Revue de presse théâtre
2.5M views | +86 today
Follow
Revue de presse théâtre
LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
Your new post is loading...
Your new post is loading...

Quelques mots-clés

Scooped by Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 5:06 AM
Scoop.it!

François Delarozière : «C'est la nature qui m'inspire»

François Delarozière : «C'est la nature qui m'inspire» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis  Armelle Héliot, publié   dans Le Figaro le 26/10/2018

INTERVIEW - Le créateur des Machines de l'île, à Nantes, présentera son nouveau spectacle à Toulouse début novembre.

Dessinateur au trait magnifique, François Delarozière, 55 ans, est connu dans le monde entier. Les «machines vivantes» de sa compagnie La Machine ont voyagé partout autour du monde, de Chine au Canada, en passant par la Grande-Bretagne et la France. À Nantes, et désormais à Toulouse, son imagination fertile est celle d'un plasticien poète au service de l'urbanisme. Il éveille les villes. À Montaudran, site de l'Aéropostale, à Toulouse, c'est un immense quartier qui va naître et passer de la recherche pointue au divertissement.

LE FIGARO. - De quand date le projet de Toulouse?

François DELAROZIÈRE. -Dès 2009, Pierre Cohen, le maire de la ville, avait été intéressé par notre présence et nous avions proposé l'idée du Minotaure en 2013. Sa défaite aux élections, un an plus tard, avait mis un coup d'arrêt au projet. Son successeur, Jean-Luc Moudenc, maire et président de Toulouse Métropole, l'a repris. Le concours sur la halle, en bordure de la piste de l'Aéropostale, a abouti. Et le Minotaure est là!

» LIRE AUSSI - François Delarozière, un enchanteur à Toulouse

Que vient-il faire à Toulouse?

La lecture d'une nouvelle de Jorge Luis Borges, dans son recueil L'Aleph, m'a frappée. S'il évoque Buenos Aires, j'y ai vu Toulouse et son labyrinthe de petites rues du centre. Je connais bien la ville pour y avoir vécu et travaillé quatorze ans. Le Minotaure n'est pas incongru: le taureau est très présent, notamment par la légende de saint Sernin, qui, sous le nom de Saturnin, connut le martyre, accroché à un taureau furieux. Le nôtre est très pacifique. Il y a aussi, bien sûr, la proximité de l'Espagne, la culture d'Occitanie.

«Je ne me souviens jamais de mes rêves, mais en marchant, en arpentant les paysages, je rêve, je comprends ce qui pourrait s'inscrire ici ou là»
François Delarozière

 


Ce sont donc la littérature et les légendes qui vous inspirent?

Non. Ce qui m'inspire, c'est la nature. Le spectacle de la nature, sa connaissance. Je ne me souviens jamais de mes rêves, mais en marchant, en arpentant les paysages, je rêve, je comprends ce qui pourrait s'inscrire ici ou là. Je l'ai fait à Calais où nous avions présenté le Dragon et où nous développons un grand projet avec la maire, Natacha Bouchart.

Qu'est-ce qui a été le plus formateur?

Je pense que c'est la personnalité de mes parents. Mon père est un bricoleur de génie qui m'a donné le sens de la construction. Ma mère est musicienne, polyinstrumentiste.

Qui est le plus important chez vous: l'ingénieur ou l'artisan?

La spécificité de la compagnie La Machine est qu'ils sont indissociables. La haute technologie, et, par exemple l'exosquelette du Minotaure, ont besoin de l'art des sculpteurs du bois, des doreurs à la feuille, et des «comédiens-machinistes» qui sont les âmes même du Minotaure ou de l'araignée.

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 4:34 AM
Scoop.it!

Les Plateaux sauvages, un théâtre ouvert aux quatre vents

Les Plateaux sauvages, un théâtre ouvert aux quatre vents | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Marina Da Silva dans L'Humanité 29.10.2018

Nouvelle fabrique culturelle, les Plateaux sauvages rassemblent dans un même endroit création professionnelle et transmission artistique.


Après un an et demi de programmation hors les murs, les Plateaux sauvages, réunissant et réarchitecturant l’ancien Vingtième Théâtre et le centre d’animation des Amandiers, ont rouvert depuis le 15 septembre. Entretien avec sa directrice.

Situés au cœur d’un quartier populaire, Ménilmontant, lieu vivant, pluriel, rebelle, les Plateaux sauvages ont pour ambition de construire, à partir des projets des artistes, des temps de partage, d’échange, de rencontres et de pratiques avec le public.

Comment le public s’est-il emparé de cette fabrique culturelle ? Quels sont vos projets ?

Laëtitia Guédon Plus de 600 personnes ont été accueillies lors de l’ouverture, à travers un parcours où les spectateurs découvraient la saison avec tous les artistes, qui se sont totalement impliqués et emparés de cette maison. On ne fait aucune reprise, seulement de la création et nous accueillons 14 compagnies par saison. Une moitié d’entre elles constituées d’artistes émergents (Clément Bondu, Vanasay Khamphommala, la compagnie le Dahu…), présentant le résultat, pas forcément fini, de leur travail. Je veux montrer des projets très fédérateurs et d’autres qui ne sont pas forcément accessibles d’emblée, avoir une pluralité d’écritures et de formes. Tous les artistes, émergents ou confirmés, viennent en résidence entre cinq jours et un an, et le résultat prend soit la forme d’une sortie de résidence, d’une présentation de projet presque abouti, soit d’une création (Lou Wenzel, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre…) sur cinq ou dix dates et dans un partage de recettes, 60 % pour la compagnie et 40 % pour le théâtre. Nous les accompagnons aussi dans la structuration de leurs projets. Pour le public, nous avons mis en place une billetterie « à tarification responsable » où chacun choisit son tarif, entre 5 et 30 euros. Et aussi des billets « suspendus » qui seront offerts à des spectateurs qui n’ont pas les moyens de les acheter.

Quels sont vos sources de financement et votre cahier des charges ?

Laëtitia Guédon On est un établissement culturel de la Ville de Paris, subventionné à hauteur d’un million d’euros par an. Mais cela couvre essentiellement l’économie du lieu, un énorme bâtiment de 3 000 mètres carrés. Aujourd’hui, on n’a pas la capacité de coproduire et de financer les projets mais c’est quelque chose que l’on veut développer dans une logique de mutualisation et de partenariat avec d’autres lieux. Les artistes viennent ici avec un projet de résidence et de création, et un projet de transmission artistique. C’est aussi ce qui m’intéresse, savoir comment les artistes vont pouvoir partager leur processus artistique avec le territoire. Dans ce quartier des Amandiers, un des derniers bastions populaires de Paris, on a des gens qui ont des moyens et un accès facile à la culture et qui envoient leurs enfants dans les mêmes écoles que d’autres qui n’ont pas d’argent, c’est une mixité sociale vraiment intéressante. On ne veut pas faire de l’action culturelle, mais inviter les artistes à faire un pas de côté en partageant les thèmes, les questions, les enjeux de leur création avec des personnes qui ne sont pas des professionnels du spectacle vivant (un collège, un lycée, un foyer de jeunes travailleurs ou de migrants).

Comment envisagez-vous de garder le public qui fréquentait plus particulièrement le centre d’animation et d’en ouvrir l’accès à d’autres ?

Laëtitia Guédon Nous voulons faire une fabrique de création où des artistes et du public fréquentent le même lieu. Nous réfléchissons à comment le public peut s’emparer des enjeux de la création. Lui permettre de faire des ateliers de théâtre, chant, danse mais aussi d’autres techniques de travail sur le corps. Tous ces ateliers sont à tarification sociale en fonction du quotient familial. Ils sont animés par des artistes en activité ou des associations qui s’engagent pour l’année. On a aussi un pôle d’activité parents-enfants. Et un pôle partagé au profit d’un engagement solidaire où l’on met à disposition des associations des salles pour accompagner des publics sur des sujets divers (aide aux devoirs, alphabétisation, développement personnel, etc.). C’est une maison d’artistes mais il s’agit d’y faire rentrer les gens du quartier. Il y a une bibliothèque où on peut emprunter ou apporter des livres, des espaces avec des jouets, une cafétéria… Que l’on soit du quartier ou pas, que l’on ait l’habitude d’aller au théâtre ou pas, pour moi le plus important c’est de bien accueillir tout le monde.

Laëtitia Guédon

Directrice des Plateaux sauvages

Les Plateaux sauvages, 5, rue des Plâtrières, 75020 Paris. Rens. : 01 40 31 26 35 ou www.lesplateauxsauvages.fr
Entretien réalisé par Marina Da Silva

 

Crédit photo .. Baptiste Muzard

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 29, 2018 7:12 PM
Scoop.it!

Toni Servillo, Silvio m’était conté

Toni Servillo, Silvio m’était conté | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Arnaud Vaulerin photo Mathieu Zazzo pour «Libération»
— 29 octobre 2018 


L’acteur italien, star du box-office, incarne Berlusconi après avoir redonné vie à Andreotti et s’impose en révélateur de l’italianité.
Pas encore arrivé et pourtant omniprésent. C’est LUI. Même pas besoin de le nommer. Tous le vénèrent. Tous l’espèrent. Tous le vivent. Effervescence et appétence. Un appel, un signe, un regard, il est leur obsession. Toni Servillo est LUI. Un masque. Un rictus. Dents blanches et haleine fraîche. Chemise immaculée et nostalgie festive en bandoulière. Dans Silvio et les autres, de Paolo Sorrentino, il campe un Berlusconi vieillissant et libidineux, figé dans sa concupiscence souriante et priapique au milieu de son petit peuple d’obligés et de dévoués, de midinettes et de malhonnêtes. S’il n’est pas sûr que cette nouvelle incursion dans la psyché berlusconienne fasse oublier le décevant Caïman de Nanni Moretti, Toni Servillo sauve la mise. Et propose l’image, la vision d’un Cavaliere de retour au pouvoir qui a des airs de dernier tour de piste. «Je suis allé chercher une part de Berlusconi qui est au fond de moi», raconte le comédien en tripotant de ses doigts aux ongles ras un bout de cigare froid. Dans le film, la crispation souriante est de rigueur. Le Napolitain Servillo reprend aussi des tics et l’accent milanais de l’ex-chef de gouvernement. Avec un mimétisme troublant dans Il Divo en 2008, il s’était glissé dans la peau d’un autre chef de gouvernement, Giulio Andreotti qui, durant des décennies, a trôné en parrain de la politique italienne. «Lui aussi a habité l’inconscient des Italiens, dit Servillo. Homme de mystère, doté d’un grand sens de l’humour, Andreotti était un personnage complexe, avec une dimension romanesque intéressante à raconter au cinéma.»

Le Napolitain renaissait en Andreotti - Belzébuth, taiseux et voûté, sombre et curial, inquiétant et insaisissable dans les arrière-cours du pouvoir et de la solitude à Rome. Il Divo a consacré Servillo comme l’acteur-révélateur d’une certaine italianité, sondeur de «l’être italien». «Il a atteint un sommet, note le grand critique Paolo Mereghetti. Il fait dorénavant partie des grands, un mattatore qui domine la scène comme jadis un Vittorio Gassman.»

Depuis vingt-cinq ans et une trentaine de films, Toni Servillo fait un peu figure de patron, pour reprendre le qualificatif attribué à Louis Jouvet dont le magistère impressionne Servillo. Il a traversé le cinéma italien en mathématicien (Mort d’un mathématicien napolitain), en ex-grand financier trouble et reclus (les Conséquences de l’amour), en collecteur de fonds mafieux (Gomorra), en sénateur déchiré par l’euthanasie de sa femme (la Belle endormie), en écrivain désabusé dans une Rome nocturne, symbole de la décadence (la Grande Bellezza). Un touche-à-tout. Un caméléon serait-on tenté d’écrire si ses personnages tenus ne se retrouvaient pas souvent sur le fil rouge d’une mélancolie, d’une ironie - « cette passion qui prend ses distances », dit-il en guise d’introduction, qui le définissent plutôt bien -, d’une ambiguïté faite de séduction, de secrets et d’observation.

A 59 ans, le natif de la banlieue de Naples défait le cliché du Napolitain triomphant et exubérant, solaire et disert. Cet après-midi à Paris, il apparaît en retenue, dans la maîtrise des mots et des références, dans un phrasé précis. Impressionnant. «Sa présence scénique est forte, évidente, poursuit Paolo Mereghetti. Son jeu n’est pas exagéré, mais plutôt froid, très contrôlé. Ses origines théâtrales lui ont conféré cette capacité à dominer la scène.» Car si c’est au cinéma qu’on a appris à connaître cette star sans esbroufe qui fait des entrées au box-office, c’est sur les planches que Toni Servillo est né. On paraphraserait presque Beckett qui disait «bon qu’à ça !» quand on lui demandait pourquoi il écrivait. Les planches n’ont «jamais été une antichambre pour le cinéma. En commençant à 40 ans devant la caméra, j’ai été vacciné des illusions du succès facile et de la vanité». Toni Servillo est «quotidiennement au théâtre, avec toutes les frustrations et les succès que l’on peut y connaître en une journée».

Il est au lycée quand il monte Brecht. Il n’est pas arrivé là par hasard. Le père, responsable du personnel dans une cimenterie, et la mère, qui élève les deux fils (l’autre, Peppe, est chanteur-compositeur du groupe Avion Travel) et la fille, sont des spectateurs passionnés. «Ils m’ont transmis la chaleur, l’enchantement du théâtre, cette fête de l’intelligence, cette générosité dans la communication avec le public qui vous ôte toute tentation de narcissisme, de supériorité intellectuelle. Tu es un parmi tous les autres.»

Pas besoin d’aller à l’université, il y a Naples pour décor. Cette «comédie française en plein air, cette grande scène ouverte, cette ville-monde faite de singularités et de pluralités» que Servillo n’a jamais désertée. Il en parle en amoureux intarissable, vantant la «richesse, la noblesse, la musique de la langue napolitaine qui ne s’est jamais affranchie de sa dimension populaire».

Marié à une enseignante avec laquelle il a eu deux fils, il vit en banlieue, à Caserte, «la même ville que l’ami Roberto Saviano». C’est là qu’il a fondé Teatro Studio, qui deviendra Teatri Uniti en 1987, un laboratoire réputé des activités scéniques. Là, se croisent des acteurs, des danseurs, des cinéastes, des metteurs en scène qui expérimentent un nouveau langage en y incorporant des images, de la musique, en faisant résonner les œuvres de Molière, Marivaux, Goldoni, Raffaele Viviani avec des textes très contemporains. «Notre modèle était Fassbinder et ces riches années 60 et 70 d’innovation», se souvient Servillo. Il se place sous le magistère de Eduardo De Filippo, un des grands artistes italiens du XXe siècle qu’il a plusieurs fois monté en France. «Avec Jouvet, ils n’ont jamais marchandisé le théâtre, mais ils lui ont donné une dimension de poésie qui offre une idée du monde.»

Autant Servillo peut apparaître comme solitaire au cinéma, autant il est solidaire au théâtre. Il faut voir le Napolitain en artisan, en apprenti. Il est immergé dans le théâtre au point de «n’avoir pas de hobby» : «Je n’ai pas besoin de me détendre, je ne fais rien d’aliénant et j’ai besoin du contact physique avec le public.» Il trouve pourtant de la «sérénité» chez Berlioz, Beethoven et Stravinsky. Et il y a quelques années, il a vécu des «moments de grande passion» en enregistrant pour la radio des lectures de roman de Sciascia et Moravia. C’est en citoyen «très inquiet» qu’il regarde une «Italie en campagne électorale permanente qui tourne le dos aux valeurs de méritocratie, de compétence et de solidarité». Il a voté «à la gauche de la gauche» (Servire il popolo) en mars et reste aux aguets. «Le grand espoir que le Web soit une occasion pour le "nous" peut devenir la tragique réalité d’une multiplication des "je". C’est effrayant.» C’est dit sans snobisme. Et sans le masque de la comédie.

25 janvier 1959 Naissance à Afragola (banlieue de Naples).
2009 Meilleur acteur pour Gomorra.
2014 La Grande Bellezza, oscar du meilleur film en langue étrangère.
31 octobre 2018 Silvio et les autres (Paolo Sorrentino).

Arnaud Vaulerin photo Mathieu Zazzo pour «Libération»

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 28, 2018 7:47 PM
Scoop.it!

A Ouagadougou, quand les cours familiales deviennent scènes de théâtre

A Ouagadougou, quand les cours familiales deviennent scènes de théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par SOPHIE DOUCE Ouagadougou, correspondance pour Le Monde Afrique 28.10.2018



« Bienvenue chez les Ouango ! » Au milieu du joyeux ballet des poulets qui picorent et des chats endormis, des comédiens répètent leur texte sur les planches d’une petite scène installée au fond d’une cour, à l’ombre des manguiers et des calebassiers. Assise à côté de sa maison en terre cuite, la vieille Awa Ouango les observe d’un œil curieux. Les artistes règlent les dernières finitions avant le grand soir, le stress monte. « Je dois faire la cuisine », s’excuse-t-elle. La vie continue. En arrière-fond, le tap-tap du pilon résonne, les casseroles s’entrechoquent.

Depuis près de deux mois, 150 artistes africains et européens (comédiens, metteurs en scène, danseurs, musiciens et scénographes) ont investi les cours de seize familles de Bougsemtenga, un quartier populaire de Ouagadougou, au Burkina Faso, où se déroule le festival Les Récréâtrales, du 26 octobre au 3 novembre. Au programme : spectacles de théâtre et de danse, animations jeune public, ateliers d’écriture et soirées « causerie ». Près de 60 000 visiteurs sont attendus pour cette dixième édition, selon les organisateurs.

« J’ai découvert le théâtre grâce au festival, je m’assois souvent ici pour regarder les répétitions », explique Awa Ouango. Cela fait dix ans que cette cultivatrice d’arachides et de haricots accueille des troupes venues du monde entier dans sa modeste demeure transformée en petit théâtre à ciel ouvert.

« Leur quotidien nous a inspirés »
« On voulait créer un laboratoire de recherche et de création théâtrale, rien de tel n’existait à l’époque. La scène africaine était vue comme le théâtre du pauvre, sans moyens et dépendante des ressources extérieures, explique Etienne Minoungou, le fondateur du festival. L’idée est née dans un verre de whisky, en discutant un soir avec un ami : “Si le théâtre est un espace de discussion sociale, il faut trouver l’endroit naturel où notre parole ait du sens !”, disait-on. En Afrique, la cour familiale est le lieu traditionnel de la sociabilité. Il était 2 ou 3 heures du matin, on a passé la tête par-dessus le mur des voisins et on a commencé à rêver. »

Depuis, le rêve ne l’a plus jamais quitté. En 2002, le comédien et metteur en scène se lance et crée les premières résidences d’écriture et de création théâtrales panafricaines. Mais pour « entrer dans l’intimité » des familles, le dramaturge a préféré avancer « pas à pas » : « Nous prenions les décisions ensemble au cours d’assemblées générales avec les habitants. On ne pouvait pas s’inviter comme ça. Plus que leur espace physique, les familles partagent aussi leurs vies. »

SUR LE MÊME SUJET
« Je veux amener d’autres Afriques sur scène et révéler les idées préconçues »

 


« Voilà une façon d’amener le théâtre au cœur de la cité, ça permet d’apporter un peu de rêve aux jeunes du quartier ! », s’enthousiasme la comédienne et metteuse en scène Odile Sankara, assise sur les gradins en bois de la cour des Nikiéma. Dans le cadre des Récréâtrales, elle présente « Musika », un spectacle monté en six semaines de résidence, « entre les éclats de voix et les bruits de cuisine ». « C’était extraordinaire de pouvoir créer ici, avec la famille qui nous observe et vaque à ses occupations. Le théâtre se nourrit de la vie, leur quotidien nous a inspirés », raconte-t-elle.

Assise sur son petit banc en bois, Bernadette Nikiéma a assisté à la gestation de la pièce dans sa cour, entre le linge suspendu aux arbres et la vieille Renault abandonnée au fond du jardin. « Je suis très heureuse de les accueillir chez moi, on est comme leur deuxième famille. Chaque jour, j’aime les regarder jouer, on s’ennuie dès qu’ils repartent », regrette la doyenne d’une famille d’une dizaine de personnes, devenue l’égérie de cette édition.

« Ça m’a donné envie de faire du théâtre, à force de les écouter je connais le texte par cœur, parfois je souffle aux comédiens quand ils ont des trous », confie sa fille Natolia. Près d’elle, les mains plongées dans une bassine de teinture indigo, Lydie, 29 ans, s’agite pour tisser les derniers pagnes en faso dan fani, le tissu local qu’elle vend aux festivaliers devant leur porte. « Ça nous rapporte un peu d’argent, on fait notre plus gros chiffre d’affaires la semaine du festival », affirme-t-elle, ravie.

« Ça fait vivre le quartier »
A quelques mètres de là, la « rue 9.32 », point névralgique des Récréâtrales, est en ébullition. Une odeur de brochettes et de chenilles de karité emplit l’air, les lampions multicolores s’illuminent dans les arbres sous les yeux émerveillés des enfants, les chaises des maquis débordent dans les ruelles orangées, tandis qu’au loin les échos des percussionnistes vibrent déjà. Les habitants de Bougsemtenga vivent au rythme du festival.


« Il faut avouer qu’on était un peu sceptiques au début, je craignais les nuisances sonores et pour la sécurité des petits, mais aujourd’hui je suis content : tout le monde est impliqué, un groupe de femmes est chargé du nettoyage, les jeunes s’occupent de l’accueil et de la billetterie, certains sont même devenus électriciens et menuisiers, ça fait vivre le quartier », se félicite le chef de Bougsemtenga dans sa cour, où des voisines maquillent une troupe de danseurs.

« Toute une économie informelle a émergé. Mais surtout, chaque année on a des bébés qui naissent, des amours et des amitiés qui se créent, c’est ça la grande économie humaine », glisse Etienne Minoungou, l’œil malicieux, avant de filer. Le festival peut commencer.

Par SOPHIE DOUCE Ouagadougou, correspondance


Légende photo : Dixième édition du festival Les Récréâtrales à Ouagadougou, dans le quartier populaire de Gounghin. SOPHIE GARCIA / SOPHIE GARCIA | HANSLUCAS.COM

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 1:39 PM
Scoop.it!

La classe préparatoire intégrée de l'Académie de l'Union, Limoges

La classe préparatoire intégrée de l'Académie de l'Union, Limoges | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Culture Newstank le 17.10.2018

 

« Une pratique théâtrale possible dans les outre-mer, c’est un enjeu républicain » (J. Lambert-wild)

Paris - Publié le mercredi 17 octobre 2018 à 14 h 30 - Interview n° 131299

 

« Dans beaucoup de territoires, il n’existe pas de conservatoire qui propose les formations requises et les jeunes des outre-mer doivent passer leur année probatoire en France métropolitaine. (…) En mettant en place une classe préparatoire intégrée soutenue notamment par le ministère de la Culture, le ministère des Outre-mer et la Région Nouvelle-Aquitaine, nous pouvions relier toutes les bonnes volontés », déclare Jean Lambert-wild, directeur du théâtre de l’Union, CDN du Limousin, à propos de la classe préparatoire intégrée de L’Académie de l’Union dédiée aux outre-mer qui accueille sa première promotion depuis le 10/09/2018, dans un entretien à News Tank le 17/10/2018.

« C’est la première fois de l’Histoire que deux jeunes Kanaks intègrent une école d’art dramatique, c’est la première fois qu’une jeune fille d’origine polynésienne intègre ce type de formation. Quel moyen avaient-elles de l’espérer ? Qu’il y ait partout dans les outre-mer la possibilité d’une pratique théâtrale, c’est aussi un enjeu républicain », déclare encore Jean Lambert-wild. 

Articulation de cette classe préparatoire avec la création d’une plateforme pour la formation à l’art dramatique dédiée aux outre-mer, partenariats et financements, Jean Lambert-wild répond aux questions de News Tank.


La classe préparatoire intégrée
« La classe préparatoire intégrée de L’Académie de l’Union fait partie d’une plateforme conçue par L’Académie de l’Union et le Théâtre de l’Union en collaboration avec le Centre Dramatique National de l’Océan Indien à la Réunion pour favoriser le développement et la circulation d’artistes dramatiques ultra-marins. » 


 Mai-juin 2018 : auditions du concours d’entrée pour classe préparatoire intégrée
un jury pour les Ultramarins de métropole
4 jurys pour la zone Caraïbe-Atlantique (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Pierre et Miquelon)
2 jurys pour la zone Océan Indien (La Réunion, Mayotte)
2 jurys pour la zone Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française)


10/09/2018 : rentrée de la classe préparatoire intégrée



Est-ce la première fois qu’une telle initiative est prise pour les étudiants en théâtre des outre-mer ?
Il serait arrogant de dire que rien n’a été fait auparavant. Il y a eu des tentatives de gens de bonne volonté, soit dans l’outre-mer, soit en métropole, par exemple pour monter quelque chose avec le Conservatoire d’Avignon ou le travail d’Anaïs Hébrard à Saint-Pierre et Miquelon. Mais il n’y avait pas de réflexion institutionnelle : on essayait de trouver des solutions pour répondre à une demande mais en bricolant un peu. Or je pense que le hasard de tous ne fait pas la condition de chacun. Il faut une approche institutionnelle.

On peut profiter enfin de toute la richesse, de toute la poésie, de toute la fureur théâtrale présente dans ces territoires. Il y avait un double problème. D’une part, l’organisation des écoles supérieures d’art dramatique fait qu’il faut une année probatoire. Dans beaucoup de territoires, il n’existe pas de conservatoire qui propose les formations requises et les jeunes des outre-mer doivent passer cette année en France métropolitaine.

D’autre part, il n’est pas tenu compte de la réalité sociologique des outre-mer. Comment peut-on imaginer qu’un jeune d’une famille très modeste qui passe son bac en Guyane puisse payer l’avion et s’installer pendant un an en France pour tenter l’entrée d’un Conservatoire et d’autres écoles ?

En mettant en place une classe préparatoire intégrée soutenue notamment par le ministère de la Culture, le ministère des Outre-mer et la Région Nouvelle-Aquitaine, nous pouvions relier toutes les bonnes volontés tout en trouvant une pertinence pour que les élèves disposent d’une bourse, que la Fondation Culture et Diversité les soutienne et leur fournisse de réelles conditions d’égalité. Outre que ce dispositif leur permet d’exercer leur volonté d’être acteurs, actrices ou peut-être metteurs en scène, on peut profiter enfin de toute la richesse, de toute la poésie, de toute la fureur théâtrale présente dans ces territoires.

Si l’on rapporte le nombre de candidats à la population du territoire, les concours qui ont eu lieu dans ces outre-mer présentent un ratio largement au-dessus d’un concours d’une école supérieure en métropole. Si on a 800 candidats au premier tour d’une école supérieure en France pour 60 millions de personnes vivant, le ratio est d’un candidat pour 75 000 personnes. Avec 18 candidats à La Réunion pour une population de 850 000 personnes, c’est un pour 47 000 habitants. Et il y a eu 14 candidats à Mayotte (250 000 habitants), 8 en Guyane (260 000 habitants), etc. Cela traduit la réalité oubliée de la richesse théâtrale et poétique des outre-mer.

Votre conscience des besoins des jeunes des outre-mer est-elle liée au fait que vous êtes né à La Réunion ?
J’étais directeur de la Comédie de Caen et une des raisons de ma candidature au théâtre de l’Union était le fait qu’il comprend l’Académie de l’Union, école d’art dramatique singulière puisqu’elle est la seule à être installée en milieu rural. En outre, avec les Francophonies en Limousin, il y a une certaine curiosité artistique pour les outre-mer.

Or, pour des raisons complexes, on voit de moins en moins de circulation d’œuvres et d’artistes issus des outre-mer alors que, dans la musique, le théâtre, le jazz, la danse, ils offrent une incroyable richesse. C’est comme s’il y avait un lien distendu, et je pense que c’est souvent lié à un déficit institutionnel.

Cette classe préparatoire pour les outre-mer doit aussi changer la nature pédagogique de notre école en y intégrant le multiculturalisme. Bien sûr, je suis créole mais je ne peux pas imaginer, à mon âge, que tout cela ne soit pas offert à tout le monde. Je sais que, dans les conditions d’une vie normale, je n’aurais jamais pu faire ce métier et devenir directeur d’un centre dramatique national - cela était tout bonnement impossible. De même, c’est la première fois de l’Histoire que deux jeunes Kanaks intègrent une école d’art dramatique, c’est la première fois qu’une jeune fille d’origine polynésienne intègre ce type de formation. Quel moyen avaient-elles de l’espérer ?

Qu’il y ait partout dans les outre-mer la possibilité d’une pratique théâtrale, c’est aussi un enjeu républicain. Tout le monde me disait que ce n’était pas possible et j’ai dû batailler. Quelqu’un m’a même dit que j’étais en train de créer un ghetto des outre-mer. J’ai répondu : « Est-ce que l’on fait des ghettos de métropolitains en mettant ensemble des Bretons, des Parisiens et des Normands dans la même classe ? » Je n’ai jamais entendu les créoles dire ce genre de chose.

La classe préparatoire n’est qu’un aspect du projet. Notre ambition est plus forte, partagée avec beaucoup d’opérateurs sur l’ensemble des outre-mer : il s’agit de construire une plateforme pour l’enseignement de l’art dramatique dédiée à l’outre-mer.

Nous ne ferons pas une classe préparatoire chaque année mais tous les deux ans, en relayant sur les territoires des besoins de formation qui ne sont pas les mêmes en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie ou en Guyane.

Cette classe préparatoire pour les outre-mer doit aussi changer la nature pédagogique de notre école en y intégrant le multiculturalisme. Les jeunes des outre-mer ne viennent pas se formater pour passer les concours des écoles d’art dramatique, il faut aussi qu’ils puissent défendre leurs réalités culturelles. C’est pourquoi il faut des enseignements et des enseignants issus des territoires : la comédienne guadeloupéenne Esther Myrtil, le dramaturge calédonien Pierre Gope, John Mairai qui vient travailler aussi avec le programme long de l’école sur l’art oratoire polynésien… Nous accueillons aussi Anaïs Hébrard pendant trois mois pour qu’elle puisse également se former, puisqu’elle est seule à œuvrer à Saint-Pierre et Miquelon. Il en sera régulièrement ainsi : des enseignants et des enseignements qui se croisent, et cela va changer la nature de l’école.

Je fais le pari qu’il y a une communauté ultramarine, et que cette communauté doit s’identifier autrement que dans un rapport bicéphale - mon territoire et la métropole. Notre force est que, malgré la diversité des outre-mer, malgré de petits antagonismes, il y a une énergie et une force incroyables quand on met en commun cette nature ultramarine - c’est-à-dire le monde.

C’est la grande victoire du Conservatoire artistique de la Polynésie française, par exemple : sur un territoire vaste comme l’Europe avec des différences importantes entre les arts traditionnels de chaque île, ils ont réussi à conserver une unité culturelle et à produire un travail remarquable. D’ailleurs, la danse polynésienne sera un passage obligatoire dans les exercices de nos élèves.

Cette classe n’a pas pour seul enjeu de passer les concours. J’ai pris la décision que, lorsque les cours seront terminés, nous puissions faire un spectacle de promotion, ce qui ne se fait pas en général dans une classe préparatoire. Paul Francesconi, jeune auteur réunionnais de 28 ans, écrit sur mesure pour la classe et ce spectacle, « Cargo », sera créé au théâtre de l’Union en juin 2019, puis au festival des écoles de théâtre public à l’Aquarium à Paris, grâce à la volonté de François Rancillac qui nous accueillera dans la seconde semaine de juillet. Puis nous espérons le reprendre à La Réunion et à Mayotte et, si on trouve des fonds, nous aimerions permettre à ces jeunes de présenter ce travail dans leur territoire d’origine, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie…

Du point de vue budgétaire et administratif, comment avez-vous construit ce projet ?
Il faut bien se souvenir qu’il ne sert à rien de former des gens si l’on ne crée pas des conditions d’emploi. Nous avons tout lancé en juin 2017. Le budget se construit en même temps que l’on avance parce que l’on ne pouvait plus tarder. Nous avons donc un soutien de 60 000 euros sur deux ans de la Fondation Culture et Diversité, car ce qui coûte le plus cher est de garantir aux jeunes de bonnes conditions d’études - le logement, les bourses, l’habillement d’hiver…

La Région Nouvelle-Aquitaine parraine vraiment ce projet, et nous en espérons 45 000 euros. Le soutien du ministère de la Culture se monte à 70 000 euros. Par plusieurs dispositifs, le ministère des Outre-mer prend en charge des billets d’avion ou des bourses d’étude mais les dotations ne sont pas encore complètement fixées. Il y a aussi des soutiens indirects par les DAC de Polynésie française ou de Mayotte, quelques aides privées comme Air Tahiti Nui…

Mais, au total, on ne dépassera pas la valeur d’un demi rond-point en métropole ! Un demi rond-point pour faire le tour du monde et permettre à une communauté ultramarine de se construire et de porter une vraie espérance sur tous ces territoires.

Je le répète : c’est un projet qui se construit toujours. Les dix élèves préparent les concours de l’ensemble des écoles d’art dramatique. Nous sommes en train de construire un partenariat très vivifiant avec le CNSAD de Paris grâce à la volonté de sa directrice Claire Lasne-Darcueil.

Et je suis en train de préparer la suite avec l’ensemble des référents locaux, de voir quelles actions sont nécessaires sur les territoires et comment les construire, comme le besoin de Mayotte de disposer d’une troupe universitaire.

En même temps, il faut bien se souvenir qu’il ne sert à rien de former des gens si l’on ne crée pas des conditions d’emploi. Cela implique de réfléchir à des programmes de production et de diffusion de certains spectacles - je pense par exemple à une production autour d’un texte de Pierre Gope qui aura lieu en Nouvelle-Calédonie et que nous serons heureux de présenter au théâtre de l’Union.

Est-ce un projet difficile à monter ?
Pourquoi, lorsque l’on parle de diversité aujourd’hui en France, on oublie systématiquement les outre-mer ? Quand on voit les difficultés des jeunes qui veulent faire du théâtre dans ces territoires, va-t-on toujours trouver une excuse pour ne pas agir ? On peut en avoir, évidemment - le temps, l’argent. Mais il faut créer les nécessités de l’action.

France 3 Nouvelle-Aquitaine, France Ô et les Chaînes Première se sont associées à ce programme pour réaliser un documentaire et un programme court qui seront diffusés à l’automne 2019. C’est la première fois, historiquement, qu’une station France 3 de métropole s’associe aux télévisions de l’outre-mer ! Et, puisque les auteurs dramatiques d’outre-mer sont de moins en moins édités, le Centre dramatique de l’Océan Indien, en collaboration avec les Solitaires Intempestifs, va éditer trois ou quatre auteurs par an pendant au moins cinq ans. Voici ce qu’apporte déjà ce projet.

Au début, on m’a dit que je n’arriverai jamais à fédérer tous les outre-mer autour d’un même projet. Preuve est faite que non. Et l’émotion de ces jeunes quand ils travaillent fait que l’on est mille fois récompensé.

Cela bouleverse aussi la représentation que les jeunes de la Séquence 9 de l’Académie de l’Union se font du monde. Et on se rend compte alors combien il est nécessaire que les jeunes que l’on forme n’aient pas seulement une représentation du monde guidée par la vision qu’ils ont d’eux-mêmes mais par une vision d’une communauté un peu plus large !

La question qu’il faut se poser est aussi pourquoi, lorsque l’on parle de diversité aujourd’hui en France, on oublie systématiquement les outre-mer. La chance unique que nous ayons en France est cette diversité. Elle est liée à une histoire qui n’est pas la plus simple au monde et dont nous ne pouvons pas toujours être entièrement fiers, mais qui est quand même une diversité totale - géographique, linguistique, culturelle, religieuse, sociale, poétique. Et cette incroyable diversité est encore trop souvent déniée.

 

 

Légende photo : Les élèves de la classe préparatoire intégrée dédiée aux outre-mer avec la Séquence 9 de l’Académie de l’Union. - © Thierry Laporte

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 10:55 AM
Scoop.it!

Une autre histoire du théâtre, à propos de "Lam Gods" de Milo Rau

Une autre histoire du théâtre, à propos de "Lam Gods" de Milo Rau | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Marie Sorbier dans I/O gazette 
25 octobre 2018 Article publié dans I/O daté du 02/11/2018


Le sacrifice de l’agneau est une périphrase issue du champ lexical catholique pour évoquer la mort de l’Innocent – le Christ dans la Bible – qui s’offre au monde pour effacer les péchés de chacun. C’est un acte d’amour fou pour les hommes, l’étape paroxysmique après la joue tendue. Ici, la gifle, c’est le nouveau directeur du théâtre de Gand qui nous la donne, et, comme pour marquer son territoire, il frappe fort mais avec les moyens du bord.

Car tout est local. Pour le cadre, il s’empare d’un des joyaux de la ville, le fameux tableau des frères Van Eyck « L’Agneau mystique », et lui donne naissance à nouveau urbi et orbi, en une sorte de diorama animé. Ce sont une vingtaine d’amateurs, sans compter les agneaux et les professionnels, qui ont glissé leur chemin de vie dans celui de leurs illustres aînés ; et il semble alors évident que saint Christophe prenne les traits d’un migrant, ou que la Vierge Marie devienne cette mère pleurant son fils parti en Syrie.

Un baptême à tiroirs donc, puisqu’il marque à la fois la rencontre de Milo Rau avec les habitants de sa ville d’accueil, la confrontation au plateau du manifeste qui accompagnait son arrivée et un questionnement toujours plus délicat sur les frontières du réel. Ses spectacles précédents ont souvent été les coups de poing des grands festivals du monde, pièces qui ne laissent pas indifférent, que ce soit par le sujet qu’elles empoignent (le génocide au Rwanda, l’affaire Dutroux ou encore le meurtre homophobe) ou par l’intelligence et la maîtrise de la mise en scène. Ce qui fascine à chaque proposition, c’est le maillage complexe et apparent de la machine théâtre qui se construit et de la réalité invitée sur scène.

« Lam Gods », ce pourrait être alors le précipité d’une vie humaine en vrai et en images, de la venue au monde (accouchement en live) à la sortie en beauté et en musique (mort en live), de l’innocence des chants d’enfant au témoignage masqué d’un djihadiste, de cet agneau bien sûr, tondu devant tous et sacrifié au quotidien pour que nous soyons repus mais, nous le savons bien, jamais tout à fait repentis.

D’une genèse à l’autre, que doit-on raconter ? Car malgré tous les stratagèmes utilisés pour refuser la narration traditionnelle, c’est à une fiction séculaire que nous assistons. Celle qui ne cesse, dans un cycle apparemment infini, de montrer les splendeurs et les misères de l’âme humaine. Mais, ici encore, Milo Rau joue sur un autre tableau. Ce n’est pas la moelle de l’histoire qu’il souhaite faire entendre, ce sont les protagonistes qu’il tente de sublimer pour les faire coller au réel. Comme les nouveaux Adam et Ève qui clôturent l’aventure, les refusés au casting, qui par la couleur de leur peau rejouent la boucle éternelle qui mène des origines aux lendemains. L’« actualisation » ou pire la « revisite » des œuvres patrimoniales sont des mots hideux qui cachent souvent une pauvreté à pleurer, mais le metteur en scène parvient à créer un genre à part, un genre à lui, un genre qui émeut et qui bouscule, un genre qui ne cède à rien de facile et qui, pourtant, laisse à tous une place. Ce sont finalement deux heures de théâtre qu’il offre comme, lui aussi, une déclaration d’amour à la terre qui l’accueille et aux hommes qui y habitent.

 

Marie Sorbier

 

Lam Gods 
Genre : Théâtre
Mise en scène Milo Rau
Lieu : NTGent

https://www.ntgent.be/nl/producties/lam-gods

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 8:02 AM
Scoop.it!

Entre Witkacy et Elizabeth Czerczuk, c’est l’amour polack

Entre Witkacy et Elizabeth Czerczuk, c’est l’amour polack | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog Balagan 26.10.2018

 

Du théâtre qu’elle a aménagé dans le 12eme arrondissement de Paris, une actrice, metteure en scène et chorégraphe polonaise a fait un antre où l’on croise les fantômes de Kantor, Grotowski ou Schulz mais d’abord celui de Stanislas Ignacy Witkiewicz dit Witkacy. La preuve par « Les Inassouvis ».


Paris compte désormais une nouvelle enclave polonaise. Tous les amoureux de la Pologne, de ses écrivains et de ses artistes, connaissent la librairie polonaise boulevard Saint-Germain, beaucoup aiment aussi aller fureter à la bibliothèque polonaise sur l’Île Saint louis, lieu chargé d’Histoire où l’on peut assister à des conférences ou encore voir l’exposition permanente et d’autres temporaires. Ils peuvent désormais venir respirer l’air du pays au TEC. Et tous les amoureux des arts du spectacle sont les bienvenus dans ce lieu peu ordinaire.

La reine Elizabeth et ses sept danseuses expressives

C’est un Théâtre comme le T du titre l’indique, fondé et dirigé par une créature made in Poland pur jus, EC,  Elizabeth Czerczuk. D’ailleurs le nom de cette créature -plus qu’une femme, c’est une créature en lévitation dans plusieurs époques-  se décline partout : sur les marches des escaliers et les palissades de son théâtre, sur les affiches. Elle est au centre de tout et le plus souvent des spectacles qu’elle met en scène et dont elle l’astre autour duquel tournent des étoiles, en particulier un chœur de sept danseuses (chiffre sacré des contes) formées (elle a aussi ouvert une école) ou transformés par elle en actrices expressives.

Des mannequins au garde à vous étrangement parés vous accueillent dans le couloir tenant lieu de hall de cet endroit plus proche de la maison hantée de fantômes que d’un impersonnel théâtre habituel. Deux affiches de Tadeusz Kantor (l’une de La classe morte, l’autre de Wielopole Wielopole) gardent le bar où la barmaid Anne-Cécile bat des cils en vous servant une excellent Corbières que son caviste favori vient de lui dénicher. A deux pas de là, tutoyant la nuit, se tient un jardin verdoyant où les fumeurs sont les bienvenus. C'est ainsi, que, degré par degré, on glisse hors du temps.

Alors, guidés par deux pompiers ou soldats rescapés des premières guerres du XXème siècle, après un arrêt devant une baignoire vide -objet récurent de bien des spectacles polonais-, on gagne le sous-sol sans fenêtres où, entre des murs noirs, un spectacle inspiré va vous aspirer : Les inassouvis.

Witkacy  artiste polonais à tout faire

Le titre fait référence à L’inassouvissement, l’un des grands romans du Polonais Stanislaw Ignacy Witkiewicz dit Witkacy aussi doué pour les romans, les essais, la peinture et la photographie que pour le théâtre. On doit la traduction d’une grande partie des ses œuvres à l’infatigable Alain Van Crugten (ouvrages parus à L’Age d’homme). L’Inassouvissement est un roman où Witkacy met beaucoup de sa vie tout en écrivant un roman d’anticipation où il prévoit, dans les années trente, que les Chinois seront un jour les maîtres du monde.

Dans ses Souvenirs de Pologne, texte écrit dans les année soixante, Witold Gombrowicz raconte que Bruno Schulz, Witkiewicz et lui formaient un groupe. Les deux autres ne sont plus là pour étayer ses dires. Witkiewicz se suicida en 1939, lors de l’invasion de la Pologne par les troupes russes et allemandes. Schulz sera tué en 1942 dans un rue, par la Gestapo, de deux balles dans la tête. Gombrowicz, après un long exil argentin, vécut en France où il mourut à Vence en 1969.

De ces trois auteurs, Witkiewicz est sans doute le moins connu en France où on le connaît (un peu) par son théâtre. En Pologne, sa notoriété n’est plus à faire. Ses œuvres peintes dont celles de sa fameuse firme des portraits sont exposées dans les musées, ses photographies dont bon nombre d’autoportraits cocasses ont fait l’objet de publication et son théâtre irrigue toute l’histoire du théâtre polonais depuis les années 50. La comparaison est un peu bancale mais on peut dire que Witkacy joua en Pologne un rôle semblable à celui d’Antonin Artaud en France. Tous deux, contemporains, ont écrit des essais sur le théâtre, dialoguant à distance sans se connaître.

Différence notable, Witkiewicz laisse derrière lui une foison de pièces de théâtre. Tadeusz Kantor a mis (librement) en scène plusieurs pièces dont Les cordonniers et La poule d’eau, l’un des premiers spectacles de Krystian Lupa entrait avec une fougue débridée dans Les pragmatistes, pièce sur laquelle Félix Guattari devait livrer quelques réflexions.

Une chorégraphie théâtralisée

Rien d’étonnant donc à ce que la polonaise Elzabeth Czerczuk réunisse en les refondant dans Les inassouvis trois de ses spectacles précédents (soit une représentation de trois heures avec deux entractes), chacun étant très librement inspiré par un texte de Witkiewicz et remodelé : Démentia Praecox 2.0 (d’après Le fou et la nonne), Matka (La mère) et Requiem pour les artistes. Figure récurrente de Witkiewicz et du spectacle , celle de la mère, incarnée par Elizabeth Czerczuk et dont les sept danseuses sont comme autant de variations et avatars. Elle fait face à des hommes improbables qui apparaissent comme des esclaves ou les mouches du coche. Les costumes, aussi magnifiques qu’extravagants, signés par la polonaise Joanna Jasko-Sroka ne sont pas pour rien dans le voyage dans le temps où nous entraîne Les inassouvis. 


Ce qui unit l’ensemble, c’est une chorégraphie théâtralisée, organisée en tableaux. Y sont récurrents le grotesque bricolé des costumes, les portes coulissantes, les parois pivotantes, les maquillages expressionnistes, les gestes d’automates désarticulés. On y croise aussi des accessoires surprenants comme ce pénis géant, semble-t-il directement inspiré par un dessin de Witkiewicz datant de 1931 et ainsi légendé « Eulalie préférant une certaine chose dans le style gothique à mort que de la donner à quelqu’un de plus capable dans certaines choses ». C’est peut-être plus encore dans les dessins et les peintures de son auteur fétiche que la metteure en scène Elizabeth Czerczuk s’inspire. Autre exemple, ce dessin d’un « défilé de masques sous-carnavalesque » datant de 1932 (voir Anna Micińska, Witkacy, la vie et l’œuvre, Éditions Interpress-Varsovie). Les mots ici sont presque superflus. Quand ils s’installent, ce qui arrive parfois, le charme s’étiole.

Kantor (dont sont citées les tables d’écolier de La classe morte) et Grotowski sont pour la directrice du TEC des phares qui l’éclairent, l’un pour le corps, l’autre pour l’espace, sans pour autant chercher à les imiter. « Je ne cherche pas à refaire du Grotowski ni du Kantor mais à inventer un théâtre physique et spirituel qui doit beaucoup à Marcel Marceau [dont elle fut l’élève] et à d’autres artistes dont j’ai eu le bonheur de croiser la trajectoire » explique-t-elle dans le second numéro de la revue publiée par le TEC.

Dans l’héritage décomplexé d’un théâtre gestuel polonais, celui de Józef Szajna (1922-2008) et celui de Henryk Tomaszewski (1919-2001), Elizabeth Czerczuk crée des ambiances à la fois étranges et désuètes, où l’éclairage et la musique originale (Sergio Cruz, Julian Julien et Karine Huet) jouent bien leur partition.

Chaque soir, avant d’entrer en scène, elle songe sans doute à réaliser ce voeu de Witkacy : « En sortant du théâtre, on doit avoir l’impression de s’éveiller de quelque sommeil bizarre, dans lequel les choses les plus ordinaires avaient le charme étrange, impénétrable et caractéristique du rêve et qui ne peut se comparer à rien d’autre ». Il est vrai que le théâtre gestuel du TEC, dans sa clôture et son confinement, ne ressemble à aucun autre.

Les inassouvis au TEC (20 rue Marsoulan, Paris 12e) ts les jeu et sam à 20h (sf les 1er, 2 et 9 déc), les dim 18 nov et 9 déc à 16h, le mar 11 déc à 20h dans le cadre du festival 12X12, jusqu’au 15 déc.

 
Scène de la trilogie "Les inassouvis" © dr
 

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 26, 2018 8:09 PM
Scoop.it!

"La Cerisaie Variations Chantées", autant de petites musiques qui, dans le plaisir, élaborent une harmonie

"La Cerisaie Variations Chantées", autant de petites musiques qui, dans le plaisir, élaborent une harmonie | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean Grapin dans Profession Spectacle 26.10.2018

 

La Cerisaie Variations Chantées", autant de petites musiques qui, dans le plaisir, élaborent une harmonie


 Théâtre de l'Epée de Bois, puis Théâtre de l'Atalante, Paris


Comment jouer la Cerisaie ? Cette pièce réaliste qu'Anton Tchékhov dépeint comme une comédie. Elle contient tous les ressorts du drame, finit en tragédie et pourtant délivre une sensation de joie de vivre. Comme un vaudeville bien tempéré. Susana Lastreto (et sa compagnie Grrr) propose dans "la Cerisaie, variations chantées" une forme libre et contemporaine.

Pleine de gaîté respectueuse. Qui joue à déchirer les illusions. Qui n'hésite pas dans ses variations à rendre des hommages discrets à de grands anciens comme Peter Brook (mais pas uniquement) et à mettre en avant le travail humble des comédiens en recherche d'expressions. En toute lisibilité scénique.

Cette "Cerisaie" affirme la réalité du plateau et sa théâtralité intègre des chansons contemporaines. Les actes sont reliés entre eux par des intermèdes à la fantaisie évidente.

De vraies fausses improvisations, des didascalies lues comme des commentaires, des interventions de l'auteur précisant ses intentions et affichant ses certitudes, des personnages qui se dédoublent, des acteurs qui endossent plusieurs personnages, des transitions qui esquissent des danses, des figements ou des glissements de temps, des chansons de "Variété" aimées des comédiens portées par les personnages : ce qui les signale comme immergés dans leur solitude mais les relie à l'imaginaire du spectateur.

Dans l'interprétation du texte les comédiens font montre d'un sens affiné du placement et de l'effet.

Ce faisant cette manière de théâtre est pertinente car elle rend tangible la partition individuelle de chaque personnage son intimité ainsi que les mouvements contradictoires de la pièce.

Le spectateur partage le goût du jeu, de l'enfance, de la villégiature heureuse, il assiste à la mise à nu, la montée à la ruine du domaine et de ses habitants, il accompagne un travail de plateau tout d'intensité intérieure et de gaîté communiquées.

Toutes les variations de l'humeur et du sentiment, de la remontée des souvenirs, du temps qui passe, du temps révolu, de la séparation définitive, jusqu'à l'antagonisme irréductible des destins sont montrées. Elles composent autant de petites musiques qui rejaillissent dans le plaisir des comédiens et des spectateurs et élaborent une harmonie.

Ce travail qui va à rebours de l'histoire narrée recoud les intimités. Et le spectateur feuillette avec bonheur un livre de famille à la croisée du théâtre qu'il aime.

"La Cerisaie Variations Chantées"

© Guy Chanel.
D'après Anton Tchekhov.
Adaptation, mise en scène et scénographie : Susana Lastreto.
Avec : Léon Bonnaffé, Hélène Hardouin, Marieva Jaime-Cortez, Nathalie Jeannet, Matila Malliarakis, Igor Oberg, Jean Pavageau, Solange Wotkiewicz.
Musiciens : Annabel de Courson, Jorge Migoya.
Musique originale : Annabel de Courson et Jorge Migoya.
Musique du répertoire : chansons françaises et du répertoire étranger.
Lumière : Antoine Duris.
Par la Cie GRRR.
Durée : 1 h 30.

Du 22 au 27 octobre 2018.
Du lundi au samedi à 20 h 30.
Théâtre de l'Epée de Bois, Cartoucherie, Paris 12e, 01 48 08 39 74.
>> epeedebois.com

Du 30 octobre au 4 novembre 2018.
Mardi, mercredi et vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19 h, dimanche à 17 h.
Théâtre de l'Atalante, Paris 18e, 01 46 06 11 90.
>> theatre-latalante.com

Vendredi 26 Octobre 2018

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 25, 2018 5:38 AM
Scoop.it!

Laïka, portrait caustique d’une humanité à la marge

Laïka, portrait caustique d’une humanité à la marge | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Olivier Fregaville-Gratian d'Amore dans  L'Oeil d'Olivier 24 octobre 2018 



Le débit est rapide, cadencé. Le verbe haut, acéré, incarné. Le propos lucide, poétique, engagé. En offrant une tribune aux déclassés de la société, aux prolétaires, à ceux qui sont en bas de l’échelle sociale, Ascanio Celestini, par le truchement de l’excellent et habité David Murgia, signe un spectacle coup de poing, un brûlot caustique, tendre, et donne un corps de chair et de sang à ceux de l’ombre. Incandescent !

Qui est-il ce jeune homme, à la tignasse brune, à laquelle silhouette chétive emprisonnée dans un pardessus noir qui investit la scène de la salle Jean Tardieu au théâtre du Rond-Point ? Un ange déchu ou un messie paumé. Difficile à dire, tant il incarne, tour à tour, une multitude de personnages, tous en marge d’une société qui refuse de voir le monde d’en bas. Du jeune SDF qui dort dans votre rue, que vous ne voyez pas et qui préfère noyer son triste quotidien dans le vin rouge, à la vieille dame généreuse, mais un peu trop bigote qui cherche ,en vain , dieu au cœur de la cité HLM, en passant par celle guère plus jeune dont le cerveau est complètement embrouillé, aux ouvriers noirs qui rêvent d’égalité, mais que d’autres vont remplacer, car moins contestataires, à la prostituée défraîchie qui offre un peu de chaleur aux déshérités de la terre, tout ce microcosme, encadré par des flics un brin susceptibles et enragés, donne de la voix et clame sa déshérence, sa réalité sombre.


De sa plume poétique, ciselée, Ascanio Celestini dépeint une vie de quartier défavorisé. Répétant certaines phrases, revenant en boucle sur certaines assertions pour mieux les faire entendre, rebondir sur d’autres, ancrant son récit dans une vérité palpable, tangible, il esquisse avec tendresse, empathie, le portrait mordant du prolétariat d’aujourd’hui, d’hier et de demain. Avec peu de décorum, quelques cageots de plastique empilés, quelques lampes posées çà et là, il entraîne le spectateur au plus près du cœur palpitant de ce peuple coincé entre un supermarché sinistre, un immeuble terne et une usine à l’arrêt. Avec beaucoup de subtilité, il tend à chacun un miroir qui offre une vision lucide, abrasive de ce que l’on est, de la société dans laquelle on vit. Loin des beaux quartiers, invoquant Dieu, le Che, Gandhi ou Stephen Hawkins, il offre un visage à ces humbles, ces « petites gens ». Sans pathos, ni sensiblerie, donnant à sa verve, à son verbe, un ton humain, empli d’amour, d’humour, il nous convie à une rencontre rare et bouleversante.

Pour marquer nos consciences, les faire réagir, il fallait un comédien d’une rare intensité, qui s’approprie magistralement ces propos, ces maux. C’est le Belge David Murgia qui s’y colle avec une dextérité rare, une profondeur touchante. Présence enflammée, ton ardent, vif, il se glisse dans la peau du narrateur ainsi que dans celle de tous ses personnages et leur donne une densité, une véracité. Accompagné à l’accordéon par le remarquable Maurice Blanchy, il vibre avec une sincérité troublante qui attrape, saisit.

Partant de l’histoire de Laïka, cette petite chienne, bâtarde envoyée dans l’espace pour tutoyer les étoiles, sans retour possible, qui donne son nom au spectacle, Ascanio Celestini signe un moment de théâtre rare, un spectacle engagé, enragé qui gêne aux entournures et oblige à regarder le monde dans son entièreté, l’humanité droit dans les yeux.

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Laïka d’Ascanio Celestini
Théâtre du Rond-Point – Salle Jean Tardieu
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Jusqu’au 10 novembre 2018
du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à15h30
durée 1h15

mise en scène de Ascanio Celestini
Traduction de Patrick Bebi
Avec David Murgia
Avec la voix d’Yolande Moreau
Accordéon : Maurice Blanchy
Composition musicale de Gianluca Casadei

 


Au Rond-Point, Asciano Celestini donne un visage aux humbles, à ceux qui vivent en lisière du monde © Stéphane Trapier

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 24, 2018 8:15 PM
Scoop.it!

Un génie insaisissable et kamikaze (à propos de Scapin par la Comédie-Française)

Un génie insaisissable et kamikaze (à propos de Scapin par la Comédie-Française) | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thierry Jallet dans Wanderersite 24.10.2018

 


Portant souvent le titre de  « Maison de Molière », la Comédie-Française met régulièrement à l’honneur les pièces du patron de la maison. Cela étant, Eric Ruf reconnaît lui-même qu’il « n’est jamais simple de monter Molière » et, même si « les acteurs de cette maison entretiennent avec ce répertoire (…) une proximité », il convient de reconnaître la gageure que recouvre pareil projet. Denis Podalydès a pourtant accepté de relever ce défi la saison dernière en mettant en scène Les Fourberies de Scapin. La pièce figurant au nombre des dernières écrites et jouées par l’auteur se caractérise par un retour aux origines de la comédie moliéresque où l’influence de la farce et des comédiens italiens en particulier ressurgit significativement. Même si elle ne rencontra que peu de succès du vivant de Molière, elle reste aujourd’hui l’une des plus connues du grand public. Sans doute, cela augmente-t-il le risque de se fourvoyer et de déplaire. Admettons aussi qu’il peut y a voir quelque chose de stimulant à constater la vivacité d’un tel classique. Wanderer était donc au théâtre des Célestins de Lyon pour assister à une représentation de la tournée reprise cette saison.


« Parola non trova, parola non trova… » Plus de mots, la chanson s’achève. Scapin émet un sifflement aussi aigu que bref et disparaît dans les dessous de scène, sautant par la trappe qui avait permis son entrée au début de la représentation. C’est qu’il n’a plus rien à dire, la machine est jouée, le spectacle est terminé. Libre, il peut se retirer alors qu’il se trouve au sommet de son art, sous les applaudissements instantanément nourris du public des Célestins. Car c’est bien de  son art dont il est question ici. Plus qu’un simple ressort théâtral, sa fourberie est précisément le sujet qu’a souhaité développer Denis Podalydès en s’appuyant sur une solide réflexion à la fois dramaturgique et philosophique pour faire ressortir la singularité de ce personnage qui, selon l’étymologie de son nom, s’échappe – nous échappe continuellement peut‐être ?

Benjamin Lavernhe qui campe avec maestria le célèbre valet apporte un éclairage sur son entrée en scène au début de la pièce. Pour le jeune pensionnaire de la Comédie‐Française, Scapin « a besoin des autres, du regard des autres (…) c’est pour cela que cela parle de l’acteur (…) Et il n’existe que par son art. » Ainsi, il confirme la dimension aussi méta‐théâtrale que métaphysique que recèle la pièce. Dans la première scène de l’acte I, affranchi de toute contrainte, ad hoc il surgit par cette ingénieuse trappe, entendant les plaintes d’Octave. Comme naissant du théâtre lui‐même. S’extirpant de l’orifice, on le découvre avec surprise et amusement dans le plus simple appareil. Parce que Denis Podalydès souhaitait initialement qu’il vienne de la mer. Parce que c’est aussi un moyen sans doute de montrer l’acteur nu sur le point de revêtir les oripeaux de son personnage.

Au‐delà de la simple mise en abyme, arrêtons‐nous sur les choix qui ont efficacement permis l’enluminure des galanteries ingénieuses de Scapin. La scène est à Naples, comme l’indique la didascalie liminaire. Et l’éclatante scénographie d’Eric Ruf en propose une vision assez novatrice, tout en verticalité. En effet, à l’opposé de Scapin, les autres personnages arrivent par un échafaudage qu’ils descendent, entrant ainsi « par en haut ». Et chacun nous entraîne vers la scène, en plongée. On « s’aventure dans des bouges du port, les culs de basse‐fosse et les lieux interlopes de docks au commerce illicite » comme l’indique Eric Ruf dans sa note d’intention. Le spectateur découvre ainsi un espace s’apparentant à un môle quelque peu abandonné, entre structures métalliques et palissades, poulies et filets disposés ça et là,  laissant apparaître dans un interstice étroit, une plage tout aussi étroite. Dès le début de l’acte II, cette dernière ouvre sur un imposant panneau représentant un tableau coloré d’Auguste Mayer intitulé Scène de la bataille de Trafalgar descendu avec force fracas, ce vacarme reproduisant celui des activités portuaires. Image d’un monde au‐dessus de celui du plateau, devenu le niveau plaisamment limbesque où Scapin va régner en maître pour venir en aide à ceux qui ont besoin de lui.

Les premiers d’entre eux sont les fils, Octave et Léandre, tombés amoureux et vivant clandestinement leurs relations avec leurs bien‐aimées, sans se préoccuper jusque‐là de leurs pères, Argante et Géronte, retenus à distance. Mais les voilà de retour. Et les fils redeviennent des enfants : vulnérables, sans défense contre la violence paternelle autoritaire. Ce sont justement les gémissements d’Octave – convaincant Birane Ba – qui attirent l’attention de Scapin. En bon ouvrier de ressorts et d’intrigue, le valet va alors mettre son talent au service du jeune homme, lui faisant répéter son rôle face à son père – sans grand succès – dans une scène extraordinaire de théâtre dans le théâtre, dynamique et drôle en diable. Il y a dans le jeu de Benjamin Lavernhe quelque chose qui évoque presque le surnaturel de la fiction, tant le Scapin qu’il campe a quelque chose d’un personnage follet. Un djinn napolitain se déchaînant sur scène !

Sous le regard admiratif de Silvestre, le valet inverse, Scapin bondit, monte sur la palissade, en redescend aussitôt, réfléchit, organise, s’agite en tous sens, suivant une rythmique paradoxalement très précise : celle du fourbe, aigrefin manipulateur et facétieux, usant des pouvoirs illimités de la parole maîtrisée.

Pourtant, sa condition de valet se rappelle douloureusement à lui quand Léandre – Jean Chevalier – pensant avoir été trompé, le menace dangereusement et l’oblige à la faveur du quiproquo à avouer ses précédents méfaits. Dans cette scène mouvementée où le maître tente de noyer le serviteur, c’est finalement Carle qui renverse opportunément le rapport de forces en annonçant que Zerbinette est retenue prisonnière. Il n’en faut pas plus à Scapin pour reprendre le dessus sur les deux jeunes maîtres réduits à le supplier à genoux, au pied de la palissade à la cime de laquelle il triomphe une fois encore, s’adressant d’un ton ferme à l’un, repoussant négligemment la tête de l’autre. C’est que le monde de Scapin est littéralement à l’envers. Certes la tradition de la comédie moliéresque a vu de nombreux valets et servantes, impertinents au verbe haut. La mise en scène de Denis Podalydès souligne à quel point Scapin les surpasse tous, devenant littéralement maître à la place des maîtres.

Dans une démarche guerrière, ourdissant sa machine, il attend les pères rendus furieux, debout face au public, la tête haute, en héros majestueux. Et son art fait le reste pour leur soutirer leur argent. Le sympathique Argante qu’interprète Gilles David ne reconnaîtra pas le grossier Silvestre – désopilant Bakary Sangaré sous un masque grotesque en mailles rouge vif – qui joue le frère belliqueux de la jeune épouse d’Octave, suivant  les indications de son maître de comédie : Scapin lui‐même. Au comble d’une frayeur aussi incroyable que ridicule, Argante finit tremblant la tête dans un seau. Le public jubile, de connivence avec l’aimable gredin qui anime cette « folle journée ».

Ne taisons pas la place du rire dans la pièce, très largement respectée ici. Relevant autant de la transgression farcesque – avec par exemple l’utilisation des crustacés en plastique mis dans la culotte de Scapin par Léandre – que des lazzi de la commedia dell’arte, ces Fourberies provoquent les éclats du public avec grande efficacité. Sans doute la fameuse scène du sac, mise en œuvre par un Scapin assoiffé de vengeance contre le père de Léandre, en est la plus criante illustration. Le travail scénographique est particulièrement réussi avec l’utilisation du bras articulé dans la tour sur scène qui permet manuellement de soulever le sac. Benjamin Lavernhe est fascinant tant il paraît littéralement ensorcelé en jouant le valet qui contrefait voix et accents, gesticule, cabriole sans retenue afin de rudoyer Géronte. Ce dernier formidablement interprété par Didier Sandre, se retrouve ensanglanté, poussé à l’agonie à la fois par les coups reçus que par la découverte de la tromperie dont il a été victime. Après que Scapin s’est échappé une fois de plus, le vieillard ridiculisé a à peine le temps de panser ses plaies dans la scène suivante qu’il se retrouve sous les moqueries de la rieuse Zerbinette – Elise Lhomeau –  écho sur scène de nos propres rires.

La comédie s’achève par le  dénouement‐coup de théâtre attendu : les pères reconnaissent les filles, acceptent les noces des deux couples de jeunes amoureux enfin au grand jour. Tout est bien qui finit bien, si ce n’est le sort de Scapin revenu au rang de subalterne et exposé aux représailles de Géronte voulant qu’il « lui fasse raison de la pièce qu’il [lui] a jouée ». Dans une ultime entreprise hasardeuse, baroud d’honneur du serviteur condamné, il joue au sens propre du terme son va‐tout en mettant en scène sa propre agonie, atteignant peut‐être de cette façon le point culminant de son talent d’histrion, entouré de tous, dans un ballet où maître et valet, agrippés l’un à l’autre s’agitent une dernière fois. Avant le temps du pardon qui advient. Avant la sortie de tous par le haut de l’échafaudage, jetant un dernier regard vers Scapin achevant sur les notes de son requinto. « Parola non trova, parola non trova… »

C’est donc une mise en scène révélant la vigueur de la pièce dans le répertoire moliéresque qui est portée par la troupe de la Comédie‐Française. Le personnage principal dont la complexité apparaît avec netteté, y prend même les faux airs d’un authentique héros épique. Il y a en effet quelque chose d’Ulysse dans ce Scapin plein de mètis dans la proposition de Denis Podalydès. Pour autant, il n’en reste pas moins humain. Comédien autant qu’amateur de comédie. Rieur parmi les rieurs que nous sommes.

 

Légende photo 
Argante (Gilles David), Scapin (Benjamin Lavernhe) et Sylvestre (Bakary Sangaré) Crédit photo : © Christophe Raynaud de Lage

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 24, 2018 1:32 PM
Scoop.it!

Un vrai théâtre politique (A propos de "Laïka" et de "La Guerre des salamandres")

Un vrai théâtre politique (A propos de "Laïka" et de "La Guerre des salamandres") | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Un vrai théâtre politique
par Monique Le Roux dans "En attendant Nadeau" 22 octobre 2018

 


Il y a encore place pour un vrai théâtre politique : au Rond-Point, David Murgia interprète Laïka, pièce écrite et mise en scène par Ascanio Celestini ; à la Maison des métallos, le spectacle de Robin Renucci, La Guerre des salamandres, adapté du roman de Karel Čapek par Evelyne Loew, fait halte, au cours d’une longue tournée.
Ascanio Celestini, Laïka. Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 10 novembre 2018
La guerre des salamandres. D’après Karel Čapek. Mise en scène de Robin Renucci. La Maison des métallos jusqu’au 28 octobre, tournée jusqu’au 29 mars 2019.
Au Rond-Point, sur le plateau exigu de la salle Jean Tardieu, un homme, David Murgia, en tenue de ville, costume noir et pull rouge, s’avance vers le public, au milieu de lampes de chevet en demi-cercle. À l’arrière-plan, comme à l’intérieur d’un petit théâtre encadré d’un rideau rouge, un accordéoniste, Maurice Blanchy est assis sur des caisses ; l’une d’elles va parfois servir de siège à l’interprète, le plus souvent debout dans son adresse aux spectateurs. Ceux-ci pourraient être les clients d’un bar en banlieue, auxquels le jeune homme raconte, de verre en verre, ce qui se passe à l’extérieur, dans l’immeuble en face, ce qui sans lui resterait inaperçu. À la fin de la journée, il continue de raconter à son colocataire, Pierre, qui pendant ce temps a fait les courses au supermarché. Maurice Blanchy incarne ce personnage, mais ne s’exprime que par son accordéon. Ses répliques sont prêtées à la voix de la grande Yolande Moreau et cette dissociation confère une résonance singulière aux propos les plus prosaïques.

L’habitué du bar fait lui-même partie de ces laissés pour compte de la périphérie, près du supermarché, de son parking et de son entrepôt. Mais il passe sa journée à donner la parole à ceux qui ne le prennent pas : le clochard, la prostituée, « la vieille au cerveau embrouillé »… Il les sort de leur présent réifié ; il rappelle par exemple le licenciement du manutentionnaire devenu ce clochard sous ses cartons. David Murgia désigne parfois, par un geste vers le fond du plateau, cet entrepôt où d’autres manutentionnaires africains font grève : manière d’insérer le microcosme du bar dans un ensemble plus vaste. Mais il limite sa gestuelle au bénéfice d’une intensité de l’adresse. Il se livre à des variations sur le texte, parfois répété à plusieurs reprises : sur la voûte céleste qui s’affaisse, qu’une main seule ne parvient pas à arrêter, sur la petite Laïka, emportée le 3 novembre 1957 à 2 h 30 du matin par le Spoutnik 2 du cosmodrome de Baïkonour : « L’être vivant le plus proche de Dieu était un chien. » Il évoque ainsi avec une grande douceur cet animal sacrifié, qui donne son nom à la pièce. Il change de registre pour la prostituée qui propose gratuitement ses services une fois par mois, comme les musées, qui fait brûler des pneus pour se réchauffer et en retrouve l’odeur imprégnée sur sa peau. Il fait parler la vieille femme dans un appareil imaginaire : « Mon fils est gentil, il est mort, il travaille en anglais au téléphone ». Mais toujours il suscite le rire aussi bien que l’émotion.


Ascanio Celestini dans « Appunti per un film sulla lotta di classe » au Teatro della Corte de Genève en 2007

Laïka a été créé en janvier 2017 au Festival de Liège, qui a, de longue date, contribué à la reconnaissance de l’artiste en dehors de son pays. La Belgique a accueilli aussi bien les spectacles en italien, interprétés par Ascanio Celestini lui-même, qu’en français par David Murgia, ou à double voix par Ascanio Celestini et Patrick Bebi, fils d’immigrés venus d’Ombrie en Wallonie, traducteur de Laïka. L’écrivain et l’interprète ont commencé leur collaboration avec Discours à la nation, présenté en 2015 au Rond-Point. Ils amorcent avec la pièce actuellement présentée une «  trilogie des bars », consacrée aux victimes invisibles du système. Souvent Ascanio Celestini enquête, mais il ne se contente pas du rendu des témoignages. Il procède toujours à une réécriture, à la construction d’un point de vue explicitement politique. Il pourrait se revendiquer du « théâtre de parole » de Pier Paolo Pasolini, qu’il admire. Il se situe dans la lignée de Dario Fo, de ce « théâtre-récit » italien, dont un autre bel exemple est donné actuellement avec Galilée, le mécano de Marco Paolini à la Reine Blanche (jusqu’au 28 octobre).

On souhaiterait qu’un spectacle aussi fort que Laïka puisse être vu par un public beaucoup plus large que celui du Théâtre du Rond-Point. C’est le cas de La Guerre des salamandres qui bénéficie d’une longue tournée, conformément à la vocation du Centre dramatique national itinérant dirigé par Robin Renucci, les Tréteaux de France. Le spectacle a été crée en juillet 2018 à Villeneuve en scène, pendant le Festival d’Avignon, sur l’autre rive du Rhône. Il n’est programmé qu’une dizaine de jours à Paris, à la Maison des métallos. Mais il va circuler de grandes salles, comme le TAP à Poitiers, en petits lieux, contraignants pour la conception de la scénographie. À la différence d’autres metteurs en scène, lancés, semble-t-il, dans une surenchère quant à la longueur des représentations (parfois sans entracte), Robin Renucci prend en compte la fatigue éventuelle des spectateurs, après une journée de travail, et la capacité d’attention du jeune public, à partir de dix ans. Il ne souhaitait pas excéder une durée d’environ une heure quarante-cinq et une distribution de sept comédiens.

Sa collaboratrice, la dramaturge Evelyne Loew, a accompli une véritable performance, en adaptant le roman de plus de trois cent trente pages, à partir de la traduction de Claudia Ancelot (Éditions La Baconnière, 2012). Elle a aussi réduit le nombre de personnages, même si les interprètes, certains permanents au Centre dramatique, entraînés aux contraintes des tournées, savent avec virtuosité passer d’un rôle à l’autre. Robin Renucci a choisi La Guerre des salamandres pour clore un cycle consacré, de 2015 à 2018, au même thème : « le travail, la richesse et la création de la valeur ». Le dérangement climatique ajoute une dimension prémonitoire à la dystopie de 1936, soulignée dans le programme : « L’esclavage auquel conduit la cupidité des hommes dans un capitalisme sans frein est au centre de l’œuvre où l’on peut lire aussi une fable écologique. » Mais fidèle à son choix de faire confiance à l’intelligence de son public, il n’a pas cédé à la tentation de l’actualisation ; ainsi l’inventivité anticipatrice de l’écrivain tchèque peut s’apprécier mieux encore.


© Jean-Christophe Bardot

Le Capitaine du Kandong-Bandong, Van Toch, a découvert sur une île lointaine de petits êtres jusque là inconnus, qui lui ont offert des perles, à qui il a donné des couteaux pour se défendre des requins. De retour à Prague, il cherche à financer sa prochaine expédition vers ses protégés. Par l’entremise de deux journalistes, il fait la connaissance d’un capitaine d’industrie, intéressé par le projet. L’industriel Bondy était déjà présent dans un précédent roman de Karel Čapek, La fabrique d’absolu (1922), ce qui est évoqué dans l’adaptation. Au delà du commerce des perles, il va vite imaginer l’exploitation de ces salamandres très prolifiques et très travailleuses, à qui de surcroît le capitaine a appris à parler. Après la mort du vieil homme, il crée une multinationale, le Salamander Syndicate : « Nous allons vendre nos salamandres à quiconque aura besoin de main-d’œuvre sous-marine. Ce sera ensuite un jeu d’enfant pour les entreprises d’amortir l’investissement. » (L’Avant-scène théâtre, décembre 2018, N° 1453-1454). Mais traitées quasiment comme des esclaves, les salamandres finissent par se révolter. Malgré une conférence internationale, les négociations avec Chief-Salmander « chef autoproclamé de toutes les salamandres du monde », des continents se retrouvent submergés. Dans le dernier chapitre du roman, l’auteur, en discussion avec lui-même, écrivait : « J’ai fait ce que je pouvais ; j’ai mis les hommes en garde, quand il était encore temps. »

Evelyne Loew a conçu son adaptation, en pensant aux membres de la troupe : Judith d’Aleazzo, Henri Payet ou Gilbert Epron, Solenn Goix, Julien Leonelli, Sylvain Méallet, Julien Renon, Chani Sabaty. Elle a dû imaginer des rôles pour les trois actrices. Par exemple elle a fait des deux journalistes masculins, un homme et une femme, un couple perturbé par leurs relations privées. Elle a créé des personnages de serveuses dans le petit café de Prague fréquenté par le capitaine. Elle les fait réapparaître sur l’île, dans le même numéro, mais en version exotique. Ces scènes de pur divertissement semblent de prime abord installer le spectacle dans un registre inattendu par rapport au roman. Mais Judith d’Aleazzo va vite passer du rôle de la serveuse à celui d’une femme porteuse des interrogations sur le sort réservé aux salamandres : « quand on devient insensible à la souffrance, c’est dangereux, et c’est très dangereux pour tout le monde. » Progressivement le spectacle permet de retrouver les véritables enjeux, que le journaliste Julian affronte les traders à propos des conditions de transport des salamandres et dénonce « les complices du sale trafic » ou que les actionnaires en chœur se disputent les parts d’un « marché fabuleux ». Et la perplexité initiale laisse place à la pleine adhésion à une performance autre que celle de l’adaptation, celle de sa représentation, dans l’espace scénique de Samuel Poncet, de la table d’un conseil d’administration à l’intimité d’un foyer autour d’une TSF des années 30, d’une plage idyllique à la paroi d’un aquarium où se laisseraient deviner des salamandres.

Monique Le Roux

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 24, 2018 7:50 AM
Scoop.it!

Va voir là-bas si j’y suis ! - Danse / Un projet de Thierry Thieû Niang

Va voir là-bas si j’y suis ! - Danse / Un projet de Thierry Thieû Niang | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Nathalie Yokel dans La Terrasse 22.10.2018

Musée national de l’histoire de l’immigration / chor. Thierry Thieû Niang



Thierry Thieû Niang a le sens de la rencontre : en témoigne cette création au Musée de l’histoire de l’immigration dans le cadre du festival Visions d’exil / l’atelier des artistes en exil, et de l’exposition Persona non grata.

« Je travaille avec dix artistes exilés, d’abord repérés par différentes associations et par l’Atelier des artistes en exil qui accueille une centaine de musiciens, plasticiens, écrivains… Tous les matins, ils prennent des cours de français, et il y a des avocats qui les aident dans leurs démarches. Il y a aussi toute une solidarité du milieu artistique pour qu’ils puissent, l’après-midi, continuer à travailler leur métier, dans des écoles d’art, des conservatoires, des associations. Pour qu’ils soient – comme avec moi pour ces jeunes danseurs – accompagnés dans un processus professionnel. Très vite, je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas que je les laisse entre eux, parce qu’ils le sont tout le temps. Ils sont avant tout des danseurs, venant de différents pays, de l’Ukraine à la Syrie, en passant par le Mali, le Burkina Faso, l’Egypte, avec des danses très différentes. Je suis au cœur de cette aventure et c’est comme si c’était moi l’étranger. Je me retrouve en tant que danseur et chorégraphe, connaisseur de l’histoire de la danse et de l’art, à chercher des points de vue, des dramaturgies, des centres de travail, pour trouver à un moment donné un geste commun. Un geste poétique qui rassemble et en même temps laisse la singularité de chacun.

Raconter quelque chose de l’universalité

Dans le processus, j’ai donc eu envie d’inviter d’autres artistes professionnels, reconnus comme Anne Alvaro, ou qui le sont moins, comme le danseur Lucien Morineau dont je suis le parrain artistique. Je me suis demandé ce qui pouvait les relier de façon sensible, et j’ai eu le souvenir des enfants de Saint-Denis avec qui j’ai beaucoup travaillé, dont certains sont enfants ou petits-enfants de migrants. Leur présence a été magique parce qu’elle a, non pas unifié, mais lié les danses entre elles, là où j’étais encore en question pour ne pas faire un catalogue où chacun aurait son solo particulier. Comment raconter quelque chose de l’universalité, du décloisonnement, de la déculpabilisation par rapport à la culture institutionnelle, française ? L’idée est de démêler tout ça pour que ce soit un instant joyeux, qui questionne la ou plutôt les cultures par le biais de la jeunesse d’aujourd’hui, métissée et plurielle, dans une transmission horizontale. »



Propos recueillis par Nathalie Yokel


A VENIR NOTRE NUMERO DE NOVEMBRE A paraître le 6/11.
Le 22 octobre 04:10

A propos de l'événement
Va voir là-bas si j’y suis !
du Vendredi 2 novembre 2018 au Samedi 3 novembre 2018
Musée national de l’histoire de l’immigration
293 avenue Daumesnil, 75012 Paris

Les 2 novembre 2018 à 19h et le 3 à 16h. Tél. : 01 53 59 58 66.

 

Reprise le 3 février 2019 au Mac Val de Vitry-sur-Seine.

 

Photo : Thierry Thieû Niang / Crédit : © Vincent Josse

 
No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 23, 2018 6:13 PM
Scoop.it!

Al Pacino, un Américain à Paris

Al Pacino, un Américain à Paris | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 Par Eloise Sibony dans Les Echos  | Le 23/10/2018



Le Théâtre de Paris a invité un des plus grands acteurs de sa génération pour deux dates exceptionnelles, les 22 et 23 octobre. Pour sa première, lundi, Al Pacino a mêlé auto-dérision, confidences, anecdotes et a ravi son public pendant 2h30.
« Theatre saved my life » (« Le théâtre a sauvé ma vie ») ont été les premiers mots prononcés par l'acteur lundi soir. Après une vidéo résumant ses meilleurs rôles, Al Pacino arrive sur la scène du théâtre de Paris sous un tonnerre d'applaudissement. Accompagné de Léa Salamé, qui a ponctué de questions son récit de vie, Al Pacino a comblé son public. La voix a mûri, le corps a pris de l'âge, mais la gestuelle et le charisme sont restés intacts. A 78 ans le comédien se montre vif et plus bavard que jamais.


A peine le show entamé, le moulin a parole est lancé. Généreux dans ses anecdotes, l'acteur raconte comment il a incarné l'immense Michael Corleone, Frank Serpico, Tony Montana, Sonny Wortzik, Richard III... Al Pacino a eu autant de rôles cultes que d'anecdotes à distiller et il ne s'en prive pas. En interaction permanente avec le public, il retrace sa vie de cinéma : ses années en colocation avec Martin Sheen, sa rencontre avec Francis Ford Coppola, le jour où il a refusé le rôle d'Hans Solo dans « Star Wars », sa relation avec son mentor Charles Laughton... il est intarissable.

RUNNING GAGS
Son récit ne se cantonne pas à sa carrière d'acteur. Elevé par ses grands-parents, sa mère et sa tante, Al Pacino joue et narre sa vie. Il ne tient pas en place, incapable de rester assis sur sa chaise, le voilà qui mime sa grand-mère entrain de lui donner à manger, ses premières auditions ou sa peur panique de prendre l'avion, véritable running gag tout au long du spectacle. Hilarant et bouleversant à la fois, l'acteur met en scène sa vie jonglant d'une histoire à l'autre, lui faisant oublier la plupart du temps la question initiale (autre running gag).

Arrive enfin son moment préféré : il est temps d'échanger réellement avec le public. Al Pacino répond aux questions des spectateurs enchantés. Interpellé par une femme dont le fils, fan absolu de « Scarface », tombé dans la drogue est décédé, Al Pacino, les larmes aux yeux, se lance dans un discours contrit sur les méfaits de la drogue. Le ton ne reste pas grave très longtemps et le voilà relancé cette fois-ci dans le rôle du professeur d'Art dramatique, expliquant à deux jeunes comédiens curieux, comment se faire remarquer dans le milieu.

C'est enfin seul en scène que l'acteur renaît totalement. Passionné par Oscar Wilde depuis ses plus jeunes années, Al Pacino interprète un extrait de « De Profundis », le texte de l'écrivain britannique homosexuel écrit en prison. Le comédien livre une performance inoubliable. Tragique et majestueux.


AN EVENING WITH AL PACINO
Au Théâtre de Paris

les 22 et 23 octobre, 2 h 30. Complet

 

Légende photo Hilarant et bouleversant à la fois, Al Pacino met en scène sa vie © Chris Pizzello/AP/SIPA

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 5:00 AM
Scoop.it!

François Delarozière, un enchanteur à Toulouse

François Delarozière, un enchanteur à Toulouse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot  dans Le Figaro  26/10/2018 

Début novembre, le créateur des Machines de l'île, à Nantes, fera vibrer le cœur de la Ville rose avec une araignée géante et un Minotaure. Aperçu.

La lune, pleine ce soir-là, semble éclairer la scène incroyable. Loin de Toulouse, dans un lieu à l'écart des foules, François Delarozière dirige les opérations nocturnes. Les répétitions de l'extraordinaire spectacle intitulé Le Gardien du temple, que sa compagnie, La Machine, va offrir à Toulouse du 1er au 4 novembre pour marquer l'installation d'un certain nombre de ses créations dans une halle immense, édifiée spécialement, dans un quartier en devenir de la Ville rose. François Delarozière ne quitte pas l'île de Nantes où demeurent bureaux de conception, ateliers de construction et où sont présentées un certain nombre de sculptures vivantes et autres inventions.

Double événement ces jours-ci: le spectacle et l'inauguration de la Halle de la Machine. Un magnifique bâtiment de verre, d'acier, de bois, posé en bordure d'un lieu sacré: la piste de l'Aéropostale où, avec l'ingénieur Latécoère, les légendes, Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry, notamment, s'envolaient. Leurs visages sont peints sur les palissades qui ferment une partie du site, château et ateliers de montage, en cours de réhabilitation tandis qu'au loin poussent les immeubles d'habitation ou de bureaux d'un quartier en devenir sous la direction de l'urbaniste David Mangin.

Musiciens dans des nacelles
La Halle a été dessinée et édifiée par Patrick Arotcharen. Elle est à l'échelle des machines, des créatures, des personnages qu'elle abritera et que le public pourra découvrir à partir du 9 novembre. Lumineuse, légère d'apparence, avec son auvent, ses fins piliers qui soutiennent un toit en plans inclinés, elle sert actuellement à la préparation du Gardien du temple. Atelier des costumes de Gaëlle Choveau pour les comédiens machinistes qui accompagneront le voyage de l'araignée géante, Ariane, et de son ami Astérion, le Minotaure, dans le dédale des rues du cœur de Toulouse. Les visiteurs pourront faire des promenades sur le dos de ces «personnages» à partir de l'ouverture, le 11 novembre.

Revenons au 24 octobre, nuit de pleine lune. Haute dans le ciel, elle semble s'inscrire entre les cornes d'Astérion. Les astrologues vous le diraient: cette lune est justement en Taureau… Une centaine de personnes, hommes et femmes, sont sur le pont, minuscules à côté de l'araignée géante et du Minotaure. L'air est aussi doux qu'au centre de la Crète où naquit, selon le mythe grec, Astérion, fils de Pasiphaé et d'un taureau blanc. Homme à tête de taureau enfermé dans le labyrinthe de Dédale qui s'en échappa en s'envolant. Dans la capitale française de l'aviation, alors que l'on aperçoit parfois le monumental Béluga d'Airbus dans le ciel bleu d'automne, tout fait donc sens…

Lumière, fumée, son, musique, tout est orchestré au millimètre, au soupir près

François Delarozière a inventé l'histoire du Gardien du temple pour Toulouse. Il a donné au spectacle la structure d'une pièce de théâtre. Un prologue, le 1er novembre au matin et toute la journée, avec apparition des protagonistes, et un premier acte, la nuit venue. Le lendemain, 2 novembre, trois scènes différentes pour l'acte II. Samedi 3, acte III en trois scènes, puis, dimanche 4, guidé par Ariane/l'araignée géante, Astérion trouvera le temple… Tout ce scénario est raconté dans un petit livret distribué aux Toulousains ces jours-ci. Il est illustré de dessins de Stephan Muntaner. Pas de photos. François Delarozière rêve d'une surprise totale… Les affiches disséminées dans la ville laissent deviner la silhouette du Minotaure. Mais rien de plus.

Le 24 octobre, c'est la scène 3 de l'acte II qui était répétée. Astérion, fatigué, s'est endormi. Ariane/l'araignée va le réveiller. Spectacle total, Le Gardien du temple est accompagné d'une composition musicale de Mino Malan interprétée par une quinzaine de musiciens qui sont installés dans des nacelles accrochées très haut au-dessus des chariots. C'est superbe. Un jeune ténor, Paul Crémazy, chante, inlassable. Autre artiste indissociable des créations de La Machine, Polo Loridant, le magicien des effets spéciaux. Mais ici, chacun compte. Chacun a une tâche bien précise à effectuer pour assurer la représentation dans sa fluidité et dans la sécurité indispensable. Lumière, fumée, son, musique, tout est orchestré au millimètre, au soupir près. L'araignée est connue. Elle a même voyagé au loin. Les Anglais de Liverpool l'ont nommée «The Princess».

Assises au pied de son torse, deux jeunes femmes actionnent les bras du géant simplement en faisant les gestes avec leurs propres membres

Ici, elle est donc Ariane. Avec ses dix hautes pattes, son corps oblong, elle ne fait pas peur parce qu'elle se déplace d'une manière harmonieuse et possède une face bienveillante. Elle a une petite sœur qui, pour l'heure, dort au loin, sous la Halle. Astérion, lui, personne ne le connaît encore. Il est splendide. Sous l'autorité de l'ingénieur Yves Rollot, le taureau-homme se meut avec une souplesse hallucinante. Il possède un exosquelette.

Assises au pied de son torse, deux jeunes femmes actionnent les bras du géant simplement en faisant les gestes avec leurs propres membres. François Delarozière l'a dessiné et des sculpteurs, des peintres, ont fignolé les détails de son corps hybride. Il est grand. Très grand. Douze mètres et quatorze lorsqu'il se cabre… Car s'il a des épaules, une cage thoracique d'homme, son corps est celui d'un taureau qui se lèverait comme un cheval. Sa respiration est visible. Ses côtes se soulèvent. Ses naseaux fument. Sous des paupières bordées de longs cils, de ses yeux sont bleu pâle, il vous regarde.

Spectacle de rue gratuit «Le Gardien du Temple», du 1er au 4 novembre, dans le centre de Toulouse. La Halle de la Machine, week-end d'inauguration du 9 au 11 novembre, 3, avenue de l'Aérodrome-de-Montaudran, 31400 Toulouse.

 

Légende photo : Répétition du spectacle «Le Gardien du temple», avec Ariane l'araignée géante et les nacelles où sont installés les musiciens. - Crédits photo : Jordi Bover

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 29, 2018 7:52 PM
Scoop.it!

Tg STAN: «Après la répétition» ou l’amour et après

Tg STAN: «Après la répétition» ou l’amour et après | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 29.10.2018

 


Suite et fin provisoire de l’histoire d’amour entre le tg STAN et Ingmar Bergman : une adaptation du film « Après la répétition ». Dit autrement, après « Mademoiselle Else », Frank Vercryussen dialogue avec une autre jeune actrice, non plus maison mais venue de la Comédie-Française, Georgia Scalliet. Étonnant et éblouissant.

Dans l’histoire du tg STAN que l’on suit en France depuis Les Antigones en 2001, déjà au Théâtre de la Bastille et au Festival d’automne, le spectre des textes est infini (de Jean Anouilh à Ingmar Bergman, d’Anton Tchekhov à Yasmina Reza), le nombre d’acteurs variable, mais on y retrouve toujours avec plaisir un ou plusieurs des trois fondateurs :Jolente de Keersmaeker, Damiaan De Schrijver et Frank Vercruyssen. Le comédien est l’alpha et l’oméga des spectacles du tg STAN, un comédien débarrassé de tous ses oripeaux, un comédien qui ne fait pas l’acteur, qui ne se la joue pas. Mais comment parler de ça ?

Mademoiselle Else

Récemment, une fois encore, j’ai tenté de cerner ce point central et mystérieux à propos d’Infidèles, le premier des trois séjours du côté d’Ingmar Bergman que nous offre cette année le tg STAN (lire ici). Toute tentative de parler du jeu si particulier des comédiens dans un spectacle du tg STAN est forcément voué à l’échec : on ne cerne pas l’incernable.

Voici le troisième et dernier opus Après la répétition d’après le film éponyme réalisé pour la télévision par Ingmar Bergman en 1984. Une histoire de théâtre comme les aimait le réalisateur suédois et comme les adorent les piliers flamands du tg STAN (Stop Thinking About Names). Frank Vercruyssen peut-être encore plus que les deux autres. Il n’est jamais si à l’aise, jamais si lui-même peut-être, que lorsqu’il fait face à une jeune actrice comme dans l’inoubliable Mademoiselle Else avec Alma Palacios. C’est le cas ici, tout aussi inoubliable, avec Georgia Scalliet. Mais comment parler de leur duo, de leur mano à mano ? Cet article est voué à l’échec, mais continuons.

Le film de Bergman s’ouvre sur le gros plan d’un homme âgé, assis et assoupi sur la scène d’un théâtre. C’est Henri Vogler, un metteur en scène renommé, interprété par le grand Erland Josephson. Il nous parle doucement en off, d’une voix toute intérieure, de son âge, de sa fatigue. La répétition est achevée depuis longtemps, il dit aimer s’attarder dans le théâtre vide parmi dans le décor de la pièce, le Songe de Strindberg fait lui même avec les restes d’autres décors comme il le dira plus tard : « le fauteuil de Nora » (La maison de poupée d’Ibsen), « la table de Platonov » (de Tchekhov), « les chaises du Songe » (ce n’est pas la première fois qu’il monte la pièce de Strindberg).

Mademoiselle Anna

Entre une jeune actrice (rôle tenu par Lena Olin) habillée de rouge, elle joue la fille d’Indra dans Le songe, elle se prénomme Anna, elle dit avoir oublié un bracelet, elle s’attarde. Elle a vingt trois ans et trois mois, le même âge que celui d’une des filles de Vogler. Ce dernier était ami avec le père d’Anna et il avouera sans mal à la jeune actrice avoir été amoureux de sa mère Rakel, elle-même actrice, un amour, dit-il, resté platonique. S’en suit une belle conversation sur le théâtre, la vie, l’amour, le jeu.

Second mouvement : entre une autre femme, les cheveux mouillés (il pleut dehors), le visage marqué, c’est Rakel (Ingrid Thulin). D’un plan à l’autre du film, on se retrouve dans le même décor plus de vingt ans auparavant. Rakel est ivre, Vogler est son amant mais leur liaison est comme à bout de souffle et Rakel n’est plus la comédienne qu’elle fut (« la première pendant vingt six ans »). Vogler s’éloigne d’elle tout en pensant à elle chaque jour, lui assure-t-il. Elle veut faire l’amour avec lui depuis qu’elle est arrivée, il promet d’aller la rejoindre chez elle. Dans certains plans on voit, Anna, la fille de Rakel, gamine de huit-dix ans, assise sur le canapé du décor, habillée de rouge. S’en suit une âpre conservation sur la fin des choses, leur dépérissement, le désamour. Rakel sort.

Troisième mouvement : on se retrouve avec l’Anna du début et le vieux Vogler qui pourrait être son père. Le bracelet n’était qu’un prétexte, c’est pour lui qu’elle est venue, pour cet homme usé et ce metteur en scène génial dont elle caresse furtivement le visage. Elle le met à l’épreuve en disant qu’elle est enceinte, tout s'écroule. Mais c'est un demi mensonge puisqu’elle dit avoir avorté. Tout redevient possible. Il lui avoue alors être amoureux d’elle. Dans un finale éblouissant et bouleversant, ils imaginent l’un et l’autre ce que va devenir leur relation forcément sans grands lendemains. Ils en inventent les étapes, lui plus qu’elle, ils vivent un peu ce qu’ils imaginent. Après la fin de leur histoire, ils se voient un soir, dînant à trois avec Johan le compagnon d’Anna qui sera devenu sans doute son mari. « Et nous parlons de la situation du théâtre qui est exécrable » dit Vogler . Il rit, se tait, puis ajoute : « voilà ce que ça aurait été ». Et Anna de (se) demander : « Est-ce que ça aurait été si mal ? ».Vogler ne le pense pas. Les cloches sonnent. Anna songe alors qu’elle a oublié une répétition à la radio. Elle prend son sac et sort. Vogler reste seul dans le théâtre. »

Le spectacle du tgSTAN, cosigné par les deux acteurs, Franck Vercruyssen et Georgia Scalliet, est présenté comme étant « d’après Après la répétition ». Il y a à cela plusieurs raisons outre le fait que le film multiplie les gros plans mais aussi les champs-contre champs ce que le théâtre ne permet pas.

Pas si vieux que cela

Par sa prestance, sa façon de se tenir debout sur scène avant même le début du spectacle (pendant l’entrée des spectateurs, le soir de la première, il inspectait la propreté de la moquette déroulée sur le sol), et l’ironie innée qu’il promène de spectacle en spectacle, Frank Vercruyssen rajeunit le personnage de Vogler. Il procède aussi à quelque coupes. Dans la dernière scène est gommé le moment du son de cloches : Anna les entend sonner, Vogler ne les entend pas. Il dit être devenu dur d’oreille avec l’âge, il demande à Anna si elle a remarqué cela pendant les répétitions, « oui, un peu » dit elle. Tout cela est biffé dans le spectacle comme est biffée la dernière phrase du film que dit Vogler en voix off après le départ d’Anna à la radio : « ce qui me préoccupait le plus c’est de ne pas entendre les cloches de l’église ». Dans le spectacle, la relation entre le metteur en scène pas si vieux que cela et l’actrice, jeune mais pas tant que cela, devient moins paternelle (le maître et l‘élève), plus sensuelle, plus magnétique, plus joueuse aussi.

Mais la plus belle des torsions opérées, c’est d’avoir transformé la scène du passé entre Vogler et Rakel en scène au présent entre Anna (tenant donc le rôle de sa propre mère) et Vogler jouant l’amant de Rakel (ce qu’il fût). Cela se fait d’un coup (de baguette ) magique : la comédienne change de chaussures, se verse un grand verre d’eau sur la tête et dit « il pleut ». Cela devient une scène de répétition entre une actrice et son metteur en scène et c'est « après » cette répétition que leur relation s’accomplira vraiment. De la répétition à l’amour. Possible et impossible : « ah si j’avais dix ans de moins » regrette Vogler, réplique écrite par Bergman et dont Frank Vercruyssen se moque tout en l’assumant à demi . Sous le titre « Après la répétition » s’en glisse un autre : « Après l’amour ». La pseudo scène de répétition devient vraiment  un acte d’amour. Ce tournoiement narratif, c’est le propre du tg STAN, il atteint là un sommet.

De Louvain à la Comédie-Française

C’est la première fois que Georgia Scalliet qui avait débuté sa formation d’actrice en Belgique à Louvain la Neuve et est devenue en 2017 Sociétaire de la Comédie-Française, entre dans l’univers du tg STAN. La novice épouse incroyablement la façon maison d’être sur un plateau. Elle est on ne peut plus à l’aise dans ce qui constitue l’approche tg STANesque des personnages : une apparente décontraction du phrasé et un souplesse du corps ouvrant la voie vers l’infra, le tactile, le furtif, l’insaisissable.

Le générique du spectacle cite trois collaborateurs au façonnage du spectacle dont deux collaboratrices : Alma Palacios (la partenaire de Frank dans Mademoiselle Else) et Ruth Vega Fernandez. Ces deux actrices, Georgia Scalliet et une quatrième actrice Pauline Moulène, ont créé ensemble un collectif le LIV, qui avait brièvement présenté un travail autour de Madame de Sade de Mishima et des textes de Bergman en 2015 au théâtre de la Bastille lors de la manifestation « Notre temps collectif ». On attend goulûment la suite.

Dans son passionnant livre de mémoires Laterna Magica (Gallimard), Ingmar Bergman raconte comment, en venant voir un Misanthrope à la Comédie-Française, il avait eu la révélation de Molière, un auteur que, jusqu’alors, il trouvait « poussiéreux et sans intérêt ». Molière entra « dans mon cœur en même temps que ses interprètes » écrit-il. Ah s’il avait pu savoir qu’un jour, dans une adaptation réussie de son film « Après la répétition », une Sociétaire de la Comédie-Française serait son Anna et qu’elle porterait le rôle haut et loin, elle serait, ô combien, entrée dans son cœur.

Théâtre de la Bastille dans le cadre du Festival d’Automne, du 1er au 4 nov et du 9 au 11 nov à 18h, les 6, 7, 12, 13 et 14 nov à 19h30, relâche les 5 et 8 nov. Jusqu’au 14 novembre.

 

Légende photo :Georgia Scalliet dans "Après la répétition" © Dylan Piaser

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 29, 2018 9:22 AM
Scoop.it!

Signature de la charte Droit de cité

Signature de la charte Droit de cité | Revue de presse théâtre | Scoop.it



Publié sur le site d'Artcena - 17 octobre 2018


La charte nationale d’accueil des chapiteaux de cirque et autres structures culturelles itinérantes accueillant du public a été signée par ses dix instances fondatrices et lancée le 24 octobre dernier dans le cadre de CIRCa - festival de cirque actuel à Auch. Étaient alors conviés à ce lancement très attendu les professionnels du secteur, ainsi que des représentants de l’État et des collectivités.

Reconnaissant toute l’importance des artistes itinérants pour la diversité de la création et de la vie culturelle, la charte Droit de cité vise à faciliter l’accueil des chapiteaux de cirque et autres structures culturelles circulant dans les territoires. Elle est le fruit d’une concertation au sein d’un groupe de travail coordonné par ARTCENA.

Ce groupe de travail est composé de :

l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF),
le Centre international pour les théâtres Itinérants (CITI),
le Collectif des cirques,
la Commission nationale des professions foraines et circassiennes,
la Fédération française des écoles de cirque (FFEC),
la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC),
le ministère de la Culture,
le Syndicat des cirques et des compagnies de création (SCC) et
Territoires de cirque.

Si une première Charte d’accueil des cirques dans les communes avaient pu voir le jour en 2001, cette nouvelle charte nationale porte une ambition renouvelée.

Elle marque la volonté de dialogue et de coopération entre l’État, les collectivités locales et les professionnels du spectacle itinérant pour améliorer les conditions d’accueil des chapiteaux et des structures mobiles, dans le respect des normes en vigueur. Elle vise à inciter à l’aménagement d’espaces d’installation pour ces dernières et à développer l’information à la disposition des professionnels et des services des collectivités sur ce secteur. Défendant les valeurs de respect mutuel et d’ouverture à la diversité des arts pour tous les publics, elle place l’itinérance comme enjeu de territoire. Ainsi, son objectif est également d’initier des partenariats autour de projets innovants en terme d’éducation artistique, de formation et d’action culturelle.

Cette charte Droit de cité s’adresse aux communes, aux intercommunalités et associe tous les acteurs de la formation, de la production et de la diffusion : les entreprises, les compagnies, mais aussi les Pôles Nationaux Cirque, les Scènes nationales, les Scènes conventionnées, les lieux intermédiaires, et également les écoles de cirque.

 

En savoir plus sur la Charte Droit de cité

 

 

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 28, 2018 6:42 PM
Scoop.it!

Irina Brook quitte le Théâtre national de Nice

Irina Brook quitte le Théâtre national de Nice | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par POC avec AFP Publié dans Culturebox  le 27/10/2018 
Irina Brook, en septembre 2016 / © MAXPPP

La metteur en scène franco-britannique Irina Brook quitte la direction du Théâtre national de Nice en juin 2019. Elle souhaite se consacrer à sa troupe de théâtre. 

Irina Brook, dont le mandat a été renouvelé pour 3 ans en janvier dernier, est  à la tête du Théâtre national de Nice (TNN) depuis 2014. Elle vient d'annoncer son départ, du TNN, l'un des 38 centres dramatiques nationaux français, en juin 2019.
Le TNN a confirmé, vendredi 26 octobre, une information parue sur le site professionnel Sceneweb, le jeudi 18 octobre.

Fille du metteur en scène britannique Peter Brook, Irina Brook doit présenter deux créations cette saison au TNN, un Romeo et Juliette d'après Shakespeare, et Dream (le Songe en une heure), d'après le même dramaturge.

Succédant à Daniel Benoin, parti au théâtre d'Antibes, Irina Brook avait contribué à ouvrir le TNN sur l'extérieur, au travers d'événements autour de thèmes comme l'environnement, ou via des festivals pour la jeunesse ou sur son auteur fétiche, William Shakespeare.

Irina Brook, dont le successeur sera nommé par le ministère de la Culture, qui a la tutelle des centres dramatiques nationaux, avait monté une compagnie en 2008. Après son départ de Nice, elle souhaite à nouveau se consacrer à celle-ci, précise le TNN.

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 1:25 PM
Scoop.it!

Résilience musclée : "Tu seras un homme, papa" au Lucernaire

Résilience musclée : "Tu seras un homme, papa" au Lucernaire | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thomas Ngo-Hong Roche dans son blog Hier au théâtre 26.10.2018

 


Généralement, quand un artiste monte sur scène, il endosse le costume d’un personnage. Il se met dans la peau d’un autre le temps de la représentation. Ce n’est pas le cas de Gaël Leiblang. Le journaliste sportif transforme une expérience personnelle douloureuse, la perte de son fils, en une course contre la montre désespérée. Au Lucernaire, Tu seras un homme papa aborde le processus de la résilience avec une maladresse touchante, celle d’un comédien amateur qui tente de se reconstruire par le jeu.

La naissance d’un enfant constitue sans aucun doute l’un des plus beaux cadeaux au monde. Quand Gaël assiste à la naissance de son fils Roman, il est fou de joie. Cependant, les mauvaises nouvelles s’accumulent rapidement car le nourrisson souffre de malformation congénitale. Comment se relever après ce coup de massue ?

À toute allure
Afin de symboliser l’échéance infernale de la mort précoce du petit, Thibault Amorfini signe une mise en scène fiévreuse où le corps délivre sa propre vérité. La métaphore du sport tourne à plein régime ici : course, corde à sauter, escalade horizontale… Autant de façons de se dépenser et de maintenir en haleine le public. L’issue fatale ne fait aucun doute mais l’activité physique s’érige comme un palliatif face à ce terrible coup du sort. S’épuiser comme une brute pour tenter d’oublier le malheur…

Gaël Leiblang se livre corps et âme sur scène : à l’écriture et au jeu, il se confesse sans pathos sur une injustice éprouvante. Le fait qu’il soit sur les planches depuis finalement peu de temps confère de la fraîcheur à son interprétation. Tout n’est pas parfait et c’est cette fragilité qui émeut. Un spectacle sensible qui ne laissera pas indifférent. ♥ ♥ ♥ ♥

TU SERAS UN HOMME PAPA de Gaël Leiblang. M.E.S de Thibault Amorfini. Le Lucernaire. 01 45 44 57 34. 50 min.

Légende photo : Gaël Leiblang  crédit : © Véronique Fel

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 10:27 AM
Scoop.it!

Ouverture de La Saison France-Roumanie 2019 en France, le 27 novembre 2018 jusqu’au 14 avril 2019, avant sa poursuite en Roumanie du 18 avril au 14 juillet 2019

Ouverture de La Saison France-Roumanie 2019 en France, le 27 novembre 2018 jusqu’au 14 avril 2019, avant sa poursuite en Roumanie du 18 avril au 14 juillet 2019 | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte pour son blog Hottello  26.10.2018

 

Ouverture de La Saison France-Roumanie 2019, En France, le 27 novembre 2018 jusqu’au 14 avril 2019 avant sa poursuite en Roumanie du 18 avril au 14 juillet 2019

 La Saison choisit l’innovation, la création artistique, le partage, le mouvement et la francophonie, coïncidant avec la Présidence roumaine du Conseil de l’Union Européenne et les célébrations des centenaires de la création de la Roumanie moderne (1er décembre 1918) et de la fin de la Première Guerre mondiale.

 

Conçue pour renforcer les liens culturels, économiques, scientifiques et sociétaux – l’Histoire entre la France et la Roumanie -, la Saison ne se donne pas comme vitrine mais comme jeu de circulation, entre les deux pays, des générations des 20 et 40 ans.

 

Des guerres passées, des révolutions, des occupations, l’Histoire de la Roumanie fait figure d’iceberg dont la partie la plus apparente est la culture.

 

Afin de provoquer des rencontres, nombre de projets sont « croisés », de même les résidences dans les arts visuels, les musiques classique et actuelle, la danse et le théâtre, liées à la francophonie, la latinité commune et l’Europe ; des visions d’avenir.

 Une séquence d’ouverture aura lieu à Paris le 27 novembre 2018 à la Cathédrale Saint-Louis des Invalides avec la Commémoration des centenaires de la fin de la Première Guerre Mondiale et de la création de la Roumanie moderne avec un concert de l’Ensemble instrumental de Paris – dirigé par le chef franco-roumain Christian Ciuca – et le Chœur Madrigal de Bucarest. Au programme, le Requiem de Fauré.

 

Au Centre Pompidou (MNAM), ce même 27 novembre sonne l’inauguration de quatre expositions et d’une installation contemporaine :

– Matisse/Pallady, dialogue autour de la blouse roumaine

– Gherasim Luca, grand poète roumain à Paris de 1955 jusqu’à sa mort en 1994.

– Mihal Olos – Atelier Brancusi, première rétrospective en France de l’artiste roumain disparu en 2015.

– André Cadere – hommage à cet artiste majeur dont les fameux « bâtons » jalonnent les collections permanentes roumaines du Centre Pompidou.

– Adrian Ghenie, figure emblématique de la jeune création contemporaine roumaine et internationale.

 

Le 30 novembre à la Philharmonie de Paris, se donne un Concert de l’Orchestre national des jeunes de Roumanie avec comme soliste le célèbre pianiste Rapu Lupu. Et le 6 décembre, au Ministère de l’Economie et des Finances – un Forum économique franco-roumain organisé par le Ministère français de l’Economie et des Finances et le Ministère roumain des Affaires, du Commerce et de l’Entreprenariat, avec la participation de plus de 200 entreprises des deux pays.

 

 Art contemporain, Patrimoine, Musiques, Cinéma et littérature…

Pour la musique encore, création mondiale et enregistrement de « Œdipe redux » – jazz – avec Lucian Ban et Mat Maneri à l’Opéra de Lyon– le  5 décembre  2018.

 

Et «  Sémaphore », une tournée de DJ français et roumains, de janvier à août 2019.

Un spectacle OMF et Artists Talk au Théâtre des Célestins à Lyon, du 2 au 7 avril.

Un Focus Roumanie au Théâtre de la Ville de Paris, du 10 au 20 décembre 2018.

Le groupe Iza, musique du Maramures, au Théâtre des Abbesses, le 18 décembre.

De la danse avec « Delicate instruments of engagements » d’Alexandra Pirici à l’Hôtel de Béhague – du 12 au 14 décembre.

 Au théâtre,  la mise en scène « Des gens ordinaires » de Gianina Carbunariu au Théâtre des Abbesses, du 11 au 13  décembre 2018. Une histoire de « lanceurs d’alerte » ou d’ « avertisseurs d’intégrité », projections, entretiens et théâtre politique.

 

Au Théâtre des Abbesses encore, se donnent les représentations d’ « Antisocial » de Bogdan Georgescu, du 15 au 17 décembre 2018. Le jeune metteur en scène et dramaturge est un adepte du théâtre communautaire dont le désir est de réinstaller sur la place publique le débat sur la liberté d’expression, la place de l’intime dans l’espace public, la corruption et la dégradation du système éducatif en Roumanie.

 

Et pour témoin de la Saison France-Roumanie, est invitée Alexandra Badea, auteure de théâtre et metteure en scène prometteuse et talentueuse – rigueur et sensibilité – d’origine roumaine, installée en France depuis 2003, écrivant en français.

Ses textes publiés à L’Arche Editeur relatent l’actualité de notre présent, selon un regard politique et poétique – via l’écoute de l’autre et de la souffrance existentielle.

 

On a vu Pulvérisés mis en scène par Jacques Nichet à la Commune d’Aubervilliers et récemment par Vincent Dussart au Festival d’Avignon 2018, Europe Connexion par Matthieu Roy à Théâtre Ouvert, A la trace par Anne Théron au Théâtre National de Strasbourg, et dernièrement Points de non retour –Thiaroye – dont Alexandre Badea est non seulement l’auteure mais encore la metteure en scène cet automne, au Théâtre de la Colline sur le massacre des tirailleurs sénégalais en 1940 à Thiaroye.

Alexandre Badea prépare le deuxième volet de sa trilogie initiée par Points de non retour, volet dont l’objet d’étude est la Roumanie et son Histoire. La vision d’un pays dont l’artiste est originaire, regard sans concession, traitant du politique et de l’intime.

Bon vent et bon cap à la Saison France-Roumanie et Roumanie-France 2018/2019 !

 

Véronique Hotte

 

En France, le 27 novembre 2018 jusqu’au 14 avril 2019 avant qu’elle ne se poursuive en Roumanie du 18 avril au 14 juillet 2019

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 4:36 AM
Scoop.it!

"Je parle à un homme…", Coup de foudre amical en eaux solitaires

"Je parle à un homme…", Coup de foudre amical en eaux solitaires | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 Par Olivier Fregaville-Gratian d'Amore dans L'Oeil d'Olivier  27 octobre 2018 



C’est la rencontre de deux âmes, de deux hommes. L’un est comédien, l’autre et navigateur. L’un est habile avec les mots, l’autre plus réservé, plus à l’écoute. En décidant de dévoiler leur épistolaire histoire dans un spectacle poétique, d’une rare pudeur, Jacques Gamblin et Thomas Coville invite à plonger dans leur intimité amicale, fraternelle, presque amoureuse, faite de mails envoyés à la mer, de non-dits, de silences et de phrases simples qui en disent long sur leur complicité. Un bien singulier moment qui touche au cœur !

Début 2014, Thomas Coville se lance dans le pari fou de battre le record du tour du monde à la voile en multicoque. Il est confiant, il s’est préparé. Peu de temps avant son départ, il fait la rencontre de Jacques Gamblin. Leur nature prudente, attentive, le respect qu’ils ont l’un pour l’autre, feront le reste. Ils échangent leur mail. Commence alors entre ces deux loups solitaires, l’un sur les mers du monde entier, l’autre sur les planches des théâtres, une correspondance singulière, hors normes qui va chambouler leur vie et modifier leur perception du monde.

Jacques Gamblin est en pensée sur les eaux aux côtés de Thomas Coville 

C’est Jacques Gamblin, le premier, le narrateur de ce récit intime peu commun, qui fait le premier pas. Quelques mots timides envoyés, le jour du départ de Thomas Coville pour sa grande aventure, juste pour dire qu’il le soutient, qu’il est là à ses côtés. Pas de réponse, le comédien ne se décourage pas. Il se doute que, confronté aux éléments, le marin a bien d’autres choses à faire. Pas grave, il persiste. Le rituel s’installe. Tous les jours quasiment, il lui raconte sa vie et prend des nouvelles. Il imagine ce que l’autre ressent seul sur son bateau.

Un jour, Thomas Coville répond. Touché par l’intérêt de Jacques Gamblin, il lui dit en phrases concises, ô combien son soutien et précieux, ô combien ses messages quotidiens lui ont fait du bien. Enfin les deux paroles se libèrent, leurs cœurs s’ouvrent, chacun offrant son âme ,ses pensées à l’autre. Ainsi est née leur histoire unique, leur amitié troublante, platonique qui ici nous est contée par le biais ému du comédien. Si les mots nous attrapent, nous saisissent, c’est qu’ils sont simples, bruts sans fioritures. Flirtant avec le registre amoureux, le lien à distance qui unit ses deux êtres est d’une force rare, d’une puissance qui dépasse les préjugés, les interprétations hâtives.


Porté par une scénographie sobre qui rappelle le monde marin, les tempêtes du large grâce à un immense écran vidéo qui sert de fond à la scène, Jacques Gamblin dévoile avec retenue un pan entier de sa vie, de son caractère, de sa personnalité. Craintif par fois, peur d’être intrusif, il se livre sans fard à son ami Thomas Coville, dont le portrait, l’humanité s’esquisse en creux.

Bouleversé par cette aventure réelle, cette union entre deux frères qui se sont choisis au-delà des liens du sang, le public se laisse emporter sur les flots, traverse les océans, les épreuves et après un premier échec, remporte aux côtés du navigateur la victoire, ce soir de noël 2016. Un trépidant seul en scène sur la beauté des rapports humains, sur le cœur des hommes !

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Je parle à un homme qui ne tient pas en place de Jacques Gamblin et Thomas Coville
Théâtre du Rond-Point
Salle Renaud-Barrault
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
du mercredi au dimanche à 18h30 et représentations supplémentaires les samedis à 15h
durée 1h30

Avec Jacques Gamblin
Collaboration à la mise en scène : Domitille Bioret
Collaboration artistique : Bastien Lefèvre, Françoise Lebeau, Pablo Tegli
Scénographie et vidéo de Pierre Nouvel
Son de Lucas Lelièvre
Lumières de Laurent Béal
Costumes de Marie Jagou
Régie générale et lumières : Éric Da Graça Neves
Régie son et vidéo : Antoine Prost

 

Légende photo : 
Au Rond-Point, Jacques Gamblin invite à un voyage au cœur d’un amitié épistolaire © Stéphane Trapier

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 26, 2018 7:56 PM
Scoop.it!

Succession politique à l’Opéra de Paris

Succession politique à l’Opéra de Paris | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Laurent Carpentier dans Le Monde  - 26.10.2018 

 

C’est le premier gros dossier qui attend le nouveau ministre de la culture : le nom du futur patron de cette institution, traditionnellement un pré carré élyséen.

C’est le premier gros dossier qui attend le nouveau ministre de la culture sur son bureau : la nomination du successeur de Stéphane Lissner à la tête de l’Opéra de Paris. Deux théâtres, 1 700 salariés, un orchestre symphonique, un corps de ballet et 220 millions d’euros de budget (dont 93 millions de subventions de l’Etat). Mais ce n’est pas tant pour la taille du poste que pour son arrière-fond politique que cette nomination fait figure de baptême du feu.

Ministre politique, figure de la droite « constructive », Franck Riester peut compter sur des soutiens à l’Assemblée nationale – ce qui n’était pas le cas de Françoise Nyssen, issue de la société civile. Traditionnellement, la nomination du directeur de l’Opéra est un pré carré élyséen. Mais la défiance du milieu à l’égard de celui – Christophe Ghristi – qu’on présente aujourd’hui comme le candidat du Palais est telle que le ministre de la culture pourrait avoir l’occasion de montrer là d’emblée quelle sera sa marge de manœuvre.

Tout commence à l’été, lorsque l’Elysée bloque la dérogation qui aurait permis la prolongation du mandat de Stéphane Lissner (en poste depuis 2014, mais atteint par la limite d’âge de 65 ans) – prolongation que le ministère de la culture semblait privilégier dans un premier temps, faute de candidat. C’est que Sylvain Fort, l’ancienne plume d’Emmanuel Macron, devenu, à la suite de l’affaire Benalla, la clé de voûte de la communication élyséenne, est un spécialiste d’art lyrique. C’est d’ailleurs ainsi qu’il a gagné ses galons auprès du président qui, pour afficher son amour de la culture, n’a pour autant jamais mis les pieds à l’opéra depuis son élection. Or l’ancien rédacteur en chef du site Forumopera a toujours eu Lissner dans le nez.

Lire le portrait :   Sylvain Fort, le fidèle de Macron qui devra « démilitariser » les relations avec la presse

L’oiseau rare
Rue de Valois, on cherche alors à attraper le seul nom qui fasse un tant soit peu l’unanimité : Serge Dorny. A la tête de l’Opéra de Lyon, dont il a su redorer le blason, il était déjà en balance face à ­Stéphane Lissner lorsque celui-ci fut nommé. Hélas, Dorny a été nommé à la direction du Bayerische Staatsoper, où il prendra ses fonctions en 2021. « Serge Dorny est un homme de parole. Il a signé avec Munich. Point barre. C’est ce qu’il a répété plusieurs fois aux personnes concernées », tranche Pierre Collet, qui s’occupe de sa communication.

Du coup, on cherche l’oiseau rare : suffisamment jeune pour être éligible (deux mandats semblant nécessaires pour imprimer sa marque) et suffisamment vieux pour bénéficier d’une expérience solide à la tête d’un tel établissement. Un casse-tête. Dominique Meyer, 63 ans, ancien patron du Théâtre des Champs-Elysées et ex-directeur de cabinet de Catherine Tasca au ministère, qui est sur le marché depuis l’annonce de son départ pour 2020 de l’Opéra de Vienne ? Trop vieux. Olivier Mantei, 53 ans, qui a su réveiller à Paris l’Opéra-Comique ? Pas assez d’expérience dans une « grande » maison. Eva Kleinitz, Allemande quadragénaire et francophile qui dirige l’Opéra du Rhin à Strasbourg ? « Trop verte », écartent encore les briscards. « Je suis très honorée de voir mon nom cité dans la presse, mais ma priorité, c’est Strasbourg, commente celle qui fut la première femme à diriger l’association européenne des directeurs d’opéra, Opera Europa. En Allemagne, il y a Berlin, Munich, Francfort… La France est très concentrée sur Paris. »

« UN THOMAS OSTERMEIER [LE DIRECTEUR ARTISTIQUE DE LA SCHAUBÜHNE DE BERLIN], LUI, APPORTERAIT UNE DIMENSION NOUVELLE ! »


« Si vous voulez perdre le sens de ce métier passionnant, allez dans ce merdier », glisse, encourageant, Hugues Gall, qui présida au destin de la maison de 1995 à 2004. Car, si le poste est prestigieux, il est sensible. Au menu : quête de mécénat, relations avec des tutelles de plus en plus désargentées et revendications salariales – « A sept grévistes, vous bloquez le plateau », confie un habitué d’une institution qui a connu son lot de conflits.

D’autres noms circulent. On pense à Alexander Neef, qui, entre 2004 et 2008 fut de la garde rapprochée de Gerard Mortier, alors directeur de l’Opéra de Paris. A 44 ans, avec son look à la Don Draper dans Mad Men, il est à la fois directeur général de la Canadian Opera Company, à Toronto, et directeur artistique à l’Opéra de Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Certains n’hésitent pas à avancer des profils beaucoup plus improbables, propres à dynamiter le bel ordonnancement de cette succession : « Un Thomas Ostermeier [le directeur artistique de la Schaubühne de Berlin], lui, apporterait une dimension nouvelle ! »

« Un scandale ! »
« Qui ? Ce n’est pas la bonne question. Pour quoi faire ? Oui. L’Opéra de Paris nécessite une profonde mutation, et c’est seulement en cela qu’on cherchera le profil adéquat », estime Georges Hirsch, qui fut directeur à la création de Bastille, tandis que son homonyme de père administra l’Opéra de Paris à la fin des années 1950.

Mutation ? Modifier, comme le souhaite Stéphane Lissner, « le cahier des charges, c’est-à-dire l’organisation du travail, qui n’a pas changé depuis trente ans » ? « Il ne s’agit pas de dénoncer la convention collective, précise-t-il, mais de définir comment engager les trente prochaines années, alors que dans le même temps les crédits stagnent. » Pour Georges Hirsch, si on veut maintenir Paris dans le quintette de tête des grandes maisons lyriques (avec Covent Garden à Londres, la Scala à Milan, le Met à New York, le Staatsoper à Vienne), il faut une attitude « plus grande que l’opéra » : « Il faut une vision et un projet, il ne s’agit pas seulement d’aligner quelques créations. »

SYLVAIN FORT, DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION DE L’ELYSÉE : « J’AI VU QU’ON ME PRÊTAIT UN RÔLE DANS CETTE HISTOIRE, C’EST TRÈS TRÈS SURESTIMÉ. LA SUCCESSION DE LISSNER, CE N’EST PAS MON AFFAIRE »


La liste des candidats est à la fois inépuisable et stérile, puisque l’Elysée a son candidat. Il se murmure même que l’affaire est déjà pliée. Le futur maître des lieux serait Christophe Ghristi, l’actuel directeur artistique du Théâtre du Capitole de Toulouse. L’éventualité de sa nomination provoque par anticipation des cris d’effroi. « Hallucinant ! Il a pour seul pedigree d’avoir été l’assistant de Nicolas Joel [directeur de l’Opéra de Paris de 2009 à 2014], autant dire le musée à l’opéra ! », s’exaspère l’un. « Vous imaginez, il commence à peine sa première saison au Capitole », renchérit l’autre. Dans le Landerneau lyrique, les dagues sont sanglantes et les hurlements anonymes. « Un scandale ! », s’époumone un troisième.

Mais alors pourquoi lui ? De nouveau, dit-on, parce que Sylvain Fort. « J’ai vu qu’on me prêtait un rôle dans cette histoire, c’est très très surestimé, soupire l’intéressé depuis son bureau de l’Elysée. Je m’intéresse à l’opéra, oui, pas aux directeurs d’opéra. La succession de Lissner, ce n’est pas mon affaire. » Difficile à imaginer. L’homme a un parcours similaire à celui de Christophe Ghristi (tous deux ont été normaliens et critiques d’opéra dans des revues spécialisées) et un même goût pour un certain classicisme.

Querelle des anciens et des modernes
Car ce n’est pas tant le manque d’expérience qui est reproché à Christophe Ghristi que le conservatisme. La querelle des anciens et des modernes maintes fois répétée. « C’est un débat qui me navre, s’agace-t-il. Entre l’opéra de demain et celui d’hier, c’est toujours la troisième voie qui est intéressante. Il faut dépasser les clichés. Une programmation est par nature diverse, éclectique et contradictoire. Dans ce monde-là comme dans d’autres, il y a des idéologies, et l’idéologie ne m’intéresse pas. Je suis un homme de terrain. »

« Sauf que le consensuel, cela ne fonctionne pas, affirme au contraire Stéphane Lissner. Au final, personne n’est jamais content. » Au huitième étage de l’Opéra, le vaste bureau du directeur, dont la verrière surplombe la place de la Bastille, a encore en mémoire ces secousses polémiques qui font aussi le sel du genre. Et Lissner de sourire tristement à l’évocation de la reprise récente de Tristan et Isolde : « A priori, j’aurais plutôt rangé cette pièce, créée par Gerard Mortier il y a quinze ans, du côté des classiques. Eh bien, le jour de la première, une partie du public sifflait [le metteur en scène] Peter Sellars. »

Lire la critique :   Mariage mitigé entre la scène et l'image pour « Tristan et Isolde »

« Une telle maison ne se refuse pas, dit Christophe Ghristi, dont le nom est désormais sur toutes les bouches. Le calendrier est dans les mains du ministère et de l’Elysée. Je comprends qu’ils prennent leur temps pour une telle décision. » Pour parer aux critiques sur le fait du prince, on aurait fait appel à un cabinet de recrutement – conditionnel de rigueur, car personne ne peut dire de quel cabinet il s’agit ni ce qu’il a préconisé. Mais le fait est que de plus en plus de voix s’élèvent pour demander – celle de Christophe Ghristi en premier – une plus grande transparence dans ces prises de décision, comme c’est le cas pour les opéras de région. « Un jury ? Vous vous imaginez demander à Karajan quand on le recrute à l’Orchestre de Paris, de passer devant un jury ? », demande en rigolant Georges Hirsch. Pour le nouveau ministre de la culture, cette nomination a en tout cas la forme d’un sac de nœuds sur lequel se faire les dents.

 

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 25, 2018 5:10 AM
Scoop.it!

Daria Deflorian et Antonio Tagliarini ce n’est pas rien 

Daria Deflorian et Antonio Tagliarini ce n’est pas rien  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog Balagan 25.10.2018

 


Travaillant ensemble depuis dix ans, les Italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini fraient une voie où le théâtre avance sur un étroit sentier au bord du précipice de la vie et inversement. La preuve par « Quasi niente », un presque rien qui est tout.



« Comme tout serait facile si on était dans un théâtre avec une trame, une de ces trames qui portent l’histoire » dit la Quadragénaire en regardant le public du théâtre, présentement celui du théâtre de la Bastille. Tout le travail de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini qui ont élaboré et signent Quasi niente (Presque rien) est fondé sur cette façon de biaiser avec le théâtre tout en baisant avec lui.

Générations et miroir

Pas de pièce avec scènes et actes, pas d’intrigue, pas d’histoires qui finissent bien ou mal, pas de personnages à part entière, pas de témoignages brut de décoffrage, pas d’émigrés, de sans papiers, de SDF, d’ouvrières et ouvriers ayant perdu leur emploi venus en chair et en os sur scène raconter leur lutte, pas de théâtre militant, post-moderne ou prétendument documentaire, pas de théâtre participatif. Rien de tout cela. Du théâtre dans le plus simple appareil qui soit, comme à l’état naissant. Les uns sont devant dans la lumière, sur une scène, les autres, dans l’ombre, les regardent comme au premier jour.

Une façon de jouer sans jouer tout en jouant et en s’en jouant. Un brouillage infime entre la vie et le jeu (le jeu de la vie et la vie du jeu aussi bien) sous la haute présidence dramaturgique de l’intime et des petits rien de la vie. Parler d’un(e) autre comme parler de soi et inversement, être sur un plateau devant un public comme on est face à un miroir. C’est tout cela qui irrigue Quasi niente plus encore que dans leurs précédents spectacles (lire ici).

On se souvient que Flaubert voulait faire un livre sur rien. Le spectacle des deux italiens, inséparables depuis une dizaine d’années, n’est pas un spectacle sur presque rien, mais une approche des presque rien de nos vies à travers cinq moments  de l’existence (à chaque actrice et acteur le sien), par ordre d’apparition : La Quadragénaire, La Sexagénaire, La Trentenaire, Le Quinquagénaire, Le Quadragénaire. Trois femmes, deux hommes. Un ensemble probablement représentatif du public qui vient voir les spectacles de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini en Italie ou en France. Chacun des cinq étant peu pou prou, aux delà de ses traits propres, la vox populi de sa génération. Tôt ou tard, chaque spectateur, toutes générations confondues, se retrouve on se reconnaît dans tel ou tel propos de Quasi niente.

"Je n'ai pas les mots"

« Il est même difficile de dire juste ceci... » commence la Quadragénaire, en le disant, justement, comme elle dira : « Je n’ai pas les mots, ne les ai jamais eu », en ayant les mots pour le dire. L’actrice Monica Pisseuse accompagne de façon sidérante ce personnage empêché. Chacun d’entre eux q recours à un dérivatif un tant soit peu théâtral, pour elle un fauteuil rouge qu’elle dit avoir trouvé et où plusieurs iront s’asseoir comme sur le fauteuil d’un dentiste ou d’un psychothérapeute : pour ouvrir la bouche ou bien y poser une demi-fesse pour fredonner sa vie..

La Sexagénaire (Daria Deflorian ) a des problèmes de son âge : cholestérol, tension et gym en lieu et place du sexe des décennies précédentes, ceci assorti d’un refuge exutoire dans une parole volubile. Le Quinquagénaire (Antonio Tagliarini ) baise des hommes qu’il voudrait plus affectueux et aime faire le pitre devant les autres pour se dire qu’il ne fait pas son âge. La Trentenaire (Francesca Cuttica) botte joliment en touche en préférant chanter des chansons tristes à pleurer de sa composition. Le Quadragénaire (Benno Steinegger ) se dit , lui, «  le plus antonionien de tous ».

Antonioni est en effet là, en filigrane. Le spectacle est présenté comme étant « librement inspiré du film Il deserto rosso de Michelangelo Antonioni ». A un moment ou à un autre chacun fait référence au Désert rouge où Monica Vitti, troublante et flippée comme jamais, était et reste inoubliable. Les cinq n’évoquent pas les acteurs du film mais leurs personnages : Giuliana, son mari et Corrado, l’homme de passage. Ce film qui rassemble sur scène cinq solitudes a été à la source du spectacle. Il en est le moteur initial mais, au final, il devient, ponctuellement, un élément perturbateur pour le spectateur. Soit ce dernier ne connaît pas le film et il perd le sel de certaines répliques. Soit il s’en souvient et alors les paysages industriels, le fumées, les scènes confinées du film reviennent sous la rétine et ne font pas forcément bon ménage avec ce qui se passe sur la scène. Cependant cette dernière, magnétisme du présent, a heureusement le dernier mot.

Car s’ils leur arrivent de se souvenir du film, c’est nous qu’ils regardent, c’est à nous qu’ils s’adressent. Et, à la fin des fins, on ne demande si ce n’est pas de nous qu’ils parlent en parlant d’eux. Enfin presque. « Qu’est-ce que tu me racontes ? Qu’est ce que je me raconte. » Ce sont les derniers mots de Quasi Niente, dits, comme les premiers par la Quadragnéaire.

En reprenant le métro, songeant aux fils qui relient cette aventure à d’autres à venir cette saison sur la scène du théâtre de la Bastille (prochainement Tiago Rodrigues, David Geselson), je tombe sur une affiche d’une association caritative dont le slogan est : « On a tous un rôle à jouer ». Dans un couloir, je venais de m’attarder sur l’affiche d’une exposition de photos qui vient de commencer au Jeu de paume  titrée : « politique du visible ». Je me suis dit que le spectacle Quasi niente faisait, à sa manière, la navette entre ces deux phrases.

Théâtre de la Bastille dans le cadre du Festival d’automne, à 20h, sf les 25 et 26 oct à 21h, dim 28 à 16h, relâche le sam 27, jusqu’au 31 octobre. A la Filature de Mulhouse les 9 et 10 janvier, au Théâtre Garonne de Toulouse  du 20 au 23 mars 2019

 

Légende photo : Scène qui ouvre "Quasi niente" © Luce del Pia

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 24, 2018 7:24 PM
Scoop.it!

Philippe Quesne ravive un opéra inachevé de Debussy

Philippe Quesne ravive un opéra inachevé de Debussy | Revue de presse théâtre | Scoop.it

ParPatrick Sourd dans Les Inrocks 19/10/18



Pour sa première incursion dans le lyrique, le metteur en scène adapte Poe façon film d’épouvante sur une partition revue par la compositrice Annelies Van Parys.


Ayant longtemps résisté à la tentation du lyrique, Philippe Quesne vient de sauter le pas en créant Usher au Staatsoper Unter den Linden, l’un des trois opéras de Berlin. “Couplée à l’idée de retravailler un projet que Claude Debussy n’avait pu finaliser, cette proposition d’une adaptation de La Chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe, dont je suis fan depuis toujours, a eu raison de mes réserves quant à l’opportunité de me jeter enfin à l’eau pour mettre en scène un opéra.”

C’est en 1908 que Claude Debussy rédige le livret et compose une vingtaine de minutes de musique. A sa mort, en 1918, la partition reste inachevée. A partir de ces précieuses archives, la compositrice Annelies Van Parys s’est lancée dans l’écriture d’un opéra de chambre en développant et séquençant les motifs originaux de Debussy pour qu’ils ponctuent l’œuvre nouvelle tout au long de la représentation.

 


Immersion dans une atmosphère vénéneuse

D’emblée, Philippe Quesne immerge les spectateurs dans l’atmosphère vénéneuse de la maison Usher. C’est en foulant au pied une épaisse moquette grise pareille à une couche de cendres, en contournant un fauteuil, un canapé et le désordre d’une table de travail où s’amoncellent des maisons en carton qu’on regagne sa place sur un petit gradin. Dans ce salon où nous faisons figure d’invités, les protagonistes de la soirée sont déjà tous réunis autour de la cheffe Marit Strindlund et des musiciens de l’orchestre.

Avec Poe, un dérèglement des sens propre à l’hallucination pervertit le récit à partir du moment où un proche de la famille rend visite au couple de jumeaux que forment Roderick Usher et sa sœur lady Madeline. A ce trio, Debussy ajoute la présence d’un docteur.

Avec ce personnage transformé en une sorte de gourou manipulateur, l’équipe détient la clé d’une échappatoire pour emmener le récit vers une résurrection témoignant d’une contemporaine modernité. “Pas plus qu’Annelies Van Parys du point de vue musical, je ne voulais rester bloqué sur les images d’une fantasmagorie du XIXe siècle, en me contentant d’une histoire de vampires incestueux qui profitent de la visite d’un ami d’enfance pour reproduire le cérémonial de leur mort et de leur renaissance comme un passe-temps pervers."

"Je me suis inspiré des sagas des Amityville et de Poltergeist, ce cinéma d’épouvante né entre les années 1970 et 1980 aux Etats-Unis. Avec ce nouveau genre, les films d’horreur trouvent un moyen de focaliser la culpabilité d’une époque où le bonheur de vivre dans le confort se transforme irrémédiablement en un cauchemar entre quatre murs.”


Des multitudes de projets menés de front

Ainsi, on ne s’étonne pas des dégaines dignes d’Alice Cooper et de ses fans qu’arborent David Ostrek (Roderick Usher) et Ruth Rosenfeld (lady Madeline). A leurs côtés, Martin Gerke (l’Ami) a le look rassurant d’un thésard tandis que Dominic Kraemer (le Médecin), dans sa chemise à carreaux, est inquiétant à force de vouloir se rendre transparent. La limpide partition de Van Parys s’accorde alors à merveille avec l’angoisse distillée par Philippe Quesne en dédicace à un cinéma cruellement déjanté.

Précédant d’une semaine la création de son opéra berlinois, Philippe Quesne invitait pour la Nuit Blanche le public parisien à découvrir sa mise en lumière et en musique des entrailles métalliques du grand rocher du zoo de Vincennes.

A son retour d’Allemagne, il reprend les répétitions de Crash Park, la vie d’une île, qu’il crée dans la foulée à Rennes, au Festival du TNB. On pointe du doigt les dangers d’un surbooking. Mais cette rentrée bousculée a l’art de réjouir l’artiste, qui avoue qu’il y a des moments où ce sont les projets qui vous mènent par le bout du nez. Qui s’en plaindrait ?


Usher Opéra de chambre d’Annelies Van Parys/Claude Debussy, d’après La Chute de la maison Husher d’Edgar Allan Poe, livret Gaea Schoeters/Claude Debussy, direction musicale Marit Strindlund, mise en scène Philippe Quesne. Jusqu’au 30 octobre, en français surtitré en allemand, Staatsoper Unter den Linden à Berlin


Crash Park, la vie d’une île Conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesne. Du 8 au 10 novembre, dans le cadre du Festival TNB, Le Triangle-Cité de la Danse, Rennes. Du 26 novembre au 9 décembre, Théâtre Nanterre-Amandiers Centre dramatique national

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 24, 2018 10:31 AM
Scoop.it!

Vagabondage théâtral de Jean-Pierre Han #6 : l’art du spectateur

Vagabondage théâtral de Jean-Pierre Han #6 : l’art du spectateur | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Critique dramatique et rédacteur en chef des Lettres Françaises, directeur de la publication et rédacteur en chef de Frictions, Jean-Pierre Han est une des plumes incontestées du monde théâtral, privilégiant une approche essentiellement politique. « Vagabondage théâtral » est sa chronique mensuelle pour les lecteurs de Profession Spectacle.

 

 

Il faut bien l’avouer, le quatrième créateur d’un spectacle de théâtre, après l’auteur, le metteur en scène et l’acteur, tel que le définissait Meyerhold, puis Brecht à sa suite, à savoir le spectateur, est quelqu’un de bien embarrassant dont on ne sait aujourd’hui encore plus qu’hier, quoi faire. Ce n’est pas faute de se pencher sur la question, et maints dossiers ont fleuri ici et là dans des revues et autres publications plus ou moins sérieuses et officielles, des colloques ont été organisés sur le sujet, de savantes exégèses ont même vu le jour, et on citera bien sûr, comme pour clore le débat, le fameux opuscule de Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, qui n’est toutefois pas exempt de reproches pour peu que l’on veuille ergoter.

 

 

Mais rien n’y fait : que faire de ce spectateur, quelle place lui accorder ? Pour un peu on se demanderait presque comment s’en débarrasser, ou à tout le moins comment faire pour qu’il laisse enfin en paix les pauvres créateurs. On remarquera que ceux-ci, tout au long de l’histoire du théâtre, ont toujours fait preuve d’une incommensurable imagination pour assigner au spectateur un rôle bien précis, parfois surprenant. Ne revenons pas sur cette histoire-là qui mériterait certes un long développement. Restons-en à notre aujourd’hui et constatons qu’il est difficile pour les metteurs en scène de dire tout de go que la question ne les tourmente pas, voire ne les intéresse pas du tout, qu’ils ne travaillent pas leurs spectacles en fonction de  telle ou telle catégorie de spectateurs (ou public comme on dit noblement)… En revanche, que de déclarations de complaisance, du genre : « Je m’adresse à un public populaire, à un grand public, etc. », jamais d’ailleurs – ce serait un comble et une révolution – à un public analphabète, à un public responsable, etc. ! Quant au refrain des programmateurs il consiste à refuser de programmer tel ou tel spectacle, au prétexte qu’« il n’est pas fait pour mon public ! ». On connaît l’antienne.

Que faire ?

 

 

Si la question des spectateurs embête bien les créateurs qui ne savent souvent pas quoi faire avec eux, il faut bien préciser que ces derniers le leur rende bien. Car côté salle, nous voilà pas très rassurés. Tranquilles, anonymes, nous pensions bien l’être dans le noir. Eh bien pas du tout. Voilà Marie-José Malis (elle n’est pas la première) qui laisse la salle allumée durant toute la représentation. D’autres font tout pour nous mettre mal à l’aise. Ainsi Philippe Adrien qui nous accueillit un soir un à un à l’entrée de la salle en hurlant notre nom. Mais ce ne sont là que plaisantes bagatelles.

Il y a bien pire : il y a ceux qui nous mettent dans un état de transe insupportable, lumières de boîtes de nuit, musique tonitruante (on vous donne d’ailleurs des boules quiès à l’entrée). Finie la bienheureuse douceur de la salle. Plus subtil et pervers – on l’a vu à deux reprises cet été à Avignon, avec le Tartufias d’Oskaras Korsunovas et Les Choses qui passent d’Ivo van Hove –, on vous tend carrément un miroir sur scène et l’on se voit désormais en train de regarder le plateau ; ça s’appelle de la mise en abîme, paraît-il. Pire encore, on vient vous filmer pendant le spectacle, le tout retransmis sur écran géant. Acteurs, vous le devenez à votre insu, alors que vous ne vouliez être modestement que spectateur…

 

 

Jean-Pierre HAN

Retrouvez tous les vagabondages de Jean-Pierre Han :

 

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
October 23, 2018 7:55 PM
Scoop.it!

La Chambre Désaccordée de Marc Lainé

La Chambre Désaccordée de Marc Lainé | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Vincent Bouquet dans Sceneweb 22.10.2018

Avec « La Chambre désaccordée » qu’il a écrit, mis en scène et scénographié, l’artiste s’affranchit de la culture populaire nord-américaine et investit le terrain de l’enfance tourmentée par les errements parentaux. Un projet tout en musicalité, délicatesse et sensibilité.

Pour Marc Lainé, « La Chambre désaccordée » a la saveur d’un retour aux sources. Bien avant de partir sur les routes du nord-Québec avec « Vanishing Point », d’affronter la figure du loup-garou dans « Hunter » ou, plus récemment, de défier le froid polaire de « Construire un feu », le metteur en scène s’était emparé de deux œuvres de l’écrivain britannique Mike Kenny – « La Nuit électrique » et « Un Rêve féroce » – pour construire ses premiers spectacles, à l’attention du jeune public. Cette fois, le touche-à-tout théâtral a choisi de mener son projet pour la jeunesse de bout en bout et d’en signer la scénographie, la mise en scène, mais aussi le texte.

Loin des contrées nord-américaines et de leur culture populaire, terrain de jeu favori du metteur en scène, « La Chambre désaccordée » conte l’enfance de Simon, un jeune garçon de dix ans aussi à l’aise avec la valse en la bémol majeur opus 69 n°1 de Chopin qu’avec le prélude et la fugue n°2 en do mineur de Bach, sous l’œil du portrait duquel il fait ses gammes. Petit prodige du piano, il est poussé par sa mère, ancienne pianiste amatrice, à s’inscrire au prestigieux Concours national des pianistes de demain, mais le doux son des accords n’enchante pas toute la maison. A travers les murs mal insonorisés de sa chambre, Simon entend régulièrement ses parents se disputer et évoquer leur séparation. Le jeune garçon se charge alors d’une mission : malgré son peu d’attrait pour la compétition, il décide de passer ce concours, avec l’espoir que sa potentielle réussite puisse sauver le couple parental.

Habituel élément consubstantiel du théâtre de Marc Lainé – qui n’a pas hésité par le passé à faire monter des compositeurs comme Bertrand Belin (« Spleenorama ») ou Superpoze (« Hunter ») sur les planches – la musique joue un rôle plus capital que jamais et fait glisser le spectacle vers le théâtre musical. Dans un décor d’un bleu monochrome, les airs et la tonalité ont quelque chose à voir avec l’atmosphère mélancolico-pop déployée par Alex Beaupain dans « Les Chansons d’amour » de Christophe Honoré. Sans jamais, et c’est notable au regard de ses précédents spectacles, avoir recours à la vidéo, le metteur en scène instille cette dose de fantastique qui lui est si cher et modèle son univers. Au gré des songes de leur fils, interprété avec finesse par François Praud, les deux parents (Léopoldine Hummel et Loïc Risser) se retrouvent cantonnés dans un ersatz de studio d’enregistrement, d’où ils peuvent livrer, en chansons, leurs états d’âme de « grands ».

Source de travail intense et d’équilibre psychologique, la musique balise ce parcours d’apprentissage conjoint, à mi-chemin entre le conte initiatique et le réalisme sensible, cette voie vers l’acceptation d’une situation qui échappe à l’idéal familial, mais avec laquelle il faut, une fois passée la phase d’affrontement, tenter de composer. Marc Lainé s’inscrit alors en écho à la situation de nombreux enfants, terrifiés par la potentielle séparation de leurs parents et s’en sentant responsables une fois celle-ci advenue, mais aussi de nombre de parents qui n’imaginent pas la pression imposée à leur progéniture et l’ampleur des tourments qu’elle produit dans leur jardin secret. Comme un coup double délicat.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

La Chambre Désaccordée
Marc Lainé / La Boutique Obscure
Théâtre musical pour le jeune public à partir de 8 ans
Texte publié aux éditions Heyoka/Actes Sud Papiers
Texte, mise en scène et scénographie Marc Lainé

Avec Léopoldine Hummel, François Praud, Loïc Risser

Musique – création collective des interprètes
Collaboration artistique Tünde Deak
Son Morgan Conan-Guez
Lumières Kevin Briard
Plateau & régie son Farid Laroussi
Assistanat à la scénographie Laura Chollet
Administration, production, diffusion Clémence Huckel, Florence Bourgeon, Les Indépendances

Production La Boutique Obscure (Flers)
Coproduction Théâtre de la Ville, Scène nationale 61, Théâtre Le Passage, Maison des Arts et de la Culture de Créteil
Accueils en résidence : Scène nationale 61, Maison des Arts et de la Culture de Créteil, Théâtre National de Chaillot, L’Etable (Cie des Petits Champs)

Avec le soutien de la DRAC Normandie – Ministère de la Culture, la Région Normandie, le Conseil départemental de l’Orne et l’ODIA Normandie.

Durée : 1h05

17 au 24 octobre 2018 Théâtre de la Ville, Paris
22 janvier 2019 L’Eclat, Pont-Audemer
28 janvier au 2 février 2019 Le Grand Bleu, Lille
20 au 22 mars 2019 Le Trident Scène nationale, Cherbourg
26 mars 2019 L’Arsenal, Val-de-Reuil
28 au 31 mars 2019 CDN de Normandie-Rouen
2 au 4 avril 2019 Théâtre Le Passage, Fécamp
8 au 12 avril 2019 MAC de Créteil
24 au 26 avril 2019 Le Quai, CDN d’Angers
16 au 18 mai 2019 La Comédie de Reims, CDN

 

Photo Simon Gosselin

No comment yet.