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Le spectateur de Belleville
September 19, 2023 3:12 AM
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Par Véronique Hotte dans son blog Hottello - 18 sept. 2023 Ecrire sa vie de Pauline Bayle, d’après l’oeuvre de Virginia Woolf, adaptation et mise en scène de Pauline Bayle, scénographie Pauline Bayle et Fanny Laplane, lumière Claire Gondrexon, costumes Pétronille Salomé, musique Julien Lemonnier, son Olivier Renet. Avec Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Viktoria Kozlova, Loïc Renard, Jenna Thiam et Charlotte van Bervesselès. Les Vagues de Virginia Woolf est un récit que se partagent six amis, pour un repas préparé autour de l’absence d’un énigmatique septième, qui doit arriver d’un instant à l’autre, nommé Jacob dans l’adaptation de Pauline Bayle, directrice du TPM de Montreuil – CDN. Cette figure mystérieuse devrait surgir instamment, revenant du front de la guerre, pense-t-on, et non plus des Indes, comme chez Woolf. L’excitation, l’énervement, la fébrilité des personnages sont au rendez-vous du plateau; tous accueillent le public entrant dans la salle, lui diffusant allégresse et joie. Ces voix intérieures, exprimées verbalement et splendidement incarnées, re-visitent l’enfance et la vie de ces figures woolfiennes, appelées ici, Nora (Hélène Chevallier), Tristan (Guillaume Compiano), Judith (Viktoria Kozlova), David (Loïc Renard), George (Jenna Thiam) et Céleste (Charlotte van Bervesselès). Tous attendent celui qui n’est pas là encore, Jacob, la figure charismatique du sextuor – figure « héroïque », selon eux, que l’on n’entendra jamais mais dont l’évocation cimente leur amitié. Les interprètes amusés sont toniques, mobiles, décidés à s’imposer tous ensemble, heureux de jouer. Le spectacle de Pauline Bayle, Ecrire sa vie, suit le destin de ce groupe de fidèles, selon des retrouvailles irrégulières, révélant à la fois la joie éblouie de l’enfance et le désenchantement obligé de la maturité – pertes, échecs, déceptions. Soit un récit d’apprentissage d’amis unis et liés, Les Vagues, combiné avec justesse à à des extraits de romans, d’essais, de journal, de correspondance de l’autrice. Le présent est plus qu’incertain, d’où cette fébrilité perçue d’emblée par le public : la mort a blessé l’entourage immédiat de l’auteure anglaise. Le destin politique frappe la communauté avec la Première Guerre mondiale – traumatisme et conflit avant la montée des fascismes et la Seconde Guerre mondiale. Au moment même où Jacob devrait éminemment surgir, résonne, douloureuse, la sirène d’alerte annonçant le repli dans des abris et caves, symbole sonore de toute guerre s’il en est, de triste actualité. Or, la nature est infiniment présente, et l’existence, grâce à la perception lyrique du monde et de ses paysages, est une expérience sensible, une aventure lyrique inouïe traversée de sensations et de ces petites peurs, de ne pas trouver la formulation exacte qui expliquerait soi et ce que l’on ressent d’être au monde : présence du soleil, du vent, de la pluie, des vagues mais aussi des oiseaux ou des escargots. Sensations, émotions, désirs et frustrations, les perceptions divergent au gré des conversations et du temps qui passe – le portrait de chacun variant de la vie qui va et alternant, quand changent les rôles. La mise en scène de Pauline Bayle est conviviale et allègre, dispensatrice de joie et de bonheur, celui conscient d’abord d’être et de vivre. Les figures répertoriées explorent scéniquement leur belle personne subtile, à l’écoute l’une de l’autre, quêtant une approche instinctive qui briserait leur solitude. La table est un lieu de vraie rencontre, une dimension recherchée et à sauvegarder d’urgence :« Je ne crois pas à la valeur des existences séparées. Aucun de nous n’est complet en lui seul. » Il y a dans cette vision du monde une référence tchékhovienne, l’art d’être ensemble tout en sachant devoir se quitter. Des ballons rouges, au nombre de trente, signifient l’anniversaire de George, apportant leur couleur réjouie, leur forme et leur légèreté à un quotidien froid et figé : ils éclateront au moment de la guerre déclarée – fini la fête et la jubilation, l’ivresse et l’enchantement des débuts de l’existence. Toujours est-il qu’au milieu des chants et des danses collectives, le ravissement d’être au monde l’emporte haut et fort, à travers de jeunes interprètes singuliers qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. Incarnation vibrante de portraits de femmes et d’hommes délicats et lucides sur leurs défaillances. Un plaisir de théâtre ici et maintenant, un rendez-vous avec le regard prémonitoire de Virginia Woolf. Véronique Hotte Du 26 septembre au 21 octobre 2023, du mardi au vendredi 20h, samedi 18h, relâche dimanche et lundi, au Théâtre Public de Montreuil, centre dramatique national, Salle Jean-Pierre Vernant 10 place Jean-Jaurès Tél : 01 48 70 48 90.Les 20 et 21 novembre, Le Parvis, Scène nationale Tarbes-Pyrénées. Les 8 et 9 décembre, Châteauvallon Liberté, Scène nationale de Toulon. Les 14 et 15 décembre, TCC – Théâtre Châtillon-Clamart. Les 13, 14, 15 et 16 février 2024, Théâtre Dijon-Bourgogne, Centre dramatique nationale. Les 5, 6, 7 et 8 mars 2024, Théâtre de la Croix-Rousse- Lyon.
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Le spectateur de Belleville
September 18, 2023 3:02 PM
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Propos recueillis par Alizée Chebboub-Courtin pour Rue89 Strasbourg - 14 sept. 2023 Caroline Guiela Nguyen veut « de la diversité » sur ses plateaux et dans ses salles. Guidée par son amour du récit, la directrice du TNS compte faire de l’institution un lieu de rencontres et d’échanges. Troupes amateurs dans les quartiers, discussions philosophiques nocturnes, comédiens de toutes origines et création d’un espace convivial dans le hall du Théâtre national de Strasbourg (TNS). Telles sont les propositions de sa nouvelle directrice Caroline Guiela Nguyen, pour la saison 2023 / 2024 et pour les cinq années, au moins, à venir. Entre une composition de la programmation à quatre mains et le désir d’en bouleverser ses codes, rencontre avec celle qui veut mettre en scène la diversité à tous les niveaux. Rue89 Strasbourg : Comment se passe cette arrivée à Strasbourg ? Caroline Guiela Nguyen : Je suis très honorée, et en même temps c’est très concret. Je viens à mon bureau – c’est la première fois que j’en ai un ! – j’écris, je rencontre des gens, j’élabore mon projet avec les équipes… Le TNS est une très belle maison, avec des gens amoureux du théâtre et de son histoire. L’énergie y est donc très forte. Pareil pour l’école. J’ai déjà pu recruter la nouvelle promotion. Ça a été un moment particulièrement émouvant. Caroline Guiela Nguyen a une longue histoire avec le TNS, puisqu’elle y a fait ses études de mise en scène, dont elle est sortie diplômée en 2008. (Photo Jean-Louis Fernandez / doc remis) De l’école à la direction Vous avez travaillé en collaboration avec beaucoup de théâtres mais n’en avez jamais dirigé. Qu’est-ce qui vous a amené à ce poste, au TNS, au sein duquel vous avez fait vos études de mise en scène ? Pendant longtemps, je n’ai pas envisagé de diriger une maison. On me l’a souvent proposé, mais j’étais très bien avec ma compagnie. Pour le TNS, c’est différent. L’histoire que j’ai avec ce lieu et la ville m’a donné envie d’y revenir et d’y développer un projet. J’aime énormément Strasbourg, parce que c’est une ville frontalière dans laquelle j’entends parler plein de langues… Une diversité qu’on retrouve au cœur de mon travail. J’ai adoré le TNS en tant qu’élève, mais j’ai aussi dû me battre contre lui. Vous avez souvent déploré le manque de diversité au TNS. Fille d’une Vietnamienne et d’un pied-noir, vous étiez l’une des seules élèves non-blanche de l’école. Qu’est-ce qui a changé ? C’était un théâtre extrêmement blanc. Je ne voyais ni dans le public, ni sur scène, ni dans l’école des personnes qui me ressemblaient, qui appartenaient à mon histoire, à mon enfance. Et le pire, c’était que je trouvais ça complètement normal… J’essayais de coller à ce schéma. De la diversité sur scène et en salles Le fait de revenir ici et de voir tout ce qui a bougé en si peu de temps, de rencontrer toute une nouvelle génération de jeunes personnes qui ont décidé que les choses devaient absolument changer me réjouit. Aujourd’hui, j’espère que si on voyait toute une promotion sans diversité, cela choquerait. En travaillant avec des comédiens professionnels et amateurs, en allant les chercher parfois à l’autre bout du monde, comme au Vietnam avec votre spectacle Saigon, vous participez à renforcer cette diversité. Quelle incidence cela a-t-il sur le public ? Ce qui est génial aujourd’hui, c’est que beaucoup d’artistes se posent la question de l’adresse, ils se demandent à qui ils parlent. Il y a encore dix ans, c’était parfois vu comme de mauvaises questions, qui pouvaient détourner l’artiste de son art. Personnellement, j’ai toujours eu un souci du public. Une de mes principales préoccupations est ce qui se passe dans la salle, pas tant qui il y a sur le plateau. Je me suis dit qu’en étant au TNS, je ferai en sorte que tout le monde sente qu’il y a des propositions qui lui sont adressées. Cet espace doit être le plus accueillant possible. C’est pour cela que je tiens à montrer des récits, des visages, des langues et des corps auxquels on n’a souvent pas laissé de place. Plus précisément, quelles sont les nouveautés que l’on pourra découvrir au TNS ? Nous allons penser notre communication en fonction de zones géographiques de Strasbourg. J’aimerais que dans chacune de ces zones, de ces territoires, une troupe amateure bénéficie de l’accompagnement de metteurs en scène invités par le TNS, toute l’année. Ces créations seront présentées lors de « Galas du TNS », en fin de saison. Ce sera également l’occasion d’inviter des projets différents, comme un spectacle porté par un centre socio-culturel qui nous a marqués. Discussions philosophiques au petit matin De manière générale, j’imagine un théâtre plus ouvert. Je veux que le hall Koltès devienne un lieu de vie en dehors des représentations, qu’on ait envie de s’y installer, d’échanger autour d’un verre, qu’il puisse accueillir des événements, comme l’enregistrement d’émissions de radio dans la journée. Je réfléchis aussi à un format qui s’intitulerait « envisager la nuit » et qui serait un espace de débat pour aborder des questions de société complexes vers 4 heures du matin. Et du côté de l’école ? Je souhaite renforcer les liens entre théâtre et cinéma. Les élèves compléteront leur formation avec la Cinéfabrique de Lyon, pour qu’ils puissent échanger avec des décorateurs, des réalisateurs de bande-son… De quoi penser ces deux arts ensemble, et non côte à côte. Je vais poursuivre les efforts de mon prédécesseur (Stanislas Nordey, NDLR), pour travailler la diversité dans l’école, pas uniquement chez les comédiens, mais aussi dans les chargés de projets comme les metteurs en scène ou les scénographes. À cause du délai de votre nomination, la programmation de la saison 2023/2024 s’est faite à quatre mains, avec six premiers spectacles proposés par Stanislas Nordey d’ici décembre. Comment avez-vous vécu cet exercice ? C’était un exercice intéressant, notamment avec Stanislas Nordey. Il y a une cohérence et une complémentarité dans nos choix. Il a programmé Radio Live – la relève, que j’avais également repéré. Et j’ouvre ma programmation avec Le Iench, d’Eva Doumbia, qui a remporté le prix Bernard-Marie Koltès du TNS l’année dernière. (L’oeuvre suit le quotidien d’un jeune garçon originaire du Mali, qui rêve d’avoir la vie que lui vend la télévision, mais qui se heurte au racisme et aux assignations sociales, NDLR) C’est une autrice qui m’est chère, car elle parle réellement d’aujourd’hui. « Décoloniser les arts » Quand j’étais jeune metteuse en scène, Eva avait déjà cette préoccupation importante de décoloniser les arts… Moi, je n’étais pas encore arrivée à ces questions-là. Elle fait partie des artistes qui m’ont donné de la force et qui m’ont offert la possibilité de dire, 14 ans plus tard : « Il faut que les choses changent. » Il y a-t-il un fil rouge qui lie ces premiers choix ? Non, je déteste qu’on dise que j’ai une thématique, que je choisis les artistes parce qu’ils parlent de l’exil par exemple. Ce n’est pas ça du tout. Je choisis des artistes parce qu’ils sont importants à mes yeux. Parce que j’aime leur travail. Ils racontent le monde à travers un regard que j’ai envie de voir dans le théâtre aujourd’hui. Ils se soucient de la question des récits, de l’adresse… Une préoccupation qui se retrouve dans vos propres œuvres, comme Saigon qui sera rejoué au TNS du 19 au 26 mars ou Lacrima, du 14 au 18 mai ? J’ai toujours voulu que mes spectacles soient le plus ouverts possibles. J’adore travailler avec des acteurs qui n’en sont pas et des acteurs qui en sont. Cela fait venir des gens qui ne seraient jamais allés au théâtre et qui se retrouvent soudainement sur un plateau. Poursuivre une démarche de diversification En devenant directrice, je peux aller encore plus loin dans ma démarche. Par une architecture, un lieu, un dialogue avec le public, l’écriture de programme de salle, en invitant d’autres artistes… Il se passe des choses qui sont importantes, des personnes se battent pour accorder une place à tous, et cela me stimule. Pour moi, le théâtre se porte de mieux en mieux. Vous défendez un théâtre actuel, qui part du réel et a un effet concret. Pour vous, à quoi doit servir le théâtre en 2023 ? Je ne répondrai jamais que le théâtre peut changer le monde. On voit bien comment il peut être désarmé parfois… Mais j’ai toujours en tête qu’avant de vouloir changer le monde, il faut qu’on regarde autour de nous, avec les gens qui sont là, ce que ça change pour eux. Par exemple, avec qui on décide de passer trois mois en répétition, qui on fait venir sur un plateau. Si on réussit à changer les possibilités de rencontre, de partage et d’accueil, si on amène d’autres récits, d’autres langues et d’autres accents… il se passe déjà quelque chose d’important. Moi, je fais du théâtre parce que j’ai besoin de raconter des histoires, de me réapproprier le récit. Et j’ai hâte de pouvoir partager cette passion et ce projet avec les Strasbourgeois Trois jours pour fêter la rentrée Du 15 au 17 septembre, en parallèle des visites traditionnellement proposées pour les Journées du patrimoine (au TNS et dans les ateliers de décors à Illkirch), des événements festifs seront organisés dans le théâtre, ouvert à la libre déambulation pour ces trois jours. La nouvelle directrice présentera son projet au public le vendredi 15 à 20h, le samedi 16 à 18h30 et le dimanche 17 à 11h30. L’occasion d’écouter des concerts gratuits et de s’installer autour d’une table pour mettre le théâtre à l’honneur avec un banquet organisé par le Cafoutche et l’association Stamtish samedi à 19h30, ou lors du barbecue du dimanche midi. Un premier essai pour proposer au public d’habiter le théâtre autrement. Propos recueillis par Alizée Chebboub-Courtin / Rue89 Strasbourg ALLER PLUS LOIN Teaser vidéo saison 23/24 du TNS Teaser création "Lacrima" par Caroline Guiela Nguyen Légende photo :Caroline Guiela Nguyen a une longue histoire avec le TNS, puisqu’elle y a fait ses études de mise en scène, dont elle est sortie diplômée en 2008. (Photo Jean-Louis Fernandez / doc remis)
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Le spectateur de Belleville
September 17, 2023 8:21 AM
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Par Fabienne Darge (Stamsund (Iles Lofoten, Norvège)) dans Le Monde - 16 septembre 2023 C’est dans un village de pêcheurs que la marionnettiste Yngvild Aspeli a créé son spectacle, présenté au Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières. Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/16/sur-les-iles-lofoten-en-norvege-la-nature-et-le-theatre-en-communion_6189716_3246.html
On scrute le ciel gris fer, cinglé de rafales de vent et de pluie, pour évaluer à quel moment on va pouvoir tenter une sortie et rejoindre le théâtre, distant d’à peine quelques centaines de mètres. Bienvenue à Stamsund. Ici, au-delà du cercle polaire, entre le 67e et le 68e parallèle nord, la canicule qui sévit sur le reste de l’Europe en ce début de septembre semble appartenir à un autre monde. Logiquement, à Stamsund, le seul spectacle visible devrait être celui des aurores boréales, qui se déploient, telles des étoffes diaprées, dans le ciel nocturne dès l’automne venu. Mais ce charmant village de pêcheurs, situé sur la face sud de l’île de Vestvagoy, dans l’archipel des Lofoten, qui compte 1 200 habitants quand sa population est au complet, affiche un taux anormalement élevé d’infrastructures théâtrales : trois salles, dont une de renommée internationale, autant de compagnies, et un festival de printemps qui attire des professionnels venus de toute l’Europe. A notre connaissance, un cas unique au monde. C’est là que la metteuse en scène et marionnettiste Yngvild Aspeli, devenue en quelques années une des figures du renouveau de l’art marionnettique, a créé son nouveau spectacle, Maison de poupée, une version avec pantins de la célèbre pièce de son compatriote Henrik Ibsen. Avant de faire l’ouverture du Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières (Ardennes), le 16 septembre, la pièce a été montrée au village. Dans la petite salle du théâtre se mêlaient des jeunes gens branchés – Stamsund est aussi doté d’une école d’art – et des habitants en bottes et coupe-vent techniques, dans une cohabitation qui visiblement n’étonne plus personne ici. « Il faut que vous imaginiez à quoi ressemblait le village au début des années 1990, raconte Geir-Ove Andersen, le directeur administratif du Figurteatret, où a été produit Maison de poupée. La crise de la pêche qui a sévi à la charnière des années 1980 et 1990, en raison de la raréfaction du poisson, avait laissé le village sinistré. Il y avait moins de dix enfants à l’école – il y en a aujourd’hui soixante –, tous les commerces étaient fermés, c’était d’une tristesse infinie. » Renaissance du village Le renouveau, inespéré, est arrivé grâce à une conjonction de facteurs, comme c’est le cas parfois quand les planètes s’alignent mystérieusement. Les hangars et les usines à poissons désaffectés, propres à installer des ateliers, la lumière polaire, à nulle autre pareille, ont commencé à attirer des artistes sur l’île. Puis un groupe de jeunes gens présentant des difficultés d’insertion dans la société a été envoyé à Stamsund pour créer un spectacle de théâtre. Parallèlement, le gouvernement norvégien cherchait à installer dans le nord du pays un établissement national consacré aux différentes formes de théâtre visuel. Les pièces du puzzle se sont emboîtées. Geir-Ove Andersen, Thorbjorn Gabrielsen, aujourd’hui directeur du Festival de Stamsund, et Andreas Eilertsen, qui possède son propre théâtre, installé dans l’ancien cinéma du village, se sont rencontrés dans le groupe de théâtre envoyé en réadaptation sur l’île : l’un faisait partie des jeunes, l’autre des artistes encadrant le groupe, le troisième de l’équipe technique. Tous trois sont les pionniers de la renaissance de Stamsund, un nom qui existe désormais sur la carte des programmateurs de spectacles du monde entier. Ils ont créé le Figurteatret en 1991, dans la maison aux panneaux de bois bleu océan dans lequel il se trouve toujours aujourd’hui. Une maison consacrée au théâtre visuel pour répondre à la demande du gouvernement. Mais aussi parce qu’ils voulaient « s’inscrire contre le théâtre norvégien traditionnel, qui est très psychologique, et pour nous très ennuyeux », explique Thorbjorn Gabrielsen, qui ne cache pas son goût pour les formes ultrastylisées et performatives. « Un théâtre situé dans un village au bout du monde ne peut exister que s’il a une vie internationale, précise Geir-Ove Andersen. Le théâtre visuel, on le définit comme un art où l’on anime des objets, que ces objets soient des corps, des ombres, des instruments ou évidemment des marionnettes. C’est un théâtre où l’expression verbale compte moins que le corps et l’image, ce qui fait qu’il peut être compris partout dans le monde. Que vous soyez en Norvège, à Cuba ou en Chine, le spectacle peut être reçu. Et, de fait, nombre de pièces créées ici depuis 1991 ont tourné dans le monde entier. » Aujourd’hui séparés en raison de dissensions, les trois pionniers de Stamsund vivent désormais sur des planètes autonomes, comme il arrive parfois dans les petits mondes où les petites différences font les grandes fâcheries. Mais ils ont continué à faire du village un foyer théâtral actif et vivant, entretenant un écosystème unique en son genre, où l’infiniment local est relié au vaste monde. « Un lieu pour l’âme » « C’est important, ce qui a été créé ici », souligne Yngvild Aspeli, qui, en 2021, a été nommée directrice artistique du Figurteatret. La marionnettiste est née en Norvège, il y a quarante ans, mais loin des Lofoten, au milieu des montagnes de l’intérieur. A 20 ans, elle est partie pour la France, afin d’étudier à l’Ecole internationale de théâtre Jacques-Lecoq, à Paris, puis à l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette, à Charleville-Mézières. « En Norvège, il n’y a pas de grande tradition de théâtre de marionnettes, résume-t-elle. Et, à l’époque, il n’existait pas d’école pour le théâtre que je voulais inventer. » Yngvild Aspeli a signé ses premiers spectacles en France, avec sa compagnie Plexus polaire. Mais elle a bien vite été repérée par l’équipe du Figurteatret, et c’est à Stamsund qu’elle a créé ses trois dernières pièces, Chambre noire (2017), Moby Dick (2020) et Dracula (2021), qui ont tourné de Dijon à New York. « Stamsund est un lieu infiniment propice à la création, que les artistes adorent, se réjouit la metteuse en scène. On y est comme dans une bulle, coupé des sollicitations du monde urbain. Le rapport à la nature y est très fort. C’est vraiment un lieu pour l’âme. » On n’a aucun mal à la croire, devant le paysage grandiose de l’île, avec ses fjords interminables, ses montagnes d’une densité minérale presque inquiétante et ses eaux turquoise et transparentes – « Ici, c’est la Thaïlande version nordique », vous lancent invariablement les habitants de Vestvagoy avec humour. D’Yngvild Aspeli, il se dit souvent qu’elle est une force de la nature, doublée d’une rêveuse capable de tourner son regard vers des outre-mondes. Les îles Lofoten semblent avoir été faites pour elle, avec leurs brumes impénétrables qui sans cesse se recomposent et s’animent en créatures étranges, leurs vents qui soufflent des histoires venues de temps infiniment anciens, préhumains. Un monde où la terre, l’air et l’eau se cognent en forces titanesques, et qui, dit Yngvild Aspeli, « ramène l’homme à l’essentiel, à sa juste place ». Une réflexion intéressante pour une marionnettiste qui crée le monde et les êtres à sa guise et à sa mesure. Fabienne Darge (Stamsund (Iles Lofoten, Norvège)) pour Le Monde Légende photo : Yngvild Aspeli, dans « Maison de poupée », à Stamsund (Norvège), le 4 septembre 2023. JOHAN KARLSSON
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Le spectateur de Belleville
September 16, 2023 5:46 PM
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Propos recueillis par Mathieu Macheret dans Le Monde - 15 sept. 2023 Dans le film de Catherine Breillat, le jeune comédien interprète un adolescent qui a une liaison avec sa belle-mère. Il revient, dans un entretien au « Monde », sur sa première apparition au cinéma.
Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/16/samuel-kircher-acteur-jouer-dans-l-ete-dernier-fut-le-grand-saut_6189680_3246.html
Enfant de la balle, Samuel Kircher irradie l’écran, en tête d’affiche de L’Eté dernier, de Catherine Breillat. Pour sa première apparition, l’acteur en herbe, 18 ans au moment du tournage, endosse, avec une grâce surréelle, le rôle compliqué d’un adolescent teigneux attiré par sa belle-mère. Comment vous êtes-vous retrouvé propulsé au premier plan dans un film de Catherine Breillat ? A l’été 2021, mon frère [le comédien Paul Kircher] venait d’apprendre qu’il était pris à la fois dans Le Lycéen, de Christophe Honoré, et Le Règne animal, de Thomas Cailley. Il n’était plus disponible pour jouer le film de Catherine Breillat, dont le tournage allait tomber en même temps. Catherine a donc repris le casting, mais n’a trouvé personne d’autre. Au printemps, elle est encore revenue vers Paul, elle tenait absolument à lui. C’est alors qu’il lui a suggéré de se tourner vers moi. Le tournage était imminent. En même temps que je passais le bac, je me suis aussi retrouvé à passer les essais. Aviez-vous déjà une expérience en tant qu’acteur ? Mes parents sont comédiens [Jérôme Kircher et Irène Jacob], c’est évidemment un monde dont j’étais familier. J’avais suivi des cours de théâtre, fait un peu d’improvisation, mais dans un cadre scolaire. Ce fut donc le grand saut. Comment avez-vous réagi en découvrant votre personnage adolescent dans une passion brûlante et vénéneuse ? C’était la première fois que je lisais un scénario de ma vie. Et à la lecture, c’est toujours difficile d’imaginer à quoi va vraiment ressembler le film. D’abord, je n’ai pas compris ce que je lisais. Puis, petit à petit, je me suis captivé pour cette relation et ce qu’elle recouvre : le dilemme entre une vie raisonnable et l’abandon au désir. Avant le tournage, j’ai beaucoup réfléchi à mon rôle, de façon un peu égoïste. J’appréhendais le côté virulent, enragé, du personnage, craignant de ne pas être très crédible dans ce registre-là. Mais Catherine ne cherchait pas quelqu’un qui transpire la violence ou l’instabilité. Heureusement, car le personnage n’en sort que plus troublant. Catherine Breillat est connue pour son exigence, voire sa dureté, avec ses acteurs. Comment avez-vous vécu le tournage ? Catherine est une formidable directrice d’acteurs, il y a une intensité permanente sur son plateau. N’ayant jamais fait de tournages, je n’avais aucun point de comparaison. J’ai découvert le cinéma par cette manière-là : cette recherche acharnée pour sculpter la scène, aller toujours plus loin. On cherche à installer des émotions très précises, et cette précision en passe par les corps, leurs positions, leur façon de bouger, rien n’est laissé au hasard. Et pourtant, l’impression que j’en tire, c’est que Catherine nous laissait beaucoup de liberté, car elle ne nous dictait aucune intention psychologique, rien que des indications physiques. C’est seulement après, quand la scène est jouée, qu’elle l’étoffe. Elle fonctionne beaucoup sur son propre vécu, et comprendre le personnage en passait aussi par là. Votre jeu est confondant de naturel. Comment avez-vous affronté ce cinéma très mental et parfois très cru ? Tout est très fabriqué. Les personnages sont pris dans des positions abracadabrantes qui viennent beaucoup de la peinture, du Caravage, de Raphaël. On n’apparaît jamais de profil. On se regarde de face alors qu’on se tient tout près. Une fois qu’on a compris à quel point les présences dans le plan sont construites, on commence vraiment à s’amuser, car on ne cherche plus à copier la vraie vie. En tant qu’acteurs, on est délesté de ce problème. Pour ce qui est des scènes de sexe, j’appréhendais un peu. Elles n’étaient pas prévues au début du tournage, mais un peu plus tard, au milieu : on avait le temps de les voir venir. Catherine a été très rassurante. Ces scènes étaient chorégraphiées dans le détail, sans contact physique. Tout s’est passé sans la moindre gêne. Mathieu Macheret Légende photo : Samuel Kircher, au Festival de Cannes, le 26 mai 2023. CHLOE SHARROCK/MYOP POUR « LE MONDE »
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September 15, 2023 10:58 AM
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September 15, 2023 5:51 AM
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Communiqué de presse - Publié le 14 septembre 2023 Aucune déprogrammation d’artistes, de quelque nationalité que ce soit, n’est demandée ni par le ministère des Affaires étrangères, ni par le ministère de la Culture.Pour des raisons de sécurité, la France a suspendu depuis le 7 août la délivrance de visas depuis Niamey, Ouagadougou et Bamako, ainsi que la mise en œuvre dans ces pays de nos actions de coopération culturelle. Cette décision n’affecte pas les personnes qui seraient titulaires de visas délivrés avant cette date ou qui résident en France ou dans d’autres pays.
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September 14, 2023 10:03 AM
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Par Armelle Héliot dans son blog - 15 sept. 2023 Dirigé par la rare et merveilleuse Marie-Christine Orry, il incarne un homme déraciné qui se raconte et se souvient de son père. Ecrit pour lui, il y a dix ans, par Emilie Frèche, ce monologue signe le retour au théâtre d’un artiste sensible et noble. Il a reçu tant de prix que l’on voit mal ce que l’on pourrait retenir…Peut-être, car sans doute le grand public a-t-il au cœur ce film-là, son prix « collectif », le succès irradiant et partagé d’Indigènes (بلديون) de Rachid Bouchareb. C’est un texte sur la solitude que défend de toute sa sensibilité, de son intelligence de l’écriture et des sentiments, Sami Bouajila. Il est un aristocrate du théâtre, un grand félin des dunes. Tunisien né en France, français engagé dans la défense de la langue, de la culture, il est aussi l’héritier d’un pays splendide et d’un père simple socialement et magnifique. Noble. Emilie Frèche a écrit ce monologue il y a dix ans. Pour lui, Sami Bouajila. Mis en scène par Marie-Christine Orry, interprète exceptionnelle qui a travaillé avec Sami Bouajila, lorsqu’ils étaient tout jeunes, le texte d’Emilie Frèche prend une évidence lumineuse et une fluidité de ton, dans le récit, d’une évidence magistrale. Ne révélons pas les secrets. Dans une scénographie rigoureuse, un tas de sable ou de terre à la Beckett de Jean-Pierre Laporte et les douces lumières de Zizou, la metteuse en scène a su emprunter de vieux films à son camarade. Est-ce son père ? Et là, ce petit garçon, c’est lui ? N’en disons pas plus. Découvrez cet homme fier et en même temps très vulnérable, qui parle de son destin, de celui de son père. Il nous dit l’exil et la souffrance. Qu’un rideau transparent soit tiré, et voici le père…L’écriture sobre et pourtant musicale de l’auteure Emilie Frèche –ne mentons pas, la situation revient souvent au théâtre- l’interprétation puissante de Sami Bouajila très finement dirigé par Marie-Christine Orry, qui, répétons-le, donne une clarté bienvenue à la pièce, sont magnifiques. Il a une voix très bien placée, il se fait entendre, il peut murmurer ou tonner, on l’écoute. Un grand interprète, délicat et fraternel. Viril et tendre. Du théâtre fort. Comme on le dirait d’un bon café. Avec humeurs, odeurs, vent, brise de mer, qui parvient jusqu’au pied des immeubles de banlieue. Théâtre de l’Oeuvre, du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 17h00. Jusqu’au 30 septembre. Durée :1h05. Texte publié, avec un dossier, par L’Avant-scène théâtre, 14€, en vente au théâtre.
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September 12, 2023 4:25 PM
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Propos recueillis par Joëlle Gayot dans Le Monde - 12 sept. 2023 2023L’écrivain signe un nouveau spectacle, intitulé « Proches », dans lequel il s’essaie pour la première fois à la mise en scène. Il détaille, dans un entretien au « Monde », les occasions narratives offertes par l’écriture de pièces.
Lire l'article sur le site du Monde : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/12/laurent-mauvignier-si-je-suis-alle-vers-le-theatre-c-est-pour-clarifier-la-question-de-sa-presence-dans-mes-romans_6189078_3246.html
En 2012, Laurent Mauvignier écrivait sa première pièce de théâtre (Tout mon amour). Onze ans plus tard, l’auteur de Loin d’eux et d’Histoires de la nuit (Ed. de Minuit, 1999 et 2020) passe à la mise en scène et crée son dernier texte au Théâtre national de la Colline, à Paris. Avec Proches, qui raconte l’histoire de personnes attendant la sortie de prison d’un jeune homme, Yoann, il effectue un zoom vertigineux sur la nature aliénante des rapports familiaux. Une plongée en forme de dérapage contrôlé qui oscille d’une normalité de façade vers le dérèglement. Qu’est-ce que le théâtre vous apporte que vous ne trouvez pas dans l’écriture du roman ? Le théâtre ne me hante pas de la même manière. Mon désir de lui est un caillou dans ma chaussure : il apparaît, disparaît, réapparaît. Vient un moment où, pris au piège, je sais que je vais être obligé de passer par lui. Ce n’est pourtant pas ce pour quoi je suis le plus doué. J’ignore combien de temps la pièce en cours va me réquisitionner : deux, trois, quatre ans ? Je vais au bout d’une version, j’attends, je me relis quelques semaines plus tard, et là, je suis consterné. Tout est nul. Alors je m’y remets. Dans le roman, je me sens chez moi. Au théâtre, je me sens chez les autres. J’ai besoin du théâtre parce que j’ai besoin des autres. Il me déstabilise, me violente, m’agace, mais je viens précisément y chercher une façon différente de penser la narration. Il y a pourtant de la théâtralité dans vos romans. La ligne est-elle si franche que ça ? Si je suis allé vers le théâtre, c’est précisément pour clarifier la question de sa présence dans mes romans. Les tout premiers étaient des monologues où, peu à peu, je me suis senti à l’étroit, coincé dans le regard d’un unique personnage. J’avais envie de plus d’amplitude et d’un mixage entre des points de vue omniscients qui circuleraient de tête en tête. Mais je me méfie des adaptations qui désarticulent mes livres. Même si c’est l’enfer, je voulais écrire directement pour le théâtre, car il a une façon passionnante d’échapper à la linéarité. Lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts [de Tours], l’auteur Valère Novarina est venu faire une lecture. Pour le jeune élève inculte que j’étais – arrivé de ma campagne, je sortais d’une année de brevet d’études professionnelles spécialité comptabilité et n’avais pas le bac –, ce moment a été déclencheur. La génération de Samuel Beckett [1906-1989] et de Marguerite Duras [1914-1996] passait indifféremment du roman au théâtre, celle d’après ne l’a pas fait. Pourquoi ? Duras dit que mettre en scène, c’est mettre en littérature : ça me paraît évident. Une archéologie souterraine relie-t-elle vos textes entre eux ? Certains personnages dialoguent de page à page. Certains sont les amorces d’un suivant, mais qui prendra le temps de se dessiner dans un prochain livre. Des tentatives inaccomplies qu’il me faut repréciser. Je les porte en moi comme les souvenirs de gens aimés qui seraient morts voici longtemps. A tel point que je me dis que, peut-être, aux derniers instants de ma vie, je finirai par confondre tout le monde et faire comme Honoré de Balzac [1799-1850], qui, agonisant sous le regard de ses docteurs, a demandé qu’on lui amène Bianchon, le médecin de La Comédie humaine [1830-1856]. Un médecin de fiction ! « Proches » est de facture orthodoxe, avec personnages, dialogues et didascalies. Pourquoi ce classicisme ? Je suis le produit d’une génération qui refusait la figuration en peinture et la fiction en littérature. A quoi bon casser la forme, puisqu’elle était déjà cassée par les avant-gardes ? Il m’a fallu du temps et la découverte d’auteurs tels que Bernard-Marie Koltès [1948-1989] pour comprendre qu’on peut être contemporain en passant par des formes déjà éprouvées. Il ne s’agit pas de faire du neuf avec de l’ancien, mais de montrer comment les codes, modernes ou conventionnels, doivent être réinterrogés en permanence. En ce sens, je trouve les histoires de famille formidables. La même chose s’y raconte toujours, mais avec des variations. Votre pièce dérape de situation en situation, en opérant un zoom sur l’intériorité des personnages… La pièce joue sur des codes naturalistes pour basculer vers la déréalisation. Les personnages sont parfois prosaïques et triviaux, puis, sans prévenir, ils entrent dans un univers mental qui n’a plus rien de réaliste. C’est très excitant de chercher comment résoudre ces bascules au plateau. Yoann, le fils absent attendu par la famille, semble être le grand ordonnateur du délitement. Est-il votre double ? Il n’est pas celui dont je me sens le plus proche. Je suis un peu en chacun des protagonistes, et chacun recèle une partie secrète. Rien n’est raccord dans ce fonctionnement familial. Et si les parents étaient les véritables gosses ? Si la mère n’avait pas voulu avoir d’enfants ? Nous faisons, dans la vie, ce à quoi nous sommes assignés. Nous jouons à être le fils avec sa mère, le frère avec son frère, l’amant avec sa maîtresse, le bon père de famille. Tous, nous nous regardons jouer nos rôles. Mais qui est-on vraiment ? Depuis Loin d’eux, ce doute hante mes romans. Iriez-vous jusqu’à dire, comme l’a répété Koltès, qu’il n’y a pas d’amour ? Le fond de ma pensée est plutôt : il y a de l’amour, hélas. Le problème n’est pas de ne pas aimer, mais d’aimer et de savoir comment faire avec ça. Nous avançons avec des injonctions de liberté pour comprendre finalement que nous sommes enchaînés aux personnes que nous aimons. C’est intenable. Marguerite Duras affirme que le seul amour possible est l’amour absolu. Le seul amour qui ne négocie pas, ajoute-t-elle, est celui de Dieu. J’ai pensé à ses mots en écrivant Proches. On dit de la famille qu’elle est l’un des seuls endroits où existerait un amour inconditionnel, mais qu’en sait-on ? Vous sentez-vous dépossédé lorsque les comédiens jouent vos textes ? On parle toujours de la dépossession comme d’une mauvaise nouvelle, alors que c’est ce qui peut arriver de mieux à un auteur. Cela fait longtemps que j’ai commencé à travailler sur Proches. Si le public peut m’aider à m’en débarrasser, j’en serai ravi ! « Proches », écrit et mis en scène par Laurent Mauvignier. Avec Cyril Anrep, Pascal Cervo, Gilles David, Lucie Digout, Charlotte Farcet, Arthur Guillot, Norah Krief, Maxime Le Gac-Olanié. Théâtre national de la Colline, à Paris. Jusqu’au 8 octobre. Joëlle Gayot
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Le spectateur de Belleville
September 11, 2023 11:18 AM
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par Philippe Noisette & Patrick Sourd - Publié le 8 septembre 2023 dans Les Inrocks
Cette rentrée s’avère passionnante, avec des spectacles revendiquant une hybridité entre les disciplines. L’imaginaire des plateaux s’en trouve augmenté, et appelle un salutaire décloisonnement des publics. Les scènes multiplient les approches singulières et nous confrontent à la complexité d’une époque où les questions sont plus nombreuses que les réponses. Création hexagonale et internationale, voici notre sélection.
Théâtre Yasmina Reza Offrant un supplément d’existence à Jacob Hunter, le héros d’un chapitre de son livre Heureux les heureux, Yasmina Reza installe son personnage dans une maison de repos. Sous l’œil d’une psy, voici donc celui qui se rêve en Céline Dion faisant ami-ami avec un certain Philippe, qui lui se prend pour un chanteur noir et s’imagine en “parrain de la soul”. P. S.
James Brown mettait des bigoudis, texte et mise en scène Yasmina Reza, à La Colline-théâtre national, Paris, du 19 septembre au 15 octobre. https://www.colline.fr/spectacles/james-brown-mettait-des-bigoudis ---------------------------- Sylvain Creuzevault Avec deux spectacles créés en miroir, le metteur en scène réveille, pour le meilleur ou pour le pire, les fantômes de l’histoire du XXe siècle. Dans Edelweiss (France Fascisme), il s’agit de dénoncer la pensée obscène des figures de la Collaboration (de Laval à Céline en passant par Drieu la Rochelle et Brasillach). Réflexions sur l’art de la rébellion et le refus des embrigadements, L’Esthétique de la résistance est une adaptation du roman de Peter Weiss. Le spectacle-fleuve, d’une durée de cinq heures, nous entraîne d’Allemagne en Espagne entre 1937 et 1945. Incarnée par les élèves du Groupe 47 de l’École du TNS, la pièce témoigne des combats d’un jeune ouvrier antifasciste et de ses camarades en lutte contre l’Europe de la barbarie et de l’obscurantisme. P. S. Edelweiss (France Fascisme), texte et mise en scène Sylvain Creuzevault, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, Paris (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 21 septembre au 22 octobre. https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2023-2024/spectacles-2023-2024/edelweiss L’Esthétique de la résistance d’après Peter Weiss, mise en scène Sylvain Creuzevault, à la MC93, Bobigny (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 9 au 12 novembre. https://www.mc93.com/saison/l-esthetique-de-la-resistance#:~:text=9%20%E2%80%94%2012%20nov.&text=Le%20roman%20de%20Peter%20Weiss%2C%20%C5%93uvre%20litt%C3%A9raire%20majeure%20du%20XX,qui%20rejoint%20la%20r%C3%A9sistance%20antinazie. ---------------------------- Gisèle Vienne Avec Extra Life, la metteuse en scène et chorégraphe nous invite à une fête actant des retrouvailles entre un frère et une sœur. Il et elle se sont perdu·es de vue depuis vingt ans et leur rencontre réveille les blessures du drame à l’origine de la rupture de leur lien fusionnel. Réunissant Adèle Haenel, Katia Petrowick et Theo Livesey, la création témoigne d’un champ de la perception où passé, présent et futur fusionnent en un seul espace-temps. Extra Life prolonge une réflexion sur la mémoire et les souvenirs de l’enfance initiée avec L’Étang. On se réjouit de la reprise de cette pièce où l’on retrouve Adèle Haenel, accompagnée cette fois-ci sur le plateau par Julie Shanahan, danseuse pendant trois décennies auprès de Pina Bausch au Tanztheater Wuppertal, dans une performance bouleversante. P. S. L’Étang d’après Robert Walser, mise en scène Gisèle Vienne, à Chaillot-Théâtre national de la danse, Paris (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 22 au 29 septembre. https://theatre-chaillot.fr/fr/programmation/2023-2024/letang-gisele-vienne Extra Life, conception, chorégraphie, mise en scène et scénographie Gisèle Vienne, création en collaboration avec/interprétation Adèle Haenel, Theo Livesey et Katia Petrowick à la MC93, Bobigny (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 6 au 17 décembre. https://www.mc93.com/saison/extra-life ---------------------------- Tommy Milliot Une ferme isolée où une mère et ses deux filles viennent de mettre fin à leur calvaire en tuant leur mari et père… Mais, comment se débarrasser du corps ? La comédie noire de l’Australien Angus Cerini s’amuse d’une langue dédiée à la “poésie rurale”. Cette fable haletante est à découvrir en immersion, sous l’égide de Tommy Milliot, dans un dispositif tri-frontal. P. S. L’Arbre à sang texte Angus Cerini, mise en scène Tommy Milliot, aux Plateaux Sauvages, Paris, du 25 septembre au 5 octobre. https://lesplateauxsauvages.fr/tommy-milliot-23/ ---------------------------- Amir Reza Koohestani Candidat à l’émigration, un couple iranien s’entraîne à la course de fond. L’idée étant de permettre à une amie aveugle de parcourir, de nuit et quand ils sont hors service, les vingt-sept kilomètres de tunnel ferroviaire séparant la France de l’Angleterre. Digne de la préparation d’un casse, cette mélodie en sous-sol s’empare de la forme du thriller pour explorer une autre manière d’investiguer la notion de no man’s land et la question des frontières. P. S. Blind Runner, texte et mise en scène Amir Reza Koohestani, à La Criée-Théâtre national de Marseille, les 27 et 28 septembre ; au Théâtre de la Bastille, Paris (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 5 au 20 octobre. https://www.festival-automne.com/edition-2023/amir-reza-koohestani-emblind-runnerem ---------------------------- Ivo van Hove En réunissant deux scénarios d’Ingmar Bergman, le metteur en scène flamand pose la question d’une dépossession de soi liée à l’art… Interprétant un metteur en scène dans Après la répétition, Charles Berling brise la frontière entre les vivant·es et les mort·es. S’excluant du monde des vivant·es, se murant dans le silence, l’actrice au centre de l’intrigue de Persona, dans l’extraordinaire incarnation d’Emmanuelle Bercot, nous bouleverse. Un diptyque incontournable. P. S. Après la répétition/Persona d’après Ingmar Bergman, mise en scène Ivo van Hove, à Châteauvallon-Liberté, scène nationale, Toulon, du 28 septembre au 1er octobre ; au Théâtre de la Ville, Paris, du 6 au 24 novembre. https://www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/23-24-season/theatre/after-the-rehearsal-persona ---------------------------- Arthur Nauzyciel Choisissant de mettre en scène Les Paravents de Jean Genet, écrite en 1961, Arthur Nauzyciel s’empare d’une œuvre qu’il considère comme fondatrice du théâtre français contemporain. La pièce évoque les guerres coloniales dans un pays qui n’est pas nommé. Mais près de soixante ans après le scandale de sa création à l’Odéon par Roger Blin, en 1966, personne n’a oublié les nostalgiques de l’Algérie française qui étaient alors prêt·es à faire le coup de poing pour bâillonner la culture. P. S. Les Paravents, texte Jean Genet, mise en scène Arthur Nauzyciel, au Théâtre national de Bretagne, Rennes, du 29 septembre au 7 octobre ; à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris, du 31 mai au 19 juin 2024. https://www.t-n-b.fr/programmation/spectacles/les-paravents ---------------------------- Stanislas Nordey Passage d’un livre à la scène. En mettant en scène Le Voyage dans l’Est de Christine Angot, Stanislas Nordey donne chair au mots de l’autrice. Et c’est une autre manière de dénoncer les douleurs d’un passé ineffaçable et la violence inacceptable d’un père ayant soumis sa fille de 14 ans à l’inceste. Du chaos de l’intime aux problèmes de l’avenir de notre planète, Stanislas Nordey se lance en acteur d’un seul-en-scène sous la direction de Christophe Perton. Avec Évangile de la nature, il défend le texte de Lucrèce, De rerum natura (De la nature). Un rappel de la clairvoyance du poète latin rendant grâce à cette “nature des choses” qu’il s’agit de vénérer en sachant qu’elle supplante de loin l’invention d’un hypothétique ordre divin. P. S. Le Voyage dans l’Est, texte Christine Angot, mise en scène Stanislas Nordey, au Théâtre national de Strasbourg, du 28 novembre au 8 décembre. https://www.tns.fr/LeVoyageDansLEst Évangile de la nature d’après Lucrèce, mise en scène Christophe Perton, au Théâtre national de Strasbourg, du 13 au 21 décembre. https://www.tns.fr/%C3%89vangileDeLaNature ---------------------------- Philippe Quesne Créatures fantastiques et représentant·es de notre humanité mis·es à nu forment la ronde hallucinée du célèbre triptyque du Jardin des délices. Philippe Quesne s’offre une balade en compagnie du peintre Jérôme Bosch. Un parcours hors piste pour accoucher des utopies de demain et une manière pour lui de fêter les 20 ans de sa compagnie, Vivarium Studio. Cerise sur le gâteau, il nous fait le plaisir de reprendre pour l’occasion La Mélancolie des dragons, une épopée dans un parking et sous la neige, en forme d’inoubliable échappée belle. P. S. Le Jardin des délices d’après Jérôme Bosch, mise en scène Philippe Quesne, à la MC93, Bobigny (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 20 au 25 octobre. https://www.festival-automne.com/edition-2023/philippe-quesne-emle-jardin-des-delicesem La Mélancolie des dragons, mise en scène Philippe Quesne, au Centre Pompidou, Paris (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 9 au 17 décembre. https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/9XtWW5l ---------------------------- Christophe Honoré Deux adultes prétendument très doctes se lancent dans une conférence sur l’éducation face à un parterre d’enfants. Le fatras de leurs références d’un autre âge évoque les enfonçages de portes ouvertes chers aux Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert. Tout repose alors sur les réactions des enfants invité·es à exprimer leur force de contradiction. P. S. Les Doyens, texte et mise en scène Christophe Honoré, au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, Paris, du 8 au 18 novembre. https://www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/saison-2023-2024/enfance-jeunesse/les-doyens ---------------------------- Lola Lafon À travers des extraits de son journal et des réflexions puisées dans ses carnets de travail, la romancière nous livre un abécédaire intime témoignant de ses états d’âme. Accompagnée sur scène par le musicien Olivier Lambert, la performance littéraire de Lola Lafon nous entraîne au cœur de mots aptes à construire nos existences. P. S. Un état de nos vies, texte Lola Lafon, au Théâtre du Rond-Point, Paris, du 22 novembre au 9 décembre. https://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/un-etat-de-nos-vies/ ---------------------------- Sophie Perez Cadavre exquis d’images subliminales, cette adaptation de Titus Andronicus confronte la plus sanglante des pièces de Shakespeare à l’imaginaire délirant et grotesque de Sophie Perez. Rendant hommage à l’esthétique de l’artiste italien Carmelo Bene et au cinéma de Dario Argento, le spectacle s’amuse d’une cruauté à la romaine qui frise le Grand-Guignol en offrant des rôles en or à une troupe menée notamment par Stéphane Roger, Sophie Lenoir, Marlène Saldana et Gilles Gaston-Dreyfus. P. S. La vengeance est un plat, texte Sophie Perez, Pacôme Thiellement, William Shakespeare, mise en scène Sophie Perez, à la MC93, Bobigny, du 25 au 30 novembre ; à l’Athénée-Théâtre Louis Jouvet, Paris, du 9 au 21 janvier 2024 ; à la Comédie de Caen, les 24 et 25 janvier 2024. https://www.mc93.com/saison/la-vengeance-est-un-plat ---------------------------- Nanni Moretti Pour sa première expérience théâtrale, le cinéaste s’empare de deux comédies caustiques de l’autrice italienne Natalia Ginzburg. Qu’il s’agisse de Fragola e Panna ou de Dialogo, chaque intrigue se noue autour d’une série d’événements venant perturber avec humour la quiétude hébétée de bourgeois·es qui pensent que rien ne peut leur arriver. P. S. Diari d’Amore (Fragola e Panna/Dialogo), texte Natalia Ginzburg, mise en scène Nanni Moretti, au TNP de Villeurbanne, du 30 novembre au 7 décembre. https://www.tnp-villeurbanne.com/manifestation/diari-damore-fragola-e-panna-dialogo/ ---------------------------- Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent Certain·es reconnaîtront dans ce quatuor de femmes qui habite le plateau des échos des voix pionnières du féminisme que furent celles de Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig ou Françoise Dolto. Têtes pensantes de cette comédie, les deux ex-Chiens de Navarre organisent ici la résistance contre le Graf, un nouveau mouvement politique prônant le retour aux fondamentaux du patriarcat. P. S. La femme n’existe plus, texte et mise en scène Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent, au Théâtre du Rond-Point, Paris, du 6 au 23 décembre. https://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/la-femme-n_existe-plus/ ---------------------------- Vincent Macaigne Figure iconique du désordre sociétal, aussi inquiétante que jubilatoire et punk, le Richard III de Shakespeare inspire à Vincent Macaigne un nouvel opus joyeusement désespéré. Renouant avec les planches après six ans d’absence, l’artiste promet un happening apocalyptique s’accordant comme un exorcisme sauvage à la cruauté et à la bêtise de nos temps no future. P. S. Avant la terreur d’après William Shakespeare, mise en scène Vincent Macaigne, à la MC93, Bobigny (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 5 au 15 octobre ; au Théâtre des Célestins, Lyon, du 16 au 23 mai 2024. https://www.mc93.com/saison/avant-la-terreur ---------------------------------------------------------------------------- Danse (LA)Horde Chaque pièce du collectif (LA)Horde avec le Ballet national de Marseille crée l’événement. Age of Content, nouvel opus, ne devrait pas déroger à la règle. Il est question d’interroger notre “rapport corporel et émotionnel à l’abondance de contenus et de réalités simultanées caractérisant le monde contemporain”. P. N. Age of Content conception (LA)Horde, à la MC2 Grenoble, du 19 au 21 septembre ; au TNP de Villeurbanne, du 27 au 29 septembre ; au Théâtre du Châtelet, Paris, du 5 au 8 octobre ; à l’Espace des Arts-scène nationale, Chalon-sur-Saône, le 17 novembre. https://www.chatelet.com/programmation/2023-2024/age-of-content/ ---------------------------- Trajal Harrell Après le fastueux Portrait de Marlene Monteiro Freitas l’an passé, c’est au tour de l’Américain installé à Zurich Trajal Harrell de déployer son art en neuf temps. Avec, entre autres, Maggie the Cat, une de ses plus belles réussites, la reprise de The Köln Concert, des solos (Sister or He Buried the Body ; Demanding Whispers) et la pièce-culte qu’est (M)imosa. Harrell, un jour, Harrell toujours. P. N. Portrait Trajal Harrell (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), neuf spectacles à Paris et en Île-de-France, du 22 septembre au 21 décembre. https://www.festival-automne.com/programme/portrait-trajal-harrell ---------------------------- Anne Teresa De Keersmaeker Exit Above, créé au printemps dernier, part sur les routes européennes avec son pesant de blues et d’electro, ses emprunts à Shakespeare et toujours cette écriture du mouvement se déployant dans l’espace, réinventé, du théâtre. Anne Teresa De Keersmaeker puise auprès de nouveaux et nouvelles interprètes un sursaut de créativité. Grande pièce. P. N. Exit Above, chorégraphie Anne Teresa De Keersmaeker, à l’Opéra de Lyon, du 20 au 22 septembre ; au Théâtre de la Ville, Paris, du 25 au 31 octobre. https://www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/saison-2023-2024/danse/exit-above ---------------------------- Laura Bachman Au sein de la compagnie Rosas ou du L.A. Dance Project, le talent de Laura Bachman faisait des étincelles. Autant dire que l’annonce d’une première chorégraphie en son nom avec la danseuse Marion Barbeau, “exfiltrée” du Ballet de l’Opéra de Paris (vue au cinéma en 2022 dans En corps de Cédric Klapisch), fait son petit effet. Ne me touchez pas les voit explorer le toucher, l’autre et le mouvement même. P. N. Ne me touchez pas, chorégraphie Laura Bachman, à la Grande Halle de La Villette, Paris, du 16 au 18 novembre ; au Théâtre de la Ville, Luxembourg, les 8 et 9 décembre ; au Phénix, Valenciennes, le 24 janvier 2024. https://lavillette.com/programmation/laura-bachman_e1700 ---------------------------- Alice Ripoll La Brésilienne avait montré l’étendue de son talent avec aCORdo ou Lavagem, qui traduisent bien cette danse politique, en prise avec certaines réalités de son pays. En plus de la reprise urgente d’aCORdo, on découvrira Zona Franca, création de saison sous la forme d’un rituel indiscipliné brassant musique, chant et danse. P. N. aCORdo, direction Alice Ripoll, au Centquatre, Paris (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 8 au 12 novembre. Zona Franca, chorégraphie Alice Ripoll, au Centquatre, Paris (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 9 au 11 novembre. https://www.104.fr/fiche-evenement/alice-ripoll-acordo.html ---------------------------- Cherish Menzo La découverte de Jezebel, porté par la chorégraphe Cherish Menzo, en avait ébranlé plus d’un·e. Danseuse charismatique, elle se révèle chorégraphe inspirée. Darkmatter, nouveau chapitre dans son parcours, où Menzo partage la scène avec Camilo Mejía Cortès, travaille la distorsion du son et de la gestuelle, tout en inventant un corpus d’idées et de sens. Renversant. P. N. Darkmatter, chorégraphie Cherish Menzo, au CND Pantin (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), du 16 au 18 novembre. ------------------------------------------------- Opéra Kirill Serebrennikov C’est avec Lohengrin, et sous la baguette du chef Gustavo Dudamel, que Kirill Serebrennikov signe sa première mise en scène à l’Opéra de Paris. Réfugié en Europe après le début de la guerre en Ukraine, l’artiste russe, qui alterne cinéma, théâtre et opéra, a choisi un opéra de Richard Wagner, compositeur qui le passionne. Entre ses mains, l’œuvre romantique, portée par une musique magnétique, s’annonce comme une réflexion sur la guerre, en écho aux événements et aux souffrances actuels. P. S. Lohengrin de Richard Wagner, direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Kirill Serebrennikov, à l’Opéra Bastille-Opéra national de Paris, du 23 septembre au 27 octobre. https://www.journal-laterrasse.fr/lohengrin-lultime-opera-de-wagner-mis-en-scene-par-kirill-serebrennikov/ https://www.operadeparis.fr/saison-23-24/opera/lohengrin Philippe Noisette (P.N.) et Patrick Sourd (P.S.) / Les Inrocks --------------------------------------- Légende photo : “Le Jardin des délices” de Philippe Quesne © Martin Argyroglo
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Le spectateur de Belleville
September 9, 2023 6:30 PM
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Par Richard Schittly (Lyon, correspondant) Le Monde - 9 sept. 2023 Malgré la baisse des subventions de la région, la Biennale de la danse a maintenu sa traditionnelle parade. Plus de 3 000 danseurs et musiciens amateurs défileront dimanche grâce à la mobilisation de bénévoles. Lire l'article sur le site du Monde : https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/09/09/a-lyon-un-defile-populaire-et-solidaire_6188618_4500055.html
Un retour attendu. Après une annulation en 2020 et une version finalement remaniée en spectacle en 2021, le défilé de la Biennale de la danse de Lyon redescend dans la rue, dimanche 10 septembre. Constituée de plus de 3 000 danseurs et musiciens amateurs, répartis en douze groupes successifs, la chorégraphie géante s’annonce comme une bouffée de joie, entre la place des Terreaux et la place Bellecour, où plus de 200 000 spectateurs sont attendus en début d’après-midi. Programmé en ouverture du festival de danse qui se tient jusqu’au 30 septembre, le défilé de la Biennale de Lyon représente bien plus qu’un après-midi festif. Danses, musiques et costumes racontent des heures et des mois de répétitions, de rencontres et d’engagement bénévole. Le défilé résulte aussi de la mobilisation des quartiers et des villes environnantes : outre des cités périphériques lyonnaises, les troupes viennent d’Annecy, d’Ardèche, de Chambéry et de Grenoble. « Quand on a participé une fois au défilé, on ne l’oublie jamais. Il traverse la vie des gens. Le soin apporté est aussi important que celui qu’on met dans un spectacle sur scène. Chaque groupe construit son style, comme une équipe qui se voit toute l’année avant le jour J. Chacun a son âme », raconte Corinne (qui a souhaité, comme ses consœurs, conserver l’anonymat). Habituée des biennales, la costumière, intermittente du spectacle, a animé l’atelier de couture du groupe de Saint-Fons et Feyzin, au sud de l’agglomération lyonnaise. Une affaire de famille et d’amitié Les couturières bénévoles ont confectionné 160 costumes pour la chorégraphie imaginée par Karla Pollux et Aurélien Kairo, deux artistes en résidence à Feyzin. « C’est une aventure humaine. Durant des mois, on se voit, on échange, on s’amuse et on galère ensemble. Même après la biennale, on continue de prendre de nos nouvelles », confie Nina. L’assistante maternelle participe à son neuvième défilé. Elle a débuté comme danseuse, seule, puis en compagnie de son fils, avant de rejoindre cette année l’équipe de couture. La biennale est affaire de famille, d’amitié. De solidarité, beaucoup. « Un ado qui ne savait pas où s’orienter était venu travailler avec nous, il a décroché son bac pro et il en a fait son métier », rapporte Corinne. Les couturières se souviennent aussi d’une amie très malade qui a tenu le coup en participant régulièrement à l’atelier. Au fil des mois, leur lieu s’intègre au quartier. Les jeunes frappent à la porte, en quête d’une retouche. Début juillet, c’est l’effervescence dans le local spartiate du quartier des Clochettes, à Saint-Fons. L’heure est aux dernières retouches après essayage. Chaque couturière s’assigne une tâche. Catherine, surnommée « la Chirurgienne », a pour mission d’effectuer les reprises délicates. Normal pour cette ancienne ouvrière de la soie qui est venue avec son tablier. « Chacun fait ce qu’il sait faire, l’équipe se constitue petit à petit », précise Claire, ancienne institutrice qui tient minutieusement le tableau des danseurs, répartis en plusieurs rangs, en fonction de l’ordre de la chorégraphie. Le défilé est placé sous le thème du sport, Jeux olympiques obligent. Le groupe de Saint-Fons et Feyzin a situé son spectacle à la Belle Epoque. Ce qui permet mille fantaisies. Des maillots à rayures pour la natation. Des bonnets de bain surmontés de ressorts de lit sur lesquels sont fixées des balles de ping-pong colorées, pour figurer des bulles. Pour le tennis, des chapeaux en forme de raquette, et des boxeurs dotés de guêtres. « Chacun donne son avis, c’est un travail collectif, il faut de l’imagination, de la débrouille », prévient Claire. Et ce, sans dépasser le budget. Des aides de la région en baisse Les douze groupes amateurs du défilé de Lyon ont mis plus d’un an à concevoir leurs chorégraphies éphémères, musique et costumes compris. Constitué de 150 à 300 participants, chaque groupe du défilé est sélectionné sur appel d’offres, à partir d’un projet présenté par une ville ou une institution sociale ou culturelle, sous l’égide d’un chorégraphe professionnel ou d’une compagnie locale. Une fois retenu, chacun d’entre eux est doté d’une enveloppe globale de 27 000 euros pour financer la logistique nécessaire à la création collective. Le coût total du défilé représente environ 900 000 euros dans le budget général de la Biennale de la danse de Lyon, d’un montant global de 6,3 millions d’euros, financé à hauteur de 41 % par le mécénat et la billetterie. La région, présidée par Laurent Wauquiez (Les Républicains), a réduit son aide de 750 000 à 450 000 euros. Successeur de Dominique Hervieu, nommée directrice de la culture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, Tiago Guedes, directeur artistique de la Biennale de la danse, est bien décidé à maintenir le défilé, malgré les coupes budgétaires. « Nous devons éviter de nous considérer comme des acteurs politiques. Nous ne sommes pas décideurs. Mais d’un autre côté, la biennale est porteuse d’une vision politique. Au cœur de cette vision, c’est l’idée que l’art et la culture permettent de retisser des liens que la vie sociale a pu déchirer », justifie Laurent Bayle, président de la biennale de Lyon. Richard Schittly (Lyon, correspondant) Légende photo : Lors de la dernière parade de 2018, la compagnie Stylistik a fédéré plus de 200 habitants de la communauté de commune de Bugey Sud. BLANDINE SOULAGE ROCCA
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September 8, 2023 8:04 AM
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Par Véronique Hotte dans son blog Hottello - 7 sept. 2023 Le Beau Monde – Prix du jury festival Impatience 2022. Une création collective de Arthur Amard, Rémi Fortin, Simon Gauchet et Blanche Ripoche. Sur une idée originale de Rémi Fortin. Avec Arthur Amard, Rémi Fortin, Blanche Ripoche. Regard extérieur et scénographie Simon Gauchet. Assistante à la mise en scène Thaïs Salmon. Rémi Fortin et ses compagnons de l’Ecole Parallèle imaginaire, Blanche Ripoche et Arthur Amard, convient le public à un rituel insolite pour que survive la beauté du XXIème siècle. Le public est accueilli « dans la reconstitution d’un lieu typique du début de ce siècle », invité à marcher sur la scène, traversant un sol nu et lisse d’une salle de répétition du Nouveau Théâtre de Montreuil CDN, avant qu’il ne s’installe sur quelques gradins de bois. Le plateau scénique est ainsi foulé, tel un chemin élaboré de Petit Poucet où seraient épars ça et là pierres et cailloux – des ouvrages bruts de céramique -, au-delà desquels gisent encore un micro et un clavier électronique pour une cérémonie insolite perpétuée. Tous les soixante ans, le trio convoque ce que fut le XXIème siècle, incarnant quelques fragments transmis de génération en génération – mémoire orale ou mythe ancestral. De ce futur lointain, des images transparaissent : tentative de comprendre notre époque – rituels, mythologies, usages étranges ou sublimes -, et les individus qui l’ont composée. Plus d’une centaines de fragments – beau matériau documentaire – sont répertoriés par l’entreprise mémorielle et sociologique, dont quelques-uns sont restitués au spectateur. Le fragment « A propos du temps » ouvre le spectacle de manière décidément ludique : « Au XXI ème siècle nous croyons que la Terre tourne autour du Soleil. Nous appelons “année” le temps qu’elle prend pour effectuer une révolution. C’est ainsi que nous comptons le temps. Un cheval par exemple vit trente années. Un humain vit trois chevaux. Un tilleul vit cinq humains. Une année est divisée en 365 journées, divisées en 24 heures, divisées en 60 minutes, elles-même découpées en 60 secondes. Pour donner une idée, une seconde équivaut à peu près au temps entre deux battements de cœur. Il y a donc 31 536 000 battements de cœur dans une révolution. Il prend la posture de la montre : Certaines personnes portent dans leur poche ou au poignet une machine qui mime les battements du cœur. Ont dit qu’ils ont « l’heure ». Les autres ont le temps». Le fragment sentimental sur « les premiers émois » est plein de facéties et de clins d’oeil. Comment se rencontre-t-on ? Des regards se croisent et l’instant incandescent advient. L’un s’approche de l’autre, évite de se précipiter, les corps se rapprochent, l’occasion d’un récit technique de ce que pourrait être un baiser entre deux êtres confusément attirés. Le fragment furtif du « vote à bulletin secret » demande au public de fermer les yeux et de lever la main. Tout le monde est d’accord », lui dit-on, il est invité à réouvrir les yeux. Le fragment du « Foot Balle », scène silencieuse et malicieuse, fait « jouer » les interprètes, mimant les postures excessives des joueurs sur un stade de football : sauts glorieux de conquête, bouches ouvertes de hurlements tus, gestes grandiloquents et émotions expressives plutôt accentuées – douleur et joie. Le tableau final offre une Pietà de la Renaissance, le footballeur christique gît de tout son long dans les bras maternels. Un moment éloquent et saisissant de second degré qui fait le bonheur du public amusé. Le fragment du « Passage des animaux » fraie avec la gaieté des arts du cirque. Arthur Amard, Blanche Ripoche et Rémi Fortin qui se succèdent font des sauts magnifiques – on croirait un troupeau insolite de caprins en goguette, surgissant, inattendus, majestueux et heureux de traverser le volume de l’air en esquissant de drôles de figures extravagantes. Pour Rémi Fortin, l’époque se vit au jour le jour avec l’idée sous-jacente que le monde connu est en train de disparaître, de se déliter, et que les gestes quotidiens et les imaginaires sont des artefacts dont on parlera bientôt au passé, avec peut-être un peu de mélancolie. Reste à voir le monde avec tendresse en témoin d’un temps déjà révolu. Un spectacle tissé d’humour et de fantaisie, à la fois candide et réfléchi, avec des comédiens lunaires et aériens. Véronique Hotte / Hottello Le Centquatre, 5 rue rue Curial – 75019 Paris. Du 12 au 23 septembre 2023, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 17h, relâche le lundi. Du 2 au 6 novembre – MAIF social club – Paris. Du 13 au 18 février – Le Trident – scène nationale de Cherbourg. Du 28 février au 2 mars – Scène Nationale de Sénart – tournée en décentralisation le 5 mars : Théâtre Châtillon Clamart. Les 26 et 27 mars – Théâtre Jean Vilar – Montpellier. Le 5 avril – Théâtre Louis Aragon – Tremblay en France. Du 3 au 5 mai – Scène Nationale de Sénart. Du 4 au 6 juin – TAP – Poitiers.
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September 7, 2023 5:21 PM
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Clément Poirée poursuit sa conversation avec l’autrice Emmanuelle Bayamack-Tam, dans une « dramédie musicale ». Après À l’abordage ! et Catch !, Clément Poirée poursuit sa conversation avec l’autrice Emmanuelle Bayamack-Tam, dans une nouvelle création qui réinvente les parcours de Michael Jackson et Britney Spears, autopsiant le moment de leur chute. Une « dramédie musicale », qu’interprète un beau quatuor de comédiens. Comment définissez-vous votre compagnonnage avec l’autrice Emmanuelle Bayamack-Tam ? Clément Poirée : Il est très précieux, en particulier quand on dirige un lieu, de pouvoir intégrer une autrice à l’aventure de la création. Avec Emmanuelle Bayamack-Tam, le théâtre tout entier est engagé dans le processus d’écriture de la pièce. Pour À l’abordage, réécriture du Triomphe de l’amour de Marivaux que j’ai initiée, Emmanuelle a participé à toutes les étapes de la création. Il avait été convenu qu’elle écrirait un squelette de texte, puis qu’elle serait non pas conseillée mais inspirée par les interprètes qui font vivre la langue. Cette manière de faire a été très heureuse et a permis de faire émerger des rôles comme cousus main. Pour cette nouvelle création, c’est elle qui a déposé un texte sur mon bureau, une partition qui travaille et rêve autour des figures de Michael Jackson et Britney Spears, dont les parcours troublants, très différents, ont en commun la musique, et une enfance sacrifiée sur l’autel du show-business. Désarçonnant, passionnant, le texte réinvestit des obsessions récurrentes chez Emmanuelle : l’enfance malmenée, l’adolescence, les déraillements du désir, la monstruosité… « La pièce déploie une fantasmagorie délirante autour d’icônes planétaires. » Comment ces deux icônes apparaissent-elles ? Que raconte la pièce de leur destin ? C.P. : Loin de toute idée de biopic, la pièce déploie une fantasmagorie délirante autour d’icônes planétaires. Michael, coincé entre deux âges, deux couleurs, deux sexes, roi de la pop universel, devenu criminel accusé de pédophilie. Britney, princesse fiancée de l’Amérique blanche et puritaine, devenue scandaleuse. Leurs parcours au croisement du merveilleux et de l’effrayant, fruit aussi du regard porté sur eux, évoquent ici la fin de l’innocence, racontent le moment de bascule où les anges ont violemment chu, chassés hors de la scène. L’autrice s’affranchit de la vérité, avec comme toujours chez elle une très grande liberté, une folie et une fantaisie qui peuvent faire écho à l’écriture de Copi. Creusant dans notre part monstrueuse autant que dans notre part sublime, Emmanuelle Bayamack-Tam marie parfaitement culture populaire et haute littérature, mettant le doigt sur nos contradictions, sur nos peurs et nos rêves, et interrogeant fortement notre psyché collective. Quel rôle a la musique dans la pièce ? C.P. : Un rôle essentiel : Emmanuelle qualifie la pièce, qui est ponctuée de chansons, de « dramédie musicale ». La musique populaire est un repère fort dans son univers ; selon elle, chaque moment important de la vie est accroché à une musique qui le raconte. Nous sommes des êtres musicaux, et le spectacle célèbre cette dimension de façon grinçante et défaillante. Le public est ainsi invité à une forme de concert détraqué, drôle et baroque, dans une petite salle miteuse où essaient désespérément de se produire Michael et Britney, sans plus avoir les moyens de cette perfection scénique et musicale qui les caractérise. Accompagnés de musiciens peu inspirés, ils réinterprètent de manière décalée leurs chansons. Britney et Michael sont flanqués de deux personnages qui s’opposent : le Fan et Opinion Mondiale. Tous quatre sont respectivement interprétés par Mathilde Auneveux, Pierre Lefebvre-Adrien, François Chary et Louise Coldefy, un merveilleux quatuor accompagné par les musiciens Stéphanie Gibert et Sylvain Dufour. Propos recueillis par Agnès Santi « Autopsie mondiale ou la Joie de n’être rien »du vendredi 15 septembre 2023 au dimanche 22 octobre 2023Théâtre de la TempêteCartoucherie, Route du champ de manœuvre, 75012 Paris à 20h30, le dimanche à 16h30, relâche les lundis. Tel : 01 43 28 36 36.
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September 7, 2023 7:39 AM
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Par Philippe Noisette dans Les Inrocks - 29 août 2023 Une des dernières images du Théâtre de la Ville à Paris avait quelque chose de prophétique. Une salle à nu, les fauteuils enlevés, la fosse béante. Les Russes du projet DAU avaient investi les lieux avant un autre baisser de rideau, laissant derrière eux un goût d’inachevé et, quand même, un sérieux déficit. Fermé au public depuis octobre 2016, ce lieu emblématique de la création théâtrale et chorégraphique aura donc attendu sept ans sa réouverture. Entre temps, l’amiante, le plomb et les confinements ont pesé sur ce chantier. Pourtant, joli paradoxe, la programmation estampillée Théâtre de la Ville n’a jamais cessé, s’invitant ici ou là, redynamisant également l’espace Cardin sur les Champs-Elysées. 500 000 spectateurs accueillis, une politique active de captation de spectacles en pleine crise sanitaire. À l’heure de cette rentrée, marquée par un mois de festivités en septembre sur la place du Châtelet, juste avant le vrai rendez-vous en salle, début octobre, avec Chotto Desh d’Akram Khan, force est de constater que beaucoup de paramètres ont changé. Le public s’abonne moins, les vedettes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui (quoique), le questionnement sur la diversité domine, les budgets se rétrécissent. “Si le Théâtre de la Ville entre dans un nouvel âge, la société entière est entrée dans une nouvelle époque”, résume Emmanuel Demarcy-Mota, son directeur. Presque un autre monde donc. Le Théâtre de la Ville se dote désormais d’une seconde salle modulable, la Coupole, d’espaces connectés et d’échanges. Surtout, son grand théâtre avec un gradin frontal, prouesse architecturale et démocratique – on voit bien de partout ! – retrouve sa splendeur. On en espérait pas moins pour recevoir Anne Teresa De Keersmaeker, Julien Gosselin, Crystal Pite ou la reine Isabelle Huppert dans une Bérénice selon Romeo Castellucci. Quant à l’ultime changement, il est mineur mais riche de sens : le nom de Sarah Bernhardt est de nouveau associé à celui du Théâtre de la Ville. Par contre, pour la nomination d’une femme à la direction, il faudra attendre (encore) un peu. www.theatredelaville-paris.com
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September 18, 2023 4:22 PM
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Par Sophie Trommelen pour le site artsmouvants.com 17 sept. 2023 Prix de la Révélation Théâtrale du Syndicat de la Critique, auteur, metteur en scène et interprète, Bertrand de Roffignac présente au Cirque Électrique Le Grand Œuvre de René Obscur, deuxième opus d'un triptyque initié avec les Sept Colis sans destination de Nestor Crévelong et repris en décembre au Cent-quatre dans le cadre du Festival Impatience. Bertrand de Roffignac nous plonge dans un univers fantasmagorique ou science-fiction et fantastique sont portés par un récit intense. La fiction s'inspire du mythe de Prométhée, à la différence que René Obscur n'offre pas le feu à ses semblables mais la promesse de retrouver la jouissance perdue, leur feu intérieur. Producteur de films contestataires à caractère pornographique, René Obscur aspire à offrir au public l’accès à l'orgasme ultime, une jouissance aussi sexuelle que spirituelle. Une révolution par l'image qui permettrait à l'homme, noyé dans une société vénale, véreuse, et vérolée d'enfin retrouver la conscience de soi. Le réalisateur s'affaire alors à créer une caméra dont l'objectif n'est autre que son propre œil droit. Un dispositif si puissant qu'il consume ses acteurs. Bertrand de Roffignac nous immerge dans l'atelier de cet artiste fou, tyrannique et névrosé qui aspire à créer le film parfait, obscène dans ce qu'il offre de libertaire. Sous le chapiteau du Cirque Électrique, acteurs, musiciens, danseurs et circassiens vont alors évoluer dans une scénographie à l'esthétisme puissant. Les images sombres d'un monde terreux et caverneux, plein de fumée et d'argile rompent avec toute temporalité. Bertrand de Roffignac nous plonge dans la fiction par la force de son récit et par la force des images que la scénographie soulève. Dialogues et tirades grandiloquentes se mêlent aux intermèdes dansés et aux envolées circassiennes qui s'imbriquent à l'univers dystopique. Si le récit se dilue parfois tant les sujets abordés foisonnent, l'énergie déployée ne perd jamais son souffle épique et étourdissant. Métaphore de la création artistique, critique des médias et de l'industrie culturelle, Bertrand de Roffignac déploie dans Le Grand Œuvre de René Obscur un imaginaire foisonnant aussi inquiétant que réjouissant. Conte sombre, épopée fantasque, Le Grand Œuvre de René Obscur révèle un esthétisme et un sens de la mise en scène flamboyants. Le Grand Œuvre de René Obscur - Bertrand de Roffignac / Théâtre de la Suspension jusqu'au 24 septembre au Cirque Électrique. Conception, texte et mise en scène : Bertrand de Roffignac Scénographie : Henri-Maria Leutner Interprètes : Adriana BREVIGLIERI, Axel CHEMLA, Bertrand DE ROFFIGNAC, Gall GASPARD, Marion GAUTIER, Xavier GUELFI, Loup MARCAULT-DEROUARD, Francois MICHONNEAU, Pierre PLEVEN, Erwan TARLET, Baptiste THIÉBAULT Assistanat scénographie : Benjamin Marre Création et Régie Lumière : Grégoire de Lafond / Thomas Cany Création Sonore : Axel Chemla Romeu-Santos Création masques et accessoires : David Ferré Régie Générale : Charlotte Moussié / Clément Balcon Régie Son : Martial de Roffignac / Antoine Blanc Administration : Dany Krivokuca Soutiens : Cirque Électrique, Théâtre du Châtelet Avec la participation du Jeune Théâtre National. Coproduction du théâtre de l’Arsenal scène conventionnée d’intérêt national « art et création pour la danse » de Val-de-Reuil. Sophie Trommelen /Artsmouvants, vu le 16 septembre au Cirque Électrique Crédit photo : © Vahid Amanpour
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September 18, 2023 3:03 AM
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Par Fabienne Darge dans Le Mondee - 16 sept. 2023 La marionnettiste signe un spectacle extrêmement fort dans lequel des pantins jouent aux côtés d’humains certains personnages de la pièce d’Henrik Ibsen. Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/16/au-festival-de-charleville-mezieres-yngvild-aspeli-tire-les-fils-de-maison-de-poupee_6189714_3246.html
Monter Maison de poupée avec des marionnettes ? Aussi étrange que cela paraisse, personne ne s’y était risqué. L’idée a pourtant valeur d’évidence, ne serait-ce que dans le titre de la pièce, qui suggère d’emblée qu’est mis en jeu ici un monde de pantins, incapables de trouver le chemin de la vraie vie. L’idée aurait pu être trop évidente, justement. Mais Yngvild Aspeli évite tous les écueils, et signe un spectacle extrêmement fort, qui met son intelligence de l’art marionnettique au service de la mécanique dramaturgique impitoyable inventée par son compatriote Henrik Ibsen en 1879. L’histoire de Nora Helmer, qui prend conscience des mensonges sur lesquels reposent son mariage et sa vie bourgeoise, se déploie au fil d’une mise en scène qui tisse sa toile avec maestria. Le cœur en est le rapport entre les pantins à taille humaine, légèrement hyperréalistes comme toujours chez Yngvild Aspeli, et les acteurs. Le jeu qui s’instaure entre eux est virtuose et fascinant, et raconte mieux que tous les discours les manipulations à l’œuvre et la morbidité d’un monde patriarcal – déjà – miné de l’intérieur, et que Nora va abattre comme on le ferait de figurines au stand de tir. Dédoublements entre humain et pantin La marionnettiste norvégienne a le chic pour créer des images chocs, qui ne s’oublient pas. Dans la boîte noire du théâtre, qui peu à peu se transforme en gigantesque toile d’araignée, ses poupées prennent parfois l’allure de celles du surréaliste Hans Bellmer, avec ce qu’elles suggèrent de la maltraitance faite aux femmes. Les dédoublements entre humain et pantin, pris dans l’illusion théâtrale, donnent par moments le vertige. Et puis il y a les araignées. D’abord minuscules et discrètes, elles deviennent au fil du spectacle énormes et envahissantes, renvoyant à la scène-clé de la pièce, celle où Nora vit une sorte de transe libératrice, en dansant la tarentelle. On le gardera longtemps au cœur, le combat mythologique entre Nora, magnifiquement incarnée par Yngvild Aspeli elle-même, et la bête aux pattes tentaculaires. Maison de poupée, par Yngvild Aspeli, les 16 et 17 septembre au Festival de Charleville-Mézières (Ardennes). Puis en tournée française et internationale jusqu’en 2025. Fabienne Darge (Stamsund (Norvège)) / Le Monde Légende photo : Yngvild Aspeli dans « Maison de poupée », à Stamsund (Norvège), le 4 septembre 2023. JOHAN KARLSSON
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Le spectateur de Belleville
September 17, 2023 9:06 AM
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Critique de Marie Plantin dans Sceneweb - 15 sept. 2023 Bertrand de Roffignac fait jouer son imagination dense, noire et délirante dans un spectacle dont il est tout à la fois l’auteur, le metteur en scène et l’un des interprètes. Une dystopie sombre et amorale qui pèche par saturation et excès mais déploie des images pénétrantes que l’on n’est pas près d’oublier. C’est sous chapiteau que se joue cette épopée cinématographique, cauchemardesque et mégalo, sortie de l’imagination éruptive et transgressive de Bertrand de Roffignac, comédien remarquable et remarqué, dont le rôle d’Arlequin – personnage principal de Ma Jeunesse Exaltée d’Olivier Py, lui a valu le Prix de la Révélation Théâtrale du Syndicat de la Critique cette année. Avec le Théâtre de la Suspension, la compagnie qu’il a créée il y a quelques années, le jeune homme n’en est pas à son coup d’essai et cette dernière création est en réalité le deuxième volet (qui fonctionne en autonomie et peut tout à fait se voir séparément) d’une trilogie plus vaste amorcée avec Les Sept Colis sans Destination de Nestor Crévelong, repris en décembre au Cent-Quatre dans le cadre du Festival Impatience. Le Grand Œuvre de René Obscur, dans la lignée des précédents, arbore un titre à rallonge, énigmatique, annonciateur de fiction pure et partant, attirant. La distribution est jeune, nombreuse, éclectique, elle varie les plaisirs des disciplines réunies, théâtre, danse et cirque, et ancre le spectacle dans un foisonnement de rôles et de scènes portés par une énergie sans faille. Mais si le spectacle, dont l’esthétique est le point fort, en met plein la vue et les oreilles, il peine malheureusement à faire sens et nous rallier à sa cause. Certes, l’intrigue cultive le mystère, les zones d’ombre et les flous éthiques à propos de son (anti) héros ambigu, artiste visionnaire ou mythomane invétéré, véritable révolutionnaire ou opportuniste corrompu, et cela crée d’emblée un appel fictionnel, l’envie d’en savoir plus et de lever le voile sur la vie de cet homme trouble et troublant, ce démiurge transgressif et tyrannique au cœur brisé. Mais la langue mise en jeu, si elle a ses qualités, ses fulgurances même, un élan qui entraîne, des formulations qui font mouche, nourrie, on le sent, d’une envie d’en découdre avec la loi, la morale, la bien-pensance, nous perd à force de tirades boursouflées. A vouloir trop en dire, le sujet est noyé dans une complexité qui sonne faux. Le niveau sonore n’y est pas pour rien. Musique live électrique en surdose, jeu outrancier et criard, dur de tenir le rythme de cette proposition qui a pourtant le mérite immense de l’originalité et de l’ambition forcenée. Car les images offertes sont renversantes, l’univers déployé puise dans le cinéma fantastique son esthétique dystopique (on pense au Caro et Jeunet de La Cité des enfants perdus), l’histoire semble sortie de nulle part ou d’un cerveau en surchauffe de créativité. Il y a quelque chose de profondément déroutant dans cette représentation sous chapiteau qui ose inventer une forme de science-fiction spectaculaire, un bain névrotique et atmosphérique orchestré par un fou sans foi ni peur, ogre s’abreuvant à la chair fraîche de la jeunesse pour peupler ses films érotico-futuristes d’une faune à sa merci qui y laisse sa vie. Les métaphores sont nombreuses et renvoient à notre société malade aussi, les passerelles entre pornographie et politique se traversent allègrement, la pièce s’engouffre dans des élucubrations sur l’art, le désir, l’argent, qui nous interpellent ou nous laissent froids, certaines scènes comiques sortent du lot, le glissement qui s’opère du cinéma contestataire au produit de propagande est intéressant. Beaucoup de pistes sont lancées, beaucoup d’idées, il y a là une tentative très ambitieuse qui mérite d’être saluée mais le jeu, aussi extrême soit-il, gagnerait à être nuancé, et les chorégraphies, au demeurant très bien exécutées, manquent d’incarnation paradoxalement. Quelques moments suspendus, où le cirque s’invite dans le décor notamment, viennent à point nommé exercer leur pouvoir de fascination. Fascination que l’on aurait aimé garder tout du long du spectacle dont le début mystérieux happe et électrise mais qui s’étiole sur la longueur pour se muer en malaise. On retiendra néanmoins, outre quelques tableaux scéniques organiques et enfumés de toute beauté, l’image hallucinante du réalisateur dans les airs, caméra en main, filmant frénétiquement sa projection fantasmatique. Marie Plantin – Sceneweb.fr Le Grand Œuvre de René Obscur Conception, texte et mise en scène : Bertrand de Roffignac Scénographie : Henri-Maria Leutner – Assistanat scénographie : Benjamin Marre Création et Régie Lumière : Grégoire de Lafond / Thomas Cany Création Sonore : Axel Chemla Création masques et accessoires : David Ferré Régie Générale : Charlotte Moussié / Clément Balcon – Régie Son : Martial de Roffignac / Antoine Blanc – Administration : Dany Krivokuca Interprètes : Adriana Breviglieri, Axel Chemla, Bertrand de Roffignac, Gall Gaspard, Marion Gautier, Xavier Guelfi, Loup Marcault-Derouard, François Michonneau, Pierre Pleven, Erwan Tarlet, Baptiste Thiébault Le Grand Œuvre de René Obscur est la deuxième pièce d’une trilogie initiée avec Les Sept Colis sans Destination de Nestor Crévelong (créé au Théâtre de Vanves en janvier 2023 et repris au CentquatreParis, dans le cadre du Festival Impatience en décembre 2023) Soutiens : Cirque Électrique, Théâtre du Châtelet, Jeune Théâtre National. Coproduction du théâtre de l’Arsenal scène conventionnée d’intérêt national « art et création pour la danse » de Le Grand Œuvre de René Obscur Nouvelle création du Théâtre de la Suspension Cirque électrique du 12 au 24 septembre 2023 Place du Maquis de Vercors, 75020 Paris, métro Porte des Lilas
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Le spectateur de Belleville
September 15, 2023 4:54 PM
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Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 15 septembre 2023 Au Théâtre de la Colline, à Paris, l’écrivain livre une première mise en scène virtuose, qui superpose fable domestique et plongée dans le pouvoir de la langue.
Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/15/avec-proches-laurent-mauvignier-fait-derailler-la-famille_6189574_3246.html#xtor=AL-32280270-%5Btwitter%5D-%5Bios%5D Même lorsqu’ils creusent des sillons similaires, les grands auteurs ne se plagient pas. Ils se passent le relais d’une parole qui demande à être retravaillée, encore et encore, pour que jamais la scène ne s’assèche, faute d’une langue qui ne viendrait plus la provoquer et la dynamiser. Entre Laurent Mauvignier et Jean-Luc Lagarce (1957-1995), la lutte pour un théâtre vivant, actif et épidermique est un trait d’union qui va au-delà des générations. Plus d’un point commun relie ces deux stylistes de l’écriture. Proches, écrit et mis en scène par le romancier des Editions de Minuit, emprunte à son aîné (édité aux Solitaires intempestifs) un de ses motifs favoris, le retour d’un fils absent au sein de sa famille, ainsi qu’un sens de la répétition à donner le tournis. Mais alors que Lagarce déployait ses phrases en longs lassos déliés, Mauvignier organise une suite de tsunamis explosifs. Ça démarre très fort dans la petite salle du Théâtre de la Colline, par un face-à-face prolongé entre les spectateurs et une brochette de six acteurs tenant devant eux une banderole : « Bienvenue à Yoann ». Parents, filles, gendres, tous attendent donc Yoann. Quatre ans que séjourne en prison ce beau gosse rebelle en marcel blanc et bas de jogging rouge, qu’incarne Maxime Le Gac-Olanié, un acteur sec et mat, qui rappelle (un peu) Guillaume Depardieu. Son rôle est taillé dans le souvenir de figures iconiques : comme le visiteur du Théorème (1968), de Pasolini, il est celui que tous désirent. Comme le Godot de Beckett, il est celui qui ne viendra pas. Comme l’Annoncier du Soulier de Satin, de Claudel, il siffle le début d’une partie dont il semble être le seul à connaître l’issue. Il entre, observe et prophétise : « Ici, tout nous dit quelque chose, et moi je débarque. » Elaboration du chaos Dans un décor gris, impersonnel et amovible (une façade de maison, un canapé, un bar de cuisine, une table de salon) – sorte de pavillon-témoin froid, dont l’unique fonction est d’accueillir la profération du texte –, une famille fait l’expérience du « tout dire ». Ce dévoilement lui sera fatal. De scènes de couples en prises de bec sororales, de vérités éruptives en révélations tardives, de cris en soupirs, le clan s’effrite et, avec lui, cet amour qu’on croit inconditionnel entre des parents et leurs enfants. Le drame repose sur des presque riens que Laurent Mauvignier orchestre avec une virtuosité épatante. A chaque séquence de jeu, il ajoute un grain de sable (un reproche, une confession, une culpabilité, un mensonge, un méfait) jusqu’à former un édifice branlant voué à s’effondrer. Tant de systématisme dans l’élaboration du chaos sème le doute sur ses véritables intentions. Et s’il ne se servait de son alibi fictionnel (le démantèlement d’une famille) que pour traiter d’un autre sujet : l’écriture et ses usages possibles sur la scène du théâtre ? Dans la bouche des comédiens dirigés en instrumentistes de haut vol, les répliques se chevauchent, se superposent, s’enchevêtrent à tel point que les mots, redits, répétés, réitérés, perdent leur sens pour n’être plus que des sons. Ou plutôt une bande-son, typique de ceux qui se connaissent par cœur, se parlent sans s’écouter, adoptent des phrasés identiques, puisent au même vivier de vocabulaire, d’intonations et de clichés. Bref, cette bande-son émise par toutes les familles et dont toutes les familles s’accommodent. Une partition que va troubler l’arrivée de Clément, ex-amant de Yoann. Convoqué aux retrouvailles, il fait entendre sa différence : il est la langue étrangère. Il est la dissonance qui oxygène des ritournelles si asphyxiantes que le père, atteint d’un cancer d’un poumon, s’exclame : « J’étouffe ! », en allumant sa cigarette. Laurent Mauvignier, qui signe avec Proches sa toute première mise en scène, superpose fable domestique et exploration subliminale du pouvoir de la langue au théâtre. Osant beaucoup, il navigue entre tragique et comique. Il lorgne même (quel talent !) du côté du boulevard. L’excellence de son écriture a pourtant ses revers : elle ne tolère pas la moindre faiblesse de jeu. Pour les acteurs, impossible de divaguer entre les points et les virgules. Certains ont des flottements, des évanescences, des trous d’air, et ça ne pardonne pas. D’autres, comme Norah Krief et Gilles David, font des étincelles à chaque fois qu’ils prennent la parole. On jubile de ce qu’on entend, et ce plaisir de l’écoute supplante, de loin, ce que donne à voir une représentation qui cherche sa martingale sans toujours la trouver. Proches. Texte et mise en scène Laurent Mauvignier. Avec Cyril Anrep, Pascal Cervo, Gilles David, Lucie Digout, Charlotte Farcet, Arthur Guillot, Norah Krief, Maxime Le Gac-Olanié. Théâtre de la Colline, Paris 20e. Jusqu’au 8 octobre. Colline.fr Joëlle Gayot / Le Monde Légende photo : Répétition de « Proches », mis en scène par Laurent Mauvignier, au Théâtre de la Colline, à Paris, à l’été 2023. TUONG-VI NGUYEN
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September 15, 2023 10:40 AM
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Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 13 sept. 2023 A peine entrés dans une salle avec chaises, bancs et coussins à peine assis, nous voici transportés en quelques mots et objets dans des temps futurs, un monde où il n’y aura sans doute plus d’arbres, plus de champignons même nucléaires, plus de théâtre, c’est dire. Cependant comme naguère, au début du XXI e siècle, des gens se seront réunis, auront pris place sur des chaises, bancs et coussins et écouteront d’autres humains devant eux, s’agiter, se trémousser, dire des phrases définitives et, à la fin, baisser la tête devant des gens frappant entre leurs mains, certains allant jusqu’à s’écrier « bravo ! » ( mot entre guillemets car sa signification semble s’être perdue au fil des siècles peut être était-ce un mot magique).
Il semble même qu’au même XXI e siècle et même plus avant aux dires des ethnologues, on s’exclamait « c’est un monde !! » pour exprimer son mécontentement. Car à cette époque, au dire des mêmes ethnologues, on était mécontent de tout car tout foutait le camp: le climat, le prix de la tradition, l’amour du prochain, les blagues à deux balles et même le théâtre qui avait augmenté drastiquement en quelques décennies le prix de son kilo de leurre. D'où l'idée d'aller à la recherche du beau monde perdu.
Or donc, rien de tel pour remettre les pendules à l’heure du cosmos que d’imaginer comment les temps futurs se souviendront de leurs ancêtres, nous donc. Que restera-t-il de ce temps définitivement perdu que sera notre présente époque. C’est là le but et même l’ambition inouïe d’un spectacle rétro-futuriste sur ce qu’étaient au XXIe siècle des choses comme l’unanimité, le droit de propriété, les larmes (un metteur en scène célèbre alors avait écrit « la tragédie c’est l’histoire des larmes »), etc.
C’est donc un spectacle check-up qui, par exemple, fait l’inventaire des desserts de l’époque (ah le mille feuille, le Paris-Brest, la tarte à la rhubarbe), nous explique ce qu’est un baiser (un truc entre les lèvres et les langues où on ne comprend rien), ce que veut dire l’expression « neiges éternelles », ou comment résumer sans mot ce que théâtre veut dire (un truc aussi simple que merveilleux), etc. Des choses comme ça, à la pelle et à l’envie.
Dit autrement, c’est une histoire de théâtre en son miroir inventée et fabriquée par ces gens de théâtre que sont les comédiennes et comédiens, un zakouski ou une friandise en marge de leurs spectacles passés et futurs, une sorte de récréation entre deux créations. C’est bon comme le pain chaud, tendre comme la nuit, drôle comme Charlot quand il marche sur le pied d’un policier.
Au commencement c’était une proposition d’un acteur Rémi Fortin, qui en a parlé à l’actrice Blanche Ripoche et à l’acteur Arthur Amard. Les trois en ont parlé à l’acteur, auteur, scénographe et metteur en scène Simon Gauchet aussitôt propulsé « regard extérieur ». Ils ont l’air de bien s’entendre, de s’amuser ensemble et cela nous contamine illico. Le spectacle titré, vous l’aurez compris, Le beau monde, a reçu le prix Impatience en l’an de grâce 2022, ce qui ne nous rajeunit pas.
Au CentQuatre à Paris 20h,du mar au sam, 17h le dim, jusqu’au 23 sept.
Du 2 au 6 nov au social club de Paris ; du 13 au 18 fév au Trident de Cherbourg ; du 28 fév au 2 mars, à Sénart (tournée en décentralisation) ; le 5 mars au Théâtre Châtillon Clamart ; les 26 et 27 mars au Théâtre Jean Vilar de Montpellier ; le 5 avril au Théâtre Louis Aragon de Tremblay en France ; du 3 au 5 mai à la Scène Nationale de Sénart ; du 4 au 6 juin au TAP de Poitiers
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Le spectateur de Belleville
September 14, 2023 10:21 AM
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Propos recueillis par Fabienne Darge et Guillaume Fraissard dans Le Monde - 13 septembre 2023 Dans un entretien accordé au « Monde », le duo détaille sa première saison aux commandes de la salle parisienne, après douze années à la tête du Monfort Théâtre.
Lire l'article dans le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/13/laurence-de-magalhaes-et-stephane-ricordel-du-theatre-du-rond-point-ce-qui-nous-interesse-c-est-d-avoir-un-public-mixte_6189248_3246.html?fbclid=IwAR2xfu0lQsiD002TkZ_toP25zyFtcVlgLKboFYvFe2mA5hb2xDl28veEPwk#xtor=AL-32280270-[twitter]-[ios]
Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre : le Théâtre du Rond-Point a fait peau neuve pendant l’été, sous la conduite de ses nouveaux directeurs, Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel. Nommés le 2 janvier à la tête de ce lieu emblématique du quartier des Champs-Elysées, dirigé pendant vingt et un ans par Jean-Michel Ribes, ils lancent leur première saison avec One Song, formidable ovni théâtral signé par la metteuse en scène belge Miet Warlop. Et racontent les grandes lignes de leur projet. Que représentait pour vous le Théâtre du Rond-Point ? Laurence de Magalhaes : Nous étions proches de Jean-Michel Ribes, et la vision que l’on a du Rond-Point est liée à ce qu’il en a fait. Nous sommes arrivés dans le jeu théâtral parisien en 2009, pour diriger le Monfort Théâtre. On était huit ans après l’élection de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris, un moment où il y avait une dynamique assez incroyable. La gauche avait accédé au pouvoir avec un projet culturel ambitieux. Le Rond-Point était en plein essor. Nous étions admiratifs : il en a fait un lieu extrêmement vivant, qui compte dans la géographie théâtrale parisienne. Quel outil avez-vous trouvé en arrivant ? Stéphane Ricordel : Jean-Michel Ribes laisse une maison avec des fondations très solides. On voit à de multiples détails, l’état du matériel notamment, qu’elle a été parfaitement entretenue. Et elle est forte d’un personnel qui aime profondément ce théâtre, qui est plus que partant pour un nouveau projet et n’attend qu’une nouvelle énergie pour aller encore plus loin, encore plus fort. Quels changements allez-vous apporter ? L. de M. : Nous n’allons pas tout réinventer, mais nous allons imprimer notre patte, avec notre personnalité. La ligne artistique va changer sensiblement. Le « rire de résistance » qui structurait le projet de Jean-Michel Ribes, ce n’est pas notre histoire. Il y aura donc moins d’humoristes, de one-man-shows. Ce qui fait partie de notre ADN, en revanche, c’est l’interdisciplinarité : la programmation mêlera théâtre, cirque, danse et musique. Nous allons aussi proposer beaucoup plus de spectacles jeune public ou à voir en famille. Nous avons également un gros désir de spectacles de troupe, qui se raréfient en France, pour des raisons financières. Et la proportion d’artistes étrangers sera plus importante. Vous faites le choix d’une programmation axée sur la création contemporaine, avec moins de vedettes, dans un théâtre qui compte trois salles, dont la grande propose 750 places. N’est-ce pas un peu risqué ? L. de M. : C’est un pari que l’on assume. On commence la saison avec une artiste, Miet Warlop, que les spectateurs ne connaissent pas en France. Son spectacle est phénoménal, et on mise sur le fait que le bouche-à-oreille va fonctionner très vite. On programme plusieurs spectacles du Munstrum Théâtre, dont on sait qu’il attire un public très jeune, qui arrive à la dernière minute. Il y aura aussi Kery James, qui a son propre public, ou, en danse, des têtes d’affiche comme Marlene Monteiro Freitas. S. R. : Cette première saison est un test, c’est sûr. On va voir comment le public répond et réagit, quitte, au besoin, à réajuster après. On fait le pari que le public que l’on va perdre, lié à certaines propositions, sera remplacé par un autre, plus sensible à la création contemporaine. Est-ce la ligne artistique qui va changer la composition du public, le rajeunir ? L. de M. : Ce qui fait venir la jeunesse, c’est la jeunesse ! Quand on met de jeunes metteurs en scène sur un plateau, on a des jeunes dans le public. Sur certains spectacles, on sait qu’on touchera des jeunes que l’on ne verra peut-être qu’une ou deux fois, mais ce n’est pas grave. L’important, c’est que, quand il y a des choses qui leur conviennent, ils sachent qu’ils seront bien reçus. Mais il faut aussi fidéliser un public plus âgé, car ce qui nous intéresse est d’avoir un public mixte. C’est dérangeant quand on n’a qu’une seule partie du public sur Paris, alors que l’on devrait pouvoir toucher tout le monde. Les comportements de sortie des spectateurs changent depuis quelques années, notamment depuis la crise liée au Covid-19. Comment vous adaptez-vous à cette nouvelle donne ? S. R. : On observe en effet un changement significatif : les spectateurs, de plus en plus, veulent aller au spectacle directement en sortant du travail et ne pas rentrer trop tard chez eux. Le week-end, ils sortent beaucoup moins qu’avant, sans doute parce qu’ils s’évadent de Paris. Et ils réservent beaucoup plus à la dernière minute, ce qui donne des sueurs froides à tous les directeurs de théâtre. Nous avons donc décidé d’avancer les horaires de représentation du soir entre 19 heures et 20 h 30, ce qui est rendu possible par l’arrêt du système d’alternance, qui faisait que deux spectacles pouvaient se succéder dans une même salle au cours d’une soirée. Et on propose des représentations à 18 heures le samedi, pour laisser toute la soirée libre ensuite. Arrêter l’alternance signifie baisser le nombre de représentations. N’y a-t-il pas un risque là aussi, sachant que le Rond-Point fonctionne, avec un budget annuel de 8 millions d’euros, à parts égales entre les subventions et les recettes de billetterie, lesquelles ont, par conséquent, une grande importance ? L. de M. : Il y aura en effet deux cents représentations en moins par saison. Ce qui implique moins de billetterie, certes, mais cela fait réaliser aussi beaucoup d’économies. Quand on retire des spectacles, ce ne sont pas uniquement des frais artistiques en moins, mais aussi les frais liés à la technique, la sécurité, l’électricité, les transports, etc. St. R. : Et nous devons avoir une réflexion sur la question du remplissage des salles. Même à Paris, le public qui peut se permettre d’aller au théâtre toutes les semaines n’est pas extensible à l’infini. Et il vaut mieux avoir une salle pleine tout le temps que deux salles à moitié pleines. Avez-vous changé le prix des billets ? L. de M. : Non. L’équipe de Jean-Michel Ribes avait déjà réétudié le prix des billets pendant le Covid-19. Ces réajustements nous ont semblé raisonnables par rapport à la marge artistique, qui, au Rond-Point, est extrêmement réduite. On ne peut donc pas baisser davantage les tarifs, qui s’étalent de 8 euros (pour les jeunes et les étudiants) à 38 euros, sachant que quasiment personne ne paie le plein tarif. Avec l’abonnement ou les divers systèmes de cartes, plus souples, la place est à 19 euros. Allez-vous utiliser aussi les espaces extérieurs au théâtre ? S. R. : Oui, mais nous ne savons pas encore à quoi ils vont ressembler à l’horizon des Jeux olympiques de 2024. L’espace extérieur du Rond-Point n’est pas très grand, mais il est festif et convivial, on continuera donc à y proposer diverses formes. Nous allons aussi imaginer des collaborations avec le Grand et le Petit Palais, qui sont nos voisins. Nous aimons travailler en partenariat, trouver des synergies. Qu’aimeriez-vous que l’on dise de votre Rond-Point ? L. de M. : Il faut nous laisser un petit peu de temps, mais nous avons plein d’énergie et d’envies. Ce ne sera pas un théâtre plan-plan. Le théâtre est un lieu de vie, il doit rester une fête. Pour nous, un lieu, c’est une mixité de publics et d’idées, d’envies et de spectacles. C’était le Rond-Point de Jean-Michel Ribes, c’était le Monfort. Nous espérons qu’il reste ce lieu de folie que nous avons découvert quand nous y venions. Cette envie de venir parce qu’on y retrouvait des amis et des artistes, qu’on y passait du bon temps. Au-delà des pièces, qui sont le moteur de notre travail, il faut un petit plus, une façon de recevoir. Jean-Michel Ribes était toujours là, il a incarné ce théâtre. Nous aussi, au Monfort, nous y étions souvent. C’est important : on sent très vite s’il y a une âme dans un théâtre. C’est aussi la personnalité du directeur qui fonde un lieu. On a besoin que ce soit généreux, que ça brasse, qu’il y ait du monde. Le nouveau Rond-Point est arrivé Eclectique et impertinente. La première saison signée par Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel au Théâtre du Rond-Point, marquée du sceau de la curiosité pour la création contemporaine et interdisciplinaire dont le couple avait déjà fait montre durant ses treize années à la tête du Monfort Théâtre, fait envie. On y retrouve des noms connus : la Sicilienne Emma Dante avec l’un de ses meilleurs spectacles, Misericordia ; le rappeur Kery James, accompagné dans A huis clos par le metteur en scène Marc Lainé ; l’écrivaine Lola Lafon, qui propose Un état de nos vies ; Jérôme Bel et Jolente De Keersmaeker avec Danses pour une actrice ; Jean-François Sivadier et sa pièce Sentinelles ; Vanessa Springora et Ludivine Sagnier avec Le Consentement, et le dramaturge Tiago Rodrigues qui présente Tristesse et joie dans la vie des girafes. Les iconoclastes à l’esprit déjanté figurent en bonne place, à l’image de Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent, issus de la troupe des Chiens de Navarre, qui signent La femme n’existe plus, de la metteuse en scène Sophie Perez avec sa Meringue du souterrain, ou de la compagnie 26 000 couverts, qui revient avec Chamonix ; sans compter l’inénarrable Pierre Guillois, qui s’associe avec les acrobates d’Akoreacro pour une nouvelle création, Dans ton cœur. En leur compagnie s’avance tout un bataillon de créateurs déjà repérés par les amateurs, qui n’attendent que d’être découverts par un public plus vaste, à l’image de Miet Warlop et son génial One Song, qui ouvre la saison. Suivront dans cette catégorie les Libanais Lina Majdalanie et Rabih Mroué, l’Israélien Yuval Rozman, les Français David Geselson et Marc Lainé, la troupe du Munstrum avec son théâtre très visuel, le chorégraphe Fouad Boussouf, l’acrobate Matthieu Gary, ici en compagnie de l’écrivaine Alice Zeniter, ou encore le petit prince de la magie nouvelle, Etienne Saglio. La liste, qui n’est pas exhaustive, compte d’autres pépites à découvrir. Fabienne Darge et Guillaume Fraissard / Le Monde Légende photo : Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, codirecteurs du Théâtre du Rond-Point, au Théâtre du Rond-Point, à Paris, le 11 septembre 2023. MATHIAS BENGUIGUI / PASCO POUR « LE MONDE »
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Le spectateur de Belleville
September 14, 2023 9:51 AM
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Par Joëlle Gayot et Sandrine Blanchard dans Le Monde / 14 sept. 2023 Un courrier expédié par les directions générales des affaires culturelles (DRAC) demande l’arrêt immédiat de tout projet de coopération avec les ressortissants de ces trois pays. Le Quai d’Orsay minimise la portée de la mesure. Lire l'article dans le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/14/le-ministere-des-affaires-etrangeres-interdit-aux-scenes-culturelles-subventionnees-toute-collaboration-avec-les-artistes-du-mali-du-niger-et-du-burkina-faso_6189367_3246.html
Sidération dans le spectacle vivant, où la crise qui sévit entre la France et le Niger, le Mali et le Burkina Faso vient de s’inviter sur un territoire artistique qui n’en demandait pas tant. « Sur instruction du ministère de l’Europe et des affaires étrangères », les établissements culturels subventionnés ont appris qu’ils devaient « suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivants : Mali, Niger, Burkina Faso ». Ce message, expédié par les directions générales des affaires culturelles (DRAC) aux structures culturelles qui dépendent de ses services (centres dramatiques et chorégraphiques nationaux et scènes nationales) a transité par le secrétariat du ministère de la culture. Les mesures préconisées sont radicales : « Tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception. Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. A compter de ce jour, la France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception, et ce jusqu’à nouvel ordre. » Qualifié de « comminatoire » par le tout-puissant Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), cet ordre venu d’en haut sème la stupeur dans les rangs du milieu culturel. « Nous n’avons jamais connu d’injonction de la sorte », explique Bruno Lobé, vice-président du syndicat et directeur du Manège, scène nationale de Reims. « La philosophie de la France vis-à-vis d’artistes vivant dans des pays avec lesquels elle est en conflit a toujours été de continuer à les inviter, sans jamais rompre le dialogue. Ces créateurs sont déjà empêchés de travailler par leurs propres gouvernants. Si nous en rajoutons une couche, ce sera pour leur viabilité mais aussi pour l’image de la France, une véritable catastrophe. » Une sanction incompréhensible et contreproductive La mise en œuvre de la rupture préconisée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères constituerait un précédent. Et une incohérence que souligne Bruno Lobé : « Au début de la guerre en Ukraine, le discours tenu était le suivant : continuez à soutenir les artistes russes. Ils ne sont pas Vladimir Poutine. Quelle est la différence entre un artiste burkinabé, malien, nigérien et un artiste russe ? » La volonté ministérielle a de quoi inquiéter des artistes qui vont et viennent de part et d’autre de la Méditerranée. Pour Hassan Kassi Kouyaté, metteur en scène franco-burkinabé, directeur du Festival des Francophonies en Limousin, au-delà d’une mesure absurde, il s’agit là d’une sanction incompréhensible et contreproductive : « En tant que citoyen je m’interroge : que sont devenues les valeurs de la France, ce pays des droits de l’homme qui a signé la charte de l’Unesco ? En tant qu’artiste, je suis surpris : pourquoi sanctionner les créateurs qui sont souvent les premières victimes des conflits ? Et que dire de l’ingérence soudaine du politique dans les programmations culturelles ? » Si les instructions de la missive sont suivies à la lettre, non seulement des artistes vont faire les frais de la dissension des politiques, mais les théâtres et les festivals vont devoir bouleverser, dès demain, leurs programmations de saison. Directeur du festival international de théâtre Sens Interdits, dont la neuvième édition doit se tenir du 14 au 28 octobre à Lyon, Patrick Penot se dit « abasourdi » : « J’ai reçu l’information de la DRAC par mail ce matin. Les huit artistes maliennes qui doivent donner cinq représentations dans trois théâtres de l’agglomération lyonnaise ont toutes obtenu un visa depuis dix jours. Il serait inacceptable qu’on ne respecte pas les visas délivrés ». Patrick Penot ne souhaite prendre aucun risque pour ces artistes. « S’il s’avère qu’elles peuvent sortir de leur pays grâce à leur visa, est-on sûr qu’elles pourront entrer en France et ne pas être retenues par la police des frontières ? Des consignes ont-elles été données ? » A ses yeux, ces nouvelles mesures envoyées aux structures culturelles ont une dimension « vénéneuse ». « Si elles sont maintenues, la seule question qui restera est : quel sera le prochain pays ? » Pas question pour le Syndeac d’en rester là. Le syndicat, qui demande « la tenue d’une réunion immédiate avec le ministère des affaires étrangères », s’adresse directement à la ministre de la culture, Rima Abdul Malak : « Il est urgent que le ministère de la culture renonce à cette approche strictement diplomatique et défende enfin une politique culturelle et artistique. » Le ministère des affaires étrangères a cherché à minimiser la portée de la mesure. « Nous ne cherchons pas à interdire toute coopération culturelle », dit-on du côté du Quai d’Orsay, en dépit de la tonalité des courriers dénoncés par le Syndeac. Si la coopération culturelle publique est bien interrompue, tout comme l’aide au développement et l’appui budgétaire, seuls les artistes n’ayant pas encore reçu de visas seraient concernés. Dans les trois pays, « nous avons suspendu la délivrance de visas, nos postes n’étant plus en mesure de traiter ces demandes du fait de la situation sécuritaire dégradée ». Joëlle Gayot et Sandrine Blanchard / Le Monde
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Le spectateur de Belleville
September 11, 2023 4:14 PM
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Marie-Valentine Chaudon, dans La Croix publié le 01/09/2023 Sélection Des premiers pas, des retours, des voyages… Sur les scènes de théâtre et de danse, l’automne s’annonce vibrant d’intensité. Shakespeare et Genet tiendront le haut de l’affiche côté texte, tandis que les femmes seront à l’honneur à l’Opéra de Paris et au cirque Zingaro. Enfin, Alain Françon s’aventure du côté de chez Labiche.
♦ Le chapeau de paille d’Alain Françon L’enchanteur Alain Françon met en scène la célèbre pièce d’Eugène Labiche, Un chapeau de paille d’Italie au Théâtre de la porte Saint-Martin, du 27 septembre au 31 décembre à Paris. Pour cette nouvelle aventure théâtrale, il s’entoure d’une fine équipe. Vincent Dedienne joue le rôle de Fadinard qui doit, le jour de ses noces, partir en quête du fameux couvre-chef. À ses côtés, pas moins de 18 comédiens dont Marie Rémond, Éric Berger et Suzanne de Baecque. Avec une musique originale signée du groupe Feu! Chatterton, ce chapeau, s’il tient ses belles promesses, s’annonce hautement réjouissant. ♦ Vincent Macaigne retrouve Shakespeare Ces dernières années, sa bonhomie décalée est devenue familière des écrans des cinémas. Le comédien Vincent Macaigne renoue avec ses premières amours. Pour ce retour à la mise en scène de théâtre, il retrouve Shakespeare avec lequel il avait connu un succès fracassant au Festival d’Avignon en 2011 (Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, librement adapté de Hamlet). Pour Avant la Terreur, il s’inspire de Richard III. Entouré d’une troupe de comédiens éclatants, Vincent Macaigne en promet une réécriture explosive aux prises avec les folies mortifères du monde actuel. ♦ Arthur Nauzyciel face à la guerre d’Algérie En 1966, Les Paraventsde Jean Genet ont été la cible de violentes manifestations à l’Odéon. Quatre ans après les accords d’Évian, la pièce, qui traite de façon à peine masquée de la guerre d’Algérie, a reçu un accueil pour le moins mouvementé. Du 29 septembre au 7 octobre à Rennes, le Théâtre national de Bretagne (TNB) et son directeur Arthur Nauzyciel s’aventurent dans cette vaste fresque de près de quatre heures. 16 comédiens donnent vie à la pièce, dont Marie-Sophie Ferdane, Xavier Gallais, Mounir Margoum et de jeunes interprètes tout juste sortis de l’école du TNB. On y retrouvera également Farida Rahouadj et Hammou Graïa, qui jouaient dans la mise en scène de Patrice Chéreau en 1983. Un passage de relais pour une histoire toujours à vif. ♦ Règne féminin à l’Opéra de Paris Du 23 septembre au 1er octobre au Palais Garnier, l’Opéra de Paris invite le public à une représentation en trois actes mettant en valeur autant de créatrices. En première partie, l’une des pièces les plus emblématiques du répertoire de ces dernières années : The Season’s Canon de la Canadienne Crystal Pite sur la musique de Max Richter. Cette sublime pièce de 2016 sera suivie par les créations de deux chorégraphes contemporaines. Avec The Last Call, la Française Marion Motin, qui signe sa première pièce pour la compagnie parisienne, entraîne 15 danseurs dans un univers narratif et onirique. Grande première aussi pour la Chinoise Xie Xin, inconnue en France, qui présente Horizon, une variation entre illusion et réalité développant une technique à la croisée de l’Orient et de l’Occident. ♦ L’écuyer Bartabas galope vers la Perse Le célèbre écuyer ouvre cet automne un nouveau chapitre de sa série Cabarets de l’exil. Après le peuple yiddish en 2021 et les Irish Travellers en 2022, le Théâtre équestre Zingaro met le cap vers la Perse du 20 octobre au 31 décembre au Fort d’Aubervilliers. Bartabas invite des femmes iraniennes, musiciennes, chanteuses et danseuses : des artistes en exil qui se joindront à sa troupe et à ses magnifiques chevaux pour un spectacle assurément envoûtant. Mythes, féminité, soif de liberté traverseront cette création marquée par les échos douloureux de la répression en cours en Iran. ♦ Trois semaines de danse à Lyon Les amoureux de la danse ont rendez-vous à Lyon pour trois semaines de spectacles et de créations, du 9 au 30 septembre. Christos Papadopoulos, Sidi Larbi Cherkaoui, Anne Teresa de Keersmaeker, Marlene Monteiro Freitas se retrouvent pour cet événement qui fait aussi la part belle aux découvertes. La 20e biennale de la danse, première du nouveau directeur de la Maison de la danse, Tiago Guedes, s’ouvre le week-end du 9 septembre avec le traditionnel défilé à travers les rues de la ville. Un rendez-vous placé, en cette année pré-olympique, sous le signe du sport.
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Le spectateur de Belleville
September 11, 2023 5:46 AM
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Par Armelle Héliot dans son blog - 8 septembre 2023 Elle a adapté l’épais livre d’Alice Zeniter L’Art de perdre et l’interprète, entourée de Fatima Aïbout et d’Issam Rachyq-Ahrad. Intelligence, efficacité, sensibilité. Bref spectacle exemplaire.
Premier miracle, la danse. Elle ouvre et ferme ce moment bref, vif, déchirant. Une jeune femme qui traîne devant son ordinateur, par terre, comme une ado, se lève et se met à danser. Elle est jolie, mince et fraiche. Elle se déhanche avec grâce. Rien de lourdement érotique. C’est un chant de la joie. Une énergie qui se déploie, radieuse. Une chorégraphie de Mélody Depretz, à saluer. Pourtant l’histoire qui va être évoquée n’est pas gaie. Elle est même franchement douloureuse. C’est l’Histoire dans ses cruautés. C’est la fin de la guerre d’Algérie. C’est une famille de harkis, une famille loyale et pauvre, une famille dans laquelle ni le père ni la mère ne savent lire et écrire. Mais qui ont grandi dans un département français. Qui parlent le français. Bien ou moins bien. Qui sont français et qui quittent leur pays en 1962 pour être jetés dans un camp de rétention, pour des années. Rivesaltes… En 2023 les spectateurs, les spécialistes du théâtre, peuvent accepter que les Harkis soient des êtres nobles et dignes de considération. Oublions donc tous les textes écrits à charge. Ecoutons Alice Zeniter. Elle a du cran. Son livre a été très commenté et admiré. Il a obtenu, en 2017, le Goncourt des Lycéens. Un très beau prix. La grande réussite de l’adaptatrice et interprète est d’avoir réussi à réduire, faire une réduction comme on le dirait en alchimie d’un filtre précieux, de ce livre épais dans lequel on s’enfonce et on s’abandonne. Ici, tout demande de la vigilance. Tout compte. Encadrée par les parents qui parlent peu, mais qui sont essentiels, la jeune et époustouflante jeune femme, nous bouleverse et nous éclaire. Les deux comédiens qui interprètent les parents, Fatima Aïbout, tellement sincère, Issam Rachyq-Ahrad, puissant et profond, servent magnifiquement le propos. Quant à elle, Sabrina Kouroughli, elle est magnifique. C’est un grand travail. Théâtral et civique. Sensible, plein de cœur et d’âme. Cela donne envie de lire Alice Zeniter. Encore plus. Théâtre de Belleville, mercredi et jeudi à 19h15, vendredi et samedi à 21h15. Durée : 1h10. Tel : 01 48 06 72 34. theatredebelleville.com https://www.theatredebelleville.com/programmation/a-venir-old2/l-art-de-perdre Crédit photo : Gaëtan Vassart
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Le spectateur de Belleville
September 8, 2023 11:54 AM
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Par Vincent Bouquet dans Télérama - 7 seept. 2023 Réservé aux abonnés Lire l'article sur le site de Télérama : https://www.telerama.fr/theatre-spectacles/immersion-sonore-experience-collaborative-le-theatre-augmente-investit-le-festival-d-automne-7017050.php La manifestation culturelle présente plusieurs spectacles qui mobilisent tous les sens et immergent le public dans un nouveau rapport à l’illusion théâtrale. Tour d’horizon.
Le théâtre, ses fauteuils rouges, ses textes emblématiques, ses comédiens de chair et d’os… De ce décorum d’Épinal, nombre d’artistes ne se contentent plus. Si, au cours des dernières décennies, le quatrième mur n’a cessé de recevoir des coups de boutoir, les créateurs dramatiques n’hésitent plus à pousser les feux de ce que d’aucuns pourraient appeler « le théâtre augmenté ». Au public, il n’est plus proposé un simple spectacle mais une expérience sonore, visuelle, voire sensorielle, qui, en plus de l’intellect, mobilise certains sens pour s’inscrire plus profondément dans les mémoires. « Le Jardin des délices », Philippe Quesne , ici dans la carrière de Boulbon, lors du Festival d'Avignon. Photo Martin Argyroglo À la manière de Philippe Quesne, qui impose dans Le Jardin des délices la scénographie comme le personnage principal de sa quête, aussi mystérieuse que sublime en territoire inconnu, Mariano Pensotti ne conçoit pas ses décors comme des « décorations » mais comme des « dispositifs de narration » qui permettent « d’élargir les limites des fictions ». Avec l’aide de la scénographe Mariana Tirantte, le metteur en scène argentin utilise, dans La Obra, « un mur qui tourne en permanence et montre une sorte de scène et de coulisses qui se concentrent respectivement sur les histoires de Simon Frank et de Walid Mansour ». Ce dernier, metteur en scène, décide d’enquêter sur la vie de Frank, un Polonais d’origine juive arrivé durant les années 1960 dans la ville argentine de Sivori, où il a reconstitué, grâce à de nombreux décors, sa vie d’avant-guerre à Varsovie, jusqu’à y intégrer des habitants de sa ville d’adoption, chargés d’incarner des personnes de sa vie antérieure. Jusqu’à ce qu’il soit démasqué. Cet enchevêtrement offre l’occasion à Mariano Pensotti de brouiller les frontières entre réel et fiction et de « créer une mise en scène où, comme chez Vélasquez, le point de vue de l’observateur et ce qu’il perçoit est remis en question » grâce à « une “narration-machine” qui, au lieu d’emprisonner les corps, tend à les libérer ». Dans « La Obra », Mariano Pensotti a imaginé avec sa scénographe Mariana Tirantte « un mur qui tourne en permanence ». Photo Nurith Wagner-Strauss Ce renforcement de l’illusion théâtrale, Luigi De Angelis et Chiara Lagani le mettent également à l’épreuve dans Nina où, à travers le corps et la voix de Claron McFadden, les membres fondateurs de la compagnie italienne Fanny & Alexander rendent hommage à Nina Simone au long « de plongées dans son monde intime et de moments de reconstitution musicale de ses chansons ». Accompagnée par un « autopiano » conçu comme son « alter ego musical, mais aussi comme le noyau et la caisse de résonance des pensées de Nina Simone », la soprane américaine, munie d’écouteurs, reproduit la voix originale de la chanteuse en même temps qu’elle l’écoute, comme s’il s’agissait d’une superposition. Loin d’être un gadget, cette technique, à en croire Luigi De Angelis et Chiara Lagani, « rend l’interprète libre de toute pensée mémorielle, et lui permet de mettre son énergie au service de cette reconstitution afin d’atteindre une dimension unique d’abandon et de vide, nécessaire à l’épiphanie du théâtre ». Ce travail spécifique sur le son, le duo El Conde de Torrefiel le pousse un cran plus loin dans MANIFIESTO SONORO. Sous la forme d’une performance (Se respira en el jardín como en un bosque), d’une balade augmentée (Cuerpos celestes) et d’un spectacle (Guerrilla), le vecteur sonore fournit à chaque fois le moyen de jouer avec les codes de la représentation théâtrale. Tout comme Ultraficción nr. 1, premier chapitre du projet scénique, qui convie les spectateurs dans un parc où un écran de six mètres sur douze, accompagné d’un sound system puissant, fait office de scène. Pour le tandem catalan, cette « étude visuelle, sonore et poétique », où une multitude de récits s’enchevêtrent et « se verticalisent avec le temps et le lieu où se trouve le public », est une façon « d’utiliser les éléments que la réalité offre à un instant T pour les travailler comme il aurait été possible de le faire avec une scénographie, des projecteurs ou des interprètes ». D’expériences capables de modifier les rapports au théâtre, il est aussi question, chacun à leur manière, dans Lake Life et Sun & Sea. Dans Lake Life, la performeuse néo-zélandaise Kate McIntosh propose, à travers un jeu collaboratif chez les Changelings — « une espèce qui peut volontairement se transformer en n’importe quoi » —, un lieu « d’expérience sensorielle et de réflexion pour que des étrangers se rencontrent et passent du temps ensemble ». Dans Sun & Sea, les Lituaniennes Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė et Lina Lapelytė orchestrent un « opéra-performance » singulier. Lion d’or à la Biennale de Venise en 2019, Sun & Sea prend en effet la forme, selon Lina Lapelytė, « d’une drôle de plage qui ressemble à une plage ordinaire, sauf qu’ici les baigneurs, en plus de leur routine de bronzage et de natation, chantent des chansons pop comme des airs et livrent les récits d’humains fatigués qui continuent d’épuiser la Terre fatiguée ». Une performance hors norme et à dimension écologique qui, anticipe Rugilė Barzdžiukaitė, « peut inspirer des changements de mentalité ». Preuve que le théâtre augmenté, comme le théâtre dans son plus simple appareil, espère encore participer au changement progressif du monde. ► Ultraficción nr. 1 de Tanya Beyeler et Pablo Gisbert, compagnie El Conde de Torrefiel, du 7 au 9 septembre, pelouse de Reuilly, Paris 12ᵉ. ► Sun & Sea de Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė et Lina Lapelytė, du 15 au 17 septembre, Grande Halle de La Villette, Paris 19ᵉ. ► MANIFIESTO SONORO de Tanya Beyeler et Pablo Gisbert, compagnie El Conde de Torrefiel, du 6 au 31 octobre, Maison des métallos, Paris 11ᵉ. ► Le Jardin des délices de Philippe Quesne, du 20 au 25 octobre, MC93, Bobigny, 93. ► La Obra, texte et mise en scène Mariano Pensotti, du 23 au 26 octobre, Théâtre de la Cité internationale, Paris 14ᵉ. ► Nina de Luigi De Angelis et Chiara Lagani, compagnie Fanny & Alexander, du 13 au 16 décembre, Ircam, Paris 4ᵉ. ► Lake Life de Kate McIntosh, du 13 au 17 décembre, T2G-Théâtre de Gennevilliers, 92. Légende photo : « Lake Life », de Kate McIntosh, fonctionne comme un jeu collaboratif provoquant des rencontres. Photo Bea Borgers
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Le spectateur de Belleville
September 8, 2023 5:01 AM
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Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 7 sept. 2023 Après sept années de travaux durant lesquels ses spectacles se sont délocalisés, le lieu, qui consolide ses relations avec le Théâtre du Châtelet, dévoile ses nouvelles salles flambant neuves. Lire l'article sur le site du Monde : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/07/le-theatre-de-la-ville-leve-enfin-le-rideau-sur-sa-renovation_6188308_3246.html Reportage Après sept années de travaux durant lesquels ses spectacles se sont délocalisés, le lieu, qui consolide ses relations avec le Théâtre du Châtelet, dévoile ses nouvelles salles flambant neuves. Ça valait la peine d’attendre. Après sept longues années de travaux entamés en 2016, le Théâtre de la Ville, à Paris, ouvre enfin ses portes au public sur de superbes espaces réinventés qui, de la salle de la Coupole logée sous le toit de zinc jusqu’au Café des Œillets en sous-sol, propulsent le lieu dans le XXIe siècle. « Il fallait faire un grand geste », s’exclame le directeur, Emmanuel Demarcy-Mota, qui, depuis septembre 2016, rongeait son frein près des Champs-Elysées, dans l’exiguïté de l’Espace Cardin, où ses équipes s’étaient repliées. Le geste est effectivement d’envergure. Conçu par le cabinet Blond & Roux Architectes, le Théâtre de la Ville, rebaptisé Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt (l’actrice l’a dirigé de 1899 à sa mort, en 1923), répond à des impératifs très contemporains : équipements technologiques dernier cri, normes énergétiques respectées et climatisation maîtrisée, son immersif, écrans vidéo amovibles, cintre informatisé (ce rail d’où montent et descendent les décors). L’outil n’a pas à rougir de ses équipements. Il peut également parader du haut d’une métamorphose qui va bien au-delà de mesurettes cosmétiques. Classique au-dehors, le bâtiment construit en 1862 par l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881) se révèle futuriste au-dedans. Derrière la façade Napoléon-III, fraîchement nettoyée et au fronton de laquelle s’affiche le nom de l’illustre tragédienne, l’esthétique tutoie l’artistique : une salle de spectacle rénovée de 932 sièges qui dévalent en pente jusqu’à l’imposant plateau de jeu (292,5 mètres carrés).
Du rang A au rang W, des sièges flambant neufs et un peu moins serrés que par le passé ; un cadre de scène débarrassé de son rideau de fer ; un hall d’accueil connecté et polyvalent, orné d’un mobilier escamotable ; la suppression des escaliers centraux, ce qui allège les volumes et symbolise la volonté du patron d’en finir avec « l’intimidation culturelle » ; 300 mètres carrés de plancher de danse (« c’est celui qu’a utilisé la danseuse Pina Bausch [1940-2009] il y a vingt-cinq ans », précise Emmanuel Demarcy-Mota) à leur aise dans la Coupole située en altitude et où pourront s’asseoir 130 spectateurs ; partout, de hautes fenêtres d’où jaillit la lumière. Et des mezzanines de bois clair avec leurs courbes de verre qui ondulent en arrondis. Litanie d’impondérables Circulation, fluidité, mouvement, hybridation, transparence : cet intérieur sans faute de goût pourrait avoir été dessiné par un adepte du feng shui. « Dans un monde qui ne cesse de bouger, nous devions lutter contre la fixité en proposant d’autres repères », estime Emmanuel Demarcy-Mota. Très impliqué dans la conception du Hall 21 (ainsi nommé car appartenant au XXIe siècle), le directeur se revendique, pour sa part, du dramaturge François Regnault : « Son livre Le Théâtre et la Mer [Imprimerie nationale, 1989] a beaucoup influé sur la scénographie. » Le fait est : le théâtre ressemble à un vaisseau amiral dont les entrailles, visibles depuis la rue, agrègent ponts, bastingages et une coque de bateau inversée, suspendue au-dessus des têtes : la rénovation a mis au jour l’impressionnante structure du gradin de béton qu’ont élaboré, en 1968, les architectes Jean Perrottet (1925-2021) et Valentin Fabre (1927-2022). Le résultat est surprenant : mélange de brut et de sophistiqué, il témoigne d’une histoire mouvementée. « Trois siècles sont ici en dialogue. Les balcons datent du XIXe siècle, les gradins du XXe, le hall du XXIe. » De son édification à la destruction en 1966 de la salle à l’italienne, de l’ère Sarah Bernhardt aux mandatures du visionnaire Jean Mercure (1909-1998) – de 1968 à 1985 – puis du passionné de danse qu’était Gérard Violette (1937-2014) – de 1985 à 2008 –, le Théâtre de la Ville a vécu mille vies, subi deux incendies et porté neuf noms différents. Le temps est venu de mettre à flot son ultime et – souhaitons-le – durable version. Le coût total de cet ambitieux chantier, initialement chiffré à 26 millions d’euros, s’établit à 40 millions d’euros. C’est beaucoup ? C’est peu quand on songe à ce qui attend artistes et spectateurs : l’endroit est non seulement fonctionnel, il est en plus d’une beauté saisissante. Dans cette configuration modulable et plurielle, cohabiteront des spectacles, des rencontres, des débats, des expositions, des ateliers ou des visioconférences réalisées en simultané avec les pays du monde entier. Emmanuel Demarcy-Mota plaide depuis longtemps pour une « urgence des alliances ». Depuis l’Espace Cardin, il a fait de cette base arrière un « laboratoire ». Voici l’heure pour lui de décliner, grandeur nature, le prototype élaboré pendant sept ans : la programmation artistique pluridisciplinaire sera la colonne vertébrale d’un projet qui englobe, pêle-mêle, éducation, science, recherche, environnement, international, virtualité, interactivité et jeunesse. Une salve de perspectives auxquelles s’ajoute une mesure emblématique : les tarifs des spectacles sont gratuits pour les moins de 14 ans venant en famille. Propriété de la municipalité (qui le subventionne à hauteur de 11,5 millions d’euros par an, montant que le directeur espère voir augmenter), le Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt met ainsi un terme à une mue ralentie par une litanie d’impondérables. Un an perdu à informatiser le cintre. Des mois passés à désamianter et retirer un plomb dont personne ne soupçonnait l’envergure. Et puis sont arrivées la crise liée au Covid-19 et les périodes de confinement. Enfin, il a fallu gérer les pénuries et les retards de matériel provoqués par la guerre en Ukraine. Autant d’entraves qui ont contraint l’équipe à différer son emménagement, qui aurait dû avoir lieu en 2019, pour les 50 ans de la rénovation du lieu. « Centre culturel international » Pour maintenir son activité et ne pas voir son public déserter, le théâtre a investi ses autres salles, celles des Abbesses et de l’Espace Cardin, mais il a aussi expédié les artistes un peu partout dans la capitale en pratiquant un hors-les-murs effréné. Du Théâtre du Rond-Point au Théâtre Silvia-Monfort en passant par le Théâtre 14, l’hospitalité de ses partenaires lui a permis de programmer 393 spectacles. Certaines représentations ont gagné le Théâtre du Châtelet, réouvert en 2019 après deux ans et demi de travaux, mais condamné à produire peu à cause d’un déficit important qui grevait ses moyens financiers. « Nous avons proposé plus de 30 spectacles au Châtelet, détaille Emmanuel Demarcy-Mota. Cette période s’achève avec notre réouverture. Une autre démarre et il n’y aura pas de retour en arrière. » Chaque maison reprend ses billes, exception faite « de collaborations ponctuelles réalisées dans le respect de [leurs] identités respectives ». Nommé directeur de ce temple de la création lyrique qu’est le Théâtre du Châtelet en février, Olivier Py a donc les mains libres. Enfin presque. Car Anne Hidalgo veut redonner du clinquant au cœur de sa ville : en février, la maire de Paris, dont les services subventionnent le Châtelet, a envoyé une lettre à Emmanuel Demarcy-Mota. Elle lui confie, est-il écrit textuellement, « une mission d’analyse et de propositions de pistes d’évolution de nature à faire évoluer la situation actuelle, de deux théâtres qui se font face sans autre collaboration que des « passerelles », alors que [son] souhait est de faire de ces théâtres un centre culturel international au cœur de Paris ». Traduction en actes de cette « mission » : la mise sur pied de quatre temps forts successifs, dont le premier se tient en extérieur, sur une place du Châtelet partiellement fermée à la circulation. Les festivités démarrent dès le samedi 9 septembre : visite des lieux et spectacles des chorégraphes (Hofesh Shechter, Saïdo Lehlouh, Arno Schuitemaker), ateliers de danse menés par Ambra Senatore dans le square voisin de la tour Saint-Jacques, initiation au hip-hop, compétition Battle Pro de breaking, consultations poétiques par La Troupe de l’Imaginaire. Ce week-end, tout sera gratuit. Pas de gradins aménagés en plein air pour les spectateurs, mais une fontaine (sans eau depuis dix ans) reconvertie en scène circulaire. Ce Festival de la Place, décliné jusqu’à mi-octobre, sera réitéré dès avril 2024. Il a été imaginé par une l’association Place des Théâtres créée à la demande d’Anne Hidalgo. Il est placé sous la double responsabilité d’Emmanuel Demarcy-Mota et de Xavier Couture, président des conseils d’administration du Châtelet et du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt. Relier entre eux les deux théâtres : l’ambition de la maire de Paris résistera-t-elle aux rivalités, aux conflits de pouvoir, aux personnalités des directeurs qui se font face de part et d’autre de la fontaine Napoléon-III ? Si elle devenait pérenne, cette Place des Théâtres constituerait un trait d’union entre deux bâtiments jumeaux surgis de terre sous la même impulsion, comme deux miroirs se défiant en plein centre de Paris. Un trait d’union. Pas une fusion. « Festival de la Place », du 9 septembre au 15 octobre. Paris. Renseignements et réservations : Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt. Joëlle Gayot / Le Monde Crédit photo : FLORENCE BROCHOIRE POUR « LE MONDE »
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Le spectateur de Belleville
September 7, 2023 11:24 AM
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Propos recueillis par Marie-Céline Nivière dans l'Oeil d'Olivier - 6 septembre 2023 À l’occasion de la reprise au théâtre de l’Atelier d’Il n’y a pas de Ajar, excellent spectacle mis en scène et interprété par la non moins brillante Johanna Nizard, l’écrivaine et rabbin Delphine Horvilleur répond à nos questions. Rencontre passionnante avec une femme qui l’est tout autant.
Pourquoi avoir choisi Romain Gary pour aborder le thème de l’identité ? Delphine Horvilleur : J’ai une passion pour Gary depuis toujours. Je l’ai découvert à travers La vie devant soi, une œuvre signée sous le nom d’Ajar, lorsque j’étais ado. Et c’est un auteur qui a beaucoup hanté ma bibliothèque. J’y revenais toujours. J’ai une conviction assez forte — et peut-être exagérée, mais cela n’est pas grave — que Romain Gary détient une clé pour notre époque. Il s’est suicidé il y a quarante-trois ans maintenant. Face à l’obsession identitaire mortifère que l’on vit aujourd’hui, qui vient à la fois du monde religieux et politique et d’un certain activisme social, je crois que tous ces obsédés de l’identité qui nous entourent feraient bien de relire la sagesse garyenne. C’est-à-dire la sagesse d’un homme qui n’a cessé de se réinventer et qui tout au long de sa vie a dit : « Je ne suis pas celui que vous croyez et je ne suis même pas celui que je crois » Romain Gary n’est d’ailleurs pas son nom puisqu’il est né Kacew et ensuite il a écrit non pas sous un pseudo, mais sous plusieurs. Il a été résistant, diplomate, pilote d’avion, fils à maman, époux de star hollywoodienne et mille choses encore. Rien ne finit de le définir. Je trouve que c’est une vraie leçon de sortie d’enfermement identitaire. Il nous dit, libre à toi d’être encore autre chose et de considérer que ton identité est un travail en progrès, un work in progress. Je fais une petite parenthèse, mais c’est pour ça que je suis très sensible à l’idée que la pièce arrive au théâtre de l’Atelier, parce que le mot atelier, en français, suggère un travail en progrès. Quand on est dans un atelier, on est encore en train de fabriquer. Je trouve que cela serait pas mal, et même assez salutaire dans notre société, que des gens perçoivent leur identité comme s’ils étaient dans un atelier. C’est-à-dire comme n’étant pas défini par leur naissance, leur croyance et leur ancrage. C’est une question éminemment politique. Cette rentrée commence avec la question des vêtements, de l’abaya, de la laïcité, de qu’est-ce que l’on peut faire dans les écoles, etc. Mais en fait c’est toujours la même question. Comment fait-on grandir des gens pour qu’ils considèrent, excusez le mauvais jeu de mots, que l’habit ne fait pas le moine ? Qu’on ait la possibilité de ne pas être que ce qu’on porte. Finalement, c’est la promesse de la laïcité de dire : soit plus grand que ta naissance, émancipe-toi de la contrainte de tes ancrages. Comment s’est faite votre rencontre avec la comédienne Johanna Nizard ? Delphine Horvilleur : Grâce à une amie commune. Je me souviens que le jour où je l’ai rencontrée, elle m’a dit, avec tout l’humour qui la caractérise : « J’aimerais bien un jour jouer toi ! » Elle lisait mes conférences, mes livres, etc. Quand j’ai écrit ce texte, au départ, j’étais assez persuadée qu’un homme le jouerait. C’était évidemment la première évidence, puis que le personnage s’appelle Abraham et que c’est un garçon. J’en ai beaucoup parlé avec Stéphane Freiss, qui jouait alors La promesse de l’aube au Poche Montparnasse. On a beaucoup discuté de la place de Gary dans nos vies. Et puis tout à coup, le fait que cela devait être joué par une femme s’est imposé comme une évidence. Justement au nom de ce refus de l’assignation identitaire, je me suis dit que cela serait beaucoup plus fort qu’une femme joue le rôle. Cela a été comme une révélation, mon Sinaï, que c’était Johanna qui devait jouer ce personnage. Pour plein de raisons, mais notamment parce que je pense qu’il y a très peu de comédiennes, voire aucune, qui soient capables comme elle d’investir autant le féminin que le masculin. Elle a une capacité par son corps et par sa voix à habiter des registres d’ultraféminité et à basculer, une seconde plus tard, dans une virilité troublante. C’était parfait pour ce rôle, qui d’une certaine manière et celui d’un personnage en mutation. Quand elle vous a présenté le résultat, très audacieux, original, quelle a été votre réaction ? Delphine Horvilleur : Je suis tombée des nues, en fait ! Volontairement, je n’avais pas voulu suivre l’évolution au plateau. Lorsque je l’ai découvert à la générale, j’ai été totalement bluffée parce que la surprise a été extraordinaire. Je me suis tout de suite dit : ce n’est pas moi qui ai écrit ça ! Alors que presque mot pour mot, c’est mon livre. Ils n’ont coupé que quelques passages, mais ils n’ont rien changé. C’est vraiment très fidèle au texte. Les idées de mise en scène et les émotions qu’ils explorent ne sont pas du tout celles dans lesquelles j’ai écrit mon texte. Ils poussent le personnage très loin dans sa colère, sa rage, sa folie. Il en sort un produit beaucoup plus grand que ce que j’avais en tête. C’est ça, pour moi, la magie du théâtre. Ça dépossède l’auteur pour le meilleur et pour le pire. Et dans ce cas-là, cela a été pour le meilleur. Dans le texte vous dites que l’on est aussi construit par nos lectures. L’art étant nécessaire, le succès du spectacle est réconfortant… Delphine Horvilleur : L’accueil du public m’a bouleversé. Effectivement, le succès est venu assez vite. Cela a commencé aux Plateaux Sauvages, puis tourné dans plein d’endroits, pour arriver ensuite au Rond-Point et atterrir maintenant à l’Atelier. J’ai été également bouleversée de voir que cela déclenchait des réactions très fortes. La mise en scène ne laisse pas les gens insensibles. Ils ont réussi à créer un univers de métamorphoses qui, à mon sens, a un effet salutaire, presque politique. Et ce n’est pas un petit mot : il était important pour moi qu’il y ait dans cette pièce un message politique fort pour la période que l’on vit aujourd’hui. Les questions d’appropriation culturelle, de transidentité, tous ces sujets qui nous habitent et qui vont nous hanter dans les années à venir sont portés en filigrane par Gary et donc par ce qu’ils en ont fait. Propos recueillis par Marie-Céline / L'Oeil d'Olivier Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur Théâtre de l’Atelier 1 place Charles Dullin 75018 Paris. Du 1er septembre au 1er octobre 2023. Les vendredis et samedis à 19h, les dimanches à 16h, relâche les 8, 9 et 10 sept. Durée 1h15.
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