Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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May 4, 2023 12:51 PM
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« La région Auvergne-Rhône-Alpes se déshonore en supprimant la subvention allouée au Théâtre nouvelle génération de Lyon »

« La région Auvergne-Rhône-Alpes se déshonore en supprimant la subvention allouée au Théâtre nouvelle génération de Lyon » | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Un collectif de personnalités du théâtre public et d’anciens ministres de la culture dénonce, dans une tribune au « Monde », les dérives autoritaires du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Il serait reproché au directeur du TNG d’avoir critiqué, en tant qu’élu syndical, la politique culturelle de la région.

 



https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/04/la-region-auvergne-rhone-alpes-se-deshonore-en-supprimant-la-subvention-allouee-au-theatre-nouvelle-generation-de-lyon_6172097_3232.html?fbclid=IwAR0WZXXrjtIQP2cx3T1rF7ef6Ds-A_mwCgWgqP7x9R5r3oHys8algdACrpU#xtor=AL-32280270-%5Bfacebook%5D-%5Bios%5D

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Nous avons découvert avec stupéfaction et colère la mesure brutale et injustifiée qui vient de frapper le Théâtre nouvelle génération (TNG)-Centre dramatique national de Lyon : le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes a, en effet, décidé de supprimer purement et simplement la subvention qu’il allouait au théâtre.

Cette mesure, annoncée le 28 avril, vient mettre en péril non seulement la réalisation de ses missions de service public en direction des habitantes et des habitants de la région, mais également les emplois artistiques, administratifs et techniques qui rendent possible l’action du TNG.

L’argument invoqué pour justifier cette décision profondément destructrice, c’est que le directeur du TNG, Joris Mathieu, refuse de discuter avec l’exécutif régional. C’est évidemment une contre-vérité stupéfiante, lorsque l’on sait que la région Auvergne-Rhône-Alpes a rompu unilatéralement tous les échanges avec le secteur culturel et ses représentants depuis les baisses brutales de subventions de mai 2022.

 

Ce qui est reproché en réalité à Joris Mathieu, c’est d’avoir, dans le cadre de ses fonctions d’élu au bureau du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), pris position fermement contre la politique culturelle menée par la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis un an.

 

La mesure punitive qui frappe le TNG est une mesure d’intimidation, qui attaque la liberté d’expression d’un représentant syndical. Cette attaque constitue un dangereux précédent : c’est une violation grave des règles élémentaires du dialogue social, et une rupture patente de notre pacte républicain.

Justification mensongère

Joris Mathieu s’est contenté de rappeler les méthodes délétères du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes en matière culturelle : absence totale de concertation et refus de tout dialogue, coupes budgétaires arbitraires, brutales et injustifiées, attaques contre des lieux de création, justification mensongère d’un rééquilibrage territorial, alors même que la région Auvergne-Rhône-Alpes investit moins dans la culture que la plupart des régions de France.

Le conseil régional a le droit de trouver son réquisitoire sévère, il peut tenter de lui apporter les démentis qu’il jugera bons. En revanche, il se déshonore gravement en pratiquant la rétorsion comme il vient de le faire. Pis : il vient corroborer de manière éclatante tout ce que Joris Mathieu avait précisément tenté de dénoncer.

 

Il ne faudrait pas que l’attaque contre le TNG soit l’arbre qui cache la forêt. De nombreux lieux de culture et d’art ont été victimes, en 2022, des mesures brutales de la région, à travers des coupes budgétaires drastiques et arbitraires. D’autres seront frappés en 2023, ce qui viendra fragiliser encore davantage le milieu culturel et artistique d’Auvergne-Rhône-Alpes.

 

Ces baisses interviendront, cette année encore, hors de toute concertation, alors que l’exercice budgétaire 2023 est déjà très largement entamé, au milieu d’une situation déjà très difficile, marquée par l’inflation et la crise énergétique.

Dérives populistes et autoritaires

En urgence, nous en appelons à la mobilisation des autres partenaires publics du TNG, afin que cette mesure punitive n’empêche la poursuite de ses missions. Le TNG pourra par ailleurs compter sur la solidarité active des autres théâtres du secteur public partout sur le territoire. Nous refusons cette volonté d’intimidation, qui vise à affaiblir une maison de création, et à faire taire un de nos représentants

 
 

Mais nous tenons aujourd’hui à alerter sur la gravité de ce qui se joue en Auvergne-Rhône-Alpes. Les dérives populistes et autoritaires prennent souvent le terrain culturel comme premier champ d’expérimentation. Nous constatons aujourd’hui que les pratiques de l’extrême droite ne sont plus l’apanage des partis d’extrême droite, et qu’elles peuvent désormais contaminer des collectivités que nous pensions attachées au débat démocratique et aux principes républicains.

C’est pourquoi nous demandons à tous les élus de l’assemblée régionale qui sont fermement attachés à ces principes de refuser de voter le budget culturel de la région, pour rappeler l’exécutif régional à ses devoirs de dialogue et de concertation.

Enfin, nous lançons un appel solennel à toutes et tous les élus de notre pays, quelle que soit leur orientation politique : les principes fondateurs de notre République sont ici concrètement attaqués. Il nous faut, ensemble, défendre urgemment et de façon forte le pacte républicain.

 

 

Les signataires : Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture ; Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre de la culture ; Bruno Bouché, directeur du CCN Ballet du Rhin, président de l’Association des centres chorégraphiques nationaux ; Emilie Capliez, codirectrice de la Comédie de Colmar-CDN Grand-Est Alsace, présidente de l’Association des centres dramatiques nationaux ; Laurent Dréano, directeur de la Maison de la culture d’Amiens et président de l’Association des scènes nationales ; Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la culture ; Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil ; Wajdi Mouawad, directeur du théâtre national La Colline ; Stanislas Nordey, directeur du Théâtre national de Strasbourg ; Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon

 

 

Liste complète des signataires

 

 

 

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May 3, 2023 6:33 AM
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Le Printemps des comédiens entame sa mue à l'occasion de sa 37e édition

Le Printemps des comédiens entame sa mue à l'occasion de sa 37e édition | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Le Figaro avec AFP  03/05/23

 

À Montpellier, le Printemps des comédiens ouvrira ses portes du 1er au 21 juin 2023, et réunira différents auteurs pour faire du festival un événement international avec en tête de file le metteur en scène Ivo Van Hove.

Le Printemps des comédiens, festival de théâtre qui se tiendra à Montpellier du 1er au 21 juin, entame sa mue en une «cité européenne du théâtre», avec en ouverture sa première production internationale d'envergure confiée au metteur en scène star Ivo van Hove


«Un événement très important se dessine: la création d'une cellule de production dans la perspective de la fusion du Printemps des comédiens et du Domaine d'O pour faire une Cité européenne du théâtre», a confié à un mois de l'ouverture de la 37e édition Jean Varela, directeur de ces deux institutions appelées à n'en devenir qu'une début 2024. Cette fusion «contribue à consolider le travail entrepris depuis plusieurs années, à savoir créer une filière du théâtre à Montpellier», a-t-il ajouté, en citant les collaborations avec les écoles de théâtre et autres master class qui se multiplieront dès l'an prochain.

Les «metteurs en scène au moins européens», comme l'enfant terrible du théâtre italien Romeo Castellucci, ainsi que «les artistes formés et qui vivent sur le territoire», trouveront leur place dans la nouvelle structure, qui s'inscrit aussi dans la candidature de Montpellier pour le titre de capitale européenne de la Culture 2028, souligne-t-il.

Pour marquer le début de cette transition, le Printemps des comédiens a donc confié cette année sa «première grosse production internationale» au Belge Ivo van Hove, un habitué du festival, qui a récemment fait sensation avec sa reprise à Broadway de West Side Story et avec la première version du Tartuffe de Molière qu'il a montée à la Comédie-Française. Ivo van Hove s'est cette fois emparé de deux textes du cinéaste suédois Ingmar Bergman, Après la répétition et Persona, pour lesquels il a fait appel entre autres à Charles Berling et Emmanuelle Bercot. Après Montpellier du 1er au 4 juin, le diptyque sera joué cet hiver au Théâtre de la ville de Paris, puis à Luxembourg, Genève, Toulon, Le Havre ou encore La Rochelle.

«Penser les incertitudes du temps»
«Cette édition nous plonge dans des questionnements très prégnants sur la situation politique de l'Europe. Ce sera un théâtre non-didactique, mais un théâtre joyeux, de troupe, qui n'assène pas de réponse mais qui nous aide plutôt à faire face aux incertitudes du temps», a souligné Jean Varela.

Avec De Wij (Le Vij), le metteur en scène et cinéaste russe en exil Kirill Serebrennikov auteur du film La Femme de Tchaïkovski, qui signera la saison prochaine à l'Opéra de Paris sa première production d'opéra en France avec Lohengrin de Wagner dénoncera une fois de plus la guerre en Ukraine en s'inspirant d'un vieux mythe russe rendu célèbre par Gogol.



Julien Gosselin présentera quant à lui une nouvelle pièce fleuve de 5 heures, Extinction, consacrée à la Vienne de l'avant-Première Guerre mondiale, qui sera ensuite jouée en juillet au prestigieux Festival d'Avignon. «Vu de l'autre bout du monde, Montpellier, Avignon, Aix-en-Provence, Arles... C'est le même quartier. On peut voir y voir le meilleur de la création internationale en un temps resserré, c'est extraordinaire», s'enthousiasme Jean Varela, en saluant «une nouvelle façon de penser les choses, de travailler en proximité, en réseau avec nos voisins».

Parmi les autres moments forts du «Printemps», son patron pointe notamment L'Esthétique de la résistance, mis en scène par Sylvain Creuzevault d'après l'œuvre de Peter Weiss, sur la montée du nazisme, Ubu de Bob Wilson, d'après Alfred Jarry et Joan Miro, Oasis de la Impunidad de la compagnie chilienne la Re-Sendidan ou encore Léon Blum, une vie héroïque, de Charles Berling, Philippe Collin et Violaine Ballet, sur l'une des grandes figures du socialisme du XXe siècle.

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May 1, 2023 10:42 AM
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“Je célèbre le fait de ne plus haïr mon corps, de ne plus le trouver monstrueux” : par l’art, No Anger œuvre à la représentation du “corps handicapé”

“Je célèbre le fait de ne plus haïr mon corps, de ne plus le trouver monstrueux” : par l’art, No Anger œuvre à la représentation du “corps handicapé” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Article de Pauline Allione  paru dans Konbini - 27/04/2028

 

 

Dans ses performances, l’artiste articule ses réflexions sur la représentation des "corps handicapés" et de la sexualité, ainsi que les luttes féministe, queer et antivalidiste.

 

“Peut-être faut-il imaginer Quasimodo heureux ?”, suggère No Anger en introduction de sa performance chorégraphique qui porte le nom du célèbre personnage bossu. Dans ses œuvres, la chercheuse et danseuse qui a doucement glissé vers l’artivisme propose de nouvelles esthétiques du “corps handicapé”, selon ses termes.

 

Sélectionnée pour le prix Utopi·e 2023, qui célèbre la création LGBTQIA+, l’artiste lie l’intime au politique et articule les luttes féministe, queer et antivalidiste dont elle est investie dans des performances poignantes et nécessaires. Portrait.

“Quitte à ce que mon corps soit exposé, il me fallait une façon de l’exposer qui me soit plus confortable.”

Docteure en sciences politiques et chercheuse à l’ENS de Lyon, No Anger est presque devenue artiste “sans le faire exprès”“Je me destinais au métier de la recherche parce que, pendant très longtemps, je pensais qu’une profession intellectuelle – où le corps n’est pas au premier plan – conviendrait mieux, du fait de mon handicap.”

 

Mais lors de ses premières conférences en tant que chercheuse, elle se sent embarrassée par son corps, en situation de handicap physique, notamment en comparaison à ses collègues valides qui mettent aisément en jeu leur corps, leur voix. “Quitte à ce que mon corps soit exposé, il me fallait une façon de l’exposer qui me soit plus confortable. Ne pas l’engager qu’à moitié, mais l’engager autrement.”

 

Elle commence à danser et à nourrir ses réflexions de mouvements (et inversement) lors de performances. “J’ai mis très longtemps à me sentir légitime à me dire artiste, parce que, déjà, je n’ai pas fait d’école d’art. Et ensuite, mon corps ne ressemble pas aux corps des artistes et, même si, depuis l’enfance, j’écrivais et je dansais, j’avais du mal à me projeter dans ce mot d’artiste et dans cet imaginaire-là.”

Comédienne, danseuse et performeuse, elle performe en 2015 dans le film My Body My Rules (2017) d’Émilie Jouvet, puis joue pour la première fois Quasimodo aux miroirs, l’une de ses œuvres les plus emblématiques, au MACVAL, en 2018.

 

 

“Par cette cérémonie, je célébrais le fait de ne plus haïr mon corps, d’avoir appris à ne plus le trouver monstrueux.”

Danseuse, mais également essayiste sur son blog À mon geste défendant, No Anger aborde dans son œuvre les questions de sexualisation des corps, de représentations des corps en situation de handicap, de rapports de domination, de lesbianisme ou encore d’émancipation des récits normatifs et hégémoniques.

 

Sur scène, la performeuse traduit ses luttes et réflexions politiques, souvent tirées de sa propre expérience, notamment de son corps, qui se trouve au cœur de son œuvre et de son artivisme. En 2019, pour marquer symboliquement son amour pour son enveloppe corporelle, No Anger se marie à elle-même et se fait tatouer une alliance autour de l’orteil. “Par cette cérémonie, je célébrais le fait de ne plus haïr mon corps, d’avoir appris à ne plus le trouver monstrueux, d’avoir appris à lui rendre justice. Je formulais aussi l’engagement de toujours traiter mon corps avec tendresse.”

“Je pouvais inventer ma propre sexualité, elle pouvait ne pas être figée dans des schémas hétérocentrés et validocentrés.”

C’est quelques années plus tôt que l’idée de réinventer son corps devient centrale pour No Anger. Elle fait alors une rencontre déterminante, une amie avec qui elle fait son virage queer et qui lui fait découvrir Monique Wittig et Mutantes de Virginie Despentes.

 

“Ces deux œuvres m’ont non seulement confortée sur l’idée de réinvention du corps, mais m’ont aussi permis d’élargir la question de la réinvention à la sexualité. Je pouvais inventer ma propre sexualité, elle pouvait ne pas être figée dans des schémas hétérocentrés et validocentrés”, nous confie-t-elle.

 

Afin de faire passer ses messages sur scène, No Anger mobilise le langage et l’imaginaire dominants, et a souvent recours à l’humour. “Dans une séquence de Quasimodo aux miroirs, je parodie la scène du film Huit femmes où Fanny Ardant enlève ses gants… sauf que moi c’est avec mes chaussettes. Ça marque une sorte de rupture entre cette image hégémonique du corps féminin valide et celle de mon propre corps.”

 

En perpétuelle exploration de son corps, No Anger vivait au départ l’écriture comme un costume de scène et une armure protectrice vis-à-vis des regards extérieurs. Puis, peu à peu, l’imbrication de l’écriture, de la recherche et de la danse a transformé sa grille de lecture et sa propre appréhension de son corps. “J’ai fait corps avec ce costume et j’ai affirmé, en même temps que je les apprenais, les possibles de mon corps.”

 

 

L’exposition des dix artistes du prix Utopi·e se tiendra du 24 au 28 mai 2023, aux Magasins Généraux, à Pantin.

Konbini, partenaire d’Utopi·e.
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April 29, 2023 3:53 PM
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Laurent Wauquiez supprime l’aide au Théâtre nouvelle génération de Lyon pour punir son directeur

Laurent Wauquiez supprime l’aide au Théâtre nouvelle génération de Lyon pour punir son directeur | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Richard Schittly dans Le Monde  29/04/2023

 

Selon Joris Mathieu, à la tête de l’établissement, cette décision illustre « la culture de la peur » instaurée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes par M. Wauquiez.

 

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/29/laurent-wauquiez-supprime-l-aide-au-theatre-nouvelle-generation-de-lyon-pour-punir-son-directeur_6171542_3246.html#xtor=AL-32280270-%5Btwitter%5D-%5Bios%5D

 

La région Auvergne-Rhône-Alpes présidée par Laurent Wauquiez (Les Républicains, LR) a annoncé la suppression totale de la subvention annuelle de 149 000 euros au Théâtre nouvelle génération (TNG) de Lyon. Une décision prise en rétorsion aux propos tenus par Joris Mathieu, son directeur, dans le magazine Télérama du 20 avril, qui s’exprimait en tant que membre du bureau national du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac).

 

 

« Nous avons bien entendu les propos et les désaccords du directeur et nous avons fait le choix de retirer l’intégralité du financement à cette structure », a justifié sans ambages Sophie Rotkopf, lors d’une conférence de presse, vendredi 28 avril. « Comment voulez-vous discuter avec quelqu’un qui ne veut pas discuter ? Il n’a de cesse de mépriser la région, et à travers sa démarche il méprise tous les habitants en dehors de la métropole lyonnaise », a asséné la vice-présidente déléguée à la culture de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

 

 

 

Pour Joris Mathieu, cette brutale décision donne l’impression d’une parfaite démonstration de « la culture de la peur » qu’il a dénoncée dans sa tribune à l’hebdomadaire. Selon lui, la baisse générale des subventions culturelles entreprise depuis le début du second mandat de M. Wauquiez participe d’une « gouvernance hypercentralisée ». « Dire que nous n’avons pas voulu discuter, c’est une inversion de la réalité. Après une baisse des aides sans aucune concertation préalable, les organisations professionnelles n’ont jamais été reçues malgré leurs demandes répétées, les décisions tombent par voie de presse », affirme au Monde Joris Mathieu.

Une faible part culturelle budgétaire

Le metteur en scène rappelle que la région Auvergne-Rhône-Alpes se situe en avant-dernière position des douze régions françaises dans la part culturelle de son budget global, soit 8,44 euros par habitant et par an, contre 12 euros en moyenne des régions. Le budget annuel consacré à la culture s’élève à 60,2 millions dans la deuxième région économique de France. Lorsqu’elle a décidé d’une baisse sans précédent des aides régionales aux institutions culturelles, la majorité présidée par M. Wauquiez a mis en avant une volonté de « rééquilibrage des territoires ». Ce principe a été réitéré pour justifier l’augmentation de 1,3 million d’euros, accordée cette année aux festivals organisés dans la région.

 

 

 
 

« Jusqu’à présent, les grandes institutions artistiques métropolitaines concentraient quasiment 60 % du budget culture de la région, au détriment des plus petites structures et manifestations des autres territoires », a estimé Mme Rotkopf. Après la baisse de 500 000 euros de sa subvention annuelle, l’opéra de Lyon voit le retour d’une aide de 200 000 euros, en récompense d’une « décentralisation de ses activités », à savoir des tournées locales de spectacles au format réduit. « Nous avons tendu une main que le directeur de l’opéra a su saisir, et c’est exemplaire », s’est félicitée l’élue de Roanne. « Nous avons lancé un message et nous espérons que le plus grand nombre le comprenne. A chacun d’être créatif », a ajouté Laurent Wauquiez, résumant l’état d’esprit qui préside aux choix des subventions régionales.

 

Mathieu Joris rappelle que le TNG mène déjà « de nombreuses actions dans les lycées et les communes environnantes. L’élue de la région n’est jamais venue à notre comité de suivi pour s’en rendre compte ». Premier centre dramatique national pour jeune public, depuis 1981, le TNG compte près de huit mille spectateurs scolaires par an, ainsi que mille heures d’ateliers concernant deux mille élèves de vingt-cinq établissements.

 

 

Pour Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la culture de la ville de Lyon, « cette façon de sanctionner ou récompenser des directeurs de scènes nationales en les nommant publiquement ne fait pas politique culturelle ». Et d’ajouter : « La région continue d’affaiblir dangereusement le secteur culturel en opposant les acteurs culturels entre eux, et en privilégiant une logique de projets annuels qui fragilise la permanence des emplois artistiques et techniques. »

 

 

 

Richard Schittly(Lyon, correspondant)

 

Légende photo : Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, lors du 18ᵉ congrès des régions de France, à Vichy (Allier), le 16 septembre 2022. THIERRY ZOCCOLAN / AFP

 

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April 28, 2023 5:56 PM
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La mort de Lucien Attoun, créateur du Théâtre ouvert et grande voix de France Culture

La mort de Lucien Attoun, créateur du Théâtre ouvert et grande voix de France Culture | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 28/04/2023

 

 

Spectateur infatigable et découvreur de talents hors pair, ce défenseur passionné de la jeune création est mort le 28 avril, à Paris, à l’âge de 87 ans.

Lire l'article sur le site du Monde : 
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2023/04/28/la-mort-de-lucien-attoun-createur-du-theatre-ouvert-et-grande-voix-de-france-culture_6171443_3382.html

Grande voix de France Culture, fondateur du Théâtre ouvert, inventeur des mises en espaces et inlassable passeur des écritures contemporaines, Lucien Attoun est mort le 28 avril, à Paris, à l’âge de 87 ans.

 

 

Cela faisait longtemps que l’on n’entendait plus sa voix à la radio. Plusieurs mois qu’on ne le voyait plus au théâtre. Et quelques étés qu’il ne se rendait plus au Festival d’Avignon. L’absence de ce spectateur professionnel dans les salles n’augurait rien de bon. Sa vie entière, depuis l’enfance, s’était confondue avec les arts de la scène. Une passion qu’il tenait de son père, chanteur, comédien et vedette de music-hall bien connue des Tunisiens.

 

 

 

Né le 8 septembre 1935, à La Goulette, en Tunisie, il arrive en France en 1947, avec sa mère et sa petite sœur Huguette. Lucien a 12 ans lorsqu’il entre en pension au Lycée Maïmonide de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il y croise Micheline Malignac. Il est alors loin de se douter que cette élève d’un an sa cadette deviendra sa femme, un 1er avril 1963. Ce n’est là que le premier d’une longue suite de hasards, dont ce juif tunisien malicieux, féru de blagues et d’anecdotes, saura toujours se saisir, transformant d’un geste résolu l’hypothétique en possibles. Il n’est pas homme à laisser filer la chance lorsqu’elle frappe à sa porte.

Sa volonté de fer lui vient-elle de l’injonction maternelle ? Lorsque sa mère décède, elle s’en remet à son sens des responsabilités : « Veille sur ta sœur. » A 16 ans, le voici propulsé chef de famille. Il multiplie les petits boulots. Des jobs alimentaires qui ne l’empêchent pas de fréquenter les milieux culturels. Dans les années 1950, il intègre le Groupe de théâtre antique de la Sorbonne, à Paris, et s’aventure dans la mise en scène (L’Ile des morts, de Strindberg, Antigone, d’Anouilh, ou Les Mouches, de Sartre, en 1961 à Carthage).

 

 

En pleine guerre d’Algérie, il réalise un court-métrage sur la torture. Il fonde en 1958 le Cercle international de la jeune critique. Il travaille pour la revue Europe, écrit des critiques dans Les Nouvelles Littéraires et Témoignage chrétien. Et se fait remarquer de la direction de France Culture lorsque Claire Jordan, journaliste sur la chaîne, lui demande en 1967 d’animer à ses côtés la Matinée Spectacles.

Flair remarquable

Le chroniqueur va prendre du galon. On le sollicite pour animer les cases laissées vacantes.  « Je suis devenu une sorte de SAMU du théâtre sur France Culture », racontait-il sans trop exagérer. En 1969, à l’occasion de la VIIIe Journée mondiale du théâtre, il occupe l’antenne de 9 heures du matin à minuit. Il crée le Nouveau répertoire dramatique (NRD), un espace radiophonique singulier ouvert aux jeunes auteurs vivants. Les manuscrits affluent. Il lit tout, repère le talent avec un flair remarquable. En 1972, le NRD diffusera ainsi L’Héritage, première pièce de Bernard-Marie Koltès (1948-1989). En 1975, les auditeurs découvrent Thomas Bernhard (1931-1989) et sa pièce L’Ignorant et le fou. Pour les dramaturges, une fenêtre vient de s’ouvrir vers la visibilité et un peu de reconnaissance. Ils seront nombreux à s’y engouffrer.

 

 

Faire entendre les auteurs, confronter leurs écrits au plateau, vérifier sur la scène ce que suscitent des langues élaborées entre les marges d’une page de papier : Lucien Attoun met toute son énergie au service de cette cause. Elle est le socle de son existence. En 1970, il crée la collection de pièces inédites « Théâtre ouvert », chez Stock. Cette même année, il provoque Jean Vilar (1912-1971), tout-puissant directeur du Festival d’Avignon.

« Lucien réprimandait Vilar parce qu’il ne laissait pas assez de place à la jeune création au Festival », se souvenait Micheline, devenue sa compagne. « J’ai tout essayé avec les auteurs contemporains, ça n’a jamais marché. Ici, c’est le royaume de Shakespeare ! Je vous mets au défi de créer quelque chose de nouveau », intime Vilar à Lucien Attoun. Le défi est relevé haut la main avec l’invention de la « mise en espace ». La règle du jeu est simple : treize jours de répétitions. Pas de décor ni de costume. Un texte inédit, un metteur en scène, des acteurs. Et une présentation publique au jour J, quel que soit l’état du travail.

 

Le 23 juillet 1971, à 22 heures, alors que retentissent les trompettes de Maurice Jarre, Théâtre ouvert (nom de baptême de ce « théâtre d’essai et de création ») est l’hôte turbulent des curieux qui délaissent la Cour d’honneur du Palais des Papes pour se presser dans les gravats de la Chapelle des Pénitents-Blancs. Le coup d’essai sera le prélude d’une des aventures les plus excitantes du spectacle vivant.

 

Jamais à court d’idées, Lucien Attoun crée des concepts, inaugure des formules, accouche de protocoles dont l’efficacité connaît un tel retentissement que leurs intitulés passent dans le vocabulaire courant. Mises en espace, mises en voix, cellules de création, gueuloir (inspiré du gueuloir de Flaubert, ce cadre permet à n’importe qui de présenter ses textes sans sélection préalable) et, bien plus tard, EPAT (pour Ecole pratique des auteurs de théâtre) : les outils servant la rencontre auteur/metteur en scène/acteurs s’additionnent et se perfectionnent.

 

Jean Vilar voulait de la nouveauté. Il est exaucé au-delà de ses espérances. A Avignon, la première manifestation du Théâtre ouvert fait un tabac. Allongé sur un lit de camp, Jean-Pierre Vincent (1942-2020) joue les malades, tandis que Jean Jourdheuil parodie l’intellectuel de gauche, sous le regard de l’auteur Serge Rezvani, perché sur une chaise d’arbitre de tennis. Sa pièce, Le Camp du drap d’or, est un énorme succès. Les voix du présent ont trouvé leur terrain de jeu. Sous les vieilles pierres des Pénitents-Blancs surgiront le théâtre du quotidien ou encore le théâtre-récit, conçu à partir de romans adaptés.

Politique d’auteurs

Lucien Attoun revendique le « droit à l’erreur ». Il ne s’agit pas d’un « droit à l’échec », précise-t-il aussitôt, dans un de ces mots d’esprit dont il a le secret. Adepte du « gâchis nécessaire », il détaille au journal Le Monde, en 1976, une note d’intention explicite. Elle relève de la feuille de route programmatique : « J’ai mis sur pied Théâtre ouvert parce que j’en avais assez des colloques sur les problèmes de la création contemporaine. (…) Une aberration consiste à réclamer le Shakespeare ou le Molière de notre temps. On devient Molière et Shakespeare après des siècles. (…) Si l’on veut établir une véritable politique d’auteurs, il faut investir sur le futur avant d’exploiter le présent. »

 

 

Théâtre ouvert sera la forteresse, souvent fragilisée mais toujours ardemment défendue, qui permettra l’avènement de cette politique d’auteurs. Les réussites avignonnaises, réitérées été après été depuis 1971, ont entériné la nécessité de la structure. En 1976, elle devient compagnie permanente, perçoit une subvention annuelle, mais reste itinérante. En 1979, ses deux codirecteurs claquent la porte du Festival lorsque Paul Puaux (1920-1998), successeur de Jean Vilar, exige un droit de regard sur leur programmation. Une pétition signée par 320 professionnels (parmi lesquels Patrice Chéreau, Eugène Ionesco ou Claude Régy) n’y fera rien. Il faudra attendre l’arrivée d’Alain Crombecque (1939-2009) à la tête du Festival, en 1985, pour que le couple reprenne le train vers les Pénitents-Blancs avignonnais. Entretemps, les Attoun ont trouvé asile à Paris.

 

 

En 1981, ils emménagent dans le 18e arrondissement, 4 bis, Cité Véron, dans les Jardins d’hiver du Moulin-Rouge, dont on aperçoit les ailes depuis leurs baies vitrées. Au-dessus de leurs têtes, la terrasse où résidèrent Boris Vian et Jacques Prévert. A l’intérieur des murs, deux salles de représentation, une coupole dorée, des loges et les bureaux administratifs. Combien sont-ils, auteurs débutants ou confirmés, à avoir grimpé les marches quatre à quatre, un manuscrit serré sous le bras, espérant un retour positif des maîtres des lieux, un passage sur France Culture ou une publication en « tapuscrit » (une autre des inventions maison) ?

Pour écluser les centaines de pièces qui arrivent chaque mois par la poste, un comité de lecture, composé des membres de l’équipe, se réunit régulièrement. L’endroit est à taille humaine. Les dossiers des dramaturges, contenant pêle-mêle échanges épistolaires, demandes de retravail, encouragements, refus ou bien contrats d’engagements se serrent dans les armoires. Sur les étiquettes, les noms donnent le vertige : Jean-Luc Lagarce, Bernard-Marie Koltès, Eugène Durif, Noëlle Renaude, Philippe Minyana, Michel Vinaver… Dans ce laboratoire chaleureux où l’esquisse et la tentative sont préférées aux formes abouties, la liberté de créer sans avoir à faire salle pleine est assurée, presque sécurisée, par la ligne claire des patrons.

 
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Lucien et Micheline Attoun, accoucheurs d'auteurs
 

En 1988, sous l’impulsion du directeur du théâtre et des spectacles au ministère de la culture, Robert Abirached (1930-2021), Théâtre ouvert obtient le label de Centre dramatique national de création. Juste reconnaissance de pouvoirs publics contre lesquels Lucien Attoun a bataillé sans relâche, n’abdiquant jamais son combat pour les écritures inédites, ne lâchant rien de son utopie. En 2003, après trente-cinq ans de présence, celui qui incarnait la voix du théâtre sur France Culture quitte la radio. Onze ans plus tard, en 2014, il rend les clés de Théâtre ouvert.

 

 

Ce passeur de textes, qui nourrissait sa conversation de souvenirs rapatriés depuis les profondeurs de sa mémoire, cet « homme du contemporain », dont la route a croisé celle d’Arthur Adamov, de Samuel Beckett, de Bob Wilson ou de Jean-Paul Sartre, a raconté sa vie à Antoine de Baecque dans un livre d’entretiens passionnants, Pour un théâtre contemporain (Actes Sud, 2014). « Travaille pour ton nom, ton nom travaillera pour toi », lui avait dit sa grand-mère lorsqu’il était enfant. Lucien Attoun a bien travaillé.

 

 

Joëlle Gayot /Le Monde 

 
Lucien Attoun lors de sa remise de l’insigne de commandeur de l’ordre des arts et des lettres à Paris, le 27 avril 2006. WOSTOK PRESS/MAXPPP
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April 26, 2023 4:55 PM
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"Il n’y a pas de Ajar" de Delphine Horvilleur et Johanna Nizard, un monologue passionnant contre l’identité !

"Il n’y a pas de Ajar" de Delphine Horvilleur et Johanna Nizard, un monologue passionnant contre l’identité ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Agnès Santi dans le journal La Terrasse - 23/04/2023

 

REPRISE/LES PLATEAUX SAUVAGES / TEXTE DE DELPHINE HORVILLEUR / MISE EN SCÈNE ARNAUD ALDIGÉ ET JOHANNA NIZARD

Reprise de ce texte fort avec l’interprétation magistrale de Johanna Nizard. Inspirées par Romain Gary, Delphine Horvilleur et Johanna Nizard créent une véritable entourloupe littéraire, incisive et hilarante. Sous-titrée « Monologue contre l’identité »,  la pièce interroge passionnément.   

 

Quelle extraordinaire interprète que Johanna Nizard, femme interprétant un homme, clown lyrique qui se métamorphose et nous apostrophe. Et quels mots puissants, irrévérencieux et drôles que ceux de Delphine Horvilleur, dont la colère contre l’enfermement et l’obsession identitaires, très en vogue en ce moment, transpire d’un « effrayant besoin de fraternité » qui ne renonce pas. Le plateau est « une cave toute noire qui sent le livre moisi ».  Quoique, pas si noire la cave, et pas si moisie l’odeur. Bien au contraire. Ce que nous offrent Delphine Horvilleur et Johanna Nizard, c’est plutôt un parfum universel, insolent et entêté, et c’est aussi une vive lumière qui persiste, lueur d’intelligence qu’on rallume contre le temps qui consume la vie, contre la connerie répandue qui suppose que l’autre est un ennemi, et aussi douce chaleur rituelle qui traverse les générations.  Sur scène se tient Abraham Ajar, « le rejeton d’une fiction très réelle », fils d’Emile Ajar, lui-même double de Romain Gary, supercherie littéraire qui valut à l’auteur d’être récompensé deux fois par le Prix Goncourt, pour Les Racines du ciel et La Vie devant soi. Abraham parle depuis une drôle de cave où la pluralité et l’incompréhensible sont célébrés comme condition de l’existence, où la vérité se diffracte en de multiples et inattendues directions, osant le grotesque et l’ironie. Il parle depuis son « trou juif », planque solitaire ainsi nommée par l’inoubliable Madame Rosa, hantée par Auschwitz, ex-prostituée qui accueille le jeune Momo. Avec une verve désopilante, de savoureux jeux de mots et un humour acéré, cette figure éminemment théâtrale évoque l’histoire folle d’Abraham, père de tous les croyants, la circoncision qui fait du juif un être incomplet (une scène dérangeante), la Marseillaise et son sang impur, l’hébreu qui ne conjugue pas le verbe être au présent, la Shoah, ou lors d’une scène hilarante le fait que les Juifs ne prononcent pas le nom de « vous savez qui », raillant ceux qui sont « hyper-connectés à la volonté de Dieu, (…) comme s’ils faisaient partie de sa garde rapprochée ».

 

Les délires d’Abraham, rejeton d’une fiction

 

Évidemment aucun ton sentencieux, aucune démonstration raisonnée dans ce « monologue contre l’identité », contre ceux qui savent ce que Dieu veut jusqu’à tuer en son nom, ceux qui s’imaginent ancrés dans une pureté indélébile, ceux qui rejettent l’autre qui évidemment est incapable de les comprendre, etc. Abraham aime à rappeler que « si t’es complètement, immanquablement toi-même, alors y’a rien à dire. » Dans le sillage admiratif de Romain Gary, place à la fiction qui se permet de moquer le réel, au mouvement, à l’interrogation, au trait vif et concis, volontiers provocateur, qui égratigne et fait réfléchir. Le texte aborde une foule de faits récents et sujets de société, de l’idolâtrie à l’appropriation culturelle, du combat contre le racisme et à la transidentité, des enjeux qui se laissent aujourd’hui tristement affaiblir par une pensée figée qui assigne et catégorise.

 

Ces excès rendent étriqués, indifférents à la souffrance de l’autre. Formidablement incarné par Johanna Nizard, qui se transforme de manière sidérante, Abraham l’insaisissable célèbre le pouvoir des livres et des histoires qui construisent et transforment les êtres. Il – elle – tend un miroir et défend un idéalisme de combat malgré la rage et le désespoir.

 

Agnès Santi / La Terrasse

 

 

Il n’y a pas de Ajar
du lundi 15 mai 2023 au vendredi 26 mai 2023
Les Plateaux Sauvages
5 Rue des Plâtrières, 75020 Paris

du lundi au vendredi à 20h, samedi à 17h30. Tél : 01 83 75 55 70. Durée : 1h15. Texte publié aux Éditions Grasset.

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April 25, 2023 1:09 PM
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Dans « Nos jardins », Amine Adjina et Emilie Prévosteau mettent en scène les luttes collectives d’hier et d’aujourd’hui

Dans « Nos jardins », Amine Adjina et Emilie Prévosteau mettent en scène les luttes collectives d’hier et d’aujourd’hui | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Cristina Marino dans Le Monde 25/04/2023

 

Les deux artistes fondateurs de La Compagnie du double poursuivent leur exploration de l’histoire de France entamée en 2021.

 

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/25/dans-nos-jardins-amine-adjina-et-emilie-prevosteau-mettent-en-scene-les-luttes-collectives-d-hier-et-d-aujourd-hui_6170966_3246.html

Si Nos jardins, spectacle créé par la Compagnie du double, en décembre 2022, au Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon (Vendée), peut être vu comme le deuxième volet d’Histoire(s) de France, déjà conçu, en 2021, par le duo formé par Amine Adjina et Emilie Prévosteau, c’est surtout sur le plan de la thématique abordée : la salle de classe comme écho de la « grande histoire ». Comme dans Histoire(s) de France, le récit principal – la lutte des habitants d’un quartier de banlieue pour éviter la destruction de leurs jardins ouvriers par des promoteurs immobiliers – est entrecoupé par des scènes renvoyant à différentes périodes historiques – la fin du règne de Louis XIV et la Commune de Paris, entre autres. Mais les personnages ne sont plus les mêmes, les collégiens Arthur, Camille et Ibrahim cèdent la place aux lycéens Manon, Méli et Gauthier.

 

 

 
 

Pour écrire son texte, l’auteur, comédien et metteur en scène Amine Adjina s’est inspiré d’un fait divers récent : le combat mené depuis 2021 par des citoyens d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) pour s’opposer à la disparition de jardins ouvriers menacés par la construction du futur complexe aquatique des Jeux olympiques de 2024. Cette lutte collective à la résonance très actuelle est incarnée par un trio de lycéens engagés aux côtés de leurs parents, deux filles, Manon et Méli, qui finissent par embarquer dans leur action un garçon d’abord réticent à se mobiliser, Gauthier. Ces trois personnages, ancrés dans la vie quotidienne de jeunes de banlieue au XXIe siècle, se font aussi le reflet des luttes d’autrefois, en interprétant des figures historiques tout droit surgies du passé : Louis XIV obnubilé par sa passion pour le jardin à la française façon Le Nôtre, qui reste indifférent à la montée de la colère de son peuple ; Louise Michel, écrivaine et militante anarchiste qui s’est illustrée par son rôle dans la Commune de Paris, en 1871.

Trio remarquable de jeunes comédiens

On retrouve dans Nos jardins ce qui faisait déjà la force du précédent opus, Histoire(s) de France : une bonne dose d’humour et de comique de situation, mais surtout une interprétation de qualité. Les trois comédiens, Mélisande Dorvault, Manon Hugny et Gauthier Wahl, ont été repérés par Amine Adjina et Emilie Prévosteau sur les bancs de l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris, où ils enseignent tous les deux. Que ce soit dans la peau des lycéens auxquels ils donnent leurs prénoms comme dans celle des différents personnages historiques qu’ils incarnent au gré du récit, ils font preuve, en dépit de leur jeune âge, d’une remarquable maturité et d’une impressionnante justesse de ton.

 

 

Manon Hugny, avec ses faux airs de Nadia Tereszkiewicz, César du meilleur espoir féminin 2023 pour son rôle dans Les Amandiers, de Valeria Bruni Tedeschi, campe avec fougue une militante de la première heure, résolument féministe et écolo. Mélisande Dorvault ajoute une touche de mélancolie au personnage de Méli et y apporte son talent de chanteuse et de musicienne. Quant à Gauthier Wahl, il est irrésistible en Louis XIV « jupitérien », imbu de sa royale personne.

 

 

 

Autre atout de cette pièce, son astucieux et léger dispositif scénique conçu pour lui permettre d’être jouée dans différents lieux, non seulement des salles de théâtre classiques mais aussi des salles de classe, ou en extérieur, dans des jardins, des cours d’école, etc. La proximité du trio de comédiens avec le public réparti de chaque côté de l’espace de représentation (ils viennent à tour de rôle s’asseoir aux côtés des spectateurs) contribue aussi à créer une atmosphère de connivence, propice à la discussion et au débat. L’échange entre les deux se poursuit parfois au-delà du spectacle lui-même, dans le cadre de rencontres avec la troupe autour de thèmes en phase avec l’actualité la plus récente comme l’engagement, la révolte populaire ou l’émergence d’une conscience politique, individuelle et collective.

 

 

Nos jardins. Histoire(s) de France #2, par la Compagnie du double. Texte : Amine Adjina. Mise en scène : Amine Adjina et Emilie Prévosteau. Avec Mélisande Dorvault, Manon Hugny et Gauthier Wahl. A partir de 15 ans. Prochaines dates : samedi 27 mai, à 18 heures, au parc Salagnac, 25, boulevard de Stalingrad, Malakoff (Hauts-de-Seine). Le spectacle sera joué toute la semaine, du 22 au 26 mai, dans des lycées et dans les villes voisines, dans le cadre de la programmation du Théâtre 71 – Malakoff scène nationale.

 

Cristina Marino / Le Monde 

 

 

Légende photo :De gauche à droite : Manon (Manon Hugny), Méli (Mélisande Dorvault) et Gauthier (Gauthier Wahl) dans « Nos jardins », d’Amine Adjina et Emilie Prévosteau, le 5 janvier 2023, au Théâtre d’Angoulême - Scène nationale. GÉRALDINE ARESTEANU

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April 25, 2023 4:34 AM
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A la 34ᵉ cérémonie des Molières, la réplique d’une ministre, le triomphe de la Comédie-Française et la domination sans surprise du théâtre privé

A la 34ᵉ cérémonie des Molières, la réplique d’une ministre, le triomphe de la Comédie-Française et la domination sans surprise du théâtre privé | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandrine Blanchard dans Le Monde - 25 avril 2023

 

« Oublie-moi », « Les Poupées persanes », « Glenn, naissance d’un prodige », « Starmania » : le privé a remporté quatorze des dix-neuf prix distribués lors d’une soirée marquée par l’échange entre deux actrices de la CGT-Spectacle et Rima Abdul-Malak.

 


Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/25/a-la-34-ceremonie-des-molieres-la-replique-d-une-ministre-le-triomphe-de-la-comedie-francaise-et-la-domination-sans-surprise-du-theatre-prive_6170868_3246.html

Devant le Théâtre de Paris, où s’est déroulée cette Nuit des Molières, le ton était donné. A l’appel de la CGT-Spectacle, une centaine de manifestants ont accueilli les invités, dont la ministre, par un concert de casseroles. A l’intérieur, l’ambiance s’est d’abord voulue festive. En maître de cérémonie efficace, Alexis Michalik a débuté la soirée à la manière d’une comédie musicale (clin d’œil à son spectacle Les Producteurs) avant de s’afficher en maître des horloges, promettant une remise de prix en deux heures chrono. Pari presque tenu. Car c’était compter sans la survenue d’une séquence éminemment politique.

 

 

 

Deux artistes sont venues sur scène pour dénoncer, dans un discours virulent, une réforme des retraites menée « contre tout un pays » et interpeller la ministre. « Quand allez-vous sortir de votre silence ? », ont lancé Toufan Manoutcheri et Lucie Astier, reprochant à Rima Abdul-Malak de ne pas avoir répondu aux questions des syndicats sur les conséquences de la réforme pour les travailleurs du secteur culturel, ni sur les spectacles annulés à la suite de la hausse des coûts de l’énergie ou des menaces de l’extrême droite. Ce temps de parole avait été négocié entre la CGT-Spectacle et les organisateurs de la soirée. Mais, fait rarissime, la ministre s’est levée de son siège et a décidé, sans quitter sa place, de répondre aux syndicalistes. Comme par magie, un technicien lui a tout de suite tendu un micro.

 

Rima Abdul-Malak n’a pas parlé des retraites, mais a rappelé que son ministère « défend l’exception culturelle française, défend le système de l’intermittence et a mis en place des aides massives pendant la crise du Covid pour soutenir tous les secteurs de la culture. Inflation, facture d’énergie ? A chaque fois, j’ai développé des aides historiques pour venir en aide aux structures les plus fragiles. Les menaces contre des expositions, contre des spectacles, à chaque fois j’ai élevé la voix pour défendre la liberté de création ». Alors que les organisations syndicales refusent de se rendre au prochain Conseil national des professions du spectacle (CNPS), prévu le 27 avril Rue de Valois, la ministre a conclu : « Il est encore temps de changer d’avis, je suis là, ma porte est ouverte, et bonne soirée ! »

« On avait dit pas de politique »

Les deux camps ont tour à tour été applaudis. Mais ce n’en était pas fini avec la politique. En macroniste de la première heure, Jean-Marc Dumontet, président des Molières, a marché dans les pas de Mme Abdul-Malak. « Nous avons la chance de vivre dans un grand pays qui accompagne la culture et ses créateurs », a-t-il défendu. Et le producteur d’ajouter, à l’attention des syndicalistes : « Quand j’entends que nous serions dans un pays ultralibéral, j’ai du mal à le croire au regard du niveau de nos prélèvements, qui est le plus élevé du monde occidental. Il faut qu’on sorte tous de nos postures. » Mais quel rapport avec les Molières ? « On avait dit pas de politique, mais ce n’est pas grave », soupire Alexis Michalik.

 


L’acteur, écrivain, réalisateur et metteur en scène franco-britannique Alexis Michalik anime la 34ᵉ cérémonie des Molières, au Théâtre de Paris, à Paris, le 24 avril 2023. EMMANUEL DUNAND / AFP

Entre quelques faux reportages de France 3 Ile-de-France pour illustrer les clichés attachés au théâtre (l’ennui, la tragédie) et une histoire à tiroirs, poussive, de statuette cassée, cette cérémonie a affiché un palmarès déséquilibré. Plus que jamais, la part belle a été faite au théâtre privé, qui remporte quatorze des dix-neuf Molières distribués. Et parmi ces récompenses, trois spectacles ont en commun d’avoir été créés dans le Festival « off » d’Avignon : Oublie-moi (quatre Molières), Les Poupées persanes (deux Molières, dont celui de la meilleure autrice francophone pour Aïda Asgharzadeh), Glenn, naissance d’un prodige (deux Molières).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Théâtre : Aïda Asgharzadeh, l’exil en héritage
 
 

La Comédie-Française rafle quant à elle la quasi-totalité des trophées du théâtre public grâce à l’adaptation féministe de La Reine des neiges par Johanna Boyé et Elisabeth Ventura (Molière jeune public), et surtout grâce au Bourgeois gentilhomme et ses trois titres, meilleur spectacle, meilleure mise en scène et meilleur comédien pour Christian Hecq. « Il y a une chose qui résiste au temps, c’est la bêtise. Rions de notre bêtise, c’est le meilleur moyen de la combattre et ça, Monsieur Molière l’a compris il y a longtemps », a souligné le sociétaire du Français.

 

« Plus que huit Molières avant le cocktail »

Autre grand vainqueur de cette soirée, Starmania, mis en scène par Thomas Jolly, futur chef d’orchestre des cérémonies des Jeux olympiques, a obtenu, sans surprise, les Molières de la meilleure comédie musicale et de la création visuelle et sonore.

 

Plus étonnant, Laura Felpin a remporté la statuette du meilleur spectacle d’humour l’année où son « idole », Florence Foresti, était nommée pour son excellent Boys boys boys. « La personne qui m’a donné envie de faire ce métier est dans la salle, Florence, ce Molière, il est un peu à nous », a lancé la jeune et talentueuse humoriste.

 

Des bonnes blagues, il y en a eu peu lors de cette cérémonie où Alexis Michalik était obnubilé par le compte à rebours : « Plus que huit Molières avant le cocktail. » Le temps fut quand même pris de rendre hommage, pêle-mêle, au combat des femmes iraniennes et d’alerter sur la crise climatique. Un improbable duo, formé du comédien-humoriste Florent Peyre et de l’activiste pour le climat Camille Etienne, incita le public à lire le rapport « Décarbonons la culture ». Tandis que Nicole Ferroni se lançait, rapport des experts du GIEC en main, dans une imitation malaisante de la militante écolo qui avait fait irruption aux Césars.

 

Finalement, hormis une ministre qui réplique, rien ne change aux Molières. A la fin, pour le meilleur spectacle du théâtre privé, on retrouve toujours les mêmes producteurs sur scène : Fleur et Thibaud Houdinière, d’Atelier théâtre actuel, qui enchaînent, avec Oublie-moi, leur cinquième année de succès.

 

Sandrine Blanchard  / Le Monde 

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Le compte-rendu de Libération : 

La 34e cérémonie, présentée par un Alexis Michalik survolté et marquée par l’intervention musclée de la ministre de la Culture en réponse à la CGT, a bizarrement tourné à l’autodénigrement permanent. Compte rendu et palmarès.
 

 


Alexis Michalik avait prévenu : «Il faut que la cérémonie soit sympa», et pour ce faire, quoi de mieux que d’accueillir chez soi. Dans le velours rouge du Théâtre de Paris, où sa dernière pièce les Producteurs massacre tous les soirs le classique de Mel Brooks, le startuper chouchou du théâtre privé débarque en chanson sur un air jazzeux de comédie musicale qui ne manque pas d’un panache désuet. Maître incontesté et apparemment craint, il règne en majesté sur un tout petit monde mené à la baguette. Il ne faut pas que ça dure plus de deux heures, on est prévenu. Le temps c’est de l’argent – la comique Marina Rollman, seule personne lucide apparemment sur scène fait des blagues sur sa gueule d’étudiant à HEC – il consulte sa Rolex, engueule tout le monde avec son air de cadre sup, évoque sans cesse le cocktail qu’il va pouvoir boire après. Rima Abdul-Malak prend la parole de manière inopinée pour défendre la politique du gouvernement et le soutien à l’exception française ? On enchaîne sur la nécro.

 

La tactique de Michalik pour garder le rythme et lutter contre l’ennemi numéro 1 au théâtre (l’ennui) est apparemment simple, et le parti pris assumé : un autodénigrement censé anticiper tous les procès en chiantise, et qui consiste donc à rappeler en permanence qu’il faut avancer, que de toute façon les stars nominées ne sont pas là (Isabelle Huppert, Jacques Gamblin), qu’on sait déjà qui va gagner, qu’il n’y a que des vieux qui regardent – de faux reportages France 3 Ile-de-France parodient désastreusement des sujets poussifs du JT de 13 heures sur le théâtre et la culture. La stratégie est maligne, mais se retourne vite :  on va le prendre, le bâton pour te battre.

 

Etriqués dans le théâtre à l’italienne, les extraits n’ont pas le temps d’être diffusés, les lauréats émus n’ont pas le temps de pleurer, les cabotins de cabotiner, les lyriques à peine le temps de filer des métaphores absurdes (palme à un certain Kamel Isker pour qui le théâtre est «une bombe à instruction massive», ou à Sara Giraudeau pour qui il est un «oiseau qui console» ou quelque chose comme ça). Dans ce cadre serré, les plus ambitieux ont quand même le temps de caser leurs poncifs, le fameux «le théâtre c’est» (la liberté / la vie / le monde), mais aussi, ces formules de retape que les habitués du festival d’Avignon ont l’habitude d’entendre toute la journée dans la rue : on rit, on pleure, on apprend des choses.

Clivage profond entre public et privé

Pour être bonne une pièce de théâtre, ça peut apparemment être trois choses : un sujet d’actu (avec des femmes puissantes, des femmes iraniennes, des femmes battues, des couples affectés par la maladie, parfois les quatre), des biographies (de Glenn Gould en l’occurrence), ou alors des textes de patrimoine (réduits à un: le Bourgeois gentilhomme). Toutes les pièces nommées se répartissent allègrement dans ce classement opportun, à côté duquel toute autre catégorie paraît aberrante et illustre seulement le clivage profond du théâtre français entre public et privé, dont le second, en toute logique, est le grand vainqueur.

Surnagent au-dessus du fossé les plus habiles – les «winners» du système – à savoir les dissidents de la Comédie française Christian Hecq et Valérie Lesort prompts à refourguer leurs productions aux salles privées, et Thomas Jolly, saltimbanque de luxe avec son veston rayé qui obtient deux statuettes pour  Starmania – meilleur spectacle musical et meilleure «création visuelle et sonore» (sic), avec le Luc Plamondon d’origine sur la scène mais sans «l’étoile du Berger». Les molières, c’est la fête au théâtre privé, la plupart des salles citées tout du long sont celles de Jean-Marc Dumontet, président des molières, qui monte sur scène sur un air de Marseillaise légèrement swinguant, et défend en bon soldat la politique macronienne et «notre belle démocratie». Merci Jean-Marc, dit Alexis.

 

Hors de cette grande-famille-du-théâtre-français totalement incestueuse, ce qui excède paraît surréel : un hommage à Peter Brook, d’une incongruité totale, rappelle au spectateur la possibilité d’un spectacle public libre hors de cette communauté d’une uniformité affligeante.

 

Une petite intervention de la CGT spectacle ne console pas des blagues mal dégrossies sur le mouvement social contre la réforme des retraites, ou de cette vraie fausse intervention de Nicole Ferroni en militante écolo (parodiant celle d’une militante écologiste aux césars), qui sonnent particulièrement cyniques, jusqu’à cette séquence hallucinante où le public est invité à remuer des hanches en hommage aux Iraniennes dévoilées. Sympa.

 

Lucile Commeaux / Libération

Le palmarès

Molière du spectacle de théâtre privé

Oublie-moi de Matthew Saeger (mise en scène Marie-Julie Baup et Thierry Lopez)

Molière du spectacle de théâtre public

Le Bourgeois gentilhomme de Molière (mise en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort, Comédie Française)

Molière de la mise en scène dans un spectacle de théâtre public

Christian Hecq et Valérie Lesort pour le Bourgeois gentilhomme

Molière de la mise en scène dans un spectacle de théâtre privé

Marie-Julie Baup et Thierry Lopez pour Oublie-moi

Molière du comédien dans un spectacle de théâtre public

Christian Hecq dans le Bourgeois gentilhomme

Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé

Thierry Lopez dans Oublie-moi

Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public

Sara Giraudeau dans le Syndrome de l’oiseau de Pierre Tré-Hardy (mise en scène Sara Giraudeau et Renaud Meyer)

Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé

Marie-Julie Baup dans Oublie-moi

Molière de l’auteur /autrice francophone vivant(e)

Aïda Asgharzadeh pour les Poupées persanes

Molière de la création visuelle et sonore

Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon, mise en scène Thomas Jolly

Molière du spectacle musical

Starmania

Molière de l’humour

Laura Felpin dans Ça passe de Laura Felpin et Cédric Salaun (mise en scène Nicolas Vital)

Molière de la comédie

Une idée géniale de Sébastien Castro (mise en scène Agnès Boury et José Paul)

Molière du seul(e) en scène

Tout le monde savait avec Sylvie Testud, d’Elodie Wallace (d’après Valérie Bacot et Clémence de Blasi, mise en scène Anne Bouvier).

Molière du comédien dans un second rôle

Kamel Isker dans les Poupées persanes

Molière de la comédienne dans un second rôle

Agnès Boury dans Une idée géniale de Sébastien Castro (mise en scène Agnès Boury et José Paul)

Molière de la révélation féminine

Lison Pennec dans Glenn, naissance d’un prodige d’Ivan Calbérac (mise en scène Ivan Calbérac)

Molière de la révélation masculine

Thomas Gendronneau dans Glenn, naissance d’un prodige d’Ivan Calbérac (mise en scène Ivan Calbérac)

Molière du jeune public

La Reine des neiges, l’histoire oubliée de Johanna Boyé et Elisabeth Ventura (mise en scène Johanna Boyé, Comédie Française)

 
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April 24, 2023 7:34 AM
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Catherine Hiegel, clown, magicienne et sorcière, la femme aux cent visages

Catherine Hiegel, clown, magicienne et sorcière, la femme aux cent visages | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde - 23/04/2023

 

Nommée aux Molières pour son rôle dans « Music-Hall », de Jean-Luc Lagarce, mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo, la comédienne a cultivé son art sur la frontière entre tragique et comique.


Lire l'article sur le site du "Monde" : 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/23/catherine-hiegel-clown-magicienne-et-sorciere-la-femme-aux-cent-visages_6170720_3246.html

Lundi 24 avril au soir, après la cérémonie des Molières, Catherine Hiegel aura peut-être ajouté une statuette à toutes celles, nombreuses, qui peuplent son appartement du 6e arrondissement de Paris. Si c’est le cas, il faudra faire de la place sur la cheminée du salon, déjà surchargée de figures, de figurines, de visages, qui essaiment aussi en bande organisée dans les autres pièces de ce repaire d’artiste à l’ancienne, rempli de livres et de secrétaires où se poser pour écrire.

 

La comédienne en plaisante, elle qui ne goûte ni les honneurs ni les récompenses officielles. A 76 ans, elle est toujours aussi peu rangée, aussi joueuse, libre et rebelle, dans son petit pull noir et gris très rock’n’roll, pour ne pas dire un peu punk.

 

 

Un Molière de plus (elle en a déjà eu deux), ou pas, dans la catégorie meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre privé, ne changera pas grand-chose à l’affaire. « Hiegel », comme on l’appelle dans la profession – l’abandon du prénom étant la marque des grands –, est, une fois de plus, géniale dans Music-Hall, la pièce de Jean-Luc Lagarce mise en scène par Marcial Di Fonzo Bo, dont elle vient juste de terminer la tournée, qui l’a menée partout en France. Géniale, c’est-à-dire aussi bouleversante que flamboyante, avec ses faux cils et sa robe à paillettes, dans cette partition qui s’offre comme une métaphore des grandeurs et des misères du métier d’actrice.

 

 

Lire aussi la critique : Article réservé à nos abonnés Catherine Hiegel dans « Music-hall », misère et grandeur d’une fille sur les routes
 

De ces grandeurs et de ces misères, elle a tout connu, peu ou prou, depuis ses débuts, à 18 ans à peine, en 1965, dans Fleur de cactus, de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, les rois du théâtre de boulevard. Elle avait arrêté l’école à 16 ans, encouragée par son père – c’était une autre époque –, qui rêvait de la voir devenir comédienne, lui qui avait eu le désir, déçu, d’être acteur. Pierre Hiegel (1913-1980) était musicologue, producteur pour la radio et directeur artistique de maisons de disques. « J’ai passé mon enfance à m’endormir et à me réveiller dans la musique », raconte Catherine Hiegel.

« Une musique intime »

Dans le vaste appartement familial passaient aussi bien les chanteuses Lucienne Delyle ou Barbara – d’ailleurs découverte par Pierre Hiegel – que les pianistes Samson François et György Cziffra ou la cantatrice Jane Rhodes. Catherine Hiegel pense que cette présence de la musique dans sa vie « a beaucoup compté » pour la comédienne qu’elle est. « Surtout dans le rapport à la justesse. J’entends quand c’est faux, tout de suite, assure-t-elle de sa voix grave de fumeuse. Tout est musical dans nos vies, et donc en scène aussi, bien sûr : chacun d’entre nous a un rythme personnel, intérieur, une musique intime. Le rapport au corps en scène, au silence, au temps, est aussi important que la phrase. Il faut savoir entendre quand un temps est trop long ou trop court, il faut savoir le mesurer par rapport à la densité de ce qui a été dit ou de ce qui va se dire. »

 

Dans ces triomphantes années 1960, Catherine Hiegel n’en est pas encore à réfléchir sur son métier d’actrice. Elle sait faire rire, elle a depuis l’enfance un côté clown : elle est immédiatement accueillie à bras ouverts par Jean Poiret et Michel Serrault, et d’emblée on la compare à Jacqueline Maillan, qui règne alors sur le vaudeville. La jeune femme à l’air espiègle aurait pu s’en tenir là – « j’avais une autoroute comique devant moi », constate-t-elle –, mais la Comédie-Française l’a appelée et, après avoir longuement hésité, elle est entrée dans la vénérable maison le 1er février 1969.

Elle va y rester quarante ans, jusqu’à son éviction absurde, le 6 décembre 2009, par le comité qui préside aux destinées des membres de la Société des comédiens-français. Et elle va y jouer toutes les Toinette, Lisette, Marinette et autres soubrettes du répertoire, de Molière à Marivaux. A l’époque – « mais c’est encore le cas maintenant ! », soutient-elle –, les « emplois » pour les actrices étaient très codifiés, dépendant de critères physiques rigides plus que de la richesse de leur jeu.

 

« Si vous étiez petite, blonde, avec un nez retroussé, eh bien c’était les soubrettes, s’insurge Catherine Hiegel. La jeune première, l’amoureuse, devait forcément être grande, mince et belle selon des critères ultraclassiques. Dans les années 1960, les critères ont commencé à changer pour les hommes, avec l’apparition d’acteurs comme Belmondo, mais pas pour les femmes. Au Conservatoire, je n’avais tout simplement pas le droit de travailler autre chose que des servantes. Ce fut une souffrance, au départ, parce que ce sont des interdits qui vous limitent et qui viennent vous désigner physiquement. Mais rapidement, avec les soubrettes de Molière, de Marivaux et surtout de Goldoni, j’ai vu que la richesse de ces rôles était immense, bien plus complexe que l’emploi de la jeune première qui doit pleurer au bout de trois répliques. »

Profondeur humaine inégalée

De cette doxa issue d’un autre âge, et particulièrement prégnante en France, Catherine Hiegel a fait une force. C’est en jouant les servantes goldoniennes avec une profondeur humaine inégalée, notamment dans La Serva amorosa, mise en scène par Jacques Lassalle, en 1992, qu’elle va s’installer dans le paysage comme une comédienne majeure. Et qu’elle va être de plus en plus demandée à l’extérieur du Français, pour jouer de tout autres partitions, souvent très contemporaines, et de tout autres rôles.

 

 

 

En 1986, Patrice Chéreau l’appelle pour jouer dans Quai ouest, de Bernard-Marie Koltès, au côté de Maria Casarès, qu’elle admire infiniment. Ensuite, il y aura Une visite inopportune, de Copi (1988), ou La Veillée, de Lars Noren (1989), toutes deux par Jorge Lavelli ; J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, de Jean-Luc Lagarce (2005), ou Embrasser les ombres, de Lars Noren encore (2005), avec Joël Jouanneau ; Les Bonnes, de Genet, avec Philippe Adrien (1997), ou Savannah Bay, de Duras, avec Eric Vigner (2002) ; ou encore De beaux lendemains, de Russell Banks (2011), où Emmanuel Meirieu avait su, magnifiquement, mettre en avant sa douceur et sa délicatesse, derrière les armes de la guerrière.

Autant de rôles de femmes sauvages et déchirées, ravagées et fortes, généreuses et amoureuses, ou folles et monstrueuses, comme la Vera d’Avant la retraite, de Thomas Bernhard, jouée sous la direction d’Alain Françon, en 2020. Pour Catherine Hiegel, d’ailleurs, la frontière entre comique et tragique est souvent artificielle, tracée de manière bien trop rigide. Pour elle, « le rire vient toujours d’un fond tragique ».

 

 

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Avant la retraite » ou la folie douce de Catherine Hiegel
 

Elle a travaillé son art d’actrice inlassablement, au fil des rencontres avec les metteurs en scène qui ont compté pour elle : le corps avec Dario Fo (Le Médecin malgré lui, de Molière, en 1990), le sens du geste juste avec Giorgio Strehler (La Trilogie de la villégiature, de Goldoni, en 1978), l’intelligence du texte, «éblouissante » , avec Patrice Chéreau. Cherchant toujours, jamais satisfaite, dans cet art fragile qu’est celui de l’acteur, lequel est à lui-même son propre instrument et doit apprendre ses secrets, soir après soir, comme un virtuose avec son violon ou sa clarinette.

« Une évidence dans le phrasé »

Catherine Hiegel a aussi beaucoup regardé les acteurs qu’elle admirait, notamment le grand Philippe Clévenot (1942-2001), que tous les vrais amoureux de théâtre regrettent. « Il y avait, chez lui, une intelligence de l’incarnation, une voix, un phrasé très particuliers, une construction de la pensée simple et dense, se souvient-elle. C’est toujours ce que l’on recherche : arriver à la simplicité de l’incarnation, sans esbroufe. Quand Clévenot entrait en scène et qu’il commençait à parler, on écoutait : il y avait une évidence dans le phrasé, le chemin de pensée, la présence. » On peut en dire autant, mot pour mot, de Catherine Hiegel.

Le mystère de cette présence, la comédienne ne sait pourtant pas l’expliquer. « C’est une harmonie, probablement, entre la voix, le corps et la pensée, qui avancent ensemble, se hasarde-t-elle. Ce n’est pas l’envie d’être regardé, je ne crois pas… Mais l’envie d’éprouver, peut-être. Et de partager ce qu’on éprouve, ce qui est essentiel. » Peut-être est-ce là ce qu’elle interroge, dans les multiples visages sculptés qu’elle collectionne, mais aussi les pantins, les marionnettes et autres mannequins de procession ou de parade. Autant de figures, plus ou moins réalistes ou abstraites. Mais pas de masques. Catherine Hiegel les chine dans des brocantes, inlassablement, depuis des années.

Elle dit qu’elle ne se lasse jamais de regarder les êtres. Dans la rue, dans le métro, dans les cafés, partout, elle regarde les visages. « Je vois des hommes et des femmes qui pleurent, et j’ai l’impression que je suis la seule à les voir. Souvent, des visages m’apparaissent, aussi, quand je regarde une pierre, ou le sol. »

 

Catherine Hiegel se fait rêveuse. Toute grande actrice est magicienne et sorcière, comme l’était Jeanne Moreau, dont elle est aussi une héritière. « Petite, je fabriquais des marionnettes qui devaient être des princesses, mais se transformaient inévitablement en sorcières », se rappelle-t-elle dans un souffle, avant de jouer mezza voce, rien que pour nous, le monologue final de Music-Hall : « Et jouons quand même et faisons semblant,/ tricheurs aux extrêmes, (…)/ et remplissons le temps,/ faisons semblant d’exister,/ et jouons quand même – j’en pleurerais, n’ai pas l’air comme ça mais en pleurerais et en pleure parfois, mais discrètement, avec lenteur et désinvolture, (…)/ pleure sous maquillage et déguisement, (…)/ triche jusqu’aux limites de la tricherie,/ l’œil fixé sur ce trou noir où je sais qu’il n’y a personne. » Un frisson passe. Tout est dit, dans la caverne aux multiples visages de Catherine Hiegel.

 

 

 

Molières 2023 : les nominations

Dix-neuf récompenses seront attribuées lundi 24 avril lors de la 34e cérémonie des Molières

 

 

Molière du théâtre privé :

Big Mother, de Mélody Mourey, mise en scène Mélody Mourey

Glenn, naissance d’un prodige, d’Ivan Calbérac, mise en scène Ivan Calbérac

Oublie-moi, de Matthew Saeger, mise en scène Marie-Julie Baup et Thierry Lopez

Les Poupées persanes, d’Aïda Asgharzadeh, mise en scène Régis Vallée

Molière du théâtre public :

Amours (2), de Joël Pommerat, mise en scène Joël Pommerat

Le Bourgeois gentilhomme, de Molière, mise en scène Christian Hecq et Valérie Lesort (Comédie-Française)

Je ne cours pas, je vole !, d’Elodie Menant, mise en scène Johanna Boyé

La vie est une fête, de Jean-Christophe Meurisse et Les Chiens de Navarre

Molière de la comédie :

Lorsque l’enfant paraît, d’André Roussin, mise en scène Michel Fau

No Limit, de Robin Goupil, mise en scène Robin Goupil

Le Retour de Richard 3 par le train de 9 h 24, de Gilles Dyrek, mise en scène Eric Bu

Une idée géniale, de Sébastien Castro, mise en scène Agnès Boury et José Paul

Molière du spectacle musical :

Les Coquettes – Merci Francis, de Lola Cès, Marie Facundo et Juliette Faucon, mise en scène Nicolas Nebot

Moi aussi je suis Barbara, de Pauline Chagne et Pierre Notte, mise en scène Jean-Charles Mouveaux

Starmania, de Michel Berger et Luc Plamondon, mise en scène Thomas Jolly

Tous les marins sont des chanteurs, de Gérard Mordillat, François Morel et Antoine Sahler, mise en scène François Morel

Molière de l’humour :

Florence Foresti dans Boys Boys Boys, de Florence Foresti et Pascal Serieis, mise en scène Florence Foresti

Laura Felpin dans Ça passe, de Laura Felpin et Cédric Salaun, mise en scène Nicolas Vital

Manu Payet dans Emmanuel 2, de Manu Payet, mise en scène Manu Payet

Stéphane Guillon dans Sur scène, de Stéphane Guillon, mise en scène Anouche Setbon

Molière du jeune public :

Gretel, Hansel et les autres, d’Igor Mendjisky, d’après les frères Grimm, mise en scène Igor Mendjisky

Odyssée, la conférence musicale, de Julie Costanza et Jean-Baptiste Darosey, d’après Homère, mise en scène Stéphanie Gagneux

La Reine des neiges, l’histoire oubliée, de Johanna Boyé et Elisabeth Ventura, mise en scène Johanna Boyé

Space Wars, d’Olivier Solivérès, mise en scène Olivier Solivérès

Molière du seul(e) en scène :

Coming out, avec Mehdi Djaadi, de Mehdi Djaadi et Thibaut Evrard, mise en scène Thibaut Evrard

Il n’y a pas de Ajar, avec Johanna Nizard, d’après Delphine Horvilleur, mise en scène Arnaud Aldigé et Johanna Nizard

Thomas joue ses perruques (Deluxe Edition), avec Thomas Poitevin, de Yannick Barbe, Stéphane Foenkinos, Hélène François et Thomas Poitevin, mise en scène Hélène François

Tout le monde savait, avec Sylvie Testud, d’Elodie Wallace, d’après Valérie Bacot et Clémence de Blasi, mise en scène Anne Bouvier

Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé :

Sébastien Castro, dans Une idée géniale, de Sébastien Castro, mise en scène Agnès Boury et José Paul

Michel Fau, dans Lorsque l’enfant paraît, d’André Roussin, mise en scène Michel Fau

Jean Franco, dans La Délicatesse, d’après David Foenkinos, mise en scène Thierry Surace

Thierry Lopez, dans Oublie-moi, de Matthew Saeger, mise en scène Marie-Julie Baup et Thierry Lopez

Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé :

Marie-Julie Baup, dans Oublie-moi, de Matthew Saeger

Catherine Frot, dans Lorsque l’enfant paraît, d’André Roussin

Isabelle Gélinas, dans Les Humains, d’Ivan Calbérac

Marie Gillain, dans Sur la tête des enfants, de Salomé Lelouch

Molière du comédien dans un spectacle de théâtre public :

Jacques Gamblin, dans HOP !, de Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin

Christian Hecq, dans Le Bourgeois gentilhomme, de Molière, mise en scène Christian Hecq et Valérie Lesort

Denis Podalydès, dans Le Roi Lear, de William Shakespeare, mise en scène Thomas Ostermeier

Laurent Stocker, dans L’Avare, de Molière, mise en scène Lilo Baur

Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public :

Isabelle Carré, dans La Campagne, de Martin Crimp, mise en scène Sylvain Maurice

Sara Giraudeau, dans Le Syndrome de l’oiseau, de Pierre Tré-Hardy, mise en scène Sara Giraudeau et Renaud Meyer

Catherine Hiegel, dans Music-Hall, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Marcial di Fonzo Bo

Isabelle Huppert, dans La Ménagerie de verre, de Tennessee Williams, mise en scène Ivo van Hove

Molière de la mise en scène dans un spectacle de théâtre privé :

Marie-Julie Baup et Thierry Lopez, pour Oublie-moi

Michel Fau, pour Lorsque l’enfant paraît

Mélody Mourey, pour Big Mother

Régis Vallée, pour Les Poupées persanes

Molière de la mise en scène dans un spectacle de théâtre public :

Jean Bellorini, pour Le Suicidé, vaudeville soviétique, de Nikolaï Erdman

Johanna Boyé, pour Je ne cours pas, je vole !, d’Elodie Menant

Christian Hecq et Valérie Lesort, pour Le Bourgeois gentilhomme, de Molière

Joël Pommerat, pour Amours (2)

Molière de la révélation féminine :

Vanessa Cailhol, dans Je ne cours pas, je vole !, d’Elodie Menant

Léa Lopez, dans La Reine des neiges, l’histoire oubliée, de Johanna Boyé et Elisabeth Ventura

Anna Mihalcea, dans Les Filles aux mains jaunes, de Michel Bellier

Lison Pennec, dans Glenn, naissance d’un prodige, d’Ivan Calbérac

Molière de la révélation masculine :

Alexandre Faitrouni, dans Smile

Thomas Gendronneau, dans Glenn, naissance d’un prodige

Mexianu Medenou, dans Tropique de la violence, d’Alexandre Zeff

Thomas Poitevin, dans Thomas joue ses perruques (Deluxe Edition)

Molière du comédien dans un second rôle

Kamel Isker, dans Les Poupées persanes

Jérôme Kircher, dans Biographie : un jeu, de Max Frisch

Benjamin Lavernhe, dans La Dame de la mer, de Henrik Ibsen

Bernard Malaka, dans Glenn, naissance d’un prodige

Teddy Mélis, dans Le Voyage de Molière, de Jean-Philippe Daguerre et Pierre-Olivier Scotto

Christophe Montenez, dans Le Roi Lear

Molière de la comédienne dans un second rôle :

Agnès Boury, dans Une idée géniale

Manon Clavel, dans La Campagne, de Martin Crimp

Marina Hands, dans Le Roi Lear

Karina Marimon, dans Big Mother

Elodie Menant, dans Je ne cours pas, je vole !, d’Elodie Menant

Josiane Stoléru, dans Glenn, naissance d’un prodige

Molière de l’auteur (trice) francophone vivant(e) :

Aïda Asgharzadeh, pour Les Poupées persanes

Ivan Calbérac, pour Glenn, naissance d’un prodige

Léonore Confino, pour Le Village des sourds

Elodie Menant, pour Je ne cours pas, je vole !

Mélody Mourey, pour Big Mother

Joël Pommerat, pour Amours (2)

Molière de la création visuelle et sonore
Big Mother, de Mélody Mourey, mise en scène Mélody Mourey

Le Bourgeois gentilhomme, de Molière, mise en scène Christian Hecq et Valérie Lesort

Smile, de Dan Menasche et Nicolas Nebot, mise en scène Nicolas Nebot

Starmania, de Michel Berger et Luc Plamondon

Fabienne Darge

 

 

 

 

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Didier Sandre : S’offrir aux autres

Didier Sandre : S’offrir aux autres | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Alexia Vidot dans La Vie - 21/04/23

 

 

 

L’acteur et sociétaire du Français revient sur son parcours, d’une jeunesse mouvementée à des rencontres décisives dans le monde du théâtre. Le goût de se dépasser sur scène rejoint son désir de spiritualité.

 

Quand j’étais enfant, à Saint-Denis, le temple était ma deuxième maison. Mon grand-père paternel, Élysée Maffre, en était le pasteur. Avec mes parents et mes cinq frères et sœurs, toute la vie tournait autour de cette communauté, de l’école du dimanche, des réunions de scouts et des fêtes paroissiales.

 

Je croyais en Dieu, à l’époque, et j’adorais Jésus. Je dirais même que je le trouvais génial, tout comme je trouvais géniales les histoires issues de l’Ancien Testament que nous étudiions au temple. Les miracles, le pardon, la générosité, le partage, la promesse d’un monde meilleur, cela me portait.

 

Grâce aux concerts, aux conférences, aux projections sur les missions protestantes d’outre-mer, au sein de notre paroisse, je me disais aussi qu’on pouvait voyager avec Dieu. Quand mon grand-père montait en chaire, j’éprouvais physiquement le pouvoir de la parole dans un décorum pourtant fort restreint. Je percevais le recueillement des fidèles autour de moi.

 

 

Une jeunesse pleine de tourments

Mais très tôt, j’ai aussi eu conscience que notre communauté luthérienne était séparée du reste du monde. Je pressentais que la vie était plus grande et plus large. Vers l’âge de 5 ans, je me suis même enfui sans savoir vraiment ce à quoi je voulais échapper. Je désirais déjà aller voir ailleurs. Mes parents m’ont retrouvé en train de jouer aux cartes avec des policiers, au commissariat.

 

J’étais un enfant très difficile, le deuxième de notre fratrie, né juste après la guerre alors que mon père avait été prisonnier pendant cinq ans. Le nom de ma grand-mère paternelle étant Klopfenstein, je tenais à tout prix à faire reconnaître que j’étais juif par solidarité avec le martyre des Juifs. J’étais bouleversé par la Shoah.

De manière générale, je me satisfaisais mal de la réalité dans laquelle j’évoluais : je racontais des histoires à l’école ; je mentais en affirmant que mes parents étaient divorcés, que ma grand-mère était morte ; je m’inventais d’autres vies. Fasciné par la littérature, je restais lire dans la classe, pendant les récréations, des romans d’Hector Malot ou d’Alphonse Daudet.

 

À l’adolescence, à cause de la littérature, du monde extérieur qui résonnait en moi (la guerre du Vietnam, la bombe atomique, la contestation grandissante à l’encontre de la génération qui avait élevé la mienne), je me suis inscrit naturellement dans la révolte. Dieu est tombé. Je ne me suis jamais vraiment remis de cette chute.

 

Très jeune, alors que je n’étais même pas encore majeur, j’ai quitté le foyer et notre communauté pour faire du théâtre. Pour cela, j’ai vidé le porte-monnaie de ma mère, puis j’ai vécu de petits boulots, distribué des prospectus. Mais j’étais rongé par la culpabilité à l’égard de ma famille. J’ai perdu pied et me suis retrouvé interné en hôpital psychiatrique pendant quelques mois. Bourré de calmants, j’ai cessé le théâtre, renoué avec les miens et me suis formé pour devenir aide-comptable. Ma fille venait de naître, je me suis rangé.

Mais quand un copain m’a parlé d’une audition à Aubervilliers, j’ai posé ma matinée aux Assurances générales où j’avais été embauché. Sans y croire un instant, j’y suis allé en costume cravate et bien peigné, raie sur le côté. Catherine Dasté, pionnière du théâtre pour le jeune public, qui avait fondé la compagnie de la Pomme verte, m’a engagé. Alors, la grande aventure a commencé.

Des figures inspirantes

Quelques années plus tard, j’ai rencontré Bernard Sobel qui dirigeait le théâtre de Gennevilliers, puis Antoine Vitez, à Ivry. Ces gens m’ont donné des ailes. Grâce à eux, aux intellectuels dont ils étaient entourés et qui m’ont fait confiance, j’ai appris à lire, à travailler et à réfléchir. Je n’ai pas fait le Conservatoire. Mais j’ai été formé sur le terrain, dans un théâtre populaire de gauche. Nous faisions le tour des municipalités de la banlieue rouge et avions collectivement l’idée que la culture était un projet pour l’humanité. En famille, les choses se sont progressivement améliorées, grâce à ma mère qui a tout mis en œuvre pour maintenir notre cohésion et pour me protéger.

 

En moi-même cohabitent toujours un désir fort de spiritualité et un grand vide, je dirais même une béance, qu’avec les années j’ai cherché à combler par d’autres manières. Car on ne peut pas faire l’économie d’une dimension spirituelle dans sa vie. De mon enfance, j’ai gardé les valeurs d’exigence et d’honnêteté. Je chéris le travail. Quant à la notion de sacré, elle reste importante pour moi.

J’ai conscience de faire preuve d’une certaine rigidité, mais je suis profondément choqué quand, par exemple, un acteur consulte son téléphone portable juste avant d’entrer sur scène. Dans le théâtre antique, il y a un chœur, comme à l’église. Pour moi, le plateau reste un espace sacré où se joue la rencontre avec l’autre – le partenaire comme le spectateur.

Une profonde interrogation spirituelle

Je n’ai jamais retrouvé la foi mais je demeure en quête de spiritualité. Je la trouve au théâtre et dans la musique, dans toute forme d’art qui est une façon de rejoindre un lieu qui nous dépasse. Oui, l’art répond à mon désir de transcendance. Au temple, autrefois, je jouais de l’orgue. La musique de Bach, en particulier, continue de me mettre en contact avec mon besoin d’au-delà. Elle me rappelle que nous sommes une partie d’un grand tout très mystérieux.

 

La mort de mon unique fille, Héloïse, à l’âge de 26 ans, m’a ramené dans une sphère où se posent des questions fondamentales alors que je m’étais un peu perdu dans l’ivresse d’un désir de carrière. Il y a ma vie d’avant, celle d’après. Je ne suis pas retourné à l’église pour autant. Mais l’interrogation spirituelle s’est ravivée. À la fin des années 1990, j’ai eu l’opportunité de travailler sur la figure de Paul pour le Mystère Paul, un film d’Abraham Ségal.

 

Durant six mois, de Paris à Jérusalem, d’Éphèse à Rome, d’Antioche à Athènes, j’ai mené une enquête sur Saül de Tarse devenu l’apôtre après sa conversion sur le chemin de Damas. Quel est son rôle dans la fondation du christianisme ? Comment une secte dissidente du judaïsme est-elle devenue une religion universelle ? J’ai interrogé des rabbins, des prêtres orthodoxes, des philosophes, etc.

Je crois qu’on ne décide pas des chemins qu’on prend dans la vie. Ce sont les chemins qui nous dessinent. Je n’ai pas eu de volonté ou d’ambition précises. Mais ma quête spirituelle m’a mis face à certains textes, à certains personnages et metteurs en scène.

Paul Claudel et le Verbe

J’ai autrefois joué Rodrigue dans le Soulier de satin, à Avignon. J’ai été dirigé par Vitez, Béjart, Chéreau, des artistes qui utilisaient le théâtre pour toucher des zones difficiles à atteindre. À la fin des années 2000, j’ai retrouvé Paul Claudel, ce « catholique à globules rouges », une expression qui le définit magnifiquement. Après avoir travaillé sur les Sept Dernières Paroles du Christ, de Haydn, je suis tombé par hasard sur la Messe là-bas en ouvrant le volume de la Pléiade consacré à l’œuvre poétique de Claudel. Ce fut une épiphanie.

 

 

 

Dans ce long poème, un homme au mitan de sa vie reconvoque le sens, parle du drame quand, jeune consul, il se voit refuser son entrée dans les ordres, à Ligugé. Il évoque Rimbaud, son rêve d’épopée, son mariage « par consentement » et son lien à Rosalie Vetch qui fut son amour impossible et sa muse. À la Comédie-­Française, qui est un lieu privilégié pour faire entendre la langue des poètes, il me semble important qu’un acteur témoigne de cette forme de littérature. En 2020, quand j’ai adapté ce texte pour le jouer, c’était une façon, pour moi, d’affirmer : « Au commencement était le Verbe. »

 

 

Les mots de Claudel me ramènent à des émotions d’enfant, à la liturgie, aux cantates de Bach que j’aime tant. La présence des étoiles, le désir de transcendance, l’idée de l’infiniment petit dans l’infiniment grand m’apaisent beaucoup. Ils me rappellent aussi l’expérience de la perte. En le portant en scène, il ne s’agit pourtant pas de raconter ma vie, mais de me laisser traverser par la poésie. Bien souvent, j’éprouve la nécessité de venir à la Comédie-Française, tôt le matin, de réserver une salle de répétition et de travailler la musicalité, le sens et les échos de ce texte. C’est un besoin physique autant qu’une nourriture spirituelle. Au fil du temps, je suis devenu plus irrespectueux du verset claudélien avec lequel j’ai un rapport plus concret, plus incarné.

 

 

 
 

Le théâtre est mon medium, le moyen que j’ai trouvé pour être au monde. Être comédien, c’est aussi s’offrir aux autres. Je ne suis pas un prêtre, je suis un acteur avec la légèreté que cela inclut. Mais entrer en scène n’a rien d’anodin. Jouer devant une communauté de spectateurs qui se sont déplacés, ont fait garder leurs enfants, garé leur voiture, payé leur place, et qui font silence et attendent que quelque chose se passe, c’est sacré. Cela ne supporte pas la blague ni la légèreté dans l’engagement.

 

Comme le disait Giorgio Strehler, metteur en scène, « il faut faire du théâtre comme si le sort du monde devait en dépendre ». S’il n’y a pas cette foi qu’on peut apporter quelque chose de substantiel, alors notre métier risque d’être empreint d’une certaine futilité.

 

 

Les étapes de sa vie
1946 
Naissance, à Paris.
1968 Débuts au théâtre de
la Pomme verte à Sartrouville.
1976 Les Quatre Molière, d’Antoine Vitez, à Avignon. Tournée mondiale.
1987 Rodrigue dans le Soulier de satin, de Paul Claudel.
Années 1990 et 2000 Il travaille sous la direction de Maurice Béjart, Luc Bondy, Alain Françon…
2010 La Messe là-bas, de Paul Claudel, long poème mis en scène par Christian Schiaretti.
2013-2020 Pensionnaire puis sociétaire de la Comédie-Française.
2020, 2023 La Messe là-bas.

La Messe là-bas, extrait


« Pendant que je dors, ou que je marche, ou que j’écris, la Mer ne cesse pas d’être à mon côté / Et je ne puis rejoindre la Patrie là-bas de nouveau sans que j’aie à la traverser ; / Là où la terre n’existe plus, là d’où vient ce mouvement sur la forêt, / D’une rive du monde jusqu’à l’autre il n’y a de chemin pour moi qu’à travers la Paix, / Cette Paix que le vent sans jamais en émouvoir la source ne cesse d’interroger avec mystère ou avec furie ! /  Sur les choses qu’il a créées ne cesse pas l’interrogation de l’Esprit. »


« J’aime ces mots car ils montrent un homme en contact avec les éléments, le monde, la spiritualité, un homme en permanente interrogation, dont le but ultime est une quête de paix, d’harmonie et la cohésion du monde et des hommes. »

 

La Messe là-bas, de Paul Claudel, chapitre « In principio erat verbum », Gallimard.

 

 

 

 

Comment transmettre les mots de Claudel aujourd’hui
Certes, Paul Claudel est marqué par une image de « catho vieillot » et certains de ses textes peuvent paraître datés. Mais Didier Sandre, qui au cours de sa carrière a joué dans le Soulier de satin, Partage de midi, la Jeune Fille Violaine ou encore l’Échange, magnifie ses mots dans un singulis (il est seul en scène) qui permet de découvrir la Messe là-bas. Ce long poème vibrant fut écrit en 1917, alors que l’écrivain vivait en exil au Brésil et que l’Europe se déchirait. Le comédien (qui forme aussi les académiciens, élèves de la maison de Molière) nous explique comment il travaille à le rendre vivant et proche de nous.

 

 

1. La meilleure manière d’aborder Claudel, c’est de ne pas le respecter, de ne pas le dire comme on déclamerait un chant élégiaque, mais d’en faire une matière à jouer.

 

2. Il faut toujours se rappeler qu’il a passé son enfance à Fère-en-Tardenois (Aisne), au milieu des labours, que son verbe est plus proche du patois des paysans que du parler des curés en chaire.

 

3. Il faut trouver, en soi, comment le texte résonne, là où l’on peut engager toute sa personne.

 

4. Il faut aussi accepter que Claudel soit daté comme le sont Arthur Rimbaud, Alfred de Musset ou Molière, mais trouver ce qui le rendra familier à un spectateur d’aujourd’hui. Quand il parle du mariage ou de la messe, par exemple, il se montre très concret.

 

5. Enfin, il ne faut pas avoir peur de rire car oui, contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire, Claudel peut être… rigolo, comme le prouve le passage ironique sur l’ennui qu’on peut éprouver à la messe et le prêtre « qui trafique on ne sait pas trop quoi », comme il l’écrit.

 
 
Crédit photo : • JULIEN FAURE POUR LA VIE
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April 22, 2023 9:33 AM
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L’amour à nu de Joël Pommerat

L’amour à nu de Joël Pommerat | Revue de presse théâtre | Scoop.it

LA CHRONIQUE DE FABIENNE PASCAUD -  Publié dans Télérama

 

 

Filiation, maternité, amitié... Au Pavillon Villette, Joël Pommerat explore une nouvelle fois les liens qui font et défont les êtres.

 

 

On ne peut imaginer dispositif scénique plus minimaliste. À croire que tout le monde pourrait faire théâtre de rien… La salle où Joël Pommerat propose son dernier spectacle — le mot paraît soudain pompeux face à la vérité nue et crue de la représentation — est juste rectangulaire. Une cinquantaine de chaises en plastique noir y sont alignées contre les trois murs en fer à cheval. Sur celui du fond, cinq comédiens jouent debout, ou assis, contre une méchante cloison de bois ; quand ils ne viennent pas vous demander doucement la permission de s’asseoir à vos côtés. Pour mieux jeter tout à coup à la face du partenaire tout proche son manque d’affection filiale, d’instinct maternel ou de simple amitié.

 

Deux acteurs sortent de prison. Depuis 2014, comme quelques confrères ou consœurs metteurs en scène — Olivier Py, Caroline Guiela Nguyen —, Joël Pommerat intervient dans des centrales où il poursuit avec des détenus un travail théâtral régulier. Dans celle d’Arles, il a déjà monté trois spectacles, dont celui-ci, volontairement léger et économe, pour ne pas trop alourdir le travail de mise en place du personnel carcéral. Dans cet univers d’enfermement, de solitude et d’absence, il a ainsi choisi d’explorer l’amour, la quête d’amour, sous tous ses angles, à travers des extraits de trois de ses propres pièces — Cercles/Fictions, Cet enfant et La Réunification des deux Corées. Autant d’œuvres intimistes et politiques à la fois comme il excelle à les composer, racontant aussi bien nos abîmes intérieurs que les crises de la société française. Alors que venaient d’être libérés deux prisonniers qui avaient déjà participé à des ateliers théâtre, Pommerat a voulu à nouveau partager — mais en liberté — leur aventure théâtrale. Y interviennent aussi trois comédiennes professionnelles.

 

Professionnelles ? Qu’est-ce que ça veut donc dire face à la présence irradiante de Jean Ruimi, sexagénaire râblé aux yeux bleus, et à la puissance sourde et muette de Redwane Rajel, long corps tendu de quadra ? Dans cette représentation radicale, Pommerat nous interroge non seulement sur ce que signifie aimer ou ne plus aimer — son enfant, son père, sa femme, son amant, son ami, son premier amour — mais sur ce qu’est le théâtre, le surgissement du théâtre. En scènes rapides et courtes, écrites au quotidien, râpeuses, violentes, sèches, il sait faire advenir cette étincelle en plus, cette émotion en plus qui font décoller dans l’extravagance du vrai, du juste. Tout un art. Ici torché à l’extrême, à l’os. Sans costumes, sans éclairage, sans décors. Joël Pommerat nous invite à un voyage en pure et stricte humanité. Il est une sorte de troublant sorcier. Qu’il raconte la Révolution française d’hier (Ça ira (1) Fin de Louis, en 2015) ou le monde robotique de demain (Contes et Légendes, en 2019), il jette continûment le doute, le frisson sur nos certitudes comme sur nos espérances. Car il décape, met à nu. À 60 ans, le fondateur de la Compagnie Louis Brouillard ne cesse de dessiller nos regards, nos sensations. Vous pensiez savoir ce qu’est aimer, ce qu’est faire du théâtre ? À la sortie d’Amours (2) vous ne saurez plus rien. Et beaucoup plus à la fois.

 

Dans cette représentation radicale, Pommerat nous interroge non seulement sur ce que signifie aimer ou ne plus aimer, mais sur ce qu’est le théâtre.

 

On n’a moins le vertige face au classique et délicat Marée haute, librement adapté des Vaisseaux du cœur, de Benoîte Groult, par la comédienne Josiane Pinson, et mis en scène et joué par elle. Tout aurait dû séparer cette jeune intellectuelle parisienne affranchie, féministe et de bonne famille, et ce marin breton du cru, modeste et bosseur. Mais leurs différences mêmes les poussent à l’amour fou. Ils se sont croisés les étés de leur jeunesse, ils s’adoreront — par retrouvailles échevelées, sensuelles et successives — jusqu’à la mort. Seule en scène, Pinson dit crânement la passion torride, ses bonheurs, ses manques. Et la liberté, la volonté de jouir d’une femme d’hier que son éducation bourgeoise a trop condamnée à nier son corps, à taire ses désirs, à museler ses rages. À travers une histoire très singulière, Pinson dit celle de toutes les femmes. Comme Pommerat dit tous les amours.

 

 Fabienne Pascaud / Télérama

 

TTT Amours (2) Joël Pommerat | 1h10 | Mise en scène Joël Pommerat. Jusqu’au 29 avril, Pavillon Villette, Paris 19e, tél. : 01 40 03 75 75 ; les 3 et 4 mai à Châlons-en-Champagne, les 23 et 24 mai à Boulazac, les 8 et 9 juin à Lens.
TT Marée haute, monologue. D’après Benoîte Groult | 1h10 | Mise en scène et adaptation Josiane Pinson. Jusqu’au 7 mai, Lucernaire, Paris 6ᵉ, tél. : 01 45 44 57 34.
 
 
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April 21, 2023 6:19 AM
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Non-voyants, emmenez les voyants voir « Le Verso des images » 

Non-voyants, emmenez les voyants voir « Le Verso des images »  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan - 21/04/23

 

 

Le public est composé d’enfants et d’adultes, une partie des enfants et une partie des adultes sont des non-voyants. Tous sont venus assister à un spectacle de la compagnie l’Atelier hors-champ, « Le verso des images », sous-titré « Une histoire de Louis Braille », histoire vraie, qui, par bien des côtés, ressemble à un conte, avec sa part de beauté et sa part de cruauté.

 

Il était donc une fois un enfant comme les autres qui, né en 1809, se prénommait Louis et s’appelait Braille. Son père travaillait le cuir. Un jour, à l’âge de trois ans, en s’amusant avec une alêne de son père, un faux mouvement, et l’alêne atteint l’œil qui s’infecte. L’infection gagne le deuxième œil, de fil en aiguille et de mal en pis, l’enfant perd complètement la vue. 

 

Louis Braille gardera de ce bref séjour dans le monde des voyants, une brassée de sensations, des lueurs, des odeurs. Mais de là aussi, peut-être, puise-t-il une force incommensurable qui lui vaudra par la suite de vaincre bien des adversités.

 

Très jeune, Braille invente une écriture tactile qui permet de lire des livres mais aussi de la musique. Les enfants non-voyants l’adulent, il n’en va pas de même de certains adultes férus d’institution et d’idées toutes faites, qui, profitant d’une moment où Braille est malade, en profitent pour brûler les livres qu’il a transcrit via sa méthode. Ils iront jusqu’à interdire l’usage de l’alphabet tactile inventé par Louis pour ses pairs. Braille aura finalement gain de cause et son écriture pour non voyants fera le tour du monde.

« C’est l’histoire d’une obstination qui bute contre l’institution » et « c’est l’histoire d’une intuition lumineuse, menacée par l’ordre établi et le monde suffisant des adultes, mais sauvée par les enfants » écrivent Pascale Ardillon et Frédéric Tétart qui cosignent la mise en scène et co-dirigent la compagnie l’Atelier Hors-champ basée au Mans.

 

Avec leur équipe, ils ont mené des ateliers croisés, voyants-non-voyants, pour enrichir la narration et déployer le rendu visuel et sonore très inventif du spectacle, un travail sur tous les fronts et dans un constant échange qui caractérise leur démarche.

La compagnie L’Atelier hors-champ a été créée au Mans en 2001. Avec des spectacles sur des textes allant de Koltès à Michaux, d’un film d’Eustache aux Cahiers de Nijinski. Frédéric Tétart a rejoint la compagnie en 2008. Nandillon & Tétart se sont alors penchés sur des écriture allant de Stramm à Savitzkaya, d’ Annette Libotte à Gertrude Stein.

 

Leurs spectacles sont créés au Mans, le plus souvent au Théâtre des Quinconces-L’Espal (Scène nationale) où encore à la Fonderie du Mans, la compagnie entretenant une relation d’amitié et de proximité avec le Théâtre du Radeau. D’ailleurs, en allant voir Le verso des images, j’ai eu l’impression que l’ombre fraternelle de François Tanguy, disparu il y a peu, rôdait dans les coulisses de ce spectacle dont il avait dû aimer l’espace fait de déconstruction et reconstruction, la narration non linéaire, le jeu fluide des deux actrices, Sophie Pernette et Aglaé Bondon, la musicalité visuelle et sonore du tout. Ce spectacle avait été accueilli à la Fonderie en mars dernier, après la création Au Théâtre des Quinconces en octobre 2022. Il a tourné ici et là.

La tournée s’achève cette semaine à l’Échangeur de Bagnolet. Il serait dommage que son périple s’arrête si tôt. Voyants et non voyants, beaucoup devraient l’avoir vu et pas seulement les enfants. Un spectacle qui nous touche car il touche juste. Dans le programme Nandillon et Tétart citent le propos d’Omar, un enfant non-voyant qu’ils ont rencontré : « je crois que je peux vous expliquer ce que c’est que le toucher. Quand vous touchez un pétale de rose sans voir, il y a du velours, du parfum, et je vois une couleur. C’est ça quand on touche une fille qu’on aime ».

 

 

Théâtre de l’Échangeur de Bagnolet , dernières représentations demain vendredi à 14h30, et samedi à 14h30 et 16h durée 1h15, dès l’âge de 9 ans.

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April 20, 2023 5:21 PM
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Pascale Bordet, l’étoffe d’une reine, l’âme d’une fée

Pascale Bordet, l’étoffe d’une reine, l’âme d’une fée | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 16/04/23

 

Son talent illuminait les plateaux de théâtre. Elle était bien plus qu’une costumière, mais une artiste profonde, une femme rare, d’une intelligence et d’une audace qui n’avaient jamais étouffé en elle l’enfance. Elle s’est éteinte dans la nuit de vendredi à samedi, vaincue par un cancer féroce. Elle avait 63 ans. Ses proches, ses amis lui diront adieu le mardi 25 avril, à 15h30, grande coupole du crématorium du Père-Lachaise. Chacun peut apporter une rose blanche.

 

Derrière ses lunettes, son beau regard de myope pétillait. Il y avait en elle une espièglerie de petite fille émerveillée. Elle ne s’était jamais prise au sérieux. Elle était ennemie des grands discours et des poses. Elle était très pudique, mais ne craignait pas de parler de sa passion et de son métier de vivre.

 

Elle donnait de l’esprit aux personnages et des ailes aux interprètes. Elle travaillait sans cesse, plongée dans le blanc. Celui de son atelier noyé de lumière de la rue Coquillière, au cœur de Paris, celui des vêtements qu’elle avait choisi de porter, exclusivement. Blanc, blanc sur blanc.

 

Elle maniait la couleur comme un peintre, elle aimait les étoffes, elle chinait. Elle imaginait pour chaque personnage un idéal de forme et pensait aux femmes et aux hommes qu’elle habillait. Elle cherchait le sens et l’harmonie. Et parce qu’elle les aimait du plus profond de son cœur, elle dissimulait dans les vêtements, des amulettes, des grigris. Dans les ourlets, au fond des poches, de minuscules signes, pour protéger les artistes.

 

Elle disparaît alors que la vie lui avait apporté l’amour, et elle en parlait. Elle s’éteint, alors qu’elle avait tant à imaginer encore. Un cancer féroce a eu raison de son énergie radieuse. Elle était née le 24 août 1959 et avait pris auprès de sa grand-mère et de sa machine à coudre Singer, le goût des vêtements.

 

Elle aura consacré sa vie, depuis les ateliers de l’Opéra de Paris, où elle fit ses premiers pas professionnels, à rendre plus beau notre monde. Celui de la fiction, mais celui de la réalité, aussi.

Son parcours est magistral. Il est indissociable de celui de Michel Bouquet qui la révérait. Il y avait une entente magique entre eux. Elle aimait les chats, et elle avait deviné en cet artiste immense, les silences d’un mystérieux félin.

 

 

Pascale Bordet a publié de très beaux livres. Avec ses dessins et des photographies de Laurencine Lot, amie et excellentissime photographe. Citons Fableries, Splendeur et misère d’une costumière, Bestioles de théâtre, Habiller l’acteur, Cahiers secrets d’une costumière de théâtre, La Magie du costume. Autant d’ouvrages précieux.  

 

 

Elle se disait : « Infirmière des âmes, régisseuse des sentiments, diplomate, servante ou gouvernante, économe, magicienne, jardinière des corps, psychanalyste, quelque fois cuisinière ou docteur. »

 

Rêvons que cette femme exceptionnelle, onze fois nommée aux Molières, deux fois couronnée, prix Renaud-Barrault, prix Diapason du Livre d’art, Chevalier des Arts et Lettres, ait un jour la place qu’elle mérite hautement dans les salles du Musée national du costume de scène de Moulins.

 

Voir son site : https://www.pascalebordet.fr

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May 3, 2023 10:52 AM
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« Tiquetonne », fantaisie délicieuse

« Tiquetonne », fantaisie délicieuse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 1/05/2023

 


Découvrez ce merveilleux trio, Alexis Chevalier, Marguerite Kloeckner,  Grégoire Roqueplo, dans des aventures très colorées et  irrésistibles.

Lorsque l’on descend dans la petite salle des Déchargeurs, une cave blonde et chaleureuse, où l’on a souvent découvert de frais talents ou réentendus de grands textes, on aperçoit, le long du mur de face, un banc à dossier genre église et des objets accrochés aux murs ou traînant par terre. Tiquetonne, évidemment, rue des Déchargeurs, on pense « rue Tiquetonne », une voisine qui va des rues Saint-Denis à Etienne-Marcel, au cœur de Paris. Elle est célèbre car c’est ici qu’Alexandre Dumas fait habiter d’Artagnan…

 

Mais il ne s’agit pas du tout d’une histoire urbaine. Surgit une jeune fille ravissante, mince dans une robe à jupe-culotte, coupée dans une étoffe à ramages et oiseaux, comme un sublime tissu d’ameublement du XVIIIème siècle. Au cours de l’heure et quelques minutes que dure le spectacle, on pourra admirer d’autres atours et coiffures. La jeune fille ravissante se prénomme Tiquetonne…Elle est très bavarde. Elle en veut à un de ses oncles, un dénommé Siegfried, qui lui aurait dérobé son royaume…Bientôt surgira un jeune homme au visage pur, tendre, un peu effaré par l’énergie de Tiquetonne qui l’appelle Gershwin, alors que ce n’est pas son nom. Comment est-il arrivé là ? Que venait-il faire ? Mystère. La guerrière l’embarque dans ses jeux, et l’enrôle dans ses guerres...

 

 

Ils sont donc deux, Marguerite Kloeckner et Grégoire Roqueplo. La première a co-écrit ce conte fantasque, fantastique avec Alexis Chevalier qui les met en scène. Ils n’en sont pas à leur premier spectacle. Ils possèdent une fantaisie très particulière, des tempéraments différents, mais une semblable intelligence de l’enfance et du théâtre.

 

L’argument est mince, d’apparence désinvolte, mais il touche des zones profondes d’un imaginaire de verts paradis. Je serais, tu serais…C’est très vif, amusant, bien écrit, développé de manière intelligente. C’est à part. Alexis Chevalier dirige bien ses camarades. Charmeuse et idéale dans le personnage de la très narcissique Tiquetonne, Marguerite Kloeckner est éblouissante, qu’elle nous saoule de ses discours, qu’elle chante, danse, elle est d’une grâce rare. On aime beaucoup Grégoire Roqueplo qui joue ici la naïveté, la candeur, la bonté. Il est lui aussi un tempérament fort, un artiste fin et délié.

 

 

On s’amuse. On accepte cette fantaisie amusante, aussi cocasse qu’un conte très coloré. Les lumières de Lorita Perrot, le décor et les éléments scéniques de Rémy Gemble et les somptueux costumes d’Elsa Muelas donnent à la représentation une force de bel objet très soigné et très insolite. On est aux anges !

 

 

Les Déchargeurs, les samedis et dimanches à 21h15 jusqu’au 18 juin. Durée : 1h10.

Tél : 01 42 36 00 50.

 

https://www.lesdechargeurs.fr/spectacles/tiquetonne/

 

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May 2, 2023 6:21 PM
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A Lyon, Wauquiez coupe les vivres à un théâtre pour punir son directeur

A Lyon, Wauquiez coupe les vivres à un théâtre pour punir son directeur | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Maïté Darnault, correspondante à Lyon pour Libération 2/05/2023

 

Pour une tribune écrite sur le site de son syndicat par le metteur en scène Joris Mathieu, la structure a été privée des subventions de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Qui n’a même pas jugé bon de cacher les raisons politiques derrière son geste.

 
 

Jusqu’alors, la pratique se drapait d’un voile de langue de bois, c’est désormais assumé au grand jour : la région Auvergne-Rhône-Alpes attribue ses subventions culturelles en fonction du degré d’assujettissement partisan de ses interlocuteurs. Et s’il ne satisfait pas l’exécutif piloté depuis 2015 par le très droitier Laurent Wauquiez, l’enveloppe sera au mieux sabrée, au pire purement supprimée. C’est la morale du dernier épisode en date concernant la politique culturelle menée dans la deuxième région de France, qui s’apparente à un inexorable naufrage tant elle se fait par défaut. Vendredi, Sophie Rotkopf, vice-présidente déléguée à la culture de la collectivité, a annoncé lors d’une conférence de presse l’amputation complète de la subvention accordée au Théâtre Nouvelle Génération (TNG) de Lyon, qui était de 149 000 euros en 2022.

 

De manière étonnement transparente, cette décision a été présentée comme une punition en réponse aux propos tenus par Joris Mathieu, le directeur de ce centre dramatique national (CDN), dans une tribune publiée le 18 avril sur le site du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), majoritaire dans la profession. Membre de son bureau national, également vice-président de l’association des CDN, l’auteur et metteur en scène à la tête du TNG a dénoncé une région «gouvernée par une culture de la peur», qui n’est pas la simple mise en œuvre d’un «projet de réorientation» comme Wauquiez «le prétend», mais «en réalité […] une entreprise délibérée de déstabilisation du fonctionnement d’institutions publiques culturelles».

 

Un silence pesant

«Nous avons bien entendu les propos et les désaccords du directeur et nous avons fait le choix de retirer l’intégralité du financement à cette structure», a tranché Sophie Rotkopf, avant de lancer une attaque personnelle à Joris Mathieu : «Comment voulez-vous discuter avec quelqu’un qui ne veut pas discuter ? Il n’a de cesse de mépriser la région et à travers sa démarche, il méprise tous les habitants en dehors de la métropole lyonnaise.» Et d’assumer le tir sans sommation : aucun échange préalable à cette décision n’a eu lieu, puisque «nous n’avons pas de lien avec lui, il ne veut pas nous parler», a assuré la femme politique. «Entièrement faux», assure à Libération Joris Mathieu, qui souligne que «le dialogue avec les élus n’a pas été possible, car ils n’ont pas répondu aux demandes de rendez-vous faites par les organisations syndicales et les professionnels du secteur depuis juin 2022».

 

 

Un silence d’autant plus pesant que la région avait annoncé, deux mois auparavant, réduire drastiquement les subventions accordées à nombre d’institutions culturelles, en majorité situées dans les métropoles de Lyon et de Grenoble, en invoquant un «rééquilibrage solidaire et équitable», afin «d’irriguer la culture jusque dans les territoires les plus éloignés». Dotée d’un budget annuel pour la culture de 60,2 millions d’euros en 2022, l’Auvergne-Rhône-Alpes se situe en avant-dernière position des douze régions françaises. La part allouée à chacun de ses 8 millions d’habitants est de 8,44 euros par an, contre une moyenne nationale de 12 euros. «Au nom d’une expression syndicale, c’est une structure qui a été impactée, toute son équipe et le projet qu’elle porte», regrette le directeur du TNG, qui emploie une trentaine de personnes.

Au sein de ce théâtre, c’est lors des comités de suivi que le dialogue se noue avec les tutelles (Etat, ville, région, métropole). Or à ce jour, Sophie Rotkopf n’en a honoré aucun de sa présence. «Il est vrai que je n’ai pas cherché à avoir [son] 06, a regretté Joris Mathieu dans un post en ligne. Je pensais que les canaux conventionnels de communication étaient les plus adaptés.» En l’occurrence, c’est le numéro de Laurent Wauquiez qu’il aurait fallu composer. Comme l’a révélé Libérationle président lui-même donne son arbitrage en premier sur les aides accordées aux acteurs culturels du territoire. Cet avis entérine ou non, sans justification, les préconisations faites par les services de la collectivité. Ce n’est qu’ensuite que la vice-présidente à la culture peut émettre ses recommandations. Dans les faits, elles vont en majorité dans le sens de son N+1.

«Entrave aux actions de décentralisation»

Ainsi, en 2021, le TNG de Lyon a touché une subvention de 175 000 euros de la région. L’année suivante, cette dotation est passée à 149 000 euros d’un trait de plume de Wauquiez. Son cabinet assurait alors à Libération que ce rééquilibrage, touchant d’autres institutions, n’avait «absolument rien à voir avec un sujet politique». En 2022, le budget de ce théâtre s’est élevé à 2,8 millions d’euros, abondé par ailleurs par l’Etat (1,3 million d’euros), la ville de Lyon (613 000 euros, sans compter la mise à disposition de personnels techniques municipaux) et la métropole (84 000 euros). «Le TNG sera bien capable de travailler sans nos subventions», a prophétisé Sophie Rotkopf. «Qui peut se passer d’une telle somme, dans un contexte de crise économique et d’inflation qui traverse le secteur, de réduction des programmations et des projets de création ? Personne, aucune structure de service public», s’agace Joris Mathieu.

 

 

Au-delà, le metteur en scène pointe une «entrave aux actions de décentralisation» : «Ils essaient de faire du cas du TNG un conflit personnel mais il ne faut pas que ce soit l’arbre qui cache la forêt.» Ainsi, l’ensemble des syndicats en appellent «à tous les élus des territoires pour qu’ils rappellent à la région les termes de la loi Notre fixant l’obligation de concertation et de coconstruction des politiques culturelles», ajoute Joris Mathieu. Comme ses pairs, il espère «une réaction forte de la ministre de la Culture pour faire barrage à ce cavalier seul». Prévu le 12 mai, le vote définitif des dotations culturelles de la région inquiète d’autres acteurs. Sophie Rotkopf a prévenu vendredi : «Les subventions ne sont ni un dû ni une rente.» Elles sont maintenant un moyen de pression décomplexé.

 
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May 1, 2023 10:30 AM
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Auvergne-Rhône-Alpes est gouvernée par la Culture de la peur

Auvergne-Rhône-Alpes est gouvernée par la Culture de la peur | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Une tribune signée Joris Mathieu, publiée sur le site du Syndeac - 18/04/2023

 

 

Malgré la colère et le ressentiment, il faut essayer de parler avec une forme d’objectivité de la situation des acteurs culturels en Auvergne-Rhône-Alpes et du traitement qui leur est réservé par la Région depuis la réélection de Laurent Wauquiez. 

 

 

 

 

Seul un décryptage complet permet de révéler la gravité de cette situation, qui va bien au-delà des conséquences immédiates qu’elle génère sur le bon fonctionnement du service public de la culture. Car à travers cet exemple de la politique culturelle, il devient explicite que les dysfonctionnements, occasionnés par la gouvernance hypercentralisée du président de Région, sont nombreux. Et les dérives autocrates sont également de plus en plus manifestes. La portée réelle de ces décisions, qui semblent ne toucher que la culture, est en réalité bien plus large.

 

Des faits pour commencer.

 

Il faut bien être conscient que depuis sa réélection, le président de Région n’a pas simplement mis en œuvre un projet de réorientation de sa politique culturelle comme il le prétend. Il s’est en réalité livré à une entreprise délibérée de déstabilisation du fonctionnement d’institutions publiques culturelles. Et c’est d’ailleurs là que réside probablement son véritable projet : expérimenter, à travers la Culture, quelle est sa capacité à déstabiliser ce qui est institutionnalisé et à désengager l’exécutif de certaines obligations. Ceci ne relève pas de l’interprétation car c’est objectivable sur plusieurs plans.

 

Tout d’abord l’absence totale de concertation avec les organisations professionnelles – qui n’ont jamais été consultées en amont de décisions prises – traduit clairement une tentative de nier l’existence même des instances syndicales et d’éprouver la possibilité de s’émanciper totalement du dialogue social. Ni les directions des lieux, ni leurs représentants syndicaux, n’ont été considérés, à aucun moment, comme des interlocuteurs. Ce faisant, l’exécutif régional a pu afficher son mépris de leur expertise, de leur représentativité et des emplois que ces organisations défendent.

Est-ce que quelqu’un est arrivé à l’en empêcher ? Les professionnels du secteur ? L’Etat ? Les citoyens ?

 

Ensuite, la remise en cause fondamentale de la co-construction de la politique culturelle aux côtés des autres collectivités et de l’Etat – qui n’ont pas davantage été consultés que les organisations professionnelles – est une façon d’éprouver sa liberté de s’extraire d’obligations de coopération territoriale – et d’une entente républicaine fondamentale – qui permet d’assurer une continuité de missions d’intérêt général de manière coordonnée.

 

Est-ce que quelqu’un est arrivé à l’en empêcher ? Les professionnels du secteur ? L’Etat ? Les citoyens ?

 

Enfin, en infligeant des coupes massives de subventions, en cours d’exercice, à une centaine de structures, qui avaient légitimement engagé leurs budgets sur la base de la reconduction tacite, au titre de leurs missions de service public, le président de Région expérimente avec cynisme, sa capacité à détruire l’existant et son droit à à provoquer une casse sociale selon son bon-vouloir, tout en donnant une orientation idéologique à la culture.

 

Jusqu’à présent, Laurent Wauquiez n’a pas eu beaucoup de mal à se donner, pour légitimer ses actes. Il lui a suffi d’affirmer « être dans son bon droit » et déclarer explicitement que sa conception de la subvention, n’est pas celle de la reconduction tacite. Même si cela peut choquer lorsque la reconduction de la subvention est précisément garante du fonctionnement d’un service public, il faut bien reconnaître que rien, jusqu’à présent n’a pu l’empêcher de mettre en œuvre cette vision. Ce qui lui permet, à bon compte, d’enterrer définitivement au passage ses responsabilités en la matière, quand bien même la pérennité des équipements culturels sur le territoire – et donc de la mise en actes d’une politique publique culturelle – repose précisément sur l’engagement stable de l’ensemble des financeurs publics. Et tant pis si seul cet engagement permet de garantir l’accessibilité à la culture à tous les citoyens et aux lieux de soutenir la production artistique – et donc l’emploi.

 

Laurent Wauquiez sait pertinemment cela et il agit en connaissance de cause. Mais pour lui, la Culture n’est que le dommage collatéral d’un projet plus vaste. Ce qui l’intéresse, c’est, encore une fois, de tester à travers la Culture, à quel point il a les coudées franches, à quel point le passage en force lui est possible. Ce qu’il souhaite, c’est : évaluer la capacité de résistance de ses opposants et augmenter sa latitude à user de l’argent public comme il l’entend.

 

Et puisque personne n’a réussi pour l’instant à l’en empêcher, on peut considérer que ce premier test a été un succès.

 

Alors pourquoi ne pas continuer cette expérimentation entamée en 2022 et aller plus loin en 2023 par la poursuite de mêmes pratiques, qui s’érigent désormais en système. À nouveau, il n’y a aucun dialogue, aucune communication officielle, et donc aucune visibilité pour les acteurs culturels sur l’apport financier de la Région dont dépendent pourtant des milliers d’emplois permanents et intermittents. Et la décision, le 10 mars dernier, de retirer du vote de la commission plénière l’ensemble des subventions au secteur culturel et de les reporter à une date encore indéfinie à ce jour, va dans ce sens d’une entreprise de déstabilisation. Inévitablement, cela va plonger dans une difficulté de trésorerie les structures les plus fragiles. Cela génère déjà une paralysie du développement des projets artistiques, un report dangereux des apports financiers des lieux vers les compagnies et les artistes indépendants. Et donc, cela engendre une inquiétude forte et légitime des salariés (permanents et intermittents) sur la sauvegarde de leurs emplois.

 

Déstabiliser. Inquiéter. L’objectif est atteint. Car tel est réellement le projet. Faire ressentir aux acteurs concernés qu’ils sont à sa merci. Et semer du désordre pour prendre le contrôle.

 

Face aux critiques que tentent de faire résonner les syndicats et les oppositions politiques, Laurent Wauquiez se contente le plus souvent de faire la sourde oreille. Sa stratégie de réponse est le silence. Et son argument joker consiste à brandir la carte de « sa souveraineté » décisionnaire. Il emploie bien, ici, le terme le plus approprié pour qualifier sa conception de l’exercice du pouvoir. La Région, c’est moi.

Souveraineté, donc, admettons, mais au service de quel projet politique ?

Aucun argumentaire solide ni aucun acte concret, ne vient donner corps à ce que sa vice-présidente prétend être « une politique de redéploiement plus équitable sur l’ensemble du territoire des moyens alloués à la Culture ». Sur ce point, l’examen des chiffres discrédite rapidement ces effets d’annonce.
4 millions d’euros ont été épargnés en 2022 – en amputant les aides de plus d’une centaine de structures – mais aucune visibilité n’a été donnée à ce jour sur la redistribution qui en aurait été faite.

 


Cette redistribution, a-t-elle été faite ? Rien n’en atteste.
Et si oui, au profit de quels projets culturels ? Personne ne le sait.

Ces 4 millions sont donc, jusqu’à preuve du contraire, des économies réalisées. Et les intentions politiques énoncées ne sont que poudre aux yeux. Il s’agit là d’envoyer un message attentionné à « la ruralité » mais de se contenter du message sans le traduire en actes.
Mais le mal est encore plus profond que ces mensonges maquillés par une rhétorique creuse. Car si l’on se penche en détails sur le budget culture des douze régions métropolitaines, une vérité bien plus éclairante finit d’ôter toute valeur à ces intentions affichées par la majorité. Car la Région n’a pas les moyens de réaliser avec ambition ce qu’elle dit vouloir faire, et elle le sait pertinemment dès la construction de son budget primitif.

 

Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième région la plus peuplée de France, mais elle est avant-dernière en pourcentage de son budget global alloué à la culture (1,6% contre 2% en moyenne dans les douze régions métropolitaines). Dans les faits, la région n’investit que 8,44 euros dans la culture par habitant et par an, alors que la moyenne nationale, sur l’ensemble des régions, est de 12 euros. Si Auvergne-Rhône-Alpes investissait au niveau de cette moyenne nationale, elle disposerait de 30 millions d’euros supplémentaires (soit 50% de son budget actuel qui s’élève à 62 millions). Voilà qui lui permettrait de renforcer ses investissements sur les territoires les moins dotés, si telle était réellement son projet politique.

 

En conséquence, sur quels éléments tangibles Laurent Wauquiez et sa vice-présidente, se basent-ils pour justifier qu’il est « nécessaire » de pratiquer des coupes budgétaires au nom d’une redistribution plus équitable envers les territoires ruraux, alors que leur budget initial est tout simplement trop faible ? Comment justifie-t-il que la spécificité des deux territoires Auvergne et Rhône-Alpes, et la disparité des moyens qu’ils allouaient à la Culture, n’aient pas été prises en considération budgétairement, lors de la fusion de ces deux régions en une seule ?

 

Pour qui prend le temps de s’y intéresser sérieusement, cet argument de la « nécessité de coupes budgétaires», ne résiste pas une seconde à des chiffres qui mettent au contraire en relief de manière criante l’hypocrisie du discours, le cynisme politique de l’exécutif et son absence totale d’ambition culturelle. Une simple politique de « rééquilibrage » ne pourra jamais conduire qu’à affaiblir ce qui fonctionnait, sans doter suffisamment les territoires qui manquaient de moyens. Et le Plan d’action pour la culture, présenté par la vice-présidente en assemblée plénière des 20 et 21 octobre 2022, paraît dès lors fort prétentieux et peu crédible, lorsqu’il prétend avoir l’ambition de « singulariser sa politique culturelle, en la déployant de manière sensiblement plus autonome ». Car soyons sérieux, la Région n’a objectivement pas les moyens – et elle le sait – de développer à elle seule, une politique culturelle digne de ce nom, en investissant seulement 8 euros par an et par habitant, et en y consacrant uniquement 1,6 % de son budget général.

Mais alors, quel est réellement le projet de la Région, puisqu’il est clair qu’en matière de politique culturelle, sans le cofinancement des autres partenaires publics, ses moyens d’action, seuls, sont quasiment nuls ?

 

Pour répondre à cette question, il faut considérer que ses financements, bien que minoritaires (ils viennent concrètement le plus souvent en complément de ceux de l’État et des autres collectivités), sont absolument nécessaires au bon fonctionnement des structures. Et en se désolidarisant du financement de structures culturelles actuellement opérantes sur le territoire, la Région les affaiblit et les rend moins efficientes dans leurs missions de service public. En procédant de la sorte, la Région abuse, ici, de son pouvoir de nuisance. Et ce pouvoir de nuisance, lui permet d’établir un rapport de force (avec l’État et les collectivités), dans un segment de la politique publique auquel Laurent Wauquiez n’accepte pas de contribuer sans le dominer.

 

Par ricochet, et de manière opportuniste, en retirant ses apports financiers, il fait voler en éclats l’entente républicaine historique qui permettait de soutenir une politique culturelle transpartisane et garante de la liberté d’expression des artistes. Et dans le même mouvement, il se désengage de ses obligations là où ses apports ne sont pas assez visibles à son goût – car fondus à ceux des autres financeurs – et il les place ailleurs, là où il pourra faire en sorte que les retombées sur son image soient plus directes et plus fortes. Cela se traduit concrètement par une volonté de concentrer ses moyens sur quelques « projets phares » et une logique événementielle, dont la Région serait la financeuse unique ou principale. Dès lors, il devient clair que Laurent Wauquiez poursuit un objectif d’affichage propriétaire de ces événements culturels, qui porteront la marque « financé par la Région AURA ». Ce qui l’intéresse, ce n’est pas d’abonder à l’intérêt général, mais de pouvoir revendiquer la paternité de ce qu’il paie avec l’argent des contribuables, pour alimenter sa campagne promotionnelle. Tirer davantage de bénéfices personnels sur fond d’investissements pourtant publics, semble être l’axe principal de cette politique.

 

Aussi, ses choix, en matière culturelle, n’expriment pas uniquement une volonté de porter atteinte au secteur culturel. Cela va bien plus loin. Derrière ces décisions de coupes budgétaires et leurs violents impacts, il s’agit avant tout de montrer qu’il a du pouvoir et quelle est la main qui peut nourrir. Lorsqu’il décide de différer les votes de subventions et refuse de dialoguer et de communiquer avec les principaux intéressés, il laisse volontairement planer l’épée de Damoclès, le plus longtemps possible au-dessus du plus grand nombre de têtes possibles. Il y a là une volonté évidente d’asseoir une autorité par des techniques de déstabilisation et, osons le dire, par une forme de terreur. Oui, tous les mécanismes de l’autocratie sont activés pour maintenir une pression et une menace permanente. Menace dont le but implicite est de réduire au silence et de dominer.

 

Ce que vivent actuellement les acteurs culturels en Auvergne-Rhône-Alpes, n’est malheureusement que la première partie d’une séquence plus longue. Dans cette première partie, l’organisation hyper-concentrée du pouvoir entre les mains d’un seul permet à Laurent Wauquiez d’imposer son autorité et des décisions qui ne souffrent aucune discussion ni contestation, ni en amont, ni en aval, ni en interne de l’Hôtel de Région, ni en externe. Et dans un second temps, si tout fonctionne comme prévu, la fragilisation du secteur culturel sera totale et les artistes, directrices et directeurs de lieux culturels, n’auront pas d’autres choix pour être financés, que de construire des événements qui servent les intérêts du Président et son idéologie. Enfin, dans le sillage des acteurs culturels – si ce n’est pas simultanément – ce sera le tour de l’éducation, de la recherche… Et pourquoi pas d’ailleurs, celui des élus des communes, qui n’obtiendront de financements de la Région qu’à condition de rentrer dans le rang et de respecter la charte idéologique de son président.

 

Ceci n’est pas un scénario d’anticipation, c’est déjà ce qu’il se passe.

En tant qu’artistes, directrices et directeurs d’institutions culturelles, mais aussi en tant que représentants syndicaux et tout simplement en tant que témoins-citoyens, nous ne pouvons que dénoncer ces méthodes inacceptables qui sont employées pour gouverner.

Nous ne pouvons que nous alarmer de voir la politique culturelle déstabilisée et instrumentalisée dans de telles proportions. Et nous ne pouvons que dénoncer plus largement que le régime de la peur soit utilisé pour réduire au silence toute possibilité d’expression contestataire afin d’avoir le champ libre pour utiliser l’argent public à des fins personnelles.

 

Silence imposé aux directrices ou directeurs de structures, qui en s’exprimant en noms propres ont désormais la crainte d’attirer la foudre sur leurs lieux et de mettre en danger les emplois dont ils sont responsables.

 

Silence imposé aux élus locaux de sa majorité – ils sont pourtant nombreux en coulisses à dénoncer le traitement réservé aux acteurs culturels – qui laissent clairement entendre qu’ils ne pourront rien dire ouvertement et qui ne peuvent que conseiller de faire le dos rond et pourquoi pas d’envoyer au Président des signes d’allégeance pour le convaincre de ne pas faire retomber le bâton.

 

Mutisme des interlocuteurs des services administratifs de la Région au sein des comités de suivi et des conseils d’administration des structures. Eux non plus « ne peuvent rien dire » et le plus souvent d’ailleurs ne savent réellement rien de ce qui sera décidé. En réalité, leur expertise de terrain est sans cesse déjugée, ils découvrent les arbitrages après tout le monde et ils assistent, impuissants, à la destruction de l’écosystème culturel. La qualité « non-partisane » de leur travail de techniciens de la fonction publique territoriale est sans cesse contournée et bafouée.

 

Tout cela résulte de méthodes managériales hautement toxiques pour les personnels mais aussi pour la démocratie et d’une inversion totale des processes de travail et décisions qui devraient s’appliquer à l’Hôtel de Région. Dans ces murs, on ne peut que constater qu’il n’y a aucune délégation de compétence ou décisionnaire, mais au contraire une hyper-centralisation du pouvoir. Toutes les décisions sont en réalité prises au niveau du cabinet du président (dont l’effectif pléthorique a d’ailleurs été pointé du doigt par la Cour des comptes, parce que le nombre des membres qui le compose dépasse largement le maximum légal).

 

Et ainsi, sans grande surprise, à l’Hôtel de Région, dans les services administratifs, les arrêts-maladies, burn-out, démissions, se multiplient… Et là non plus il semble que personne ne puisse rien dire, car là aussi la peur de parler a gagné tout le personnel.

 

Et ce que nous observons, depuis notre point de vue, sur la culture, est probablement observable, depuis d’autres points de vue, sur d’autres sujets et d’autres secteurs d’activité.

 

Mais quand bien même cela ne serait vrai que pour la Culture, cela devrait être suffisant pour motiver toutes les personnes, attachées à la démocratie, à dénoncer ces pratiques et à faire barrage à cet exercice autoritaire du pouvoir. Car il y a un début à tout et c’est d’ailleurs bien souvent par la culture que les populistes commencent l’expérimentation de leurs méthodes violentes et discriminantes.

 

Il faut intervenir maintenant, avant que la culture de la peur devienne la seule Culture encore active en Auvergne-Rhône-Alpes et peut-être bientôt au-delà, si personne ne parvient à stopper la dynamique de ce rouleau compresseur, qui ne souhaite ni s’arrêter à la culture, ni aux frontières de cette région.

 

Ce n’est pas seulement la Culture en AURA qui est en danger, c’est le respect du fonctionnement démocratique de toutes nos institutions qui est menacé. Et il est grand temps que soient dénoncées, par le plus grand nombre, les dérives autocrates et les dysfonctionnements inquiétants, qui accompagnent le début de ce nouveau mandat de l’exécutif régional.

 

Bien que les structures culturelles et leurs emplois soient encore et toujours sous la menace sourde de coupes budgétaires à venir, il est essentiel que nous manifestions notre refus d’être réduits au silence par cette culture de la peur utilisée par le président de Région pour nous gouverner.

 

Joris MATHIEU

Auteur / Metteur en scène

Directeur du Théâtre Nouvelle Génération – Centre dramatique national de Lyon

Elu du bureau national du SYNDEAC

Vice-président de l’association des CDN

 

Crédit photo : Nicolas Boudier 

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April 29, 2023 1:18 PM
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Pour saluer Lucien Attoun. L'hommage d'Armelle Héliot

Pour saluer Lucien Attoun. L'hommage d'Armelle Héliot | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 29 avril 2023

 

Avec sa femme, Micheline, il aura fait éclore bien des talents : auteurs, comédiens, metteurs en scène, journalistes. Il s’est éteint hier. Il avait 87 ans. En attendant de rédiger l’hommage qu’il mérite hautement, nous publions, avec l’accord de « L’Avant-scène théâtre », un article inscrit en 2021 dans le cadre d’un dossier sur le théâtre et la radio.

Lucien Attoun, le passeur de rêves

Avec les magazines d’information, avec le « Nouveau répertoire dramatique » et la création de Théâtre Ouvert, il est l’une des personnalités qui aura fait le plus pour l’écriture contemporaine.

 

Mais il est aussi un homme de radio unique, qui aura passé plus de trente-cinq ans sur les ondes de France-Culture, informant avec des magazines vifs et déliés, faisant découvrir des auteurs nouveaux par le truchement du « Nouveau répertoire dramatique ». Sa voix, chaleureuse, accueillante, sa vivacité, son humour, traduisent sa forte personnalité.

 

 

Né le 8 septembre 1935 à la Goulette, le port de Tunis, il est arrivé en France en septembre 1948. Dès l’école, il a glissé peu à peu vers le théâtre, se retrouvant au cœur même des foyers innovants, du groupe de théâtre antique de la Sorbonne à la fondation de sa propre compagnie. Mais ceci est une autre histoire, celle de sa formation et celle du théâtre, des années 50 à la fin des années 60. A un moment de sa vie, Lucien Attoun, qui avait rencontré dès leur plus jeune âge, la blonde Micheline, la retrouve et l’épouse. Leur parcours est fondé sur ce dialogue essentiel. Attoun et Attounette comme les appelait tendrement Jean-Luc Lagarce.

 

Lucien Attoun ne s’éloigne pas du théâtre le plus vivant en devenant critique dramatique. Ses avis sont influents, son écriture colorée, tout en images. Il est partout où palpitent la jeunesse, les grands étrangers inconnus en France, les formes nouvelles. A Paris et dans la région parisienne, à Nancy. C’est parce qu’elle a remarqué ses articles dans la revue Tréteaux 67 que Claire Jordan lui propose de participer à l’émission qu’elle anime, La Matinée du théâtre« Je suis entré à France Culture pour un quart d’heure et j’y suis resté trente-six ans. »

 

Il faudrait un livre, et il existe (1) pour retracer l’importance de Lucien Attoun dans le repérage, la mise en valeur, le rayonnement des auteurs –et par conséquent des metteurs en scène, comédiens, des équipes techniques et artistiques- dans le monde du théâtre contemporain. Pierre Sipriot, directeur de France Culture, à la fin des années soixante, lui confie le choix des pièces à mettre en ondes. Le Nouveau répertoire dramatique est né. De 1969 à 2002, Lucien Attoun harmonise ces créations, soucieux que les textes soient traités par des hommes et des femmes qui en mesurent l’intérêt. Il lance également les « Radiodrames », formes de 28 minutes. D’autres grandes personnalités contribuent à la vitalité du théâtre sur les ondes. Alain Trutat, notamment.

C’est son grand travail à la radio qui va conduire Lucien Attoun à être approché par Jean Vilar, soucieux de textes du temps : ce sera Théâtre Ouvert en 1971 (nom d’une collection qu’il dirige chez Stock), la chapelle des Pénitents Blancs et les « mises en espace ». Des années extraordinaires qui conduisent naturellement à l’installation au Jardin d’Hiver, en 1981 et en 88 à l’obtention du titre de centre dramatique national de création.

 

On ne saurait épuiser tout ce qu’ont entrepris Lucien et Micheline Attoun. Mais Koltès, Minyana, Rambert, Lagarce, Renaude, Chalem, des dizaines d’auteurs ont été mis en lumière grâce à eux et, aujourd’hui encore, s’ils n’ont plus de responsabilités officielles, ils demeurent des vigies, attentives et aimantes.

 

 

  1. Pour un théâtre contemporain, propos de Lucien Attoun recueillis par Antoine de Baecque, Actes Sud, 2014. Prix : 22,80€.   https://www.actes-sud.fr/node/49831
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April 27, 2023 5:02 AM
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Femmes de courage et d’esprit :  : Augures, de Chrystèle Khodr, à la MC93 de Bobigny

Femmes de courage et d’esprit :  : Augures, de Chrystèle Khodr, à la MC93 de Bobigny | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 27/04/23

 

Dans « Augures », la metteuse en scène Chrystèle Khodr réunit pour la première fois deux grandes comédiennes, comme elle libanaises, Hanane Hajj Ali et Randa Asmar.

 

Dès que l’on avait vu annoncé le spectacle Augures, on avait été heureux en imaginant revoir Hanane Hajj Ali, l’extraordinaire auteurs et comédienne de Jogging, solo découvert dans le cadre du dernier festival d’Avignon « in », en juillet 2022.

 

Le temps a passé, le temps a filé et l’on s’est réveillé bien tard pour applaudir deux femmes magnifiques, sous la houlette d’une autre femme de théâtre, tout aussi talentueuse, Chrystèle Khodr. Elle a, pour la première fois dans leurs carrières fortes, réuni deux aînées magnifiques : Randa Asmar, l’une des interprètes du film Cerf-Volant, de Randa Chahal Sabba, Lion d’or à Venise en 2004, et Hanane Hajj Ali.

 

En commun le Liban, sa haute histoire, sa culture lumineuse, ses traditions rayonnantes, mais aussi ces années de guerre et de catastrophes, depuis les années 70. En commun la passion du théâtre, du partage, de la transmission. Et puis l’intelligence, le courage, l’esprit.

 

Sur le plateau nu de la salle Christian-Bourgois, elles n’auront besoin que de deux chaises pour nous happer, captiver notre attention, bouleverser nos cœurs et nous éclairer. L’une est grande, pulpeuse, en robe souple, grège, c’est Randa Asmar, l’autre possède une silhouette d’Arlequin très féminin, jupe-culotte et cheveux retenus sous un turban. Elles sont belles et irradient charme et énergie malicieuse.

 

Toutes deux ont grandi dans le Liban d’avant la guerre, mais qui était tout de même bien secoué. Et puis vint 1975. Et la coupure entre Beyrouth est et Beyrouth ouest, la coupure même des sections de l’Institut des Beaux-Arts (séparation  qui dure toujours…).

 

Il y a un côté documentaire, ici, puisque Chrystèle Khodr a construit le spectacle en faisant des recherches, en plus des témoignages des deux interprètes. Mais tout flambe en une forme fluide et passionnée qui permet à chacune, à travers sa vie, les rapports avec le père, les rencontres déterminantes, les aléas des « carrières », les engagements et les gestes d’activistes de l’art, de se raconter et de raconter leur pays, leur patrie.

 

C’est un moment admirable. Aussi simple que puissant. Qui bouleverse et fait rire, aussi ! Créé en mai 2021 à Beyrouth, Augures se donne en français et en arabe, avec de très bons surtitres. Le spectacle a été présenté dans plusieurs festivals depuis. Hortense Archambault, qui dirige la MC93 de Bobigny, les accueille et c’est formidable. A Bobigny s’épanouit l’une des meilleures programmation d’Europe.

 

 

Vidéo de présentation du spectacle "Augures"

 

Dernière représentation aujourd’hui à 19h30 à la MC93 de Bobigny. Durée : 1h20. Réservations au 01 41 60 72 72. Le 3 mai à l’Espace Bernard-Marie Koltès de Metz, dans le cadre du Festival Passages.

 

Crédit photo : Julie Cherki

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April 26, 2023 3:19 PM
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Le site dédié à l'œuvre de Claude Régy : www.claude-regy-theatre.fr

Le site dédié à l'œuvre de Claude Régy : www.claude-regy-theatre.fr | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Claude Régy - 1923/2019.
 
À l'occasion du jour anniversaire de ses cent ans, le 1er mai 2023 prochain, un site de de référence consacré à son travail et à son parcours artistique sera mis en ligne. Crée par ses proches collaborateurs, Alexandre Barry et Bertrand Krill, puis rejoints par Mateo Mavromantis, ce site propose documents, films, audios et liens multiples qui dessinent, par bribes, les traces d'une trajectoire unique dans l'histoire de l'art.
 
En lien avec la Bibliothèque Nationale de France, où le fonds Claude Régy est disponible, ce site permet aussi de mettre en doute le cliché que le théâtre, un certain théâtre, serait un art de l'éphémère.
 
Car rien n'est plus durable, indélébile et transmissible que les images, les sensations et les souvenirs qui ont imprimé des consciences et ouvert des imaginaires.
 
(à partir du 1er mai 2023)
 
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April 25, 2023 4:45 AM
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«Jamais Labour n’est trop profond», fuite et fin

«Jamais Labour n’est trop profond», fuite et fin | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Laurent Goumarre dans Libération 24/04/2023

 

Après trois ans de représentations, les anciens Chiens de Navarre ont achevé leur pièce écolo délirante où se mêlaient inquiétude beckettienne et excréments.

 

 

C’était la dernière au Théâtre 13 à Paris. Fin de partie pour Thomas Scimeca, Anne-Elodie Sorlin, Maxence Tual, Lola Blanchard, les clowns collapsologues de Jamais labour n’est trop profond. C’est fini, trois ans de représentations, essentiellement parisiennes ; les régions seraient-elles plus frileuses pour accueillir ces dissidents des Chiens de Navarre, qui s’installent dans les théâtres et occupent la scène en zadistes de la culture ? Le programme tient d’un constat : face au cauchemar climatique et autres catastrophes, que peut le théâtre ? Le monde va à sa perte ? La bande des quatre comédiens a la solution : tous aux abris dans les théâtres pour y cultiver son jardin. Permaculture, récup et recyclage, du décor aux costumes, on est XXIe siècle ou on n’est pas. Anne-Elodie rabote et scie, Lola transporte des bidons avec une inquiétude toute beckettienne, Maxence semble être le maître à penser à la Rabhi de cette communauté, quand Thomas ouvre la séquence couilles à l’air sur les toilettes sèches, face public, au téléphone avec son agent pour des questions d’agenda sur des films à venir, payés 1 500 euros la journée, mais avec des conditions exceptionnelles – TGV première classe, et grande villa, «faut pas déconner quand même».

«Goût biodynamique»

Oui Thomas Scimeca, encore auréolé de sa participation au Flambeau, la série de Jonathan Cohen sur Canal + pourrait bien quitter la ferme-théâtre, redevenir cette «serpillière à champagne» qu’il fut à Cannes avant de venir s’effondrer dépressif chez ses potes repliés au théâtre. Maxence règle l’histoire en un massacre du téléphone ; Thomas restera pour son bien, et le bien commun. Faut dire que ce type est un génie, il a inventé la Solution aux problèmes énergétiques, le rêve de l’autonomie absolue ; son Merdoduc transforme nos excréments solides en électricité, liquides en eau au «goût biodynamique». Encore faut-il alimenter la machine. Les acteurs font alors pression sur le public convoqué pour déféquer, mais les spectateurs, on les connaît, quand il faut donner de soi, y a plus personne.

 

Carburant merdique

C’était la dernière, et c’était merveilleux de retrouver le rire génialement malade de ces «vrais» Chiens de Navarre, la construction délirante de leur pièce qui évite la suite de sketchs et invente une dramaturgie de glissements. Thomas et Maxence se lancent dans un récit à la Théramène de l’inauguration du Théâtre 13 – avec défécation de la ministre Roselyne Bachelot version jet d’eau sur le lac d’Annecy –, Anne-Elodie récupère la partie dans le noir – pas assez de carburant merdique pour allumer la scène – en proférant un «Prométhée» de circonstance, quand Lola, nouvelle recrue en robe d’époque, chavire sur la musique de la Nuit américaine de François Truffaut. La lumière est le motif de ce spectacle d’apocalypse. Par apocalypse, entendre «révélation» : à jardin, une porte s’ouvre depuis les coulisses qui déplient un couloir de lumière, un soufflement balaie la scène où un comédien en costume de singe retrouve des souvenirs de cinéma quand Kubrick anticipait 2001. Nous étions le 22 avril 2023 au Théâtre 13 : la fin d’une odyssée. Prochain épisode ? la bande part en création pour 2024-2025 ; Anne-Elodie Sorlin confirme. «Un Ehpad de vieux acteurs, on en est là : “les mamhads et les papdahs”.» On va tous vieillir ensemble.

Jamais labour n’est trop profond, conception et mise en scène Thomas Scimeca, Anne-Elodie Sorlin, Maxence Tual
 
Légende photo : Lola Blanchard, Thomas Scimeca, et Maxence Tual, les clowns collapsologues de «Jamais labour n’est trop profond». (Martin Argyroglo/Martin Argyroglo)
 
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April 24, 2023 8:05 AM
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Cérémonie des Molières : Johanna Boyé donne les beaux rôles aux femmes

Cérémonie des Molières : Johanna Boyé donne les beaux rôles aux femmes | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Valentin Pérez dans Le Monde - 24/04/2023

 

Cette metteuse en scène à succès est nommée trois fois aux Molières, qui seront diffusés le 24 avril sur France 3. Au sein d’une profession encore très masculine, elle n’aime rien tant que mettre les actrices dans la lumière.

 

 

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/04/24/ceremonie-des-molieres-johanna-boye-donne-les-beaux-roles-aux-femmes_6170796_4500055.html

 

Parmi les professionnels éligibles pour être nommés aux Molières, la cérémonie qui récompense l’élite du théâtre français et qui sera retransmise en direct sur France 3 le 24 avril à partir de 21 h 10, Johanna Boyé était celle qui pouvait avoir l’avantage du nombre. Car ce sont pas moins de quatre pièces mises en scène par ses soins, toutes proposées à Paris à l’automne 2022, qui étaient susceptibles d’être sélectionnées. « Autant de spectacles, je craignais que cela puisse jouer en ma défaveur », redoutait celle qui se consacre à la mise en scène depuis dix ans.

 

Finalement, trois d’entre eux figurent sur la liste des nominations : La Fille aux mains jaunes, de Michel Bellier, sur la solidarité entre ouvrières en 1917, au Théâtre Rive gauche ; Je ne cours pas, je vole !, des portraits de groupes d’athlètes célèbres (Laure Manaudou, Usain Bolt…), au Théâtre du Rond-Point ; et sa libre adaptation, traversée de sous-textes féministes et écologistes, de La Reine des neiges, à la Comédie-Française.

 

 

Outre la course pour les prix de la mise en scène, de la pièce de théâtre public ou du jeune public, Johanna Boyé est aussi reconnue grâce aux nominations de ses comédiennes. Au point que, du côté des révélations féminines, trois des quatre potentielles lauréates – Vanessa Cailhol, Léa Lopez, Anna Mihalcea – concourent avec des rôles que Johanna Boyé leur a confiés. « C’est ce qui me rend le plus fière, dit-elle. Parvenir à éclairer des femmes sur un plateau. » Si son travail, enlevé, souvent rythmé par des séquences musicales et dansées, ne contient pas de propos frontalement militant, elle se déclare féministe, « au sens où il m’est important de mettre en valeur les femmes dans leur puissance, dans leur autonomie ».

Ces galeries de personnages qu’elle affectionne

A 39 ans, elle fait aujourd’hui partie d’une relève féminine de la mise en scène, un métier qui demeure majoritairement masculin, tant dans les distributions que dans les honneurs. Théâtres privé et public confondus, le Molière de la mise en scène a ainsi été remporté, au cours des deux dernières décennies, par seize hommes pour quatre femmes (et un duo, en 2022, Valérie Lesort et Christian Hecq pour leur Voyage de Gulliver).

 

« On dira d’un homme qu’il est exigeant là où on dira d’une femme qu’elle est dure », remarque Johanna Boyé. « Les créations où il y a davantage de femmes sur le plateau sont les plus apaisées. Plus il y a d’hommes et plus je dois m’imposer, passer en force, gronder », ajoute-t-elle, alors qu’elle développe pour les mois à venir une relecture du roman de Jane Austen Orgueils et préjugés au casting 100 % féminin. Les comédiennes joueront indifféremment femmes et hommes dans une de ces galeries de personnages qu’elle affectionne, avide de confier à une poignée d’actrices les rôles d’une trentaine de protagonistes. « J’aime la force du transformisme : enfiler un chapeau, ajouter une moustache, et hop, devenir quelqu’un d’autre. »

 

Fille unique élevée à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) par une mère psychologue-orthophoniste et un consultant en management, elle se souvient être toujours allée au théâtre, poussée par la gourmandise de son père qui l’emmenait voir « tout ce que Télérama conseillait ». Adoles­cente, elle est une claveciniste « timide au point de peiner à aller vers les autres ». Son père la pousse vers le cours Florent comme on prescrit une thérapie. Et lui fait trouver sa voie. Après une dizaine d’années d’une carrière de comédienne, elle bascule vers la mise en scène à 30 ans. « Je me sentais limitée dans mon statut d’interprète. J’avais envie de dire : pousse-toi, je vais le faire ! »

Admiratrice de Mnouchkine et de Pommerat

Après un Feydeau, elle fait mouche, dans le off du Festival d’Avignon 2018, avec Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ? Ce portrait bondissant et irrévérencieux de l’actrice lui vaut un Molière du spectacle musical et fait d’elle un nom courtisé dans le théâtre privé, avec des créations appréciées du public – en moyenne entre 200 et 300 représentations par pièce –, parfois adaptés de textes contemporains, comme L’Invention de nos vies, de Karine Tuil (Grasset, 2013). Ce succès attire l’attention d’Eric Ruf, le patron de la Comédie-Française, qui lui fait confiance pour sa Reine des neiges (pièce qui a divisé les critiques cet hiver, dans un nuancier d’adjectifs allant de « poétique » à « bécasson »).

 

« Sans forcer, Johanna est mine de rien parvenue à flirter avec cette frontière si délicate entre théâtre privé et public, un pied dans chaque », louent ses fidèles coproducteurs, Fleur et Thibaud Houdinière. De fait, peu de metteurs en scène parviennent à frayer avec les deux mondes. « On est beaucoup dans ma génération à souffrir de cette dichotomie. Personnellement, je me suis toujours sentie à mi-chemin », indique cette admiratrice d’Ariane Mnouchkine,  Joël Pommerat, Thomas Ostermeier ou Ivo van Hove, têtes d’affiche du subventionné.

 

Que faire désormais de cette « phase ascendante », comme dit l’autrice et actrice Elodie Menant, qui a à la fois coécrit et joué dans Arletty et Je ne cours pas, je vole et qui décrit Johanna Boyé comme « plus en confiance, sachant où elle va » ? Ambitieuse, l’intéressée aimerait désormais s’autoriser une échappée vers l’opéra. Pourquoi pas diriger un théâtre. Et, d’ici là, repartir, qui sait, avec son premier Molière de la mise en scène.

 

 

Valentin Pérez / Le Monde

 

Légende photo : Johanna Boyé, au Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris, le 12 avril 2023. EMMA BALL-GREENE POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

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April 23, 2023 8:08 AM
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Les promesses de l’aube de Séverine Chavrier 

Les promesses de l’aube de Séverine Chavrier  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Guillaume Lasserre dans son blog 22/04/23

 

Pour sa nouvelle création, Séverine Chavrier imagine un dispositif scénique d’une très grande beauté, réceptacle des pensées de quatre adolescents musiciens d’aujourd'hui. Entre théâtre et cinéma, « Aria da capo » explore leur âge et ses soubresauts à la manière d’un journal intime ou d’un songe, restituant au plus près l’intensité du désir. Éblouissant.

 

Le plateau est occupé par deux espaces vitrés teintés de bleu, rigoureusement identiques, deux espaces rectangulaires mobiles, deux « chambres-boites » qui vont contenir tous les possibles de quatre adolescents : une fille et trois garçons âgés de quinze à dix-huit ans. Un quatuor de musiciens :  Areski joue du violon, Guilain du trombone, Victor du basson, tandis qu’Adèle chante et joue du piano. Lorsqu’ils apparaissent pour la première fois sur scène, ils sont figés, masqués à la manière du personnage qu’incarne Édith Scob dans « les yeux sans visage », le mythique film de Georges Franju, fixant du regard les spectateurs. Ils sont là, silencieux, inquiétants, comme dans un songe. L’ouverture est tonitruante, à l’image du fracas que l’adolescence provoque lorsqu’elle s’abat sur des corps en mutation. Durant tout le spectacle, la scénographie mouvante semble répondre à un enchainement chorégraphique : un écran géant s’abaisse et se relève à plusieurs reprises au-devant des modules-logements, les occultant ou bien les révélant. Entre l’écran et la scène s’installe un jeu de mise en abime permanente. Souvent, deux points de vue se superposent pour augmenter de façon inédite le champ de vision du spectateur, traduisant, s’il le fallait encore, l’intérêt pour l’utilisation de la caméra sur scène. La virtuosité de Séverine Chavrier démontre une nouvelle fois ce que l’image filmique apporte à l’action scénique. Dans « Aria da capo[1] », écran et scène sont toujours mêlés, traduisant les modes de communication de cette nouvelle génération connectée. Ainsi smartphones et tablettes se substituent-ils ou s’ajoutent-ils parfois à la caméra. Entre réalité et fiction, les quatre musiciens jouent leur propre rôle sous nos yeux dans une mise en scène de soi exactement comme quand ils se filment avec leur téléphone portable.

 

Les modules eux-mêmes se soulèveront parfois, quittant la scène pour s’élever avant de redescendre sur terre. La pièce prendra quelquefois des accents jazzy. D’autres musiques que classique sont improvisées par la bande des quatre, de la pop au rap, avec notamment un savoureux « hommage » à la mère et à la famille. « Pour ma part, je travaille toujours sans complexe avec toutes sortes de musiques. Parce que je pense que la scène peut toutes les accueillir à un moment ou un autre selon les énergies de plateau[2] » explique Séverine Chavrier. Des ballons gonflés à l’hélium, explosant par couple, laisseront s’échapper çà et là une pluie de paillettes comme on tire un feu d’artifice. Puis, dans une scène à la très grande beauté, la neige envahira le plateau, recouvrant tout de son manteau de flocons duveteux.

L’espace se fera carcéral pour évoquer une jeunesse marquée par l’épidémie de covid, bien plus par le confinement que par la maladie elle-même. Comment vivre son adolescence enfermé entre les quatre murs de sa chambre devenue cellule ? « Quand on s'est tous revus personne n'avait rien à s'dire. C'était tellement triste » confie Adèle. « Deux mois de vide, deux mois de poubelles » ajoute-t-elle encore. Tiraillés entre l’autodiscipline et la question de l’éveil du désir, ces apprenti-musiciens partagent les mêmes préoccupations que tous les autres ados. Et même s’ils accablent leurs idoles avec les mots de Thomas Bernhard, les grands compositeurs comme leurs parents – ici les pères sont tous musiciens –, ils se moquent de leurs ainés comme tous les jeunes gens de leur âge.

Que reste-t-il de nos désirs ?

Cela fait longtemps que Séverine Chavrier souhaitait travailler avec des adolescents. C’est chose faite à la faveur de la musique et de sa rencontre avec de jeunes musiciens sur lesquels la pièce s’est construite. Tout part des interprètes ici. La metteuse en scène a rencontré Areski sur son précédent spectacle, « Ils nous ont oublié », libre adaptation remarquable de « La Plâtrière » de Thomas Bernhard, dans lequel il co-interprétait le trio de musique de chambre qui clôturait le spectacle. Areski lui présente un de ses amis, Guilain, qui joue du basson. Ensemble, ils commencent à travailler autour de la notion d’adolescence via la musique comme apprentissage : comment se construit-on en tant que musicien classique quand on est un adolescent d’aujourd’hui ? Qu’écoute-t-on comme musique ? Comment trouve-t-on l’autodiscipline nécessaire ? « Tout ce travail... tu vois genre quand on bosse des heures et tout... J’me demande si on ferait pas mieux de kiffer tu vois ? Profiter de notre vie quoi » se demande à un moment Guilain. Comment reste-t-on connecté avec le réel ? Et la question centrale du désir : Comment construit-on sa confiance ? Son rapport au monde ? Sa sexualité ?... Des questions qui résonnent forcément dans l’esprit de Séverine Chavrier : « Le lien que j’ai avec eux se fonde sans doute sur l’adolescence que j’ai eue mais surtout sur cette passion pour la musique. Nous avons des expériences, des références et des passions communes[3] » explique celle qui, originaire de la ville frontalière d’Annemasse, s’est formée au piano au Conservatoire de Genève. « Le rapport à l’instrument sur scène est très différent de celui qu’ils ont au conservatoire » poursuit-elle. Dans la pièce, la musique se fait monde, passion, apparait viscérale. La question de l’amitié est au cœur du spectacle.  Sous les masques de vieillards se matérialise le temps qui passe.

Dispositif imaginé pour protéger les difficultés d’un jeu parfois trop intime autant que dispositif de son qui leur permet d’improviser facilement – Séverine Chavrier les sait en possession d’une véritable musique de scène –, les deux boites deviennent le lieu de tous les possibles, la chambre d’adolescent, c’est-à-dire la chambre des songes, celle remplie des rêves et des espoirs de demain, des doutes et des peurs aussi. Le titre du spectacle « Aria da capo » suggère la notion d’un éternel recommencement. « Il y avait peut-être l’idée du début d’une boucle qui ne serait jamais bouclée, celle de l’adolescence[4] » explique Séverine Chavrier. Musicalement, ils ont eu la possibilité d’improviser, de créer une matière sonore qui sert directement la scène.

Guilain, Adèle, Areski et Victor, incarnent l’adolescence d’aujourd’hui. Ils jouent de la musique, s’amusent à l’image de la partie de cache-cache finale, chantent, fument des joints, agacent parfois, incarnent ce que cela veut dire d’être ado. Entre promesse et attente, ce moment particulier de la vie se traduit dans « Aria da capo » par une expérience unique autour de la musique et de l’improvisation. À la croisée des genres, le spectacle restitue au plus près l’intensité du désir, parfois de façon très crue comme le font les ados. À l’arrière de la scène se devine, dans la disposition des chaises vides en demi-cercle, l’emplacement d’un orchestre fantôme se trouvant dans une position d’attente. Il sert d’échappée à l’enfermement des modules, un autre monde qui disparait en même temps que les voix-off des musiciens absents qui traversent la pièce. « J’aime que cet orchestre sans musicien, travaillé par quelques signes d’une présence humaine, apparaisse en film comme un off mental, comme un lieu d’attente ou de repli qui symboliserait aussi bien l’anonymat du groupe que le spectre de la grande musique symphonique[5] » confie Séverine Chavrier. Avec une incroyable virtuosité, elle réussit à mettre en scène l’éblouissement de la naissance du désir en nous transportant dans le réel adolescent de ces musiciens de demain, celui qui fut aussi le sien, « dépliant » leur monde sur scène, un monde où la musique est placée au-dessus de tout, où plus rien d’autre ne peut être vécu. « Pour ma part, le théâtre m’a sauvée[6] » avoue-t-elle. C’est sans doute cela qu’exprime l’immense beauté de la pièce, à la fois incandescente et mélancolique, onirique et effrayante, sublime.

 

[1] La locution signifie qu’il faut reprendre le morceau « à partir du début ». Elle désigne une forme d’air très utilisée dans l’opéra du XVIIème au XVIIIème siècle. Elle est constituée de deux strophes poétiques dont la première est reprise, ce qui constitue le da capo proprement dit.

 

[2] Entretien avec Séverine Chavrier, propos recueillis par Oriane Joncourt Galignani pour le Théâtre National de Strasbourg et le Festival Musica, 2020.

 

[3] Ibid.

 

[4] Ibid.

 

[5] Ibid.

 

[6] Ibid.

 

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ARIA DA CAPO - Mise en scène Séverine Chavrier. Interprètes : Guilain Desenclos, Victor Gadin, Adèle Joulin et Areski Moreira. Texte Guilain Desenclos, Adèle Joulin et Areski Moreira.  Création vidéo Martin Mallon / Quentin Vigier. Création son Olivier Thillou / Séverine Chavrier. Création lumières et régie générale Jean Huleu. Scénographie Louise Sari. Costumes Laure Mahéo. Arrangements Roman Lemberg. Construction du décor Julien Fleureau. Remerciements à Naïma Delmond, Claire Pigeot, Florian Satche, Alesia Vasseur, Claudie Lacoffrette et Claire Roygnan. Production déléguée CDN Orléans / Centre-Val de Loire. Coproduction Théâtre de la Ville-Paris, Théâtre National de Strasbourg. Avec la participation du DICRéAM. Spectacle créé le 30 septembre 2020 au Théâtre national de Strasbourg, vu à Centre dramatique national d'Orléans, le 3 décembre 2022.

Du 12 au 22 avril 2023

 

Nanterre Amandiers
7, avenue Pablo Picasso
92 022 Nanterre Cedex

 
 

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Crédit photo : Aria da capo, Séverine Chavrier © Louise Sari

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April 22, 2023 9:53 AM
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Temps meurtriers et cœurs brisés / Angels in America, par la Comédie-Française

Temps meurtriers et cœurs brisés / Angels in America, par la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thierry Jallet  dans Wanderersite — 22 avril 2023
Angels in America de Tony Kushner, Comédie Française – Salle Richelieu 2022–2023
Temps meurtriers et cœurs brisés

 

 

Qui est attentif à ce qui se joue sur les scènes ne pouvait manquer la reprise d’Angels in America au Français. Écrite à la fin des années 80, rencontrant un immense succès à sa création, la pièce de Tony Kushner est une œuvre monumentale contemporaine devenue désormais ce qu’on appelle « un classique » : on se souvient de la souveraine mise en scène de Krzysztof Warlikowski de 2007, régulièrement reprise dans son Nowy Teatr à Varsovie,  dernièrement en septembre 2022, qu’on a pu voir en France notamment au Festival d’Avignon 2007. Elle est jouée à la Comédie-Française aujourd’hui, à l’instar de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce dont on avait pu voir la mise en scène de Michel Raskine en 2008 ou encore dernièrement avec la formidable direction artistique d’Hervé Pierre dans la série « Théâtre à la table » proposée lors du confinement en 2020. Certes les deux auteurs sont des figures marquantes de cette période où les homosexuels tombaient en nombre des suites du Sida, le plus souvent à bas bruit, devant une médecine impuissante et dans une certaine indifférence générale aussi. Lagarce est d’ailleurs emporté en 1995. Se définissant comme « juif, marxiste et homosexuel », Tony Kushner s’empare vraiment de cette époque dans son pays et en livre une sorte d’épopée moderne, baroque et complexe dans sa composition rigoureuse Comme l’indique Pierre Laville dans la préface de l’édition du texte à L’Avant-Scène théâtre, Tony Kushner « est le premier auteur américain à aborder d’emblée une théâtralité non réaliste (…) brassant un matériau poétique et politique inscrit dans la réalité sociale et l’idéologie des États-Unis contemporains ». Parce que ce texte majeur du théâtre nord-américain l’a frappé dans la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman en 2014, le cinéaste Arnaud Desplechin, a adapté pour le Français Angels in America, passant par « un travail de condensation » – la pièce se réduisant à trois heures au lieu de sept – désireux de mieux faire percevoir « la poétique Kushner » à travers cette œuvre, ce dont nous rendons compte ici.

Il est toujours émouvant d’entrer à la Comédie-Française et, tout en étant fasciné comme chaque fois par les dorures et la somptueuse architecture à l’italienne de la salle Richelieu, on remarque que le plateau n’est pas vide. Un rideau noir est tiré – c’est un élément essentiel de la scénographie efficace pensée par Rudy Sabounghi. A l’avant-scène, au centre, un cercueil repose sur un chariot. Une bougie de yarzheit luit dessus. Une oriflamme ornée d’une étoile de David descend des cintres. A cour, on voit un téléphone public comme on en trouvait aux Etats-Unis dans les années 80. Quelques notes de musique s’élèvent, piano et violon. Les lumières baissent et on entend alors le tumulte de plusieurs voix provenant du fond de la salle. Entre un rabbin – Dominique Blanc virtuose dans les multiples rôles qu’elle endosse successivement, avec précision et justesse au fil de la pièce. Ce rabbin est suivi de deux hommes vêtus pour une cérémonie juive – Florence Viala et Gaël Kamilindi. Avec un accent prononcé, le rabbin Isidor Chemelwitz s’adresse à nous directement. « Bonjour, je vous salue bien (…) Nous sommes réunis ici ce matin pour rendre un dernier hommage à Sarah Ironson… » D’emblée, pas de quatrième mur, pas d’illusion théâtrale recherchée et on reconnaît distinctement de surcroît la comédienne sous les traits du rabbin – influence brechtienne immédiatement sensible. Le rabbin achève : « Dans peu de temps… tous les vieux seront morts ». Comme une sombre prophétie. Comme l’annonce sibylline d’un désastre inévitable.

 

 

De la même manière que toutes celles qui suivront par l’utilisation des rideaux occultant ou révélant, la deuxième scène succède rapidement à la première, selon la volonté de l’auteur qu’Arnaud Desplechin respecte ici soigneusement.

Derrière le rideau, apparaît un bureau avec des téléphones que Roy Cohn décroche. C’est Michel Vuillermoz qui donne à ce personnage historique un relief extraordinaire, lui l’« éminence grise » du pouvoir reaganien, l’avocat conseillant le sénateur McCarthy, ayant contribué à la condamnation à mort des époux Rosenberg pour espionnage. Très agité, on le découvre dans une effervescence qui fait entendre son ivresse du pouvoir en conquête permanente de soi-même – on retient par exemple dans ses paroles l’image de l’univers comme « une immense tempête de sable cosmique soufflant à la vitesse d’une tornade, dont les grains de sable seraient remplacés par des éclats de verre et des lames de rasoirs » – autant que l’abandon de toute forme de sensibilité extérieure. De tout souci de la vérité des faits et des êtres. Près de lui, Joe Porter Pitt joué par Julien Frison qui, par sa frêle silhouette ainsi que par ses mouvements hésitants, contraste nettement avec le tempérament violemment tellurique de l’avocat. Tandis que la corruption de Roy se devine, on sent alors les hésitations de Joe, tout en faux-fuyants. La construction de la pièce, absolument remarquable de par sa solidité, fait s’enchaîner les scènes sans temps mort ni transition marquée. Alors que le bureau de Cohn est escamoté dans les dessous, apparaît derrière un nouveau rideau noir tiré, l’appartement de Joe et Harper, son épouse à l’équilibre mental fragile, « accro au Valium » – l’interprétation de Jennifer Decker la rend alternativement touchante et drôle, usant d’une répartie faisant mouche, digne d’un bon boulevard. Leur mariage n’est pas heureux. Et surtout elle « voit » Mr Trip – personnage joué par Gaël Kamilindi, oscillant joyeusement entre le merveilleux et l’apparition fantasmée qui apparaît et disparaît, passant par la porte du réfrigérateur – la scène qui les conduit en Antarctique est très cocasse.

Parallèlement positionnés sur scène par rapport à ce couple, à la faveur d’un découpage du plateau inspiré par le split-screen au cinéma, un autre couple apparaît, assis sur un banc, dans un jardin dont on découvre qu’il est près du funérarium où se trouve le corps de Sarah Ironson dont il est question dans la première scène avec le rabbin : Prior et Louis – prononcer Louisss – respectivement Clément Hervieu-Léger et Jérémy Lopez.

 

Le premier est malade du Sida, développant un sarcome de Kaposi. Le deuxième qui est le petit-fils de Sarah Ironson n’est pas à l’aise dans sa relation amoureuse avec Prior alors qu’il est juif. L’échange est un peu tendu – la maladie de Prior est déjà bien avancée, la crainte de la séparation se devine aussi. Cela n’empêche pas la plume acerbe de Tony Kushner de s’aiguiser jusqu’à un humour clairement situé sous la ceinture. « Si je n’avais pas passé les quatre dernières années à te sucer, je jurerais que tu es hétéro » lâche Prior à son amant, avec désinvolture.

 

 

Associant foisonnement baroque et marivaudage peu conventionnel, les deux couples vont alors se défaire, se croiser, se perdre, se percuter tous emportés dans le maëlstrom de leurs existences au cœur de ces années de la présidence de Reagan, marquée par la domination de l’ultra-libéralisme, la chute du communisme, les ravages aveugles de l’épidémie de sida faisant des homosexuels les nouveaux pestiférés au ban du monde. Tous se trouvent liés les uns aux autres dans une constellation savamment élaborée. Louis va quitter Prior alors que son corps est douloureusement dévoré par la maladie ; Harper, de plus en plus sujette à des visions, comprend que son mari mormon comme elle, qui ne la touche plus, est en proie à des tourments voluptueux qu’il ne s’avoue pas ; Joe qui va se révéler à lui-même et assumer son homosexualité, va nouer une idylle avec Louis qui le quittera finalement pour retourner auprès de Prior. Ce dernier avait auparavant été en couple avec Belize – Gaël Kamilindi superbement juché sur des talons, tout droit sorti de la série « Pose », se révélant être enfin l’infirmier soignant… Roy Cohn.

Revenons sur ce personnage magistralement incarné par Michel Vuillermoz, Roy Cohn au destin si ironiquement cruel. Alors qu’il mène un combat acharné contre les homosexuels aux États-Unis, l’avocat se trouve être lui-même contaminé par le virus du sida. Dans une scène enlevée, à la fin du premier acte de la première partie, il a la confirmation de sa séropositivité par son médecin, interprété ici par Dominique Blanc.

 

Le comédien interprète une morgue qui témoigne de toute la contenance d’un homme sûr de se situer au-dessus de tous les autres, malgré sa propre homosexualité « honteuse ». Il a le sida mais ne peut officiellement l’avoir, réalité physique incompatible avec un langage subitement dérégulé – comme le marché ? Ainsi, le personnage parlant de lui à la troisième personne affirme péremptoirement « Roy n’est pas homosexuel (…). Roy Cohn est un hétérosexuel qui s’éclate avec des mecs ». Vanité de la sémantique dans un monde où l’argent et le pouvoir écrasent tout.

Alité, en proie à des visions lui aussi – il voit Ethel Rosenberg qui le hante au bord de la tombe, merveilleuse Dominique Blanc une fois de plus. Il fourbit ses armes et, dans des scènes très réussies, charge âprement Belize qui l’affronte de son côté sans vaciller, lui reprochant vertement une réserve personnelle d’AZT qu’il a réussi frauduleusement à se constituer quand tant d’autres victimes du virus sont décimées.

 

 

Dans ce monde où l’on meurt, où l’on se quitte, où l’on drague dans des espaces interlopes, où le sexe rend vivant et tue simultanément, il demeure invariablement la fontaine de Bethesda – nom de la ville où est mort le véritable Cohn d’ailleurs.

 

Cette construction et son ange en surplomb, avec quatre chérubins au-dessous, représentant les vertus (tempérance, pureté, prospérité et paix) semble l’axe à peine imaginaire autour duquel toute la pièce s’anime. C’est là qu’elle s’achève aussi mais avant on aura vu l’apparition réelle de l’Ange – rôle exigeant pour Florence Viala – en majesté, suspendu dans le vide, apparaissant à Prior, nouveau prophète, nouveau voyant d’un monde sur le déclin. Les Anges se rassemblent, tous les personnages ont eu des visions, des rêves et la marche de l’univers se poursuit. Le mur de Berlin tombe, les malades du sida continuent à mourir, le capitalisme s’impose partout. Le monde des années 90 prépare ainsi un autre monde : le nôtre aujourd’hui. Time flies. Vraiment ? On peut se le demander en tout cas.

 

Prenant appui sur le classicisme de la scénographie notamment avec des projections de Manhattan ou du bord de mer, Arnaud Desplechin propose une mise en scène qui lève le voile sur les amours homosexuelles maudites à une époque donnée, faite de ses bouleversements, de ses transformations. A ce propos, on peut citer en particulier le jeu tenu et émouvant de Jérémy Lopez transposant les errances aussi sentimentales que sexuelles de « Louisss », juif et gay qui semble si souvent égaré dans un environnement trop houleux, trop agressif pour lui. Sans doute peut-on regretter que le mordant de l’œuvre ne soit cependant pas plus marqué, que certains accents du mélodrame prévalent sur la subversivité propre au texte de Tony Kushner. Il reste que mettre en scène Angels in America aujourd’hui conserve un sens indiscutable : celui d’éclairer même par éclats sporadiques, notre présent.

 

Thierry Jallet  / Wanderersite

 Spectacle vu Salle Richelieu, Comédie-Française, Paris le 17 avril 2023

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Tony Kushner (1956)
Angels in America (1991)

Texte français : Pierre Laville
Version scénique et mise en scène : Arnaud Desplechin
Scénographie : Rudy Sabounghi
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumière : Bertrand Couderc
Son : Sébastien Trouvé
Collaboration artistique : Stéphanie Cléau
Assistanat à la mise en scène : Stéphanie Leclercq
Assistanat à la scénographie et à la vidéo : Julien Soulier
Assistanat aux costumes : Magdaléna Calloc’h

Florence Viala : l’Ange de l’Amérique, l’Infirmière Emily, Martin Heller et la Femme du Bronx
Michel Vuillermoz : Roy Cohn et l’Ange Antarctica
Jérémy Lopez : Louis Ironson et l’Ange Australia
Clément Hervieu-Léger : Prior Walter et l’Homme dans le parc
Jennifer Decker : Harper Pitt et l’Ange Africanii
Julien Frison : Joe Pitt et l’Ange Europa
Dominique Blanc : le Rabbin Isidor Chemelwitz, Henry, Hannah Pitt, Ethel Rosenberg, AlexisAntédiluvianovitch Prelapsarianov et l’Ange Asiatica
Gaël Kamilindi : Mister Trip, Belize et l’Ange Oceania

Production : Comédie-Française
Le décor et les costumes ont été réalisés dans les ateliers de la Comédie-Française

Angels in America est représenté dans les pays de langue française par Dominique Christophe/l’Agence, Paris, en accord avec The Gersh Agency, New York

Texte édité dans L’avant-scène théâtre, n° 1475–1476, janvier 2020

Spectacle créé le 18 janvier 2020 au Théâtre Marigny, Paris

 

 Photo Apparition de l'Ange (Florence Viala) 

Crédit photo : © Christophe Raynaud De Lage

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April 21, 2023 8:47 AM
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«Aria da Capo» vide son sac ados

«Aria da Capo» vide son sac ados | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Laurent Goumarre dans Libération - 16/04/23

 

Dans la formidable mise en scène de Séverine Chavrier, de jeunes musiciens parlent de désir comme de Monteverdi, sans prêt-à-penser.

 
 

Qu’est-ce qu’ils parlent, les adolescents ! Ils n’arrêtent pas – du moins celle et ceux formidablement mis en scène par Sévérine Chavrier. Ils sont quatre, trois garçons et une fille, tous passés par le conservatoire de musique d’Orléans, de très jeunes musiciens donc, avant d’être acteurs de cette pièce. Une révélation pour Areski, Guilain, Victor et Adèle, entre 15 et 17 ans, qui gardent leur prénom dans ce quatuor de «chambres», deux espaces vitrés comme des aquariums avec piano, chaises, matelas au sol. Ça se passe entre eux, ils se filment en temps réel sur un portable, avec projections sur les écrans qui montent et descendent sans jamais prendre toute la place dans une scénographie qui multiplie les couches jusque dans un arrière-plan qu’on devine : des chaises vides en attente d’un concert peut-être déjà passé. Rien n’est ici jamais figé, Séverine Chavrier inventant sans cesse sa mise en scène, aussi libérée des conventions que peut l’être l’adolescence.

Mais attention, pas de cliché sur «l’âge de tous les possibles», aucun prêt-à-penser générationnel forcément «désenchanté». Les quatre ados d’Aria da Capo ne sont pas les porte-parole de la jeunesse. D’abord ils et elle sont blancs, avec des prénoms qui racontent a priori leur milieu socioculturel. Ils étudient la musique classique, sont suffisamment cultivés pour se marrer quand Adèle déclare que «Messiaen est cool», suffisamment concernés pour penser la grandeur de la musique de Maurice Ravel comme une revanche sur ses handicaps physiques. La force de Séverine Chavrier est d’avoir «entendu» ces acteurs personnages, qui parlent de leurs maîtres, de Monteverdi, comme ils parlent de cul, ni plus ni moins, sans hiérarchie, avec des déflagrations de «nique ta mère» sur tous les tons, chantés, vocalisés, rappés s’il le faut.

 

Discussions sans fin

Et il le faut, absolument. Musiciens classiques, ça ne veut pas dire hors-sol, d’ailleurs ils passent littéralement leur temps par terre, le plus souvent allongés, vautrés sur les matelas dans des discussions sans fin sur les filles (elles sont «bonnes» ou pas), le sexe (être à la hauteur ou pas), le désir (en avoir ou pas), ou plus, pour la musique. Surtout parler, raconter n’importe quoi tant qu’ils sont ensemble.

 

Ça n’a pas toujours été le cas. Ils ont connu le confinement, chacun chez soi, la peur de se retrouver : ils n’avaient alors «plus rien à se dire». Ce qui se joue là, c’est entendre que leur parole est essentiellement une affaire de groupe, mais hantée par la peur de ne pas être écouté dans ce que chacun a à dire. Dès lors la pièce prend des allures cauchemardesques, avec l’apparition récurrente sur le plateau de vieux musiciens chauves, au basson, au violon, au trombone. Chacun sa partition, ça commence par quelques notes du Sacre du printemps de Stravinsky… Alors notre regard s’affine, on perçoit les postiches, les masques, et on devine sous la silhouette vieillie, un peu voûtée, le corps de nos adolescents qui auront tout donné pour la musique.

Aria da Capo, mise en scène de Sévérine Chavrier, théâtre Nanterre-Amandiers jusqu’au 22 avril.

Légende photo : Les acteurs Areski, Guilain, Victor et Adèle ont entre 15 et 17 ans. (Alexandre Ah-Kye)

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April 21, 2023 6:12 AM
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Les ambitions de Cédric Andrieux, nouveau directeur du Ballet de l’Opéra de Lyon

Les ambitions de Cédric Andrieux, nouveau directeur du Ballet de l’Opéra de Lyon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde - 21 avril 2023

 

A 46 ans, le danseur va prendre en août la succession de Julie Guibert. Inclusion, écologie et créations contemporaines sont au centre de son projet.

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/21/les-ambitions-de-cedric-andrieux-nouveau-directeur-du-ballet-de-l-opera-de-lyon_6170426_3246.html

 

Non seulement il a tout dansé (ou presque), de William Forsythe à Mats Ek, sans se soucier d’avoir, comme on dit, « le physique de l’emploi », mais il a su aussi négocier un virage fluide loin des projecteurs. Après avoir été producteur et enseignant, assistant et conseiller artistique, Cédric Andrieux, 46 ans, directeur des études chorégraphiques au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) depuis 2018, vient d’être nommé directeur du Ballet de l’Opéra de Lyon par Richard Brunel, directeur général et artistique de l’institution lyonnaise. Il a été choisi à l’unanimité sur 63 candidatures dans 26 pays par un comité de sélection. Il prendra ses fonctions le 16 août.

 

Cédric Andrieux prend la succession de Julie Guibert, restée trois ans dans la compagnie après le départ en 2020 de Yorgos Loukos, qui la dirigea à partir de 1991. C’est sous la direction de Loukos que Cédric Andrieux y fut interprète de 2007 à 2010. Il revient donc, comme il l’a fait au CNSMDP, où il étudia de 1993 à 1997, avant de filer travailler à New York avec Merce Cunningham pendant neuf ans, sur ses traces de jeunesse mais dans un rôle autrement délicat.

Trente danseurs d’excellence

Tenir les rênes de cette troupe est un défi. Elle est composée de trente danseurs d’excellence aguerris à tous les styles et esthétiques, comme on a encore pu l’observer en juin 2022 dans leur interprétation de la pièce-monstre créée en 1984 par Pina Bausch Auf dem Gebirge hat man ein Geschrei gehört (Sur la montagne, on entendit un hurlement). Son répertoire, riche d’une centaine de pièces signées par les maîtres Jiri Kylian, Lucinda Childs, Trisha Brown, déplie une histoire somptueuse de la chorégraphie qui valut à la troupe lyonnaise de tourner avec succès dans le monde entier.

 

 

Cette reconnaissance à travers un corpus d’œuvres historiques mais aussi des créations contemporaines, Cédric Andrieux entend la remettre au premier plan de son projet. Il souhaite également « impulser des projets innovants avec d’autres champs artistiques, développer des actions de médiation et d’inclusion, et réfléchir à un modèle de ballet écologique et responsable ».

 

 

Au CNSMDP, il a su notamment résister à la période du confinement en proposant en 2020 aux 126 élèves, âgés de 14 à 22 ans, des cours en ligne ainsi que des laboratoires de création à distance. Il a soutenu l’entrée dans le monde du travail des jeunes danseurs à travers le développement de l’Ensemble chorégraphique du Conservatoire. Composé de neuf préprofessionnels, le groupe est actuellement en tournée avec Necesito, pièce pour Grenade, de Dominique Bagouet, que Cédric Andrieux découvrit en 1991.

 

 

Rosita Boisseau

 

Légende photo : Cédric Andrieux nommé à la direction du Ballet de l’Opéra de Lyon PH. LEBRUMAN /OPERA DE LYON

 

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