Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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Scooped by Le spectateur de Belleville
March 12, 2021 2:54 PM
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Christian Schiaretti : gloires et contradictions du théâtre populaire : 5 émissions radiophoniques dans la série A voix nue, sur France Culture

Christian Schiaretti : gloires et contradictions du théâtre populaire : 5 émissions radiophoniques dans la série A voix nue, sur France Culture | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretiens menés par Lucile Commeaux pour "A voix nue" sur France Culture

 

LIEN POUR L'ECOUTE DU PREMIER EPISODE

(30 MN)

 

Né en 1955 Christian Schiaretti grandit dans un Paris ouvrier, où la culture est réduite à portion congrue, mais où il découvre fasciné la grande littérature.


Christian Schiaretti naît dans une famille parisienne recomposée, dans une atmosphère ouvrière et libertaire. Sa mère est une femme indépendante et féministe, une des premières à accoucher à la Clinique des Lilas, pionnière dans la pratique de l’accouchement sans douleur. Il grandit avec elle et son compagnon, qui travaille aux Halles, dans le 11e arrondissement de Paris, quartier Voltaire, resté dans les années soixante un “faubourg” ouvrier et populeux. C’est pour lui un lieu d’épanouissement et de violence, comme l’école, où son patronyme italien lui vaut d’être classé parmi les “rastaquouères”. 

J'étais dans un milieu plutôt libertaire. Ma mère s'était mise en rupture familiale avec l'ensemble de sa famille puisqu'elle vivait avec quelqu'un avec un enfant pas reconnu, mais qui portait le nom de son premier mari. Je ne sais pas si vous voyez ce que ça veut dire.  

"Je me suis réfugié dans un placard pour échapper à la promiscuité que je subissais"


A l’abri dans un placard, seul endroit où on peut s’isoler dans les petits logements qu’il habite avec sa famille, Christian Schiaretti commence à lire, en prenant la littérature par le seul ordre qui lui paraisse légitime: l’ordre chronologique. Il dévore les Grecs anciens, la farce médiévale, le roman, sans hiérarchie aucune, et avec le même appétit. 

Rétrospectivement, il considère avec un étonnement sans cesse renouvelé cette expérience intellectuelle première, à laquelle son milieu et son existence d’alors ne le poussaient pas. Dans sa famille, dans son quartier, on ne lisait pas, on n’allait pas au théâtre, un peu au cinéma parfois, mais les choses de l’esprit ne faisaient pas partie du quotidien. Dans l’ensemble il conserve de son enfance des souvenirs plutôt joyeux: la violence sociale existait certes, la misère n’était pas loin, mais la famille restait soudée et les amitiés fortes. 

J'avais par-devers moi peut être, une sorte d'intuition dans ce rapport aux mots, dans cette espèce de macédoine multiculturelle, j'avais peut être une conscience du mot fort. (...) J'explique cette conscience de la langue qui est très présente chez moi parce que je vis dans un dans un milieu qui ne maîtrise pas le mot. Donc,  j'ai un rapport très fort à cela et je crois aussi à la conscience qu'il y a un monde ailleurs. 

Une série d'entretiens proposée par Lucile Commeaux, réalisée par Franck Lilin. Prise de son : Georges Thô. Attachée de production : Daphné Abgrall. Coordination : Sandrine Treiner.

Bibliographie 

Christian Schiaretti, Pour en finir avec les créateurs, Atlande, 2014.

Liens

 

Episode 2 : Un petit boulot au Festival (30 mn)

 

Episode 3 : Du grand Conservatoire au petit théâtre de l’Atalante (30 mn)

 

Épisode 4 : A la Comédie de Reims: le texte, toujours le texte (30 mn)

 

Épisode 5 : Diriger le théâtre national Populaire: avec le pouvoir, la responsabilité (30 mn)

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March 11, 2021 5:36 PM
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Mémoire sans limite : à propos de Hermann, de Gilles Granouillet, mise en scène François Rancillac

Mémoire sans limite : à propos de Hermann, de Gilles Granouillet, mise en scène François Rancillac | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 11 mars 2021

 

François Rancillac crée Hermann de Gilles Granouillet. Une fable touchante pour laquelle une tournée est prévue.

François Rancillac et Gilles Granouillet, c’est une longue histoire : un metteur en scène qui depuis plus de quinze ans revient à une dramaturgie qui le séduit, un metteur en scène qui aura beaucoup fait pour affermir l’art d’un écrivain.

 

Hermann est en effet la sixième pièce de Gilles Granouillet met en scène. Après Le Saut de l’ange en 2004, Zoom en 2009,   Nager/Cueillir en 2013, Ma mère qui chantait sur un phare, la même année et enfin Poucet, pour les grands, cette année
Un compagnonnage, une entente au long cours, une complicité. Une harmonie : c’est souvent le plus frappant dans les traductions scéniques imaginées par François Rancillac.

Il s’appuie sur des artistes qu’il connaît bien. Jérôme Aubert pour la régie, Sébastien Quencez pour la musique et le son. Il y a toujours une atmosphère, des humeurs de jeu et des options de représentation qui ont un lien, qui forment un manifeste personnel.

Ici, une fable. Une histoire dans laquelle se laisser porter. Hermann, du nom du « héros » qu’incarne Clément Proust, jeune homme, homme de combat sinon de guerre, peu saisissable, on le verra…

Et pourtant tout commence par un éveil de la mémoire. Léa Paule, neurologue, reconnaît la voix d’une personne qu’elle a connue autrefois. C’est Hermann. Retour en arrière après cette première scène énigmatique, onirique. Treize ans plus tôt. Elle avait 29 ans. Elle en a 42. Elle a deux enfants… C’est Claudine Charreyre qui est Léa, artiste elle aussi familière de l’univers de François Rancillac.

Que s’est-il passé autrefois ? Que se passe-t-il aujourd’hui ? Un autre homme, cardiologue qui a croisé le chemin de Léa. Daniel Kenigsberg, forte présence, est …Daniel Streiberg.

 

Une autre femme, Olia, l’épouse russe, est un élément essentiel, elle nourrit le mystère et nous mène sur des chemins plus ou moins sûrs. Lenka Luptakova prête sa silhouette et son art du suspens à cette étrangère qui fait peut-être le lien avec Boris Hermann dont on dit qu’il est russe…

 

Contraction du temps, contradictions des dévoilements successifs, tout ce qui est donné pour sûr se dilue, s’évapore. Complexité des espaces, des voyages, des allers-retours. Un seul point fixe, en fait, la neurologie. Le cerveau, ce continent indomptable.

 

François Rancillac imprime un mouvement ferme et vif à la représentation. On peut regretter les micros qui écrasent le grain des voix.

 

Scénographie, lumières de Guillaume Tesson, costumes de Sabine Siegwalt, déplacements des personnages, tout glisse de clarté à obscurité, de compréhension limpide, à résistance à l’entendement.

Il faut accepter. Le quatuor est très bien accordé. Quatre personnalités intéressantes, qui nuancent et s’entendent. Claudine Charreyre, avec sa sensibilité profonde et sa luminosité, Lenka Luptakova avec son autorité et ses irisations, Clément Proust avec son charme et sa manière d’échapper, Daniel Kenigsberg avec cette présence tout en délicats détails.

Bref, que ce spectacle vive ! Que les théâtres rouvrent enfin !

 

Ce spectacle a été vu au Théâtre des 2 Rives, à Charenton, le 5 mars dernier devant un public de professionnels.  Il avait également été donné les deux jours précédents.

 

Normalement la tournée devait conduire le spectacle les 25 et 26 mars à Chambon Feugerolles, le 7 avril à la Maison des Arts du Léman (Thonon-Evian), le 13 avril à Franconville, le 15 avril à Bagneux, le 6 mai à Vélizy-Villacoublay. En attendant la saison 21-22.

 

« Hermann » a été publié par L’Avant-scène théâtre, collection Quatre Vents. Les textes de Gilles Granouillet sont également publiés par Actes Sud-Papiers, Lansman.

 

Légende photo : Daniel Kenigsberg et Claudine Charreyre. Photographie de Christophe Raynaud de Lage.

 

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March 11, 2021 4:26 PM
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Buffles de Pau Miro, mise en scène de Emilie Flacher

Buffles de Pau Miro, mise en scène de Emilie Flacher | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 10 mars 2021

 

Créée en 1998, la compagnie Arnica – théâtre de marionnettes & écritures contemporaines – , dirigée par Emilie Flacher, metteuse en scène et constructrice de marionnettes, s’empare du réel pour raconter les histoires d’aujourd’hui. Son théâtre prend sa source dans la singularité des territoires et explore les voies du jeu de l’acteur et de la marionnette. Avec les auteurs vivants, la compagnie Arnica sonde le vécu, travaille la matière pour mettre en scène un regard sur le monde.

L’auteur catalan Pau Miro écrit entre 2008 et 2010 une trilogie animale, Buffles, Lions et Girafes, traduite par Clarice Plasteig aux éditions ESPACES 34. Ces pièces partagent une unité de lieu, la blanchisserie d’un quartier populaire espagnol à différentes époques. Les personnages ne sont pas semblables, ni l’histoire : reste la disparition de Max créant un manque avec lequel il faut vivre.

Buffles a été écrite plus précisément en pleine crise économique. Pau Miro est né juste après la mort de Franco, dans une société encore marquée par la dictature alors qu’aujourd’hui encore des pans de l’Histoire ne sont pas rigoureusement éclaircis ni nombre de disparitions élucidées.

Une famille de buffles tient une blanchisserie dans un quartier où des lions menaçants rôdent dans les impasses. Une nuit, Max, le plus jeune des fils, disparaît. Interrogations, silences, secrets et non-dits énigmatiques, les jeunes doivent grandir en transcendant la blessure de l’absence.

La pièce est sous-titrée « fable urbaine » dans laquelle des figures animales sont réinventées pour la scène. L’animal représente l’étrangeté, une autre présence au monde déstabilisante. Et les buffles sont des animaux solidaires, capables de collaboration pour faire face aux prédateurs.

Le public se trouve confronté à un choeur polyphonique de bêtes et de machines installées sur la scène, une fable contemporaine insolite et cocasse. La pièce chorale montre une fratrie « parlant d’un seul bloc et dans l’urgence, tel un long poème rock partagé entre plusieurs gueules, plusieurs corps, plusieurs souffles à l’intérieur du paysage sonore de la blanchisserie d’abord, et ses machines à tambour, et celui de la ville – passages de voitures, manifestations, radio… ».

Chaque buffle affirme son point de vue et consent, au-delà de son intérêt individuel, aux sacrifices nécessaires, pour l’équilibre collectif. En troupeau serré ou dispersé – moments de complicité et coups de cornes -, cinq frères et soeurs buffles racontent la disparition inexpliquée de leur frère. Pour une double réalité, réelle et symbolique, l’auteur explore un univers de temporalité fluctuante.

Il n‘est guère habituel de voir se déployer sur la scène non seulement un buffle mais cinq – soit un troupeau quelque peu envahissant et lourd dont chaque corps donne à voir sa carapace sombre et brune, articulée comme l’apparence d’un énorme hanneton, dotée d’une tête cornée majestueuse.

Aussi l’animal est-il d’emblée perçu comme une étrangeté ou une aberration – bel objet de cirque. 

Les premiers instants de surprise passés, le public adhère à cette communauté encombrante et disproportionnée sur une scène, réalité éloignée qui peu à peu revêt les caractères de l’humanité.

Des éléphants dans un magasin de porcelaine qui font pourtant tourner la boutique et s’expriment de manière éloquente, analysant leur situation, racontant leurs malheurs et leurs craintes amères : enfermement volontaire du père dans son atelier, disparition de la mère qui oublie son malheur en jouant, rencontres hasardeuses avec des lions qui les laissent étrangement en vie, émancipation progressive des enfants buffles qui iront chacun de leur côté en s’extrayant de la blanchisserie.

Un spectacle musical où le grotesque – énormité et encombrement des corps, déplacements ardus, voix off trop sonorisées – s’impose grâce au jeu délié de comédiens physiques – athlètes qui portent les masques et manipulent les corps animaux, se faisant tout petits à côté d’énormes carcasses imposantes qu’ils servent avec brio : ces interprètes-marionnettistes talentueux sont Guillaume Clausse, Claire-Marie Daveau, Agnès Oudot, Jean-Baptiste Saunier, Pierre Tallaron.

Les buffles sont des constructions de marionnettes belles en soi, qu’on a plaisir à regarder – des pièces d’exposition à admirer, des objets insolites, des spécimens de zoo étalés sur un plateau.

Véronique Hotte

Présentation professionnelle du 9 mars au Théâtre de Châtillon (Hauts-de-Seine) initialement dans le cadre du Festival Marto ! Tournée prévue en juillet 2021 au 11. Avignon; à La Maison de la Culture de Nevers, le 14 octobre 2021; au Mouffetard, Théâtre des arts de la marionnette Paris 05, du 7 au 23 janvier 2022; à Hectare à Vendôme (Loir-et-Cher), en mars 2022.

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March 11, 2021 1:30 PM
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La mort du chorégraphe Jean-François Duroure

La mort du chorégraphe Jean-François Duroure | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde - 11mars 2021

 

 

Il avait créé sa troupe en 1986 après avoir dansé avec Mathilde Monnier et Pina Bausch. Il avait pris en 2001 la direction du pôle danse au Conservatoire de Strasbourg. Il est décédé le 6 mars, à l’âge de 57 ans.

Le danseur et chorégraphe Jean-François Duroure, en juin 2005, dans la cour du palais Rohan, à Strasbourg. MICHEL NICOLAS

Une présence qui brûle, un élan qui fouette. L’intensité de la danse de Jean-François Duroure, interprète, chorégraphe et pédagogue, personnalité de la scène du spectacle vivant, est inoubliable. Cette vibration, qu’elle transperce un tutu long rehaussé d’un imper ou un costard-cravate, a cessé. Jean-François Duroure est mort, samedi 6 mars, des suites d’une longue maladie à l’hôpital de Hautepierre, à Strasbourg, où il enseignait, au Conservatoire. Il avait 57 ans.

« Jusqu’au bout, alors même qu’on ne savait pas qu’il était malade, il avait conservé sa générosité et sa turbulence, confie la chorégraphe Elisabeth Schwartz. Nous travaillions depuis plus d’un an ensemble sur les œuvres d’Isadora Duncan [1877-1927], et il me soutenait beaucoup. Il m’émouvait terriblement. Son corps avait beau être meurtri, Jean-François était sans compromis, viscéralement artiste. Je l’avais baptisé “Vif-argent”. »

Jean-François Duroure est né le 8 janvier 1964 à Bagnols-sur-Cèze (Gard), où ses cendres vont être dispersées. Il pratique très jeune la gymnastique, puis fait ses premiers pas de danseur auprès du chorégraphe contemporain Dominique Bagouet (1951-1992). Il a 14 ans. Il enchaîne ensuite des spectacles avec Odile Duboc (1941-2010) et Josette Baïz. « Il était ultra-doué, ultrasensible, déclare Josette Baïz. Lorsque, en 1982, ma pièce intitulée “25e Parallèle” a gagné trois prix au Concours chorégraphique international de Bagnolet [Seine-Saint-Denis], huit chorégraphes ont, dans la foulée, immédiatement fait des propositions d’engagement à Jean-François. »

« Corps de gymnaste »

Il intègre ensuite le Centre national de danse contemporaine d’Angers, puis la compagnie de Viola Farber (1931-1998). C’est là qu’il rencontre Mathilde Monnier, avec laquelle il fait équipe de 1984 à 1987 pour trois spectacles. Boursiers du ministère de la culture, ils partent à New York tous les deux et y créent le duo Pudique acide, en 1984. De retour en France, un an plus tard, ils chorégraphient la suite, intitulée Extasis. Succès immédiat. Les duettistes emballent le public sur des musiques de Kurt Weill.

 

Lire la critique de la reprise de « Pudique acide » et « Extasis » (2011) : Danse : dans les pas à ressorts de Monnier et Duroure

« Il avait une forte personnalité, il était très énigmatique aussi, raconte Mathilde Monnier. Il sautait haut et réalisait des figures incroyables grâce à son corps de gymnaste. Nous étions un peu comme des jumeaux : nous nous habillions pareil à New York. Nous travaillions beaucoup sans savoir où nous allions, mais c’était foisonnant. » En 1987, Monnier-Duroure cosignent leur dernière pièce intitulée Mort de rire, qui évoquait en sourdine la victoire de Jean-François Duroure sur un lymphome, en 1986.

Parallèlement, Jean-François Duroure, qui rêvait depuis toujours de danser avec Pina Bausch (1940-2009), comme il le mentionne dans un entretien réalisé en 2011, visible sur le site Numéridanse, est embauché dans la troupe allemande, le Tanztheater Wuppertal, en 1984. « Il a passé trois fois l’audition chez Pina, poursuit Mathilde Monnier. A 16, 17, puis 19 ans, où il a enfin été pris. A chaque fois, Pina lui disait qu’il était trop jeune mais qu’il devait revenir. » Il reprend des rôles phares, en crée d’autres, dans Two Cigarettes in the Dark (1985) et Viktor (1986).

« Engagement corporel total »

« C’était une belle personne qui s’est jetée dans le travail, il était superbe, se souvient Dominique Mercy, également danseur chez Pina Bausch. Il a soufflé un vent particulier, à cette époque-là, sur la compagnie, qui a emporté certains, dont moi, par exemple. Il était insouciant des règles, il rentrait dans le chou et provoquait, dans le bon sens du terme. Très libre, mais très respectueux. Il avait une saine envie de vivre et de profiter des choses, de chercher aussi. »

Ce parcours tendu, traversé par une quête de spiritualité, se poursuit à la tête de sa troupe, fondée en 1986. Il chorégraphie des spectacles, dont La Anqâ (1988), d’après Jean Genet, Le Langage des oiseaux (1992), sur un poème persan de Farid Uddin, La Nuit partagée (1993), à la suite d’une rencontre avec des hip-hopeurs. Il collabore avec le metteur en scène Georges Lavaudant.

En 2001, il prend les rênes du pôle danse au Conservatoire de Strasbourg jusqu’en 2012, puis continue à y enseigner la danse contemporaine. « Il était exigeant, rappelle Elisabeth Schwartz. Il désirait un engagement corporel total de la part des étudiants pour être dans l’expérience profonde de l’art. »

 

 

Jean-François Duroure en quelques dates
 

8 janvier 1964 Naissance à Bagnols-sur-Cèze (Gard)

1984 Entre dans au Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch

1984-1987 Cosigne trois spectacles avec Mathilde Monnier

2001-2012 Dirige le pôle danse au Conservatoire de Strasbourg

6 mars 2021 Mort à Strasbourg

 

Rosita Boisseau

 

 

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March 10, 2021 6:08 PM
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Disparition de Jean-François Duroure

Disparition de Jean-François Duroure | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Nicolas Villodre dans Dansercanalhistorique 9 mars 2021

 

Le danseur et chorégraphe Jean-François Duroure est mort dimanche 7 mars à l’hôpital Hautepierre de Strasbourg. Il enseignait la danse contemporaine depuis  exactement vingt ans  au Conservatoire de la capitale alsacienne. Il s’était lui-même formé auprès de Viola Farber au CNDC d’Angers, après avoir pratiqué plus tôt la gymnastique. Au CNDC, il dansait volontiers avec, pour partenaire, Mathilde Monnier, les deux élèves s’entendant parfaitement. Ils bénéficièrent d’une bourse qui leur permit d’approfondir à New York la technique Cunningham. Une partie de leur pécule fut consacrée à la location d’un studio où ils commencèrent à faire œuvre chorégraphique commune… Le pas de deux eut pour titre l’oxymore Pudique acide (1984) : « Pudique, c’est la relation avec Mathilde. Acide, connotation caustique [c’est] notre relation poussée dans toutes ses possibilités : de défi, de rivalité, de complicité, de tendresse. C’était la relation directe qui se vivait à travers la danse », déclarait Duroure dans un entretien accordé en 2011 à Numéridanse. Il proposa d’accompagner la chorégraphie d’une musique de Kurt Weill. « Chacun donnait ses idées et les choses se mettaient en place presque naturellement. »

 

Le danseur passa sans transition, une semaine après Pudique acide », de New York à Wuppertal, enchaînant ainsi deux périodes contrastées. En effet, Pina Bausch l’avait engagé dans sa compagnie. Le Tanztheater lui permit également d’alterner deux formes expression distinctes et complémentaires dans le cas du couple artistique : « l’abstraction cunninghamienne et la charge émotionnelle de Pina. » Il participa à la création d’Auf dem Gebirge hat man ein Geschrei gehört puis récupéra le rôle de Jacques Patarozzi dans la reprise de l’opérette Renate wandert aus. De ce moment « très intense pour l’interprète », il reste trace grâce à la captation qu’en fit Herbert Rach et que nous pûmes découvrir en 2016 à Vidéodanse, à l’occasion de la publication par L’Arche d’un livre-DVD. L’ancien gymnaste Jean-François Duroure, coiffé eighties, y joue le casse-cou et sort du lot de la distribution, effaçant toute concurrence, dans un style hypernerveux n’appartenant qu’à lui que les critiques de l’époque qualifièrent de « vif argent. »

Pudique acide, créée à New York, fut suivie d’Extasis (1985), sur une musique, cette fois, du compositeur d’Hitchcock, Bernard Herrmann et, deux ans plus tard, d’opus comme Mort de rire et Nuit de Chine. L’œuvre est « basée sur des peintures d’extase de saintes mystiques » et cherche une certaine spiritualité dans le mouvement en même temps que le mélange des genres féminin-masculin, le « renversement des rôles », l’exploration de l’androgynie. Duroure se remémore « l’époque où Gaultier sortait ses jupes-culottes pour les hommes. » Le danseur portait lui-même le kilt, à la ville comme à la scène. Après la séparation du duo, Duroure voyagea. Il donna l’impression de rester, sinon en marge, du moins, pour reprendre le qualificatif de Marie-Christine Vernay, « décentré ». Le décentrement n’ayant pas ici de lien avec le fameux concept de Nikolais, l’autre figure marquante du CNDC, mais un sens sociologique. Un peu comme s’il avait voulu demeurer en dehors du mundillo du contemporain français qui trouva refuge, confort et arrangement dans les institutions.

 

 

Il collabora à trois expériences théâtrales avec Georges Lavaudant (Terra incognitaHamlet et Lumières) et explora le rapport entre le verbe et le geste, le corps et la voix, la présentation et la représentation. À la fin du siècle, on le retrouva ailleurs, au pays basque, au Ghana et en Afrique du sud. Sa pièce What are your doing here ? fut écrite avec des habitants et des artistes de Soweto. Avec des danseurs, des musiciens, des comédiens avant d’être créée en mai 1997 au manège de Reims. Depuis 2001, il s’était reconverti dans la pédagogie et transmettait son savoir aux élèves du Conservatoire de Strasbourg. Son spectre était large, pour reprendre l’expression de son collègue Arnaud Coste. Et son dernier projet était près d’aboutir qui consiste en un retour aux sources de la danse libre, sous la forme d’un spectacle en collaboration avec Élisabeth Schwartz, une suite de variations isadoriennes transmises à ses danseurs les plus confirmés.

Nicolas Villodre

 
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March 10, 2021 5:50 PM
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LesInrocks - Théâtre de l’Odéon occupé : “Nous avons besoin de perspectives” 

LesInrocks - Théâtre de l’Odéon occupé : “Nous avons besoin de perspectives”  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Amélie Quentel dans Les Inrocks- 08/03/21

 

Depuis jeudi 4 mars, une cinquantaine d’intermittent·es du spectacle occupent le théâtre de l’Odéon, à Paris. Ils et elles souhaitent la réouverture des lieux culturels, la prolongation de “l’année blanche” sine die ou encore l’abandon de la réforme de l’assurance chômage, délétère à la fois pour le secteur culturel mais plus généralement pour l’ensemble des travailleur·euses. 

 
 
Depuis jeudi 4 mars, une cinquantaine d’intermittent·es du spectacle occupent le théâtre de l’Odéon, à Paris. Ils et elles souhaitent la réouverture des lieux culturels, la prolongation de “l’année blanche” sine die ou encore l’abandon de la réforme de l’assurance chômage, délétère à la fois pour le secteur culturel mais plus généralement pour l’ensemble des travailleur·euses. 

On ne voit pas ça tous les jours : dans le bar de l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris VIe arrondissement), une statue de Racine tient à bout de bras des drapeaux de la CGT Spectacle et de la SNAM (Union nationale des syndicats d’artistes musiciens de France - CGT). Depuis jeudi 4 mars, une cinquantaine d’intermittent·es du spectacle occupent les lieux nuit et jour, en témoignent les sacs de voyage posés sur le sol et le buffet mis à disposition de tous·tes, alimenté notamment par des personnes les ravitaillant de l’extérieur par une entrée latérale filtrée par un service d’ordre. Le but de la CGT Spectacle, à l’initiative de cette action rejointe également par des travailleurs·euses non-syndiqué·es : tirer la sonnette d’alarme sur la “culture sacrifiée” en ces temps de Covid-19. Une énorme banderole portant ces deux mots orne d’ailleurs le fronton du théâtre, aux côtés d’une autre pancarte dénonçant un “Gouvernement disqualifié”. 

 

“L’idée est de servir de caisse de résonance importante concernant nos revendications. Nous avons besoin de perspectives”, nous raconte Rémi Vander-Heym, secrétaire général de la Synptac CGT (Syndicat national des professionnels du théâtre et de l’action culturelle) rencontré sur place ce lundi 8 mars. La date du début de l’occupation n’est pas anodine : “Cela fait un an que le secteur a été globalement mis à l’arrêt. Nous avons été reçus à l’occasion de réunions, il y a eu beaucoup de discussions, mais force est de constater que peu de paroles se sont transformées en actes.”

 

Leurs revendications sont claires : la mise en œuvre d’un réel plan de relance, adapté aux spécificités du secteur, la prolongation “sans date butoir” de l’année blanche pour les intermittent·es du spectacle (le dispositif est censé pour l’heure s’arrêter le 31 août) et bien sûr la réouverture des lieux culturels, avec un protocole sanitaire assurant tant la sécurité des travailleur·euses que du public. En bref, ils et elles veulent “se sentir tout simplement considérés et exister en cette période où l’on est totalement écrasés par la situation”, nous explique une comédienne de 28 ans, pour qui “cette action concrète et palpable fait du bien”. 

 

“De vrais arbitrages budgétaires doivent être pris”

“Il y a aussi le problème des caisses d’assurance maladie qui sont vides puisque personne ne peut travailler, ainsi que la réforme de l’assurance chômage, qui entrera en vigueur le 1er juillet, et qui va fragiliser tant le secteur de la culture que l’ensemble de la société : on ne dénonce pas tout cela uniquement pour nous, mais bien pour tout le monde”, poursuit Cyril, comédien et chanteur de 50 ans qui aimerait en soi “que (leurs) revendications soient enfin entendues afin que cette occupation se termine le plus vite possible”. L’intermittent, qui nous montre une vidéo prise par ses soins, était présent samedi soir au moment de la venue de Roselyne Bachelot. La rencontre a eu lieu sur le plateau de la grande salle du théâtre, à la fin d’une répétition de la prochaine pièce de Christophe Honoré, Le Ciel de Nantes.

 

Ce jour-là, le metteur en scène a écrit un texte de soutien, pointant dans le même temps “toutes les contradictions du moment” : “Le spectacle que nous répétons avec mon équipe, nous savons depuis plusieurs jours qu’il ne pourra pas être créé devant un public comme prévu. Nous sommes embarqués dans une production fantôme et pendant que nous nous efforçons de dépasser notre abattement et notre colère, de “travailler quand même”, il y a dans le théâtre d’autres artistes, salariés et employeurs du milieu de la culture qui se battent pour tenter de se faire entendre d’un gouvernement qui n’a pas su, pas voulu sanctuariser les lieux de la production et de diffusion artistiques lors de cette crise sanitaire. Personne n’est dupe de ce qui nous attend : toujours plus de fébrilité, d’injustices et de déconsidérations pour la création contemporaine (...) L’occupation de l’Odéon marque la vigilance et l’esprit de lutte nécessaires pour s’opposer à la politique d’un gouvernement qui méconnaît notre milieu et cherche  continuellement à fragiliser les plus précaires d’entre nous.”

 

Mais quand bien même la ministre de la Culture a assuré avoir entendu leurs demandes et inquiétudes, aucune décision ou mesure n’a été prise pour l’heure. La tenue d’un “Conseil national des professions du spectacle (CNPS)” qu’ils et elles appelaient de leurs vœux aura tout de même lieu le 22 mars sous l’égide de la locataire de la rue de Valois. “Nous voulons également la présence du Premier ministre Jean Castex, car de vrais arbitrages budgétaires doivent être pris. Ce n’est malheureusement pas prévu pour l’heure”, se désole Rémi Vander-Heym, qui annonce donc le maintien de l’occupation, la CGT Spectacle ayant également appelé à investir d’autres lieux culturels symboliques partout en France. En outre, depuis jeudi, des assemblées générales ont lieu tous les jours à 14h sur le parvis du théâtre (ce 8 mars, en soutien à la manifestation pour la journée internationale des droits des femmes, l’AG consistait en une “tribune féministe”, la garantie du congé maternité pour les femmes intermittentes étant d’ailleurs l’une des demandes du syndicat). Séverine, une comédienne que l’on croise à la sortie de l’Odéon - la place est entourée de policiers -, s’est spécialement déplacée pour cela : “Ce rendez-vous tous les jours, c’est une bonne chose pour que le mouvement prenne. La culture est en effet sacrifiée, avec une véritable iniquité et inégalité de traitement par rapport aux autres secteurs. On veut juste pouvoir faire notre métier et donner de l’oxygène aux gens qui en ont besoin : la culture, c’est vital pour la santé.” 

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March 9, 2021 4:47 PM
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Plusieurs théâtres occupés pour demander la réouverture des lieux culturels

Plusieurs théâtres occupés pour demander la réouverture des lieux culturels | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans  Le Monde avec AFP le 9 mars 2021

 

Une mobilisation dans trois théâtres nationaux réclame la réouverture des lieux culturels, fermés depuis la fin d’octobre pour cause de pandémie de Covid-19.

Le mouvement d’occupation des théâtres pour réclamer la réouverture des lieux culturels, fermés depuis la fin d’octobre pour cause de pandémie de Covid-19, commence à prendre de l’ampleur, avec une mobilisation dans trois théâtres nationaux.

Jeudi 4 mars a commencé l’occupation du Théâtre de l’Odéon à Paris, un mouvement qui se poursuit et a été suivi, mardi 9 mars, par une mobilisation au Théâtre de la Colline, dans l’Est parisien, et au Théâtre national de Strasbourg (TNS). Il s’agit de trois des quatre théâtres nationaux (hors opéra et danse), le quatrième étant la Comédie-Française.

 

 

« Pour nous, il s’agit d’un mouvement national. On a des retours des syndicats en région et ça commence à bouger, ils s’organisent », a affirmé Karine Huet, secrétaire générale adjointe du SNAM-CGT (Union nationale des syndicats d’artistes musiciens de France), qui fait partie des quelque 50 personnes qui se trouvaient à l’intérieur de l’Odéon mardi soir. Le mouvement a reçu le soutien du député LFI François Ruffin.

La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, s’était rendue samedi à l’Odéon et a promis de poursuivre les échanges, mais, mardi, la CGT-Spectacle a affirmé qu’elle poursuivait le mouvement. « Occupons ! Occupons ! Occupons », a-t-elle appelé dans un communiqué où elle précise que cette mobilisation s’inscrit « dans le sillage de l’occupation des ronds-points », en référence au mouvement des « gilets jaunes ».

 

Lire aussi  L’Odéon, « théâtre public et symbolique », de nouveau occupé

« Une réponse concrète de l’Etat »

Dans le même temps, quelques dizaines d’étudiants d’art dramatique sont entrés au Théâtre de la Colline, à Paris, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Ouverture essentielle »« Vie sans culture, droit dans le mur »« Bachelot si t’ouvres pas, on vient jouer chez toi ».

 

Selon une source interne au théâtre, il s’agit d’étudiants du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), de l’Ecole supérieure d’art dramatique (Esad) et de l’Ecole du studio-théâtre d’Asnières, un conservatoire à rayonnement régional de Paris. Se sont également associés au mouvement 51 élèves en scénographie-costumes, jeu, mise en scène, dramaturgie et régie-création, qui ont décidé de s’installer 24 heures sur 24 dans les locaux du Théâtre national de Strasbourg, « jusqu’à une réponse concrète de l’Etat ».

 

Il s’agit, pour eux, d’un « acte de mobilisation [qui] a pour objectif d’interpeller les pouvoirs publics sur la gravité de nos situations et d’améliorer les droits des intermittent·e·s touché·e·s par la crise sanitaire », affirment-ils dans un communiqué, appelant « les écoles nationales supérieures d’art dramatique de France et conservatoires à se joindre » au mouvement.

 

En plus de la réouverture des lieux culturels dans le respect des consignes sanitaires, les manifestants réclament, entre autres, une prolongation de l’année blanche pour les intermittents, son élargissement à tous les travailleurs précaires et saisonniers ainsi que des mesures d’urgence face à la précarité financière et psychologique des étudiants.

 

Dans le même esprit, une trentaine d’intermittents du spectacle ont passé la nuit de lundi à mardi dans un théâtre de Pau, selon les manifestants et la mairie.

 

Lire le récit : Roselyne Bachelot « à l’écoute » d’une culture en mal d’ouverture

Le Monde avec AFP

 

Légende photo : Mardi 9 mars, des étudiants d’art dramatique sont entrés au Théâtre de la Colline, à Paris, pour réclamer la réouverture des lieux culturels. THOMAS COEX / AFP

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March 9, 2021 3:22 PM
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Catherine Marnas : « Ignorer notre politique culturelle, c’est ne pas faire confiance au futur » 

Catherine Marnas : « Ignorer notre politique culturelle, c’est ne pas faire confiance au futur »  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Catherine Marnas, metteuse en scène et directrice du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TnBA), a accordé un entretien à France urbaine HEBDO.

Cela va faire presque un an que les lieux culturels sont fermés. Les maires de grandes villes et présidents de métropoles, par la voix de France urbaine, se sont dit prêts, le 12 février dernier, à accompagner une réouverture progressive des équipements culturels, en fonction de la situation sanitaire locale. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

 

Je pense qu’il est très important que les différentes démarches, qui se présentent pour l’instant de manière assez dispersées, se regroupent afin de faire entendre une voix commune, plus forte et plus efficace. Que des élus soutiennent notre cause est particulièrement réconfortant car nous ressentons que certains politiques ont compris notre rôle dans la société et ne nous considèrent pas comme « non essentiels », qualificatif qui a des effets délétères sur nos professions.


Je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de gens sont conscients qu’il y a une injustice flagrante dans la fermeture des lieux culturels. Nous ne sommes pas des irresponsables et sommes conscients des dangers de cette pandémie. Mais nous avons pu, lors du court temps où il nous a été permis de ré-ouvrir, vérifier que les dispositifs que nous avons mis en place tels que la distanciation, l’aération systématique des salles, les files d’attente espacées, l’utilisation du gel hydroalcoolique, le port des masques ou encore la sortie de salle rang par rang, ont été parfaitement respectés par les spectateurs. 


Il s’agit donc bien de priorités. J’ai par exemple entendu récemment qu’un pays d’Europe venait de classer les salons de coiffure « commerces essentiels » au nom de la dignité humaine. Cette méconnaissance de tout le travail souterrain de lien, de la communauté indispensable à notre humanité qu’aucun écran ne pourra résoudre nous semble particulièrement grave pour le monde de demain. Ne sommes-nous pas essentiels au nom de la dignité humaine ? Nous avons rêvé du « Monde de demain » après la première allocution du président de la République. Cette pandémie devait nous permettre de remettre en question les choix de société, les valeurs qui nous conduisaient à l’impasse. Au nom d’un idéal, nous étions prêts à tous les sacrifices. Las, le temps passant, nous nous sommes retrouvés dans la position de « non essentiels » Est-ce que nous pourrons un jour faire le compte des ravages que ce message a perfusé dans nos inconscients ? Des ravages irréparables, pour nous, mais pour la société tout entière. Si une action commune peut avoir une utilité, elle doit défendre non pas des droits et la défense d’une corporation qui serait fragilisée par les restrictions auxquelles nous sommes confrontés, mais bien au nom de « quelle société rêvons-nous pour demain ? »
 

« Nous ne sommes pas des irresponsables et sommes conscients des dangers de cette pandémie. » Catherine Marnas

 

L’aventure des centres dramatiques nationaux (CDN), institution que je défends aujourd’hui, s’est rêvée aux heures les plus noires de notre histoire. C’est quelque chose que je n’oublie jamais : pendant la guerre, des hommes se sont battus au péril de leur vie pour que cette utopie - la création auprès de tous et pour tous - devienne une réalité. Je me sens responsable de cette utopie. Notre Président, au début de cette pandémie, a employé le terme de « guerre ». Alors soyons à la hauteur de nos ancêtres pour utiliser cette référence au sens le plus existentiel. L’homme est un animal essentiellement social et rien ne pourra substituer le partage émotionnel, collectif, que sont nos cérémonies païennes réunissant en un même temps et un même lieu une communauté d’humains interrogeant leur condition.
 
La crise sanitaire entraîne de graves conséquences économiques pour le secteur culturel… Comment le secteur va-t-il se relever dans les mois à venir ?
 
En tant que théâtre public subventionné, nous avons été financièrement accompagnés de manière tout à fait remarquable si nous comparons avec d’autres pays du monde. Aidés, suivis, nous avons pu résister sans le problème essentiel de la survie. Ce n’est pas rien et loin de moi l’idée de « cracher dans la soupe ». Cette aide me permet d’aider beaucoup de compagnies et de leur permettre de passer le cap. Ce n’est donc nullement négligeable. Mais au fond qu’est-ce que cela raconte et qu’est-ce que cela permet ?


A l’écoute du monde de la culture, j’entends des renoncements, des démissions. Ici, quatre danseurs qui renoncent et changent de métier, des acteurs qui veulent renoncer. Des problèmes financiers ? Même pas ! Simplement l’usure, le travail de sape insidieux et violent qui s’immisce dans vos vies : « Si je suis « non essentiel », si la vie continue sans moi comme si de rien n’était, est-ce que ça a encore du sens que je passe ma vie à m’entrainer ? à me maintenir comme un athlète de l’émotion ? »


Quelle est notre légitimité au-delà de notre croyance ? Quelle place avons-nous dans le monde de demain ? Cette place ne nous est pas attribuée de droit mais comment convaincre qu’elle peut tellement apporter au monde de demain ? Loin de tous privilèges et de tout corporatisme, comment convaincre de notre croyance profonde dans le fait que le sens de notre vie, que notre épanouissement, que l’utopie de demain passe par une interrogation, joyeuse, positive, sereine, de notre position dans le monde et que celle-ci passe, entre autres par notre représentation collective du monde que le théâtre permet.


Se relever demain nécessite donc à mon avis une ouverture la plus proche possible. Plus le temps passe, plus les dommages seront irréversibles. Il y a une vraie urgence. Certains attendent de ce silence une sorte de tri. C’est une très vieille idée qui traine et qui pointe le bout de son nez à la moindre occasion : trop de compagnies, trop d’artistes… La Covid-19 servirait, au passage, de tamis, ne conservant que les plus solides. C’est faire fi du réseau très étoffé, chacun utile à sa place, qui est la fierté de notre pays. Je travaille beaucoup à l’étranger et je suis à chaque fois surprise du prestige dont nous jouissons à l’extérieur pour notre politique culturelle. L’ignorer à cause d’un principe de réalité économique ou de modernité est en fait le signe d’un retard sur les évolutions du monde : c’est ne pas faire confiance au futur.
 

« A l’écoute du monde de la culture, j’entends des renoncements, des démissions. » Catherine Marnas

Quel rôle les grandes villes peuvent-elles jouer dans la relance du secteur culturel ?
 
Je rêve d’une voix forte, discordante par rapport au discours ambiant. Nous vivons une crise indiscutable de nos démocraties et de l’éloignement progressif ressenti de nos dirigeants, souvent vécus comme coupés de la base. Ce n’est certainement pas le populisme qui réconciliera un peuple avec ses dirigeants. Faire appel aux instincts les plus primaires ne peut rendre l’espoir et l’élan dont nous avons tous besoin. Nous avons besoin de rêver, de nous projeter, de croire enfin qu’un monde meilleur est possible. Les artistes sont là pour nous proposer leurs utopies, leur passion. Nous sentir soutenus par les grandes villes et métropoles de notre pays est une lueur d’espoir dans l’obscurité où nous plongent les choix actuels.
 

« Nous sentir soutenus par les grandes villes et métropoles de notre pays est une lueur d’espoir dans l’obscurité » Catherine Marnas

Crédit photo : Frédéric Desmesure/ TnBA

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March 9, 2021 2:15 PM
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Le Théâtre de l’Odéon occupé

Le Théâtre de l’Odéon occupé | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Mireille Davidovici dans Théâtre du blog  -  9 mars 2021

 

Le Théâtre de l’Odéon occupé  "A l’appel de la C.G.T. /Spectacle, la journée de mobilisation unitaire du 4 mars s’est poursuivie avec cette occupation de ce grand théâtre parisien. Une cinquantaine de comédiens, musiciens, techniciens, habilleuses et dessinateurs y sont entrés sans encombre et  ont constitué le collectif On ouvre. Ils veulent rester sur place le temps que leurs revendications soient entendues par le Gouvernement. «Nous sommes déterminés! » dit l’un des occupants qui dorment sur la moquette des couloirs du théâtre et se nourrissent grâce aux dons et à l’argent collecté via les réseaux sociaux. Stéphane Braunschweig, directeur de l’Odéon, s’est montré solidaire: «Il sert, dit-on,  d’intermédiaire entre occupants et Gouvernement. » Mais il aurait déclaré: «Je n’irai pas jusqu’à dire que je soutiens ce mouvement», estimant que c’est un problème entre les intermittents et l’Etat. 

 

Les revendications sont claires: reconduction de «l’année blanche» pour tous les intermittents du spectacle, garantie du congé-maternité et des congés-maladie, communication du calendrier du dispositif d’accompagnement quand reprendra l’activité, retrait du projet de réforme de l’assurance-chômage, ouverture à tous d’une protection sociale et enfin négociations d’un plan de réouverture des lieux.»

Les occupants du Théâtre de l’Odéon proposent une assemblée générale journalière à 14 heures : « Un tour de garde artistique, comme un passage de flambeau durant lequel chacun pourrait s’exprimer, réaliser une performance, délivrer un témoignage pour au moins faire vivre l’initiative. »

Depuis mardi, la mobilisation s’étend. Nous rencontrons devant le théâtre un musicien qui répète sans être payé mais son ami, ingénieur du son, lui, travaille autant qu’avant, avec beaucoup de captations vidéo. Et un représentant du S.N.A.P.-C.G.T. rassemblant les artistes visuels explique qu’affiliés à la Maison des artistes, ils bénéficient de la Sécurité sociale mais pas du chômage et d’aucune indemnité pour accident du travail. 2% seulement des artistes et graphistes ont reçu des aides du fond de soutien pendant la crise sanitaire ! Les autrices et auteurs partagent eux aussi mobilisés partagent  le même statut. 

De nombreux collectifs prennent la parole comme  la Fédération des pirates du spectacle vivant. Elle demande avec le rassemblement Urgence-émergence, que les nombreux lieux sous-utilisés s’ouvrent aux compagnies sans lieu. Des comédiens  font des lectures : un monologue de Shakespeare, Le Bateau ivre d’Arthur Rimbaud, etc. et une fanfare met de l’ambiance en jouant On est là, on est là ! Dont  l’assemblée reprend en chœur les paroles…

 

 

Mais cette lutte va au-delà des revendications des gens de la Culture. Droit Au Logement réclame d’urgence l’hébergement des mal-logés et ceux, de plus en plus nombreux, qui sont à  la rue dans les trois millions de logements vacants … Les hôtesses et stewards de British Airways, au chômage depuis un an, ne bénéficient pas des aides à la formation réservées aux victimes de «licenciements économiques » et se voient déjà au R.S.A dans dix-huit mois. Pire, le sort des guides-conférenciers et personnels de restauration et d’hôtellerie ! « Les maîtres d’hôtel sont  en détresse » affiche une banderole. Quant aux intérimaires, Laetitia Gomez de la C.G.T.-Intérim, en compte un million deux cent mille qui ont perdu tout ou partie de leur salaire. « Un plan social silencieux »…

 

 Des politiques  prennent aussi la parole comme Clémentine Autain ou Julien Bayou, Secrétaire national d’Europe-Ecologie Les Verts  qui soutient ces revendications. Il demande que soit prolongée l’année blanche et s’insurge contre la réforme de l’assurance-chômage qui va «mettre sur le carreau huit cent mille chômeurs, pour réaliser un million deux cent mille euros d’économies. Alors qu’à fond perdu, on soutient les entreprises sans contrepartie.»

 

François Ruffin, journaliste et député de la France Insoumise, lui, plaide avec talent pour une décentralisation de la Culture : « Il est temps de faire sortir la Culture partout, pour lutter contre la dépression qui gangrène les pays. Va-t-on résoudre ça, en disant aux gens de rester devant leur écran et de prendre des cachets? Si j’étais ministre de la Culture, je ferai comme Franklin D. Roosevelt. »  et cite la politique du New Deal mise en place pendant la Grande Dépression par le président des Etats-Unis. Des milliers de peintres et sculpteurs sont employés pour rénover des bâtiments publics. Près de 2. 500 fresques murales voient alors le jour à travers le pays, dont celles de Jackson Pollock ou Mark Rothko. Des milliers de dessinateurs sont embauchés pour réaliser plaquettes d’information et affiches mais aussi des photographes pour témoigner de la misère dans les territoires ruraux. Avec ce New Deal, le gouvernement décentralise aussi la culture en créant des compagnies de théâtre itinérantes et régionales auxquelles les jeunes Elia Kazan et Orson Welles  participèrent… Et plus de 7.000 écrivains sillonnent le  pays pour collecter témoignages et récits de vie, souvent auprès des plus démunis…

 

Un programme inspirant.

Ce mouvement d’occupation commence à faire tache d’huile et des intermittents du spectacle de la région occupent maintenant le théâtre de Pau. «Je me suis rendue ce soir au  théâtre occupé depuis trois jours, a dit Roselyne Bachelot. Je comprends les inquiétudes notamment sur les suites de l’année blanche : ils le savent, mon objectif est de poursuivre la protection de l’emploi artistique autant que nécessaire. Nous poursuivrons nos échanges. » Et le premier ministre Jean Castex recevra jeudi -enfin- les représentants des secteurs culturels. A suivre…

Mireille Davidovici

 Le 6 mars, Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris (VI ème).

On peut suivre les événements sur Facebook : occupationodeon  

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March 7, 2021 3:17 PM
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Ascanio Celestini et David Murgia, entente idéale

Ascanio Celestini et David Murgia, entente idéale | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 7 mars 2021

 

Un auteur italien, un comédien belge, et des textes originaux et puissants à propos du monde d’aujourd’hui. Après Discours à la nation, Laïka, voici Pueblo. 

Le théâtre est art du dialogue. Affaire d’entente, de compréhension, d’harmonie. Le théâtre propose des rencontres idéales, parfois.

En quelques années, Ascanio Celestini et David Murgia ont suivi un chemin qui nous offre régulièrement des moments fertiles et puissants de réflexion qui passe par la scène, le jeu, l’interprétation.

 

L’un est italien, l’autre belge –mais avec des attaches siciliennes. L’un est né en 1972, l’autre en 1988. Ecrivain, musicien, metteur en scène, acteur, Ascanio Celestini est publié chez Einaudi et représente, dans son pays et au-delà, un héritier de la tradition de Dario Fo. Du théâtre qui puise dans le monde et s’adresse à lui. Il travaille sans cesse et ses écrits ne sont pas seulement destinés à la scène. Il s’intéresse aux démunis, à ceux qui sont pauvres, aux déracinés, à ceux que l’on jette dans la marge, ceux que l’on ne voit pas, que l’on n’écoute pas. « Ce qui m’intéresse dans ces personnages, c’est leur humanité.  Je veux raconter comment ils sont avant que la violence ne les transforme en centre d’intérêt pour la presse mais je veux aussi raconter le monde magique qu’il y a dans leur tête. »

 

Comédien, metteur en scène, auteur, frère cadet de Fabrice Murgia auteur (Le Chagrin des ogres en 2008) et lui aussi comédien et metteur en scène, David Murgia est l’un des cofondateurs du Raoul Collectif dont le dernier spectacle est Une cérémonie, en 2020.

 

Murgia et Celestini ont créé ensemble Discours à la Nation en 2013, Laïka en 2017, Pueblo en 2020.

 

La présence de Murgia, ce qu’il y a de trépidant en lui, son débit très vif, sa prise à témoin du public, tout saisit immédiatement. Accompagné du musicien Philippe Orivel, il ne donne jamais le sentiment de dire un texte, de le jouer. La grande complicité de Murgia et Celestini –ce dernier signe la mise en scène- donne à ce moment une puissance très particulière. Une vitalité, une plongée dans l’humain, sans rien de folklorique, mais avec une vérité à la Hugo, en quelque sorte ou, plus près, à la Dario Fo, justement. Pas d’exotisme, mais notre monde, pris dans le cadre d’une image qui ouvre et clôt Pueblo, celle d’un son né du déplacement de masses d’eau à la superficie de la mer…un son planétaire qui touche des indiens d’Amérique. Un signal pour piétiner, en une danse magique, la terre et faire pleuvoir les nuages…

 

Une légende qui rehausse toutes les inventions des gens de peu, des êtres qui se croisent dans Pueblo. Ascanio et Murgia leur donnent la parole. On les entend. On ne les oubliera plus.

 

Vu au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine. Des représentations de Pueblo sont prévues à Rennes, en avril, dans le cadre de Mythos, puis le 27 avril, au Wolubilis, Bruxelles, du 22 au 26 juin au Théâtre l’Ancre, à Charleroi.

 

 

Autre critique de ce spectacle par Christine Friedel dans Théâtre du blog - 8 mars 2021

 

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March 7, 2021 9:34 AM
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La ministre de la culture s’est rendue au théâtre de l’Odéon, occupé depuis jeudi

La ministre de la culture s’est rendue au théâtre de l’Odéon, occupé depuis jeudi | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Le Monde avec AFP le 7 mars 2021

 

Mme Bachelot a voulu rassurer les acteurs de la culture, qui demandent la réouverture des lieux culturels et des aides financières. « On attend des actes », ont réagi ces derniers qui poursuivent leur mobilisation.

 

La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, s’est rendue dans la soirée du samedi 6 mars au théâtre de l’Odéon, à Paris, occupé depuis jeudi par des acteurs de la culture qui réclament une réouverture des lieux culturels et des aides financières.

 

 

Lire aussi  L’Odéon, « théâtre public et symbolique », de nouveau occupé

« Je comprends les inquiétudes notamment sur les suites de l’année blanche : ils savent, mon objectif est de poursuivre la protection de l’emploi artistique autant que nécessaire », a-t-elle déclaré dans un message posté sur le réseau social Twitter, ajoutant que les échanges se poursuivent.

 

 

Le dispositif de « l’année blanche » pour les intermittents du spectacle, instauré en mai 2020, prolonge la durée d’indemnisation de l’ensemble des intermittents jusqu’au 31 août 2021. Une mission a été mise sur place par le ministère de la culture pour voir les suites à donner à ce dispositif. Les professionnels de la culture réclament, eux, sa prolongation jusqu’en août 2022.

 

 

Lire aussi : En attendant la réouverture, le spectacle était dans la rue jeudi 4 mars

Aucune date de réouverture

« Nous avons échangé [avec Roselyne Bachelot], posé nos revendications, en insistant sur le fait qu’elles portaient sur l’ensemble des travailleurs précaires et des chômeurs », ont répondu les occupants du lieu dans un communiqué. « Des paroles, on attend des actes » , ont-ils résumé, précisant qu’ils restaient dans l’enceinte du théâtre « dans l’attente de réponses concrètes ».

Le gouvernement, qui a fermé fin octobre les théâtres, musées et autres lieux culturels pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, n’a donné aucune date de réouverture, attendant le résultat de plusieurs « concerts-tests », ainsi qu’une expertise sur la situation des intermittents.

Légende photo : Des travailleurs, au chômage technique, devant le théâtre de l’Odéon occupé, le 5 mars 2021 à Paris. THIBAULT CAMUS / AP
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March 6, 2021 4:39 PM
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“La Fresque”, le poème dansé d’Angelin Preljocaj

“La Fresque”, le poème dansé d’Angelin Preljocaj | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par RDV CULTURE – Le chorégraphe jette douze danseurs dans un récit sur le pouvoir “surnaturel” du geste pictural. Un spectacle disponible sur le site d’Arte.

 

Se poser sur des œuvres littéraires comme sur un tapis volant pour les faire décoller grâce à la danse est un exercice qu’affectionne Angelin Preljocaj. Dans La Fresque (2016), le voilà sous l’influence d’un conte chinois du XIIIe siècle. L’histoire met en scène un jeune homme qui tombe amoureux d’une femme peinte sur le mur d’un temple. Force du fantasme, emprise de l’imaginaire, ces thèmes délicats à mettre en scène trouvent ici une incarnation démultipliée par dix interprètes. Dans un décor d’écrans et de panneaux ainsi que de nuées imaginé par Constance Guisset, l’attraction du désir fait surgir de l’obscurité quelques scènes lentes et magnétiques, mais aussi une dynamique de farandole en couples. La musique électro de Nicolas Godin, ici avec la complicité de Vincent Taurelle, se colore d’accents folkloriques ou cosmiques pour faire palpiter les corps. Plaisir que de revoir cette pièce de Preljocaj.

 

Voir la vidéo : 

« Angelin Preljocaj - La Fresque » (1h11), disponible sur le site d’Arte

 

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March 6, 2021 2:56 PM
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Après quatre mois de surplace, la culture sature 

Après quatre mois de surplace, la culture sature  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandra Onana dans Libération -  6 mars 2021 

 

 

L’occupation du théâtre de l’Odéon traduit le ras-le-bol du secteur, qui multiplie les actions militantes dans le vide et s’estime victime d’une iniquité que le gouvernement a de plus en plus de mal à justifier.

 

Quand la coupe a-t-elle commencé à être pleine ? Etait-ce la décision de ne pas rouvrir les lieux culturels le 15 décembre faute de perspectives sanitaires favorables, sans concertation préalable avec le secteur ? La reconnaissance par le Conseil d’Etat (saisi par les professionnels du cinéma, des salles de spectacles et musées dans les jours qui suivirent) d’une «atteinte grave aux libertés», rendue d’autant plus manifeste par la reprise des commerces et des offices religieux ? Les «clauses de revoyure», une le 7 janvier, une le 21 janvier, agitées au nez du secteur sans donner lieu à la moindre réévaluation de son sort ?

 

L’occupation du théâtre parisien de l’Odéon par une cinquantaine d’intermittents depuis jeudi intervient comme un point de rupture. Un geste symbolique qui met fin à la succession de non-événements encaissée par le monde culturel depuis sa mise à l’arrêt le 30 octobre. Les revendications des protagonistes, venus de la mobilisation organisée place de la République à l’appel de la CGT Spectacle, expriment plus particulièrement une exaspération à l’endroit des droits sociaux. Les suites de «l’année blanche» en faveur des intermittents ne sont pas garanties au-delà d’août 2021 : la crise perdurant, une mission de diagnostic de la situation a été confiée par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, à un conseiller de la Cour des comptes début février. Cerise sur le gâteau : le passage en force de la réforme de l’assurance chômage, présentée mardi par le ministère du Travail, est un coup porté aux salariés en contrats courts, dont un grand nombre travaillent dans la vaste galaxie de la culture.

Effet de routine

Avant d’en venir à investir les marbres de l’Odéon, la profession a d’ores et déjà parcouru un large éventail d’actions militantes. Manifestations, désobéissance civile et tribunes semblent avoir usé leur capacité à secouer efficacement le gouvernement, guettées par un amer effet de routine. Au point où l’on a le sentiment que la parution, mercredi dans le Monde, d’une lettre ouverte signée par 800 noms rutilants (Jacques Audiard, Léa Seydoux, Marion Cotillard, Vincent Lacoste…) n’est plus à même d’actionner la moindre avancée (ils demandaient la réouverture urgente des salles de cinéma), pas plus que l’appel d’une vingtaine de syndicats dans le Parisien quelques jours plus tôt, fédérés autour du hashtag #RebranchonsLaCulture.

La table ronde organisée jeudi par le Sénat avec les représentants du spectacle aura offert une énième synthèse d’enjeux qui ne procure plus qu’un effet sidérant d’interminable surplace. En outre, des réunions entre le gouvernement et les syndicats des salles de spectacles et du cinéma étaient prévues vendredi. Ces derniers ont finalement appris le report de la visioconférence à la semaine suivante. «Coordination et organisation préalable des différents ministères» et autre «ils ont plein de questions à régler avant» sont les motifs laconiques rapportés par les uns et les autres.

Expérimentations scientifiques

Même Roselyne Bachelot, dans ses dernières interventions médiatiques, semblait à court d’éléments de langage pour justifier l’iniquité de traitement dont le secteur s’estime victime. On peut s’agglutiner dans une galerie d’art minuscule parce que les œuvres sont à vendre mais toujours pas déambuler dans les vastes espaces du Louvre, on peut se presser dans une librairie ou chez un disquaire finalement reclassés dans la catégorie reine du «commerce essentiel» mais pas dans un cinéma ou un théâtre. Aucune scène de liesse n’a suivi l’annonce, mi-février, de l’autorisation des festivals d’été, conditionnée à une jauge de 5 000 personnes, assises, masquées et non restaurées. Le nouveau sujet en vogue du «pass sanitaire» soulève mille questions, et les expérimentations scientifiques lancées pour les spectacles à jauge debout ne suffisent pas à rasséréner une profession en mal de perspectives.

L’exécutif ne l’ignorait pas, et les syndicats avaient annoncé la couleur : le mois de mars, qui marque le sinistre anniversaire des premières mesures de restriction et du premier confinement, serait celui d’un regain de virulence des contestations. Les occupants de l’Odéon mènent une action codifiée du répertoire de la lutte sociale qui n’aspire pas au chaos, mais semble déclarer que c’en est fini des échanges de politesses et des imbroglios : «Laissez-nous travailler 

 

 
 
 
 
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March 12, 2021 10:22 AM
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« J’essaye de ne pas trop anticiper » : les programmateurs de spectacles jonglent avec les calendriers

« J’essaye de ne pas trop anticiper » : les programmateurs de spectacles jonglent avec les calendriers | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde  12 mars 2021

 

 

Contraintes depuis un an, en raison de la crise sanitaire, de déplacer leurs représentations, les salles font preuve d’inventivité pour sauver les productions.

 

 

En ce moment, les programmateurs ont l’impression d’être des « spectateurs clandestins » : ils assistent aux représentations réservées aux professionnels qui s’enchaînent pendant la journée, dans les théâtres. Les compagnies ont répété, elles sont prêtes et cherchent des dates, des salles. Les programmateurs, eux, se cassent la tête face à cet embouteillage de spectacles qui s’accroît de semaine en semaine. Depuis mars 2020, ils ont passé leur temps à faire et défaire, annuler et reporter, discuter et soutenir les artistes. En un mot : ils se sont adaptés, en attendant que les théâtres rouvrent et que les festivals aient lieu. Au point d’en devenir presque fatalistes : « J’essaye de ne pas trop anticiper, je ne veux pas aller plus vite que le gouvernement ou les scientifiques », reconnaît Didier Juillard, le directeur de la programmation de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris.

 

 

« On espère un début d’ouverture pour mi-avril », poursuit-il. Dans ce cas, Le Ciel de Nantes, la nouvelle création de Christophe Honoré, passerait à l’as. Elle était prévue du 19 mars au 16 avril. Même chose pour La Double Inconstance, de Marivaux, mis en scène par Galin Stoev, et annoncé du 30 mars au 24 avril. L’Odéon aurait maintenu ces spectacles s’ils avaient pu être joués au moins deux semaines. Le suivant est La Ménagerie de verre, de Tennessee Williams, avec Isabelle Huppert dirigée par Ivo van Hove, qui a été interrompu en plein vol, une semaine après sa première, le 6 mars 2020. Didier Juillard se veut optimiste pour cette reprise, du 27 avril au 4 juin : « On y croit », affirme-t-il.

 

 

Une saison de l’Odéon compte une quinzaine de spectacles. Depuis un an, treize ont été annulés ou reportés. Le choix a été de privilégier les créations, ou les spectacles qui n’avaient pas été vus à Paris. Et de ne pas sacrifier les spectacles étrangers. En jonglant avec les dates, Didier Juillard a réussi à caser en juin Faith, Hope and Charity, du Britannique Alexander Zeldin, initialement prévu en décembre 2020, et, en juillet, Que ta volonté soit Kin, de Sinzo Aanza, mis en scène par le Burkinabé Aristide Tarnagda, qui était annoncé en janvier. L’Odéon fermera donc plus tard. Et il reprendra plus tôt en septembre. C’est l’une des conséquences de cette année particulière : le calendrier de la saison ne devrait plus s’accorder automatiquement à celui du rythme scolaire.

« Augmenter la jauge »

« A la rentrée 2020, explique Didier Juillard, on a présenté deux spectacles adaptés aux normes sanitaires : Le Grand Inquisiteur, conçu par Sylvain Creuzevault, et Iphigénie, mis en scène par Stéphane Braunschweig. Le public a été au rendez-vous, masqué et espacé dans les salles. Quinze jours avant les vacances de Toussaint, on a annoncé une prolongation, pour augmenter la jauge. On a eu presque autant de monde, et les acteurs ont joué devant un public un peu différent. On s’est alors dit que l’on devrait poursuivre dans cette voie. »

 

Cette réflexion est largement partagée par Frédéric Mazellyle directeur de la programmation de la Grande Halle de La Villette à Paris. « En juillet dernier, 250 artistes, de Bartabas à Angelin Preljocaj, en passant par de plus jeunes comme Thomas Quillardet ou Marion Motin, ont travaillé dans tous les lieux et le parc. Le public était invité à des répétitions, il voyait ce qu’il ne voit jamais. Ça a été un gros succès. On a décidé de renforcer la programmation de juillet, où traditionnellement on présente du cinéma en plein air, et de jouer pendant les autres vacances. Il faut dire que nous avons la chance de pouvoir multiplier les propositions, parce que nous avons le parc. Des artistes qui normalement travaillent en intérieur ont eu envie de “sortir”, comme Gwenaël Morin à l’automne. On sent qu’il y a un mouvement vers le plein air. » A Niort aussi, ce mouvement se confirme. Paul-Jacques Hulot, le directeur de la scène nationale du Moulin du Roc, travaille à une saison d’été avec des reports à l’extérieur.

 

 

« Certaines compagnies sont tout à fait prêtes à adapter leurs spectacles, qui étaient prévus en salle », précise cet homme qui porte la double casquette de directeur et de programmateur. Rares sont en effet les structures qui peuvent s’offrir un programmateur à plein temps. Paul-Jacques Hulot jongle entre les tâches. Il revendique une programmation « qui parle à tout le monde », dans une ville où la scène nationale est le principal théâtre. Et un cinéma, aussi : il y a toujours un film dans une des deux salles du Moulin du Roc, ouvert 365 jours par an, qui adapte ses propositions aux jeunes, pendant les vacances.

Eric Bart, programmateur du Printemps des comédiens, à Montpellier : « Avec chacun des artistes, nous avons essayé de réinventer un projet, au cas par cas »

Une soixantaine de spectacles sont prévus chaque saison. « Si on ne rouvre pas en avril, une cinquantaine seront annulés », déplore Paul-Jacques Hulot, qui a déjà reporté sur la saison 2022-2023 des créations, dont la venue très attendue de Joël Pommerat avec Contes et légendes, et Ce dont nous sommes faits, de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, pour laquelle les huit scènes nationales de la région Nouvelle-Aquitaine se sont associées. « Nous n’avons pas pu voyager, mais nous avons eu beaucoup plus de discussions que d’habitude, entre nous, cette année. Les gens ont accepté de livrer leurs fragilités, leurs doutes. Et cet échange a beaucoup nourri la profession. »

 

Ce sentiment, partagé par les autres programmateurs, s’accompagne d’une remise en cause de la concurrence que les théâtres se livrent habituellement. « Cela pourrait peut-être changer », glisse Didier Juillard. De fait, l’Odéon a rompu avec la règle sacro-sainte de l’exclusivité : il est en train de s’associer avec une scène de la région parisienne pour sauver la création de Tiphaine Raffier, La Réponse des hommes, qui devait être présentée en mars. D’autres leçons ont été tirées : se laisser plus de souplesse dans les programmations, pour être plus réactifs ; offrir plus de liberté aux spectateurs, en reconsidérant les systèmes d’abonnements.

 

 

Pour Emilie Audren, qui programme le festival Mythos et le théâtre de L’Aire libre, à Rennes, ainsi que La Manufacture, un des lieux repérés du « off », à Avignon, la souplesse s’impose, si l’on veut « laisser leur chance aux compagnies émergentes ». « En 2020, on avait 35 spectacles, dont 11 venus de l’étranger, dans les trois lieux de La Manufacture. On s’est engagés à les reprogrammer cette année. Certaines compagnies vont malheureusement baisser les bras, vu les conditions. Et la majorité des étrangers ne pourront pas venir. Je les remplacerai par des compagnies françaises ou européennes, si c’est possible, mais c’est une pauvreté de perdre ce lien avec le monde. »

Une nouvelle inflexion

Personne ne la contredira : pour tous les programmateurs, la dimension internationale est essentielle. Cette année de pandémie, jointe à la prise de conscience écologique, lui donne une nouvelle inflexion : « Il faut programmer des étrangers, mais en le faisant d’une manière plus réfléchie, qui tienne compte du bilan carbone », disent d’une même voix Didier Juillard, Frédéric Mazelly, et Eric Bart, chargé de la programmation du Printemps des comédiens, à Montpellier. « Sans la France, de grands artistes étrangers, comme Romeo Castellucci, auraient du mal à travailler, pointe ce dernier. Et ces artistes nourrissent le théâtre français : sans eux, nous n’aurions pas une nouvelle génération de metteurs en scène aussi talentueuse. »

 

Romeo Castellucci, Krystian Lupa, Krzysztof Warlikowski et Simon McBurney sont prévus au festival de Montpellier, qui a été annulé en 2020. « Nous avons choisi de ne pas tout reporter, mais de rester fidèles aux artistes. Avec chacun, nous avons essayé de réinventer un projet, au cas par cas », précise Eric Bart. Simon McBurney va ainsi jouer pour la première fois en plein air, dans le magnifique domaine d’O du festival, et Romeo Castellucci a choisi un parking pour sa création. Une même fidélité aux artistes français, comme Julien Gosselin ou Isabelle Lafon, a prévalu dans le choix de cette édition qui devra composer avec une billetterie réduite. Et, surtout, avec une inconnue : « Si la situation s’aggravait et qu’on devait subir une deuxième année blanche, ce serait très inquiétant pour l’avenir du festival. » Et le programmateur de croiser les doigts.

 

Brigitte Salino / Le Monde

 

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« Un an de culture confinée », une série en douze volets

Le service culture du Monde consacre pendant deux semaines plusieurs reportages, portraits, rencontres, entretiens aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur les acteurs et lieux culturels.

 

  1. Vaux-le-Vicomte, Ussé… privés de visiteurs, des châteaux hantés par le vide
  2. Julie Deliquet, metteuse en scène : « Je ne voulais pas qu’on devienne un théâtre fantôme »
  3. Mulhouse, la ville où la culture pour la première fois s’est arrêtée
  4. Julia Ducournau, cinéaste : « On nous fait croire que le genre n’est pas français depuis la Nouvelle Vague, alors que c’est faux »
  5. Le groupe Last Train, stakhanoviste du live, en manque de public
  6. A Marseille, le MuCEM fermé fait appel à la mémoire collective dans l’attente de jours meilleurs
  7. Au Reflet Médicis, cinéma du Quartier latin, écrans et fauteuils attendent dans le noir
  8. Avoir 20 ans et étudier le cinéma au temps du Covid-19
  9. A Venise, la Biennale d’architecture résiste
  10. Le Collectif Marthe, quatre comédiennes unies dans l’incertitude
  11. « Hors de question de lâcher » : le mécénat maintient le spectacle vivant
  12. L’humoriste Jonathan Lambert, pressé de retrouver « Rodolphe » au théâtre
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March 11, 2021 3:48 PM
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Occupation de l’Odéon : « On pensait rester deux, trois jours, mais là, c’est parti pour durer »

Occupation de l’Odéon : « On pensait rester deux, trois jours, mais là, c’est parti pour durer » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par  Marie-José Sirach dans L' Humanité - Mercredi 10 Mars 2021

Voilà six jours que le théâtre de l’Odéon, à Paris, est occupé. Professionnels de la culture ont été rejoints par ceux de l’événementiel, du tourisme, de la restauration... Étudiants aux Beaux-Arts et intérimaires de Manpower étaient là aussi. Tous présents pour porter les revendications de milliers de travailleurs laissés sur le carreau depuis an. Pour « exiger du travail et une protection sociale pour toutes et tous ».

 

En mai 2020, s’adressant aux intermittents, Emmanuel Macron citait Simon Leys : « Les vrais idéalistes sont des grands pragmatiques. Simon Leys avait cette formule : “Quand Robinson part, il ne part pas avec des grandes idées de poésie ou de récit. Il va dans la cale chercher ce qui va lui permettre de survivre. Du fromage. Du jambon”. » On a croisé la cinéaste Ariane Doublet devant l’Odéon. Deux jours auparavant, elle a porté aux occupants du fromage et du jambon. Mais son geste, comme celui de tous ceux qui viennent exprimer leur solidarité tous les jours, à 14 heures, sur le parvis du théâtre, est non seulement pragmatique mais encore poétique, politique, n’en déplaise à notre cher président de la République.

« Une crise sanitaire qui masque une crise sociale »

Cela fait six jours que l’Odéon est occupé, et la parole circule, revendicative. Voilà un an que le secteur de la culture, mais aussi celui de l’événementiel, de la restauration, des conférenciers, des intérimaires, des saisonniers, de l’aviation, est à l’arrêt. Une chape de plomb s’est abattue sur le pays laissant sur le carreau des dizaines de milliers de travailleurs qui ne peuvent plus travailler, créer. Les hôtesses de l’air de British Airways étaient là, en uniforme, tirant leur petit attaché-case de rigueur, comme quand on les croisait dans les aéroports, désormais désertés, des étudiants des Beaux-Arts aussi.

 

Un porte-parole de l’Opre (Organisation du personnel de la restauration dans l’événementiel) rappelle qu’ils sont des milliers à travailler dans tout ce qui a trait à l’événementiel, y compris lors des grands raouts ministériels, comme extras, et dénonce « une crise sanitaire qui masque une crise sociale ». Ceux-là n’ont rien, aucune aide, ni chômage partiel, ni année blanche, et refusent d’être « qualifiés par le gouvernement de “trous dans la raquette” ». Plusieurs intérimaires de Manpower sont là. Mais encore des artistes, des attachés de presse…

« Nous réinventons un service public essentiel »

À l’intérieur, la vie s’organise. Des assemblées générales quotidiennes. Denis Gravouil, dirigeant de la CGT spectacle, a les traits tirés mais le moral au beau fixe. « Nous vivons un moment extraordinaire. Ce mouvement commence à faire tache d’huile. » Il me tend la déclaration du jour écrite lors de l’AG du matin : « Nous réinventons tou-te-s ensemble un service public essentiel. Cette lutte va au-delà des revendications de la culture car nous exigeons travail et protection sociale pour toutes et tous. Pour continuer cet élan qui nous porte, mettons en commun nos expériences et nos outils. Occupons nos lieux de travail pour s’organiser. Occupons les lieux de culture pour converger. »

 

« Nos revendications sont sur la table depuis des mois »

Pour Denis Gravouil, la mobilisation ne doit pas faiblir. Les enjeux sont de taille et le silence assourdissant de la rue de Valois comme de Matignon en lasse plus d’un. « Nos revendications sont sur la table depuis des mois. Nous continuons à demander des mesures d’accompagnement pour tous ceux qui ne peuvent pas travailler, les intermittents du spectacle, mais aussi les auteurs et tous les intermittents de l’emploi. Nous demandons la réouverture des lieux, et les mesures d’accompagnement à la reprise car elle ne se fera pas d’un simple claquement de doigts, il faudrait saisir l’occasion, devant les embouteillages de spectacles, de penser à la phase trois de la décentralisation. » La question des droits sociaux, en particulier les congés de maternité, est un point aveugle que le syndicat dénonce sans relâche : « Qu’attend le gouvernement pour permettre aux femmes qui n’ont pas leurs heures de pouvoir en bénéficier ? » s’indigne-t-il.

 

« On pensait rester deux, trois jours, mais là, c’est parti pour durer », ajoute-t-il. Dehors, une fanfare endiablée fait swinguer la foule. Un jeune homme lance un poème depuis la terrasse de l’Odéon comme on jette un poème à la mer. Un autre, en bas, lit le Bateau ivre, de Rimbaud. Jambon, fromage… et poésie.

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OUVERTURES ESSENTIELLES

 

Les élèves de l’école d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg se mobilisent pour la survie des artistes, des étudiant.e.s et de tous.tes les professionnel.le.s en situation de précarité en association avec l’occupation du Théâtre de l’Odéon à Paris

 

Suite à une Assemblée Générale le lundi 8 mars 2021,  les 51 élèves en scénographie-costumes, jeu, mise en scène, dramaturgie et régie-création ont décidé à l’unanimité de s’installer 24h sur 24h dans les locaux du Théâtre National de Strasbourg. Cet  acte  de mobilisation a pour objectif d’interpeller les pouvoirs publics sur la gravité de nos situations et d’améliorer les droits des intermittent.e.s touché.e.s par la crise sanitaire.

 

Les élèves s’associent aux intermittent.e.s qui occupent le Théâtre de l’Odéon à Paris. Nous avons également appelé toutes les écoles nationales supérieures d’art dramatique de France et conservatoires à se joindre à notre mouvement.

 

 

Nous demandons :

 

 

  • La réouverture des lieux de cultures dans le respect des consignes sanitaires ;

 

  • Une prolongation de l’année blanche, son élargissement à tous.te.s les travailleur.se.s précaires, extras et saisonnier.ère.s entre autres, qui subissent les effets, à la fois de la crise et des politiques patronales, ainsi qu’une baisse du seuil d’heures minimum d’accès à l’indemnisation chômage pour les primo-entrant.e.s ou intermittent.e.s en rupture de droits ;

 

  • Des mesures d’urgence face à la précarité financière et psychologique des étudiant.e.s ;

 

  • Un plan d’accompagnement des étudiant.e.s du secteur culturel en cours d’étude et à la sortie pour leur permettre d’accéder à l’emploi ;

 

  • De toute urgence, des mesures pour garantir l’accès à tous.tes les travailleur.e.s à l’emploi discontinu et auteur.rices aux congés maternité et maladie indemnisés ;

 

  • Un retrait pur et simple de la réforme de l’assurance chômage ;

 

  • Un financement du secteur culturel passant par un plan massif de soutien à l’emploi en concertation avec les organisations représentatives des salarié.e.s de la culture ;

 

  • Des moyens pour garantir les droits sociaux – retraite, formation, médecine du travail, congés payés etc. - dont les caisses sont menacées par l’arrêt des cotisations. Pour porter ces revendications, nous exigeons, dans les plus brefs délais, une réunion du CNPS (Conseil National des Professions du Spectacle) avec le Premier Ministre ;

 

 A partir de ce jour, mardi 9 mars 2021 à 17h et jusqu'à une réponse concrète de l’État, tous les élèves resteront installé.e.s dans les locaux du Théâtre National de Strasbourg.  Une Assemblée Générale se tiendra chaque jour à 13h sur le parvis du TNS et en Instagram live sur le compte de « ouverture.essentielle » vous pouvez suivre en direct l’actualité du mouvement.

 

 Contact :

 

 

Mail :  tns.ouvertures.essentielles@gmail.com

 

Téléphone : 06 81 71 06 96 / 06 58 78 05 65

 

Compte Instagram :  «  ouverturessentielle  »

 

 

Avec le soutien de : 

 

Valérie Dréville actrice associée au TNS

Dominique Reymond actrice associée au TNS

Mathilde Delahaye metteuse en scène associée au TNS

Olivier Balazuc acteur et metteur en scène

Eric Lacascade metteur en scène et intervenant au TNS

Laurent Poitrenaux acteur associé au TNS

Pascal Rambert auteur metteur en scène associé au TNS

Nicolas Bouchaud acteur associé au TNS

 

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March 11, 2021 2:27 PM
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David Geselson publie un choix de ses «Lettres non-écrites»

David Geselson publie un choix de ses «Lettres non-écrites» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan -11-03-21

 

La Covid et le reste ont brisé net la tournée du spectacle de David Geselson « Lettres non-écrites ». Belle consolation : 50 lettres non écrites par les spectateurs mais écrites par Geselson, sont réunies dans un livre publié aux éditions du Tripode. Pour fêter ça, 50 actrices et acteurs se succèderont le 13 mars à la Maison de la poésie pour lire ces lettres. De 19 à 21h en streaming.

 

Tout avait commencé au printemps 2016 lorsque Tiago Rodrigues et sa bande d’actrices et d’acteurs avaient occupé trois mois durant le Théâtre de la Bastille (lire ici et ici et encore ici). L’auteur, acteur et metteur en scène David Geselson faisait partie de la bande. Après En route kaddish (lire ici), il préparait ce qui allait devenir Doreen (lire ici) à partir de la Lettre à D. d’André Gorz. Pendant cette occupation très occupée, chaque membre de la bande apportait des idées, certaines mettant les spectateurs dans le coup.

 

C’est ainsi que David Geselson proposa un jeu (qui n’en était pas un) aux spectateurs en ces termes : « Si vous avez un jour voulu écrire une lettre à quelqu’un sans jamais le faire, parce que vous n’avez pas osé, pas su, pas pu, ou pas réussi à aller jusqu’au bout, racontez-la moi et je l’écris pour vous. » 35 minutes en tête-à-tête, puis Geselson s’isole pour écrire la lettre. 45 minutes plus tard, il la lit à la personne. Soit cette dernière veut la garder pour elle seule et Geselson lui offre et l’efface de son ordinateur, soit elle accepte que Geselson en fasse « quelque chose au théâtre », la lettre restant bien sûr anonyme comme les autres.

 

Ainsi est né le spectacle Lettres non-écrites qui allait connaître différentes configurations scéniques et un succès qui n’en finit pas. Qui (Geselson le premier) n’a pas voulu (ne serait-ce qu’en pensée) écrire (papier, ordi) une lettre à un être aimé ou détesté ou disparu, perdu de vue ou mort mais a finalement renoncé, après ou pas un début de brouillon ? La proposition de l’artiste (mieux que l’écoute d’un psychothérapeute) a réveillé ce désir enfoui.

La première eut lieu à Théâtre Ouvert le 31 mai 2017. S’ensuivit une tournée dans différentes villes françaises et une escapade à New York avant de revenir brièvement au Théâtre de la Bastille en janvier 2019. Dans chaque ville, auprès des spectateurs, le processus se répétait et les lettres, non-écrites par les spectateurs mais écrites par Geselson, s’accumulaient. La Covid a brisé net la tournée qui aurait dû passer ces jours-ci par l’Espace 1789 à Saint-Ouen, en tandem avec un autre spectacle, Chœur des amants, un texte écrit et mis en scène par Tiago Rodrigues avec Alma Palacios et David Geselson, spectacles l’un et l’autre annulés.

Magnifique consolation : un livre (qui sort ces jours-ci) réunit un choix de ces lettres ordonnées selon différents thèmes récurrents comme « enfances », « amours », « pour finir ». L’absence, le manque, la perte traversent bien des pages. Tout comme la mort.

 

Qui n’a pas eu envie ou besoin d’écrire à un père, une mère, un enfant morts, un être aimé que la vie a éloigné, un être dont on est sans nouvelles depuis trop longtemps. Mais où poster ces lettres à ces disparu.e.s ? A quelle adresse ? Alors, le plus souvent, on ne les écrit pas. Le stratagème (mot cher au théâtre) de Geselson fait qu’il accouche en douceur de la lettre, après avoir écouté celle ou celui qui ne l’a pas écrite. Puis, en réunissant la brassée du jour à d’autres lettres en stock, il les fait entendre sur la scène du théâtre avec un.e partenaire et un.e invité.e (musique, dessin).

 

Rares sont les spectateurs qui ne seront pas traversés par l’une de ces lettres. Une phrase suffit, une inflexion. Ces petites choses qui les renverront à leur vie, à leurs amours, leurs remords, leurs non-dits, leurs morts. Ce sont des lettres qui, jusque dans leur colère pour certaines d’entre elles, apaisent, consolent, assouvissent.

La première lettre publiée dans le livre date du printemps 2016 (au moment de l’occupation de la Bastille). Une certaine Raquel (nom modifié comme tous les autres) écrit à « mon amour » : un enfant qu’elle n’a pas, son premier qu’elle espère. Elle dit vouloir garder la lettre pour lui envoyer lorsque l’enfant aura 20 ans. Sauf erreur, c’est la seule lettre écrite à une personne non née. Alors que son livre paraît ces jours-ci, David Geselson vient d’apprendre que Raquel a finalement eu un enfant. Si tout va bien, lorsqu’elle lui enverra la lettre dans presque vingt ans, l’enfant pourra lire ces mots, presque les derniers de la lettre (écrite par Geselson) : « Je dis tout ça, peut-être un peu maladroitement, pour te dire que quel que soit l’état dans lequel le monde se trouve aujourd’hui, si tu es en vie c’est parce que nous avons cru qu’un monde était possiblement vivable, si plutôt que de subir la mort et l’horreur qui nous entourent nous décidions de répondre à l’implacable force du désir pour dire notre certitude que la lumière est plus folle et plus probable que l’obscurité. » Et, plus loin, ces derniers mots :  « Je t’aime./ Je t’aime au-dessus de tout./ Sois heureux./ Raquel ».

 

 

David Geselson, Lettres non-écrites, éditions Le Tripode, 196p., 17€.

Lecture des lettres à la Maison de la Poésie le 13 mars de 19h à 22h en direct en streaming (sur le site de la Maison de la poésie). Conception et mise en espace, David Geselson. Une proposition de la Compagnie Lieux-dits et des éditions du Tripode à l’invitation de la Maison de la Poésie. Avec (distribution en cours) : Caroline Arrouas, Audrey Bonnet, Raphaèle Bouchard, Sandra Choquet, Charlotte Corman, Cécile Coustillac, Caroline Darchen, Noémie Develay-Ressiguier, Marie Dompnier, Laetitia Dosch, Valérie Dréville, Victoire Du Bois, Servane Ducorps, Emilie Gavois-Kahn, Adeline Guillot, Emilie Incerti Formentini, Marina Keltchewsky, Laure Mathis, Sara Martins, Shady Nafar, Juliette Navis, Lamya Regragui Muzio, Laetitia Spigarelli, Anne-Laure Tondu, Ruth Vega Fernandez et Samuel Achache, Sharif Andoura, Clément Bresson de la Comédie-Française, Xavier Brossard, Yannick Choirat, Alex Fondja, Vladislav Gallard, Arthur Igual, Loïc Le Roux, Mounir Margoum, Elios Noël, Denis Podalydès de la Comédie-Française, Sébastien Pouderoux de la Comédie-Française, Pascal Sangla, Alexandre Steiger, Thibault Vinçon. Lecture accompagnée par Jérémie Arcache, violoncelle, Martial Pauliat, clavier, Elodie Bouédec, dessin sur sable. Dans une réalisation de Muriel Cravatte.

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March 11, 2021 12:13 PM
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Au Théâtre de la Colline occupé : «Je commence à ne plus comprendre pourquoi je veux faire ce métier» –

Au Théâtre de la Colline occupé : «Je commence à ne plus comprendre pourquoi je veux faire ce métier» – | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Cassandre Leray et photos Cha Gonzalez dans Libération,  le 11 mars 2021

 

Depuis ce mardi, une trentaine d’étudiantes et étudiants en théâtre venus d’écoles parisiennes occupent le Théâtre de la Colline. Ils réclament la réouverture des lieux culturels et un plan d’accompagnement. «Libération» a passé une soirée avec eux.

Toute la nuit, les mots fusent. Le noir enveloppe déjà le Théâtre de la Colline mercredi soir. Mais ses occupantes et occupants ne dorment pas. Autour des grandes tables colorées du bar, une trentaine d’élèves en écoles d’art dramatique ne cesse de débattre. Fatigue, tristesse, colère, les voix se mêlent pour tenter de décrire le sentiment d’urgence qui les rassemble après un an de pandémie. «Nous sommes juste des jeunes qui ont envie d’un avenir qu’on nous a volé», clame une apprentie comédienne. Autour d’elle, des mains s’agitent. Applaudissements silencieux.

 

 

«Qui aurait pu imaginer ça ? On pensait être expulsés, et finalement on nous accueille à bras ouverts», lâche Sébastien, 29 ans, qui termine sa formation en théâtre dans quelques mois. Comme lui, une centaine d’apprentis comédiens ont débarqué mardi devant le Théâtre de la Colline, dans le XXe arrondissement de Paris. Parmi eux, des élèves du Cnsad et de l’Esad, du conservatoire de Paris et de conservatoires d’arrondissement ou encore de la maison de la culture de Seine-Saint-Denis et d’écoles privées. Une trentaine seulement reste occuper le lieu, pour des raisons sanitaires. Dans la foulée, Wajdi Mouawad, directeur de la Colline, publie un communiqué indiquant qu’il soutient «le geste des étudiants qui ont investi son espace». «Ils sont ici chez eux», écrit-il.

Depuis vingt-quatre heures, les grandes vitres de la Colline sont recouvertes de pancartes. L’une d’elles, en six mots écrits au feutre noir, résume : «Sans art, autant être sans âme.» Toute cette mobilisation est le fruit d’un déclic : l’occupation de l’Odéon par des artistes depuis le 4 mars. «On avait envie de faire quelque chose entre étudiants depuis un moment, et ça nous a décidés», relate Angèle, 22 ans. Après l’occupation de l’Odéon et du théâtre Saragosse à Pau par des professionnels, les apprentis comédiens veulent se faire entendre. A l’image de la Colline, le Théâtre national de Strasbourg ou encore le théâtre Graslin à Nantes sont à leur tour occupés cette semaine. «On soutient ce qui se passe à l’Odéon et ailleurs. Mais maintenant, on a aussi envie de faire entendre notre parole d’étudiants», poursuit Angèle.

 

«Même après le Covid, la reprise va être horrible»

Entre deux assemblées générales, un petit groupe se retrouve en réunion Zoom avec des apprentis comédiens des quatre coins de la France. Lyon, Strasbourg ou encore Lille… Ensemble, ils partagent leurs inquiétudes et leurs envies. Leurs deux revendications centrales : la réouverture des lieux culturels, et un plan d’accompagnement des étudiants en cours de formation et sortants d’études pour leur permettre d’accéder à l’emploi. «On a peur pour notre avenir. On n’a plus aucune perspective», soupire Alexandra, 19 ans, des boucles blondes s’échappant de son bonnet bordeaux. Assise sur une chaise tout en bas de la Colline, elle joue quelques notes de Tout le monde veut devenir un cat sur son ukulele, «pour mettre un peu de bonne humeur !» Pour elle, le plus dur, c’est d’apprendre le théâtre sans même savoir si elle pourra en vivre : «La seule chose dont je n’ai jamais douté, c’est que je voulais faire ce métier. Mais maintenant, je commence à ne plus comprendre pourquoi je fais ça.»

 

Pour oublier un peu, Alexandra joue. Sous les applaudissements, elle enchaîne les morceaux : I Will Survive de Gloria Gaynor, Let It Be des Beatles, Ain’t No Sunshine de Bill Withers… Par-dessus le son des cordes, les voix de six comédiennes chantent en chœur, tandis que certaines se servent des tables comme des percussions. L’occasion pour Alix, 20 ans, de se vider la tête. «Je suis constamment angoissée. Si on sort d’écoles et qu’il n’y a pas de travail dans les théâtres, à quoi ça sert d’étudier là-dedans ?»,  questionne l’apprentie comédienne, queue-de-cheval brune et grandes lunettes dorées sur le nez. «J’ai poursuivi mon rêve de gamine en voulant être actrice, mais je me demande si ce n’est pas une erreur. Même après le Covid, la reprise va être horrible», insiste-t-elle. A l’image des autres étudiants occupant la Colline, elle n’a pas mis les pieds au théâtre depuis des mois. Mais ce qui leur manque le plus, c’est le contact avec le public. Beaucoup n’ont pas frôlé les planches depuis «trop longtemps», déplore Alix. Dans toutes les bouches, les mots sont là, du début à la fin de la soirée : «Le plateau nous manque.»

 

En réaction aux mobilisations qui prennent de l’ampleur, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot a glissé quelques mots ce mercredi. Pour elle, l’occupation des théâtres est «inutile»    et «dangereuse». «C’est peut-être bête, mais entendre ça nous a tous blessés», confie Sébastien. Dans un coin du bar, Thibaud, 22 ans, grignote un bout après de longues heures de débats. Il résume : «Quand on voit la réaction de la ministre, on se sent méprisés et invisibles. Ça fait des mois que le monde de la culture n’est jamais écouté.»

 

«Quand je prends le métro bondé tous les jours, je ne comprends pas les choix du gouvernement», insiste le jeune homme. Dépité, il admet se demander «à quoi ça sert qu’on soit à la Colline si le pouvoir s’en fiche». Alexandra, de son côté, se pose une question : «Est-ce qu’on doit être plus violents pour être écoutés ? Ça fait des mois qu’on demande poliment et que ça ne sert à rien. Alors maintenant, qu’est-ce qu’on fait 

 

Légende photo :  Dans le théâtre national de la Colline à Paris, des étudiants occupent le lieu depuis le 10 mars 2021. (Cha Gonzalez/ Libération)

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March 10, 2021 6:00 PM
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Marina Hands : « J’ai un rapport très intime à la poésie »

Marina Hands : « J’ai un rapport très intime à la poésie » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Fabienne Darge (Avignon)  dans Le Monde 10/03/21

 

L’actrice, qui vient de faire son retour dans la troupe de la Comédie-Française, est la marraine du Printemps des poètes.


La Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, sans gradins, rendue à sa beauté première, sous un radieux soleil de printemps. La comédienne Marina Hands y enregistre des lectures pour le Printemps des poètes, dont elle est la marraine pour cette édition 2021 qui, comme les autres festivals, a dû se réinventer au temps du Covid-19. Un Printemps des poètes placé sous le signe du désir, un mot qui va bien à Marina Hands : après un long détour par le cinéma et la télévision, l’actrice a retrouvé le théâtre avec une passion renouvelée, notamment en regagnant la Comédie-Française, où elle est à nouveau pensionnaire, et où elle brille de tous ses feux dans les formidables « théâtres à la table » proposés par la Maison de Molière sur son espace YouTube.

 

Quel est votre rapport à la poésie ? Est-il né dans le cadre familial, en lien avec votre mère, la comédienne Ludmila Mikaël, et votre père, le metteur en scène britannique Terry Hands ?

Pas du tout, je n’étais pas abreuvée de théâtre et de poésie à la maison étant petite. J’ai un rapport très intime à la poésie, mais qui est né à l’école. J’étais très timide, réservée, et dire des poèmes me permettait de m’exprimer, capacité que je n’avais pas du tout par ailleurs. J’avais du mal à lire, à me concentrer, la lecture pour moi était une chose laborieuse, mais j’aimais les poèmes, leur fantaisie, l’humour qu’ils pouvaient receler, et de les transmettre a été mon premier rapport avec des personnes qui m’écoutaient, avec toute la fierté que cela me donnait. Pouvoir suivre une partition et avoir l’impression que les mots sortaient de ma bouche me grandissait, me donnait une place.

Cette relation à la poésie est-elle restée vivante par la suite ?

Bien plus tard, quand j’ai découvert le théâtre par la pratique, je me suis aperçue que pour quelqu’un qui ne lisait pas, ou qui lisait mal, j’avais un rapport très fort à la musicalité de la langue, au style. Mais c’était très viscéral, ce n’était que du ressenti. Plus les langues classiques étaient complexes, versifiées, plus j’y trouvais du plaisir. Dans mes débuts au théâtre, ce n’était pas de jouer une psychologie, un personnage, quelque chose qui était proche de moi, qui m’intéressait, c’était cette évasion que procurent des mots aussi beaux. Comme j’ai été élevée aussi dans la langue anglaise, j’ai beaucoup écouté d’enregistrements de pièces de Shakespeare, le monologue de Juliette, notamment, qui me sont pour ainsi dire entrés dans l’oreille. C’est la langue poétique qui m’a agrippée au métier de comédienne.

Que vous inspire ce thème du désir, choisi par le Printemps des poètes pour cette édition 2021 ?

Je constate que l’on pense à moi à propos du désir, et pas de la résistance ou du courage, qui était le thème de l’édition 2020 ! [rires]. Mais il fait partie de ma vie, oui, j’aime cette pulsion de vie, elle me constitue beaucoup, c’est un moteur puissant. Le désir par essence est organique, primaire, pulsionnel, alors par moments on arrive à le modeler, à le réfléchir, et donc à l’affirmer d’autant plus, mais parfois il existe tout seul, sans contrôle. Et ça, c’est une aventure passionnante, très révélatrice de ce qu’on est. Suivre son désir, c’est perdre un peu le contrôle, et j’aime ça, ce côté joueur, voire un peu flambeur. Je trouve que c’est quand même quelque chose de lumineux, même si, ces derniers temps, le désir est fortement discrédité…

Pour le Printemps, vous lisez un long poème écrit par Bernard Noël en hommage à la grande comédienne italienne Anna Magnani. Qu’est-ce qui résonne en vous dans ce texte ?

Ce texte m’a percutée immédiatement, dans sa crudité, son côté dérangeant. Il est écrit sous la forme d’une confidence très intime sur la différence qu’il peut y avoir entre ce qu’on perçoit d’une actrice à l’extérieur et son ressenti à elle. Ce décalage m’interroge. Je trouve toujours compliqué le témoignage de l’âpreté, de la violence que peut être ce métier d’acteur. Moi je l’ai souvent vécu, naïvement d’ailleurs, comme un cadeau, comme une chose qui me permettait de m’épanouir, de m’amuser.

« Suivre son désir, c’est perdre un peu le contrôle, et j’aime ça, ce côté joueur, voire un peu flambeur »

Alors cette violence intérieure, cette colère par rapport à la célébrité, à ce qu’elle implique de regard faussé sur vous, de solitude, me fascine, parce que j’ai l’impression qu’elle ne m’appartient pas. Mais en même temps, je regarde souvent, sur Internet, et avec une certaine fascination, je l’avoue, des interviews de Dalida ou de Romy Schneider, où elles expriment leur incapacité de vivre ce métier avec un certain plaisir. Donc quelque chose me travaille, là, même si je me sens très loin d’Anna Magnani et de son regard tragique sur la vie.

Vous êtes restée longtemps éloignée des plateaux de théâtre, avant d’y revenir avec Pascal Rambert, et d’entrer à nouveau à la Comédie-Française, en avril 2020. Que s’est-il passé ?

Il s’est passé que je n’y arrivais plus. J’ai eu un bug… Un profond sentiment d’illégitimité s’est développé en moi, qui est devenu très douloureux.

Est-ce lié à votre hérédité ?

Oui, beaucoup, bien sûr. Ma spontanéité, qu’à un moment on m’a beaucoup renvoyée, que je vivais comme quelque chose de naturel, a été mise à mal. La comparaison avec ma mère était permanente. Je ne sais pas comment tout cela s’est malaxé, mais un moment est arrivé où je ne pouvais plus mettre un pied sur une scène sans avoir le souffle qui se coupait. J’ai eu un vrai accident de parcours, au moment où je jouais Partage de midi de Claudel, une pièce qu’avait jouée ma mère, sous la direction d’Antoine Vitez.

Après je suis allée faire un spectacle avec mon père, qui ne s’est pas bien passé, et je ne suis plus remontée sur scène pendant des années. J’avais des choses à régler, je pense. J’ai même renoncé, ce qui a été le pire crève-cœur de ma vie, à jouer Rêve d’automne, sous la direction de Patrice Chéreau. Chéreau, que j’adorais, qui m’avait chopée quasiment au berceau, a essayé de m’aider, mais il m’a fallu du temps, et une thérapie, pour en sortir et pouvoir revivre ma véritable passion, qui est le théâtre.

 

Pourquoi la Comédie-Française vous semblait-elle le lieu pour épanouir cette renaissance théâtrale ?

J’avais toujours eu envie de cette expérience de troupe et je trouve extraordinaire l’émulation qu’offre cette maison. Et puis j’aime les confrontations de style, de pensée, que permet la Comédie-Française. Sans compter que l’on y jouit de conditions de travail qui n’existent nulle part ailleurs. Quand je bipe ma carte pour entrer dans la maison, cela me fait encore un effet énorme. C’est un tel endroit d’histoire, de mémoire, d’amour profond pour cet art qu’est le théâtre, de considération pour le public, aussi, dans le mélange de formes populaires et de recherche, tragiques et comiques…

La Comédie-Française vous permet aussi d’aborder la mise en scène, puisque vous avez monté un cabaret, « Mais quelle comédie ! », avec Serge Bagdassarian, et que vous allez diriger « Six personnages en quête d’auteur », de Luigi Pirandello, pour les « théâtres à la table ». Pourquoi cette pièce, qui est le summum du « théâtre dans le théâtre » ?

Je pense à cette pièce depuis le début du premier confinement, parce qu’elle met en scène un théâtre en crise. On parle là d’acteurs et d’un chef de troupe qui n’a plus foi dans son théâtre, qui tente vainement de monter une pièce qui ne l’inspire pas, et de personnages qui ont été abandonnés par leur auteur et n’attendent qu’une chose, c’est de remonter sur scène, et que leur drame soit joué. Cela, j’avais envie de le faire entendre, dans la période que nous vivons. Partir de cet état de crise, de cette lassitude, de ce manque, pour voir ce qu’on peut en faire, et retrouver du désir.

Un Printemps des poètes sous le sceau du désir

La poésie est permise et même requise, en ces temps où le Covid-19 et ses conséquences ont mis à mal le langage, dévoré par une novlangue technocratique. Le Printemps des poètes, qui a lieu du 13 au 29 mars, se réinvente en numérique, et dans les rues d’Avignon, où seront projetés des extraits de poèmes sur les murs de la ville. C’est sous forme de courts-métrages diffusés sur le site printempsdespoetes.com, ou sur celui de la Bibliothèque nationale de France, bnf.fr, que les lectures ou les portraits de poètes sont accessibles.

Marraine de cette édition 2021 placée sous le sceau du désir, Marina Hands lit La Langue d’Anna, un long texte de Bernard Noël, un des grands poètes vivants, mais aussi des extraits du Cid, de Corneille, et Les Animaux malades de la peste, de La Fontaine. L’auteur et réalisateur d’origine afghane Atiq Rahimi signe un court-métrage inédit autour des poètes mystiques persans Shams et Rûmi. La comédienne Anne Alvaro a carte blanche, pour une lecture surprise sur le site de la BNF, le 17 mars. La plasticienne et écrivaine Ninar Esber suit le poète syrien Adonis, au fil de 24 heures d’immersion poétique. Sont aussi au programme Vénus Khoury-Ghata ou Erri De Luca, ou des figures moins connues, comme l’Haïtien Rodney Saint-Eloi, le Camerounais Kouam Tawa ou la Britannique Hannah Sullivan.

 

Enfin le Printemps se clôturera par un récital poétique inédit d’Eric Cantona, mis en musique par Rodolphe Burger, et enregistré à la chapelle du Méjan, à Arles. La soirée s’intitule « Je veux ». Tout un programme.

 

23e Printemps des poètes, du 13 au 29 mars.   printempsdespoetes.com

 

 

Légende photo : Marina Hands enregistre la lecture d’un poème dans la Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, samedi 6 mars 2021. ARNOLD JEROCKI/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

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March 10, 2021 5:42 PM
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LesInrocks - Samuel Churin : “Nous occuperons tous les théâtres de France”

LesInrocks - Samuel Churin : “Nous occuperons tous les théâtres de France” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Igor Hansen-Love dans Les Inrocks - 10/03/21

L'acteur Samuel Churin, membre de la Coordination des intermittents et précaires, participe à l'occupation du théâtre de l'Odéon, à Paris, depuis le jeudi 4 mars. Alors que de plus en plus de salles de spectacle sont investies de la même manière dans toute la France, il analyse et précise les revendications d'un mouvement qui prend une ampleur inédite.

 

Lundi 8 mars, la police est intervenue aux abords du Théâtre de l'Odéon, occupé depuis le jeudi 4 mars. Que s'est-il passé exactement ?

Samuel Churin - Une sacrée entourloupe... Depuis le début de l'occupation, nous organisons des agoras, tous les jours à 14 heures, pour que les citoyens devant la salle échangent avec les intermittents à l'intérieur. Ce jour-là, le 8 mars, avait lieu une grande manifestation féministe à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. Nous avons décidé de décaler l'heure de notre agora à 16 heures afin que la manifestation puisse passer devant le théâtre. Et, à 16 heures, la police est arrivée pour verbaliser celles et ceux qui s'approchaient du théâtre sous prétexte que nous n'avions rien déclaré à cette heure-là à la préfecture. Heureusement, la presse s'en est mêlée et la police est repartie dès que les premières images ont circulé sur les réseaux sociaux. Cela peut paraître anecdotique, mais il faut retenir que le gouvernement fera tout pour empêcher la convergence des luttes. C'est ce qu'il redoute le plus, comme d'habitude.

 

Combien de personnes occupent l'Odéon actuellement ?

Soixante environ.

 

>> A lire aussi : Théâtre de l’Odéon occupé : “Nous avons besoin de perspectives” 

 

Qui sont-elles ?

 

Des intermittents du spectacle, mais aussi des intermittents de l'emploi au sens large ; ce qui me ravit. On entend beaucoup parler des intermittents du spectacle, et c'est très bien, mais derrière eux, se trouvent tous les intermittents de l'emploi - les guides conférenciers, les extras dans l'hôtellerie et la restauration, celles et ceux qui travaillent dans l'événementiel... -, tous ceux qui ont l'habitude de travailler dans le cadre des CDD dits d'usage. Ces intermittents-là représentent plus d'un million de personnes en France. Ils n'ont pas profité de l'année blanche, contrairement aux intermittents du spectacle, et ils n'ont pas profité du chômage partiel contrairement aux salariés en CDD et en CDI. Et c'est notre devoir de nous battre pour eux. Aujourd'hui, ils basculent tous les uns après les autres au RSA dans un silence assourdissant.

 

Quelles sont vos revendications ?

 

Nous demandons une année blanche pour tous les intermittents et sa prolongation d'un an, la réouverture des lieux de culture et l'abrogation de la réforme de l'assurance chômage, repoussée au 1er juillet, qui va représenter un véritable massacre social...

N'est-ce pas trop de combats en même temps ?

Non, au contraire. Les intermittents du spectacle doivent comprendre que leur sort est lié à ceux de tous les intermittents de l'emploi. Il y a peu de chances que nous obtenions la prolongation de l'année blanche si tous les intermittents de l'emploi ne sont pas indemnisés. Le gouvernement défendra sa position en disant “regardez tous les intermittents en CDD d'usage, estimez-vous heureux ; eux ont fourni de vrais efforts...”. C'est ainsi qu'ils nivellent par le bas, comme toujours.

 

Que va-t-il se passer si vous n'obtenez pas ce que vous demandez ?

 

Nous occuperons tous les théâtres de France. Ils sont déjà en train de tomber : la Colline et la Comédie Française à Paris, le TNS à Strasbourg, le théâtre Saragosse à Pau... Ça ne fait que commencer.

 

Quel sens donnez-vous à la fermeture des lieux de culture par le gouvernement ?

 

Un sens politique. Tout le monde a bien compris que cette fermeture n'avait pas de raison sanitaire. Même le médecin Jean-François Delfraissy, qui n'est pas l'ennemi d'Emmanuel Macron, a déclaré par trois fois que la fermeture des lieux de culture n'était pas une préconisation du Conseil Scientifique. Même le Conseil d'Etat a reconnu que les lieux de culture étaient les lieux fermés les moins contaminants... Bien moins que les églises.

 

Mais pourquoi, alors, ont-ils fermé les lieux de culture ?

 

C'est un arbitrage en faveur du système marchand. Tout ce qui est immatériel est laissé de côté. Ils considèrent que les femmes et les hommes qui produisent de la valeur marchande peuvent prendre le risque d'être contaminés - dans les transports, dans les restaurants d'entreprise... Le gouvernement répond aux demandes de ceux qui l'ont mis en place. Ils travaillent plus pour Bouygues et Bolloré que le théâtre de l'Odéon... J'aimerais simplement qu'ils sortent du bois. Depuis le début, ils masquent leurs choix politiques derrière des soi-disant contraintes sanitaires. La réalité, c'est qu'ils nous empêchent de travailler... Dans ce cas, qu'ils nous accompagnent correctement.

 

Roselyne Bachelot est venue à l'Odéon samedi. Qu'en avez-vous retenu ?

 

J'ai été très déçu par Roselyne Bachelot. Quand elle est arrivée au ministère de la Culture, je me suis dit que ce n'était pas forcément une mauvaise nouvelle. Voilà quelqu'un dont la vie politique est plutôt derrière elle - sans lui faire offense. Elle ne correspond pas au profil du jeune loup prêt à gravir tous les échelons, type Gérald Darmanin. Donc je me disais qu'elle n'avait rien à perdre. Elle aurait pu faire une déclaration pour les intermittents. Elle aurait pu prendre un risque, quitte à ne pas jouer la solidarité gouvernementale. Et démissionner, si elle n'avait pas eu ce qu'elle demandait. Elle en serait sortie grandie. Mais elle a choisi de se ranger derrière Bercy, Matignon, l'Elysée. Et elle pleure en disant qu'elle fait des efforts. Elle a perdu toute crédibilité à nos yeux.

Raison pour laquelle vous demandez à parler au Premier ministre Jean Castex.

 

Le seul à pouvoir faire bouger les choses, c'est Emmanuel Macron. En mars dernier, il ne voulait pas nous accorder l'année blanche. Plus de 250 artistes ont signé une tribune dans le journal Le Monde - Catherine Deneuve, Omar Sy, Jeanne Balibar... Et c'est suite à ce texte que le président a choisi de tout débloquer.

 

Comment voyez-vous l'avenir pour le spectacle vivant en 2022 et 2023 ?

 

Une hécatombe. Au-delà des considérations économiques dont nous avons parlé, de très nombreux spectacles ne verront jamais le jour ; en particulier ceux qui sont actuellement en création.

 

Propos recueillis par Igor Hansen-Love

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March 9, 2021 5:45 PM
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Spectacles (de) vivants: l’essentiel est de (se) manifester 

Spectacles (de) vivants: l’essentiel est de (se) manifester  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 8 mars 2021

 

A Paris, las des carottes rabougries de « la revoyure », des intermittents du spectacle occupent le national Théâtre de l’Odéon. En Belgique, le mouvement Stillstanding for culture pilote une multitude d’ »actions » simultanées, festives et donc revendicatrices, prochaine date : le 13 mars. A Marseille la compagnie En devenir 2 envoie une lettre à chaque hypothétique spectatrice et spectateur.

 

Jeudi dernier, place de la République à Paris, on manifestait pour la réouverture des lieux culturels,une fermeture  venue d'en haut, sans concertation et  chaque jour un peu plus absurde que le précédent, laissant le monde culturel sans autre perspective qu’un sombre avenir et une précarité grandissante. A l’initiative de la CGT-spectacle et de son secrétaire général Denis Gravouil, une cinquantaine de manifestants ont pris le chemin du théâtre de l’Europe-Odéon, sont entrés et, depuis, l’occupent jour et nuit. Chaque jour à 14h, une assemblée générale se tient devant le théâtre pour discuter, informer et reconduire ou pas l’occupation. Sur le fronton du théâtre sont déployés des calicots comme « culture sacrifiée », « gouvernement disqualifié ».

 

Un communiqué des « occupant.es » publié samedi, dénonce, entre autres, un gouvernement qui « privilégie la production, les lieux de grande consommation tandis qu’il maintient fermé les lieux de vie, de création et de sociabilité. » S’ensuivent diverses exigences : un retrait de la réforme de l’assurance-chômage ; une « prolongation de l’année blanche » pour les intermittents du spectacle mais aussi son élargissement à « tous les travailleur.es précaires, extra et saisonniers » ainsi qu’« une baisse du seuil d’heures minimum pour avoir accès à l’indemnisation chômage pour les primo-entrant.es ou intermitten.es en rupture de droits » ; des moyens pour garantir les droits sociaux (retraite, formation, médecine du travail, congés payés, etc;) aujourd’hui menacés par l’ arrêt des cotisations. Etc. (lire l’entièreté du communiqué sur #OccupationOdeon).

 

Pour porter ces revendications les « occupant.es » exigent une réunion du Conseil National des Professions du Spectacle (CNPS). Il semblerait que, sur ce point, une réunion du CNPS au ministère de la culture se dessinerait pour, ironie de l’histoire, le 22 mars. On se souvient que le mai 68 des étudiants avait été déclenché à Nanterre par le mouvement du 22 mars qui ne fut jamais la tasse de thé de la CGT. Ce fut cette année-là, la première occupation notoire et sauvage de l’Odéon, ce qui vaudra à son directeur, Jean-Louis Barrault, d’être congédié par Malraux. Il y eut deux autres occupations par la suite, en particulier pour défendre le régime des intermittents (envié par les artistes et techniciens de nombreux pays étrangers) que, régulièrement, le gouvernement en place tente de détricoter. Bref un lieu lourd de symboles et à fort impact médiatique pour porter haut et fort ces revendications. Samedi soir après le turbin, la ministre Roseline Bachelot est venue « écouter » des intermittents en colère. Il lui ont l’inventaire des revendications que ses services connaissent par cœur. Elle a dit ne pas pouvoir apporter de réponses dans l'immédiat. L’histoire ne dit pas si en partant elle a lancé un « à la revoyure !». L’occupation de l'Odéon continue.

 

Stillstanding for Culture

En Belgique, le mouvement Stillstanding for culture (dans un pays qui vit entre deux langues mieux vaut en choisir une troisième) regroupe des « travailleur .se.s de la culture, des lieux culturels et des fédérations artistiques ». Il fonctionne par « actions ». La première s’est tenue dans onze villes belges le 25 juin 2020, la seconde le 13 janvier dernier sur la place de la Monnaie à Bruxelles, la troisième le 20 février un peu partout en Belgique. Cela sera à nouveau le cas pour une nouvelle action le 13 mars, « fêtant » un an sans théâtres, sans cinémas et autres lieux de culture. Le mouvement Stillstanding à la convergence des luttes, est le fédérateur et le centralisateur de toutes les actions.

Le mouvement s’en prend au gouvernement belge (e n’est pas une blague, il existe) qui dit « avoir trouvé ‘ un modèle ‘ combinant travail, école, magasins et couvre-feu ». Un  "modèle" avec beaucoup de guillemets  « qui a mis sous cloche les activitéporteuses de lien social, les espaces de rencontre, de partage et de débat. Avec l’effet que l’on sait sur nos santés mentales ». Et Stillstanding de préciser : « nous pensons que le secteur artistique et culturel a un rôle à jouer pour proposer d’autres récits, pour recréer du lien social. Nous disons que la culture dans sa diversité doit rester accessible à toutes et à tous, en tout temps. Et dès maintenant !’ ». D’où cet « appel à actions ! » pour le 13 mars. « C’est le 13 mars 2020 que les lieux culturels, les cafés et les restaurants ont fermés pour la première fois marquant début d’une longue série de confinements ». Stillstanding ne sépare pas les uns des autres.

 

Citons quelques exemples (pour en savoir plus allez sur le site ) d’actions prévues pour le 13 mars  : « former des filles d’attente devant des théâtres, des salles de sports », etc. « Utiliser comme scène des vitrines bars et restaurants, ouvrir des lieux interdits en tant que lieux autorisés » (c’est le cas en Belgique des galeries et des musées). Ces propositions sont ouvertes et aléatoires, Stillstanding se propose de mettre les gens en contact. D’autres actions sont plus ciblées : » le 13 à 13h13 allez danser (chorégraphies libres), devant le siège de la RTBF, la valse des légumes pourris ». Place du Béguinage de 15h à 21h se tiendra une « Scène ouverte pour la régularisation des personnes sans papiers » (dans l’église de cette place dorment depuis le 31 janvier des centaines de personnes que l’État belge refuse de régulariser bien qu’elles travaillent). Place d’armes à Namur, de 11h à 16h, des artistes se produiront durant trois heures. A la Louvière, de 14 à 18h, Central et la Compagnie des Mutants vous invitent à visiter un établissement « créé pour l’occasion : l’institut internationale de la culture vivante et son musée consacrée à l’Ère du Spectacle Vivant ». Des guides « vous feront découvrir la culture comme elle était pratiquée avant ». Etc, etc. En Belgique les musées sont déjà ouverts et on vient d’annoncer l’ouverture des bars et restaurants pour 1er mai.

 

Chère spectatrice, chère spectateur,

A Marseille, basée à la Déviation (un lieu de recherche artistique), la compagnie En Devenir 2, est un collectif autour du metteur en scène Malte Schwind. Ce dernier, au nom du collectif, vient d’envoyer comme une bouteille à la mer car sans adresse postale, une lettre à chaque spectatrice et spectateur potentiels. Après avoir abordé Artaud et Hölderlin, le collectif a travaillé sur La promenade de Robert Walser. Le spectacle a connu un première version, elle a été retravaillée pour cette reprise et, au moment de la présenter au public, tout s’est arrêté. D’où cette longue lettre. 

« Chère spectatrice, cher spectateur,

Tu prends la peine de lire cette lettre et nous t’en remercions. Comme tout le monde, nous dirons que vous, spectatrices et spectateurs, nous manquez. Malheureusement cela devient vite une formule et on ne comprend plus trop ce qu’elle veut dire. D’autant plus que ce manque est un peu diffus, sans contour clair. Peut-être aussi n’est-ce pas seulement vous qui nous manquez, mais ce que vous incarniez jusqu’ici. Mais essayons d’être précis.

 Nous avons travaillé sans que tu as pu voir ce que nous avons fabriqué. Nous avons repris La Promenade. Nous avons travaillé une semaine à la Déviation et avons fait la reprise du rôle de Anaïs Aouat, assuré désormais par Yaëlle Lucas. Nous avons profité pour détruire quelque chose de cette forme qui résistait depuis sa création à des endroits différents. Les représentations étaient souvent fragiles, irrégulières, vacillantes. Leur timbre changeait d’un soir sur l’autre. Nous avons donc pris le temps de réinterroger ce que nous avions fait jusque là. Benjamin décrit les phrases de Walser comme des guirlandes qui le font trébucher. D’une part nous voulions renforcer cette dynamique au plateau, d’autre part nous voulions renouer avec une relation concrète à l’espace pour que les guirlandes ne basculent pas dans la rêverie. 

Pour ces deux enjeux, une phrase de François Tanguy, cet automne, lorsque nous étions en résidence à la Fonderie, nous guidait : « Walser, c’est quand même une obsession de la précision, jusqu’à la folie ». Enfin, nous en avons profité pour libérer Walser de tout romantisme dans lequel nous l’avions protégé. À la fin de La Promenade, Walser pense à une jolie fille et qu’il est bien seul au monde. Nous avons finalement compris qu’il regrettait n’avoir rien dit à la fille qu’il avait rencontré non pas parce qu’il l’aimait, non pas par souci du cœur, mais par souci de la bite. Pour être vulgaire : Il a raté un plan cul. Sa « mélodieuse douceur » est la matérialité pure d’un corps dans un lit et rien au-delà, mais cela n’est pas peu. C’est précisément pour cela qu’il aurait « dû lui dire à temps que [son] inclination était tout à fait sincère.  Il eût été très simple et certainement parfaitement bien de lui avouer franchement : ‘Je vous aime. Tout ce qui vous concerne m’importe autant que ce qui me concerne. Pour toutes sortes de belles et tendres raisons, je tiens à vous rendre heureuse.’ » Nous avons cerné enfin la beauté qui réside là-dedans, sa théâtralité, une puissance du jeu et de la langue où la question du vrai ou du faux n’importe plus du tout. La beauté et sa violence sans doute étant enfin libérée de toute idée de salut.

De fait, nous avons réécrit plus précisément une partition physique, avec des appuis concrets. Nous avons créé des vides, des blancs. L’énonciation bégayait, trébuchait elle-même. Là où auparavant, on parlait d’abîmes dans lesquels Walser tombait, nous avons enfin trouvé la promenade sur une crête où il n’y avait plus abîmes et chemin, trou et marche, mais où tout est devenu « sur le fil », du funambulisme. Walser tombera une dizaine d’années plus tard. Pour le moment, il continuait sa promenade. 

 

Figure-toi que le premier filage que nous avons fait après cinq jours de travail a duré trente minutes de plus. Cela s’est confirmé et le spectacle a pris une demi-heure de plus. Rare que cela mette en joie ! Ici, oui.

 

Nous avons ensuite travaillé trois jours au Théâtre Antoine Vitez où nous aurions dû jouer et nous avons pu partager le travail avec quelques uns, des étudiantes et étudiants notamment. Et ces moments étaient très beaux car tout à coup la socialité convenue du théâtre était brisée. Les conventions mondaines, tout le chichi autours des « soirées de théâtre » avec ses jugements de goûts, ces « qu’est-ce que t’en a pensé », ces appréciations et dépréciations, les salutations de loin, les regards, les cordialités et politesses feintes, tout cela n’existait plus. On était là pour le travail, sans autre enjeu. Les programmateurs étaient absents, c’en a été pour beaucoup. Et le théâtre était au rendez-vous et on pouvait rêver ce que pourrait être le théâtre sans ce monde qui se donnait la mission de le gérer. Peut-être situation très paradoxale à un moment où il n’a jamais été aussi compliqué de faire passer à un spectateur la porte d’un théâtre… Situation où, peut-être dû à sa demi clandestinité, le théâtre retrouvait une importance, un poids certain dans cette vie, où peut-être le danger supposé de venir au théâtre se superposait avec le danger de faire une expérience qui pouvait potentiellement nous ravager. Il aura fallu d’une politique sanitaire insensée pour qu’enfin Artaud aie raison. On va au théâtre en tremblant ! Jamais encore nous n’avons parlé si longuement avec des spectatrices et spectateurs de ce qui s’est passé. De leur expérience propre, de la matérialité du fait théâtral et de son effet sur eux. La Promenade avait ouvert des chemins et des chemins de pensée se tissaient des nuits durant.

 

Nous terminions notre périple de cette reprise au Théâtre Joliette. Là nous réinterrogions les lumières qui soutenaient cette promenade jusqu’ici et comme nous ne pouvions plus parler d’abîmes, et que nous avions enfin trouvé le fil de la promenade, le chemin sans « scènes » à déplier ou autres théâtralités, les lumières ne pouvaient plus décrire ou illustrer les situations et lieux comme elles le faisaient auparavant. Les effets ne devaient jamais se coller au sens pour tenter de nous faire croire que le lieu de l’énonciation et le lieu imaginaire était l’un et le même. Là était toute la beauté dans les filages les plus réussis. Ça parlait là, concrètement devant nous, et on n’était jamais ailleurs. Autour il y avait des choses, des lumières, de la brume, des tables, mais ces choses et ces lumières n’étaient rien d’autre que ces choses et ces lumières, et flottaient par ce fait même dans une étrange dualité. C’était la force du jeu qu’on connaît chez les enfants, où la chose est la chose et en même temps autre chose que la chose tout en restant la chose concrète toujours. Surtout l’enfant n’est pas dupe, mais peut te dire pourtant : « Regarde ce dragon ! » en montrant un bout de bois. On sent bien qu’il sait qu’il s’agit d’un bout de bois pourri. On évoque et dans l’évocation nous préfigurons et éprouvons une autre réalité possible qui n’est au fond pas autre. Ceci sera le soleil et c’est le soleil, tout en restant un projecteur 5 kilos.

 

Puis vint le moment fatidique. Le retour dans l’ancien monde si on veut : une représentation unique réservée aux programmateurs. Il y a sans doute des spectacles qui supportent mieux que d’autres la trouille. Et il y a sans doute Walser qui est l’un de ceux qui supportent au plus mal la peur. Son tremblement n’est pas d’angoisse, mais de pudeur. Il y avait donc la trouille et il y avait une salle. On savait avant même d’avoir commencé qu’elle serait froide, à l’opposé de ce qu’on avait vécu auparavant. Et on avait beau se dire que ce ne sera pas grave, qu’on savait ce qu’il y avait à faire et qu’on devait dépasser l’attente de réaction, trouver une indifférence naïve et ouverte face à la... fraîcheur avec laquelle on allait accueillir nos mots et nos gestes. Mais cela ne suffisait pas. Une relation se fait toujours à deux, sans doute. Mais voilà peut-être une tâche pour le futur : réchauffer la froideur la plus froide des plus professionnels des professionnels de la profession. Cela demandera beaucoup de sang froid et beaucoup de chaleur de jeu et de cœur et beaucoup d’amitié envers même ce qu’on peut mépriser.

 

Au-delà de ce... mal-entendu, qui est intimement lié à l’organisation du champ culturel lui-même, nous et quelques-uns avons fait l'expérience de ce que le théâtre pourrait être. Une expérience absolument singulière et bouleversante qui s’élabore dans un rapport d’amitié entre nous et toi, chère spectatrice, cher spectateur, et où le théâtre n’appartient ni à l’un, ni à l’autre, mais tisse, dans son existence propre, nos solitudes d’une manière inouïe. Nous ferons tout pour continuer cette tâche. »

 

#OccupationOdeon,  www.fnsac-cgt.com 

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Contact(at)endevenir2.fr ou 210 chemin de la Nerthe, 13016 Marseille

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Robin Renucci : “Dans cette situation de non-confinement généralisé, je réclame l’ouverture des théâtres !”

Robin Renucci : “Dans cette situation de non-confinement généralisé, je réclame l’ouverture des théâtres !” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Emmanuelle Bouchez dans Télérama   Publié le 09/03/21

Légende photo : Le 4 mars 2021, une cinquantaine d'intermittents occupent l'Odéon pour réclamer des aides à la création et des négociations pour fixer les conditions de la réouverture des lieux de culture. 

Denis Allard / Leextra

 

L’acteur et metteur en scène Robin Renucci, ardent défenseur d’un théâtre populaire exigeant, soutient les revendications exprimées à l’Odéon. Il réclame la réouverture immédiate des salles. Et ne manque pas d’idées pour un retour progressif à la normale.

Les artistes du spectacle vivant travaillent : ils répètent et se rendent éventuellement dans les écoles pour assumer leurs missions d’éducation artistique. Mais ils ne jouent plus, sauf devant quelques professionnels. Ils ne croisent plus jamais le grand public dans des salles refermées depuis octobre dernier. Une situation qui a fini par dégrader sérieusement le moral des troupes – malgré les nombreuses mesures de soutien et le plan de relance. Depuis jeudi dernier, à l’initiative notamment de la CGT-Spectacles, le Théâtre national de l’Odéon, à Paris, est occupé. Les militants, inquiets, revendiquent la prolongation de l’année blanche du système de l’intermittence au-delà d’août 2021 et la défense des plus précaires, d’ores et déjà exclus de ce régime.

 

À l’Odéon occupé, la culture entre en résistance

L’acteur et metteur en scène Robin Renucci leur a rendu visite le dimanche 7 mars. En tant que président depuis 2017 de l’ACDN, Association des centres dramatiques nationaux, il leur a déclaré son soutien. Cet hiver, par ailleurs, celui-ci a représenté son milieu professionnel (les institutions culturelles subventionnées) dans les réunions avec le ministère de la Culture pour élaborer ce fameux « calendrier résilient » du retour progressif à la normale.

 

Que représente pour vous l’occupation du Théâtre national de l’Odéon ?


C’est un symbole qui évoque un moment historique : l’occupation de ce même théâtre en mai 1968. Mais, à l’époque, l’événement était centralisé et parisien. Aujourd’hui, la décentralisation a eu lieu et la vie théâtrale maille tous les territoires de France, où le mouvement pourrait s’amplifier. Il y a des appels à occupation des lieux culturels dans plusieurs régions. En tant que président d’une association d’employeurs, je ne peux défendre cela car je crains les débordements. Si la situation se dégrade, nous passerons pour des agitateurs. Mais, néanmoins, je soutiens les revendications exprimées à l’Odéon et rappelle que le « calendrier résilient » pour la réouverture des salles, auquel ont travaillé tous les représentants des lieux culturels, est sur la table depuis le mois de janvier et qu’il est resté lettre morte.

 

 

“L’état mental de la société est inquiétant.”


Ce calendrier ne corrèle-t-il pas la réouverture des lieux culturels à la situation générale de la pandémie ? Or aujourd'hui celle-ci ne décroît pas et on parle toujours d'un possible reconfinement.


En effet, l’épidémie ne décélère pas mais l’état mental de la société est inquiétant. Pourquoi ne pas retenir le critère de contamination dans les théâtres ? Celui-ci est à zéro : il n’y a jamais eu de cluster dans les théâtres. Des cas de Covid parmi les acteurs sur scène peut-être, mais jamais dans les salles ! Qu’on nous explique pourquoi, avec des jauges et des mesures, même encore plus drastiques que celles déjà envisagées, on ne pourrait pas accueillir une partie du public, alors que l’on voit des files indiennes devant les grandes enseignes ou des gens s’entasser dans le métro.

La fermeture des théâtres au public ne devrait être la règle qu’en cas de confinement généralisé. Or, cela fait deux mois que nous sommes au bord du confinement total mais qu’on l’évite toujours. C’est précisément dans cette situation de non-confinement généralisé que je réclame l’ouverture des théâtres ! S’il le faut, d’une manière territorialisée : cela n’a jamais été vraiment étudié. Ouvrir, par exemple, le centre dramatique national de Montluçon ne peut pas créer des flux énormes dans la ville comme le craignait la ministre de la Culture, en décembre dernier, au micro de France Inter. La vie d’une ville moyenne n’a rien à voir avec celle d’une métropole.

 

 

“Nous voulons que cette année blanche soit prolongée.”
 

Occuper des lieux comme l’Odéon, où des artistes sont eux-mêmes en répétition pour défendre l’emploi artistique, n’est-ce pas contradictoire ?


Il faut être attentif en effet à ne pas créer de dichotomie entre les artistes qui sont au travail et ceux qui sont dehors. Mais c’est de la précarité de l’emploi qu’il s’agit ici de se prémunir au mieux. Il faut des garanties sur les conditions de la reprise de l’activité quand certains artistes ou techniciens sont sortis du régime de l’intermittence malgré la prorogation de l’année blanche jusque fin août 2021. Non seulement, nous voulons que cette année blanche soit prolongée, mais il faut en plus flécher des mesures de soutien spécifiques à l’emploi des plus précaires. Celle des intermittents comme celle de salariés en contrats courts dans d’autres domaines, dans la restauration ou l’événementiel, par exemple. Car toute la jeunesse est concernée par ces emplois discontinus, dont la fragilité est renforcée par la crise et la réforme du régime général de l’assurance-chômage, qui va bientôt entrer en application.

 

Vous défendez l’emploi artistique, mais quid du public ?
À l’approche de l’anniversaire du premier confinement, qui a débuté le 16 mars, nous, artistes et professionnels du secteur, lançons une autre mobilisation, associant le public à notre démarche. Dès samedi prochain et pendant tous les week-ends à venir, nous appelons à tenir des assemblées à l’extérieur, sur les parvis des théâtres ou dans les cours des musées, réunissant créateurs et spectateurs. Pour qu’il y ait débats, échanges et gestes artistiques. Afin que, non seulement le public se rallie à notre cause, mais que les artistes remettent celui-ci au centre de leur pratique, comme Jacques Copeau ou Charles Dullin autrefois. Encore une fois, le théâtre n’existe pas seulement parce que des acteurs ont envie de raconter leurs histoires sur scène : sans le public, il ne sert à rien ! Dès aujourd’hui, nos rassemblements en plein air sur les parvis des théâtres peuvent précéder la réouverture des salles.

 

 

“Que ce printemps 2021 soit l’occasion de repenser vraiment la place du public dans l’art.”
 
 

Le théâtre en salle se met donc au théâtre de rue ?


Ces assemblées tenues à l’extérieur sont en effet le moyen d’élargir le cercle : si l’on se tient dehors, on peut convaincre d’autres personnes que les seuls fidèles. Que ce printemps 2021 soit l’occasion de repenser vraiment la place du public dans l’art et que, depuis le kilomètre zéro de l’Odéon, à Paris, cet appel à des événements tenus à l’extérieur des théâtres rayonne dans toute la France. Par ailleurs, nous tous, artistes de tous domaines, il faut nous rassembler nous aussi et cesser les clivages entre salles et rue, opéra et danse, cirque et théâtre, théâtre privé et théâtre subventionné… Le public doit être notre seul et unique objet d’attention. Avec un focus sur la jeunesse et notamment les étudiants, dont certains sont en grande précarité.

 

Ce désir des artistes de rencontrer le public à l’extérieur des théâtres n’est-il pas un peu tardif quand, l’été dernier, rares sont les lieux qui ont prolongé leur saison ?


De mon côté, avec Les Tréteaux de France, centre dramatique national itinérant que je dirige, je vais, comme l’année dernière, passer l’été à rencontrer tous les publics fréquentant les bases de loisir d’Île-de-France. Dix mille spectateurs ont assisté ainsi, en 2020, à nos spectacles, dont l’un était une création du Festival d’Avignon 2019.

 

De manière plus générale, oui, la réflexion est en cours pour ouvrir cet été, mais, pour se projeter dans un tel calendrier et organiser le temps de travail des salariés permanents, il faut un mot d’ordre clair de la part du gouvernement. Et le temps presse pour agir, car, pour tous les jeunes – on n’autorise même pas de petits groupes d’écoliers à venir assister à des représentations dans les théâtres à proximité de chez eux –, cette année qui s’achève est ratée du point de vue de leur rencontre avec l’art. Leur vie n’aura pas été transformée par le théâtre et ils n’auront pas la possibilité d’envisager autrement, grâce à cela, leur métier futur – quel qu’il soit. Voilà ce qui est grave : voir une jeunesse laissée à l’abandon, sans possibilité de construire, grâce à l’art, son sens critique.

“Roselyne Bachelot est sincère dans sa solidarité. Elle nous a écoutés. Mais elle n’a rien annoncé.”
 

Comment voyez-vous l’avenir ?


La situation ne sera plus jamais comme avant : soit les virus vont muter, soit il y en aura d’autres. Une réflexion sur l’ensemble de notre écosystème s’impose. Après la culture pour tous ou la culture élitaire pour chacun, comme disait le metteur en scène Antoine Vitez, il faut inventer aujourd’hui un nouveau leitmotiv : l’art et la culture à vivre ensemble, artistes et publics réunis. Cette crise doit être l’occasion d’un nouvel appel à des États généraux des arts et des spectacles. Le modèle des grandes jauges concentrant un maximum de public n’est sans doute plus notre avenir.

 

Que pensez-vous de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui s’est déplacée à l’Odéon samedi soir ?


Elle est sympathique et généreuse. Elle est sincère dans sa solidarité. Elle nous a écoutés. Mais elle n’a rien annoncé. Or, il faut qu’elle nous entende. On s’est beaucoup réunis mais rien n’avance. En disant cela, je ne laisse pas éclater de colère, je me montre combatif.

Propos recueillis par Emmanuelle Bouchez / Télérama
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À l’Odéon occupé, la culture entre en résistance


Par Joëlle Gayot et Sophie Rahal / Télérama le 7/03/21


Depuis jeudi 4 mars, une cinquantaine de professionnels de la culture occupe le théâtre national de l’Odéon. D’abord confidentiel, l’événement prend de l’ampleur à tel point que la ministre Roselyne Bachelot s’est rendue sur place samedi soir.

 

Jeudi 4 mars : le monde du spectacle manifeste dans les rues d’une trentaine de villes en France pour réclamer, une nouvelle fois, la réouverture des lieux culturels. À Paris, alors que le cortège quitte en fanfare la place de la République et s’élance joyeusement vers la Madeleine, un petit groupe emmené par la CGT-Spectacle bifurque plein sud, direction le théâtre national de l’Odéon. En pénétrant sur place ils trouvent Christophe Honoré et son équipe, occupés à répéter Le Ciel de Nantes. Le dernier spectacle du metteur en scène, programmé à l’Odéon du 19 mars au 18 avril, ne sera finalement pas créé devant un public, vient-il d’apprendre. Une discussion démarre entre l’équipe de Christophe Honoré et la cinquantaine de militants, les premiers souhaitant pouvoir continuer à travailler jusqu’à vendredi comme prévu, les seconds étant visiblement décidés à rester. Après avoir entreposé couvertures et sandwiches, ils déploient au fronton quatre banderoles et s’apprêtent à passer leur première nuit sur place. Le lieu est un refuge depuis plus de cinquante ans : investi en mai 68 par des artistes et intellectuels, puis en 1992 et 2016 par des intermittents du spectacle opposés aux réformes de leur régime d’indemnisation chômage, c’est bien depuis l’Odéon que le monde de la culture entre en résistance.

 

Place de la Bastille, la culture crie sa colère face au “mépris” du gouvernement Sophie Rahal
“Notre ministre de la culture n’a de toute évidence aucune influence politique sur ce gouvernement”
 

« Culture sacrifiée »« gouvernement disqualifié »« six chômeurs sur dix non-indemnisés », peut-on notamment lire en arrivant sur la place jeudi après-midi. Il ne reste plus grand-monde : seuls quelques passants pas pressés rentrent chez eux tandis que la police « sécurise » le lieu. Interdiction de circuler, prière d’avancer vite, il est bientôt dix-huit heures. Dès jeudi soir, à l’intérieur du théâtre, les occupants détaillent la liste de leurs revendications. A la ministre Roselyne Bachelot, ils demandent la prolongation de l’année blanche, octroyée aux intermittents du spectacle jusqu’au 31 août 2021. « Non seulement certains sont exclus de ce dispositif, mais il n’était valable que si le travail avait repris normalement en septembre dernier, explique Denis Gravouil, le secrétaire de la CGT Spectacle. Ce n’est évidemment pas le cas ». Les militants veulent aussi peser sur la mission de « diagnostic » de l’année blanche actuellement menée par l’économiste André Gauron, à la demande du gouvernement. Enfin, ils entendent réclamer un effort budgétaire pour accompagner la réouverture, et la tenue d’un conseil national des professions du spectacle, histoire d’être sûrs qu’on les écoute au plus haut niveau : Jean Castex, sinon rien. « Notre ministre de la culture n’a de toute évidence aucune influence politique sur ce gouvernement », souligne d’ailleurs un communiqué de soutien envoyé le lendemain par Christophe Honoré et son équipe.

 

Samedi 6 mars. Sur le parvis de l’Odéon, l’heure est à la déambulation, aux prises de parole et à la poursuite de la lutte. Les jeunes artistes et metteurs en scène du collectif On Ouvre ont rallié la place et déployé les couvertures de survie dorées qui servent désormais d’emblème à chacune de leur manifestation. Non seulement l’occupation se poursuit depuis trois jours maintenant, mais le mouvement prend de l’ampleur et cristallise à présent une colère qui dépasse celle du seul secteur culturel. D’ailleurs, les occupants de l’Odéon l’ignorent peut-être encore, mais ce soir, la ministre de la Culture en personne prévoit de leur rendre une visite surprise. Aux alentours de 22 heures, elle s’installe donc à la table avec eux, sur la scène même de l’Odéon. Mais Roselyne Bachelot a beau redire son objectif de protéger l’emploi artistique et promettre de poursuivre les échanges, le compte n’y est pas, estiment les locataires temporaires du théâtre. « Nous poursuivons l’occupation dans l’attente de réponses concrètes », écrivent-ils dans la foulée de l’entrevue.

Privés de spectacles, des artistes se mobilisent le temps d’une performance éclair à Paris  Sophie Rahal  Les déclarations d’amour ne suffisent plus, il faut des preuves

Dimanche 7 mars. « On veut travailler et on veut des droits sociaux » : Denis Gravouil ne parle pas que du monde de la culture lorsqu’il prend la parole sous le soleil qui resplendit au-dessus d’un parvis de l’Odéon où se presse, aujourd’hui encore, une foule compacte. La mobilisation initiée jeudi 4 mars avec l’occupation du théâtre monte en puissance et fédère doucement mais sûrement d’autres revendications. Étudiants précaires, médecin urgentiste, militant d’Act Up, syndicat CGT des gaziers et électriciens parisiens, grévistes de l’hôtel Ibis des Batignolles… : celles et ceux qui se succèdent aux micros affluent de tous les horizons. La lutte des professionnels de la culture est-elle en passe de faire boule de neige ? Depuis ce lieu hautement symbolique qu’est l’Odéon Théâtre de l’Europe, il semble que le mouvement initié par les intermittents réussisse son pari : organiser une convergence des luttes tous statuts et métiers confondus. Sur place, Robin Renucci, représentant de l’Association des Centres dramatiques nationaux, venu dire le « plein soutien des CDN », n’a pas manqué de rappeler que le modèle résilient souhaité par Roselyne Bachelot pour pouvoir rouvrir les salles est sur sa table ainsi que sur celle du Premier Ministre depuis le mois de janvier. « Un protocole responsable et prudent (…) qui est resté lettre morte », a affirmé le comédien. Les déclarations d’amour aux artistes de la ministre de la Culture ne leur suffisent plus. « Il faut maintenant des preuves d’amour », exige Denis Gravouil.

 

 

Les 10 et 11 mars, les directeurs des Centres dramatiques nationaux se réuniront en Assemblée Générale pour étudier les modalités de leur mobilisation à venir. Le 8 mars, toutes celles et tous ceux qui battront le pavé parisien pour la Journée de la Femme, sont invités à rallier l’Odéon. Jean Castex, pour sa part, continuer de jouer les absents. Il ne s’est pas annoncé au Conseil National des Professionnels du Spectacle, qui se tiendra avec Roselyne Bachelot le 22 mars. Cette demande n’étant pas exaucée, l’Odéon restera occupé. Il est le seul à ce jour. Mais demain, combien d’autres deviendront la scène prise d’assaut par une colère dont le périmètre s’accroît de jour en jour ? Occupez les lieux de culture ! C’était le mot d’ordre de ce dimanche 7 mars.

 

Joëlle Gayot et Sophie Rahal / Télérama

 

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Théâtre : « Hermann » de Gilles Granouillet mes de François Rancillac – Théâtres.com

Théâtre : « Hermann » de Gilles Granouillet mes de François Rancillac – Théâtres.com | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Laurent Schteiner, dans Théâtres.com - le 8 mars 2021 


Théâtre : « Hermann » de Gilles Granouillet mes de François Rancillac


François Rancillac vient de signer une très belle mise en scène sur un texte de Gilles Granouillet, Hermann. A travers ce conte d’aujourd’hui, l’auteur nous présente une très belle histoire d’amour aux confins de la mémoire. La mise en scène de François Rancillac, aux accents cinématographiques, nous fait vibrer avec délice  tout au long du spectacle.

 

La mémoire constitue plus que jamais une conquête à réaliser pour la communauté scientifique. Les études sur la mémoire et sa dégénérescence représentent un enjeu sociétal très important pour comprendre et soigner la maladie d’Alzheimer. A ce titre, Gilles Granouillet, en s’inspirant de ce thème, nous propose un récit haletant et émouvant sur une histoire d’amour fou.

 

Un beau matin, la police dépose au service de neurologie d’un hôpital un jeune homme égaré – dans tous les sens du terme : Hermann ne se souvient que de quelques mots de russe et d’un mystérieux prénom : Olia. En lui faisant passer les premiers tests d’usage, la psychiatre Léa Paule ne sait pas que cette rencontre va entièrement bouleverser sa vie, entraînée aux confins de la mémoire vers des territoires qui échappent même à la science…

 

Et si l’amour recélait en nous la force de surmonter nos traumatismes ou encore la maladie ? Et si le temps flottait sans altérer la mémoire ? Et si le temps n’avait pas de prise sur la folie d’aimer ? Jouant sur cette improbabilité manifeste, Gilles Granouillet nous offre un beau cadeau en conférant à l’amour ce tendre dessein. Se penchant sur les replis mystérieux de notre mémoire, l’auteur tisse les fondements mêmes d’une résilience de la mémoire, terrassant la maladie.

 

La mise en scène solide de François Rancillac nous fait vivre ce récit palpitant à la façon d’un film que l’on projetait naguère sur un écran. Saluons la performance de ces comédiens qui sont tous excellents. Ce conte de fée traduit notre rêve le plus cher : voir le réel heurté de plein fouet par une soif absolue d’amour. S’il y a une chose qui nous rend à chaque instant plus humain, c’est bien cette recherche effrénée de l’amour. Alors s’il est permis de rêver, il ne faut pas hésiter à tordre quelque peu la réalité. Hermann en est la parfaite illustration !

 

Laurent Schteiner

 

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Hermann de Gilles Granouillet 
Mise en scène de Faançois Rancillac

avec

Daniel Kenigsberg : Daniel Streiberg
Claudine Charreyre : Léa Paule
Lenka Luptáková : Olia Streiberg
Clément Proust : Hermann

  • Assistante à la mise en scène : Christine Guênon
  • Scénographie : Raymond Sarti
  • Costumes : Sabine Siegwalt
  • Lumière : Guillaume Tesso
  • Son et composition musicale : Sébastien Quencez
  • © Christophe Raynaud de Lage

Tournées

25 et 26 mars Espace culturel Albert Camus du Chambon Feugerolles,
en co-accueil avec la Comédie de Saint-Etienne/CDN (42)
7 avril La Maison des Arts du Léman, scène nationale de Thonon-Evian (74)
13 avril Espace St Exupéry de Franconville (95)
15 avril au Théâtre Victor Hugo de Bagneux (92)
6 mai à l’Onde à Vélizy-Villacoublay (78)

 

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March 7, 2021 12:10 PM
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La classe ! Zebda en profs d'éveil musical pour 200 élèves de Seine-Saint-Denis

La classe ! Zebda en profs d'éveil musical pour 200 élèves de Seine-Saint-Denis | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Camille Bauer dans L' Humanité -  Vendredi 5 Mars 2021


Ouverture sur le monde, apprentissage de la musique, travail en commun... Des élèves des écoles de Montreuil ont accueilli Mouss et Hakim, deux piliers de l’ex-groupe Zebda, pour lancer un programme d’initiation qui va durer toute l’année. Avec des sessions endiablées à la clé. Nous y étions aussi.

« C’était le meilleur truc de toute ma vie. Mouss et Hakim, ils sont vraiment sympas, drôles et gentils », s’enthousiasme Zélie. Autour d’elle, ses copains de la classe de CM1 de l’école Stéphane-Hessel, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, se bousculent pour prendre la parole. Tous sont ravis de l’heure et demie qu’ils viennent de passer à chanter et à discuter avec les anciens membres du groupe Zebda. « C’était super. On s’est amusés, on a chanté et on a découvert de nouvelles chansons », renchérit Errol, un grand gaillard aux cheveux longs.


 200 enfants participent à cette aventure d’éveil
La session de répétition avec les stars toulousaines s’inscrit dans un programme d’initiation qui va durer toute l’année. « L’idée, c’est de favoriser la découverte de la musique et de rendre accessible son apprentissage, en utilisant l’oral au lieu des méthodes académiques. On souhaite que les jeunes découvrent une pratique sociale de la musique », explique Éric Schirmacher, directeur adjoint et coordinateur des projets de l’association Villes des musiques du monde, à l’origine de ce projet. Les enfants qui participent à la Cité des marmots bénéficient d’une heure de musique par semaine. Le programme essaime dans toute la Seine-Saint-Denis. À Montreuil, 200 enfants participent cette année, grâce au soutien de la municipalité PCF, qui finance l’aventure. À la mairie, on est d’ailleurs ravi de la participation de Mouss et Hakim : « L’engagement du groupe correspond à celui de la ville et entre en résonance avec les parents. »

Ce projet crée de la cohérence dans le groupe classe. 
DAVID CARDINAL, directeur de l’école

Le groupe fait travailler aux minots leur volume, leur tempo
Dans la grande salle polyvalente de l’école, les enfants, assis par terre, écoutent les yeux rivés sur leurs professeurs d’un jour. « Ce qu’on va partager ensemble, c’est la musique », annonce Mouss. Malgré les masques, des dizaines de petites voix montent dans les aigus et redescendent dans le grave en suivant les consignes du musicien. Sa main accompagne les sons en mimant une trompe. « On appelle ça l’éléphant », dit-il. Le groupe fait travailler aux enfants leur volume, leur tempo. Rémi, le comparse des deux ex-Zebda, cheville ouvrière de l’aventure, tape sur ses cuisses et dans ses mains, bientôt suivi en cadence par les petites menottes. « Ben vous avez le sens du rythme. Ça s’est réglé », commente Mouss avec satisfaction. Le travail en commun est un apprentissage. « Ce projet crée de la cohérence dans le groupe classe », observe David Cardinal, directeur de l’école.

C’est important pour les enfants, ça leur donne le droit d’exister dans la langue de leurs parents. 
MME TAUPIAC, institutrice

Une porte ouverte sur un monde fraternel et mélangé
Découvrir Zebda, c’est aussi ouvrir une porte sur un monde fraternel et mélangé. « La première chanson qu’on va faire avec vous a été écrite en arabe algérien. Elle vient du Mexique, puis a été écoutée en Espagne, avant d’arriver en Algérie. La musique a toujours circulé, bien avant Internet et les réseaux sociaux », explique Mouss. D’origines diverses, les enfants se retrouvent dans cette façon qu’on les ex de Zebda de mélanger toutes leurs identités, toulousaine, française, maghrébine, mais aussi espagnole ou italienne, apportées par leurs amis, « la famille de cœur », comme ils disent. « C’est important pour les enfants, ça leur donne le droit d’exister dans la langue de leurs parents », se réjouit M me Taupiac, l’institutrice. « On est dans la transmission. On passe un répertoire partagé, mélange de notre jeunesse d’enfants d’ouvriers dans un quartier populaire et de nos rencontres avec des militants occitans. Au cœur de tout ça, il y a l’idée, qu’on a toujours défendue, que le multiculturel n’est pas un échec. C’est une réalité qui nous habite », résume Mouss. Nina, une petite brune qui chante avec entrain, apprécie le voyage. « On découvre des musiques d’autres pays, du coup, on n’est même plus obligé d’y aller pour les connaître », confie-t-elle.

Une bouffée d’air attendue par tous
Bella ciao est le clou de la matinée. Les enfants ignorent tout de l’histoire de la chanson mais ils la connaissent et reprennent sans hésiter le refrain. « C’est la base, tout le monde connaît », lance un peu bravache Dembo. Une reprise par le rappeur Maître Gims et une utilisation dans la série populaire la Casa de Papel ont assuré la diffusion auprès des jeunes générations du vieux chant révolutionnaire. Passeurs de culture militante, les ex-Zebda sont ravis d’en faire découvrir le sens à leur jeune auditoire. « C’est une chanson très ancienne écrite par des femmes en Italie pour se donner du courage mais aussi pour revendiquer, rappelle Mouss. C’est une chanson qui a de la valeur dans le cœur des gens. On est contents que vous la connaissiez. »

J’ai fait le plein d’adrénaline, lance-t-il ravi. Un moment comme ça, ça a la valeur d’un concert.
MOUSS

En principe, le travail de l’année aboutit à un concert de restitution devant les parents et les habitants. Mais l’ombre du Covid plane et les enfants en ont bien conscience. « J’ai peur qu’ils ne puissent pas venir », murmure Jordan, un petit blond en jogging. En attendant, rendez-vous est pris pour une nouvelle session de travail en avril. Cette bouffée d’air est attendue par les élèves, les enseignants et même par les chanteurs, privés de public depuis un an. En sortant de la salle, Mouss respire un grand coup et allume une cigarette. « J’ai fait le plein d’adrénaline, lance-t-il ravi. Un moment comme ça, ça a la valeur d’un concert. »

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March 6, 2021 5:32 PM
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La forme des nuages : Se construire, de Jana Klein et Stéphane Schoukroun

La forme des nuages : Se construire, de Jana Klein et Stéphane Schoukroun | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Guillaume Lasserre dans son blog Un certain regard sur la culture" 6 mars 2021

 

Reconstitution d’une enquête sur le quartier des Beaudottes à Sevran et ses habitants, « Se construire » de Jana Klein et Stéphane Schoukroun fait dialoguer récit collectif et vécu intime dans les collèges de la banlieue parisienne avec la complicité du Théâtre de la Poudrerie.

 

« Bonjour. 2 ans et 6 mois après le premier confinement. On est très heureux de vous retrouver aujourd’hui. On pensait pas que ce serait encore possible. De vous voir en vrai. On attend ce moment depuis 2 ans. Certainement, on a pensé à… on a pu se dire qu’on se retrouverait plus. Peut-être pas. Donc merci. Merci d’être là ». C’est dans un futur proche et sur ce constat inquiétant d’un confinement sans fin que s’ouvre « Se construire », pièce de Jana Klein et Stéphane Schoukroun, née pendant le premier confinement, qui propose de désamorcer les lieux communs de la construction familiale et de la vie dans les quartiers sensibles. Assignés à résidence comme l’ensemble de la population française, c’est depuis leur salon que Jana et Stéphane vont mener l’enquête sociale sur la cité voisine et ses habitants. Ils en réécrivent continuellement le récit à mesure que se prolonge le confinement. 

 

Tandis que Stéphane s’entraine quotidiennement à parler à un public qui n’existe pas pour le jour, de plus en plus hypothétique, où ils remonteront sur la scène d'un théâtre, Jana, résignée, n'y croit pas, du moins pas aujourd'hui. « On essaie, s’il te plaît on répète, on fait comme tous les jours, on fait notre spectacle » lui rétorque-t-il. Alors, elle s’exécute. « Un jour il y aura du monde » poursuit-il, « On arrivera bien par sortir d’ici ». Elle voudrait sortir tout de suite, rencontrer des vraies personnes, voir des visages entiers. La répétition commence malgré tout. Stéphane désigne des marquages au sol qui matérialisent la table familiale, là où l’on mangeait, où l’on se rassemblait. Cette table n’existe plus. Il l’a cassée en 2020. Au plafond, la projection vidéo d’un ciel nuageux fait office d’ouverture sur cet extérieur interdit. Elle indiquera la succession des jours et des nuits qui vient rythmer la monotonie temporelle, la même journée semblant se répéter sans fin. Le couple éprouve une sensation identique à celle qu’endurent les détenus d’une maison d’arrêt, celle du temps suspendu de l’enfermement. Les journées sont ici nommées mouvements.

Comme chaque jour, Jana se met à la fenêtre et regarde le voisin sortir de sa place de parking, tandis que Stéphane parcourt l’actualité des réseaux sociaux. C’est bien pratique. On y trouve la vie des autres. Les anniversaires y sont rappelés, les joies, les peines exprimées. Les faire-part de naissance ou de décès, comme ici celui de la mère d’un ami, y sont également publiés. Il y a longtemps que le facteur ne distribue plus, dans sa tournée journalière de courrier, que quelques lettres de rappel, de moins en moins de factures désormais électroniques, toujours des publicités. Stéphane appellera son ami plus tard. Il laisse sous le texte funèbre l’émoticon d’une rose. Oui, décidément, c’est bien pratique ces réseaux sociaux. Brusquement, il adresse une invective en direction de la porte. On comprend que celle-ci s’adresse à leur fille. La porte incarne celle de sa chambre qu’elle ne quittera pas du spectacle malgré les ordres répétés du père, l’enjoignant de sortir pour venir jouer à la famille modèle.

 

 
Légende photo : Se construire, Jana Klein, Stéphane Schoukroun, THEATRE DE LA POUDRERIE, Collège E. Gallois, Sevran 15 janvier 2021 © Fred Chapotat

 

Mythologie de la banlieue

L’exercice de montage auquel s’adonne Stéphane avec les témoignages des habitants de la cité, recueillis au cours des semaines précédentes par téléphone, est prétexte à un vif échange avec Jana qui lui reproche une certaine condescendance à l’égard d’une dame dans un entretien, et de jouer le mec des cités avec la fille de cette dernière. Jana reprend la parole de la jeune femme face à Stéphane qui l’interview. Le personnage passe d’une voix enregistrée à l’incarnation d’un corps. Naturellement, Jana devient elle un instant. Les personnages glissent parfois d’un corps à l’autre. La scène est belle, troublante.

 

Deuxième journée. Deuxième mouvement. La voix off reprend les mêmes informations que la veille. Seule la température change. Comme la veille, Jana se dirige vers la cuisine pour aller faire du café. Comme la veille, Stéphane lui répond qu’il n’y en a plus, lui interdit de sortir. Il exhorte sa fille à quitter sa chambre avant de poursuivre le montage mais en le tronquant complètement, manipulant les enregistrements pour démontrer ce qu’il veut démontrer : la vacuité des adolescentes d’aujourd’hui. « C’est pas un profil type » l’arrête Jana. A travers celles des quartiers, c’est le portrait de sa fille qu’il tente de dresser. « Si tu changes pas la question t’auras toujours la même réponse… » lui lance Jana. Les confidences téléphoniques renvoient le couple à sa propre incapacité de communiquer avec sa fille.

 

 

La deuxième nuit laisse échapper les voix de Livna et Aniella, deux adolescentes qui, depuis leur fenêtre, voient des choses qui n’existent pas, rêvent leur paysage pour y voir les belles choses alors qu’il n’y a rien à voir. De sa fenêtre, Stéphane voyait la forme des nuages. A son père qui, depuis sa maison en Tunisie, contemplait des orangers répond la vue imaginaire des adolescentes des Beaudottes. Jana et Stéphane se sont construits comme ça, parce qu’il n’y avait rien à voir de leur fenêtre respective, se sont rencontrés comme ça, continuent à voir des choses qui n’existent pas.

 

Troisième mouvement. La bienveillance de Marion, la prof du collège du quartier qui valorise la richesse culturelle de ses élèves, le cynisme du marché qui profite de la pandémie pour susciter le désir en lançant une nouvelle marque de masques hors de prix, le départ du voisin qui, un matin, a décidé de choisir la liberté face à la mer. Jana propose un café à Stéphane qui lui répond qu’il n’y en a pas. Pourtant, elle revient accompagnée d’un thermos qui en est rempli. Le bonheur simple d’un goût qui était quotidien et que l’on retrouve soudain marque la fin de l’enfermement. Stéphane propose d’amener Jana dans un collège de banlieue pour faire un atelier de théâtre avec une classe de troisième. Le résultat composera la partie fictionnelle qui vient clore la pièce. Ce collège c’est Evariste Galois dans le quartier des Beaudottes à Sevran. Nous y sommes. C’est le dernier jour de classe avant les vacances. La représentation se joue juste après le déjeuner. Entre digestions et têtes déjà ailleurs, les jeunes spectateurs – une classe de cinquième – ne sont pas loquaces. La discussion qui suit la pièce tourne court. « On dirait qu’il y a de la poésie » glissera tout de même l’un des collégiens, d’une voix discrète, presque gênée. De la poésie, « Se construire » n’en manque pas. La pièce contient aussi une bonne dose d’humour et de l’espoir, beaucoup d’espoir. Pour pouvoir se construire, il faut souvent déconstruire, ici, l’image des banlieues, celle qui colle à la peau des classes populaires, souvent racisées. Jana Klein et Stéphane Schoukroun s’y emploient, poursuivant une recherche sur la façon dont on se construit en banlieue parisienne initiée par Stéphane et la compagnie (S)-Vrai[1] à l’occasion d’une résidence aux Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois en 2017-18. Celle-ci avait donné lieu à la création de « Construire », spectacle inaugural du Lieu Ephémère des Ateliers, s’inventant à partir d’une simple interrogation : « Comment se construire dans un territoire comme Clichy ? »

 

 

Entre réalité et fiction, une mise en abime permanente

« Se construire » semble composé selon le principe des poupées russes. La pièce est une mise en abime permanente. Elle mêle théâtre documentaire et fiction, hyperréalisme et science-fiction. Elle passe par l’intime pour évoquer la vie dans les quartiers. Elle est chargée de l’histoire personnelle de Stéphane qui ressurgit à travers les clichés qui circulent sur les cités et leur population. Issu d’une famille très modeste de juifs séfarades originaires d’Algérie et de Tunisie, il connaît la charge discriminatoire qui pèse sur ces familles aux noms trop typés. La pièce renverse aussi les rôles pour proposer une autre représentation du père et, à travers elle, un autre modèle de masculinité. Stéphane communique difficilement, craque, s’emporte, se montre manipulateur, vulnérable, fait preuve de mauvaise foi. Loin de l’archétype du mâle infaillible et protecteur, il apparaît ici fragile, autorisant l’image d’un homme sensible, humain.

 

À l’origine, le duo souhaitait mener une enquête de terrain dans le quartier des Beaudottes à Sevran, à la rencontre de ses habitants, notamment de sa jeunesse, avec la complicité du Théâtre de la poudrerie qui, depuis 2011, inclut dans son projet les Sevranais considérés à la fois comme spectateurs, hôtes des représentations à domicile, acteurs, auteurs, faisant la part belle à la dimension participative. Un théâtre de la socialité qui, comme Stéphane Schoukroun et Jana Klein, accorde une place centrale à la rencontre, l’échange. L’interprète est questionné par le sujet autant qu’il le questionne. Finalement, le théâtre et la compagnie, structures jugées non essentielles, font œuvre de service public à l’endroit où celui-ci s’est retiré. L’enquête a été diligentée à distance en raison de la pandémie du coronavirus qui a obligé la compagnie à réinventer son protocole de travail. Une série d’entretiens téléphoniques, débutée en mars 2020, s’est substituée à la rencontre avec les résidents, leur permettant de dresser le paysage social d’un territoire grâce aux discussions engagées sur la place de la famille, la persistance des clichés, les modèles, le rap, l’argent, la drogue, la religion, l’omniprésence des écrans dans le quotidien. Ils ont aussi perçu la façon dont la nouvelle situation sanitaire, politique et sociale, aggrave des inégalités déjà importantes.

 

« On y a été finalement… on a vu… c’est ça les quartiers ? » lance Jana à Stéphane à la fin de la pièce. « Ce quartier là, c'est ça » lui répond-il. Rentrés chez eux, elle lui conseille d’aller enfin parler à leur fille. Avec humour, la pièce défait les clichés d’une société qui, en blâmant ses marges, a peur d’elle-même. Elle invente le réel d’une histoire commune, la nôtre. Comment se construire aujourd’hui ? À l’heure où une pandémie mondiale sert de prétexte à un tournant sécuritaire et raciste, renforçant la stigmatisation des populations périphériques, encore un peu plus marginalisées, Jana Klein et Stéphane Schoukroun poursuivent leur tournée dans les collèges d’Ile-de-France, ceux des quartiers plutôt populaires, enrichissant la pièce des discussions nées dans le débat qui s’engage avec les élèves spectateurs après chaque représentation. Autant d’échanges qui, pour le couple, font partie intégrante du projet. On se souvient alors du témoignage de Marion, la prof qui interroge la façon dont on se parle pour se comprendre : « Parce qu’ils sont très sensibles aux mots, le mot comme le regard, le langage, être compris et comprendre pour eux c’est très très important… c'est ce qui est au cœur de leurs préoccupations vraiment… » Elle est sans doute la première à les considérer vraiment, valorisant la richesse culturelle dont eux-mêmes ne sont pas conscients. Comme ces adolescentes qui imaginent en regardant de leur fenêtre des choses qui n’existent pas, il faut rêver l’horizon, supposer le paysage qu’il y a forcément derrière les murs, sublimer celui qui se trouve au-delà de la fenêtre. Face à la servitude contemporaine qui suspend l’humanité à la possibilité d’un confinement et de sa répétition perpétuelle, réapprendre à regarder la forme des nuages.

 

[1] Fondée en 2016 par Stéphane Schoukroun, metteur en scène, scénariste et comédien, la compagnie (S)-Vrai se nourrit, dans ses spectacles et performances, de témoignages issues des rencontres avec des habitants, des chercheurs, des adolescents, des artistes… « Des personnes de tous âges qui trouvent au théâtre un espace de réflexion et de jeu, un lieu d’échange et d’expression. Toutes les créations de la compagnie se tissent à partir de ce dialogue-là : la friction entre l’intime et le social, entre notre histoire et la façon dont nous choisissons de la raconter », http://www.s-vrai.com/compagnie/compagnie-s-vrai/ Consulté le 1er mars 2021.

 

Guillaume Lasserre

 

 

 

SE CONSTRUIRE - Conception/Écriture/Mise en scène/Jeu : Stéphane Schoukroun. Conception/Écriture/Dramaturgie/Jeu : Jana Klein. Création son : Pierre Fruchard. Création vidéo : Frédérique Ribis. Regard dramaturgique : Laure Grisinger. Dispositif vidéo et lumière : Loris Gemignani. Production : Compagnie (S)-Vrai et Théâtre de la Poudrerie 

 

Avec le soutien de la Ville de Sevran et de l’ANCT dans le cadre du dispositif « Cités éducatives ». Ce texte est lauréat de l’aide à la création de textes dramatiques - ARTCENA. 

 

La pièce a été écrite à partir de témoignages récoltés par Stéphane Schoukroun et Jana Klein, artistes de la cie, au sein du quartier des Beaudottes, pendant le confinement du printemps 2020, et au collège, lors de sa réouverture.

 

 

Depuis le mois de novembre 2020 et la fermeture des théâtres et plus largement de tous les lieux culturels, les seuls endroits où l’on peut faire des spectacles sont les établissements scolaires. Le Théâtre de la Poudrerie continue d’investir les collèges et lycées du département : des représentations ont notamment eu lieu à Bobigny (école Sup de Sub, partenaire du Théâtre), à Villepinte, Tremblay…

Théâtre de la Poudrerie
6, avenue Robert Bellanger
93 270 SEVRAN

Compagnie (S)-Vrai

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March 6, 2021 4:31 PM
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La très excellente et très pitoyable tragédie de Roméo et Juliette de William Shakespeare, mise en scène de Paul Desveaux.

La très excellente et très pitoyable tragédie de Roméo et Juliette de William Shakespeare, mise en scène de Paul Desveaux. | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello -  5 mars 2021

 

La très excellente et très pitoyable tragédie de Roméo et Juliette de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, mise en scène de Paul Desveaux.

Pour le metteur en scène Paul Desveaux, co-directeur avec Tatiana Breidi du Studio-Esca – Ecole supérieure de Comédiens par l’Alternance – d’Asnières-sur-Seine, la pièce de Roméo et Juliette créée ce début mars au Théâtre partenaire Montansier de Versailles, est une pièce sur l’élan d’une jeunesse qui se hisse au-dessus du conflit des générations. 

Le Prince de Vérone est une autorité morale qui rappelle aux ennemis en lice, Montaigu et  Capulet, qu’ils doivent cesser leur haine ancestrale; de même, dans la vie privée à laquelle le Prince ne fait pas allusion, les parents de Juliette devraient cesser de régenter la vie de leur fille. Le monde va vers un humanisme qui se méfie des certitudes, attentif aux doutes et aux instabilités d’un monde incertain que les guerres de religion attisent.

La pièce de Shakespeare renvoie sans cesse à deux clans opposés – le clan Capulet de Juliette et le clan Montaigu de Roméo. Or, la présence des citoyens sur la scène souligne que le conflit n’est pas seulement familial mais politique. Roméo est un héros romantique mélancolique, amoureux sans espoir de la belle Rosaline; à côté de lui, ses compagnons bruyants sont prêts à faire tourner leurs couteaux – Mercutio et Benvolio –  pour en découdre avec leurs adversaires traditionnels, tel le vindicatif Tybalt, un vrai Capulet.

 

D’obédience personnelle pacifiste, Roméo s’éprend de la vive Juliette dans la démesure d’une passion qui lui tiendra lieu de vie brève, comme à elle, et vécue dans la plénitude. 

L’évolution de Juliette est plus spectaculaire, soumise et obéissante d’abord, elle s’affirme subversive, en reconnaissant d’emblée l’amour éprouvé pour Roméo, mue par le désir de l’épouser. Elle refuse, en échange, haut et fort, le mariage que son père lui arrange avec Pâris, parent du Prince; déterminée à sauver sa passion, elle transcende les conflits et la mort. Tolérante comme Roméo, elle affirme, en femme libre, son désir à la face du monde.

 

Paul Desveaux s’est amusé à saisir de cette situation conflictuelle les scènes de rue turbulentes de West Side Story (1961) de Jerome Robbins, drame lyrique américain inspiré de Shakespeare, guerre de territoires et de pouvoir entre deux bandes rivales, socialement opposées. On pourrait évoquer aussi les faits divers de nos temps incertains, comme les affrontements meurtriers récents de bandes rivales urbaines de jeunes gens.                              

La mise en scène vivante de Paul Desveaux diffuse sur le plateau de théâtre une joie de vivre invincible, ce plaisir des jeunes gens entre eux qui goûtent l’instant présent, selon leur appartenance politique, tel clan ou tel autre, en signe de reconnaissance identitaire.

 

La chorégraphie de jean-Michel Hoolbecq est libre et rigoureuse, donnant de l’ampleur et du mouvement aux attroupements de jeunes gens déployés et mobiles qui s’affrontent; est  perçue aussi l’ambiance festive des bals et des réceptions depuis les palais de Vérone.

 

Sous les arrangements musicaux de Pierre-Antoine Lenfant – rythmes rock et contemporains ou variétés  mélos-, les garçons et les filles n’hésitent pas à dégainer leurs armes blanches, couteaux et dagues que chacun cèle personnellement dans sa botte.

Les compagnons de Roméo sont excellents, peps et humour, porteurs de cette langue shakespearienne traduite par jean-Michel Déprats, avec à-propos et distance rieuse.

 

Kim Verschueren est une Mercutio sûre d’elle, emblématique d’un bel esprit combattif. La comédienne fait duo avec Benvolio qu’incarne avec une grâce chorégraphiée le moqueur Anthony Martine. Pierre-Antoine Lenfant est l’ennemi Capulet, hargneux et velléitaire.

 

Pierre-Loup Mérieux, joue Pâris, le parent du Prince avec aménité et certaine élégance quoiqu’il soit l’ennemi de Roméo;  Ulysse Robin a toute l’urbanité du Prince de Vérone. 

Le sublime et le grotesque des esthétiques shakespeariennes tiennent bien leur partition.

Léna Bokobza-Brunet, quant à elle, joue Samson, le serviteur des Capulet avec bonhomie et sens du comique; de même, Léa Delmart est à la fois, Grégoire, autre serviteur fanfaron des Capulet, alors qu’elle est, par ailleurs, Balthazar, le serviteur fidèle de Roméo. Sur l’écran du lointain, on les voit filmés, conversant  sur la route de l’exil à Mantoue.

 

D’ailleurs, puisqu’il est question de scènes filmées, le public verra, en alternance avec les scènes de la représentation sur le plateau, les comédiens parlant librement, en solo, devant la caméra, de confinement coercitif et de couvre-feu trop long dont il faudra sortir.

 

Revenons à Shakespeare : Malou Vigier qui joue aussi Lady Montaigu, est une Nourrice ironique, clownesque, dansante, partagée entre le sérieux de la tragédie et le plaisir de l’instant sensuel de la comédie. Luca Bondioli est un Montaigu bon enfant et Fabrice Pierre en Capulet a la dimension machiste d’un père traditionnel, méprisant épouse et fille, quand il sort de ses gonds, soucieux de tranquillité. Lady Capulet, le verre à la main, ne se fait guère d’illusion, à travers le jeu désenchanté de Céline Bodis. Hervé Van der Meulen est un Frère Laurent humain et bienveillant qui fait plaisir à voir dans un monde aussi noir.

 

La scénographie de Paul Desveaux fait la part belle au volume de la scène qui laisse voir des structures métalliques étagées, avec leurs échelles, qui tiennent lieu d’appartement – la prison symbolique de Juliette chez les Capulet, parents qui l’empêchent de vivre. Sur le plateau de scène, s’animent la rue et les salles de réception des puissants, le cimetière silencieux et le tombeau des héros et des victimes afférentes, la chapelle de frère Laurent.

 

Et le couple du jour tient bien haut le flambeau sentimental et  poétique : Thomas Rio, pour Roméo, distille une verve sincère et une intensité juvénile rare, scandant sa partition verbale de grands vertiges lyriques; de même, Mathilde Cessinas pour Juliette, frêle héroïne mais solide, elle n’hésite pas à parler la langue âpre et hachée des banlieues, rythmant son phrasé de silences et d’arrêts, impulsant des sonorités graves dans sa mélodie intime – les jeunes d’hier parlent à ceux d’aujourd’hui, rebelles et déterminés. 

 

Véronique Hotte

Présentation du 2 mars au Théâtre Montansier 13, rue des Réservoirs 78000 – Versailles.

 
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