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Le spectateur de Belleville
February 5, 2018 12:37 PM
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Par Sandrine Blanchard dans Le Monde 05.02.2018 Le ministère de la culture va créer un observatoire afin de centraliser les données sur les arts de la scène.
« Nous sommes incapables de dire combien il y a de créations de spectacles par an en France. » Cet aveu de Régine Hatchondo, directrice générale de la création artistique au ministère de la culture, lors d’un débat, le 17 janvier, aux Biennales internationales du spectacle de Nantes, consacré à la diffusion des œuvres théâtrales, n’a étonné aucun des participants. D’autant que d’autres interrogations restent sans réponse. Combien de personnes assistent-elles chaque année à des spectacles ? Quel est le nombre d’entrées payantes et gratuites ? Quels publics se déplacent ? Combien de représentations sont données et quelle est l’évolution de la diffusion ? Sur tous ces points, la Rue de Valois n’est pas en mesure d’apporter des chiffres actualisés et précis.
Lire le compte-rendu : Le spectacle vivant toujours… bien vivant http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/25/le-spectacle-vivant-toujours-bien-vivant_5191129_3234.html
Contrairement au secteur du cinéma qui livre chaque année, par le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), des chiffres détaillés de fréquentation, le spectacle vivant apparaît comme le parent pauvre des études statistiques. « Actuellement, nous disposons de peu d’éléments, nous n’avons pas de vision claire et exhaustive », reconnaît-on au cabinet de Françoise Nyssen. « Mais une petite révolution est en marche », assure l’entourage de la ministre de la culture. Cette « petite révolution » a pour nom l’« observatoire du spectacle vivant ». Il s’agit de créer une sorte de « CNC de la scène ».
Inscrite dans la loi « liberté de la création, architecture et patrimoine » votée en juillet 2016, l’obligation, pour tous les entrepreneurs de spectacles vivants de faire remonter leurs données de billetterie (prix, nom et auteur de l’œuvre, localisation et type de lieu pour chaque représentation), est désormais sur les rails.
A la suite d’un appel d’offres, l’entreprise Capgemini vient d’être choisie pour créer l’interface informatique permettant de collecter ces chiffres et de constituer un référent national d’informations fiables sur la fréquentation du spectacle vivant. Dès juillet, le système devrait se déployer en trois vagues : les structures labélisées ou conventionnées, celles relevant du théâtre privé, puis celles déclarant leurs chiffres au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz. Une fois le processus généralisé, un observatoire, regroupant notamment des acteurs du secteur et des représentants du département des études et des statistiques du ministère, étudiera ces données, qui seront rendues publiques.
« Un outil précieux » Il s’agit aussi d’établir une cartographie nationale des lieux, une sociologie des spectateurs et de mesurer la durée de vie des créations. « Cet observatoire sera un outil précieux pour améliorer et piloter la politique du spectacle vivant, notamment en matière de diffusion et d’élargissement des publics, défend-on au cabinet de la ministre. L’objectif est d’observer – pas de contrôler – pour partager un diagnostic. »
Ce déficit majeur de données exhaustives a été relevé dans maints documents depuis près de quinze ans (rapport Latarjet en 2004, entretiens de Valois en 2008, rapport Metzger-Martinelli-Murat en 2012). « L’idée d’un observatoire est un serpent de mer et une patate chaude », résume Fabien Jannelle, ancien directeur de l’Office national de diffusion artistique et auteur de Pour une politique du spectacle vivant (Les Solitaires intempestifs, 2016).
L’affaire est compliquée : des cafés-théâtres aux centres dramatiques nationaux, en passant par les théâtres municipaux, les scènes conventionnées, les festivals… le paysage est vaste et hétéroclite. « Depuis les années 1980, le nombre de lieux, de compagnies indépendantes et de créations s’est multiplié sans tenir compte des possibilités de diffusion et sans que l’élargissement du public suive, car la démocratisation culturelle a davantage été géographique que sociale », résume Fabien Jannelle. Conséquence : le déséquilibre entre l’offre et la demande entraînerait une baisse du nombre moyen de représentations par création et de la durée des tournées.
Objet de méfiance « L’économie du spectacle vivant est à réinterroger. Actuellement, la diffusion est en crise, les périodes de programmation sont trop courtes pour laisser le temps aux œuvres de s’installer et d’attirer un public moins averti », considère Michel Orier, ancien directeur général de la création artistique, directeur de la musique et de la création culturelle à Radio France. « Lorsqu’il y a un spectacle qui suscite de l’enthousiasme et de l’émotion, il devrait circuler beaucoup plus qu’actuellement », dit Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), qui milite depuis 2004 en faveur d’un vrai outil statistique.
Si ce projet d’observatoire a mis tant d’années à voir le jour, c’est « parce que l’évaluation n’a jamais été une priorité rue de Valois », souligne Michel Orier. Sans compter que la méfiance règne, du côté des lieux de spectacles, quant à l’utilisation qui sera faite de ces données. « Lorsque j’ai participé à la mission Latarjet, on était considérés comme des suppôts du capitalisme parce qu’on parlait d’économie, d’offre et de demande », se souvient Fabien Jannelle.
Les conclusions de cette mission, qui alertait déjà sur la diffusion insuffisante des spectacles, « n’ont pas pris une ride », dit Régine Hatchondo. «Nous avons aujourd’hui une chance historique de rebattre les cartes », ajoute-t-elle. Au Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, on redoute que les critères d’évaluation de ces nouvelles données aient pour objectif, dans un contexte budgétaire contraint, de faire des économies.
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 5:28 PM
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Par Christophe Candoni dans Sceneweb :
Sur quelques belles pages vocales et orchestrales tirées de l’abondante œuvre lyrique de Jean-Philippe Rameau, compositeur parfaitement connu du claveciniste et chef d’orchestre Christophe Rousset, l’artiste Phia Ménard invente pour l’Opéra Comique un petit opéra hybride et existentiel où se développe un monde obscur, chimérique, mouvant et déroutant.
Pour sa première incursion dans le monde lyrique, Phia Ménard se présente davantage comme l’installatrice d’une œuvre visuelle massive et puissante que comme une metteuse en scène d’opéra dont elle ne relève pas tous les défis. Par exemple, celui de laisser se déployer sans trop d’encombre la musique ou bien celui d’utiliser le chœur, omniprésent dans le montage musical présenté mais accessoirement relayé en coulisses où réduit à l’indistinction de ses membres tapis dans l’ombre.
Le noir est d’ailleurs la tonalité dominante de sa scénographie d’abord aveuglante puis très vite assombrie. Souvent engloutie dans des vagues de fumée, elle se situe à mi-chemin entre le conte merveilleux et la science-fiction angoissante, oscille entre gigantisme et kitsch comme avec les fruits-fleurs géantes suspendues dans les cintres, entre le physalis et l’agrume, dont les pétales flétrissent et tombent en laissant s’échapper goutte à goutte le suc dont elles regorgeaient pour traduire la jeunesse éphémère, le temps qui passe, la vie qui s’éteint.
C’est la destinée de Marguerite, personnage unique de Et in Arcadia ego dont l’argument un brin pontifiant est aussi vaste que limité. Arrivée aux portes de sa mort programmée, l’héroïne revoit son existence défiler. C’est l’exquise Lea Desandre qui incarne le rôle sans quitter le grand plateau peuplé quasiment d’aucune autre force humaine en présence. La talentueuse mezzo enchaîne ses airs dont les paroles ont été réécrites par le romancier Eric Reinhardt. Elle chante et danse, passe de l’extatisme à la séduction, tantôt virtuose, tantôt plus languissante. Assez vite, malgré toute son aisance, elle paraît livrée à elle-même, peine à trouver sa place, se voit entravée dans des déplacements vains ou dans un haut corps sombre et hiératique de grande faucheuse statufiée et sans visage. Mais elle atteint un sommet d’intensité dans les lamentations poignantes de Phèdre (Hyppolite et Aricie) qui referment la pièce.
La construction de soi et les phénomènes symboliques de mutations occupent une place importante dans l’œuvre de Phia Ménard, artiste transsexuelle qui ne pouvait que se passionner pour le parcours de cette femme, Marguerite, allant de la jeunesse à la maturité, et pour l’exploration sensible de ses états intérieurs à l’épreuve de la solitude et de la décrépitude. La signataire d’aussi beaux spectacles que L’Après-midi d’un foehn, P.P.P., Vortex, ou encore des Os noirs (dernière création bientôt présentée par le Théâtre de la ville) compose comme souvent avec les éléments. Il en va de même pour Rameau qui ne cesse d’évoquer la nature déchaînée dans ses pages musicales. L’eau, la glace, le vent traversent la scène ténébreuse. Si certains tableaux s’éternisent et n’émeuvent guère, si les transitions paraissent bien longues, la fin est juste sublime. La chanteuse tenue à un fil tient en équilibre sur un praticable en pente descendante, implorante au moment de son trépas, elle disparaît et laisse surgir une sidérante forme gonflable qui avale tout le plateau.
Dans cette ambiance mortifère, toute la vivacité et la majesté de Christophe Rousset sont les bienvenues. C’est une tornade sonore qu’il propose à la tête des Talens Lyriques, allègres dans les passages les plus tempétueux et caressants dans les plus plaintifs. Une admirable maîtrise des climats et des humeurs met en valeur la fantaisie, l’élégie, la véhémence ramistes. La chaleur lumineuse et moelleuse de sa musique éclaire la cosmogonie noire de Phia Ménard.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Et in arcadia ego Sur des musiques de Jean-Philippe Rameau
Direction musicale Christophe Rousset
Mise en scène Phia Ménard, avec la participation de Jean-Luc Beaujault
Livret et dramaturgie Éric Reinhardt
Décors Phia Ménard, Éric Soyer
Costumes Fabrice Ilia Leroy
Lumières Éric Soyer
Création son additionnel Ivan Roussel
Création tableau glacé Phia Ménard, Rodolphe Thibaud, Fabrice Illia Leroy
Construction décors Philippe Ragot
Avec l’équipe de la compagnie Non Nova (direction Phia Ménard, Claire Massonnet)
Assistante à la mise en scène Laïs Foulc
Mezzo-soprano Lea Desandre
Chœur Les éléments
Orchestre Les Talens Lyriques
Nouvelle production Opéra Comique
Coproduction Théâtre de Caen, Compagnie Non Nova
Les Talens Lyriques sont soutenus par le Ministère de la Culture et la Ville de Paris. Ils reçoivent également le soutien de la Fondation Annenberg – GRoW – Gregory et Regina Weingarten et du Cercle des Mécènes.
Durée: 1h30
Opéra Comique du 1 au 11 Février 2018
Photo Pierre Grosbois
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 4:47 PM
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Il n'est parvenu jusqu'à nous que des bribes concernant la vie du dramaturge britannique... Malgré d'importantes périodes pendant lesquelles les historiens ne retrouvent plus sa trace, Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet retracent pour nous le parcours biographique de Shakespeare.
Ecouter l'émission en ligne : https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/william-shakespeare-14-sa-vie-son-oeuvre
Jean-Michel Déprats est universitaire et traducteur de théâtre. Ses retraductions des pièces de Shakespeare font référence, en particulier pour la scène. Il réalise, avec Gisèle Venet, l'édition dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard) des Œuvres complètes du dramaturge anglais, depuis 2002. Il a par ailleurs signé un ouvrage de synthèse sur Shakespeare, paru aux éditions PUF en 2016. C'est de la vie du grand personnage britannique, de l'époque et de la langue élisabéthaines, et de la mise en scène de ses œuvres, dont nous parlons avec lui.
Gisèle Venet est professeur émérite de l'université Paris III-Sorbonne Nouvelle, spécialiste de William Shakespeare et du théâtre élisabéthain. Elle est l'auteure de nombreux travaux sur Shakespeare, dont par exemple Temps et Vision tragique, Shakespeare et ses contemporains, (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2002, 1ère éd., 1985), et elle prépare à l'heure actuelle un essai sur le comique shakespearien. Avec Jean-Michel Déprats, elle dirige l'édition des Oeuvres complètes de Shakespeare dans la Bibliothèque de la Pléiade.
A 15h30, nous sommes En Compagnie des revues et de Stanislas Rigot, de Page des libraires.
En fin d'émission, la poésie avec Jacques Bonnaffé.
Cette semaine consacrée au dramaturge britannique est réalisée en lien avec le festival de théâtre Shake'nice, qui a lieu du 24 janvier au 11 février, duquel France Culture est partenaire.
MUSIQUE GÉNÉRIQUE: Panama, de The Avener (Capitol) fin : Dwaal, de Holy Stays (Something in Construction).
MUSIQUE CHRONIQUE: Self portrait de Chilly Gonzales (Gentle threat).
Bibliographie
Comédies, Tome 1 Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2013
Tragédies Gallimard/Bibliothèque de la Pléiade, 2008
Intervenants Jean-Michel Déprats Universitaire et traducteur de théâtre, spécialiste de Shakespeare Gisèle Venet Professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle Paris III.
Légende illustration : Le Portrait Droeshout, gravure sur cuivre. C'est l'une des deux seules représentations (avec la statue qui orne le monument funéraire à Stratford-upon-Avon) reconnues comme étant celui de Shakespeare.
• Crédits : Martin Droeshout (1622) (Source : Wiki)
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 4:09 PM
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Par Véronique Hotte dans son blog Hottello
L’Oiseau-migrateur, texte Delphine Lanza, Dorian Rossel, Marie-Aude Thiel, Hervé Walbecq, mise en scène Dorian Rossel – théâtre, arts graphiques, dès 6 ans – Festival Odyssées en Yvelines
Dessins – la délicatesse d’un trait à la craie sur un tableau bleu, des sons et de la musique, ainsi l’éloge de la poésie advient à travers les prestations inspirées de deux performers lunaires – Hervé Walbecq et Marie-Aude Thiel dont l’imagination alliée à la sensation de l’instant accorde une plénitude bienveillante et émerveillée au public.
Le spectacle de L’Oiseau-migrateur prend ainsi son envol dans notre ciel intérieur.
Ecoute et compréhension de l’autre, l’entreprise est inédite quand l’autre est un oiseau. L’histoire appartient au dessinateur et comédien Hervé Walbecq qui, enfant, fit la connaissance peu banale d’un verdier, oiseau jaune et gris trouvé dans les bois.
L’interprète fait le récit graphique et poétique en compagnie de Marie-Aude Thiel, une clownesse et musicienne. Les deux amis sont tels des oiseaux tombés de leur nid, et le metteur en scène Dorian Rossel s’est amusé de leurs facéties. Ainsi, à travers un imaginaire polysémique et presque sans paroles, L’Oiseau-migrateur est une invitation au voyage, à s’initier à la migration – à la fois, intérieure et extérieure à soi -, depuis un territoire connu jusqu’à d’autres dits inconnus ou bien étrangers.
Peu de mots, des dessins et de la musique, le thème du fil à tracer et que l’on suit est fondateur –le fil blanc cassé de la ficelle qui marque un territoire à soi et le fil blanc d’un tracé à la craie qui invente graphiquement tout un monde de rêves.
Un espace marin avec sa baleine et quelque chose sur sa tête – objet ou petit animal – fait écho à un espace intime celui de la chambre de l’enfant où se poste l’oiseau – : les univers – terre, ciel et eau – s’approchent par l’intermédiaire de deux grands cubes qui se ménagent un espace plus ou moins grand, selon les situations.
La ligne de dessin, inspirée d’un dessin animé italien, évoque un bonhomme actif. La ligne se construit et se déconstruit, s’efface et se modifie, Le dessin, raconte Dorian Rossel, est un éloge de la désuétude, du silence et du presque rien essentiel.
Le chemin ardu mais patient est décrit avec humour : quand il faut traverser des zones humides de marais et de marécages, une jolie trouvaille d’accessoire scénique subjugue les spectateurs, amusés et surpris du subterfuge évocateur.
Des éponges trempées que l’on retire d’une bassine sont placées avec précaution sur le parcours des protagonistes – un trajet de Petit Poucet qui n’est pas fait traditionnellement de cailloux mais d’éponges ménagères. Quand les interprètes empruntent ce sillon et marchent sur les éponges gorgées, s’écoule un filet d’eau conséquent en même temps que se fait entendre un bruit d’écrasement humide.
Les dessins sur les surfaces de tableau des cubes invitent à voyager dans l’imaginaire des artistes, des propositions graphiques qui ouvrent à la capacité d’invention de chacun et de création de ses propres scénarii et histoires à venir.
Une aventure scénique délicate et propice aux voyages révélateurs et réparateurs.
Véronique Hotte
Théâtre Sartrouville Yvelines – CDN, Festival Odyssées en Yvelines, en tournée dans les Yvelines, du 17 janvier au 16 mars 2018, www.odyssees-yvelines.com
Scène nationale de Cavaillon – La Garance/ Cavaillon, du 9 au 14 avril 2018
Le Grand R, Scène nationale/ La Roche-sur-Yon, du 16 au 20 avril
Théâtre Forum Meyrin / Meyrin (Suisse), du 23 au 27 avril
Epoque – Salon du livre de Caen / Caen, mai 2018
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February 4, 2018 1:41 PM
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Par Vincent Bouquet / Les Echos | Le 30/01/2018
Au théâtre Les Gémeaux, le directeur du CDN Normandie-Rouen révèle tout le potentiel poétique de la pièce d'Ibsen. Dans le rôle-titre, Radouan Leflahi porte avec panache le spectacle, y compris dans ses quelques trous d'air. Des montagnes russes brisées, une caravane souillée, un immense masque de clown à la renverse... Le « Peer Gynt » de David Bobée contient en son décor toute l'allégorie de la vie de ce vaurien, celle d'avoir tout abîmé à force d'avoir trop louvoyé, trop charmé, trop trompé, jusqu'à ce que la fête - foraine - soit définitivement terminée. Le metteur en scène a réussi à capter l'âme du personnage d'Ibsen, ni foncièrement bon ni foncièrement mauvais, simplement et vulgairement humain, médiocre dans ses actions, faible dans ses convictions. De son périple à travers les époques, les mondes et les villages, qui le conduira de la naïveté de sa jeunesse à la vacuité de ses derniers instants, il fait une sarabande des illusions perdues où tournoie une ribambelle d'individus que Peer Gynt s'est plu à séduire pour mieux les rejeter, à vampiriser pour, pensait-il, pouvoir se construire.
Pour conter l'épopée de cet antihéros, David Bobée déploie des trésors d'inventivité. Avec un côté artisanal assumé, les univers se succèdent au gré de subtils changements de costumes, d'habiles créations de lumières signées Stéphane Babi Aubert, de toiles de fond figurant une mappemonde ou le mur gribouillé d'un asile d'aliénés. Avec, toujours, ce même leitmotiv : ancrer « Peer Gynt » dans la réalité, malgré les perches fantastiques tendues par Ibsen. Ses hommes d'affaires n'ont rien à envier à ceux qui peuplent l'esplanade de la Défense et les sièges des entreprises du CAC 40 ; quand ses trolls, grimés en blanc, font immédiatement penser à une phalange, avec son culte du chef, ses étendards brandis et son repli sur elle-même.
ACTEURS CAMÉLÉONS Pour autant, le spectacle n'échappe pas à quelques trous d'air. Déjà remaniée, la pièce d'Ibsen mériterait, sans doute, d'être encore resserrée pour éviter les longueurs qui, en 3 h 50 entracte compris, se font inévitablement sentir. Mais, même dans ces instants plus flottants, la folle énergie des comédiens ne cesse d'étonner. David Bobée a aussi cette qualité, celle de savoir s'entourer de talents hétéroclites venus des mondes du théâtre, de la danse et du cirque. Ses acteurs agissent comme des caméléons, capables de se mouvoir de rôle en rôle avec la même aisance, de grimper, de jouer et de chanter avec la même agilité. A commencer par le premier d'entre eux, Radouan Leflahi. Fidèle parmi les fidèles du metteur en scène, le jeune comédien, dont on soupçonnait déjà le talent, est criant et bouleversant de vérité dans le rôle-titre. Un comble pour un personnage dont le mensonge est, à la fois, le principal moteur et le fonds de commerce mortifère.
PEER GYNT d'Henrik Ibsen, mise en scène de David Bobée. Sceaux, théâtre Les Gémeaux (01 46 61 36 67), jusqu'au 4 février, durée 3 h 50 entracte compris.
Puis, en tournée :
- les 8 et 9 février au théâtre des Salins, Martigues ;
- le 16 février à L'Avant-Seine, Colombes ;
- les 21 et 22 février à la Scène nationale 61, Flers ;
- les 8 et 9 mars au Carré-Colonne, Saint-Médard-en-Jalles ;
- les 20 et 21 mars à La Passerelle, Saint-Brieuc ;
- le 19 avril aux Scènes du Golfe, Vannes.
@VincentBouquet
Légende photo : Fidèle parmi les fidèles de David Bobée, Radouan Leflahi est criant et bouleversant de vérité dans le rôle-titre. © Arnaud Bertereau
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 6:42 AM
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par Alain Babaud dans Sud-Ouest - Publié le 31/01/2018
Les deux collectivités travaillent à un projet commun qui va passer par la création d’une direction unique pour les scènes de La Coursive et de La Coupe d’or. Les temps changent, à La Rochelle et Rochefort, en matière de culture. Les deux collectivités charentaises-maritimes ont en effet décidé de travailler à un projet culturel commun qui va passer par la signature, dans quelque temps, d’une convention de coopération qui fixera les règles de leur collaboration en termes de missions, d’engagement financier, de mutualisation des équipes…
Mais d’ores et déjà, Jean-François Fountaine, le maire divers gauche de La Rochelle, et Hervé Blanché, le maire LR de Rochefort, ont annoncé ce mercredi après-midi aller vers une direction commune pour la scène nationale de La Coursive à La Rochelle (5,5 millions d’euros de budget, 50 salariés) et la scène conventionnée de La Coupe d’or (1,1 million, 13 salariés).
Franck Becker aux manettes La nomination de Franck Becker, actuel directeur de la Coursive, à ce poste inédit en Charente-Maritime, doit intervenir d’ici quelques mois.
L’homme, qui a succédé à Jackie Marchand voilà quelques mois à La Rochelle, a acquis de l’expérience en la matière, par le passé, à l’occasion de missions dans l’Orne et le Jura. Par ailleurs, le poste de directeur de La Coupe d’or est vacant depuis plusieurs mois.
Jean-François Fountaine et Hervé Blanché ont donc estimé, dans la perspective de la construction d’un pôle métropolitain qui inclut Niort, que les conditions étaient réunies pour concrétiser un projet de direction commune qui avait déjà été envisagé voilà quelques années mais vite abandonné.
Pour les collectivités qui semblent avoir reçu quelque assurance, c’est aussi le moyen de mieux profiter des subsides de l’Etat et de la Région Nouvelle-Aquitaine pour la culture.
Légende photo : Franck Becker, le directeur de la Coursive et bientôt de la Coupe d'Or, au milieu des maires des deux communes photo (c) ROMUALD AUGE
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 5:56 AM
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Par Marine Dusigne dans Clicanoo
PARCOURS. L'aventure qui lie la Réunion à la Cie Landyvolafotsy remonte, pour ce que nous en connaissons, d'expérience, au Festival Métis organisé à Pierrefonds par la Cie Talipot.
C'est donc en 1996 que nous avons découvert le phénomène théâtral que représente, à la Molière, les baladins les plus célèbres de Madagascar, la Cie Landyvolafotsy. Le théâtre Fourcade, à l'époque a profité de l'aubaine et c'est donc deux ans avant le création, en ce même lieu du Grand Marché, du Centre dramatique et de l'invitation que leur a fait alors le premier directeur, Vincent Colin, que la troupe, autrement dit les membres de la grande famille Odeamson, ont pu s'imposer sur les planches dionysiennes avec un spectacle incitant à "Rêver debout" (Tsanga Nofy).
Un cadeau de vitalité, de bonne humeur , d'humanité offert au nom de leur tradition par des acteurs qui "toujours peuvent parler du pire en laissant le dernier mot au rire", écrivions-nous à l'heure de cette première rencontre, découvrant les héritiers des ancêtres comédiens du village d’Ambohidratrimo, à une quinzaine de kilomètres de Tana.
C’est là-bas que, deux siècles plus tôt, la dernière reine du royaume malgache, Ranavalona III, envoyait chercher les comédiens, danseurs et musiciens pour orchestrer ses royales festivités. Parmi ses courtisanes, l'arrière-grand-mère de Doly Odeamson (l'homme qui dirige toujours aujourd'hui Landyvolafotdy). Elle était chargée de choisir les artistes, en toute connaissance de cause, puisqu'elle en faisait elle même partie. "Ainsi, depuis trois générations, notre village vit au rythme du théâtre dont nous sommes les artisans, garants de la tradition", aime à dire ce tout jeune septuagénaire, qui avec soeurs, frères et cousins a passé, comme son père avant lui, sa vie sur les planches. "Lui, Rakoto, il a fréquenté la Comédie Française en son temps. Il était fan de Molière et, comme lui, il est mort sur scène. J'ai tout appris de lui et je n'imaginais pas faire un autre métier."
Grimault, Aristophane, Hugo
Doly avait bien tenté de prendre une autre direction en allant boucler à Bordeaux un cursus de philosophie. Seulement en 1973 le décès de son père, qui avait réclamé d'être enterré par les siens en musique, l'a ramené dans la Grande Ile . "C'est à ce moment-là que j'ai décidé moi aussi de faire du théâtre. Comme lui, et comme ce Molière qui l'avait tant inspiré. Avec des parades de rue, des tréteaux pour aller dans les villes et les villages jouer la comédie. Il y a tant d'enfants à Mada, et tant de regards à illuminer de plaisir quand on fait l'acteur!....".
Dans la séquence "souvenirs souvenirs..." que ces retrouvailles avec Doly nous inspirent, outre leur apparition tambours battants à Pierrefonds, les hommes vêtus de redingotes flamboyantes et coiffés de blancs canotiers, les femmes moulées dans de longue robe amarilles drappées de châles immaculés, pour donner vie, cuivres en tête à l'Hira Gasy (art populaire des Hautes Terres), on n'oubliera jamais le plaisir, offert en si bonne compagnie, trois ans après, au même endroit devenu CDR. Vincent Colin (qui les avaient déjà conviés à Cergy Pontoise quand il y dirigeait le Festival Fenêtres au Sud) a eu la bonne idée d’inscrire la troupe à son programme de rentrée avec la mise en théâtre (et avec quel doigté !) du film animé "Le Roi et l'oiseau", de Paul Grimault. Des liens très forts ont ainsi liés les baladins malgaches et le public réunionnais.
Ils nous ont donné La Paix
Et en 2002, alors que la Grande Ile frôlait une nouvelle fois la révolution, interdisant à Doly de présenter dans son pays sa création du moment, "1000 francs de récompense", de Victor Hugo, la Cie Landyvolafotsy est revenue en urgence au Grand Marché pour la jouer. Et puis Lolita Monga a pris le relais de Colin à la tête du CDR. Rien de plus normal pour cette femme de théâtre que de programmer à nouveau la cie malgache qui est revenu nous donner "La Paix" , écrite par le poète grec Aristophane pour tenter de sensibiliser ses contemporains à la funeste guerre du Péloponnèse, il y a un peu plus de quatre siècles avant notre ère, quelque part sur les rives de la Méditerranée.
Une comédie antique qui dénonce l'indifférence des hommes et encense la paix. Une thématique idéale pour Doly et sa fratrie qui ont toujours su, dans leurs rôles d'acteurs et formateurs de vie auprès des jeunes dans les villages de brousse, utiliser le théâtre pour véhiculer les valeurs d 'humanité, de partage et de solidarité .
Rien n'a vraiment changer dans l'esprit des Odeamson et cie qui continuent aujourd’hui de se mobiliser au nom des pouvoirs salutaires de la dramaturgie pour donner du sens, de la joie et de la beauté à l'existence."Ce qui a changé, nous dit Doly, c'est l'état de la Grande Ile. Elle n'en finit pas de s'appauvrir au fil des années et la situation sociale risque à tout moment d'exploser ".
Ceci dit sans autre commentaire sur la politique de son pays. C'est en filigrane, dans son travail théâtral, que se niche sa discrète éloquence sur tant de souffrance. Avec, toujours, le sourire... la suprême élégance.
M.D.
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Le spectateur de Belleville
February 3, 2018 10:20 AM
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Par Caroline Besse dans Télérama 03 / 02 / 2018
Elle s’est inspirée de dada autant que de Venise… Cécile Kretschmar a entièrement créé les masques du film d’Albert Dupontel, qui vient de recevoir treize nominations aux César. Rencontre dans l’atelier où sont nés les mille visages d’Edouard, le personnage de “gueule cassée” incarné par Nahuel Pérez Biscayart.
Plus de deux millions d’entrées en quatorze semaines d’exploitation, treize nominations aux César qui auront lieu le 2 mars… Au revoir là-haut, le film d’Albert Dupontel adapté du livre de Pierre Lemaitre (Prix Goncourt 2013) fut l’un des grands succès de l’année, avec 120 Battements par minutes (13 nominations lui aussi), Barbara, ou Le Sens de la fête.
Nommé dans les catégories majeures des César (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur...) il est aussi en lice pour les meilleurs décors et les meilleurs costumes. Mais il aurait fallu créer une catégorie supplémentaire pour saluer le travail d’orfèvre accompli par Cécile Kretschmar, chargée de la création des masques qui se dévoilent tout au long du film comme une collection haute-couture.
Au revoir là-haut raconte l’histoire d’Edouard (incarné par Nahuel Pérez Biscayart), soldat défiguré pendant la Première Guerre mondiale, qui masque sa grave blessure à l’aide de masques plus originaux et créatifs les uns que les autres. Tous reflètent les espoirs et les tourments de cet artiste qui, au cœur des Années folles, va imaginer avec un compagnon de tranchées (Albert Dupontel), une arnaque au monument aux morts.
Les masques ont ainsi été créés par les doigts de fée et l’imagination débordante de Cécile Kretschmar, dans son atelier de la rue des Pyrénées (Paris, 20e). Ce matin de décembre, elle nous ouvre la porte vitrée qui donne directement sur son atelier : à gauche, une bibliothèque pleine de livres d’arts et de DVD, à droite, des étagères remplies de cartons, des moulages de visages de comédiens posés ça et là, des outils accrochés au mur, et un grand plan de travail partagé avec son compagnon depuis trente-cinq ans, Jamil, architecte, qui travaille discrètement sur son ordinateur. Ce jour-là, Cécile Kretschmar, 53 ans, porte un tablier sur un pantalon, qui tombe sur de très hautes chaussures compensées. Elle porte les cheveux ras. « Vous seriez venus il y a quelques semaines, j’avais les cheveux longs et verts ! Je les ai portés verts pendant vingt-cinq ans. Et puis j’en ai eu marre. »
En Espagne un metteur en scène lui a dit qu’elle faisait de la “caracterización”. Originaire d’Alsace, elle a commencé à travailler au Théâtre national de Strasbourg, en créant des prothèses de nez, d’oreilles, des petites transformations pour des pièces. « Un jour on m’a demandé de faire un masque, qui devait donner l’apparence d’un maquillage. C’est comme ça que j’ai commencé. » Dans la langue française, il n’existe pas de terme spécifique pour qualifier son métier, qui consiste, comme elle le décrit, à s’occuper « de la tête des chanteurs, ou des acteurs, principalement au théâtre ou à l’opéra. » Mais un jour, elle a travaillé en Espagne avec un metteur en scène, qui lui a dit qu’elle faisait de la « caracterización ». «C’est un terme qui me convient bien car pour donner un caractère, on peut en effet passer par la coiffure, le maquillage, des prothèses… ».
Le travail de Cécile Kretschmar sur les masques est connu dans le milieu – elle a officié à Paris au Théâtre de la Colline, puis à l’Odéon, auprès de Luc Bondy. Ainsi, quand Albert Dupontel a commencé à chercher quelqu’un pour Au revoir là-haut, le nom de Cécile lui a été soufflé par Mimi Lempicka, sa créatrice de costumes – nommée elle aussi aux César. « On a commencé à travailler en juin 2016. Albert souhaitait que les masques soient beaux. Edouard, le personnage de Nahuel Pérez Biscayart a fait les Beaux-Arts, il est doué de ses mains, il se débrouille très bien donc il fallait que ça se ressente dans les masques. »
“Je ne suis pas une vraie artiste, je n’ai jamais cherché à imposer une vision.” Cécile Kretschmar a rassemblé de la documentation, principalement autour du carnaval de Venise, du dadaïsme, et commencé à créer de petites maquettes, de la taille d’une main. Elle les sort d’une boîte en carton : le masque bleu avec les petites branches, le masque de lion composé de billets de banque, le masque de la femme aux cheveux bleus, celui de la lune… « La difficulté, c’est que peu de masques étaient précisément décrits dans le livre de Pierre Lemaître et donc, dans le scénario. Il a donc fallu en imaginer plusieurs, notamment pour la scène où Edouard montre plein de masques à la petite fille. Albert était très exigeant, mais d’un autre côté, ne voulait pas non plus décider vraiment de leur allure. J’ai beaucoup choisi moi-même, tout en respectant ses souhaits. Et cela a très bien fonctionné entre nous, car comme je ne suis pas une vraie artiste, je n’ai jamais cherché à imposer une vision. J’étais vraiment souple, pour sentir ce qu’Albert voulait, ce qui lui plaisait ».
Après plusieurs essais, Albert Dupontel a un déclic au moins d’août, quand Cécile Kretschmar lui montre le masque de la femme aux cheveux bleus, dont elle est, aujourd’hui encore, très fière. Mais parfois, il la stoppe aussi dans ton élan : « Pour un masque sur lequel je m’étais emballée, il m’avait dit "mais arrête, là tu fais trop ta maligne !” se souvient-elle en riant. Elle a aussi dû faire parfois des ajustements, comme pour le masque de l’oiseau bleu de la scène finale, qu’elle a d’abord créé en noir. « J’ai longtemps eu en tête qu’il fallait que l’on voit quelque chose de la douleur d’Edouard, alors qu’Albert ne voulait pas cela du tout. Au contraire, il ne voulait rien de morbide. »
Tous les masques étaient prêts pour les répétitions et le tournage, qui a commencé en mars 2017. « Cent pour cent faits main et made in France », aurait-elle pu inscrire sur une étiquette… « Pour ne pas sous-traiter et pour ne pas qu’on soit trop nombreux dans l’atelier, j’ai fait bosser ma fille Célia. Jamil nous a aidés pour les courses, acheter le plâtre, produire des éléments avec l’imprimante 3D », explique Cécile. C’est en fait toute la famille de Cécile Kretschmar qui est présente dans les masques : le visage d’Ito, sa deuxième fille, a été moulé pour le masque de la lune, son autre fille, Choucha, s’est occupée des perles et des décorations d’une autre pièce, quand son fils, Mimoun a notamment conçu des origamis pour une autre création.
Un petit regret pour Cécile : que certains masques aient été coupés au montage, même si elle s’y attendait. « Mais, sourit-elle, on pourra les retrouver dans le bonus du DVD ! » (en vente à partir du 28 février chez Gaumont Vidéo). Tous les essais de masques avaient en effet été filmés. Grande satisfaction en revanche : le reconnaissance d’Albert Dupontel, qui la cite beaucoup dans ses interviews. Et surtout, son choix d’avoir fait apparaître son nom en troisième position au générique du film…
https://www.theatredurondpoint.fr/artiste/cecile_kretschmar/
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February 3, 2018 8:42 AM
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Par Jean Grapin dans la Revue du spectacle 2 février 2018 "Dans la peau de Don Quichotte", Nouveau Théâtre de Montreuil, Montreuil L'histoire racontée par la compagnie La Cordonnerie, dans son nouveau ciné-spectacle "Dans la peau de Don Quichotte", se déroule des derniers jours de 1999 à maintenant et réunit autour du vieux roman de Miguel de Cervantès et d'un ordinateur poussif, un employé de bibliothèque tout gris, un technicien de surface un peu con-con, un méchant maire et une belle et mystérieuse médecin psychiatre.
Tout l'univers mental et physique du spectacle subit comme un grand choc, un grand bug. Opère un saut spatio-temporel, atteint un point de fusion. Le monde passe de l'intérieur d'une petite médiathèque à un paysage imaginaire avant de s'ouvrir à un hiver rural.
Où s'agite un cheval de fer qui rugit à Très Grande Vitesse comme en enfer. À l'horizon des pales d'éoliennes quasi fantasmatiques et une petite fille qui, de l'arrière d'une voiture, salue affectueusement au bord de sa cahute de fortune un vagabond. Célèbre dans le canton bien que nul ne connaisse son histoire, le passé qui l'a réduit à cet état. À part son compagnon d'infortune, et le maire de la petite ville.
Et peut être que, tout bien réfléchi, le spectateur bien calé dans l'histoire qui lui est racontée... est le seul à même de reconstituer les circonstances singulières et considérables qui relient les événements. Qu'il peut qualifier de folie sublime et dérisoire, pathétique et glorieuse, grave et comique.
C'est que l'homme à la tête farcie du roman de Cervantès entraîne le spectateur loin, loin, très loin dans les méandres des différentes consciences et revit au fil de ses errances, au fil du temps, au pied de la lettre, les aventures et mésaventures du héros hispanique. Histoire éternelle et récurrente. Où la réalité s'effrite. Les grains de réel changent de nature. Comme en une farce.
L'œuvre de Cervantès, prise dans ses multiples dimensions, est ainsi transposée dans une forme scénique tous azimuts quasi parfaite.
Face à la scène, le spectateur assiste à une forme à bien des égards chimérique. En forme de cinéma. Et c'est du grand cinéma. Carré, virtuose. Caméra objective, caméra subjective sont au service d'un documentaire, d'un docu-fiction, d'une autofiction. Tout y passe.
La scène est aussi en forme de studio de sonorisation et d'enregistrement de direct (bande son et bruitage). Et c'est du grand bruitage. Qui sait jouer de l'anachronisme visuel et dérisoire et de l'authenticité du son.
Dans la totalité de l'espace, au micro, les acteurs font du théâtre et c'est du grand théâtre. La proposition est à la fois réaliste, pastiche, parodique, autoparodique jusqu'à boucler le caractère merveilleux du récit.
Le spectateur s'amuse. Son regard glisse sans se lasser du fond de l'écran à l'avant-scène. Il regarde les comédiens qui au micro se dédoublent et s'autosurveillent. Le spectateur se trouve pris au piège d'une forme d'errance des plus délassantes.
Jusqu'à ce que sa conscience soit placée à un point de rupture. Lorsque celle-ci s'aperçoit que le personnage du vagabond, qui se met à nu au réel de la scène, fait l'objet de deux traitements d'images diamétralement opposés dans leurs effets. L'une retransmise par un ordiphone (smartphone) renvoie au ridicule, à la moquerie, au dénigrement, au mépris : c'est le regard du maire, du duc, c'est un regard de classe dominante.
L'autre fugace sur grand écran est sublime. Le visage du vagabond pris en gros plan devient clochard céleste digne du grand Orson Welles. À cet instant, sans nul doute, le petit employé tout gris devenu vagabond est assurément Don Quichotte. Dans toute sa noblesse et sa beauté. La fable rejoint le mythe. La satire, la parodie disparaissent. Le regard s'embue. Le spectateur applaudit cette bribe d'humanité, cette dignité et cette folie. Celles de Don Quichotte personnage éminemment populaire.
"Dans la peau de Don Quichotte"
Un spectacle de Métilde Weyergans et Samuel Hercule d'après l'œuvre de Cervantès. Assistante à la mise en scène : Pauline Hercule. Musique originale : Timothée Jolly et Mathieu Ogier. Avec : Philippe Vincenot, Samuel Hercule, Métilde Weyergans, Timothée Jolly, Mathieu Ogier. Et à l’écran : Ava Baya, Jean-Luc Porraz, Anne Ferret, Michel Le Gouis, Nicolas Avinée, Xavier Guelfi, Pierre Germain, Constance Chaperon, Alexis Corso, Grégoire Jeudy… Assistants réalisation : Grégoire Jeudy et Damien Noguer. Image : Lucie Baudinaud. Décors : Dethvixay Banthrongsakd. Costumes : Rémy Le Dudal. Montage Gwenaël : Giard Barberin. Direction de production tournage : Lucas Tothe. Création sonore : Adrian’ Bourget. Création lumière : Soline Marchand. Construction machinerie : Les Artistes Bricoleurs Associés. Compagnie La Cordonnerie. Durée : 1 h 40.
Du 25 janvier au 10 février 2018. Du lundi au vendredi à 20 h, samedi à 19 h, puis du 8 au 10 février à 19 h. Nouveau Théâtre de Montreuil - CDN, Salle Jean-Pierre Vernant, Montreuil (93), 01 48 70 48 90. >> nouveau-theatre-montreuil.com
Tournée 27 et 28 février 2018 : Théâtre, Villefranche-sur-Saône
(69). 7 et 8 mars 2018 : Le Granit, Scène nationale, Belfort (90).
13 au 15 mars 2018 : Les 2 Scènes - Scène nationale, Besançon
(25). 4 au 6 avril 2018 : Comédie de Caen - CDN Normandie, Caen (14).
10 et 11 avril 2018 : Maison de la Culture - Scène nationale, Bourges (18).
4 au 6 mai 2018 : Théâtre Am Stram Gram, Genève (Suisse).
15 au 19 mai 2018 : Théâtre de la Croix Rousse, Lyon (69). 25 mai 2018 : L'Apostrophe, Scène nationale Cergy-Pontoise et Val d’Oise - Théâtre de Jouy-le-Moutier,
Jouy-le-Moutier (95). 1er au 9 juin 2018 : Théâtre de la ville, Théâtre des Abbesses, Paris 18e.
Jean Grapin Vendredi 2 Février 2018
Photo © Coline Ogier.
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February 3, 2018 6:12 AM
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Par Rosita Boisseau dans Le Monde
Chorégraphies, performances, vidéos… Les trois trentenaires du collectif (La)Horde évoluent sur de multiples terrains. Dans « To Da Bone », en tournée en France, ils mettent à l’honneur le jumpstyle, avec des danseurs recrutés sur Facebook.
Malgré son nom, le collectif (La)Horde ne rassemble que trois personnes. Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel sont des artistes multimédia tout juste trentenaires, qui se jouent des étiquettes et jouent sur plusieurs terrains : chorégraphie (avec To Da Bone à la Maison des arts de Créteil), performances, mises en scène, réalisations de films ou installations. Un collectif que la planète arty scrute, notamment pour son éclectisme affiché. D’où ce sobriquet de « horde ».
« Nous avons choisi ce nom parce qu’il est assez vaste pour évoquer plein de choses différentes », expliquent-ils. Leurs projets débordent dans tous les sens, tous les domaines. Ils sont repérés en 2013 avec une vidéo à la Biennale internationale du design de Saint-Étienne. L’année suivante, à l’École de danse contemporaine de Montréal, leur spectacle, Avant les gens mouraient, fait sensation.
L’instinct de meute En octobre 2017, pendant la Nuit blanche à Paris, ils organisent un faux tournage de nuit, avec danseurs et machines de manutention, attirant 10 000 spectateurs. S’ils ne sont que trois, le groupe cultive l’instinct de meute. À bon escient. Depuis ses débuts, en 2011, il entraîne dans son élan une foule de collaborateurs. « Parce que (La)Horde, c’est d’abord une énergie, notre maison aussi, et ceux qui travaillent avec nous en font naturellement partie. Elle est inclusive et n’a pas de nombre fixe. »
Le spectacle To Da Bone, à la Maison des arts de Créteil, et qui partira ensuite en tournée, est la preuve de cette approche tous azimuts. Le trio a rassemblé onze danseurs-performeurs venus de toute l’Europe (Ukraine, Italie, Pologne) et rencontrés, pour la plupart, par le biais de Facebook. Sur scène, en bombers colorés, jeans et baskets, ils font du jumpstyle, une danse aux levers de jambes rapides sur une musique électro, née à la fin des années 1990 en Belgique, au Pays-Bas, au Royaume-Uni et dans le nord de la France.
D’abord repéré dans les boîtes, le jumpstyle s’affiche ensuite sur Internet, où des interprètes solitaires et autodidactes postent des images de leurs performances. (La)Horde a découvert ces mouvements étranges en 2012, au hasard d’une recherche sur YouTube. Les membres du collectif sont fascinés par ces gens qui se filment avec des webcams en train de danser dans leur salon. « En fait, c’étaient des jeunes qui remuaient si bizarrement qu’on a eu envie d’en savoir davantage. » Bientôt, ils décident d’en faire un spectacle. « Il a fallu dépasser les vingt-cinq ou trente secondes que durent généralement leurs vidéos de danse pour faire une véritable chorégraphie et, surtout, les faire basculer d’une gestuelle de profil, parfaite pour montrer les sauts à l’image, à quelque chose de moins didactique, pour la scène. »
ILS S’INSPIRENT DE CE QU’ILS TROUVENT SUR LA TOILE : « NOUS SOMMES EN ALERTE EN PERMANENCE, MAIS C’EST LE CORPS QUI EST AU CENTRE DE NOS PRÉOCCUPATIONS. » Comme chez beaucoup d’artistes de leur âge, le numérique, et ses potentiels, est au cœur de l’esprit de (La)Horde. S’ils oscillent entre arts plastiques et arts de la scène, ils aiment se positionner en tant qu’artistes « post Internet », traversés par des flux tendus d’images et d’informations du monde entier. Et citent le penseur et commissaire d’exposition Benoît Lamy de la Chapelle : « L’art post-Internet émerge chez des artistes membres de réseaux sociaux, dont la dépendance aux moteurs de recherche est maintenant irréversible, avec un MacBook pour atelier et un smartphone à proximité… » C’est donc tout naturellement qu’ils s’inspirent de ce qu’ils trouvent sur la Toile, qu’ils cherchent leurs danseurs, qu’ils annoncent leurs projets. Actuellement en résidence à la Gaîté-Lyrique, ils conçoivent un site Web qui répertoriera des formes de danse contemporaine. Mais ils savent aussi se débrancher quand il le faut. « Nous sommes en alerte en permanence, mais c’est le corps qui est au centre de nos préoccupations », précisent-ils.
Inspirés de Cronenberg et « Westworld » S’il mêle les domaines et les supports, le travail de (La)Horde se concentre sur des communautés, qu’elles soient celle des jumpers avec To Da Bone ou celle des seniors avec le spectacle Void Island en 2014. Ou encore celle des vapoteurs, lors d’une vidéo pour la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette… « Avec toujours la revendication de non-hiérarchie entre les participants, le refus de l’appropriation culturelle. » À l’image de la petite communauté qu’ils ont formée autour d’eux, où chacun apporte son parcours et ses passions. Marine Brutti et Jonathan Debrouwer viennent des arts déco de Strasbourg ; Arthur Harel est un autodidacte qui a été formé au Centre national de la danse de Pantin. « On s’est nourris les uns les autres, on a échangé nos savoirs. » À force de partages, ils citent les mêmes références : les séries Westworld ou The Leftovers, le metteur en scène Romeo Castellucci, les cinéastes Christopher Nolan ou David Cronenberg. Le tout cimente aujourd’hui ce qu’ils appellent un « self space », un cocon de sécurité parfait pour construire leur chemin. « Ça demande une énergie folle d’être plusieurs, mais on va plus vite et plus loin. »
Cette manière de disparaître derrière le collectif, Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel la mettent en pratique quand ils évoquent leur travail. Chacun possède son ton et son charme. Habitués aux longues discussions pour stimuler leurs idées, les membres du trio ne parlent pas tous en même temps. Ils se passent le relais les uns les autres, avec beaucoup de politesse. À la fin de la conversation, ils glissent : « Si vous pouvez tout de même, dans votre article, ne pas nous citer séparément… » Une horde qui a quelque chose d’un chant polyphonique.
« To Da Bone », (La) Horde, Maison des Arts, Créteil, 2 et 3 février. Puis en tournée. www.collectiflahorde.com
Légende photo : Jonathan Debrouwer, Arthur Harel et Marine Brutti, les trois membres du collectif français (La)Horde. TOM DE PEYRET
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February 2, 2018 7:34 PM
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Par Laurent Carpentier dans Le Monde :
Le ministère a chargé l’équipe de Théâtre Ouvert de succéder à Valérie Baran sur cette « scène internationale francophone ».
Voilà deux ans que le ministère cherchait une solution à la crise de logement de Théâtre Ouvert. Le fameux Centre national des dramaturgies contemporaines, lieu emblématique consacré aux « nouvelles écritures », avait en effet été mis à la porte de ses locaux de la Cité Véron, à Paris, par son propriétaire, le Moulin-Rouge. Le 31 janvier, la décision a enfin été prise d’accorder à sa directrice, Caroline Marcilhac, Le Tarmac, « scène internationale francophone », avenue Gambetta, à Paris. Alléluia.
Hélas, un problème chasse l’autre. Valérie Baran qui, depuis 2004, dirige cette institution, sonne l’alarme et se dit aujourd’hui « sacrifiée sur l’autel d’une politique gestionnaire de réduction des coûts ». Pour les équipes du Tarmac actuel, l’opération se résume en effet à une sortie de route, purement et simplement. « Jusqu’au 31 janvier, il y avait deux théâtres, Le Tarmac et Théâtre Ouvert ; aujourd’hui, objectivement l’un des deux disparaît », s’insurge un de ses membres.
Il est vrai que Valérie Baran – dont on dit en sourdine qu’elle entretient des relations difficiles avec Régine Hatchondo, la directrice générale de la création artistique au ministère, son autorité de tutelle – a beau jeu de souligner que la mission de « lieu emblématique de la création francophone », que, rue de Valois, on dit vouloir conserver, n’a jamais été une spécificité des équipes de Théâtre Ouvert, pourtant chargées « de donner un nouvel élan à l’établissement ».
Querelles de personnes Caroline Marcilhac n’est en effet pas une spécialiste des réseaux scéniques de la sphère francophone, mais c’est une pragmatique. Formée à HEC, ex-directrice de production au Festival d’Avignon de 2003 à 2011, ex-codirectrice du festival international des arts et écritures contemporaines (Actoral) à Marseille, elle a quelques atouts dans son jeu, à commencer par la présidente de Théâtre Ouvert : Catherine Tasca, l’ancienne ministre de la culture et de la communication qui a aussi hérité en son temps du maroquin de la francophonie.
Quant à Valérie Baran, les mauvaises langues rappellent qu’elle eut moins d’états d’âme lorsque Le Tarmac, jusque-là installé à La Villette, avait « fusionné » avec le Théâtre de l’Est parisien, obligeant sa directrice, Catherine Anne, à faire ses valises.
Au-delà des querelles de personnes et de lieux, l’affaire résume en filigrane la difficulté de la scène française à traiter la question de la francophonie, sujet dont le président de la République se fait désormais l’apôtre.
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February 2, 2018 7:13 PM
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MARIAGE FORCÉ POUR LE THÉÂTRE DE L’EST PARISIEN Par Christelle Granja — 19 juillet 2011 à 00:00 Nomination . L’installation du Tarmac à la place du TEP fait craindre un appauvrissement de l’offre culturelle. Le rideau est tombé sur le théâtre de l’Est parisien (TEP), situé dans le XXe arrondissement, avenue Gambetta.
Depuis le 1er juillet, Catherine Anne a été démise de ses fonctions de directrice. Sur décision de la DGCA (Direction générale de la création artistique), c’est Valérie Baran, à la tête du Tarmac, établissement voué à la défense des écritures francophones, qui prend sa suite, apportant avec elle son programme et son équipe.
Cette succession pose question. Car il ne s’agit pas du renouvellement classique d’une direction arrivée au terme de son mandat. Ni même de la fusion entre deux structures visant la création d’une nouvelle entité, plus riche.
Au contraire, il est ici question de la suppression d’un projet artistique au profit du développement d’un autre. Valérie Baran le confirme : «Si l’on peut parler de fusion, c’est uniquement au niveau des équipes. Pour le reste, il s’agit d’un déplacement du projet du Tarmac dans les locaux du TEP.» Un «déplacement» qui n’est pas sans conséquence.
«Bilan». Dans un communiqué commun du 11 juillet, les syndicats du Syndeac et de la CGT du spectacle pointent du doigt la décision ministérielle. Elle provoquerait selon eux un réel appauvrissement culturel : aucun nouveau projet d’implantation n’a été précisé à ce jour concernant le pavillon du Charolais, espace anciennement occupé par le Tarmac à la Villette. Et il reste difficile de croire qu’un seul lieu pourrait remplacer l’action et l’influence de deux… Les syndicats dénoncent également la perte d’emploi sèche consécutive au choix de la DGCA. Si certains postes du théâtre de l’Est parisien ont pu être conservés, trois licenciements ont été menés et plusieurs CDD n’ont pas été reconduits.
Pour Catherine Anne, la décision ministérielle n’est pas «lisible», d’autant qu’il n’existe pas, selon elle, d’équivalent parisien au projet du TEP, basé sur une programmation accessible au jeune public, valorisant des auteurs contemporains.
«En novembre 2009, Georges-François Hirsch [patron de la la DGCA, ndlr] m’a signifié le non-renouvellement de mon deuxième mandat [qui arrivait à échéance fin 2010], confie la metteure en scène, en poste depuis 2002. Pourtant, mon bilan était reconnu par le ministère, dont j’ai reçu les félicitations : les objectifs de fréquentation et le redressement budgétaire étaient atteints. Aucune justification ne m’a été donnée si ce n’est la nécessité de changer de projet.»
Légitime. Plutôt court. Au début de l’année 2010, une pétition et un blog voient le jour pour défendre la spécificité du théâtre parisien, créé en 1963 par Guy Rétoré. La protestation n’aboutit qu’à maintenir la directrice quelques mois supplémentaires, le temps de clore la dernière saison.
La pertinence du projet artistique du Tarmac ne fait pas débat : son équipe a su montrer son dynamisme. Investir l’avenue Gambetta «permet de bénéficier de meilleures conditions techniques et géographiques, qui favoriseront la création de projets plus ambitieux», se félicite Valérie Baran. Mais le projet du TEP était-il moins légitime ?
Christelle Granja
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February 2, 2018 11:46 AM
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Par Frédérique Roussel dans Libération — 2 février 2018
L’école Charles-Dullin vient de lancer des cours en ligne sur la mise en scène et la direction d’acteurs proposant ainsi un outil inédit à l’usage des apprentis artistes.
A première vue, la proposition paraît étrange : un Mooc (Massive open online course) pour apprendre la mise en scène. Donc un enseignement immatériel pour une pratique fondamentalement physique. C’est pourtant ce que propose le théâtre Charles Dullin : six Mooc, les deux premiers, «La direction d’acteurs» et «L’espace», ont démarré le 23 janvier avec 350 inscrits.
En septembre 2011, l’école Charles-Dullin, située cité Héron dans le Xe arrondissement de Paris, fondée en 1921 par le metteur en scène et comédien éponyme, ferme ses portes après des difficultés financières. Le local vendu, s’engage alors une période de réflexion sur la suite. «En échangeant avec un certain nombre d’interlocuteurs, nous avons eu la conviction qu’il manquait un pan mise en scène dans le système de formation, explique Claire David, directrice éditoriale et artistique et directrice de la collection Actes Sud «Papiers». Il y a d’excellentes écoles d’acteurs et peu de parcours dédiés à la dramaturgie (le conservatoire et l’Ecole du Nord).» D’où l’idée de cette plateforme pédagogique à destination des débutants et des amateurs, la première dans son genre, à part les TED ou les masterclass. Ici, le programme a été discuté, disséqué et bâti par des professionnels passionnés de transmission. Une année de réunions avec différents partenaires a permis de définir les thèmes des Mooc, en axant sur les fondamentaux. Leur évolution viendra en marchant, notamment par des échanges de bonne pratique avec d’autres gestionnaires de Mooc. Huit semaines, à raison d’une heure et demie par semaine
Aucun prérequis n’est demandé aux «apprentis». Dans les premiers inscrits aux deux Mooc ouverts depuis huit jours, il y a des enseignants qui ont toujours pratiqué le théâtre en cours, des étudiants en art dramatique, des scientifiques, des jeunes qui souhaitent devenir metteurs en scène sans passer par la case école d’acteurs. Il y a la possibilité d’accéder gratuitement à des vidéos de dix minutes environ. La formule payante, à 69 euros, se déroule sur huit semaines, à raison d’une heure et demie par semaine. Elle comprend des interviews exclusives avec des metteurs en scène de premier plan, des exercices pratiques, un «laboratoire» et deux séances d’évaluations entre apprentis. A la fin du cycle, l’apprenti dispose du PDF du Mooc, d’un accès Facebook privé pour poursuivre le dialogue et d’une attestation. L’école Charles-Dullin propose même quelques places d’assistants metteurs en scène dans des festivals, en particulier à l’Aria en Corse et au nouvel événement de Robert Cantarella à Pézenas. Il y aura aussi des répétitions au Théâtre ouvert.
Le premier Mooc s’intitule «La direction d’acteur» ; Ariane Mnouchkine, Eric Lacascade, Guy Cassiers, le Polonais Kristian Lupa, Bernard Murat et Christian Schiaretti y font le récit de leurs expériences. Le deuxième creuse «L’espace» ou comment définir le lieu théâtral : quelle place réserver aux décors ? Pendant six semaines, Yves-Noël Genod revient sur l’histoire de la scénographie et présente différentes formes de mises en scène. De même, témoignent Eric Ruf, Jean-François Sivadier, Stéphane Braunschweig, Jeanne Candel et Christiane Jatahy. Le Mooc «Mettre en scène est un métier» démarrera le 10 avril, avec Robin Renucci qui reviendra sur l’émergence de ce métier apparu au tournant du XIXe et du XXe siècle, on y verra aussi Alain Françon, Brigitte Jaques-Wajeman, l’Allemand Thomas Ostermeier, Jean-Pierre Vincent et Olivier Py. Le 9 juillet démarrera «L’atelier du spectateur». Et plus tard encore dans l’année, «Lire le théâtre» et «Concevoir et diriger un projet». Trente metteurs en scène ont accepté de participer à cette plateforme pédagogique, tout en apportant un court extrait de leur spectacle. «La mise en scène n’est pas totalement intuitive»
Il ne faut pas imaginer que cela remplace un enseignement plus long. «C’est un outil de travail et pas une fin en soi, évidemment qu’il faut pratiquer, dit Claire David, en citant Robin Renucci. Mais avoir un peu de culture et de réflexion peut apporter beaucoup. La mise en scène n’est pas totalement intuitive.» L’initiative semble avoir été globalement bien accueillie par les pros. L’outil permet en tout cas de faire profiter au-delà des frontières et d’élargir le cercle.
Frédérique Roussel
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February 4, 2018 7:34 PM
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Japanese kabuki is one of the most impressive spectacles in world theatre: a spectacular, heavily costumed affair played by an exclusively male cast. This is one of Japan's most famous 'onnagata' – cross-dressing – actors, Nakamura Shibajaku VII, who has portrayed princesses and courtesans at venues including London's Sadler's Wells. Getting ready for work has never been this laborious ... Cameron Robertson, theguardian.com
Link to the video : https://www.theguardian.com/stage/video/2010/jun/24/woman-kabuki-theatre?CMP=share_btn_fb
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February 4, 2018 5:04 PM
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Par Blandine Masson sur le site de France Culture
En hommage à Jacques Lassalle dramaturge, metteur en scène, acteur et écrivain français qui nous a quitté le 2 janvier à l'âge de 81 ans.
En hommage au metteur en scène disparu le 2 janvier 2018, Rediffusion de la dernière émission de « l’Intégrale Sarraute » diffusée pour la première fois en janvier 2013. Cycle conçu et dirigé par Jacques Lassalle.
Réalisation Etienne Valles et François Christophe. Choix des extraits romanesques : Jean Torrent.
Textes de Nathalie Sarraute lus par Denis Podalydès , de la Comédie-Française.
Ecouter en ligne "Pour un oui ou pour un non" de Nathalie Sarraute, dirigé par Jacques Lassalle : https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/pour-un-oui-ou-pour-un-non-de-nathalie-sarraute Je connaissais d’une part l’amitié de Jacques Lassalle pour Nathalie Sarraute et sa passion pour l’œuvre théâtrale de l’écrivain, d’autre part sa curiosité et son intérêt pour la création radiophonique. Avec la complicité de deux réalisateurs, Etienne Valles pour la part théâtrale, François Christophe pour la part romanesque, Jacques Lassalle a pu croiser radio et théâtre et engager un long et beau travail artistique qui dura deux ans, avec l’ambition d’enregistrer l’intégralité des pièces de Nathalie Sarraute. Ce fut l’occasion pour lui de reprendre en studio certaines de ses créations théâtrales comme Elle est là (création au Vieux Colombier pour la Comédie Française en 1993) ou Pour un oui pour un non, l’occasion aussi de créer pour la première fois des pièces à la radio, comme Le silence, Isma, le mensonge, C’est beau. Je connaissais aussi l’amitié profonde de Denis Podalydès pour Jacques Lassalle. C’est pourquoi de nombreux textes en prose de Nathalie Sarraute ou des textes écrits par Jacques Lassalle ont été enregistrés en public dans la cour du musée Calvet à Avignon par l’acteur en 2012. Les pièces et les textes sont présentés par Jacques Lassalle lui-même.
Blandine Masson
Direction : Jacques Lassalle Réalisation d’Etienne Valles
Avec : Jean-Damien Barbin, Hugues Quester, Véronique Alain, Nicolas Bonnefoy
Assistance technique et montage : Xavier Lévêque
Prise de son et mixage : Julien Doumenc
Assistante à la réalisation : Marie Casanova
Lectures de textes enregistrées à Avignon en juillet 2012 :
- Extrait des Cahiers de Jacques Lassalle – lu par Denis Podalydès
- Ich sterbe – lu par Denis Podalydès
- Ouvrez – Premier fragment. Lu par Denis Podalydès et Jacques Lassalle
Archives : extrait d’Enfance lu par Isabelle Huppert (2001)
Bibliographie
Pour un oui, pour un non Nathalie Sarraute Gallimard, 1999
Jacques Lassalle Conversations sur la formation de l'acteur Actes Sud, 2017
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 4:14 PM
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Par Judith Sibony dans son blog Coup de théâtre
Dans son troisième spectacle intitulé France-fantôme, l’actrice et auteure Tiphaine Raffier va jusqu’au bout d’une idée terrible : que ce soit pour des raisons techniques ou idéologiques, l’avenir est voué à maltraiter la mémoire. C’est une intuition qu’on a tous plus ou moins, mais la jeune femme l’explore de façon radicale sur le mode de la science fiction. Dans sa pièce futuriste, la vie des hommes est scandée par des robots qui les invitent, avec une insistance suspecte, à « décharger » leurs souvenirs dans des machines appelées « démémoriels ». Sauf rares exceptions, les personnages se prêtent tous à cette discipline, qui d’ailleurs ressemble à l’un de nos rituels d’aujourd’hui : ne passons-nous pas notre temps à « transférer » (avec une confiance aveugle) nos archives dans toutes sortes de « nuages » cybernétiques ? Mais dans France-fantôme, les choses vont beaucoup plus loin : on est dans une pièce « d’anticipation ». Ici donc, la mémoire étant devenue une chose extérieure à celui qui la détient, il suffit, après sa mort, de transférer son contenu vers un corps étranger pour le ramener à la vie. Une sorte de réincarnation new look : la mémoire de l’un sur le corps d’un autre.
À partir de cette fable, le spectacle pourrait donner à penser bien des choses sur nos destinées humaines tiraillées entre l’obsession des images et la hantise de l’oubli, ou sur les liens profonds entre la mémoire et le corps. La pièce paraît d’autant plus prometteuse que son auteure (très soutenue, notamment par le théâtre de la Criée, à Marseille, dont elle est artiste associée) a une plume et un humour certains, comme en témoigne notamment la séquence du jeune étudiant si fier d’avoir inventé une machine à compresser les grands textes classiques en supprimant un mot sur dix – « le temps de la lecture est carrément réduit, (…) on peut pas faire la différence entre A La Recherche du Temps Perdu en entier ou La Recherche dans sa version light ».
Mais la complexité – hélas, plutôt la complication – de la pièce finit par nous empêcher de penser quoi que ce soit, comme l’annonce d’emblée le long prologue qui multiplie les grandes phrases (« Une représentation archaïque comme celle à laquelle vous allez assister ce soir est aussi un outil ») pour aboutir, finalement, à cette évidence : l’invention technologique est une chose relative. « Tout ça pour ça ? » avait-on pensé à la fin de cette introduction. La même question revient au bout du spectacle, comme si l’univers si soigneusement déployé devant nous n’avait eu d’autre intérêt que sa propre invention.
Car durant deux heures et demi, France-fantôme ne nous laisse d’autre perspective que de saisir ses rouages. Son lexique à la fois chic et vaguement contradictoire : on est en pleine « révolution scopique », paraît-il, mais les « adorateurs scopiques » (du même nom, donc) sont violemment réprimandés, de même que les « drogues scopiques » dont on entend aussi souvent parler. Et puis ses rites mystérieux, comme la « cérémonie du visage » dont on apprend surtout qu’« en réalité personne n’y voit rien ». Soit ; mais encore ?
Pour nourrir l’intrigue, on nous informe que les « rappelés » (c’est le nom des revenants issus du mélange entre des corps et des mémoires différentes) ont toutes sortes de problèmes : ils sentent mauvais ; ils ne savent pas qui ils sont ; ils se sentent mal aimés… En outre, cette espèce d’immortalité ne va pas sans contrepartie : on peut « rappeler » à la vie un être aimé en récupérant son stock mémoriel, mais à condition d’accepter d’oublier radicalement son ancien visage. Ainsi, l’héroïne du spectacle (d’ailleurs fort bien jouée par Edith Merieau) souffre-t-elle énormément, parce qu’après avoir « rappelé » son mari tué lors d’un attentat, elle n’a qu’une obsession : retrouver le visage du défunt. Si la pièce avait approfondi cette souffrance et cette ambivalence, elle aurait soudain développé un propos ; mais paradoxalement, la multiplication des discours (scène de « conférence » à l’université, séquences de « confidences » des rappelés, etc) finit par noyer l’idée qui aurait pu en naître.
Comme dans un train fantôme, certes efficace et bruyant, mais dont les références sont entièrement – et artificiellement – centrées sur elles-mêmes, on a l’impression qu’on roule sans aller nulle part. La « France-fantôme » dont on nous parle ici voudrait être une allégorie, on l’admet volontiers, mais celle-ci semble s’être perdue dans les fumigènes dont use et abuse la mise en scène.
France fantôme, spectacle écrit et mis en scène par Tiphaine Raffier, actuellement au Théâtre Gérard Philipe (Saint Denis), jusqu’au 10 février.
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 2:10 PM
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Par Armelle Héliot dans son blog "Le Grand Théâtre du monde" C’est une figure élégante et discrète du monde du spectacle qui s’efface. Après Sonia Debeauvais, après Bénédicte Pesle, une autre femme qui aura beaucoup compté s’est éteinte.
Lorsque l’on pénètre à pas timides dans le monde du spectacle, on apprend à connaître les artistes, les décideurs, les patrons, les politiques. Et puis l’on croise des personnes discrètes, toujours sur le pont, dont on ne sait pas, au début, qui elles sont exactement, quelles sont leurs fonctions. On les rencontre, le soir, au spectacle. Au théâtre, au concert, à la danse, à l’opéra.
Cécile Fraenkel était de ces personnes. Très présentes, indispensables à la vie des institutions, au travail des artistes, au dialogue entre les mondes de la création et de la presse, de l’imagination et des contingences matérielles. Une grande femme, très mince, très élégante, d’allure aussi sportive que sophistiquée lorsqu’il le fallait, avec une manière de parler particulière, très subtilement précieuse, un rire très jeune et un regard bon, profond et bon.
Cécile Fraenkel était née le 8 juillet 1931 à Paris. C’est en répondant à une petite annonce que la jeune étudiante, qui a suivi Lettres Classiques, intègre le Théâtre National Populaire à Chaillot. Elle travaille auprès de Jean Vilar. Elle apprend tout du grand théâtre et de l’exigence du théâtre « élitaire pour tous ».
Ce sont de très grandes années, celles où le TNP est très brillant, très novateur -justement grâce aussi à Sonia Debeauvais et à toute l’équipe d’alors, notamment Jeanine Mahé. Cécile Fraenkel se forge une éthique du service public qu’elle n’abandonnera jamais.
Elle continue quelques années auprès de Georges Wilson, qui a succédé à Jean Vilar. Ensuite, c’est auprès de Jacques Rosner, l’un des proches de Roger Planchon, que Cécile Fraenkel va travailler au centre dramatique du Nord à Tourcoing. Jacques Rosner qui a fait ses classes à Lyon, est chargé de la direction du CDN. A cette époque, le Nord est un espace où les artistes de toutes les disciplines se rencontrent et coopèrent. Cécile Fraenkel, amateur de musique, lance des ponts avec les institutions musicales de la région.
Arrivent les années 80. Elle revient à Paris et est engagée par Jean-Albert Cartier. Le compositeur Marcel Landowski, directeur des affaires culturelles de la Ville de Paris, a confié à cet homme visionnaire, la mission de faire du Châtelet une institution à rayonnement international. Au Théâtre musical de Paris, Cécile Fraenkel qui est alors dans la plénitude de son parcours se dépense sans compter et sait s’entourer.
C’est en toute logique qu’elle a été conduite à participer à la mission de préfiguration de l’Opéra-Bastille, dont le projet est déjà bien engagé. Le Châtelet, c’est la Ville de Paris, l’Opéra Bastille, c’est l’Etat…
Dans les années qui suivirent, Cécile Fraenkel retrouva le théâtre, auprès d’Antoine Vitez à Chaillot, auprès de Bernard Sobel à Gennevilliers.
Cécile Fraenkel était « parisienne ». Elle en aimait la vie, les rideaux qui se lèvent, les premières, les concerts. C’est à Paris qu’elle avait ses amis, ses habitudes. On la revoit dans l’espace du Théâtre du Rond-Point, royaume d’Angelo, le chien de Danièle Cattand, administratrice de la maison des Renaud-Barrault. On la revoit, escortée de Douglas, un petit chien très épris d’indépendance, un chien fait pour courir dans la lande. Des petits cheins, il y en eut d'autres, certainement; Mais surtout des amis car Cécile Fraenkel savait faire du lein, rapprocher les personnalités, dans ses métiers comme dans la vie.
A l’âge de la retraite, Cécile Fraenkel choisit de s’installer à Belle-Ile. On avait de ses nouvelles par les amis qui séjournaient chez elle, car elle était très accueillante ou ceux qui ont des maisons sur l’île et s’y rendent à la belle saison.
Cécile Fraenkel s’était prise de passion pour la Bretagne, son histoire, sa langue, ses coutumes, ses paysages, sa délicieuse cuisine. On pensait à elle. On ne pouvait s’interdire de penser que pour une femme seule, les hivers pouvaient être longs. Mais Cécile Fraenkel avait de l’énergie à revendre et s’était beaucoup mobilisée pour les combats essentiels de l’écologie. Elle était présidente de la Maison de la Nature.
Ces dernières années, elle avait retrouvé le spectacle vivant en accompagnant le festival de théâtre amateur de sa belle île, le festival Vindilis qui donne une dizaine de représentations à Belle-Ile.
Hospitalisée, Cécile Fraenkel s’est éteinte le 25 janvier à Auray.
Sa famille, ses amis l’ont accompagnée au cimetière du Père-Lachaise, en ce vendredi 2 février.
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 7:49 AM
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Par Morgane P. dans Bulles de culture
Fruit d’une résidence au Théâtre du Port Nord de Chalon-sur-Saône, Claire Devers présente Bluebird de Simon Stephens avec Philippe Torreton dans le rôle-titre : une création qui a envoûté Bulles de Culture. Notre avis sur cette pièce de théâtre coup de cœur.
Synopsis : Nous sommes à Londres. Jimmy (Philippe Torreton) est un chauffeur de taxi qui roule la nuit. Nous suivons avec lui les tranches de vie de ceux qu’ils montent, de ces « charges » nocturnes, comme il les appelle (incarnées par Baptiste Dezerces, Serge Larivière et Marie Rémond). Marginaux, écorchés apparemment insignifiants, les destinées se croisent et s’entrecroisent pour laisser apparaître en filigrane le drame qui a séparé Jimmy de la femme aimée (Julie-Anne Roth) et l’a transformé en ce qu’il est, un chauffeur de taxi dont l’unique propriété est sa Nissan Bluebird.
Bluebird, un défi brillamment relevé
C’est déjà un sacré défi de mise en scène que représente la pièce Bluebird de Simon Stephens, en ce qu’elle se déroule intégralement dans un taxi. Autant dire que la pièce semble de prime abord irreprésentable. Le metteuse en scène Claire Devers a cependant imaginé une scénographie audacieuse : des grillages qui n’auront de cesse de se mouvoir pour dessiner l’univers urbain ; une authentique Nissan Bluebird anglaise sur scène ; un décor vidéo-projeté qui nous transporte dans les méandres de la capitale britannique. Il faut reconnaître que la magie opère et que le public se trouve immédiatement transporté dans cette jungle urbaine, dans une atmosphère à la fois sombre et mélancolique, dont les recoins se dévoileront toujours plus profonds au fil du spectacle.
Merveilleusement construit, Bluebird nous invite à une découverte spiralaire. De Jimmy, nous ne voyons d’abord que les yeux dans le rétroviseur ; nous le laisserons seul dans son taxi. Il faut encore que les mêmes questions se répètent de la part des clients pour que les réponses de cet homme tacite se déploient avec plus d’ampleur. De même, les histoires qui se racontent sous nos yeux tissent une toile qui emprisonne et resserre l’étreinte autour du drame personnel du protagoniste. Bluebird dessine ainsi un cercle à la fois centrifuge et concentrique, dont le centre est Jimmy de façon générale, mais qui attire dans son orbite d’autres figures, d’autres destins, d’autres aveux. Cette construction circulaire, d’une incroyable sagacité, est absolument captivante.
Bluebird, un kaléidoscope fascinant
Si la nuit ouvre un monde parallèle, la pièce de théâtre Bluebird en explore de nombreuses facettes. Jeune prostituée, père brisé, mécanicien du métro, jeune enseignante en mal d’enfant au bord de la rupture, fêtard peu bavard, videur de boîte de nuit, caïd tatoué. Toutes les catégories sociales défilent, toutes riches d’un rapport à la nuit particulier.
Ce que Bluebird découvre d’abord, ce sont ces morceaux de vie épars, divers. La légèreté côtoie une gravité presque funeste. C’est une humanité tiraillée qui s’esquisse au travers de ces rencontres. L’anonymat et le caractère bref du tête-à-tête ouvrent la voie à la confession. Ce que chacun livre de lui dans l’habitacle resserré de la Nissan Bluebird est d’une fascinante complexité. Le regard de Jimmy sur ces êtres aux marges de la société, blessés par elle ou portés par elle, est d’une douceur rassurante. La pièce de Simon Stephens est emplie de bienveillance, de sympathie pour ces individus qui essayent, qui échouent, qui se consument, s’oublient, se perdent.
Entre pluriel et singulier
Ce que la mise en scène de Claire Devers met brillamment en avant dans la pièce Bluebird , c’est l’unicité que l’on trouve entre pluriel et singulier. Car la pluralité des clients et des histoires que l’on traverse n’est qu’un moyen plus efficace de nous ramener au destin singulier qui s’ébauche au fil des rencontres, du spectacle, de la nuit : celui de Jimmy. En quête d’une Clare dont on comprend qu’elle a été sa compagne, la mère de sa fille, la femme de sa vie, Jimmy, interprété par le comédien Philippe Torreton, apparaît d’abord comme un personnage fuyant. Faire parler les autres est après tout le meilleur moyen de ne rien dire de soi. Ou si peu. Elliptiques, incomplètes, énigmatiques, les pièces du puzzle se mettent pourtant doucement en place.Il faudra la confrontation avec Clare, jouée par la comédienne Julie-Anne Roth, dans la deuxième partie de Bluebird, pour que tout prenne enfin place et fasse sens. La confrontation de ces deux êtres qui se sont aimés si fort qu’ils s’aiment visiblement encore vibre d’une force rare. Les banalités et les rancœurs nous font tourner autour du nœud douloureux qui les unit tragiquement, inéluctablement.
Bluebird ouvre alors la question épineuse de la possibilité de revivre après l’horreur, de faire avec la culpabilité, de reprendre vie alors qu’on n’est plus, de construire sur les cendres de nouvelles bases. Clare et Jimmy, malgré la diversité des réponses qu’ils offrent à cette question, laissent ouvert l’espoir d’une résilience possible, d’un après.
C’est en somme un spectacle tout empreint d’une émotion sincère, d’une tendresse évidente pour ce que nous sommes, capables du meilleur comme du pire, coupables tragiques et repentis expiant, errants éternels aux frontières de l’autre et de nous-même. Claire Devers magnifie avec talent et finesse l’humanité et la sensibilité des personnages et de ce qu’ils portent. Coup de cœur de Bulles de Culture, la pièce de théâtre Bluebird de Claire Devers est une rencontre abyssale à ne pas manquer.
Photo © Julien Piffaut
Bluebird a été présenté à Chalon-sur-Saône au Théâtre du Port Nord du 16 au 18 janvier 2018
Bluebird sera présenté au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix en Provence du 23 au 27 janvier 2018 ;
à la Maison de la Culture d’Amiens les 1er et 2 février 2018 ;
au Théâtre du Rond Point à Paris du 7 février au 4 mars 2018 ;
au CDN de Sartrouville les 29 et 30 mars 2018 ;
au théâtre des Célestins à Lyon du 3 au 7 avril 2018
Durée du spectacle : 2h
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Le spectateur de Belleville
February 4, 2018 6:03 AM
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Par Mathieu Dochtermann dans Toutelaculture.com
Les Anges au Plafond présentent leur dernière création, White Dog, pour la première fois au public parisien, sur la scène du Mouffetard (jusqu’au 11 février). Depuis sa création en septembre dernier , il a mûri, bonifié, il s’est fait plus précis dans les intentions, plus clair dans les images, sans renoncer à rien de la complexité de la pensée de l’auteur dont le roman Chien blanc a inspiré le spectacle : Romain Gary. Histoire de déchirements, déchirements collectifs – de l’Amérique sur fond de lutte pour les droits civiques et de guerre du Vietnam – et déchirements intimes – du couple Gary-Seberg, du père d’un fils déserteur – White Dog s’appuie brillamment sur la métaphore du matériau papier, sa fragilité, sa malléabilité, sa translucidité, pour construire un univers plastique qui fasse écho aux thèmes imbriqués de l’histoire qu’il porte. Servi par une scénographie unanimement saluée, une interprétation intense et juste, une bande musicale portée par le talent du batteur Nicolas Biscaye, c’est un spectacle ambitieux, doté de multiples niveaux de lecture, dans lesquels on peut se perdre à l’envi. Au-delà de la question du racisme et de l’aliénation, c’est toute la complexité de l’âme humaine qui est ici sondée, pour y retrouver la part du chien qui est en nous tous.
C’était, pour nous, l’occasion de nous entretenir avec Camille Trouvé, l’une des deux moitiés du duo fondateur de la compagnie, qui a mis en scène le spectacle.
Toute La Culture : White Dog est un spectacle qui se construit très clairement autour d’un propos politique. On a pu voir des thèmes politiques dans vos créations précédentes, comme dans Une Antigone de papier par exemple : il y a toujours eu une confrontation dans vos spectacles entre l’intime et le politique. Mais est-ce qu’on peut dire que la part du politique a tendance à grandir à mesure du passage du temps ?
« C’est peut-être le monde qui devient un peu plus violent et qui nous invite à prendre la parole sur des sujets qui nous tiennent à cœur. »
Camille Trouvé : Je pense qu’il y a une sensibilité politique qui existe chez Brice [Berthoud] et moi Le monde tel qu’il évolue, tel qu’il nous interroge… on a envie de prendre position, finalement. Je pense qu’il y a une sorte de colère sous-jacente, qui se manifeste de plus en plus précisément. Evidemment on a envie de garder de l’humour, du détachement, et de rester à notre place d’artistes… Mais clairement ce spectacle est né le jour de la première de R.A.G.E. – c’était le 13 novembre 2015 –, on a décidé de parler de White Dog parce qu’on y trouvait des réponses et on y trouvait des choses qui nous permettaient d’avancer. C’est peut-être le monde qui devient un peu plus violent et qui nous invite à prendre la parole sur des sujets qui nous tiennent à cœur.
TLC : Et cela vous pousse à explorer d’autres fonctions du théâtre ?
Camille Trouvé : Oui, la fonction d’agora. Dans la manière dont on fait prendre la parole au public, il y a ce côté là : est-ce que vous aussi vous êtes en train de traverser la même chose que nous, est-ce que vous ressentez les mêmes choses ?
« … on voulait que les gens prennent la parole sur ce sujet, et puissent nommer la Bête. »
TLC : C’est la première fois que vous faites de l’interpellation public ?
Camille Trouvé : Oui je crois que c’est la première fois, et je crois que ça vient du thème du spectacle : c’est une question vraiment politique qui est posée par le roman et la pièce, et on voulait que les gens prennent la parole sur ce sujet, et puissent nommer la Bête. C’était important pour nous que cela vienne de la salle. Et avec le recul d’une trentaine de représentations, on commence à se rendre compte que les gens ont du mal à prononcer les mots pour dire la chose… On attendait les mots: « chien raciste ». Et on se rend compte que c’est difficile à dire parce que c’est choquant. Et on se rend compte que les ados ont beaucoup moins cette pudeur que les adultes !
TLC : Cette interpellation, c’est une façon d’empêcher le public de rester dans le confort passif de l’observateur ?
Camille Trouvé : Le public, on veut le rendre très actif : c’est notre premier partenaire de jeu, toujours. Par rapport à la manipulation, on veut lui montrer à la fois le jeu de la marionnette, qui peut devenir très magique, mais aussi de le casser en permanence par un double dialogue avec son manipulateur, pour que les ficelles soient à vue, pour que la richesse de ce rapport-là soit dévoilée. Au risque de déranger un peu. Comme quand on rallume la salle. On veut dire au spectateur : restons actifs ensemble, continuons de réfléchir ensemble. Et dans ce spectacle, cela prolonge le geste de l’écriture : on voit le marionnettiste qui incarne Romain Gary [NdA: il s’agit de Brice Berthoud], et sa marionnette qui est le personnage d’autofiction. Cette distance nous permet de montrer que Gary s’amuse du réel, le manipule. Tout est vrai, tout est faux…
« Il faut qu’on la joue avec la sensation qu’il y a quelque chose d’indispensable, et qui doit être dit ici et maintenant, sinon ça vaut pas le coup de le faire… »
TLC : A plusieurs titres, on sent une grande urgence dans le spectacle. Il y a de multiples confrontations, de l’ombre à la lumière, des interprètes face au matériau textuel et face au matériau en scène… Un spectacle comme un combat…
Camille Trouvé : C’est vrai. Avant de rentrer sur scène, c’est notre mot d’ordre : « gardons l’urgence ». On ne peut pas raconter cette histoire assis dans un fauteuil. Il faut qu’on la joue avec la sensation qu’il y a quelque chose d’indispensable, et qui doit être dit ici et maintenant, sinon ça ne vaut pas le coup de le faire, ça ne vaut pas le coup de partir en tournée toute sa vie… Ça perdrait son sens s’il n’y avait pas la nécessité absolue de le dire.
« Si on montre tout, on ne voit rien. »
TLC : A juste titre, on a beaucoup parlé de la musique de ce spectacle, et de cette belle collaboration que vous avez trouvée avec Arnaud Biscay, batteur de jazz, qui a apporté une saveur toute particulière à ce spectacle. Mais on a peu parlé des lumières. Pourtant, il semble que vous explorez là de nouvelles pistes de jeu…
Camille Trouvé : Il y a beaucoup d’amusement avec des petites sources portées, une lumière vivante… Dans le roman, à un moment Romain Gary se balade en Amérique avec une lampe de poche… et dans une période sombre, où on ne voit rien, où les choses sont obscures, il éclaire des endroits pour essayer de les comprendre. Si on montre tout, on ne voit rien. Si je vous mets en pleins feux, ça ne marche pas. Mais si on prend une lampe mobile, si on donne à voir des endroits particuliers, alors on commence à mieux comprendre. Et c’est très marionnettique, parce qu’on peut jouer avec les ombres, et on décide de comment on manipule le regard. Et puis, on a eu une belle rencontre avec un éclairagiste qui s’appelle Nicolas Lamatière, qui a une grande sensibilité à notre univers plastique et à l’univers des ombres. Ça a été un endroit réjouissant du travail. C’est dépouillé, c’est sobre, et en même temps il y a une grande poésie. [Nicolas] a respecté cette idée qu’on ne fait pas d’effets lumière avec la révolution ! [rires] « The revolution will not be televised », et elle ne sera pas non plus éclairée avec des gélat’ couleur lavande ! [rires]
« La marionnette c’est un croisement entre arts plastiques et théâtre, c’est mettre en mouvement la matière. »
TLC : Est-ce que, à force de multiplier les formes de grand plateau, et de creuser le sillon de la marionnette pour adultes, vous pensez avoir une chance de finir par traverser le « plafond de verre » de la marionnette, et, un jour, ne plus être cantonnés à être nommés dans la catégorie « Jeune public » au Molières, catégorie qui ne convient définitivement pas à des créations comme R.A.G.E. (notre critique) ou White Dog ?
Camille Trouvé : [rires] Ca fait un moment que cette lutte est engagée pour les marionnettistes ! Il y a encore du travail à faire, dans les esprits, pour faire passer l’idée que la marionnette c’est un croisement entre arts plastiques et théâtre, c’est mettre en mouvement la matière : certains spectacles peuvent s’adapter au jeune public… mais pas tous ! Je pense qu’il y a encore besoin d’être militant de ça… Et il semblerait que dans la future charte des CNM [NdA: Centres Nationaux de la Marionnette, le label ministériel en cours de création], il sera marqué qu’il faut privilégier la forme des grands plateaux et des marionnettes pour adultes. On va avancer !
Du 30 janvier 2018 au 11 février 2018 Horaire d'ouverture : 20:00 à 21:20 Prix : 12 à 18€
Théâtre Mouffetard Adresse : 73 rue Mouffetard, Paris, Paris Telephone : 01 43 31 11 99 Site web : www.theatredelamarionnette.com
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Le spectateur de Belleville
February 3, 2018 6:17 PM
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Par Fabienne Arvers
La mise en scène tout en subtilités de Marivaux par Catherine Hiegel réunit Vincent Dedienne, Clotilde Hesme, Laure Calamy et Nicolas Maury.
Ce que femme veut… elle l’obtient. On ne remerciera jamais assez Marivaux de nous livrer les ficelles admirables avec lesquelles le beau sexe entortille et ligote au besoin les velléités masculines au jeu de la séduction, cet échange de procédés par lesquels on se découvre, se plaît ou se déçoit, pour les mettre sur un pied d’égalité et décider, à loisir, de la tournure à lui donner.
Tel est pris qui croyait prendre. C’est le postulat développé par Marivaux dans Le Jeu de l’amour et du hasard où deux jeunes, promis l’un à l’autre par leurs pères et qui ne se connaissent pas, ont la même idée pour se faire une idée de ce qui les attend.
De l’ordre du discours au désordre amoureux
Dorante (Nicolas Maury) est attendu chez monsieur Orgon (Alain Pralon) pour faire la connaissance de Silvia (Clotilde Hesme). Son arrivée est précédée d’un courrier de son père prévenant son ami Orgon qu’il viendra sous les traits de son valet Arlequin (Vincent Dedienne), ce dernier jouant son rôle auprès de Silvia, afin de pouvoir l’observer tout à son aise. Mais Silvia demande aussi l’autorisation à son père de prendre la place de sa servante Lisette (Laure Calamy) avant de décider si oui ou non cet amant lui convient. On touche là à la quintessence du théâtre, chacun étant le spectateur des autres dans un jeu de rôle qui renverse tout sur son passage : des classes sociales à la guerre des sexes, et de l’ordre du discours au désordre amoureux.
Car, si Silvia et Dorante rechignent à reconnaître que l’amour leur désigne un cœur que réprouve leur position sociale, Lisette et Arlequin exultent de voir leur charme les hisser à un rang que leur naissance rend impossible. C’est cela que dissèque Marivaux sans s’encombrer d’imaginer une seule scène où Silvia et Dorante examineraient, pour s’en faire une idée, le comportement de Lisette et Arlequin, leurs supposés sujets d’études…
Troubles amoureux et vertige des sens
Non, seuls l’attirance et le coup de foudre qui aimantent les deux couples, malgré leurs déguisements et leurs maladresses à tenir un rôle factice, méritent qu’on s’y arrête. Et Marivaux résout cette équation délicate avec une allégresse contagieuse où la langue dévide des trésors de malice, d’insolence et de charme pour donner consistance et nuance au trouble amoureux, au vertige des sens et à l’intrépidité d’un sentiment naissant.
Catherine Hiegel a donné aux acteurs le cadre luxuriant d’un jardin où s’adosse le perron d’un hôtel particulier. Ils s’y ébattent avec alacrité. C’est merveille de les voir plonger dans leurs personnages pour leur donner, chacun avec une générosité contagieuse, le meilleur de leur verve et de leur malice. Mais il n’y a pas de hasard, le secret du jeu, c’est l’amour qu’on en a…
Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, mise en scène Catherine Hiegel. Avec Laure Calamy, Vincent Dedienne, Arthur Gomez, Clotilde Hesme, Nicolas Maury, Alain Pralon et Cyrille Thouvenin. Jusqu’au 31 mars au Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris Xe
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Le spectateur de Belleville
February 3, 2018 10:05 AM
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Propos recueillis par Stéphane Capron pour Sceneweb - 3 février 2018
Il a grandi à Dakar au Sénagal, il s’est formé en France au Conservatoire de Montpellier, puis à Paris. Stéphane Braunschweig lui a confié le rôle-titre de Macbeth à l’Odéon. Repéré dans Les grandes personnes de Marie Ndiaye puis dans 2666 de Julien Gosselin, le comédien connaît une accélération de sa carrière. On le verra cet été au Festival d’Avignon dans le nouveau spectacle de Julien Gosselin sur l’œuvre de Don de Lillo.
Qu’est ce que vous éprouvez à jouer un tyran ? C’est agréable car c’est très éloigné de ma nature. Mais c’est un tyran attachant car on a peut-être tous un peu quelque chose de Macbeth en nous, on porte des rêves comme lui. Malheureusement les siens l’amènent à tuer pour être au sommet de l’État. Il y a de la puissance et une peu d’humanité tout de même dans sa quête de la tyrannie. Il n’est pas que machiavélique, il est plus complexe que cela.
Comment faites-vous pour accompagner l’évolution de sa tyrannie ? Il faut jouer avec cette gradation de la folie. Au début de la pièce il a un peu de douceur en lui et puis il dégringole petit à petit. Il entre dans un cercle infernal.
Est ce que vous vous êtes inspiré de tyrans existants pour l’incarner ? Non pas vraiment car l’idée était d’oublier tout ce que l’on sait de cette pièce pour repartir sur une nouvelle construction du personnage avec son humanité et ses démons.
La scénographie vous contraint à avoir un pied dans le pouvoir et un pied dans la folie. Il y a effectivement un dualité entre le côté clinique de cette grande pièce carrelée et les coulisses du pouvoir. On voit comme la soif effrénée de pouvoir passe par la folie meurtrière.
Qu’est ce que cela fait de voir sa tête coupée ? C’est horrible ! C’est très difficile. Je ne voulais pas la voir au départ, je demandais aux décorateurs de la cacher !
Savez-vous comment Stéphane Braunschweig a pensé à vous le rôle ? Cela remonte à mon arrivée en France en 2002 lorsque j’étais au Conservatoire de Montpellier, je donnais la réplique à une amie qui a passé le concours du TNS, dirigé alors par Stéphane Braunschweig. Et il m’avait demandé si je voulais le passer. C’est ce qui m’a donné envie de les passer et j’ai réussi le concours du Conservatoire de Paris. Et puis après 2666 de Julien Gosselin à Avignon en 2016, il a souhaité que l’on fasse un projet ensemble, et me voici en Macbeth.
Quand vous étiez adolescent à Dakar, est ce que vous vous imaginiez un jour sur la scène d’un grand théâtre à Paris ? Absolument pas car j’avais d’autres envies au départ, ce n’était pas un rêve. Mais c’est après mon arrivée à Montpellier que j’ai vraiment pris goût au théâtre.
Les scènes françaises s’ouvrent enfin à des acteurs sans distinction de couleur de peau. Avez-vous été sensible à la proposition de Stéphane Braunschweig ? Nos voisins anglais ne se posent pas ces questions. Ils sont plus en avance qu’en France. Mais avec Stéphane, on n’a jamais parlé de cela. Il m’a juste proposé le rôle car il considérait que mon énergie collée au personnage. Je suis très content d’être reconnu avant tout comme acteur, sans parler de la question raciale ou de ma couleur de peau. Les choses s’ouvrent et j’espère que les plateaux vont s’ouvrir à tout type de comédiens, avec des couleurs, des accents différents et des corps différents.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Adama Diop dans Macbeth © Thierry Depange
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Le spectateur de Belleville
February 3, 2018 6:25 AM
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In the mood for Caroline Guiela Nguyen Par Benjamin Locoge dans Paris Match | Publié le 29/01/2018 à
A 36 ans, la metteuse en scène crée un spectacle émouvant sur la communauté vietnamienne exilée en France. Rencontre.
Non, ce n’est pas une pièce autobiographique. Non, Caroline Guiela Nguyen ne raconte pas la vie de sa mère dans « Saigon », qui se joue actuellement au théâtre de l’Odéon. « Ce qui m’intéresse, c’est de dire une histoire dont on ne parle pas. Celle de ces Vietnamiens exilés en France qui sont partis en 1956 et qui n’ont pu revenir dans leur pays qu’en 1996. Mais mon spectacle prend entièrement le point de vue des Français. Je ne me mets jamais à la place des Vietnamiens. »
« Saigon » navigue donc entre deux temporalités : 1956, quand, deux ans après la bataille de Diên Biên Phu, les Français doivent quitter Saigon. Certains ont tissé des liens, d’autres ont rencontré l’amour, mais tous sont contraints de partir. Quarante ans plus tard, en 1996, les blessures ne sont pas refermées, les cicatrices sont encore béantes chez ceux qui ont dû tout abandonner. Mais cette année-là, le gouvernement de Hanoï décide d’« inviter au retour » les exilés. « Ces deux dates étaient évidentes pour moi. Je voulais parler du départ, bien sûr, mais aussi évoquer le possible retour. » Caroline a mûri ce projet pendant deux ans avec sa troupe, Les hommes affranchis.
Mon point de départ était l’envie de jouer dans un restaurant Ils ont voyagé à Hô Chi Minh-Ville à la rencontre des gens, pour connaître leur passé, leurs histoires. « Mon point de départ était l’envie de jouer dans un restaurant, souligne Caroline. Mon imaginaire est bousculé par un lieu, et de là naissent des situations, c’est ce que j’aime dans le théâtre. » C’est là-bas qu’elle découvre le théâtre vietnamien, son jeu très expressionniste, et peut embarquer des comédiens locaux dans son aventure. Puis est venu le temps de l’improvisation entre acteurs français, vietnamiens et amateurs, ne parlant pas tous la même langue. « Dans ces séances d’impro, je lance une idée, je filme tout, pour mieux capturer ces moments de vie. Je ne cherche pas à dire le réel, mais à trouver une vérité. Le soir, j’écris le spectacle à partir de ce qui s’est dénoué sur le plateau. »
Plongée au coeur du déracinement Le résultat est splendide. Dans la salle du restaurant recréée sur scène, les onze acteurs portent des destins brisés, veulent garder l’espoir de retrouver un amour perdu, un visage familier. « Saigon » entremêle émotions et joie de vivre avec élégance, on y chante du Sylvie Vartan ou du Christophe, on y fait la cuisine, on trinque à la santé de son passé perdu… Pendant plus de trois heures, Caroline Nguyen vous plonge au cœur du déracinement. Un thème terriblement contemporain et clairement politique pour la metteuse en scène. « Où parle-t-on de ces gens-là ? Oui, j’ai l’impression de faire un théâtre politique, parce qu’on est loin du répertoire classique. Il faut arrêter de croire qu’on trouve les réponses aux questions que pose notre société dans Shakespeare ou Marivaux. »
Etonnamment, Caroline est venue tard au théâtre. Née à Nice en 1981, elle démarra par des études de sociologie avant de bifurquer vers les arts du spectacle. « Ce qui m’a permis de comprendre que je ne voulais pas être comédienne. » C’est en observant ses amis, en jouant avec eux à « et si on se disait que… » qu’elle prend goût à la mise en scène. Avant de se lancer dans le grand bain en intégrant l’école du Théâtre national de Strasbourg en 2006. « Non, je n’avais pas de bagage culturel, sourit-elle. Mes parents m’avaient emmenée deux fois à Paris voir des pièces de boulevard, dont “Les jumeaux” avec Jean Lefebvre. C’était une vraie fête. Non, je n’avais jamais vu de mise en scène de Luc Bondy ou de Patrice Chéreau, mais tant mieux. C’est formidable qu’il existe en France des écoles comme celle du TNS, où l’on n’est pas jugé sur son expérience culturelle. »
Dès 2009, elle fonde sa compagnie entourée de ceux qu’elle a rencontrés à Strasbourg. Et monte son véritable premier spectacle, « Se souvenir de Violetta », en 2011. S’imagine-t-elle un jour s’attaquer à Tchekhov, Ibsen, Molière ou Feydeau ? « Ce qui m’intéresse, c’est d’inventer. Quand j’entre dans un commissariat ou dans un centre d’aide à l’enfance, cela devient pour moi une source immense d’idées. Je suis désolée, mais Molière ne vivait pas dans un monde comme le nôtre. Ça ne me semble pas être la bonne réponse à apporter en tout cas. » Pour l’heure, Caroline Guiela Nguyen est artiste associée à l’Odéon et devrait très vite revenir sur les planches parisiennes avec un nouveau spectacle. « Je travaille sur les forces de sécurité », balance-t-elle fièrement. On a déjà hâte d’en découdre avec elle.
« Saigon », jusqu’au 10 février à Paris (Odéon, Ateliers Berthier), puis en tournée.
Crédit photo : Claire Delfino/Paris Match
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February 3, 2018 6:02 AM
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Par Joëlle Gayot sur le site de son émission sur France Culture "Une saison au théâtre"
C'est à la page d'un auteur que s'ouvre notre encyclopédie vivante du théâtre. Vivant, Jean-Luc Lagarce ne l'est plus, mais ses textes, eux, le sont bien : auteur le plus joué et adapté, Lagarce suite l'intérêt au-delà des générations. Sa langue circule. Notre invitée est bien placée pour en parler.
A écouter en ligne sur le site de France Culture (30 mn) https://www.franceculture.fr/emissions/une-saison-au-theatre/le-phenomene-jean-luc-lagarce
Avec Alexandra Moreira Da Silva, traductrice en portugais de l’oeuvre de Jean-Luc Lagarce, maître de conférences en Études théâtrales à l’université Paris III - Sorbonne Nouvelle. A l’occasion de la création de J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, pièce de Jean-Luc Lagarce mise en scène par Chloé Dabert au théâtre du Vieux-Colombier (Paris) jusqu’au 04 mars, nous évoquons l’engouement toujours vivant et contemporain pour cet auteur (1957-1995), actuellement le plus joué en France. Depuis sa disparition, son œuvre littéraire composée de pièces de théâtre, de récits, d’un livret d’opéra, d’un scénario de film, connaît un succès public et critique grandissant ; elle est traduite en vingt-cinq langues. C’est de cette vitalité d’une oeuvre en mouvement, déterritorialisée, à la postérité importante, que nous partons, pour aborder une langue singulière, qui charrie des thèmes souvent récurrents comme la famille, la mort, la vie…
Notre invitée signe la préface de la nouvelle édition de cette pièce, à paraître ce mois-ci dans la collection « Classiques contemporains » des éditions Les Solitaires Intempestifs. Alexandra Moreira Da Silva nous raconte, depuis son expérience de la traduction, son rapport à la phrase lagarcienne et à ce qu’elle soulève, singulièrement, d’universel. Que nous dit le vif intérêt que portent à Lagarce des artistes souvent jeunes, metteurs en scène, collectifs de théâtre, cinéastes ?
Bibliographie
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne Jean-Luc Lagarce Les Solitaires Intempestifs, 2018
Intervenants Alexandra Moreira Da Silva traductrice, maître de conférences en Études théâtrales à l’université Paris III - Sorbonne Nouvelle
Légende photo : "J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne" de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Chloé Dabert• Crédits : ©Christophe Raynaud de Lage, coll. CF
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February 2, 2018 7:27 PM
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Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan :
Anne-Laure Liégeois adapte très librement la pièce que Lenz écrivit à la veille de la Révolution française en révolutionnant bien des aspects de l’écriture théâtrale. Les officiers y sont des porcs, les femmes ont des « pulsions », les classes sociales n’ont qu’à bien se tenir.
C’est l’histoire d’une chute. Celle d’une jeune fille, Marie. Une chute qui entraîne celle de son père, Wesener, « marchand de nouveautés » à Lille, et de son commerce, en raison de l’amour sans limite qu’il porte à sa fille, un amour qui est à deux doigts d’être incestueux. Le mal vient d’Argentières, ville de garnison à moins de trente kilomètres de là. Quand Jakob Lenz écrit la pièce Les Soldats en 1776 (il allait avoir 25 ans), cela faisait une trotte et, d’une ville à l’autre, on s’écrivait des lettres comme on le voit dès la première scène de la pièce. Une putain malgré elle
Marie écrit une lettre à son fiancé, Stolzius, fils d’un marchand de drap à Argentières, quelqu’un de son milieu, de sa classe. Marie bute sur des mots, leur orthographe. Elle se débrouille mieux dès lors qu’elle emprunte le langage codé du parler négociant de son père. Dès la scène suivante – Lenz ne perd pas de temps en introduction, il avance vite –, elle est envoûtée par la façon de parler et les compliments de Desportes, un officier, un baron, mirage du beau langage, de l’argent facile et de l’aristocratie.
Marie négligera l’honnête Stolzius pour se jeter dans les bras de Desportes auquel elle écrira des tas de lettres – lui, faisant tout pour se débarrasser d’elle en la jetant dans les bras d’un autre officier célibataire (tous le sont) qui ne demande que ça, séduit qu’il est par sa jeune beauté et y voyant à peu de frais une façon de satisfaire ses besoins sexuels.
L’autre pendant de la pièce, ce sont les nombreuses scènes entre hommes, entre officiers. A la fin de la pièce, Stolzius,, devenu l’ordonnance d’un officier de la garnison met de la mort aux rats dans la soupe qu’il sert à Desportes, lequel meurt dans des convulsions avant que Stolzius avale la soupe à son tour et meurt. La scène suivante montre le père de Marie, ravagé, perdu, ruiné, marchant le long de la Lys. Une femme l’aborde. Il la repousse, elle dit n’avoir pas mangé depuis trois jours, il lui donne une pièce, la regarde, la questionne. Ils se reconnaissent. « Ah ! Ma fille », dit-il. « Mon père », crie-t-elle. « Ils roulent sur le sol à moitié morts », écrit Lenz. Scène suivante et dernière : un colonel et une comtesse dissertent sur le sort de « ces deux malheureux ». Et conviennent qu’à l’avenir il serait utile d’organiser des bordels mobiles de concubines payées par l’Etat qui suivraient le soldats dans les campagnes militaires et « au besoin, les exciteraient au combat ». On est sidéré par la vitesse narrative de Lenz, sa façon d’enchaîner les scènes et sa langue acérée usant de plusieurs registres.
Une adaptation très libre
Avec raison, Anne-Laure Liégeois a procédé à une nouvelle traduction de la pièce. Mais elle l’a également adaptée en prenant « toutes libertés », inventant des scènes, en supprimant d’autres (comme la dernière), en laissant astucieusement en suspens certaine (dans l’avant-dernière scène, le père et la fille se croisent sans se reconnaître), en inventant des personnages, en en transformant d’autres, en changeant les didascalies pour, assure-t-elle, mieux servir l’écriture novatrice de Lenz et « le bouleversement révolutionnaire » qu’il opère à l’époque de la règle des trois unités encore en vigueur. Est-ce servir Lenz que de gommer le personnage du vieux juif dont on se moque dans la pièce, et faire de lui un « sodomite » ? Est-ce utile de multiplier les scènes de bal, de baise et de viols comme elle le fait avec de gros sabots? Il s’ensuit également beaucoup de confusions dans le milieu des officiers et un certain amollissement de la structure très serrée de la pièce.
Anne-Laure Liégeois peine à mettre en scène de façon dynamique les scènes de groupe dans un décor bien trop imposant sur le grand plateau du Théâtre 71 de Malakoff où le spectacle, traversé de trous d’air, s’essouffle. A en croire un critique de l’époque comme Gilles Sandier, c’est ce côté d’« adolescents vieillis liés entre eux par leur narcissisme, leur oisiveté et leur homosexualité latente, de collégiens militaires mal sortis des jupes de leur comtesse » qui faisait la force de la mise en scène de Patrice Chéreau lequel avait monté cette pièce à 23 ans, l’âge qu’avait Lenz quand il commençait à l’écrire.
Anne-Laure Liegeois est plus à l’aise dans les scènes de femmes entre elles ou les scènes familiales. Ainsi cette scène extraordinaire entre la comtesse (Isabelle Gardien) et Marie où on assène à cette cette dernière un cours accéléré de classes sociales : « Vous vouliez devenir la femme d’un homme qui, à cause de vous, serait honni et méprisé par toute sa classe... c’est cela ? Qu’alliez-vous imaginer ? » Marie est comme un papillon qui, attiré par la lumière, s’en approche et s’y brûle les ailes. Les meilleurs moments sont ceux qui se passent entre elle et sa sœur (Laure Catherin), entre elle et son père (Didier Sauvegrain). Dans le rôle de Marie, Elsa Canovas éclate de mille feux juvéniles.
Au début du spectacle, quelqu’un s’avance avec une feuille et lit. Une déclaration syndicale ? Le retour du conflit des intermittents ? Non : c’est un bref extrait des Notes sur le théâtre de Lenz. C’est pesant. Et inutile car dans la pièce les officiers parlent de théâtre et de façon passionnante. En seconde partie, après Les Soldats, Anne-Laure Liégeois complète son spectacle par Lenz, un texte que Georg Büchner a écrit sur le voyage que fit Lenz dans les Vosges et son séjour auprès du pasteur Oberlin. C’est un texte magnifique. Il se suffit à lui-même et on a pu en voir récemment une belle interprétation. Ici, après Les Soldats, ce texte paraît en trop, en porte à faux.
Créé à Amiens, après le Théâtre 71 de Malakoff dont les représentations viennent de s’achever, le spectacle poursuit sa tournée : du 6 au 9 fév au Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique ; les 13 et 14 au Volcan, Le Havre ; le 3 mars au 3T, Châtellerault ; les 7 et 8 mars au Cratère, Alès ; du 20 au 22 mar au Théâtre de l’Union, Linmoges ; du 27 au 29 mars au Théâtre de Dijon-Bourgogne.
Scène de "Les soldats" © Christophe Raynaud de Lage
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February 2, 2018 12:33 PM
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Par Simone Alexandre dans théatrauteurs Mademoiselle Julie de Strindberg
THEATRE de POCHE 75 boulevard du Montparnasse 75006 PARIS (M° Montparnasse-Bienvenue) LOC.01 45 44 50 21 http://www.theatredepoche-montparnasse.com/ Du mardi au samedi à 21h Dimanche à 15h jusqu'au : 18 MARS 2018
Traduction et mise en scène de NILS OHLUND avec : Jessica VEDEL ( Julie ) - Caroline PECHENY ( Kristin ) - Fred CACHEUX ou Nils OHLUND ( Jean, en alternance )
Au moment où des écarts abyssaux se creusent en cette société mondialisée, où gagnants et perdants n'ont jamais été aussi visibles ( depuis la chute de l'Ancien Régime, bien sûr … ) où l'on essaie de donner le change ( en théorie ) concernant l'égalité des sexes, décider de jouer ce texte de Strindberg tombait à point nommé.
Mademoiselle Julie, cette moderne amazone, cette jeune femme dominatrice mais en réalité vulnérable et fragile est ici confrontée à cette synthèse de Rastignac et Ruy-Blas ( Jean ) qui, à force de cirer quotidiennement les bottes du comte nourrit le mépris de sa caste ainsi qu'une admirative attirance teintée de haine pour la classe dominante.
L'action se déroule au moment du solstice d'Eté période correspondant au " soleil de minuit " dans les pays nordiques où les hivers sont longs, très longs et où le retour à la lumière déclenche une fête célébrée par tous quelque soit le milieu social car la joie est alors unanime.
Il est notoire que Jean est lié à Kristin, la cuisinière ( du reste, ils vont à l'église ensemble ) tandis que Mademoiselle Julie vient de rompre brutalement avec son fiancé. Or voilà qu'en toute liberté, la fille du comte invite le valet à danser.
Certes, l'homme restera respectueux le plus longtemps possible mais Mademoiselle Julie a décidé de s'amuser et en pareille circonstance, rien ni personne ne lui résiste. C'est ainsi que danse et alcool aidant, il adviendra ce qui devait arriver …
Tout en écrivant cette pièce moderne ( à l'époque ) pour ne pas dire subversive, August Strindberg a rigoureusement respecté la règle des trois unités. Toute l'action se déroule en cette lumineuse nuit et dans la cuisine où Kristin officie habituellement.
Là, les projets les plus fous verront le jour et l'irréparable sera commis.
La scénographie réalisée par Lauriane Scimemi est volontairement austère. L'espace scénique est principalement occupé par cette longue table rectangulaire à laquelle Jean et Julie prendront place, face à face en une symbolique distance laquelle sera de courte durée, le rapprochement de ces deux êtres s'avérant aussi inéluctable qu'explosif !
Symboliquement, là aussi, l'utilisation de la troisième personne s'intercalera dans le langage qu'il s'agisse de Kristin s'adressant à Jean qui est pourtant son égal et de façon intermittente et nettement condescendante quand Mademoiselle Julie a l'intention de rappeler la différence qui existe entre elle et l'employé de son père.
Je ne vais certes pas vous raconter l'histoire qui est du reste connue de beaucoup mais sachez que l'interprétation et la mise en scène de Nils Ohlund ont sur le public un impact inégalé.
Jessica Vedel est une Mademoiselle Julie tout à la fois insolite avec ses cheveux bruns et d'une puissance d'expression qui nous rive à son jeu de façon incroyable !
Sans aucun artifice, Carolina Pécheny investit le personnage de Kristin alliant le sens moral à l'assujettissement de sa fonction.
Cette " tragédie naturaliste " comme la définissait son auteur, n'a jamais été mieux servie qu'ici et l'enthousiasme des applaudissements est parfaitement justifié.
Longue vie à cette Mademoiselle Julie !
Simone Alexandre
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