre, nous avons été convaincus par ce spectacle et en rendons compte ici.

 

La rue des Teinturiers, poumon du Festival d’Avignon, est bondée en ce vendredi soir. Et nombre de gens attendent notamment devant le Théâtre Benoît-XII pour aller assister à la représentation d’Història de un senglar. Autour de soi, on entend parler castillan – l’espagnol est langue invitée de cette 78ème édition du Festival, avant l’arabe l’an prochain –  parler catalan qui est la langue de l’acteur en scène… Et cela, jusque dans la salle au moment de prendre place. Centré sur scène, on découvre un assemblage d’estrades créant une plateforme surélevée au sommet de laquelle se trouve un fauteuil de salle usé, dans la position presque absurde d’un trône laissé à l’abandon dans un lieu désespérément vide. De part et d’autre, des piles de livres aussi anciens que le siège qu’ils bordent. Tout cela est éclairé par une lumière blafarde projetée par deux faces. Ce qui attire le regard par ailleurs est plongé dans une semi-pénombre, juste derrière le fauteuil : un panneau sur lequel sont accrochées des guindes – par superstition, le mot « corde » n’est jamais utilisé au théâtre – et des poulies. Cet arrière-plan laisse d’emblée percevoir, de façon évocatrice, ce qui est généralement dissimulé à la vue du public : les ressorts techniques, indices historiques représentatifs du spectacle, la machine théâtrale faisant ici irruption sur scène, bien qu’encore dans l’ombre. On perçoit également une faible musique de fond, peu reconnaissable lors de l’installation du public. Et, tandis que le début de la représentation s’annonce, le volume sonore augmente et on reconnaît distinctement The Cold Song de Purcell. La scène du froid, extraite de l’œuvre baroque King Arthur. Plus précisément extraite de la partie intitulée What Power Art Thou ? – Quelle puissance es-tu ? Et c’est dès lors la question qui se pose et que le comédien Joan Carreras ne va cesser de poser implicitement au fil du spectacle.

Il entre, portant un costume avec gilet et cravate. Il regarde le public, s’attarde un bref instant, comme s’il cherchait à reconnaître quelqu’un. Il se déplace ensuite derrière le fauteuil, se saisit d’une tasse dans laquelle il boit. Il claque la langue, produit quelques bruits de bouche, recommence. Mains derrière le dos, il se déplace puis va finalement s’asseoir sur le fauteuil, face au public. Il réitère le claquement de langue, les bruits de bouche. Il place des lunettes sur son nez, sort une feuille qu’il déplie. Il lit, en silence et une fois encore, produit des bruits de bouche. Pas de mots encore. S’élèvent à cet instant plusieurs voix off qui communiquent au public les avertissements d’usage concernant les téléphones mobiles et les photographies interdites successivement en français, anglais et castillan. La musique devient plus forte et c’est alors qu’il l’interrompt par un « Donc » retentissant qui ouvre un monologue de Richard dans lequel on retient une des premières phrases : « Quelque chose sent le pourri par ici… » Sans être nécessairement une allusion à Hamlet, cela résonne étrangement dans l’environnement scénographique choisi et va surtout prendre tout son sens dans la suite du monologue de l’acteur jouant en catalan surtitré.

Oscillant entre le personnage de Richard et celui d’un comédien de seconde zone qui se voit offrir le rôle du célèbre et éphémère roi éponyme de la pièce de Shakespeare, il affirme que « c’est mérité (…) la barre [étant] à la hauteur de [ses] qualités tout à fait exceptionnelles ». Et il va « composer un vrai personnage, épater ceux qui viennent [le] voir, remporter tous les prix »… Un accomplissement, une victoire imminente qui, au moment où tout cela s’exprime, troublent par les surprenantes similitudes de situation entre l’acteur et Richard Gloucester. Jamais l’un comme l’autre n’ont été aussi près du but qu’au début du spectacle. Jamais ils n’ont autant jubilé de se voir en capacité d’obtenir ce qu’ils ont mis tant de temps à approcher. Une histoire de puissance donc mais… « quelle puissance es-tu ? » croit-on encore entendre…

L’acteur cabotine, grimace. « Je ne sais pas si je serai à la hauteur. Je mens » L’art du mensonge est très justement l’apanage de Richard, comédien et metteur en scène de lui-même dans un vertige baroque qui le rend absolument fascinant. Et l’acteur de marcher ici directement dans ses pas, dans une incarnation plus vraie que nature pourrait-on dire ironiquement. Comme Richard, « floué d’attraits par la trompeuse  Nature », il remercie qu’on lui permette de « traîner [son] petit talent sur la scène lumineuse d’un si grand auteur », lui qui appartient à « cette gale artistique qu’on appelle l’acteur ». Et c’est une plongée dans une violence aux accents étonnamment shakespeariens qui commence alors.

Jouer Richard devient une opportunité à plus d’un titre : cela permet au comédien de faire voir aux spectateurs les méandres tortueux de la création théâtrale, de sa production. Tous les enjeux de pouvoir qui s’y exercent sont ici finement dénoncés dans leurs excès féroces à travers une très subtile mise en abîme entre le personnage de l’acteur et la bête de scène qu’est Richard. Les bruits d’un animal porcin ponctuent parfois le discours – lien avec le titre et l’animal emblématique de Richard III, ce « sanglier misérable », ce « porc infect » qu’il est. Et Joan Carreras poursuit dans une frénésie stupéfiante d’irrévérences et de provocations que rien ne semble vraiment arrêter, pas même les « notes mentales » qu’il fait mine de s’adresser écornant par exemple les théories pour jouer un personnage qu’il juge « stupides ». Il sait parfaitement comment s’en passer sans l’officialiser : « des années passées à jouer des rôles de merde, il faut bien que cela serve à quelque chose ». Impitoyable.

Les autres personnages de Richard III sont absents à l’exception des femmes – Margaret cachée sous une longue et poussiéreuse chevelure blanche, Lady Anne et de la reine Gloucester, duchesse d’York – qui sont relativement épargnées par l’artiste en scène, tireur d’élite ne manquant jamais ses cibles. Ainsi, la plupart sont jetés à terre : les acteurs – des « médiocres » qu’il imite à grand renfort de grimaces et de prononciations rendues grotesques, les actrices – Anita, sa partenaire, ayant obtenu le rôle de Lady Anne parce qu’elle est sacrément bonne, les metteurs en scène – qui ne méritent pas qu’on « s’attarde sur [leur] sort », les producteurs et productrices – « avec leur tête d’enterrement »… Odieux, acerbe, misogyne et injurieux, il dézingue sans ménagement « tous les maîtres à penser et tous ceux qui jouent aux petits chefs » car « personne n’a besoin de leur myopie ». Les régisseurs et tous les techniciens ne sont pas davantage épargnés par sa furie : il se déchaîne contre eux dans un hors-scène réaliste, les invectivant dans les coulisses ou en régie tandis que la traduction en anglais et en français édulcore le langage fleuri qu’il emploie avec eux.

Cette violence si sensible dans Richard III se repositionne ici : non seulement par les mots dans un texte extraordinairement composé et traduit, mais aussi par le jeu de l’acteur physiquement engagé qui s’agite avec force, fait mine de se déboîter l’épaule, jette les guindes au sol avec rage, les entortille autour de lui comme autant de contraintes et désordres qui l’entravent.

Au terme d’un peu plus d’une heure de spectacle, le comédien formule une ultime supplique à destination du public : « Je n’ai pas besoin de vous tous / Un seul suffit / Un spectateur intelligent / Qui accepte ? » La provocation fait sourire évidemment. Mais l’uppercut est là aussi direct, avant le noir final.

Ce spectacle seul en scène largement ovationné – et c’est mérité – est un combat farouche se superposant à celui de Richard qui élimine ses adversaires un à un pour accéder au trône, metteur en scène de lui-même, comédien hors pair et manipulateur en chef avec lequel Joan Carreras se confond de manière aussi troublante que réussie. Dénonçant une tendance au théâtre de divertissement exclusif, dévoilant un milieu professionnel jugé aliénant et peu prolifique, obéissant aux lois d’un marché culturel sans pitié, Història de un senglar est un véritable acte d’accusation – certes presque trop bref – dénonçant non sans rire, une certaine forme de bêtise. Voilà un théâtre sans pitié pour le théâtre. Et il apparaît ici que « Richard est bien plus que l’histoire de Richard ».

 

 

Thierry Jallet / Wanderer 
 
 
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Història de un senglar (o alguna cosa de Ricard)

Texte et mise en scène : Gabriel Calderón

Traduction : Joan Sellent
Traduction pour le surtitrage : Laurent Gallardo (français), Ailish Holly, Eulàlia Morros (anglais)
Avec Joan Carreras
Scénographie : Laura Clos « Closca »
Lumière : Ganecha Gil 
Costumes : Sergi Corbera 
Assistanat à la mise en scène  :Olivia Basora 
Conception personnage et assistanat costumes : Núria Llunell 
Régie générale : Roser Puigdevall
Régie son : Ramón Ciércoles 
Direction technique  : Pere Capell
Équipe technique : Àngel Puertas
Machinerie : Lluís Nadal « Koko »
Photographe : Felipe Mena
Production : Marta Colell, Luz Ferrero
Diffusion et communication : Bitò

Production : Festival Temporada Alta 2020 (Gérone)
Coproduction : Grec 2020 Festival de Barcelona
Avec le soutien de l’Institut Ramon Llull, Maison Antoine Vitez pour la 78e édition du
Festival d’Avignon
Remerciements : Emili Agustí

Histoire d’un sanglier (ou un peu de Richard) de Gabriel Calderón, traduit de l’espagnol (Uruguay) par Laurent Gallardo, avec le soutien de la Maison Antoine Vitez Centre international de la traduction théâtrale, est publié aux éditions Solitaires intempestifs en juin 2024.

 

Création : Du 15 au 25 avril 2021 au Festival Temporada Alta de Gérone

 

Avignon, Théâtre Benoît XII, vendredi 19 juillet 2024, 19h
 
 
Crédit photo : © Christophe Raynaud de Lage
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July 23, 10:23 AM
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Festival d’Avignon : le rideau se baisse sur un renouveau du théâtre engagé 

Festival d’Avignon : le rideau se baisse sur un renouveau du théâtre engagé  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération - 20 juillet 2024

 

Cette édition 2024 signe dans les rues avignonnaises le retour de l’engagement, mais avec une qualité et une fraîcheur qui tranchent avec les spectacles cours de bien-pensance qui nous tapaient sur le système il y a quelques années.

 

On ne s’y attendait pas mais cette 78e édition du festival a marqué le retour et le renouveau d’un théâtre engagé, parfois pour le meilleur, avec notamment Lacrima, la nouvelle fresque de Caroline Guiela NGuyen autour des mille histoires enfouies sous les plis de la confection d’une robe de mariée particulièrement prestigieuse. Mais aussi de l’emballant Léviathan de Lorraine de Sagazan, qui, par la grâce d’une mise en scène d’une beauté plastique saisissante, s’engouffre dans la violence de la justice ordinaire : celle des comparutions immédiates, avec la restitution de trois procès expéditifs de deux hommes et une femme.

On ne s’y attendait pas : ou plutôt, on avait pris l’habitude, depuis une dizaine d’années que des artistes et des spectacles dénoncent de manière relativement convenue et soporifique, au choix le sort fait aux migrants, à la planète, aux enfants, aux femmes, ou tout à la fois, sans jamais affecter le public par ailleurs rarement en désaccord avec les dénonciations. Il y eut un pic de désamour avec les œuvres à message, aux alentours de 2018-2019 où, à Avignon, la thématique sociétale était clairement revendiquée par l’ancienne direction du festival, et où l’on avait, plus ou moins douloureusement, ployé sous la lourdeur de l’infanterie utilisée pour nous convaincre au hasard des dégâts de la guerre ou du racisme. A l’époque, la professeure d’esthétique Carole Talon-Hugon, par ailleurs festivalière assidue, expliquait à Libération un «repli» vers les valeurs que peut véhiculer une œuvre au détriment d’une conception désintéressée de la création artistique.

Investissement corporel

Que s’est-il passé cette année pour que le vieil antagonisme par ailleurs un peu schématique entre l’œuvre sans autre finalité que l’invention esthétique et une conception utilitaire qu’on pensait surannée explose ? S’est-on tous, abruptement, converti à Edouard Louis qui traque la facticité et le décorum bourgeois des tenants de l’art sans pathos ? On s’est enthousiasmé pour le Soliloquio de l’Argentin Tiziano Cruz, corps frêle d’adolescent, qui nous alpague dans son combat contre les politiques de haine néolibérales menées dans son pays, et pas seulement, par une prise de parole frontale où l’artiste parle avant tout de lui, «vide de langue, vide de territoire» et interroge la place de l’art dans un pays où son «corps disparaît face au désir d’une société blanche». Dans la team Libé, on a préféré Soliloquio, qualifié de «vraie découverte», à Wayqeycuna, monologue à propos de la communauté du nord de l’Argentine d’où est originaire Tiziano Cruz, et troisième volet d’une autobiographie dramatique. A la fin du spectacle, l’artiste offre au public du pain fabriqué par des spectateurs et lui-même ainsi que du jus de pomme – guère pratique pour applaudir. Le pain, nouvelle hostie ?

 
 

De fait, l’engagement des spectacles hispaniques – l’espagnol étant la langue invitée du festival cette année – s’est associé au récit de soi, porté par un investissement corporel de toute nature, allant jusqu’au slam. Merveille de la première image de Sea of Silence de l’Uruguayenne Tamara Cubas, où sept femmes de toutes régions unissent leur voix sur un plateau recouvert de cristaux de sel, et se confondent avec les racines horizontales d’un arbre centenaire. Tendresse, aussi, du jeune metteur en scène chilien Malicho Vaca Valenzuela, mêlant dans son spectacle-conférence Reminiscencia les images de sa belle-grand-mère sans mémoire et des souvenirs politiques de sa ville, Santiago, enfumée par les gaz lacrymo à l’heure des soulèvements.

Art du déplacement

Le discours frontal et autobiographique, c’est aussi ce qui caractérise Niagara 3000 de Pamina de Coulon, présentée dans la sélection suisse du festival off et bien aimée dans ces pages. L’artiste qui ne dissocie pas sa pratique scénique de son activisme, suscite une écoute acérée grâce à des sauts de haute voltige langagière et un art de l’imprévu qui rompt définitivement avec le par cœur de la leçon, alors même qu’il s’agit encore et toujours de nous dire que l’engagement contre le réchauffement climatique, c’est ici et maintenant et pas après les vacances (en avion).

Cette année, même certaines pièces qui affichent une dramaturgie, avec des personnages et des acteurs censés se distinguer de leur rôle, ne cachent pas un objectif clairement militant, c’est-à-dire, tenus par la promesse de transformer la société. Dans Hécube, pas Hécube, le directeur du festival d’Avignon Tiago Rodrigues dénonce les mauvais traitements dont peuvent être victimes des êtres non seulement vulnérables mais n’ayant pas les moyens de le faire savoir. Et c’est bien sûr le cas de Lorraine de Sagazan avec Léviathan où «avec les masques réalistes qui redoublent leurs visages et les figent, les juges et les avocats deviennent les prêtres et prêtresses d’une terrible religion se nourrissant de sacrifices humains». Le décalage, l’art du déplacement, mais aussi l’investissement de son propre corps dans les récits autobiographiques militants : voici l’un des secrets de la réussite de certaines créations qui fait la différence avec les spectacles-cours de bien-pensance d’il y a donc une poignée d’année, une éternité. Cette édition, chahutée durant ses dix premiers jours par l’attente et l’inquiétude provoquées par les élections législatives inopinées ne pouvaient pas ne pas être politique. Pourtant, aucune venue de personnalité politique de premier plan pour soutenir le théâtre malmené, à l’exception de Christiane Taubira, pas même le moindre coucou de Rachida Dati, encore ministre de la Culture.

 

Anne Diatkine / Libération 

 
Légende photo : «Léviathan» de Lorraine de Sagazan. (Christophe Raynaud de Lage/Christophe Raynaud de Lage)
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July 22, 11:09 AM
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Thomas Jolly à l’approche de la cérémonie des JO : “Il est trop tard pour avoir peur”

Thomas Jolly à l’approche de la cérémonie des JO : “Il est trop tard pour avoir peur” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Pascaud dans Télérama. 22 juillet 2024

 

LES JO DE JOLLY – Le directeur artistique oscille entre “l’exaltation [et] la déprime” alors qu’approche l’ouverture des Jeux de Paris 2024. Dernières impressions avant le jour J des JO.

 

Quelques jours avant la grande cérémonie d’ouverture sur laquelle il travaille depuis bientôt deux ans, il répond sur son portable à de dernières questions en déambulant à pied au milieu de gigantesques hangars blancs. Lui-même vêtu de blanc : raccord. Il a dû s’extirper d’ultimes répétitions de danse. Heureux de ce qu’il voit, il n’évoque pas le moins du monde, alors, la grève de danseurs intermittents du spectacle qui menace certains tableaux sur la Seine le 26 juillet et les trois prochaines cérémonies à venir. Il dira même le lendemain, par SMS, n’avoir rien su à ce moment-là du mouvement qui touche les danseurs et danseuses les plus précaires recrutés pour les JO, à savoir ceux qui ne sont pas permanents aux Ballet de Lorraine, Malandain Ballet Biarritz, Ballet de Bordeaux ou Ballet Preljocaj. La direction artistique ne négocie pas les contrats de travail, son boulot est déjà colossal et l’organisation tellement vissée que partout les secrets règnent.

 

Quand il marche à toute vitesse, ce matin-là, Thomas Jolly refuse en riant de dire où il se trouve. En région parisienne, visiblement. Surgit sur son chemin une jeune vigile qui surveille les intrus et ne le connaît pas, lui demande donc qui il est. Et Thomas Jolly de très sérieusement répondre « opération Aurore ». De l’autre côté du portable, on tombe des nues. Nous voilà, sous le ciel bleu, dans OSS 117 aux JO.

 

[Avec les coauteurs de la cérémonie,] nous étions tous d’accord sur la vision d’une France inclusive, joyeuse, pétrie d’humanité partagée.

Pourtant ont été enfin divulgués – dans l’ultime ligne droite – les noms des quatre auteurs du récit choisis en 2022 par Thomas Jolly pour structurer la balade des péniches sur la Seine, du pont d’Austerlitz au pont d’Iéna. Sans doute les derniers évènements politiques – élections européennes, dissolution, législatives – ont-ils poussé nos coauteurs à vouloir garder distance, discrétion et réserve en ces temps tourmentés. Mais voilà désormais publiquement nommés l’historien Patrick Boucheron, la scénariste Fanny Herrero, la romancière Leïla Slimani et le dramaturge Damien Gabriac. Quatre mousquetaires complémentaires, selon Thomas Jolly, qui a assisté à chacune de leurs séances de travail, et a construit avec eux, depuis le printemps 2023, le scénario de la cérémonie d’ouverture.

 

« Nous n’avons pas forcément les mêmes choix politiques ou idéologiques, mais nous étions tous d’accord sur la vision d’une France inclusive, joyeuse, pétrie d’humanité partagée. Notre diversité était le reflet des messages de liberté, de tolérance qu’on souhaitait envoyer autour de notre relecture de l’histoire française. Aucune chronologie dans le récit que nous avons forgé. C’est le fil même de la Seine qui a dicté les douze tableaux. Évidemment, certains lieux sont plus chargés d’histoire que d’autres. Par exemple, le Pont-Neuf. Avec la statue équestre d’Henri IV ; le souvenir cinématographique des Amants du Pont-Neuf, de Leos Carax ; la place Dauphine, “sexe de Paris” selon le surréaliste André Breton qui y fait apparaître son héroïne Nadja ; et Monet ou Turner qui l’ont peint… On a rassemblé toutes ces infos et réfléchi à une thématique autour de… l’amour. À moi, ensuite, d’être leur traducteur fidèle et imaginatif. »

Un puzzle à assembler

À la question de savoir si une majorité absolue du RN aurait pu changer quelque peu leur récit, Thomas Jolly de rétorquer qu’il aurait semblé plus fort encore, sans même y toucher, dans cet autre contexte. Tant y est développée l’aspiration à vivre ensemble avec toutes nos différences, nos altérités. Et il répète une fois de plus qu’en tant que directeur artistique des JO, il ne relève pas, de toute façon, du politique, qui n’a jamais tenté, affirme-t-il, la moindre ingérence dans son travail. Ainsi n’aurait-il pas bougé d’un cheveu la cérémonie du 26 juillet. On peut le croire, tant on sait l’artiste courageux, obstiné, calme et vif à la fois.

Aujourd’hui, il dit se retrouver devant « un puzzle de cent mille pièces ». Chacune est magnifique. Reste à les rassembler. Ils étaient une petite bande d’une quarantaine de créateurs au début, ils se retrouvent dix-huit mille aujourd’hui à régler les tempos, à vérifier les décors, les éléments concrets sur les quais, sur les rives, sur l’eau, sous l’eau, dans les airs, histoire de réussir ensemble « le plus beau spectacle du monde ».

 
 

Ce sont les autres qui font. Un peu comme dans les mises en scène à l’opéra. En bien plus grand. Je ne peux plus intervenir qu’à la marge.

S’il a vu in extenso la cérémonie en 3D – sur écran comme dans un jeu vidéo – pour avoir un point de vue global, Thomas Jolly ne l’a jamais répétée en entier, fait un « filage » comme on dit dans le métier du théâtre. Tout se passe actuellement bout par bout, jour et nuit, dans des hangars. Car il faut aussi faire des « répétitions caméra » pour ajuster la captation télévisée réservée aux deux milliards de téléspectateurs espérés. Plus qu’un spectacle, la cérémonie d’ouverture sera forcément une sorte de géante « performance ».

 

 

« Aujourd’hui, je me sens désemparé parce que j’ai tout légué à des équipes, et je me retrouve à errer de répétition en répétition, de hangar en hangar, de tableau en tableau. Je ne suis déjà plus vraiment à la manœuvre. Ce sont les autres qui font. Un peu comme dans les mises en scène à l’opéra. En bien plus grand. Je ne peux plus intervenir qu’à la marge. Est-ce que j’ai peur ? On n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise ou d’un coup de théâtre de dernière minute. Mes journées sont de véritables ascenseurs émotionnels. Je passe de l’exaltation à la déprime. Je n’avais pas anticipé que le moindre détail pouvait devenir montagne, tel ce talon de chaussure qui gêne in extremis le déplacement d’un artiste… Pourtant on a tout imaginé, tout anticipé. On a même fait des cérémonies catastrophes, avec du vent, de l’orage, de la pluie, des malades. La sécurité nous a fait imaginer mille plans. Mais non, je n’ai pas peur. Il est trop tard pour avoir peur. Je suis impatient. Tout se prépare, mais tout est encore mouvant. Le temps peut tout changer, un artiste peut avoir accident. »

 

 Thomas Jolly : “La cérémonie promet des surprises bien plus radicales que la présence ou pas d’Aya Nakamura”

 

Pas de panique : Thomas Jolly a choisi plusieurs stars et pas une seule pour le 26… On ne demande même plus lesquelles, on sait depuis des mois maintenant qu’il ne le dira pas. Il n’y a que les péniches aujourd’hui dont Thomas Jolly est parfaitement sûr. Rendez-vous le 26. Et tout de suite après, c’est promis, il nous fera le « débrief », comme ils disent.

 

Propos recueillis par Fabienne Pascaud / Télérama

 

 

Dernier épisode… la semaine prochaine

À voir, lundi 22 juillet sur France 2, les deux premiers épisodes du documentaire des frères Naudet sur la préparation des Jeux. Déjà disponibles sur france.tv.

 

 

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July 21, 10:28 AM
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Charles Berling : « Je suis né dans un monde violent »

Charles Berling : « Je suis né dans un monde violent » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Laurent Carpentier / Le Monde du 20 juillet 2024

 

« Un château de sable avec… » Saison 5 (1/6). Chaque samedi, durant l’été, « Le Monde » accompagne un ou une artiste à la plage. Rencontre avec le comédien et directeur de théâtre sur la plage des Sablettes, à La Seyne-sur-Mer, dans le Var.

 

Lire l'article sur le site du "Monde"

 

https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2024/07/20/charles-berling-je-suis-ne-dans-un-monde-violent_6253133_3451060.html

Il cite Jean Eustache – « Il faut que tout se sache » – et court se jeter dans la mer en slip kangourou blanc. Il n’a pas pensé à prendre un maillot de bain. Toulon. Enfin, à côté, La Seyne. Plage des Sablettes. Face au cap Sicié et aux Deux Frères, ces rochers qui pointent au large dans l’eau salée comme les deux dents d’un monstre marin. Quand il fait une chose, Charles Berling ne calcule pas : « Qu’il s’agisse de faire ou non un film parce que c’est du cinéma populaire ou au contraire l’œuvre d’un réalisateur intello, qu’il s’agisse de mon positionnement entre théâtre public et subventionné, ou encore de mes interventions politiques… je ne suis pas un stratège. »

 

Toulon, première ville de plus de 100 000 habitants à avoir été prise par le Front national entre 1995 et 2001. Charles Berling, enfant de la ville, y dirige depuis 2011 le théâtre Le Liberté, poussé par un maire de droite républicaine à la tête de cette Scène nationale à laquelle a été greffée, en 2019, la pinède de Châteauvallon, qui surplombe la rade, avec son mythique amphithéâtre de plein air. Si le raz-de-marée annoncé de l’extrême droite n’a pas submergé la France, il n’a pas épargné la rade. A Toulon, Laure Lavalette a ainsi été élue dès le premier tour. « Elle coche toutes les cases, fait remarquer le comédien-directeur-metteur en scène. Catho tradi, cinq enfants, porte-parole du Rassemblement national… Les gens de droite qui, ici, s’en méfiaient au début, ont commencé à dire : “Elle est plutôt symmpââ.” Mais elle veut la mairie. Et, vu ce que je dis sur elle dans les journaux, je doute que, si elle l’obtient, je reste longtemps… », s’inquiète celui qui ouvrait les portes de son théâtre aux immigrés pour l’association SOS Méditerranée, récoltant des manifs en retour.

 
On ne reste pas longtemps mouillé sur la plage balayée par le vent chaud. « Les Sablettes, c’est ce que j’aime ici : un lieu populaire, des gens pas très riches, mélangés, qui, comme nous quand j’étais enfant, viennent en famille. Le contraire du bling-bling. Toulon. C’est là d’où je viens, et j’y suis attaché. » Ce qui pourrait le rendre malade ? « L’idée qu’il n’y a pas d’universel possible, qu’à un moment donné on ne puisse plus communiquer. L’extrême droite a réussi à coller sur la culture cette image élitiste, qui s’en mettrait plein les poches et donnerait des injonctions au peuple. Les gens qui font du fric, eux, ne sont pas jugés élitistes, au contraire, on y voit un truc populaire… Toutes les valeurs sont retournées. Et les artistes de se taire, de peur de mettre de l’huile sur le feu. C’est ça, le fascisme, cette intimidation de la parole, de l’art, de la pensée. C’est dégueulasse. Et ça infuse, même chez La France insoumise. Les gens font du travail de terrain dans les quartiers et on les accuse de diffuser de la pensée bourgeoise… »

« Une grande solitude »

Charles Berling est né à Toulon. Père médecin, officier de marine, longtemps à naviguer. « Catho, taiseux, coincé », résume le fiston. Vacances à l’île de Ré avec les cousins dans la maison de famille. Charles a 6 ans quand le père est nommé à Tahiti. Les six gosses grandissent en liberté – le mot, on l’aura compris, a son importance – pendant que le père navigue ou filme à Mururoa, où il est médecin-chef, avec sa caméra 8 mm les volutes inquiétantes. Quand ils reviennent de Polynésie, deux ans plus tard – le père ayant été nommé anesthésiste à l’hôpital Saint-Anne, à Toulon –, c’est sur un cargo aménagé en paquebot, Le Tahitien. Un mois pour relier Papeete à Marseille.

 

« Si je n’avais pas été acteur, j’aurais été marin », affirme Charles Berling, qui la veille encore tirait des bords avec le Idle-Wild, son voilier de 15 mètres sur lequel il invite généreusement − d’Isabelle Huppert (quatre films avec elle, il est le parrain de son fils) à Edgar Morin, 102 ans au compteur, bon pied bon œil, dit-il. « Je n’ai jamais désiré être marin, je l’étais. De même que je ne voulais pas être acteur… Après, entre marin et acteur, il y a un point commun que je n’ai pas saisi tout de suite : dans les deux cas, sur mer et quand tu joues, tu travailles avec quelque chose qui n’est pas maîtrisable. Sur un tournage, toute la ruse c’est de se mettre en condition pour que, au moment où on dit “Moteur !”, tu puisses exprimer un truc que tu n’as jamais exprimé et que tu n’exprimeras plus… Les deux ont en commun une grande solitude qu’on ne peut vivre qu’en équipage », affirme celui qu’on a pu voir cette année dans Flo, un biopic sur Florence Arthaud, avec laquelle il a par ailleurs navigué, tout comme avec Loïck Peyron, Marc Thiercelin…

 

 

Son soixante-et-onzième rôle au cinéma. Cinéma où d’ailleurs il s’était révélé sur une plage, dans Petits Arrangements avec les morts, de Pascale Ferran, en 1994 (avec, pour le coup, un extraordinaire château de sable) pour enchaîner avec Nelly et M. Arnaud, de Claude Sautet, l’année suivante, puis devant les caméras d’Anne Fontaine ou de Patrice Chéreau, de Michel Boujenah ou de Cédric Kahn. « On devient parfois célèbre sur un malentendu. Le Prénom [De la Patellière et Delaporte, 2012], c’est un bon film, OK… mais pour Montessori [un seul-en-scène de sa compagne, Bérengère Warluzel, qu’il met en scène], il y a 120 personnes dans la salle. Les gens ne savent pas ce que tu fais. »

« Grain de folie artistique »

Il vient de terminer Les Talents d’Achille, une comédie, aux côtés de François Berléand et de Thierry Lhermitte, interprète Pierre Wertheimer (actionnaire majoritaire de Chanel) dans la série The New Look, sur Apple TV. Au théâtre, il tourne le diptyque de Bergman, Après la répétition/Persona, mis en scène par Ivo van Hove, il monte des pièces de Lars Norsen, prête sa voix au podcast sur Léon Blum de France Inter avec son ami Philippe Collin…

Il n’arrête pas. Son « grain de folie artistique », il faut aller le chercher chez sa mère, Nadia. Il lui a dédié un livre : Aujourd’hui maman est morte (Flammarion), réédité en poche, 40 000 exemplaires vendus. Son père l’a épousée au Maroc. Ses parents y tenaient le garage Saint-Christophe, rue Rouamzine, à Meknès. Des Français venus de Casteljaloux, en Lot-et-Garonne. Au départ, le grand-père, Gaston, s’était engagé dans la Légion pour fuir une obscure histoire criminelle, avant d’ouvrir ce garage. Sauf qu’il n’aimait que la chasse. C’est sa femme, Fernande, qui fera prospérer l’entreprise. Charles Berling confie que le nom de sa mère, Nadia, aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Ce n’est que le jour de son enterrement, en regardant les visages des filles de Kadour Mourine, le chef mécanicien, qu’ils ont tous compris. La ressemblance. Fernande était amoureuse de Kadour. Et Nadia probablement sa fille. Rien n’aura été dit.

 

 

Charles Berling, sang-mêlé. S’en mêler dirait un lacanien de comptoir. S’emmêler pour ce qui nous concerne. Ce qui le caractérise, c’est cette absence de peur de ne pas marcher au pas et de filtre pour ouvrir sa gueule. Sur les traces de son frère aîné, Philippe (avec qui il dirigea Le Liberté pendant trois ans, au début), il part étudier l’art dramatique à l’Institut supérieur des arts à Bruxelles. Il y rencontre Mario Gonzales. Le comédien guatémaltèque, qu’on a vu chez Mnouchkine, y enseigne l’art du masque et du clown. « Acteur sublime, il m’a fait découvrir plein de choses. Il m’a fait m’ouvrir. » Il sourit. « Je me suis dit : “Il y a la moitié de la planète que je ne connais pas.” Après, dans ma carrière sexuelle, je ne suis pas resté homo. »

« Je ne possède rien »

Beau gosse bavard et séducteur, marié une fois, père d’un garçon, il sera un tombeur de ces dames, sans cacher rien de son histoire. Dans sa voiture – électrique – de fonction, on découvre Les Chants de Maldoror, de Lautréamont, qu’il vient d’acheter pour son ami le rugbyman Daniel Herrero, parce qu’il était étonné que cet érudit n’ait pas lu ce livre ovni, bible des surréalistes. « Pour moi, c’est ça, l’art. Comme L’Enfer de Dante ou un tableau de Jérôme Bosch. » L’art comme raccourci pour aller explorer nos parts d’ombre et nos désirs cachés, avec la poésie en gilet de sauvetage ?

 

 

De l’autre côté de la rade, vers Carqueiranne, sa maison surplombe la mer – plus exactement celle qu’il loue. « Je ne possède rien, alors que, de toute ma fratrie, je suis sans doute celui qui a gagné le plus d’argent. Je suis comme ma mère, je passe mon temps à courir après le pognon. J’ai gagné plus d’argent qu’aucun de mes frères et sœurs et pour finir, par moments, je suis allé dormir au théâtre. » Parmi les peintures, trois portraits de lui signés Juliette Binoche, et puis cette photo étonnante de Nadia, la fille de colon, posant fusil au bras, assise auprès d’un arbre, à ses pieds les cadavres d’un sanglier et d’un renard.

 

 

« J’avais 25 ans, j’étais sur une plage par là-bas, dit-il, désignant le levant, jusque-là je n’avais jamais remarqué qu’on lui avait greffé de la peau au bras. C’est alors qu’elle me l’a raconté : jeune, elle avait été prise en flagrant délit d’avoir rejoint un ami sans autorisation. Pour éviter la punition, elle a cherché une diversion, elle a pris le fusil et choisi le bras gauche… » Il se lève, s’assoit, se relève. « Cela dit le niveau de terreur pour qu’elle fasse ça, le niveau de violence ! »

L’énergie des tempêtes

Comme chez sa mère bout en lui l’énergie des tempêtes qu’il s’emploie à dompter. A 66 ans, le trublion ne tient pas en place. Et revient au port : « Je suis né dans un monde violent. Mes parents nous frappaient. On s’est rebellés, on s’en est expliqués, j’ai réglé mes comptes… Mon père, c’était très organisé. Ma mère, elle, ça partait d’un coup. Tout allait bien et puis, paf. Comme j’étais comme elle, j’ai commencé à lui répondre. Alors je m’éloignais, je me rappelle, je tapais dans les arbres pour ne pas lui taper dessus. » Nadia est morte il y a vingt ans, mais sa présence rôde. « Elle était violente avec mon père. Un jour, je jouais Hamlet à Marseille. Je suis venu, je lui ai dit : “Je ne te laisserai pas le tuer devant moi…” Elle prenait sa revanche. Ma mère avait un tempérament artistique, elle ne voulait pas être mère de famille. Simplement, elle était tombée amoureuse de ce médecin de marine pour fuir son enfance infernale. Pour se venger d’avoir été empêchée, elle inversait l’ordre du pouvoir. »

 

Nous négocions tous avec nos démons. Bien peu l’admettent. En tragédien, Berling a l’ivresse du danger ; en marin, il est enfant de la vague. Chez lui l’action précède le verbe. Etre soi. Sans œillères. Un personnage pour Isidore Ducasse, alias Lautréamont ? Il n’a pas entendu. « Pour moi, la perfection est la pire idée que l’on ait inventée dans l’histoire de l’humanité. Elle mène au fascisme, au suprémacisme. Dernièrement, à Châteauvallon-Liberté, on a travaillé sur les fonds marins, j’ai découvert que beaucoup de choses n’y servent à rien… C’est reposant de voir que la nature fabrique de l’inutile. »

 

 

Laurent Carpentier (Toulon, envoyé spécial du Monde)

Légende photo : Charles Berling, à La Seyne-sur-Mer (Var), le 10 juin 2024. CLAIRE GABY POUR « LE MONDE »

 

 

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Au festival d’Avignon, le plaisir du récit 

Au festival d’Avignon, le plaisir du récit  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Billet de Lucile Commeaux dans Libération - 18 juillet 2024

 

Empruntant les codes du thriller, du documentaire ou de la bonne série, de nombreux spectacles de l’édition 2024 du festival ont démontré que les recettes éprouvées de la narration n’avaient rien perdu de leur pouvoir pour attirer le public.

 

Vraie tendance perceptible dans l’édition 2024 du Festival d’Avignon : le plaisir de raconter des histoires, de faire confiance au récit, de coller à une narration classique, chronologique, avec péripéties et retournements. Lacrima, le spectacle de Caroline Guiela NGuyen, en illustre la réussite avec ces trois heures d’action pure tissées autour de la confection d’une robe de mariée royale, vers laquelle convergent des tas de petits récits secondaires : construit comme une très bonne série, le spectacle est la preuve que la forme télévisuelle et la forme théâtrale subventionnée peuvent se marier dans une sorte de bonne tambouille grand public, qui ne bouleverse rien, mais qui assurément se positionne comme LA bonne forme pour attirer le public.

Revers de la médaille, Lieux communs de Baptiste Amman tente une chronique de notre contemporain en empruntant au thriller et à la satire politique, mais sans vraiment soutenir notre attention, faute de singularité. Entre les deux, citons par exemple Los Dias Afuera de l’Argentine Lola Arias, dont la simplicité et la linéarité du dispositif surprennent : ce récit choral très premier degré d’ex-détenues ressemble à la fois à de la comédie musicale et à une série documentaire bourrée de petits récits ; ou encore Une ombre vorace de Mariano Pensotti, récit croisé et haletant avec pour héros un alpiniste partir sur les traces de son père. Au-dessus de tout ça, le merveilleux Quichotte de Gwénaël Morin réfléchit justement au plaisir de raconter des histoires, dans un spectacle fait de pas grand-chose, et tout entier porté par cette foi pure dans le présent de la fiction, sa grâce et son enchantement.

 

 

Lucile Commeaux / Libération 

 

Légende photo : «Une ombre vorace» de Mariano Pensotti au Festival d’Avignon. (Christophe Raynaud de Lage/Christophe Raynaud de Lage)

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Blanca Li prend ses marques à la tête de La Villette

Blanca Li prend ses marques à la tête de La Villette | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau et Sandrine Morel (Madrid, correspondante) pour Le Monde - 18 juillet 2024

 

 

La chorégraphe franco-espagnole, nommée présidente de l’établissement public parisien, espère en faire un lieu ouvert aux problématiques sociales et aux événements populaires.


Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/07/18/blanca-li-prend-ses-marques-a-la-tete-de-la-villette_6252273_3246.html

 

 

Rayonnante, énergique, ravie. Dans son nouveau bureau parisien ensoleillé, la chorégraphe Blanca Li, 60 ans, nommée le 5 juin présidente de l’établissement public du parc et de la Grande Halle de La Villette par décret du président de la République, Emmanuel Macron, est déjà comme un poisson dans l’eau. « J’adore être ici, s’exclame-t-elle, tout sourire, avec son accent espagnol intact après trente-deux ans de vie en France. J’aime Paris, c’est ma maison, c’est là que j’ai ma famille. » Franco-espagnole, elle est mariée à un Français d’origine coréenne. « Les quatre années que j’ai passées à Madrid, à la tête du Teatros del Canal, de 2019 à 2022, ont été compliquées, poursuit-elle. Il fallait sans cesse que je fasse des allers-retours le week-end pour passer du temps avec mes deux enfants. »

Tout coule, tout roule, donc, pour cette femme d’action et d’entreprise, personnalité dynamique émargeant également à la page people des magazines (elle est amie de longue date avec la maison Chanel), dont la nomination a fait l’effet d’une soudaine montée en puissance. Celle qui n’a jamais dirigé un centre chorégraphique national, mais a été élue à l’Académie des beaux-arts, en 2019, est surtout repérée pour ses productions artistiques grand public. Elle l’est nettement moins pour ses directions de lieux et de festivals. Avant le Teatros del Canal, on la retrouve au Centre andalou de danse, à Séville, en 2006, et à la tête du ballet du Komische Oper, à Berlin, où elle reste à peine un an, en 2002. Si elle ne donnait pas vraiment l’impression de désirer tenir les manettes d’une institution, c’est que son agenda ne semblait pas suffisamment élastique pour en diriger une.

Sans appréhension

Trois de ses spectacles tournent actuellement non-stop, dont l’installation numérique immersive en réalité virtuelle Le Bal de Paris. En avril, elle a collaboré pour Notre sacre, avec Abd al Malik et David Grimal, à la Philharmonie de Paris. Elle a présenté l’opéra Didon et Enée, le 7 juin, à Dijon. Elle annonce d’ores et déjà une création intitulée L’Ombre, prévue en 2025. Bref, elle a du pain sur la planche. « J’ai été nommée en tant qu’artiste, insiste-t-elle. Je suis une artiste avant tout. Je me réveille le matin et je suis artiste. J’ai besoin de mon travail d’artiste pour vivre, et je vais continuer à le faire. » Sa compagnie compte une trentaine d’interprètes, qui répètent dans un studio à Romainville (Seine-Saint-Denis). « On peut travailler n’importe où, maintenant, que l’on soit en Chine ou ici », souligne-t-elle en brandissant son téléphone portable.

 

La voilà donc prenant la succession de Didier Fusillier, parti en septembre 2023 pour devenir président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais. « C’est lorsque j’ai appris que Didier s’en allait que j’ai immédiatement pensé que ce serait une superbe occasion, déclare-t-elle. J’ai écrit un projet et je l’ai envoyé en septembre [2023] à la ministre de la culture Rima Abdul Malak. » Huit mois plus tard, c’est Rachida Dati qui la fait entrer comme membre du conseil d’administration de l’établissement, « en vue, selon le communiqué du ministère de la culture, de [sa] nomination par le président de la République à la présidence de l’établissement public sur proposition du conseil d’administration ».

La voilà donc prête à prendre, sans appréhension, les rênes d’une des maisons les plus dotées de France. « La Villette est un lieu tellement dynamique, s’enthousiasme-t-elle. C’est une telle chance d’être là. » Les chiffres de La Villette pèsent lourd. Avec 215 salariés, cette enseigne unique, avec son parc et ses différents espaces, disposait en 2023 de 43 millions d’euros de budget – 20 millions de subventions et 23 millions de ressources propres. Le lieu a attiré 12 millions de visiteurs, dont 1 304 108 personnes pour les expositions et les spectacles. La saison 2024-2025 présente soixante-six pièces toutes disciplines confondues et affiche cinq festivals. « J’ai beaucoup appris au Teatros del Canal, insiste Blanca Li. Je programmais quatre salles et aussi le centre chorégraphique, avec neuf studios de répétition, où j’ai accueilli 250 compagnies pour des résidences de création. J’ai aussi appris à gérer l’aspect financier d’un lieu. »

 

Le Teatros del Canal, principal espace de création et de représentation des arts vivants dépendant de la communauté autonome de Madrid, bénéficie d’un soutien modeste, comme souvent en Espagne, d’environ 4 millions d’euros annuels. En 2019, lorsque Blanca Li en prend la tête, son apparition a des airs de revanche. « Je vais soutenir les artistes espagnols, particulièrement ceux de Madrid », promet-elle lors de son discours de présentation devant la presse. En rappelant qu’elle a dû quitter l’Espagne dans sa jeunesse parce qu’elle n’y avait pas trouvé de soutien. Pendant les cinq années suivantes, marquées par les conséquences de la pandémie de Covid-19, Blanca Li nourrit une programmation tournée vers l’avant-garde et les thématiques sociales contemporaines. Avec un succès certain. L’adaptation de l’œuvre de Suzie Miller, Prima Facie, avec Vicky Luengo, sur la violence de genre, présentée en août 2023 a été reprise, à guichets fermés, pendant les fêtes de fin d’année.

 

Elle a également créé une dotation de 300 000 euros pour des résidences d’artistes, lancé le festival Canal Connect, qui explore les liens entre nouvelles technologies et arts vivants, et fait entrer le hip-hop sur la scène artistique madrilène. Durant la saison 2022-2023, plus de 165 000 spectateurs ont assisté à quelques-uns des 243 spectacles à l’affiche, dont une centaine de concerts, une cinquantaine de pièces de théâtre et une quarantaine de spectacles de danse. Au total, le taux d’occupation des 565 représentations a été de 79 %, proche de la fréquentation prépandémie.

Mélange des rôles

Cependant, certains, dans le milieu culturel madrilène, lui reprochent, sous le couvert de l’anonymat, une programmation « brouillonne », mais aussi le mélange des rôles entre son poste de directrice artistique de Teatros del Canal et la diffusion de ses propres œuvres dans ses salles. « J’ai vendu deux de mes spectacles au prix normal et le troisième est une production Suresnes Cités Danse, qui le propose dans les mêmes conditions pour tout le monde, précise-t-elle. Je n’ai jamais monté de coproduction avec le Teatros del Canal. »

 

Son mandat aura surtout été marqué par une controverse sur la possible censure par le gouvernement régional de Madrid, très conservateur, d’une œuvre du dramaturge espagnol Paco Bezerra. Prévu pour la saison 2022-2023, le monologue Muero porque no muero (« je meurs parce que je ne meurs pas »), imaginant sainte Thérèse d’Avila droguée et prostituée sur la plaza Mayor de Madrid, avait été présélectionné par le réseau de théâtre européen Prospero. Officiellement pour des raisons budgétaires, le conseil d’administration de l’organisme public chargé de la validation de la programmation du Teatros del Canal l’a écarté cinq jours avant la présentation de la saison.

 

A ce qui tourne vite à la polémique, elle répond aujourd’hui : « Cette affaire est devenue très politique alors qu’il ne s’agissait, au début, que d’une obligation de couper dans mon programme à cause de réductions budgétaires. Trois spectacles ont été annulés, dont celui de Paco Bezerra, un point c’est tout. Il n’a jamais été question de censurer quoi que ce soit. » En décembre 2022, plus d’une centaine de personnalités du monde de la culture, dont les réalisateurs Pedro Almodovar ou Rodrigo Sorogoyen et l’acteur Javier Bardem, ont signé un manifeste de soutien à Paco Bezerra, demandant à stopper l’« ingérence politique ». Le texte critique aussi Blanca Li pour avoir « défendu et accepté, comme si c’était normal, que quatre postes politiques décident de sa programmation », et évoque le risque que « l’autocensure s’implante dans les mentalités ».

Blanca Li préfère ne conserver de cette période au Teatros del Canal que du bon. « J’ai beaucoup travaillé et je me suis aussi beaucoup amusée », résume-t-elle. A La Villette, elle entend s’inscrire dans la lignée de ce qu’elle a défendu en Espagne avec, comme elle le précisait dans son bilan, « une place donnée aux conflits sociaux actuels, du féminisme au phénomène trans, au changement climatique, les nouvelles familles, les rapports de couple, l’impact de la technologie chez les gens… » et dans sa trajectoire artistique entre flamenco, hip-hop, électro et arts numériques.

 

Elle compte valoriser les arts urbains, dont le hip-hop, « mais aussi les sports, comme le roller, le BMX », la mode, les musiques actuelles, concevoir de grands événements populaires dans le parc, comme sa Fête de la danse, en 2011 au Grand Palais, à Paris. « Je vais aussi augmenter les résidences d’artistes et soutenir encore plus les projets d’éducation avec les enfants et les jeunes, ajoute-t-elle. Nous travaillons ici avec une centaine d’écoles, et je vais continuer. Nous devons améliorer le monde. » Elle rêve d’occuper le parc dans ses moindres bosquets et imagine déjà, sur l’exemple du festival Shakespeare in the Park, à New York, un festival Molière qui célébrerait le théâtre classique.

 

 

Des spectacles dans l’air du temps

Des plateaux de danse à ceux du cinéma, du flamenco au contemporain, en passant par le hip-hop, la trajectoire de Blanca Li, gymnaste de formation, brille par son instinct et son talent à humer l’air du temps. On la découvre en 1993 avec son éclatant Nana et Lila, flambée de transe joyeuse sur les tambours des musiciens gnawas de Marrakech, puis on bascule dans un registre burlesque avec Stress (Pète pas les plombs), en 1997, qui jette huit danseuses dans un ouragan domestique. En 1999, Macadam Macadam, énorme succès à l’enseigne de Suresnes Cités Danse, fait virevolter hip-hop, skate, roller et bike. C’est la danse électro qui la séduit, à laquelle elle consacre deux pièces, Elektro Kif (2010) et Elektrik (2018). Son Bal de Paris, installation numérique immersive en réalité virtuelle, a reçu le Lion de la meilleure expérience VR à la Mostra de Venise en 2021.

 

 

Rosita Boisseau et Sandrine Morel (Madrid, correspondante)

 

 

Légende photo :

Blanca Li, présidente de l’établissement public du parc et de la Grande Halle de La Villette, à Paris, le 20 juin 2024. ELISE TOïDé
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July 18, 11:43 AM
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Vues imprenables sur « Gaviota » 

Vues imprenables sur « Gaviota »  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog - 16 juillet 2024

 

Avignon. Avec des actrices et acteurs non voyants, mal voyants et voyants espagnols, la metteure en scène péruvienne Chela De Ferrari met en scène «La Gaviota » (La Mouette) de Tchekhov. On voit la pièce emblématique de l’auteur russe comme on ne l’avait jamais vue, tendue entre le visible et l’invisible, revisitée. Un moment fort du Festival.

 

La péruvienne Chela De Ferrari avait fait sensation en présentant à Paris, deux soirs seulement, son Hamlet interprété par des actrices et des acteurs atteints de trisomie 21, en particulier le rôle-titre joué par un acteur porteur du syndrome de Down. Tiago Rodrigues souhaitait faire venir ce spectacle au Festival d’Avignon mais la metteuse en scène était à Madrid en plein travail sur son nouveau spectacle La Gaviota (La Mouette) interprété par des actrices et des acteurs espagnols pour la plupart mal ou non voyants. C’est donc ce seul spectacle qui est présenté en création mondiale au Festival d’Avignon. Et c’est assurément l’une des grandes dates de ce festival voué à la langue espagnole.

 

Ne connaissant pas le travail de Chela De Ferrari, on ne s’y est pas rendu sans une certaine appréhension. La Mouette jouée par des aveugles. On craignait un déversoir de bons sentiments, une sensiblerie exacerbée, une prime au handicap. Rien de tel. C’est un spectacle d’une rare intensité qui - hormis quelques séquences où Chela De Ferrari cède à la facilité spectaculaire - atteint la pièce de Tchekhov au cœur.

 

La Mouette est sans doute la pièce la plus connue du russe mais rappelons-en toutefois les grandes lignes sans oublier les personnages dits secondaires qui pour Tchekhov et pour la metteuse en scène péruvienne ne le sont pas.

 

 

Tout se passe à la campagne dans la maison de la grande actrice Arkadina (Lola Robles) venue de Moscou avec son compagnon l’écrivain Boris Trigorine (Agus Ruiz). Vivent là une partie de sa famille dont son vieux frère Sorine (Domingo López) et son jeune fils Constantin Treplev dit Kostia (Eduart Mediterrani). Ce dernier veut être écrivain, il déteste les ouvrages, à ses yeux faciles et putassiers, qu’écrit l’amant de sa mère. Kostia veut trouver des « formes nouvelles ». Le titre de la pièce de Tchekhov vient d’un oiseau tué par Kostia qui émeut fortement Nina et donne à Trigorine l’idée d’une petite nouvelle.

 

Kostia a donc écrit une première pièce et, pour l’interpréter, il a fait appel à Nina (Belén González del Amo), jeune fille qui vit de l’autre côté du lac bordant la demeure, un lac qu’elle n’a jamais vu car aveugle de naissance. Kostia est amoureux d’elle, Nina, elle, rêve d’être actrice. La pièce de Kostia va être jouée là dans un théâtre de fortune dressé au bord du lac, c‘est ainsi que commence la pièce et le spectacle. Mais dans la mise en scène de Chela De Ferrari, tout a commencé par un magnifique préambule : le salon qui est installé sur la scène lorsque les spectateurs s’installent disparaît aussitôt, emporté par les acteurs et les techniciens. Le spectacle est, si je puis dire, vu par un aveugle.

 

Tout va se passer sur le plateau nu, le regard commun entre le plateau et la salle bascule implicitement du côté des aveugles, et tout commence dans le regard des aveugles.

 

Sous la plume de Tchekhov, Sémione demande à Macha pourquoi elle s’habille toujours en noir, « je suis en deuil de ma vie », répond-elle ce qui, au pays des aveugles, sonne étrangement. Et quelques répliques plus loin Chela De Ferrari ajoute ces deux répliques entre eux : « - Je ne suis pas complètement aveugle.- Moi non plus, et j’aime ce que je vois. » Tout le spectrale oscille entre les mots même de Tchekhov et ses prolongements induits par Chela De Ferrari. Laquelle a sans doute tort de trop actualiser la pièce (en parlant de TikTok and co, en remplaçant le carnet où Trigorine prend des notes par une camera, etc.) mais le plus souvent, ce double-jeu ouvre des vannes, suggère des pistes, retrousse astucieusement des répliques, ouvre les sens, comme on ouvre les yeux pour mieux voir en ne voyant rien. Une voix se souvient du lac, le décrit alors que ses yeux au mitan de sa vie ont perdu la faculté de voir quoi que ce soit. Un lac que Nina, qui vit à ses pieds, n’a jamais vu, « ma mère m’a appris à connaître les choses qu’on ne peut pas voir », dira-t-elle.

 

 

Arkadina et Nina sont interprétées par des actrices aveugles. Trigorine, lui, est pleinement voyant et Constantin quasi voyant. Le carré d’as de ces binômes amoureux induit la dramaturgie du spectacle et renverse la vision de plusieurs scènes emblématiques.

 

Arkadina, aveugle et actrice, se moque des « formes nouvelles » de son fils et va le manifester pendant la représentation, bientôt interrompue. La jeune Nina, aveugle et qui veut être actrice, est impressionnée par la prestance, la réputation et la voix de Trigorine. Elle ne va pas tarder à tomber amoureuse de lui - une aveugle aveuglée par l’amour - et l’écrivain vieillissant se laissera séduire par l’attrait de la jeunesse.

 

La pièce de Tchekhov ne se résume évidemment pas à ce maigre synopsis. Comme dans toutes ses grandes pièces, il y a bien d’autres personnages comme Macha (Patty Bonnet), intendante de la maison et qui boit en cachette ; Paulina, l’épouse de l’intendant du domaine (Paloma de Mingo) ; Dorn, le médecin (Miguel Escabias), Semione, le maître d’école (Domingo López)... C’est l’ensemble des personnages qui façonne le charme de la pièce et Chela De Ferrari ne l’oublie pas. Elle y ajoute un musicien, Nacho Bilbao, constamment présent sur scène et utile pour les actrices et les acteurs dont l’ouïe est primordiale. Elle y ajoute aussi Alicia, une régisseuse (Macarena Sanz) toujours prompte à guider ceux qui ne voient pas et d’abord Nina.

 

Il y a ceux qui voient et peuvent s’aveugler et ceux qui, sans voir, possèdent une vue perçante. Kostia, malvoyant, étant celui qui, à la fin, ne voyant plus aucun sens à sa vie, se prive de ce qui reste de sa vue (il ne veut pas, il ne veut plus voir ça) en se donnant la mort.

Avant de créer cette version de La Gaviota avec le Centro dramatico nacional d’Espagne, Chela De Ferrari avait travaillé durant cinq mois avec la compagnie péruvienne siVERquenzas, composée de treize acteurs non voyants. Le travail avec cette troupe lui a permis de corriger et de parfaire les idées qu’elle avait en tête au début de son travail, raconte-t-elle, et, sans doute aussi, de confirmer la condensation du temps de la pièce à laquelle elle procède.

 

La pièce nous revient, à la fois telle qu’en elle-même et tout autrement, comme vue de l’autre côté du miroir, dans un temps ramassé. Kostia le mal voyant, écrivain en herbe, a le béguin pour une jeune fille aveugle, laquelle aime un homme plus âgé aux propos suaves sans cependant pouvoir le voir. Bien qu’aveugle, Arkadina voit tout. Comme Macha qui, elle, souffre de voir ses rêves s’étioler. Et ainsi de suite. La cécité entraîne une sorte d’étrange fragilité des êtres doublée d’une étrange détermination. Entre le visible et l’invisible, la tension n’a de cesse. C’est d’une sensibilité on ne peut plus aiguë, d’un tact constant et d’une bouleversante finesse.

 

 

Festival d’Avignon, L’autre Scène de Vedène, 11h , jusqu’au 21 juillet sf le 17

 

Jean-Pierre Thibaudat - Le Club de Mediapart

 

Légende photo  : Scène de Gaviota, Nina © Adrian Saba

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July 16, 9:37 AM
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Législatives : « On fait quoi maintenant ? », par un collectif d’artistes et d’élus | 

Législatives : « On fait quoi maintenant ? », par un collectif d’artistes et d’élus |  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Une tribune publiée le 9 juillet dans l'Obs et reprise dans le site "Rue du Conservatoire",  site de l'association des anciens élèves du conservatoire national d'art dramatique.

 

Elle est signée par des dizaines d'élu.e.s et de responsables d'institutions culturelles.

 

Des dizaines d’artistes et d’élus dont Stéphane Troussel, Benoît Payan, Yann Galut, Hortense Archambault, Alice Diop, Wally Dia, David Bobée, Inès Seddiki, prennent acte de la diffusion des idées de l’extrême droite et s’engagent à faire de leur création des espaces de liberté, d’égalité et de fraternité

Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.

On fait quoi maintenant, nous, territoires, actrices, acteurs et publics de la culture ?

On fait quoi alors que le front républicain a permis de faire barrage à l’extrême droite mais qu’elle continue sa progression et que le pays s’est fracturé ?

On fait quoi maintenant pour lutter contre sa vision identitaire, univoque et fantasmée de notre pays, laissant libre cours aux attaques qu’elle mène déjà contre toutes celles et tous ceux qui portent une voix dissonante ?

 

On fait quoi, face au sentiment puissant d’abandon ressenti dans les catégories populaires, qu’elles viennent des campagnes ou des quartiers ?

On fait quoi, même si des digues résistent encore, face au constat de notre impuissance à lutter contre le sentiment que « l’autre » est un problème ?

Notre conviction partagée est celle du rôle politique et émancipateur de l’art et de la culture, contre toutes les mises au ban et tentatives d’assignations. Elle dépasse largement la défense de nos métiers ou de nos institutions, en s’inscrivant résolument dans la préservation d’espaces de pensée, de contre-récits, d’échange et de dialogue, de mise en danger de nos certitudes mais aussi d’émotions partagées et qui nous réunissent. Car c’est sans doute à partir de ces espaces que nous pourrons recréer du commun. Plus que jamais, il nous faut les faire vivre.

Alors, chacune et chacun depuis la place que nous occupons dans le corps social, artistes, politiques, responsables culturels et associatifs, citoyens et citoyennes nous prenons acte et nous engageons :

 

Des espaces de liberté

Nous ne négocierons jamais la liberté de création, qui questionne, conteste, voire choque, mais qui rassemble aussi autour d’imaginaires autres que ceux imposés par les industries médiatiques.

Nous ne renoncerons jamais à faire des lieux de culture les acteurs de la liberté d’expression, laissant la parole à celles et ceux qui ne pourraient être entendus autrement.

Nous ferons des lieux de culture les laboratoires d’une nouvelle modernité, faite d’hybridations des formes, des acteurs et des publics, parce que nous avons la conviction que c’est dans la rencontre de l’autre que se trouve l’avenir de nos sociétés.

Des espaces d’égalité

Nous continuerons de faire vivre l’éducation artistique et culturelle, dès le plus jeune âge, comme un levier de construction de soi à travers la découverte de l’autre, et de développement de l’esprit critique.

Nous poursuivrons notre chemin vers celles et ceux dont nous nous sommes le plus éloignés, en favorisant des démarches itinérantes ou dans l’espace public.

Et nous ferons une place plus grande à celles et ceux qui se sentent relégués, pas seulement pour « conquérir des publics », mais pour en faire des acteurs de nos lieux et de nos projets.

Des espaces de fraternité

Nous ne céderons pas à celles et ceux qui voudraient trier les citoyens en fonction de leur nationalité, de leur origine ou de leur couleur de peau, et ferons des lieux de culture des espaces d’hospitalité pour chacune et chacun, en revendiquant des relations fondées sur la rencontre, le partage et l’altérité.

Face aux discours dominants de stigmatisation et d’exclusion, nous nous mobiliserons pour construire des démarches artistiques et culturelles qui permettent de construire d’autres récits, pour raconter la France dans sa richesse et sa diversité, dans ses contradictions et ses tensions, dans sa complexité et son potentiel. Et construirons ensemble des moments de célébration de l’interculturalité, pour montrer non seulement qu’une autre France est possible mais qu’elle est déjà là.

 

Alors maintenant, qu’est-ce qu’on fabrique ensemble ?

Face au risque d’isolement ou de démobilisation, nous appelons toutes celles et tous ceux qui le souhaitent et partagent nos valeurs et ambitions à nous rejoindre pour construire, dès maintenant, cette alliance. Les forces vives sont là, la volonté est là, l’engagement est là. Tout est réuni pour que nous y parvenions.

 

 

Premiers signataires :

Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis

Benoit André, directeur de la Filature, scène nationale de Mulhouse

Audrey Ardiet, directrice La Rose des Vents, scène nationale Villeneuve d’Ascq

Philippe Ariagno, directeur de La Passerelle, scène nationale de Gap

Olivier Atlan, directeur Maison de la Culture de Bourges

Martine Aubry, maire de Lille

Fériel Bakouri, directrice de Points Communs, scène nationale de Cergy

Camille Barnaud, directrice Le Volcan, Scène nationale du Havre

Vincent Baudriller, ancien directeur du Festival d’Avignon

Pauline Bayle, metteuse en scène, directrice du Théâtre Populaire de Montreuil, CDN

Frédéric Bélier Garcia, metteur en scène, directeur du Théâtre de la Commune, CDN d’Aubervilliers

Patrice Bessac, Président d’Est Ensemble, maire de Montreuil

Guillaume Blaise, directeur La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc

Catherine Blondeau, directrice du Grand T à Nantes

Dominique Bluzet, directeur des Théâtres du Gymnase, des Bernardines, du Jeu de Paume et du Grand Théâtre de Provence à Aix en Provence et Marseille

David Bobée, directeur du Théâtre du Nord

Virginie Boccard, directrice de la scène nationale du Mans

Thierry Bordereau, directeur, acb, scène nationale de Bar le Duc

Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen, vice-président du Département de la Seine-Saint-Denis en charge de la Culture

Nicolas Bouchaud, comédien

Bruno Bouché, directeur artistique, CCN•Ballet de l’Opéra national du Rhin

Céline Breant, directrice La Comédie de Clermont-Ferrand

Olivier Cadiot, écrivain

Fabienne Chognard, directrice de Le Dôme Théâtre à Albertville

Régine Chopinot, danseuse chorégraphe

Eli Commins, directeur du Lieu Unique, scène nationale de Nantes

Kamel Dafri, directeur de Villes des Musiques du Monde

Romaric Daurier, directeur Le phénix scène nationale Valenciennes

Julie Deliquet, metteuse en scène, directrice du Théâtre Gérard Philipe, CDN de Saint-Denis

Waly Dia, humoriste

Marie Didier, directrice du Festival de Marseille

Alice Diop, réalisatrice

Penda Diouf, autrice et metteuse en scène

Valérie Dréville, comédienne

Barbara Engelhardt, directrice du Maillon, Théâtre de Strasbourg

Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture

Yann Galut, maire de Bourges, capitale européenne de la culture en 2028

Kamal Hachkar, cinéaste

Béatrice Hanin, directrice du Théâtre, scène nationale de Saint Nazaire

Mathieu Hanotin, Président de Plaine Commune, maire de Saint-Denis

Cécile Helle, maire d’Avignon

Frédéric Hocquard, adjoint à la maire de Paris

Emmanuelle Jouan directrice du Théâtre Louis Aragon à Tremblay en France

Kheiron, humoriste, acteur

Claudy Lebreton, président de Culture. Co, réseau national pour la culture dans les départements.

Jean-René Lemoine, auteur et metteur en scène

Pierre-Yves Lenoir, directeur du théâtre des Célestins – Lyon

Sandrine Mini, directrice du Théâtre Molière, Scène nationale de Sète

Jérôme Montchal, directeur de L’Equinoxe, scène nationale de Châteauroux

Stanislas Nordey, acteur et metteur en scène

Benoît Payan, maire de Marseille

Olivier Perry, directeur – CCAM Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy

Francesca Poloniato, directrice le Zef, scène nationale Marseille

Constance Rivière, directrice générale du Palais de la Porte Dorée / Musée national de l’Histoire de l’immigration

Nicolas Royer, directeur Espace des Arts, scène nationale Chalon sur Saône

Bertrand Salanon, directeur Bonlieu, scène nationale d’Annecy

Elsa Sarfati, directrice de l’espace 1789 à Saint-Ouen

Inès Seddiki, fondatrice et présidente de GHETT’UP

Aïssata Seck, directrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage

Pauline Simon, directrice d’Houdremont, centre culturel – La Courneuve

Jean-François Sivadier, auteur et metteur en scène

Anne Tanguy, directrice du Quartz, Scène nationale de Brest

UFISC – Union Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles

Sylvie Vassallo, directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse

Zahia Ziouani, cheffe d’orchestre

 
Pour signer c’est ici
 
 
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July 16, 8:54 AM
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A Avignon, Boris Charmatz nouveau propriétaire du « Café Müller » de Pina Bausch

A Avignon, Boris Charmatz nouveau propriétaire du « Café Müller » de Pina Bausch | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde - 15 juillet 2024

 

Le danseur et chorégraphe, artiste invité de ce Festival, s’empare du chef-d’œuvre de la chorégraphe allemande dans une version de sept heures qui se vit comme un récit de transmission.

Lire l'article sur le site du "Monde" : 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/07/15/a-avignon-boris-charmatz-nouveau-proprietaire-du-cafe-muller-de-pina-bausch_6250494_3246.html

Café Müller, vous connaissez ? C’est un bistro à l’ancienne, immuable depuis sa création en 1978, à Wuppertal (Allemagne). Aujourd’hui, ce bar, à l’enseigne d’un patronyme répandu outre-Rhin façon M. Tout-le-Monde, est connu à l’international. Beaucoup de chaises, peu de tables, comme si les clients restaient debout à boire en déambulant sans poser leur verre nulle part. Il faut dire que ce lieu attire les créatures bizarres, rescapées de la vie, au comportement incertain, cherchant désespérément une étreinte, un baiser, un peu d’amour, tout à la fois ?

 

Ce rade aux lumières opaques, dont on adore franchir (mentalement) la porte à tambour comme une roue de hamster, est celui créé par Pina Bausch (1940-2009). La chorégraphe allemande l’a occupé jusqu’en 2008, un an avant sa mort. Au cœur d’un groupe de cinq personnages écharpés, elle cahotait les yeux fermés, vivant ectoplasme dans sa longue nuisette blanche. Elle livrait corps et âme sa danse éperdue de femme transpercée par la souffrance traumatique de vivre.

 

Café Müller est non seulement un chef-d’œuvre et un jalon de l’histoire de l’art chorégraphique, mais aussi la seule et unique pièce que cette artiste, dont les parents tenaient une brasserie à Solingen, près de Wuppertal, a interprétée toute sa vie, à l’exception d’un très court solo dans Danzon (1995). C’est son compagnon, le plasticien Rolf Borzik (1944-1980), qui en conçut les décors et les costumes. Autant dire que ce spectacle-signature identitaire est un bijou précieux et essentiel, ramassant de façon fulgurante les motifs de l’artiste allemande : quête d’amour, douleur, violence, solitude…

Six versions différentes

Surprise en débarquant à la Fabrica, à Avignon. Café Müller semble avoir changé de propriétaire. De fait, le chorégraphe Boris Charmatz, qui dirige le Tanztheater Wuppertal depuis 2022, a rebaptisé la maison d’un nom plus facile à digérer : Forever (Immersion dans Café Müller de Pina Bausch). Le décor a disparu. Les lumières sont revues façon plafond de néons blancs selon Yves Godin. Les chaises éparpillées dans l’espace, encerclé par les spectateurs, rappellent que l’on ne s’est pas trompé d’adresse, et, ouf, la musique aussi, est bien celle de Purcell.

Cadrons la proposition évidée de Boris Charmatz qui amène des questions sur le droit moral d’une œuvre, sur ce que l’on ôte, transforme ou conserve d’un spectacle pour assurer sa prétendue pérennité. Rappelons que le chorégraphe a eu l’idée de Forever en assistant à des répétitions de Café Müller. Cette notion est fondamentale lorsqu’on plonge dans cette longue performance de sept heures qui additionne six Café Müller avec six castings différents et de nombreux jeunes interprètes. Chaque version est scandée par des interludes : textes, confidences de danseurs… Ces interventions rythment la représentation et livrent des informations sur ce café que l’on fréquente depuis longtemps. Quelques piliers-danseurs tiennent heureusement toujours le comptoir : Jean-Laurent Sasportes, Michael Strecker, Nazareth Panadero, Azusa Seyama-Prioville, Héléna Pikon (également directrice de répétitions), qui remplaça Pina Bausch à sa mort en 2009 dans son rôle, sont là et bien là.

 

La première version, qui donne le ton de l’ensemble, se joue en tenue de sport, jogging et débardeur noir, que la danse hip-hop et contemporaine utilisent indifféremment en studio et sur scène. On retrouve les séquences inoubliables de cette pièce où l’on aime et n’aime plus, cogne et frappe. Une femme fonce dans l’espace sans se soucier des chaises qu’un danseur écarte pour l’empêcher de se blesser. Elle s’accroche à un homme comme à une bouée de secours tandis qu’un autre l’en sépare. Elle chute et rechute. Cette insistance n’est pas chez Pina Bausch épuisement d’une situation mais intensification urgente. Comme elle le disait elle-même à propos de Café Müller, « Je ne répète pas la scène, j’essaye encore une fois. »

 

Nazareth Panadero, figure emblématique de la compagnie depuis 1979, ouvre le bal des intermèdes. Elle répond en partie à notre perplexité sur le nettoyage de Café Müller. Elle évoque la porte tournante qui n’est plus là et se révélait majeure pour son entrée piétinante en talons. « Que va-t-on faire sans elle ?, s’inquiète-t-elle en traçant son trajet. On verra… » Elle précise ensuite que lorsqu’elle a dansé Café Müller au début des années 1980, « c’était déjà une pièce sacrée, j’avais l’impression d’entrer dans un temple ».

Déshabiller une œuvre

Que reste-t-il donc du « temple » ? Il est environ 17 heures, et c’est la quatrième fois que l’on file au troquet. Et là, Café Müller, dans les tenues historiques, culmine. Les stars Héléna Pikon, irradiante, Nazareth Panadero, plus qu’ébouriffante sous sa perruque rousse, Azusa Seyama-Prioville, impériale, emportent le morceau. Elles soutiennent Cagdas Ermis, Simon Le Borgne et Boris Charmatz lui-même. La texture mousseuse et dynamique des bras selon Pina éclate, leur pouvoir d’autoconsolation, la gravité et le poids tragique de son mouvement aussi. Le statut du costume s’impose et apporte la preuve que déshabiller une œuvre peut entraîner une perte de sens. Un vêtement, notamment chez Pina Bausch, construit un rôle. On ne frotte pas un pantalon sur ses jambes comme une robe. On n’agit pas de la même manière en veston bien raide qu’en tee-shirt ramollo.

 

Forever peut se lire comme un récit de transmission, d’apprentissage et de fabrication, une série d’essais… Un versant sur lequel Charmatz devrait insister en montrant vraiment des corrections gestuelles par exemple. Car le public, qui entre et sort, débarque à l’envi et s’incruste rarement plus de deux sets, tombe parfois sur un Café Müller en survêtement et repart avec une vision pour le moins dépareillée d’une œuvre dont l’esthétique était constitutive de son geste.

Il n’empêche qu’enchaîner les six versions avec des hauts et des bas, notamment dans l’interprétation, se révèle une expérience passionnante pour mieux détailler une pièce magistrale. La possibilité de circuler et de changer de point de vue est également intéressante. Sauf que ce tournis bouscule la dramaturgie d’une œuvre extrêmement bien bâtie en frontal comme une distorsion narrative qui fait diversion et remplit sa fonction ludique à la mode. Lorsqu’on émerge de Forever, on mesure combien l’écriture de Café Müller, sa structure, ses intentions claires, ses trajectoires précises résistent envers et contre tout.

 

 

Forever (Immersion dans Café Müller de Pina Bausch), de Boris Charmatz. La Fabrica, Avignon (7 heures). Jusqu’au 21 juillet.

 

 

Rosita Boisseau (Avignon, envoyée spéciale)

Légende photo : « Forever (Immersion dans “Café Müller” de Pina Bausch) », de Boris Charmatz, au Festival d’Avignon, le 13 juillet 2024. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE/FESTIVAL D’AVIGNON
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