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Le spectateur de Belleville
February 10, 2018 8:14 AM
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Par Fabienne Darge dans Le Monde | 09.02.2018
« Quills », de Doug Wright, mise en scène par Robert Lepage et Jean-Pierre Cloutier, est bavarde et lourdement interprétée.
La proposition était alléchante : le Québécois Robert Lepage, un des grands magiciens de la scène d’aujourd’hui, est de retour à Paris. Avec une pièce sur le marquis de Sade, qui plus est : Quills, de l’auteur américain Doug Wright, qui a inspiré, en 2000, le film de Philip Kaufman, La Plume et le Sang.
Las ! Il faut bien vite déchanter, et l’on sort accablé(e) de ces quelque deux heures trente de spectacle, qui semblent interminables. Quills, tel que le met en scène Robert Lepage en compagnie du circassien Jean-Pierre Cloutier, qui a également traduit la pièce, c’est le marquis de Sade version « Au théâtre ce soir ».
L’histoire que met en jeu la pièce, avec beaucoup de libertés prises avec l’histoire avec un grand « H », est pourtant passionnante, notamment dans un contexte où la liberté d’expression fait à nouveau l’objet d’attaques multiples. Elle prend place à l’asile psychiatrique de Charenton, où le divin marquis a été enfermé de 1803 jusqu’à sa mort, en 1814.
Doug Wright imagine un Sade qui ne cesse d’écrire, encore et encore, des récits sulfureux, malgré l’interdiction qui lui en est faite. Ecrire coûte que coûte, par tous les moyens possibles, avec son sang, avec ses excréments, alors que tout le monde veut l’en empêcher : Napoléon, le directeur de l’asile, le docteur Royer-Collard, et sa propre femme, Renée Pélagie Cordier de Montreuil, laquelle voudrait pouvoir mener en paix sa vie de femme du monde.
Les comédiens en font des tonnes On l’aura compris, il s’agit ici d’aborder les questions de la censure et de la liberté d’expression, de la licence artistique, de la morale, de la religion, du distinguo entre l’expression des pulsions les plus folles et les actes. Mais il s’agit aussi de théâtre, et c’est là que le bât blesse, avec cette pièce affreusement bavarde, écrite sur le mode du théâtre de boulevard, et qui surligne son propos de manière appuyée.
Cette impression est encore renforcée par le jeu lui aussi lourdement démonstratif adopté par les comédiens qui, pour la plupart, en font des tonnes, ce qui est d’autant plus pénible que le système de sonorisation des voix n’était pas tout à fait au point le soir de la première au Théâtre de la Colline à Paris, le 6 février.
Mais il reste malgré tout Robert Lepage, qui incarne lui-même, en chair et en os, c’est le cas de le dire, le marquis de Sade. Et là, il se passe quelque chose, qui donne une idée de ce qu’aurait pu être le spectacle. Lepage, avec son étrangeté, son côté un peu albinos, son corps d’homme de 60 ans, joue nu pendant une bonne partie de la représentation. Cette présence corporelle dit ce que la logorrhée de Doug Wright ne dit pas : la fragilité humaine, et le corps comme siège central de la répression des âmes et des esprits. On rappellera par ailleurs que, sur un sujet proche, le Japonais Yukio Mishima a écrit, en 1965, une pièce remarquable : Madame de Sade. Elle n’a pas pris une ride, aujourd’hui.
Quills, de Doug Wright. Mise en scène : Robert Lepage et Jean-Pierre Cloutier. Théâtre national de la Colline, 15, rue Malte-Brun, Paris 20e. Tél. : 01-44-62-52-52. Mardi à 19 h 30, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 18 février. De 10 € à 30 €. Durée : 2 h 20. www.colline.fr
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Le spectateur de Belleville
February 10, 2018 4:12 AM
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Publié dans Profession-spectacle
Appel à projet pour le festival Impatience 2018 : avis aux jeunes compagnies de théâtre contemporain
Télérama, le CENTQUATRE-PARIS et le T2G-Théâtre de Gennevilliers s’associent pour la 10e édition du festival Impatience, qui se déroulera entre le 5 et le 16 décembre 2018 dans les deux lieux partenaires. Le festival Impatience a pour but de faire connaître de jeunes compagnies de théâtre contemporain auprès du grand public et des professionnels (programmateurs et journalistes).
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PRÉALABLES Le dépôt de votre candidature s’effectue via un formulaire de candidature à 4 étapes.
Attention : l’enregistrement des données n’interviendra qu’au terme de la 4e étape. En l’absence de sauvegarde, nous vous recommandons de remplir le formulaire d’une traite.
Durée estimée : 30 minutes
Avant de commencer, vérifiez :
que vous remplissez tous les critères d’éligibilité ; que vous disposez de tous les médias et documents à joindre à votre candidature.
CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ Les projets peuvent être proposés par des compagnies, des lieux ou des institutions et devront répondre aux critères suivants :
les compagnies devront avoir à leur actif entre une et quatre créations au maximum antérieures au projet présenté, la création proposée devra avoir moins de deux ans à compter du festival (soit une création après décembre 2016), les seuls en scène ne sont pas acceptés, le spectacle devra être joué en langue française, dans la mesure du possible, la création devra être visible avant le 30 avril 2018, la proposition ne devra pas excéder 2 heures 30, le spectacle ne devra pas avoir rencontré une visibilité significative en Ile de France avant le festival ; chaque lieu et période de diffusion doivent être clairement indiqués dans le formulaire de candidature ; les candidats devront impérativement fournir un lien vers une captation vidéo ; les candidats devront préciser leurs dates de diffusion, afin que les partenaires du festival puissent, dans la mesure du possible, voir les spectacles. Le festival privilégiera la création européenne, avec une dominante française.
Les frais d’inscription pour le dépôt de candidature sont de 12,60 € par projet.
MÉDIA & DOCUMENTS REQUIS Pièces obligatoires :
le récépissé attestant de votre règlement des frais d’inscription ; une captation intégrale accessible en ligne ; les C.V. détaillés de la compagnie, du metteur en scène et des personnes au plateau (.doc ou .pdf) ; un dossier artistique de 10 pages maximum (.doc ou .pdf) ; une fiche technique du projet (.doc ou .pdf). Pièces facultatives
le texte de la pièce s’il existe (.doc ou .pdf) ; tout élément visuel (.jpg) ou sonore (.mp3, .wav) pouvant aider à une meilleure connaissance du projet ; 1à 2 lettres de recommandation signées de professionnels pouvant attester de la qualité de votre travail (.doc ou .pdf).
CALENDRIER 7 février 2018 : ouverture de l’appel à projet. 15 mars 2018 : date limite de réception des candidatures COMPLÈTES (aucun délai supplémentaire ne sera accordé). 13 juin 2018 : annonce des spectacles programmés dans l’édition 2018 d’Impatience. 5-16 décembre 2018 : festival Impatience. Formulaire de candidature : http://www.festivalimpatience.fr/appel-a-projets/formulaire-candidature.html
RÉCOMPENSES À l’issue du festival, le prix du public, le prix des lycéens et le prix du jury (composé de professionnels) seront décernés.
Le spectacle lauréat du prix du jury bénéficiera d’une diffusion nationale dans notre réseau partenaire : Festival d’Avignon / Espace 1789 de Saint-Ouen / Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines Scène nationale / Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France / Canal, théâtre du pays de Redon Scène Conventionnée / Théâtres Départementaux de La Réunion / TU-NANTES Scène de recherche et de création contemporaine / Théâtre Sorano de Toulouse / CENTQUATRE-PARIS / T2G-Théâtre de Gennevilliers
Le Pôle Culturel d’Alfortville accompagnera plus spécifiquement le lauréat du Prix Impatience des lycéens et le diffusera. Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française, présent dans le jury, continue de porter une attention particulière aux metteurs en scène sélectionnés.
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Le spectateur de Belleville
February 9, 2018 6:12 PM
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Par Gilles Renault dans Libération — 8 février 2018
Nouveau spectacle de la compagnie, «le Dur Désir de durer» aborde avec toujours autant de grâce la folie d’un monde en marche vers son inexorable déclin.
L’aventure du Dur Désir de durer débute là où s’était achevée celle du Jour du grand jour et, pour la qualifier, leurs auteurs ont trouvé la formule aussi jolie que pertinente de «suite en avant». Cela posé, notons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu la précédente création du Théâtre Dromesko, datée de 2014, pour aborder la nouvelle, les deux spectacles ne se rejoignant, en définitive, que dans l’humeur, fantasque et chimérique, et le dispositif, bifrontal, propice à une succession d’allers et venues favorisant la circulation des hommes, des femmes, et des idées.
Transfuges du Cirque Aligre et de Zingaro, Dromesko colporte son antre forain, fait de mélancolie joyeuse, depuis bientôt trente ans et a su garder intacte, par on ne sait quel miracle, la fraîcheur versatile des débuts. Jolie manière de défier la condescendance que pourrait inspirer au profane la nature même d’un projet, pourtant fort éloigné des cabrioles de saltimbanques sur fond de sonorités tziganes. Nulle complaisance ni esbroufe en effet, dans cet industrieux artisanat, citant les influences du dessinateur Sempé et de la chorégraphe Maguy Marin (sa chorégraphie Umwelt en particulier), fondé sur «une grande panique face aux lendemains qui déchantent, avec dans le dos les rengaines du passé et sous les pieds le vertige d’être encore là aujourd’hui».
Cierges Plutôt allusif, le schéma narratif du Dur Désir de durer n’en possède pas moins sa propre cohérence stylistique, qui se gausse de la mort comme il s’inquiète de la vie. Il y a là le buste vivant d’une princesse portée sur un grand plateau/autel (constellé de cierges et de crânes) par plusieurs paires de jambes facétieuses, une tentative de pique-nique contrarié par un vent tempétueux, des lits d’hôpitaux d’où les corps s’extraient vaille que vaille, un homme qui digresse sur la magie des rêves… Mais, et nul ne s’en plaindra, raconter un spectacle des Dromesko a toujours quelque chose d’inopérant, tant son essence même repose sur l’atmosphère. Tout au plus ajoutera-t-on que l’ensemble des saynètes compose une synthèse de ces situations en mouvement qui rythment l’existence (enterrement, procession, flânerie…), interprétés par une dizaine de musiciens, comédiens et danseurs d’autant plus à l’unisson que la troupe demeure soudée autour du couple fondateur.
Echassier Fidèle au poste, aussi, le vieux Charles continue de subjuguer, marabout cabot qui (avec un petit chien et la truie Carla), à défaut de prédire l’avenir, symbolise à lui seul l’esprit de l’entreprise, depuis la Volière, spectacle phare des Dromesko joué 350 fois à travers l’Europe à partir de 1991. Quadragénaire fringant, l’échassier en impose ainsi à chacune de ses apparitions, l’étendue de ses ailes déployées conférant, par métonymie également, toute son envergure à la grâce précieuse du clan.
Gilles Renault Le Dur Désir de durer par le Théâtre Dromesko Le Monfort (programmation hors les murs du Théâtre de la Ville), 75015. Jusqu’au 17 février. Rens. : www.lemonfort.fr
Légende photo : Une synthèse des situations en mouvement qui rythment l’existence. Photo Fanny Gonin
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Le spectateur de Belleville
February 9, 2018 2:48 AM
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Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan :
Pour sa troisième pièce et mise en scène, « France fantôme », Tiphaine Raffier qui est aussi actrice va très loin : dans un futur lointain. Où l’on ne pleure plus le défunt mais où on peut trouver son double. Une nouvelle société se met en place qui se souvient de la nôtre. C’est puissant, troublant. Tous les miroirs sont impitoyables.
On le sait : Thomas Edison eut la lumineuse idée d’inventer la lampe à incandescence. Sans doute crut-il bien faire ou bien fut-il dépassé par son imagination lorsqu’il inventa la chaise électrique et ses mortelles conséquences. Mais c’est au soir de sa vie qu’il conçut son projet le plus fou : une machine à traquer l’âme des défunts en enregistrant leur son voire leur voix. Philippe Baudouin, une des voix de France Culture, eut la judicieuse idée de nommer cette machine le nécrophone. Victime d’un attentat
Il se peut que dans mille ans, si ces lignes n’ont pas été anéanties par l’obsolescence des ordinateurs comme le Minitel succomba après une courte vie, il se peut donc que, chacun ayant dans son salon un nécrophone, vive en bonne entente avec ses morts en les écoutant près d’une cheminée nourrie par des bûches de synthèse. C’est pourquoi on ne peut qu’acquiescer à l’une des toutes premières phrases dites en voix off haut débit du spectacle France fantôme : « Les inventeurs ne sont pas des scientifiques. Ce sont des artistes. »
Artiste, Tiphaine Raffier l’est assurément. Actrice, on l’a vu jouer dans quasiment tous les spectacles de la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur dirigée par Julien Gosselin ou faire le clown au théâtre Le Prato de Lille auprès de Gilles Defacque. Enfin, Tiphaine Raffier a signé et mis en scène deux pièces très singulières, La Chanson et Dans le nom. Dans ce dernier spectacle (lire ici), deux personnages, une femme et un homme, disparaissaient brutalement sans atteindre le grand âge. C’est aussi ce qui arrive dans France fantôme à Sam, victime d’un attentat, fauché dans la fleur de l’âge, comme disent les communiqués de décès, laissant éplorée (idem) Véronique, sa compagne.
Véronique va-t-elle avoir recours au nécrophone ? Mieux que cela. L’action se passe au XXIIe siècle, le nécrophone est une vieillerie hors d’usage que l’on trouve pour trois fois rien dans les marchés aux puces. En revanche, la puissante firme (française, monsieur, je tiens à le dire) au nom anglais Recall them corp. (à la fin du XXIe siècle, l’anglais avait fini d’étendre son empire sur le monde entier) propose de stocker l’âme du futur défunt et, en la transférant, de lui offrir un nouveau tour de manège en même temps qu’à ses proches de quoi éponger leur manque et leur chagrin. Au XXIIe siècle, la réincarnation n’est plus un mirage, c’est un business, une puissance dévastatrice, une gouvernance.
Essayez le Démémoriel
Le système est assez simple bien que contraignant. Il s’appuie sur un appareil : le Démémoriel. On branche l’appareil, si possible quotidiennement, pour y décharger ses souvenirs. Le Démémoriel (après avoir écrabouillé ses concurrents sur le marché en ayant un coup d’avance) les stocke dans des fonds sous-marins au large de l’île de la Réunion. Mais ce n’est pas tout. La firme d’origine française bien plus totalitaire que le bon vieux Facebook impose des règles draconiennes pour couper court à tout retour du souvenir (comme on disait retour de manivelle au XXe siècle) qui enrayerait le processus : elle bannit le visage. Pas de photo, pas de toile, pas le moindre dessin. Toute icône est interdite. Le mot « fantôme » est interdit. Des contrôleurs musclés et nerveux sont chargés de veiller au grain.
On suit ainsi les pérégrinations de Véronique pour retrouver, non son Sam d’antan, mais son nouveau, dans un autre corps, chargé des souvenirs de l’ancien. On appelle ça non des revenants, mot trop connoté pour ne pas être suspect, mais des « rappelés ». C’est l’ère de la NRS, la Neuvième Révolution Scopique. Notre chère devise, « Liberté, Egalité, Fraternité », devient « Egalité, Sécurité, Immortalité ». Le temps de la représentation fait mine de devenir incertain : le spectacle que nous voyons est lui-même sponsorisé par Recall them corp. qui en profite pour asséner sur un écran des pubs aux spectateurs, des pubs (« Ad vitam, la meilleure mutuelle pour votre résurrection ») où, bien sûr, les visages sont brouillés, un peu comme ils l’étaient dans les œuvres de certains artistes du lointain XXe siècle, tels Bacon ou Giacometti, deux visionnaires. C’est le propre des grands artistes que d’être visionnaires.
Une maîtrise dans tous les domaines
Mais l’art est lui-même malmené par l’emprise technologique tout azimut. Avant que Sam ne soit victime d’un attentat qui va bouleverser la vie de sa compagne Véronique, cette dernière, enseignant la littérature française du XXe siècle, venait de traiter de tous les noms le fils du recteur de son université, apôtre d’une littérature compressée supprimant un mot sur dix des phrases de nos chefs-d’œuvre tel A la recherche du temps perdu, sans, en principe, que l’on s’en aperçoive. L’art de Tiphaine Raffier ne se résume pas à inventer une fable diabolique, elle en explore les arcanes, les recoins, les miroirs.
Science-fiction si l’on veut, fiction de la science plutôt, France fantôme est une pièce qui dénote, étonne et nous passionne d’autant plus que la dite pièce est assortie d’une forte puissance scénique et cela dans tous les domaines : la scénographie (Hélène Jourdan), le son (Frédéric Peugeot), la lumière (Mathilde Chamoux), la musique en direct (Guillaume Bachelé), la vidéo (Pierre Martin) et les acteurs (à commencer par Edith Mérieau dans le rôle de Véronique), le tout orchestré par une mise en scène parfaitement maîtrisée.
Nombre de pièces de théâtre nous ont appris à scruter le monde d’aujourd’hui par le prisme du passé, Thiphaine Raffier inverse la donne : c’est le futur qui nous parle d’aujourd’hui et d’autant plus que sa fable emprunte des codes qui semblent encore en vogue au XXIIe siècle : conférence dans un amphi de Nantes 2 avec deux débatteurs spécialisés et un meneur de jeu, séance de bain rituel d’une dominante église évangéliste « Born again » qui a su tirer profit de la situation d’êtres fragiles, « cérémonie de retour » sur le mode des increvables cérémonies de mariage, attentats terroristes meurtriers des « pro-death » contre les bases de stockage, cercles de paroles (sur le mode des alcooliques anonymes ou autres) réunissant les rappelés comme Sam qui ont du mal à accepter l’effacement du visage et du reste, voire cours de soutien. Chemin faisant, des sujets lourds d’actualité de notre prégnant présent comme l’exclusion, la ségrégation, l’addiction, les attentats, le voile, le délit de faciès, la mort programmée, le totalitarisme s’immiscent dans le propos de cette fantaisie futuriste qui finit par miroiter sur elle-même. Une image en cache toujours une autre.
Théâtre du Nord, mar, mer, ven 20h, jeu et sam 19h, dim 16h, jusqu’au 15 octobre.
Théâtre national de Marseille, du 9 au 13 janvier ;
Comédie de Valence, les 16 et 17 janvier ;
Théâtre de Lorient, les 25 et 26 janvier ;
Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, du 31 janvier au 10 février ;
Scène nationale d’Alençon, les 13 et 14 février.
Légende : Scène de "France fantôme" © Simon Gosselin
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Le spectateur de Belleville
February 8, 2018 7:43 PM
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Par Marie Prieur dans La Tribune de Genève
Vingt ans plus tard, c’est sous les applaudissements de l’Alternative, du PDC, du MCG et des trois magistrats présents (Sami Kanaan, Rémy Pagani et Sandrine Salerno) que le Pavillon de la danse a décroché le saint Graal. Le crédit de construction de 11 millions a été accepté par 52 oui contre 21 non et une abstention mercredi soir lors de la plénière du Conseil municipal de la Ville de Genève. De quoi donner le sourire aux dirigeants de l’Association pour la danse contemporaine (ADC), présents dans le public. «Enfin», s’exclame la conseillère municipale verte Marie-Pierre Theubet, rappelant que «la danse contemporaine attend ce moment depuis vingt ans».
Pour rappel, ce projet remonte à 1998. Il s’agit alors de créer une Maison de la danse à Lancy. Une idée rejetée par les citoyens de cette commune par référendum en 2006. D’où le projet d’un pavillon provisoire installé sur la place Sturm. Pour répondre aux inquiétudes des riverains, une convention a été signée stipulant sur l’infrastructure (de 51 mètres de long par 19 mètres de large) restera sur place durant sept ans.
«Vingt-cinq ans pour aboutir à du provisoire! Cela ne vaut rien», s’insurge le conseiller municipal indépendant Pascal Spuhler. Il n’est pas le seul à s’émouvoir de cet aspect. C’est aussi le principal reproche formulé par le PLR. Tandis que l’UDC, par la voix de son chef de groupe, Pierre Scherb, estime que la danse contemporaine est «élitiste et éloignée des préoccupations de la population». Une «vision poussiéreuse», lâche le magistrat chargé de la Culture, Sami Kanaan. Ce dernier rappelle que «cela fait plusieurs années que Genève cartonne dans le domaine de la danse contemporaine», multipliant les prix. Et de rendre hommage à la ténacité de l’ADC.
Autre avantage selon les défenseurs du pavillon: sa création libérera la maison de quartier des Eaux-Vives. Enfin, le chef de groupe PDC, Alain de Kalbermatten, répond à la principale critique en assurant que «l’ADC sera capable de convaincre le voisinage pour pouvoir rester» au-delà des sept ans.
Légende photo : L’édifice est conçu comme une structure légère et démontable, qui restera à la place Sturm durant sept ans. (Photo: ON Architecture)
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February 8, 2018 7:29 PM
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Face à la frilosité des metteurs en scène qui n’osent pas monter des pièces inédites, il est urgent de rendre plus visibles le foisonnement et l’énergie des nouveaux auteurs dramatiques.
Pour des états généraux des écrivains de théâtre «A-t-on encore besoin des auteurs ?» : ce titre volontairement provocateur, comme les affectionne Libération, a été, le 12 janvier, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase déjà bien plein d’un dénigrement systémique et presque institutionnel de nos écrivain·e·s dramatiques en France. Pour beaucoup d’entre nous, attaché·e·s aux textes de théâtre et aux écritures d’aujourd’hui, il y a un fort décalage entre la diversité et la richesse liées à un renouvellement générationnel important (à l’image de la Coopérative d’écriture, du Collectif Traverse, de la formation écriture de l’Ensatt et de l’Ecole du Nord, du passage au théâtre d’auteurs de roman ou de l’avènement de talents étrangers) qui génère un foisonnement de nouvelles pièces avec des dramaturgies innovantes, doublé d’auteurs reconnus beaucoup traduits à l’étranger et une apparente «ringardisation», trop communément admise, du texte écrit avant les répétitions.
Les metteur·e·s en scène sont sûrement à blâmer. Ils représentent l’essentiel des porteurs de projet en France et peu se risquent sur les nouveaux auteurs et osent créer des pièces inédites. Pour cette même raison, les auteurs-metteurs en scène (Olivier Py, Joël Pommerat, Pascal Rambert, Wajdi Mouawad, Rodrigo García, Hubert Colas…) jouissent d’un rayonnement et d’une popularité bien plus importants que leurs confrères qui cherchent désespérément celui ou celle qui saura porter au plateau leurs mots et leurs poèmes.
Mais pourquoi tant de frilosité ? Les raisons sont bien sûr avant tout économiques. Les metteur·e·s en scène savent, à raison, que le montage de production d’un texte nouveau sera beaucoup plus dur à réaliser, que la tournée sera bien plus courte, que les «décideurs» dans leur ensemble seront bien plus craintifs, etc. C’est la raison pour laquelle le soutien à la «filière texte» doit constamment faire l’objet d’une politique publique active pour encourager la prise de risques et progressivement constituer l’émergence des classiques de demain. Or, à de rares exceptions près, c’est tout le contraire qui s’est mis en place depuis une quinzaine d’années. Le sauvetage annoncé de Théâtre ouvert à Paris par la mise en danger du Tarmac laisse pantois ; la fragile situation de Montévidéo à Marseille inquiète… Les dispositifs d’aide aux auteurs sont très anciens et peu requestionnés. Ils reproduisent des schémas aujourd’hui vétustes et déconnectés de la réalité de l’économie du spectacle.
Au nom de la «rationalisation», le ministère de la Culture a fusionné le Centre national du théâtre avec les Arts du cirque et de la rue, satellisant par là même, la question du texte… Au nom du rayonnement des créations françaises à l’étranger, on a expliqué que le texte était un obstacle. Au nom de la pluridisciplinarité, puis de la transdisciplinarité, on a théorisé que le texte freinait la créativité et la liberté artistique. Par manque de volonté politique, on a peu à peu abandonné le travail toujours nécessaire de sensibilisation des enseignants de manière générale, des professeurs de théâtre en particulier. Ici, comme ailleurs (on pourrait comparer cette situation à la place de plus en plus fragile du cinéma d’auteur), on laisse le marché décider. Et, bien entendu, le marché favorisera toujours les effets de mode et les gestes patrimoniaux.
Bref, il est urgent de constater qu’il y a un réel impensé sur la place des textes de théâtre aujourd’hui et de celles et ceux qui les écrivent. Les chantiers (et les initiatives) sont nombreux et ne manquent pas : comment sensibiliser les jeunes artistes aux nouvelles écritures ? Comment favoriser la circulation et la mise en production des pièces repérées par les différents Comités de lecture ? Comment multiplier les espaces de laboratoire et de rencontres notamment entre les metteur·e·s en scène et les écrivain·e·s de théâtre ? Comment encourager les commandes d’écriture et mieux rémunérer le travail des auteurs ? Quels dispositifs vertueux pour les producteurs de pièces nouvelles ? L’Etat, depuis trop longtemps, semble aux abonnés absents sur ces sujets. Les Collectivités avancent en ordre dispersé. Les Sociétés d’auteurs semblent plus en dialogue avec les théâtres privés qu’avec les théâtres publics et paraissent ignorer ce qui se passe dans les Centres dramatiques…
Dans mon quotidien à la Comédie de Saint-Etienne, je ne peux que me réjouir de la vitalité et du renouveau de l’écriture dramatique. Elle est complémentaire des écritures de plateau, et je ne crois nullement à la fatalité d’un lent déclin, ni à une hostilité de la part de la jeune génération d’artistes. Mais il est temps de mettre autour d’une table les différents décideurs. J’appelle de mes vœux l’organisation d’états généraux des écrivain·e·s de théâtre qui les réuniraient avec les pouvoirs publics, les éditeurs et les professionnels qui ont à cœur de partager leur goût et leur passion avec tous les publics. Ce foisonnement et cette énergie dont je vous parle, il est sans doute temps de la rendre plus visible et de lui donner les moyens de son développement.
Arnaud Meunier metteur en scène, directeur de la Comédie de Saint-Etienne
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February 6, 2018 7:01 PM
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Par Florence Hubin dans Le Parisien
En se plongeant dans les archives de la Société d’Histoire locale, Cécile Moreno a retracé la naissance dans les années 1960 de ce qui deviendra un centre dramatique national.
Du chapiteau planté en 1965 au lieu-dit Côte-des-Amandiers, d’où son nom, au théâtre inauguré en 1976, en passant par le hangar militaire où des boîtes d’œufs faisaient office d’équipements acoustiques, elle fait revivre l’épopée que furent les premières années du Centre dramatique national des Amandiers de Nanterre. Cécile Moreno a présenté ce lundi après-midi son livre « Tous les arbres ont des racines » à Nanterre, devant des habitants qui ont connu le théâtre dans les années 1960, et dans un lieu où elle a trouvé des documents précieux pour la rédaction de son ouvrage : les locaux de la Société d’Histoire de Nanterre.
« Pierre Debauche, le fondateur de ce théâtre, m’a soutenue dans ce projet », raconte l’auteure, qui a mis dix ans à rédiger et éditer ce document de 353 pages pour lequel elle a rencontré tous les directeurs des Amandiers et de nombreux comédiens. « Pour ceux qui connaissent Pierre, ils savent que c’est quelqu’un de difficile à interviewer, s’amuse l’ancienne journaliste à la ville de Nanterre, qui enseigne aujourd’hui à Berlin. Il m’a dit qu’il avait mis ses archives à l’Arsenal mais je n’y ai pas trouvé grand-chose. J’y ai trouvé beaucoup de factures non payées ! Le trésor était à la Société d’Histoire de Nanterre, dans une petite armoire, j’ai découvert les programmations, des journaux de 1965 et 1966… »
« En sortant de l’usine, on allait au théâtre ! » A l’époque, Nanterre compte huit bidonvilles et de nombreuses usines. « Je travaillais à l’usine Citroën, se souvient un habitant venu rencontrer Cécile Moreno. En sortant de l’usine, on allait au théâtre ! » En 1968, le théâtre des Amandiers va même jouer dans les usines. Et l’année suivante, l’équipe innove avec le « théâtre de quartier », en faisant jouer les comédiens sous des préaux d’école. Les ouvriers allaient au théâtre, mais aussi les travailleurs immigrés. « On y jouait du Brecht en arabe et en portugais », rappelle l’auteure.
Cécile Moreno croyait en arrivant à Nanterre que le théâtre avait été créé en 1982 par Patrice Chéreau. C’est à ses racines en fait plus profondes qu’elle a voulu rendre hommage. « Le théâtre des Amandiers, c’était une aventure humaine, magnifique, exceptionnelle, liée à la rencontre entre un artiste, Pierre Debauche, et un homme politique, Raymond Barbet (alors maire de Nanterre), mais aussi de Jacques Pineau, son adjoint à la culture », souligne l’auteure. Et au « contexte historique des années 1960, avec la volonté de décentralisation dramatique. » Petite scène est devenue grande.
« Tous les arbres ont des racines », 353 p. (20 €), édité grâce au soutien de la ville de Nanterre et disponible à la Société d’Histoire de Nanterre, villa des Tourelles, 9, rue des Anciennes-Mairies à Nanterre, tél. 01.41.37.52.03. histoire-nanterre.com
Nanterre, lundi 5 février 2018. Cécile Moreno présente a la Société d’Histoire de Nanterre son ouvrage sur les débuts du théâtre des Amandiers (de 1965 à 1982), intitulé « Tous les arbres ont des racines ». (LP/Florence Hubin.)
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2018 5:27 PM
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Mathieu Riboulet présente et lit les premières pages de son récit Entre les deux il n'y a rien, qui paraît aux éditions Verdier. En ouverture d'émission, Mathieu Riboulet lit l'incipit de La Chartreuse de Parme , de Stendhal, qui a accompagné l'écriture de son livre Entre les deux il n'y a rien.
Ecouter la lecture : (21 mn) https://www.franceculture.fr/emissions/les-bonnes-feuilles/mathieu-riboulet-entre-les-deux-il-n-y-rien
Son choix musical : Tango des matelots de Bertolt Brecht et Kurt Weill, chanté par Pia Colombo
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February 6, 2018 6:52 AM
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Pour l’Opéra Comique, Phia Ménard dévoile la contemporanéité de Rameau par Véronique Giraud dans Naja 21
Au milieu des ors étincelants de l’élégante salle Favart de l’Opéra Comique, le spectacle "Et in Arcadia ego" propose ce que le monde de la musique s’autorise rarement : redonner sa créativité à l’œuvre de Rameau, un compositeur perçu comme académique. Une liberté qu’une partie du public a du mal à entendre. Aussi le trio des créateurs, Christophe Rousset, Phia Ménard, Éric Reinhardt, n’a-t-il pas renâclé au débat en fin de représentation.
Le spectacle Et in Arcadia ego (traduit du latin : Même en Arcadie j’existe) est né de la volonté d’Olivier Mantei, qui dirige l’Opéra Comique, de confier à Christophe Rousset et son orchestre Les Talens Lyriques le soin d’imaginer comment rendre compte de l’inventivité de la musique de Jean-Philippe Rameau. Pour le directeur musical et claveciniste exigeant, ce fut l’occasion d’un retour aux sources du processus créatif d’un compositeur du XVIIIe siècle capable aujourd’hui encore d’éblouir le spectateur de sa vigueur singulière.
Jean-Philippe Rameau n’est pourtant pas le musicien le plus aisé à cerner, les variations de son registre sont loin de se résumer à ses fameuses Indes Galantes. Cet intellectuel engagé, guidé par le désir de doter la musique d’une expressivité, d’une puissance émotionnelle, aux confins du visible, n’a pas toujours été compris en son époque héritière de Lully. C’est le lot des avant-gardes. Heureusement soutenu par un riche mécène, le musicien a pu mettre au jour de nombreux bijoux de pièces instrumentales. Celles-là même qui rendent la dimension de son talent. Il semblait impossible de les rassembler tant leur esthétique et leur inspiration, entre gaieté et tragédie, dresse une mosaïque d’émotions.
Impossible ? C’est pourtant précisément l’intention qui a présidé à la création de Et in Arcadia ego. En premier lieu parce que la musique de Rameau, en particulier son œuvre symphonique, est magistralement reçue et infiniment respectée par le claveciniste Christophe Rousset. Le directeur de l’orchestre Les Talents Lyriques voue une passion esthétique au répertoire baroque et un enthousiasme sans faille pour son esprit. En second lieu parce que choisir Phia Ménard pour inventer la mise en scène d’une trentaine d’extraits de partitions composées pour orchestre, airs, ouvertures, danses, et imaginer le récit qui pourra leur conférer une « unité » est lumineux. La liberté de créer de la chorégraphe rejoint celle du musicien.
Des livrets de faible valeur.
L’auteure de Vortex et de L’après-midi d’un Foehn, qui a fait du vent, du froid, de la chaleur, ses matériaux scéniques, a défini son projet comme un « big bang organique ». Christophe Rousset a quant à lui réactivé ce qui se faisait couramment au XVIIIe : parodier le texte d’un livret, d’autant que, comme le souligne le grand connaisseur, « Souvent les livrets de Rameau sont de faible valeur ». En réponse, Phia Ménard percevait un personnage de fiction unique pour donner une réplique narrative et mélodieuse à un dispositif scénique ambitieux et quasi biologique. Pour Olivier Mantei, la jeune mezzo-soprano Léa Desandre s’imposait. Elle incarne le nouveau livret, charmant le spectateur de son corps de danseuse et de la pureté de sa voix qu’elle a su intimement mêler aux vibrations des instruments de l’orchestre.
Le soin d’écrire le livret d’un projet aussi hardi fut confié à Éric Reinhardt. S’inspirant de l’écoute attentive de 120 partitions de Rameau et de la dramaturgie de Phia Ménard, l’écrivain a imaginé le personnage de Marguerite. Belle d’hier, elle vit à 95 ans son ultime jour et traverse les quatre tableaux de sa longue existence, naissance, enfance, âge adulte, vieillesse et mort. Évoluant dans un décor mouvant qui développe ses propres miasmes : de la petite musique de fleurs s’égouttant à la puissance d’un souffle venu d’ailleurs, du cuisant éblouissement à la glaçante noirceur. Le chœur, magnifiquement interprété, n’apparaît jamais ou comme en filigrane, c’est seule en scène, lumineuse et fragile, que Léa Desandre offre sa jeunesse à une scénographie qui tient du prodige.
Un renouveau qui surprend. L’œil du spectateur est en prise sensorielle avec la permanente mutation du décor, son oreille saisit les variations musicales, son esprit divague vers un conte étrange, intérieur et tragique. « La musique de Rameau est réénergisée par un texte nouveau, par des situations dramatiques nouvelles, et un pouvoir émotionnel se dégage de Rameau complètement renouvelé. Cette musique existe encore plus que quand on la joue en concert ou en récital », s’enthousiasme Christophe Rousset. Un seul regret, il faudrait revoir une ou deux fois encore le spectacle pour apprécier les facettes de ce qui a été donné à entendre, à voir, à sentir, à penser.
La création libre et gourmande fait débat, comme le laisse entendre quelques huées en fin de spectacle. Un débat souhaité par le trio des créateurs, qui invite, chose peu courante, à le prolonger par une rencontre en salle Bizet après chaque représentation. Ainsi nul n’est contraint de rentrer chez soi, emportant ses questionnements, chaque spectateur peut les exprimer devant les auteurs mêmes. La courageuse proposition reflète bien l’état d’esprit dans lequel a été conçue une œuvre qui fera date, nous l’espérons.
Et in Arcadia ego,
sur des musiques de Jean-Philippe Rameau, à l'Opéra Comique du 1er au 11 février 2018. Direction musicale : Christophe Rousset - Mise en scène : Phia Ménard - Dramaturgie : Éric Reinhardt. Mezzo-soprano : Lea Desandre - Choeur, : Les éléments. Orchestre : Les Talens Lyriques.
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2018 5:25 AM
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Publié dans le Journal du Centre 3/02/2018 La candidature de la réalisatrice Coline Serreau a été préférée à celle d'Olivier Broda, un comédien et metteur en scène installé à Nevers, pour diriger le théâtre municipal. Le conseil municipal doit approuver ce choix mardi 6 février.
Lors de sa prochaine réunion publique, mardi 6 février, le conseil municipal de Nevers devra se prononcer sur l’attribution de la direction du “petit théâtre” à Coline Serreau et à son équipe. La réalisatrice de Trois hommes et un couffin a obtenu, de justesse, les faveurs de la commission chargée de choisir la société gestionnaire du théâtre à partir de sa réouverture, en principe le 1er juillet. La délégation de service public
Pour diriger le théâtre municipal, fermé depuis 2010 et actuellement en rénovation, la Ville de Nevers a choisi le régime de la délégation de service public : c’est-à-dire qu’elle délègue la gestion de l’établissement à une société privée, pour une durée définie, cinq ans en l’occurrence.Le théâtre est en travaux depuis trois ans.
Les candidats avaient jusqu’au 11 septembre 2017 pour se faire connaître. Deux propositions sont arrivées sur le bureau du maire, Denis Thuriot.
La première est celle du Théâtre de Babylone, une association créée à Paris en début d’année 2017 par Coline Serreau, avec son fils, Nathanaël Serreau. La seconde émane d’Olivier Broda, comédien, directeur artistique du Théâtre du temps pluriel, une compagnie de théâtre neversoise liée à la Maison de la Culture.
Les deux projets ont été étudiés par une commission municipale composée d’une quinzaine d’élus, dont le maire. Qui a auditionné deux fois les candidats, en octobre 2017 et janvier 2018, et qui a finalement opté, le 17 janvier, pour la candidature du Théâtre de Babylone.
Le projet de Coline Serreau
Elle a signé quelques grands succès du cinéma français. L’inoubliable Trois hommes et un couffin (1985) mais aussi La crise (1992), La belle verte (1996), Chaos (2001), ou, plus récemment, le documentaire Solutions locales pour un désordre global (2010), qui confirme sa fibre engagée et écologiste. Elle mène en parallèle une carrière au théâtre, comme comédienne et metteur en scène.À 70 ans, Coline Serreau va diriger le théâtre de Nevers
À 70 ans, elle ambitionne de diriger un établissement culturel, à Nevers, avec une structure qu’elle préside, le Théâtre de Babylone. Elle occuperait le poste de directrice artistique. Son fils, Nathanaël Serreau, 28 ans, trésorier du Théâtre de Babylone, serait administrateur. Une première expérience dans ce domaine pour lui. La troisième associée, Clara Pecot, 26 ans, secrétaire du Théâtre de Babylone, serait responsable de production.
Coline Serreau annonce plus de vingt-cinq spectacles par an (dix en 2018), mais aussi des projections, des lectures de contes, des débats autour de l'écologie et la création d'un festival "Nevers cité musicale et numérique". Elle a l'intention de donner au théâtre de Nevers un rayonnement artistique national et international par l'accueil et la diffusion d'artistes confirmés, mais aussi d'en faire un lieu de création artistique.
Olivier Broda, un artiste local, recalé de peu
La candidature d’Olivier Broda, artiste bien installé sur le territoire, avait la préférence d’une bonne partie des acteurs culturels neversois et nivernais. Qui voyaient ainsi la possibilité de nouer des liens étroits avec le théâtre de Nevers.
Dans le rapport final de la commission, il était mieux noté sur la collaboration avec les partenaires culturels locaux et l’aide à la création. Mais Coline Serreau a fait la différence sur le projet artistique et culturel proposé et sur le volet “communication et commercialisation”. En tout cas, selon l’appréciation de la commission.
Plusieurs personnes qui ont suivi de près ce dossier le disent en "off" : Denis Thuriot voulait un nom connu pour gérer le théâtre et le faire rayonner au niveau national. Le calendrier
Il reste une étape : l'approbation du conseil municipal. Sauf improbable revirement, il suivra l'avis de la commission le 6 février, et nommera Coline Serreau directrice du théâtre.
Pour l’instant, l'établissement est toujours en rénovation. Le hall, le foyer, la terrasse et les loges sont terminés. Mais tout, ou presque, est encore à faire dans la partie salle de spectacle : le parterre, la fosse d’orchestre, la scène et la machinerie scénique, le plafond…La rénovation de la scène
Coline Serreau a prévu dix spectacles en 2018. Cela reste conditionné au calendrier des travaux. La date prévisionnelle d’entrée en vigueur du contrat de délégation est fixée le 1er juillet mais pourrait être repoussée en cas de retard du chantier.
Jean-Mathias Joly
Légende photo : Le théâtre municipal avait rouvert ses portes, le temps d’une soirée, le 16 décembre dernier. La vraie ouverture est prévue cet été. Avec, sauf revirement de dernière minute, Coline Serreau comme directrice. © Christophe MASSON
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Le spectateur de Belleville
February 5, 2018 6:29 PM
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Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog Balagan
Plus de trente ans après la version inoubliable de Klaus Grüber, Célie Pauthe, trop jeune pour l’avoir vue, met en scène « Bérénice » de Racine. « Césarée », un court film de Marguerite Duras évoquant l’héroïne et son pays natal, lui ouvre la porte de la pièce, l’une des plus belles du monde.
Lire l'article dans son site d'origine : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-thibaudat/blog/040218/berenice-encore-jamais
Il est des spectacles qui, outre le fait de jalonner comme une borne inoubliable une vie de spectateur (et pas seulement), jettent comme un interdit sur la pièce qui en émane. J’avais vu en 1984 Bérénice de Racine dans la mise en scène de Klaus Michael Grüber montée à la Comédie Française ; je n’étais pas beau à voir à la sortie : en loques, en lambeaux, en larmes. Le théâtre n’avait jamais atteint en moi une telle émotion. Et celle-ci fut sinon redoublée, du moins prolongée, lorsque je me retrouvai au Nemours (ce café que les comédiens du Français affectionnent car on y accède sans avoir à traverser la place Colette), seul en face de Grüber, pour une « interview », exercice qui lui était peu coutumier et qu’il fuyait le plus souvent. Est-ce que j’ai posé la moindre question ? Je ne crois pas.
« Il faut cet abandon »
« Bérénice, c’est comme une perle, me disait-il. Ou bien le corps étranger entre dans l’huître et la perle naît de la mort, ou bien on reste fermé à la douleur… Quelque chose meurt et il reste la pureté, cela m’émeut beaucoup… C’est la première fois que je ressens cela : le passage de la froideur et du blabla à quelque chose d’intelligent et chaud. Pour un Boche, c’est difficile, il faut beaucoup de temps. Je suis trop habitué à Büchner, Kleist… Mais là, je le sens : l’intelligence peut être chaude… Maintenant, je sais que l’on peut pleurer en alexandrins… »
Quelques minutes passèrent où il parla de démocratie, de sa lassitude du désarroi, de Bérénice. Puis : « Le rêve au théâtre, c’est vraiment l’émotion. Il ne faut pas oublier Brecht car il avait raison. Mais en même temps arriver à l’émotion. Sinon le théâtre va mal tourner. Il faut une simplicité émouvante… Ne pas se contenter de “belles mises en scène”… Il faut que le théâtre passe à travers les larmes. » Alors il cogna de son poing sur la table et ajouta : « Il faut cet abandon. » Puis, revenant vers moi : « Je suis d’une sincérité que je ne peux soutenir plus longtemps. » Il se tut. C’était fini. Le lendemain, je publiais deux pleines pages dans Libération.
Depuis cet ébranlement, comme prostré dans mon souvenir, je demeurais dans l’impossibilité de voir cette pièce de Racine montée par qui que ce soit d’autre. Alors quand Anita Le Van, attachée de presse du CDN de Besançon, m’invita à voir la mise en scène de Bérénice que signait la directrice Célie Pauthe, je déclinai. Un peu plus tard, fine guêpe, elle me parla du film de Marguerite Duras, Césarée, dont j’ignorais l’existence. Un petit film d’une poignée de minutes, empruntant ses images à des chutes d’un de ses films. On y entend la voix off de Duras dire un texte, à dire vrai : un poème, consacré à Césarée et à sa reine, « la reine des Juifs, / la femme reine de la Samarie ». Bérénice, qu’elle ne nomme jamais, pas plus que « lui / Le criminel / celui qui avait détruit le temple de Jérusalem », lui, Titus, qui l’a répudiée, « elle ». Et, précisa Anita, sans ce film qui ponctue le spectacle, Célie Pauthe dit qu'elle n'aurait peut-être pas osé abordé la pièce de Racine.
Duras, Bérénice… J’étais trop intrigué, trop curieux. Et puis, au fil des années, bien qu’intact encore, le souvenir du spectacle de Grüber était passé, doucement mais forcément, du miracle au mirage, pour moi qui n’ai jamais voulu voir la « captation » conservée dans les archives de l’INA. Alors, je cédai. C’est Césarée qui avait ouvert à Célie Pauthe la porte de Bérénice et c’est par Duras que je suis revenu voir une nouvelle mise en scène de la pièce de Racine.
Ce soir-là, j’ai renoué avec l’éternité de Bérénice.
Jouer du triangle
Rien de commun entre les deux spectacles si ce n’est que le petit rideau de Gilles Aillaud caressé par un léger vent tout au long de la représentation trouve un écho épisodique dans les vibrations du haut tulle blanc que propose le décor de Guillaume Delaveau. Si ce n’est, aussi, l’importance accordée à ceux et celles, suivantes et confidents, qui accompagnent les héros.
Dans sa préface, Racine résume partiellement sa pièce en citant à peu près Suétone : « Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce que l’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui, et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » Partiellement, car Racine, passant du duo au trio, introduit le personnage pivot d’Antiochus. Cinq ans auparavant, Antiochus était auprès de Titus quand ils massacrèrent le peuple de Judée et ramenèrent à Rome la reine Bérénice, captive et amoureuse de Titus, qui l’aime tout autant.
La pièce commence après la mort du père de Titus. Le deuil s’achève, le fils doit s’asseoir sur le trône de son père, le sénat et le peuple de Rome ne supporteraient pas qu’il épouse une reine étrangère. Antiochus qui aime en secret Bérénice depuis cinq ans finira par déclarer sa flamme, tout en se faisant le porte-parole de Titus qui n’ose dire lui-même l’inéluctable (il attendra la scène 5 de l’acte IV). C’est donc un amour à trois (je me souviens que, dans son décor pour Grüber, Gilles Aillaud avait dessiné sur une toile un petit triangle). Et quand Titus (acte V, scène 3) demande à Antiochus d’être présent quand il va à la rencontre de Bérénice pour lui dire combien il l’aime (« Venez, Prince, Venez. Je veux bien que vous-même, / pour la dernière fois vous voyiez si je l’aime »), on se croirait dans un roman de Duras (Le Ravissement de Lol V Stein par exemple, comme l’évoque Célie Pauthe), hormis la langue, c’est-à-dire l’essentiel.
Césarée, Cesarea
On a beau connaître presque par cœur certains des alexandrins, la magie opère, intacte, impériale. Ces vers aux balancements ensorcelants et soudain ces dépressions où le vers se casse en morceaux quand les cœurs s’affolent. Entre les actes, la projection par séquences du film (où revient régulièrement une déesse de pierre enfermée dans un échafaudage de planches) est comme un temps d’accalmie, mêlant incantation (« L’endroit s’appelle encore / Césarée / Cesarea ») et description (« La fin de la mer / La mer qui cogne contre les déserts / Il ne reste que l’histoire / Le tout »), la Césarée d’hier et celle d’aujourd’hui. Quelques mots de Duras (« Le sol / Il est blanc / De la poussière de marbre / Mêlée au sable de la mer ») semblent avoir inspiré le sable fin qui recouvre la scène jusqu’à enterrer partiellement le canapé où l’on ne s’assoit guère.
Comme il est étrange et pénétrant (merci Verlaine), ce chœur malgré lui que constitue le film fragmenté enveloppé par la voix de Marguerite Duras. Venu de notre aujourd’hui, il nous parle, au présent de la représentation, du temps d’après, de la Bérénice répudiée retrouvant Césarée avec dans ses bagages la pièce de Racine.
Outre Duras, Célie Pauthe s’autorise deux autres belles licences. La première, c’est, le temps de quelques répliques, de faire parler Bérénice et sa servante en hébreu. Cette langue natale de la reine de Judée, oubliée depuis cinq ans, lui revient soudain. Antiochus, à la demande de Titus, vient de lui déclarer que Titus et elle doivent se séparer, qu’elle doit partir dès le lendemain. Elle refuse de le croire tout en sachant qu’il dit vrai (« Hélas ! Pour me tromper je fais ce que je puis »), et demande à Antiochus de ne plus jamais paraître devant elle. Seule avec sa servante Phénice, son corps sans fard retrouve sa langue natale. La seconde licence, c’est, dans un moment de solitude et de désarroi, de mettre dans la bouche d’Antiochus le début d’un poème fameux de Baudelaire (« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille... »), lui le seul des trois à aimer sans être aimé.
Les deux dernières syllabes
Une fausse note tout de même. A la scène dernière, en des vers similaires, Titus une nouvelle fois convoque comme témoin son ami Antiochus (« Venez, Prince, venez, je vous ai fait chercher. / Soyez ici témoin de toute ma faiblesse »). Le trio est réuni. Antiochus avoue à Titus son amour ancien pour Bérénice. Tout est dit. Il est prêt à mourir, comme Titus l’était quelques instants plus tôt. Bérénice les arrête et, elle qui voulait aussi mourir, consent à vivre et à obéir aux lois de Rome, sauvant la vie des deux autres en les grandissant. A travers elle, c’est l’auteur Racine qui parle le temps de trois vers (« Adieu, servons tous trois d’exemple à l’Univers / De l’amour la plus tendre et la plus malheureuse / Dont il puisse garder l’histoire douloureuse ») avant qu’elle ne reprenne la parole pour sortir de scène et de Rome : « Pour la dernière fois, Adieu Seigneur ». Reste à finir l’alexandrin, les deux syllabes manquantes, à entendre le dernier des dix-huit « hélas » de la pièce, qui la conclut. Mais cet « hélas ! » reste suspendu le temps de passer un ultime pan du film de Duras. Antiochus regarde le film, et à l’issue de celui-ci, dit enfin : « Hélas ! » C’est trop tard, trop loin, cela tombe à plat. C’est une idée joliment dramaturgique qui ne passe pas l’épreuve de la scène.
L’acteur qui joue Antiochus, Mounir Margoum, n’est pas en cause. Il est en tout point remarquable et désarmant dans son amour impossible, faisant la navette entre Titus et Bérénice, utilisé par l’un comme un porteur de télégramme, rejeté par l’autre comme un soupirant insistant, il est comme ces clowns qui reçoivent une claque et au retour une seconde (« Dieux cruels ! De mes pleurs vous ne vous rirez plus »). A ses côtés, Arsace est interprété avec une énergie rare par Marie Fortuit, Gavroche coiffé à la garçonne, les jambes et les bras souples, en alerte, tel un coach, entraînant son boxeur, l’encouragent avant l’assaut, lui faisant retrouver sa lucidité après les coups. Hakim Romatif au contraire, auprès de Titus, incarne le permanent et imperturbable rappel à la loi avec la froideur comptable de celui pour qui l’Etat est tout et l’amour la source de bien des emmerdements. Clément Bresson dans Titus, que l’on avait vu jouer dans les spectacles de Marie Rémond, fait preuve d’une carrure qu’on ne lui soupçonnait pas et d’une intense puissance rentrée qui sied à ce personnage en lui divisé. C’est une actrice iranienne, Mahshad Mokhberi, qui accompagne avec douceur et un léger accent parfumé d’orient, celle venue d’ailleurs qu’est Bérénice à laquelle Mélodie Richard, vue chez Lupa, offre sa jeunesse, excelle dans l’effrontée et la bafouée (à travers Ludmila Michaël, la Bérénice de Grüber était plus mûre, avait plus vécu). Chez elle, le jeu le dispute à l’instinct, et son corps parle souvent avant les mots, allant jusqu’à étreindre celui qu’elle aime (chez Grüber, les corps ne se touchaient pas).
Le soir où j’ai vu le spectacle, la représentation était suivie d’une rencontre avec l’équipe du spectacle préparée par les jeunes qui, tout au long de l’année dans le cadre du projet « Une saison en partage », voient les spectacles, découvrent le théâtre et ses métiers, participent à un atelier et animent les rencontres entre le public et les artistes. Posée par Léa, la première question en forme de constat s’adressait à Célie Pauthe : « Le spectacle que vous avez mis en scène l’an passé (La Bête dans la jungle de James suivi de La Maladie de la mort de Duras, lire ici) était une histoire d’amour impossible. Bérénice, c’est aussi une histoire d’amour impossible, c’est exprès ? » Célie Pauthe, prise de cours, a bafouillé, biaisé. Que répondre ? Les spectacles sont parfois des réponses à des questions que l’on n’ose pas se poser.
Les représentations à Besançon viennent de s’achever, le spectacle sera au TNT de Toulouse du 16 au 20 mars puis à Paris, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, du 11 mai au 10 juin.
Légende photo : Titus et Bérénice dans "Bérénice" © Elisabetrth Carrecchio
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Le spectateur de Belleville
February 5, 2018 12:59 PM
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Par Anaïs Heluin dans Sceneweb
Après son très remarqué Bruit de couloir (2013), solo autour de l’expérience de mort imminente, Clément Dazin met son jonglage chorégraphique au service d’une allégorie du travail. Une remarquable partition pour sept jongleurs.
Pour Clément Dazin, le jonglage est affaire d’entre-deux. Art des états intermédiaires. Dès Bruit de couloir en effet, sa première création après sa sortie du CNAC en 2012, le jeune circassien s’aventure seul dans le plus vertigineux des intervalles : celui qui sépare la vie de la mort. Après une belle tournée internationale, un Sujet à vif à Avignon en 2014 avec la danseuse Chinatsu Kosakatami et de nombreuses expériences en tant que performeur dans les projets d’autres artistes, il poursuit ses recherches en s’intéressant au travail. Sujet qui, dans Humanoptère, lui permet d’aborder le complexe mélange d’aliénation et de liberté qui caractérise l’homme contemporain. Et de transmettre à d’autres jeunes interprètes sa technique singulière, influencée par le mime et la danse.
On retrouve la même semi-pénombre que dans Bruit de couloir. Conçue par Tony Guérin, qui assure aussi la régie générale du spectacle, cette lumière d’aube ou de crépuscule – impossible à déterminer – inscrit d’emblée Clément Dazin et ses six compagnons dans un espace à la fois poétique et contraint. Mystérieux et minutieusement structuré. Seul élément de paysage de Humanoptère, elle isole d’abord les corps dans d’étroits cercles lumineux, avant d’accompagner leur avancée collective et ondulante, rythmée par des lancers de balles synchronisés. Mais cette organisation ne dure guère plus que la précédente. On a à peine le temps de penser à un insecte que le groupe se disperse à nouveau et entame, balles en mains, une série de gestes répétitifs. Lesquels ne tardent pas à se dérégler pour laisser place à un joyeux désordre de gestes sur l’ensemble du plateau.
Série de courts tableaux en clair-obscur, Humanoptère évoque le travail plus qu’il n’en illustre les réalités. Dans un équilibre subtil entre mouvements mécaniques et instabilité, Jonathan Bou, Martin Cerf, Bogdan Illouz, Minh Tam Kaplan, Martin Schwietzke, Thomas Hoeltzel (en alternance avec Miguel Gigosos Ronda) et Clément Dazin déclinent les bases du jonglage avec une inventivité et une précision qui témoigne de la richesse du travail préparatoire réalisé par le metteur en scène. Le plus souvent avec trois balles, installés en lignes qu’ils ne cessent de briser et de déplacer, ils déploient en effet un vocabulaire circassien et chorégraphique basé sur des entretiens avec des personnes diverses. Travail qui apparaissait dans Bruit de couloir sous forme de voix enregistrées, et qui passe cette fois uniquement par le corps. Par le tableau, assez abstrait pour concerner l’idée du travail en général et non un type de métier en particulier.
Dans l’entre-deux qu’il explore, Humanoptère va loin. D’une scène de jonglage à la chaîne à l’autre, Clément Dazin y trouve des solutions physiques originales pour exprimer non seulement les évolutions récentes de notre vision du travail, mais aussi d’une façon plus large notre rapport à la contrainte. Cela avec humilité. Sans prétendre déboucher sur une vérité quelconque. Avec ce spectacle, Clément Dazin ouvre au jonglage de beaux horizons.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
HUMANOPTÈRE directeur artistique Clément Dazin avec et par Jonathan Bou, Martin Cerf, Clément Dazin, Thomas Hoeltzel, Bogdan Illouz, Minh Tam Kaplan et Martin Schwietzke créateur lumière et régie générale Tony Guérin créateur son Grégory Adoir régie son Mathieu Ferrasson aide à la mise en scène et regard chorégraphique Hervé Diasnas accompagnement artistique Michel Cerda administration, production et diffusion La Magnanerie – Julie Comte, Victor Leclère, Anne Herrmann et Martin Galamez Production : Compagnie La Main de l’homme (Strasbourg) accompagnement La Magnanerie. Coproduction et résidences 2 Pôles cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg – Cirque-Théâtre d’Elbeuf, La Maison des Jonglages – Scène conventionnée de La Courneuve, manège, scène nationale-Reims, Furies, Art de la Rue – Pôle National Cirque en préfiguration à Châlons-en-Champagne, l’Odyssée- Scène conventionnée de Périgueux – Institut national des Arts du Mime et du Geste / Coréalisation Le Monfort – Théâtre de la Ville-Paris / Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Grand-Est, du Département de Seine-Saint-Denis, de la Ville de Strasbourg et de la SACD Accueils en résidences 2r2c, Coopérative de rue et de cirque –Espace Périphérique (Ville de Paris – La Villette), La Brèche – Pôle National des Arts du Cirque de Cherbourg-Octeville), Les Migrateurs – Strasbourg. Clément Dazin est artiste compagnon au manège, scène nationale – reims pour la saison 2017/2018 / Clément Dazin est artiste compagnon au manège, scène nationale-reims pour la saison 2017/2018 / www.clementdazin.fr © photo : Michel Nicolas durée 1h
Le Monfort du 2 au 17 fév 2018 à 20h avec le Théâtre de la Ville dans le cadre de sa saison hors les murs
Centre culturel des Carmes, Langon Le 2 mars
Théâtre d’Eaubonne Le 9 mars
Festival Spring, Cherbourg Le 21 mars
Théâtre de Cachan Le 27 mars
Théâtre Victor Hugo, Bagneux Le 30 mars
Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France, scène conventionnée Le 7 avril
© photo : Michel Nicolas
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Le spectateur de Belleville
February 5, 2018 12:50 PM
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Par MARIE-JOSÉ SIRACH dans L'HUMANITÉ - 5 FÉVRIER, 2018
« Faire disparaître le Tarmac, c’est choisir de détruire un théâtre populaire, ancré sur un territoire vaste et métissé. » Le Tarmac Le ministère de la Culture a annoncé l’arrivée de Théâtre ouvert en lieu et place du Tarmac. Une décision qui provoque un tollé. Mais qui n’est pas nouvelle en matière de gouvernance.
Acte I. Théâtre ouvert, passage Véron, entre la place Clichy et la place Blanche, derrière le Moulin-Rouge, a été créé sous l’impulsion de Lucien et Micheline Attoun qui, forts de l’expérience des « gueuloirs » au Festival d’Avignon, au tout début des années 1970, des mises en espace d’auteurs totalement inconnus, s’étaient installés là. On doit à « Attoun et Attounette », comme les appelait affectueusement Jean-Luc Lagarce, la découverte d’auteurs désormais incontournables : Lagarce, certes, mais aussi Serge Valletti, Noëlle Renaude, Eugène Durif, Bernard-Marie Koltès… Un travail enthousiaste et précieux avec publication desdits auteurs. En 2009, la Société du Moulin-Rouge, propriétaire des lieux, décide de ne pas renouveler le bail de Théâtre ouvert, arrivé à échéance en mars 2016. Depuis, c’est l’incertitude totale quant au devenir de ce lieu consacré, comme l’indique son appellation, « Centre national des dramaturgies contemporaines ».
Acte II. En 1985, Gabriel Garran, cofondateur du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, fonde le Tilf – Théâtre international de langue française –, un théâtre itinérant dédié à la francophonie qui se produit ici et là. En 1993, le Tilf s’installe à la Villette et occupe le pavillon du Charolais. En 2004, Valérie Baran succède à Gabriel Garran. Le Tilf devient le Tarmac de la Villette. Jusqu’en 2011 où le Tarmac déménage et « fusionne » avec le TEP, Théâtre de l’Est parisien, fondé par Guy Rétoré. Fusion signifiant en langage pragmatique ministériel disparition. Le TEP n’est plus qu’un vague souvenir dans l’histoire de la décentralisation et de la création d’un théâtre dans l’un des quartiers les plus populaires de Paris.
Le petit jeu de chaises musicales Acte III. Le 31 janvier dernier au soir, Françoise Nyssen, ministre de la Culture, annonce que « Théâtre ouvert – association dirigée par Caroline Marcilhac et présidée par Catherine Tasca, ancienne ministre de la Culture et ancienne ministre déléguée à la francophonie – prendra, à compter de 2019, la suite du projet de Valérie Baran sur le site du Tarmac, dans le 20e arrondissement de Paris ». L’équipe du Tarmac apprend par voie de presse la nouvelle, dénonce dans une pétition en ligne sur le site du Tarmac une décision prise « unilatéralement sans dialogue ni concertation » et parle d’un lieu « sacrifié sur l’autel d’une politique gestionnaire de réduction des coûts ». Devant l’indignation provoquée par une telle décision, Catherine Tasca, présidente de Théâtre ouvert, rédige le 2 février un communiqué dans lequel elle précise que « la décision prise par madame la ministre de la Culture me satisfait pleinement car, depuis deux ans, notre association vivait sous la menace de son éviction de la cité Véron, sans aucune perspective sérieuse de relogement ». Et d’ajouter : « Je pense ne pas avoir à faire preuve de mon engagement à l’égard de la francophonie compte tenu de mes anciennes responsabilités et surtout de mes convictions récentes. » Elle répond ainsi à une lettre ouverte au président de la République et cosignée par une cinquantaine d’artistes et d’intellectuels qui dénoncent « derrière les déclarations d’amour à la langue française, une politique brutale (…). Une décapitation en silence organisée par le ministère de la Culture. Nous ne pouvons le croire. Alors que nous espérons une nouvelle impulsion, nous pourrions être victimes d’une politique de l’ancien monde, à bout de souffle, qui cloue les créateurs francophones au pilori (…). Faire disparaître le Tarmac, c’est choisir de détruire un théâtre populaire, ancré sur un territoire vaste et métissé ».
À ce petit jeu de chaises musicales permanent orchestré par les différents ministres de la Culture qui se sont succédé ces dernières années et par la Ville de Paris (qui a son mot à dire dans cette affaire mais préfère se taire), on en arrive à opposer cruellement, cyniquement, lâchement, deux lieux emblématiques, deux lieux formidables dédiés aux écritures contemporaines et qui révèlent au public des auteurs, qu’ils soient haïtiens, congolais, libanais ou franc-comtois. La question est-elle la disparition programmée d’un théâtre dédié aux écritures francophones ou la énième disparition d’un théâtre ? Quels choix prévalent à une politique culturelle aussi aléatoire qu’incertaine qui consiste à liquider un théâtre pour faire de la place à un autre ? Paris et les alentours manquent-ils à ce point d’espace pour accueillir tous ces projets ? Le ministère de la Culture joue l’austérité contre la dynamique, le désir, la création. Vision rabougrie d’une politique culturelle laminée par des arbitraires budgétaires ; politique à la petite semaine qui préfère l’événementiel au travail précieux et minutieux de ces structures indispensables à l’éducation populaire et à l’imaginaire collectif. Côté Ville de Paris, ce n’est pas mieux. On peine à comprendre les projets de la Gaité-Lyrique ou du Carreau du temple, qui bénéficient pourtant de budgets conséquents. « Moi qui vous parle de l’absurdité de l’absurde, moi qui inaugure l’absurdité du désespoir – d’où voulez-vous que je parle sinon du dehors ? » écrivait Sony Labou Tansi. Et l’on rêve d’entendre sur toutes les scènes de théâtre des auteurs de sa trempe, qui vous secouent les méninges, vous parlent du monde d’ici et d’ailleurs. Le théâtre n’est-il pas le lieu symbolique de l’universalité ? Paris doit pouvoir accueillir et le Tarmac, et Théâtre ouvert.
Marie-José Sirach Chef de la rubrique culture
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Le spectateur de Belleville
February 10, 2018 7:54 AM
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Ronan Ynard, premier YouTubeur théâtre
« Bonjour à tous, nous sommes le 15 septembre, il est presque 19h, le marathon Jan Fabre, de 24 heures, va bientôt commencer. [… ] Donc voilà j’ai pris des bananes, des gâteaux, de l’eau… Du dentifrice, j’ai pris du dentifrice ! ».
Face à sa caméra virevoltante, à quelques pas du grand hall de La Villette à Paris, Ronan Ynard filme son expérience de spectateur pour sa chaîne YouTube.
Sur cette vidéo visionnée plus de 3 000 fois, Ronan réalise un vlog (contraction de blog et de vidéo) sur les 24 heures qu’il a passé face à la performance du metteur en scène Jan Fabre, Mount Olympus en septembre 2017. Impressions heure par heure, extraits du spectacle et critique finale in situ, Ronan Ynard entraîne l’internaute au plus près de cette représentation hors normes.
Vlogs, critiques et FAQ théâtrales
Sur sa chaîne YouTube, le vidéaste de 26 ans compile 1 300 abonnés et une centaine de vidéos où des vlogs de critiques théâtrales à Paris ou au Festival d’Avignon croisent des entretiens avec des metteurs en scène de renom comme Vincent Macaigne, Thomas Jolly ou Olivier Py. On y trouve même des « FAQ » (foire aux questions) plus coutumières aux YouTubeuses beauté qu’aux critiques dramatiques.
La chaîne de Ronan Ynard est la première du genre consacrée au théâtre. Et pour le jeune homme, choisir YouTube pour parler du sixième art n’a rien d’antinomique.
« J’ai commencé en regardant les vlogs d’EnjoyPhoenix et des critiques comme Le Fossoyeur de films et je me suis dit que c’était fou que personne ne parle de théâtre sur YouTube. »
Rien ne prédestinait pourtant ce spectateur chevronné à lancer un jour la première chaîne YouTube française dédiée aux pépites des saisons théâtrales. C’est en s’inscrivant, après un début de DUT en génie biologique, en licence d’études théâtrales à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 que Ronan découvre le théâtre contemporain, à l’âge de 19 ans.
« J’ai grandi à Vichy, en Auvergne et j’allais au théâtre une fois par an. Pour moi, le théâtre c’était le boulevard, des dorures et du velours. Avec l’Université Paris 3, j’ai découvert un autre monde. J’ai trouvé ça incroyable ce qui se passait sur scène, la multiplicité des histoires que l’on pouvait raconter sur un plateau. Je n’ai plus jamais lâché»
Gagner sa légitimité
Désormais diplômé d’un master d’études théâtrales de l’Université Paris 3 – et après avoir soutenu un mémoire intitulé « fonction et archétypes du personnage de drag-queen dans les comédies musicales de Broadway » – Ronan Ynard s’est décidé à se lancer en tant que critique sur YouTube.
« Au début, les attachés de presse ne me prenaient pas vraiment au sérieux quand je leur demandais des places de théâtre pour ma chaîne. Certains ne savaient même pas ce qu’étaient un vlog !. Mais, au fur et à mesure, j’ai fini par gagner en légitimité et aujourd’hui, je ne compte plus les mails d’invitations que je reçois chaque jour ».
Il faut dire que son activité de critique YouTube lui demande un temps considérable. Malgré le ton très spontané qui fait sa marque de fabrique, Ronan Ynard prépare méthodiquement chacune de ses critiques et passe ensuite plusieurs heures à monter et diffuser son travail sur les réseaux sociaux.
Sans parler des nombreux tournages où le YouTubeur est resté de longues minutes campé devant les facades des théâtres, à chercher la formule finale la plus percutante après la représentation. « Pour le moment, je ne vis absolument pas de ma chaîne YouTube », explique le vidéaste lauréat de la bourse d’été 2017 du Syndicat de la critique pour sa couverture du Festival d’Avignon. Mais ce serait un rêve de pouvoir un jour en faire mon métier ».
« Il faut arrêter de se dire que le théâtre est trop sérieux pour être léger »
Car si le monde théâtral a mis du temps à s’ouvrir aux nouvelles technologies en matière de communication, Ronan Ynard est persuadé que la diffusion du théâtre auprès des jeunes générations se joue en ligne :
« Il faut arrêter de se dire que le théâtre est trop sérieux pour être léger, s’exclame t-il. Avec YouTube, je montre aux gens qu’on peut pousser la porte d’un théâtre, que c’est accessible à tous et que c’est simple. Quand j’ai commencé mes vidéos, je filmais mes pieds, la façon dont j’étais habillé pour montrer qu’il n’y avait rien de cérémonieux à aller voir un spectacle ».
Et cette démocratisation des arts de la scène fait mouche : près de 75% des abonnés de Ronan ont moins de 34 ans.
« Je reçois des messages d’adolescents de 15 ans, qui vivent loin des théâtres parisiens et qui me remercient car ils ne connaissent personne avec qui parler de leur passion. Au fond, je filme les vidéos que j’aurai eu envie de voir ».
La chaîne Youtube "Ronan au théâtre" : https://www.youtube.com/channel/UC-q0tam_o5BvsRCPTHLlsKw
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Le spectateur de Belleville
February 9, 2018 6:42 PM
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Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan:
Choquée par les faits du 20 novembre 2006 – dans une ville allemande, un élève fait irruption dans son lycée et tire sur ses camarades, ses profs –, une actrice allemande commande une pièce à Lars Norén. Elodie Chanut et Nathan Gabily s’en emparent aujourd’hui et la donnent dans des théâtres, des lycées. Des élèves de Nanterre répondent par une autre pièce, « Notre 20 novembre ».
Novembre 2006, un lycéen entre dans son établissement situé à Emstetten, petite ville de Westphalie en Allemagne. Il est armé. Il tire. Sur des élèves, des profs. Des morts, des blessés graves, un lycée sous le choc et un suicide : celui du tireur. Stupeur. Incompréhension. Pourquoi ? Adresse à un auteur
Comme beaucoup d’Allemands, l’actrice Anne Tismer, membre de la troupe de la Schaubühne de Berlin, se pose la question. Pourquoi ce geste, cette folie ? Comment expliquer ? Comment un individu si jeune en arrive-t-il à une telle extrémité ? Quel abandon ? Quelle rage ? Quelle révolte ? Elle prend contact avec l’auteur suédois Lars Norén.
Le tireur, Sébastien Bosse, 18 ans, a laissé derrière lui des enregistrements dans sa caméra vidéo, un journal intime. Son geste n’est pas improvisé. Il le préparait depuis deux ans. Lars Norén a pu consulter une partie de ces documents. Il écrit Le 20 novembre. Un monologue. L’actrice Anne Tismer s’en empare. Le spectacle est créé en 2007 au festival de Liège, dans une mise en scène de l’auteur. Quatre ans plus tôt, sous la direction de Thomas Ostermeier, Anne Tismer était une inoubliable Nora dans La Maison de poupée d’Ibsen. Depuis, on l’a retrouvée en France, entre autres, avec Falk Richter et Stanislas Nordey. Cette même année 2007, Le 20 novembre, traduit du suédois par Katrin Ahlgren, paraît à L’Arche et Anne Tismer vient l’interpréter à la Maison des arts de Créteil dans le cadre du Festival d’Automne.
Le texte de Norén a été depuis plusieurs fois mis en scène en France avec plus ou moins de bonheur. Aujourd’hui, Elodie Chanut et Nathan Gabily l'investissent, dix ans après. Elle signe la mise en scène, il est seul sur scène et compose la musique jouée live à la guitare. Nathan est aussi musicien. Elodie est aussi actrice.
Adresse à la caméra
Norén ne précise aucun nom ou prénom, aucun sexe, aucun lieu (cependant, les références à l’Allemagne sont patentes). L’âge n’est pas précisé, on comprend que c’est une jeune personne qui fréquente le lycée. Elle prépare tout chez elle, dans l’heure qui précède le moment de passer à l’acte, « une heure et douze minutes », précise-t-elle. « Là cela sera l’heure / Mon heure. »
Pas vraiment de décor, la délimitation d’une petite chambre, un lit, une porte, un mur. Rien de réaliste hormis les vêtements que porte l’acteur. Son partenaire : la caméra. C’est à elle qu’il s’adresse souvent mais il lui arrive aussi de regarder le public qui est plus pris à témoin que voyeur. Son autre partenaire : sa guitare. Autant de choix effectués par Chanut et Gabily.
Norén donne très peu d’indications mais elles sont fortes : « Il réagit comme un animal à chaque mouvement dans la salle » ; « Au début, ses mouvements sont calmes et simples, petit à petit ils deviennent plus compliqués et tendus. » Gabily suit cela à la lettre et y inclut sa musique. On entre petit à petit dans le personnage. « Il montre inconsciemment sa vie intérieure », écrit encore l’auteur.
Au fil du monologue qui prend plusieurs fois la forme d’une adresse à la caméra, Norén multiplie les angles, les indices, les approches. Plusieurs passages du journal de Sébastien Bosse sont repris presque mot pour mot. Et mis en rythme par Norén.
Se dessine un être solitaire rejeté par les autres, qui se définit comme un « raté depuis la primaire », un loser. Qui dit n’avoir rien, donc rien à perdre. Ce n’est pas sa famille qu’il accuse (au contraire, il la remercie de s’être occupée de lui) mais le monde dans lequel il vit : « une société en qui j’ai pas confiance. » Il est d'un logique impitoyable : « si j’arrive pas à trouver un sens à la vie / je vais de toute façon trouver un sens / à la mort / Silence. Mais je partirai pas seul. »
Adresse au public
L’école est comme le point de convergence de ses haines dont il fait l’inventaire : « Les Nazis / Les hip-hopers / Les Turcs / les putes / Les fonctionnaires / Les gros porcs de flics / Les protestants / et les catholiques / Vous me faites gerber / Faudrait vous mener à l’abattoir. » Les filles ? Il dit n’en avoir jamais embrassé aucune. Il en vient à singer, non sans à-propos, les réactions médiatiques et politiques formatées que son « crime » va susciter. A la fin, il met sa main sur la porte et se tourne vers le public : « Y a quelqu’un / qui veut dire quelque chose / avant que je parte ? » Il cherche le contact. « Tu voulais dire quelque chose »… Souvent le public, tétanisé, reste muet.
Un jour où ce spectacle était présenté devant les terminales STMG du lycée Joliot Curie de Nanterre, plusieurs élèves ont réagi. Cela s’est transformé en un atelier d’écriture autour de la radicalisation et de l’isolement social, un atelier mené par Elodie Chanut, Nathan Gabily, France Breton, Marion Denis et Léa Ory. Mlinde, Hafid, Nabila, Hichem, Basma, Farah, Laila, Jessie, Penda, Stella, Afid, Sara, Bouakiema, Mamanding, Yasmine, Raniah, Allan, Alimatou, Bydjinie, Maciné, Ibtissam, Guislain, Sarah, Victoria, Maissane, Onur, Jylian, Maessane et Leila ont écrit ensemble Notre 20 novembre. Ils interpellent celui qui va aller tirer sur ses camarades, ses profs : « Hé mec, c’est pas du courage de parler à ta caméra, elle peut pas te répondre », « t’as trop pensé de choses qui t’ont matrixé, ça t’enferme », « Ta sœur elle va grandir sans son grand frère »... C’est devenu un spectacle qu’ils ont joué au Théâtre du Hublot, à Colombes, après une représentation de la pièce de Lars Norén.
Il y a quelques jours, Elodie Chanut est allée à la Comédie-Française avec le texte de Notre 20 novembre pour le remettre en mains propres à Lars Norén qui met en scène les acteurs du Français dans une pièce écrite pour la troupe (création dans quelques jours).
C’est ainsi que, née d’un désir d’actrice, la pièce Le 20 novembre a donné naissance à une autre pièce, Notre 20 novembre, fruit d’une réaction de jeunes spectateurs à la pièce de Lars Norén.
Après une série de représentations au Hublot, Le 20 novembre se donne à la Maison des métallos toute cette semaine dans le cadre du focus « Mauvaises graines ? ». Représentions à venir : jeudi à 19h, ven à 14h et 20h, samedi à 19h.
Légende photo : Scène du spectacle "Le 20 novembre" © A. Delpech
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Le spectateur de Belleville
February 9, 2018 3:05 AM
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Par Didier Méreuze, à Vire (Calvados) ,pour La Croix le 09/02/2018
Théâtre. Jean-Pierre Vincent met en lumière la cruauté de la fausse comédie de Molière, George Dandin ou le mari confondu.
Quoi de plus risible que l’histoire de George Dandin, paysan parvenu, qui s’est mis en tête de jouer les nobles, en changeant son patronyme en « de la Dandinière », et en prenant pour épouse la jeune Angélique, enfant des Sotenville, aristocrates de vieille souche.
Ce que notre homme n’avait pas compris, est que, s’ennuyant auprès de lui, Angélique succomberait au charme d’un bellâtre, Clitandre. Trois fois, Dandin, jaloux, tentera de faire constater son infidélité par papa et maman Sotenville. Trois fois, les apparences se retourneront contre lui. Entre-temps, le « cocu » aura reçu force coups de bâtons…
Noirceur, violence et cruauté Il aura fallu attendre près de trois siècles pour que Roger Planchon, le premier, en 1958, mette magistralement en exergue la face sombre de cette œuvre. Depuis, d’autres ont suivi.
Aujourd’hui, c’est Jean-Pierre Vincent qui, comme il l’avait fait magnifiquement avec Les Fourberies de Scapin, il y a près de trente ans, met en lumière crue la noirceur, la violence, la cruauté de cette « comédie » qu’il enchâsse dans un espace intemporel, quasi fantasmatique : une cour de ferme qui prend des allures oniriques au rythme des projections de taches de couleurs sur ses murs nus et gris.
Ou quand, encore, sous l’effet d’autres projections, cette cour se métamorphose en celle d’un palais – Versailles, alors en construction ? Sur le côté, surréaliste, se découvre le postérieur d’une vache enfoncée dans un mur – symbole du commerce de Dandin ?
Dès que ce dernier entre en scène, le ton est donné. « Qu’une femme demoiselle est une bien étrange affaire, lâche-t-il, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition. »
La rigueur, l’intelligence et la légèreté de Jean-Pierre Vincent De la comédie de mœurs à la comédie sociale et politique, Jean-Pierre Vincent tire un fil qu’il ne lâchera plus. Tout au long des scènes qui se succèdent, on assiste au grand jeu éternel du pouvoir et des castes, ceux-ci défendant bec et ongles leurs privilèges, ceux-là voulant à leur tour y accéder ; chacun méprisant l’autre, mais chacun cherchant à en profiter. Le tout sur fond d’égoïsme, de cynisme, de (fausse ?) bonne conscience.
À commencer par Dandin, qui, avant de se repentir de ce marché, a « acheté » Angélique à ses parents non par amour, mais par ambition, voyant dans ce mariage une porte d’entrée dans la haute société. À continuer par ces mêmes parents qui ont accepté de « vendre » leur fille comme une vache (celle du mur ?) à ce rustre, exigeant, en retour, qu’il renfloue leurs caisses, règle les dettes de leur château – tout en lui refusant à jamais le droit d’être des leurs.
L’atmosphère pourrait se révéler insupportable, sans la rigueur et l’intelligence de la mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Sans sa légèreté jusque dans ses moments de tensions les plus terribles. Sans, malgré tout, un amour profond de la petite humanité qui s’en dégage. Sans, enfin, maître exceptionnel dans l’art de diriger les acteurs, de leur laisser défendre leurs personnages, humains trop humains, condamnés à se débattre dans leurs contradictions, pris au piège des règles d’une société imposant sa loi d’airain.
Dandin cocu, dépassé, victime de lui-même C’est vrai de Vincent Garanger, Dandin à moustache noire sous sa perruque blonde, fort en gueule, bientôt cocu battu, laminé, dépassé, hébété, victime de lui-même et de ses prétentions. Il faut le voir peu à peu se dissoudre, condamné à accepter pour vrai ce qu’il sait faux, et pour faux ce qu’il sait vrai – les écarts amoureux de sa femme. C’est vrai d’Élisabeth Mazev et d’Alain Rimoux, Mme et M. de Sotenville, tous deux délicieusement effroyables de calculs et de banalité – lui en reître fatigué, elle en duègne de campagne. C’est vrai, encore, d’Olivia Chatain, Angélique, la mal mariée, féministe avant l’heure, qui se refuse à être sacrifiée, et ne réclame que le droit d’aimer et d’être aimée.
Outre Aurélie Edeline (Claudine), Anthony Poupard (Lubin), Iannis Haillet (Clitandre), il faut citer Gabriel Durif. valet de Dandin quasi muet, apportant un souffle d’air frais par ses interventions à l’accordéon diatonique, de musiques de « country auvergnate »…
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Petite histoire de « George Dandin » Étudiée dans tous les lycées, George Dandin ou le mari confondu, est une comédie écrite par Molière en 1668, pour les fêtes du « grand divertissement de Versailles » ordonnées par Louis XIV, afin de célébrer la signature du traité d’Aix-la-Chapelle entre la France et l’Espagne en 1667, mettant fin à la guerre de Dévolution.
La pièce a longtemps été considérée (sinon encore !) par certains comme mineure, en regard de ses « grandes œuvres » telles que Tartuffe, Dom Juan, ou Le Misanthrope… Il est vrai que Molière y reprenait l’une de ses anciennes farces (La Jalousie du barbouillé), afin de répondre dans l’urgence à la commande royale.
Le succès fut au rendez-vous. À en croire les chroniques de l’époque, le roi en rit si bien qu’il la revit trois fois.
Didier Méreuze, à Vire (Calvados)
Légende photo : George Dandin tente, par le mariage et à ses dépens, d’intégrer la haute société du XVIIe siècle. / Pascal Victor/ArtComPress
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February 8, 2018 7:52 PM
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Par Aude Lavigne dans son émission "Les carnets de la la création" sur France Culture
Isabelle Angotti est comédienne.
Elle est, avec le comédien Gaetan Vourc'h, la comédienne "iconique" des spectacles du metteur en scène Philippe Quesne, directeur du théâtre Nanterre-Amandiers, Centre Dramatique National.
Ecouter l'émission (5 mn) : https://www.franceculture.fr/emissions/les-carnets-de-la-creation/un-numero-damour-par-barbara-soyer Éternelle jeune première, elle absorbe notre regard par la force d'une présence naïve et émerveillée. Menue, les cheveux noirs bouclés, elle s'étonne de tout, elle a les yeux de l'enfance, la sympathie permanente.... elle est nous , comme nous. Isabelle sur scène comme dans la vie. On la reçoit à l'occasion des 10 ans de la pièce La Mélancolie des dragons, mise en scène Philippe Quesne avec sa compagnie le Vivarium Studio.
Sans formation d'actrice, Isabelle Angotti a fait des études de droit. Elle est assistante du metteur en scène Robert Cantarella à Dijon, quand Philippe Quesne, jeune scénographe du même metteur en scène, lui propose de participer à ses premiers spectacles. Depuis elle a fait le tour du monde avec les nombreuses tournées des spectacles de Philippe Quesne, dernièrement à Téhéran où le spectacle a été primé. A découvrir au théâtre Nanterre Amandiers jusqu’au 11 février.
Pour être une bonne comédienne, elle donne un conseil :
Il faut être soi-même sur scène… puis on devient des personnages pour le public.
A VOIR EN TOURNÉE : 16 février au Teatro Municipal do Porto (Portugal) ; les 20 et 21 février 2018 au Teatros del Canal (Madrid, Espagne) ; du 1er au 3 mars à la Mostra internacional de Teatro (Sao Paulo, Brésil) ; du 17 au 22 avril 2018 au Théâtre du point du Jour (Lyon).
à réécouter Philippe Quesne nous parlait de son spectacle "Swamp Club" dans La Vignette en 2013 : https://www.franceculture.fr/emissions/la-vignette-13-14/philippe-quesne
A LIRE : "Activer un autre monde", un article d'Aude Lavigne sur La mélancolie des dragons pour le Centre Pompidou Intervenants : Isabelle Angotti, comédienne
Légende photo : Philippe Quesne, La Mélancolie des dragons• Crédits : Martin Argyroglo
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Le spectateur de Belleville
February 8, 2018 7:39 PM
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Par Anne Diatkine Envoyée spéciale à Roubaix — Libération du 9 février 2018
Avec ses 23 comédiens professionnels en situation de handicap mental, la compagnie de Roubaix, qui fête ses 40 ans, s’est forgé un répertoire, souvent conçu spécialement par des artistes de renom.
C’est une référence que Marie-Claire Alpérine, comédienne à l’Oiseau-Mouche, à Roubaix (Nord), manie volontiers : «A part la Comédie-Française, en France, je ne vois pas quelle troupe est salariée par un théâtre à l’année. Et dans quelle compagnie on peut jouer en alternance, en étant distribué dans plusieurs spectacles à la fois.» L’autre comparaison qui lui traverse les lèvres est celle du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. «Car à l’Oiseau-Mouche, on fait l’accueil du public, on est au bar, on nettoie, on est sur scène. On est au service de la troupe et on transmet ce qu’on sait à ceux qui intègrent la troupe. Ce n’est jamais sa petite personne qui est mise en avant.»
Marie-Claire aime les institutions, les termes précis, le langage structuré, elle a de la tenue et du maintien. Et c’est pourtant sur un spectacle déjanté, chanté, expérimental, où elle incarne une sorte de reflet de Marilyn chantant Moon River, où elle s’angoisse à propos du vide d’un cercueil, qu’on la découvre : Bibi, conçu par le metteur en scène Sylvain Maurice d’après le Pamphlet contre la mort de Charles Pennequin (paru aux éditions P.O.L). On n’est pas dans la facilité.
Plaisir Marie-Claire a raison. La compagnie de l’Oiseau-Mouche, qui va fêter ses quarante ans cette année et s’approche du cinquantième spectacle créé, évoque autant la maison de Molière pour la permanence de la troupe qui ne se renouvelle que lorsque l’un des membres la quitte, libérant ainsi une place, que le Théâtre du Soleil, pour la polyvalence. Mais Maire-Claire a tort. Car la compagnie est sans aucun équivalent en France. On pourrait dire «folie» puisque les 23 comédiens qui la composent ont tous des handicaps mentaux reconnus par la sécurité sociale - expression qui regroupe aussi bien des problèmes psychomoteurs que psychiatriques, mais le lieu du théâtre n’est pas celui des diagnostics.
On pourrait dire «exigence» puisque, des chorégraphes Christian Rizzo à Latifa Laâbissi, les artistes les plus inventifs conçoivent des spectacles spécialement pour l’Oiseau-Mouche, lesquels tournent ensuite en France, parfois jusqu’en Russie ou en Amérique latine, constituant ainsi un répertoire.
Mais on préfère le qualificatif d’«utopie concrète», car lorsqu’on arrive à Roubaix, dans le théâtre en briques - un couplage d’anciennes maisons de maître et d’un garage -, on est face à une entité résistante et mystérieuse, qui aurait dû exploser, et qui pourtant roule et se renouvelle, décennie après décennie, depuis sa création en 1978, et sa professionnalisation en 1981. Utopie parce que l’Oiseau-Mouche permet à des personnes fortement exclues de transcender leur handicap et dépasser leur assignation pour vivre une existence professionnelle de rêve. Qu’on en juge : formations culturelles, tournées, stages, cours de chant et de danse, créations de spectacles, et cela en étant dans un collectif, rémunéré, et sans aucune angoisse de l’intermittence. Le plaisir étant rarement une revendication syndicale, il détonne dans une entreprise, fût-elle artistique. Il y a l’euphorie des 23 comédiens sur scène qui, après la représentation de Bibi, invitent le public à une fête, le personnel administratif qui confie spontanément avoir «de la chance d’être là» et le metteur en scène, Sylvain Maurice, qui dit sa joie d’avoir travaillé avec des acteurs «très pleins». Et puis il y a le directeur, Stéphane Frimat, longtemps secrétaire général d’une scène nationale, qui a découvert à son arrivée en 2008, «un sentiment de liberté». Il explicite : «Dans un théâtre lambda, on accueille une troupe du mardi au dimanche, puis une autre la semaine d’après. La rencontre n’a jamais lieu. Ici, les aventures sont longues et je vois les projets se construire.» C’est lui qui sollicite les metteurs en scène, ou eux qui demandent à travailler avec la compagnie. Les surprises ? Sylvain Maurice : «Elles sont constantes. Mais la plus grande est la solidité du groupe, leur solidarité, et alors que leurs difficultés personnelles sont on ne peut plus hétérogènes. On n’a pas tout à fait les mêmes représentations intellectuelles, et ce qui bloque viendra souvent d’un détail concret inattendu.»
Dictaphone Statutairement, le théâtre est un centre d’aide par le travail, qui abrite trois projets distincts : celui de former des comédiens, mais aussi des serveurs et des cuisiniers. C’est donc au restaurant de l’Oiseau-Mouche que l’on croise à nouveau Marie-Claire et fait la connaissance de Frédéric Foulon, acteur de la troupe. Marie-Claire est préoccupée par le casting pour la prochaine création de la compagnie, signée Michel Schweizer, qui se déroule dans l’après-midi. Ouf, elle est distribuée. Elle est la seule de l’équipe à avoir eu un parcours classique. Frédéric, quant à lui, est entré à l’Oiseau-Mouche à 18 ans, après un stage de six mois. Natif du Nord, il avait une toute petite expérience de théâtre amateur au collège, qu’il a quitté tôt, sans savoir bien lire et écrire, et a d’abord logé dans le foyer d’hébergement lié au théâtre. En vingt-six ans de carrière, il n’a jamais eu le sentiment de faire deux fois la même chose. Il apprend ses textes sur dictaphone. Il n’est pas dans Bibi, mais tourne dans Corpus, un spectacle chorégraphique de Sarah Nouveau qui explore l’histoire de la danse contemporaine à travers la gestuelle de ses grandes figures. Et également dans Aujourd’hui en m’habillant, d’Aude Denis, autre petite forme déambulatoire et tout-terrain, qui se joue dans des lieux a priori dénués de poésie, de la salle d’attente aux bureaux d’une entreprise. La troupe de l’Oiseau-Mouche est décidément inassignable.
Anne Diatkine Envoyée spéciale à Roubaix Bibi par la Compagnie de l’Oiseau-Mouche adapt. et m.s. de Sylvain Maurice d’après «Pamphlet contre la mort», de Charles Pennequin. Jusqu’au 16 février au Théâtre de Sartrouville (78) et le 20 mars, à l’Equinoxe, Châteauroux (36). Rens. : oiseau-mouche.org
Légende photo : «De quoi tenir jusqu'à l'ombre», de Christian Rizzo, en 2013. Photo Frederic Iovino. ArtComPress
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Le spectateur de Belleville
February 8, 2018 7:16 PM
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Par Rosita Boisseau dans Le Monde - 08.02.2018
Des artistes dépoussièrent l’illusionnisme et la prestidigitation, notamment au Magic Wip, espace ouvert à La Villette, à Paris.
Un homme enfermé dans une boîte lardée de pics finit nu sur scène au milieu d’un tsunami de cartes à jouer qu’il réduit en confettis. Mystère et boules de gomme, ce magicien à poil, qui se joue de l’illusionnisme avec malice, est Thierry Collet, mentaliste, prestidigitateur, figure de la magie depuis le milieu des années 1990. Cet artiste, qui a depuis longtemps laissé son frac d’escamoteur au vestiaire, a pris la tête du Magic Wip, nouvel espace consacré à cette discipline, à La Villette, à Paris, où il se produit les week-ends du 9 au 11 février et du 16 au 18 février.
« Cette scène a pris une ampleur incroyable en France et dans le monde entier, explique Raffaella Benanti, conseillère artistique à La Villette. Elle est aujourd’hui au cœur de l’expérience artistique contemporaine, alors qu’elle évoluait plutôt auparavant dans un circuit parallèle, celui des cabarets et des shows. Certains metteurs en scène contemporains, venus du cirque et du théâtre, revisitent cette pratique qui connaît un succès énorme auprès du public. » D’où une large ouverture à toutes les formes et esthétiques, qu’elles soient traditionnelles ou plus nouvelles.
Lire l’enquête parue en décembre 2010 : La « magie nouvelle » sort du chapeau : http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/12/30/la-magie-nouvelle-sort-du-chapeau_1459156_3246.html
Le phénomène est massif depuis une dizaine d’années. Après le creux des années 1950 à 1990 où la magie moderne inventée par Jean-Eugène Robert-Houdin au XIXe siècle se fige, la prestidigitation et l’illusionnisme ont repris du poil de la bête. Près de trois cents magiciens professionnels sont actuellement répertoriés en France par la Fédération française des artistes prestidigitateurs (FFAP), qui rassemble 1 400 abonnés amateurs et passionnés.
« Un art à part entière » Dans un mouvement planétaire, la France se détache avec l’Espagne, l’Allemagne, la Corée du Sud. « On veut faire reconnaître la magie comme un art à part entière à l’instar du théâtre, de la danse et du cirque auprès du ministère de la culture », affirme Serge Odin, président de la FFAP, qui a rencontré la ministre Françoise Nyssen et qui finalise un brevet d’initiateur aux arts magiques.
A côté du répertoire de numéros de femme découpée et de chat métamorphosé en lapin qui perdurent néanmoins, le panel de pratiques est varié. En vogue, le mentalisme et le close up (magie rapprochée) connaissent une évolution sans précédent. Très prisées par un public de jeunes, la cardistry, jonglage de cartes, et sa cousine la cardestroy, art du pliage des cartes jusqu’à leur destruction, font des ravages.
Plus ancienne, l’ombromanie est un jeu d’illusions avec les ombres. « Il y a deux écoles aujourd’hui, précise Philippe Beau, magicien et ombromane. Celle de la démonstration d’adresse virtuose, qui se détache de l’émotion, et la mise en scène de l’émerveillement, qui émeut. » Autodidacte, à l’affiche du Crazy Horse, Philippe Beau a conçu son premier numéro à 21 ans, après quatre ans passés « seul avec [son] corps » pour élaborer « dix minutes d’ombres ».
« Effet Harry Potter » Sur le terrain de l’émotion, autour de motifs comme apparaître et disparaître, léviter et voler, la magie visuelle opérant dans le spectacle vivant table sur la torsion du réel, les jeux d’optique et autres détournements d’images que la boîte noire intensifie. Ce secteur, proche du cirque et de la danse, est dopé par des écritures d’auteurs comme celles du clown Yann Frisch, des jongleurs Etienne Saglio, Raphaël Navarro et Clément Debailleul. « La différence majeure entre nos productions et les numéros de magie classique réside dans le fait que nos spectacles ne sont pas prévisibles », commente Navarro, qui a écrit, avec Clément Debailleul, un manifeste de la magie nouvelle en 2011, enseigne au Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, et met actuellement en scène Faust, pour la Comédie-Française.
Mais comment expliquer ce fabuleux renouveau ?
« Historiquement, la magie renaît toujours en période de crise », souligne Serge Odin. « L’effet Harry Potter est aussi passé par là, commente Thierry Collet, qui a commencé la magie à l’âge de 7 ans et a étudié au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Mais aussi l’émission de télé “Le Plus Grand Cabaret du monde”, animée par Patrick Sébastien, et la série Le Mentaliste, diffusée depuis 2010 sur TF1. Je pense aussi que de nombreuses personnes entretiennent un rapport à l’utopie qui ne trouve plus de place dans la politique. Par ailleurs, être réaliste et productif en permanence finit par entraîner un désir d’irrationnel, de mystère qui se retrouve dans la religion sans doute, mais aussi dans la magie. »
ERE NUMÉRIQUE OBLIGE, INTERNET EST AUSSI LA SCÈNE DE LA GÉNÉRATION 15-25 ANS
Cette offensive est sur tous les fronts. A la télévision – l’émission d’Arthur « Mentalistes : dans la tête des stars », distingue Viktor Vincent et fait un tabac –, au cinéma, dans les shows, les théâtres, les cabarets, les soirées d’entreprise et les goûters d’enfants.
Ere numérique oblige, Internet est aussi la scène de la génération 15-25 ans. Le secteur de la cardistry en particulier y a trouvé un abri entre vidéos virales et tutoriels. Plus question d’apprendre la magie avec des maîtres, mais en observant les autres. « J’ai commencé à l’âge de 15 ans en regardant des films sur YouTube, explique Alix Bècle, 20 ans, professionnelle depuis deux ans. C’est une pratique geek et solitaire qui demande un travail énorme. » Depuis, cette jeune femme fonceuse cartonne sur Instagram, sponsorisée par des éditeurs de cartes.
« Un outil d’émancipation » Ces jeunes magiciens, qui se retrouvent à échanger des conseils par Skype, constituent souvent des petites communautés amicales informelles. Ils fréquentent les conventions qui se déroulent dans le monde entier ainsi que les compétitions. Changement notoire par rapport à leurs aînés, ils ne sont pas tous dans la pratique du secret. Une ouverture d’esprit qui se retrouve au Magic Wip avec des ateliers, des masterclass, des conférences. « On veut même former le public », affirme Thierry Collet, qui aime à dire qu’il est devenu magicien précisément pour savoir comment le monde fonctionne.
Peut-on croire à la magie ? Thierry Collet pose la question. Il situe son art sur le terrain des sciences cognitives, de la perception, avec l’évolution des études sur le cerveau en fond d’écran. Il souligne aussi le rapport avec la foi, l’autorité. « Avec un magicien, le contrat est clair, explique Thierry Collet. Les spectateurs lui font confiance pour nommer la réalité. Croire et savoir, admettre son besoin de croire, se retrouvent sur le plateau. La magie peut être un outil d’émancipation sans pour autant renoncer à l’illusion. Elle nous aide de façon ludique et humaine à nous poser des questions sur la liberté, l’esprit critique, le mensonge et la dissimulation. »
Intérêt du public oblige, les théâtres sont de plus en plus nombreux à s’ouvrir aux magiciens. « Je compare la magie d’aujourd’hui au hip-hop qui, à un moment donné, dans les années 1990, est passé de la rue aux plateaux », insiste Philippe Bachman, directeur de la Comète, scène nationale à Châlons-en-Champagne, qui vient de conclure la deuxième édition du festival Illusions. Encore faut-il pour certains basculer du numéro au spectacle en trouvant une écriture et une dramaturgie. « Faire un tour sur Internet ne suffit pas pour être magicien, rappelle Serge Odin. La magie est un art vivant, qui a besoin du public pour exister. »
Magic Wip, La Villette, Paris. Du 9 au 11 février. Puis, du 16 au 18 février. Tél. : 01-40-03-75-75.
Festival Magie nouvelle. Théâtre du Rond-Point, Paris 8e. Du 2 au 31 mai. Tél. : 01-44-95-98-21.
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2018 5:39 PM
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Par Jean-Louis Legalery dans le magazine en ligne Diacritik
Lire l'article sur le site d'origine : https://diacritik.com/2018/02/06/jean-daste-1904-1994-le-pere-de-la-decentralisation-theatrale/ ;
En dehors du monde des passionnés de théâtre, et même parmi les aficionados qui, chaque année vont au in ou au off d’Avignon, il est fort probable que le nom de Jean Dasté n’évoque peut-être rien, en tout cas aucun souvenir précis, ingratitude inéluctable du temps qui passe envers celui qui a cependant et inlassablement servi la passion de sa vie, le théâtre, et tracé la voie de Jean Vilar, Roger Planchon et Ariane Mnouchkine, entre autres.
Âme de décentralisateur, Jean Dasté naquit Parisien du dixième arrondissement, alors que le vingtième siècle commençait à peine, en 1904. C’est sa mère qui l’initia aux joies du théâtre. Il devint ensuite élève dans la troupe du Vieux Colombier du célèbre Jacques Copeau, dont il épousera la fille, Marie-Hélène. Cette passion inébranlable pour l’osmose entre acteurs et spectateurs lui vint certainement de son maître et beau-père, car Copeau, entre 1924 et 1929, fit une première tentative de décentralisation en Bourgogne, en créant le « Groupe des Copiaux ». Après ce premier essai, Dasté revint à Paris en gardant en tête de faire sortir le théâtre des salles. En 1934 il fonde « La compagnie des quatre saisons » avec André Barsacq, et, comme l’esprit des bateleurs l’anime toujours autant, il monte Le Médecin volant sur le Pont Neuf et Les Fourberies de Scapin sous la Tour Eiffel. Pendant la même période il s’essaie avec succès au cinéma sous la direction de Jean Renoir Boudu sauvé des eaux (1932), Le crime de Monsieur Lange, La vie est à nous (1936), La Grande Illusion (1937), sous celle de Jean Vigo, Zéro de conduite (1933), L’Atalante (1934), sans oublier une participation à Remorques de Jean Grémillon et à Adieu Léonard de Pierre Prévert.
A la Libération, sa volonté passionnelle d’amener le théâtre aux citoyens est intacte et il crée « La compagnie des comédiens de Grenoble », avec notamment Hubert Deschamps et Jacques Lecoq, mais, faute d’indispensables subventions municipales, l’aventure tourne court et prend fin en 1947. En cette même année Jean Dasté remonte un peu la vallée du Rhône vers l’ouest et s’installe à Saint-Étienne, qui va devenir sa ville adoptive et où il restera jusqu’à sa mort en 1994. Il y crée « Le centre dramatique de la Cité des Mineurs » (qui deviendra l’année suivante « La Comédie de Saint-Étienne »), coopérative ouvrière d’intérêt public régional. Plus qu’une troupe c’est une véritable famille que Dasté bâtit. Pendant plus de dix ans, « La Comédie », comme elle était alors appelée en abrégé par les Stéphanois, sillonne les routes de la région stéphanoise en apportant à son public des auteurs aussi divers que Shakespeare, Molière, Beaumarchais, Pirandello, Tchekhov, Claudel ou Lorca et en l’initiant à Sartre et Audiberti. « La Comédie » devient une pépinière nationale et internationale qui attire de jeunes talents alors peu connus et qui vont devenir d’illustres têtes d’affiche.
Ainsi « La Comédie » voit passer notamment René-Louis Lafforgue, Armand Gatti, Antoine Vitez, Peter Ustinov, Graeme Allwright (qui, comme chacun sait, se tournera vers la chanson), et l’inoubliable et divine Delphine Seyrig, pas seulement une voix mais une beauté et un talent hors du commun. Lors d’un entretien re-diffusé sur France Culture en 2014, Delphine Seyrig confiera, quelques années plus tard, que son passage à « La Comédie de Saint-Étienne » figurait parmi ses meilleurs souvenirs de comédienne. Elle y racontait comment après les représentations elle revenait sur le tansad de la moto de Jean Dasté jusqu’à Rochetaillée où elle habitait avec les Dasté, une confession au goût de miel pour quiconque est né dans cette région et connaît cette magnifique route qui monte depuis Saint-Étienne, au milieu des pins, des sapins, des fougères et des bruyères, jusqu’au point culminant de la chaîne Forez-Velay-Vivarais, le Mont Pilat (1.435m).
A partir de 1956, Jean Dasté décide avec ses amis comédiens de scinder « La Comédie » en deux entités, « Les Tréteaux » chargés de continuer à sillonner routes et villages, et « La Comédie de Saint-Étienne » qui s’installe, en 1962, dans la salle des Mutilés du Travail, vaste salle de théâtre où elle restera jusqu’en septembre 2017, pour rejoindre ses nouveaux locaux de la Plaine Achille, autrefois lieu de la Foire de Saint-Étienne, tout un symbole !
Maison de la Culture Dans le même temps le projet de la Maison de la Culture, conçue par Le Corbusier, prend forme et Jean Dasté y joue un rôle déterminant, mais se heurte bientôt au conservatisme exacerbé de feu le maire centriste de Saint-Étienne, Michel Durafour, ex-ministre du travail de Giscard. Préférant laisser vivre le projet bien engagé, Dasté se sacrifie, en quelque sorte, prend ses distances, en 1963, et profite de ce nouveau tournant pour renouer avec le cinéma. Il tourne avec Alain Resnais, Muriel ou le temps d’un retour, La guerre est finie, Mon oncle d’Amérique, L’amour à mort, avec François Truffaut, L’enfant sauvage, L’homme qui aimait les femmes et La chambre verte. Il fait quelques apparitions dans Z de Costa-Gavras, Le corps de mon ennemi d’Henri Verneuil, Une semaine de vacances de Bertrand Tavernier et le magnifique Molière d’Ariane Mnouchkine. Sa toute dernière apparition sera pour la réalisatrice Suzanne Schiffman, Le moine et la sorcière (1987).
Jean Dasté A l’issue d’une représentation Jean Dasté était capable de venir parler à des spectateurs inconnus avec autant de chaleur, de considération et de gentillesse que s’il s’adressait à des élus locaux ou nationaux. C’est la raison pour laquelle sa mort, en 1994, a suscité une très vive émotion à Saint-Étienne et ailleurs, car il était un pionnier de la culture populaire accessible et enrichissante, et son nom restera pour toujours attaché aux grandes heures de la décentralisation théâtrale et de l’accès à la culture par tous et pour tous.
Légende photo : Jean Dasté, crédit Comédie de Saint-Etienne
Un documentaire de 2009 : Jean Dasté, où êtes-vous ? https://www.youtube.com/watch?v=RNxwx1udOA8
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2018 5:12 PM
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27 février - 17 mars 2018 autour des écritures contemporaines / initié et porté par Maxime Mansion Festival Grand théâtre, salle Jean-Vilar
EN ACTE(S) est un vivier joyeux où le texte est le cœur de l’expérience. Il donne un espace scénique aux auteurs d’aujourd’hui en rendant immédiat le lien entre metteurs en scène, acteurs et spectateurs.
Trois semaines de festival :
deux qui rassemblent dix auteurs et dix metteurs en scènes pour dix créations dont deux destinées aux jeunes publics une troisième consacrée à un partage autour de la création francophone. Les textes commandés spécialement pour l’occasion doivent faire écho à l’actualité. Chaque pièce prend vie sur un tréteau par les propositions des scénographes et costumiers qui élaborent une esthétique commune pour un théâtre inventif, brut et vif. À travers ces contraintes, l’écriture est mise à l’honneur. Tout naît du plateau, contemporain, exigeant et festif.
EN ACTE(S), cela sera aussi une plateforme numérique, en cours de construction.
La compagnie En Acte(s) est dirigée par Maxime Mansion, membre du Cercle de formation et de transmission.
Semaine 1 :
Du 27 février au 3 mars
Une soirée, deux spectacles à 20h00 Intégrale des cinq spectacle le samedi à 15h00
Les duos des auteurs et metteurs en scène :
Aristide Tarnagda et Sylvie Mongin Algan
Julie Ménard et Lucie Rébéré
Kévin Keiss et Baptiste Guiton
Thibaut Fayner et Anne Laure Sanchez
Théophile Dubus et Sylvère Santin
Thibaut Fayner et Anne Laure Sanchez, Jeune public, à voir en famille, à partir de 14 ans
Semaine 2 : Du 6 au 10 mars
Une soirée, deux spectacles à 20h00
Intégrale des cinq spectacle le samedi à 15h00
Les duos des auteurs et metteurs en scène :
Antonin Fadinard et Olivier Borle
Guillaume Cayet et Michel Raskine
Marilyn Mattéi et Julie Guichard
Gwendoline Soublin et Philippe Mangenot
Judith Zins et Maïanne Barthes, Jeune public, à voir en famille, à partir de 8 ans
Semaine 3 : Du 14 au 17 mars
Semaine consacrée aux écritures francophones.
Table ronde, spectacle sonore, petites formes autour de l’écriture contemporaine francophone. (programmation en cours) 14, 15 mars spectacle Kisa Mi lé, Jeune public, à voir en famille, à partir de 14 ans
Télécharger le programme : https://www.tnp-villeurbanne.com/cms/wp-content/uploads/2017/05/17-18-depliant_en-actes-int.1-02-18-3.pdf
site du TNP : https://www.tnp-villeurbanne.com/manifestation/en-actes/
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2018 6:01 AM
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Propos recueillis par Martine Robert dans Les Echos - 5 février 2018
Marc Ladreit de Lacharrière a constitué en quelques années un pôle de divertissement majeur 100 % français. - Denis Allard/REA Fimalac Entertainment est devenu un pôle de divertissement majeur dont son fondateur dresse les contours et les ambitions.
Le président de Fimalac Entertainment, Marc Ladreit de Lacharrière, a bâti en quelques années un pôle de divertissement, remportant les délégations de service public de nombreuses salles de type Zénith en province, les concessions de Pleyel et de Marigny à Paris, rachetant des théâtres, des sociétés de production et de billetterie, une agence d'artistes. Avec Webedia, ensemble de médias numériques très axé culture, il assure la promotion de ses lieux et spectacles. Et avec 40 % du groupe Barrière, il exploite les scènes des casinos. Cette croissance rapide n'a pas été exempte d'erreurs de jeunesse et l'homme d'affaires a confié un audit à Véronique Morali (à la tête de Webedia) : changement à la direction de Fimalac Entertainment, vente du Comedia à Jean-Marc Dumontet ... En exclusivité pour « Les Echos », Marc Ladreit de Lacharrière fait le point sur les enjeux de ce pôle divertissement.
Où en est la restructuration de votre pôle, suite aux pertes constatées sur certains sites ou spectacles ?
Il n'y a pas d'évolution stratégique pour Fimalac Entertainment. Nous avons mené une forte croissance externe pendant cinq ans, mais une addition de sociétés n'est pas un groupe unifié et il est nécessaire d'ajuster la stratégie. Nous sommes en mesure de le faire, contrôlant 100 % du capital à travers Fimalac, cas unique dans l'Hexagone. Nous sommes leader en France puisque nous y avons 100 % de nos salles et que 100 % de nos artistes sont français. Et nous entendons rester le fer de lance de la culture française dans le spectacle vivant. Si l'on prend en compte l'ensemble des sociétés dans lesquelles nous avons investi, cela représente 800 emplois permanents, 220 millions d'euros de chiffre d'affaires, et de 2 à 3 millions d'ebidta.
Envisagez-vous d'agrandir encore votre périmètre de salles ?
Nous privilégions la diversité et la complémentarité de nos 23 sites et 12 casinos, avec des salles de 5.000 à 13.000 places de type Zénith et d'autres de 500 à 1.500 sièges. Nous ne voulons pas nous emparer de tout, nous répondons aux appels d'offres de salles de qualité. Nous n'avons pas été candidats aux Arenas de Nanterre ou de Bordeaux ni à la Seine Musicale de l'Ile Seguin , car nous sommes un exploitant de salles et pas un promoteur immobilier, donc pas intéressés à financer des travaux. Actuellement nous sommes candidat au Zénith de Nantes, mais seul, contrairement à Lagardère allié à l'américain Live Nation.
Qu'en est-il de Paris ?
Après nous être implanté en région, il nous fallait être à Paris. On nous a proposé le Comedia et on a accepté. Mais il s'est avéré qu'ensuite nous avons pu acheter le théâtre de la Porte-Saint-Martin et prendre une participation minoritaire au théâtre de la Madeleine, puis devenir exploitant de Pleyel et de Marigny : des lieux emblématiques, alors que nous n'avons pas réussi à donner une identité au Comedia. Or on veut des scènes qui deviennent les terrains d'expression de personnalités reconnues tel Jean Robert-Charrier à la Porte-Saint-Martin qui gomme les frontières entre théâtre public et privé, bientôt Jean-Luc Choplin à Marigny où les travaux sont accélérés depuis juin. En programmant du « haut de gamme culturel », ces théâtres deviennent des actifs puissants. Bien sûr, on peut encore s'intéresser à d'autres salles pour préserver leur vocation artistique. Et nous répondrons à l'appel d'offres du Zénith de Paris, mais sans faire de surenchère.
Du côté des producteurs que vous avez rachetés, a régné une certaine cacophonie. Où en êtes-vous ?
Nous détenons la majorité de toutes les sociétés de production dans lesquelles nous avons investi. Depuis quelques mois, nous faisons en sorte que le dialogue se développe entre ces entrepreneurs indépendants qui sont restés aux manettes. Les producteurs plus âgés ont davantage de mal à s'intégrer dans le schéma d'un groupe, alors nous les accompagnons davantage, nous mutualisons les moyens techniques, humains, la billetterie, l'assistance juridique, les partenariats... Mais il ne s'agit pas d'organiser l'industrialisation de ces artisans, on fédère les talents. J'ajoute que nous n'avons perdu aucun artiste sur nos 150 artistes majeurs, nous en avons même gagné : Julien Clerc, Marc Lavoine, Angèle... Nous sommes présents dans la chanson, l'humour, le spectacle familial avec par exemple « Disney Sur Glace », les méga expositions de Pascal Bernardin qui tournent dans les capitales européennes...
Dans les comédies musicales, vous avez été déficitaire, allez-vous continuer ?
On a perdu sur « Mugler Follies », « Timéo », « Les 3 Mousquetaires », mais on a gagné sur « Robin des Bois ». Nous avions produit « Résiste » de France Gall qui a été saluée par la critique mais pénalisée par les attentats. Notre stratégie est plutôt de développer la production de concerts et de one-man-shows.
Cet été, vous avez acquis AS Talents : un nouveau créneau ?
Il s'agit d'une agence créée par Alexandra Schamis en 2009 qui représente depuis le début des artistes aussi emblématiques que Franck Dubosc, Christian Clavier ou Jean Reno. Son portefeuille s'est diversifié depuis à plus de 250 acteurs, chanteurs, humoristes, auteurs, réalisateurs... Elle est dans les cinq premières agences françaises et va nous permettre de proposer à ces talents des passerelles entre le Live, le théâtre, le cinéma.
Dans quels métiers comptez-vous encore vous renforcer ?
Il y a des créneaux que nous exploitons encore peu, la data, le sponsoring, les synergies entre Webedia et la billetterie de spectacles, le « Yield management » car aujourd'hui on sait que le public attend parfois le dernier moment pour payer moins cher et les promotions de type Vente-Privée nous font souffrir. En revanche, nous n'irons pas dans les festivals, on laisse cette guerre aux anglo-saxons Live Nation et AEG, tout en étant vigilant à la concurrence que les festivals peuvent faire aux salles.
Faut-il craindre une globalisation du secteur favorisée par la multiplication de très grandes salles ?
L'Etat, les collectivités locales, ont ouvert leurs portes à de grands acteurs internationaux qui souhaitent légitimement conquérir des marchés tel AEG à Bercy. La U Arena de Nanterre , la Seine Musicale, Bercy rénovée et dans l'avenir le Zénith de Paris aussi, permettent au public de bénéficier de spectacles qui n'auraient jamais pu être programmés sans. Pour autant, nombre de professionnels s'interrogent : est-il normal de voir des festivals appartenant à ces groupes étrangers lourdement subventionnés ? Les collectivités locales ne risquent-elles pas de devenir les « sous-marins » de ces groupes en leur confiant la gestion de leurs salles grâce aux partenariats passés avec des acteurs français ? Jack Lang a-t-il raison de dénoncer l'invasion des multinationales américaines sur la vie musicale française ?
Quelle est votre perception ?
L'ouverture des frontières à ces groupes est inéluctable. Notre priorité est que cette mutation puisse respecter les valeurs d'indépendance des différents acteurs et ne bascule pas dans un modèle mondialisé à 360 % qui restreint leur liberté. Live Nation et AEG automutilent leur propre écosystème en ne passant pas par les promoteurs locaux, ce qui n'est jamais notre cas. Fimalac veut être le meilleur partenaire des producteurs indépendants, des promoteurs locaux, des artisans, des artistes.
Martine Robert
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2018 3:28 AM
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La découverte réciproque de deux artistes exceptionnels, le dramaturge Bernard-Marie Koltès et son metteur en scène Patrice Chéreau.
Un metteur en scène rencontre un auteur. Avec le recul du temps on s'apercevra que Patrice Chéreau et Bernard-Marie Koltès sont aussi grands que l'ont été les plus grands hommes de théâtre. Jérôme Clément
Une chronique (5 m) à écouter en ligne sur le site de France Culture. https://www.franceculture.fr/emissions/breves-histoires-de-la-culture/1983-combat-de-negres-et-de-chiens-koltes-chereau
(Quand Jérôme Clément évoque "Les Amateurs" commé étant la première pièce écrite par Koltès il faut entendre "Les Amertumes")
L'équipe Production Jérôme Clément
Bernard-Marie Koltès en 1984• Crédits : Louis MONIER/Gamma-Rapho - Getty
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Le spectateur de Belleville
February 5, 2018 6:10 PM
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Publié dans Le Parisien :
La ministre de la Culture a annoncé que Le Tarmac, scène de la francophonie, devra libérer en 2019 le site de l’avenue Gambetta (XXe), propriété de l’Etat. Objectif : accueillir le centre national Théâtre Ouvert poussé au déménagement de ses locaux de Pigalle (XVIIIe). « Le théâtre de la francophonie sur l’échafaud ? », « une décapitation en silence ». Les mots de la pétition en ligne adressée à Emmanuel Macron et signée ce lundi soir par 6 700 personnes dont l’écrivain Alain Mabanckou, le rappeur Gaël Faye, l’ancien ministre Jack Lang ou encore le musicien Manu Dibango sont à la mesure de l’émoi provoqué. Créé en 1985 et installé depuis six ans au 159, avenue Gambetta (XXe), l’équipe du théâtre Le Tarmac, « scène internationale francophone », va devoir plier bagage l’an prochain. La rumeur, qui courait depuis des semaines, a été confirmée mercredi par la ministre de la Culture sous la forme d’un communiqué de presse.
Annonçant vouloir créer « un nouveau projet au service de la francophonie », Françoise Nyssen y explique que le site du Tarmac, propriété de l’Etat, accueillera à compter de 2019 Théâtre Ouvert « dans le cadre d’un projet repensé ». Centre national dédié au théâtre contemporain et présidé par l’ex-ministre de la Culture Catherine Tasca, l’établissement créé en 1971 cherchait depuis un an un nouveau point de chute, ses locaux de la cité Véron (XVIIIe), à Pigalle, devant être récupérés par son propriétaire la Société du Moulin Rouge.
« Personne n’est dupe, […] les véritables raisons qui motivent la décision du ministère de la Culture sont d’ordre économique » a réagi dans un communiqué l’équipe du Tarmac qui dit avoir appris la nouvelle « brutalement » dans la presse. Et d’insister sur le fait que le théâtre, où travaillent 14 permanents, a accueilli plus de 15 700 personnes l’an dernier, soit un taux de fréquentation moyenne de 74 %. Doté d’un budget de 2,1 M€, le Tarmac a vu passer près de mille artistes issus d’une quarantaine de pays depuis 2012.
Patron du groupe communiste, Nicolas Bonnet Oulaldj demandera ce mardi à la maire de Paris Anne Hidalgo (qui subventionne à la fois le Tarmac et Théâtre Ouvert à hauteur de 100 000 € et 60 000 €) de prendre position devant le Conseil de Paris. « Comment le ministère de la Culture peut-il opposer deux lieux culturels ?, interroge l’élu. Nous considérons que les deux théâtres ont leur place à Paris ». Sollicité, l’exécutif reste prudent. « Sur ce sujet, le dialogue et la concertation doivent primer » souligne-t-on au cabinet du premier adjoint chargé de la Culture Bruno Julliard.
Légende photo 159, avenue Gambetta (XXe). Le ministère de la Culture a annoncé la suppression du théâtre Le Tarmac pour relocaliser sur le site Théâtre Ouvert, centre national dédié au théâtre contemporain. Le Tarmac/Eric Legrand.
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Le spectateur de Belleville
February 5, 2018 12:54 PM
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Par Judith Sibony dans son blog Coup de théâtre : 05 février 2018
On a l’habitude de rabattre La tragédie de Macbeth sur des problématiques convenues à force d’être grandiloquentes : folie meurtrière, fascination du pouvoir, ambivalence de la culpabilité… Ces thèmes font bien partie de la célèbre tragédie de Shakespeare où un glorieux baron apprend par des sorcières qu’il sera bientôt roi, et décide de tuer sans scrupule pour accomplir cet oracle. Mais tout le problème, pour que la pièce n’ait pas l’air théorique voire pompeuse, c’est de prêter un peu l’oreille aux « raisons » de sa folie. Montrer que celle-ci s’ancre dans des drames intimes et simples. Laisser entendre que le point de bascule entre normalité et folie n’a besoin ni de château ni de couronne pour être franchi…
C’est ce que fait Stephane Braunschweig en ce moment à l’Odéon (Paris). Clair et net comme les carreaux blancs du décor, son Macbeth résonne avec une évidence rare sans en être pour autant simplifié, au contraire : le metteur en scène en tire des fils aussi intéressants qu’inattendus.
Tout d’abord, il nous fait prendre conscience de la violence totale et banale qui traverse la pièce indépendamment des crimes de Macbeth : nous sommes en pleine guerre civile, et les personnages déambulent – jusque dans la salle à manger royale – tout dégoulinants de sang. Au début du spectacle, ces soldats en uniforme actuel recouverts d’hémoglobine paraissent étranges, et pour cause : il ne manquerait plus qu’un homme en sang sonne « juste », sous prétexte qu’on est au théâtre. Voilà donc déjà un première réussite : la mise en scène nous rappelle qu’une guerre, même sur un plateau, cela relève vraiment de la boucherie.
Outre cette mise au point qui donne au spectacle une couleur non pas réaliste mais réelle et saisissante, Braunschweig esquisse une interprétation très originale du drame, et ce dès la première image, où l’on découvre sur le plateau trois sorcières enceintes jusqu’aux yeux. Cette grossesse exubérante paraît étrange, elle aussi. Mais elle annonce tout simplement le grand « non dit » de la pièce. Un tabou chez les Macbeth ; un détail auquel on prête d’habitude peu d’attention, et qui est pourtant le noeud de tout : lady Macbeth a beau dire « j’ai donné le sein, je sais comme il est tendre d’aimer l’enfant qui tète », le couple n’a pas de descendance, et seule cette réalité peut expliquer la furie de la femme à la fin de sa réplique : « j’aurais osé arracher ma mamelle à ses molles gencives et faire jaillir sa cervelle si je l’avais juré »… C’est en ces termes que l’épouse (terrible et gracieuse Chloé Réjon) encourage son homme à assassiner le roi Duncan, si bon soit-il, pour prendre sa place conformément à l’oracle. Mais c’est aussi cette absence d’enfant dans leur vie qui générera le cauchemar à venir. Au terme de leur prophétie, en effet, les sorcières ont prédit une descendance royale à un autre : le général Banquo. Or cette perspective fait basculer Macbeth dans un délire jaloux et autodestructeur. « Elles n’ont mis dans mon poing qu’un sceptre stérile (…) et c’est pour l’engeance de Banquo que j’ai souillé mon esprit », se dit le nouveau roi à l’acte III, juste avant la scène de déchéance où il tombera publiquement le masque de sa folie.
Tout, dans la pièce, commence donc par la figure d’une fécondité problématique : des sorcières étrangement enceintes. Et tout s’achève de même puisque Macbeth sera tué par un homme dont on précise qu’il n’est « pas né du ventre d’une femme ». Dans cette perspective, sous le signe de cette dialectique du fécond et du stérile, la scène (d’habitude secondaire) où les enfants de Macduff se font assassiner devient capitale, et la réaction de Lord Macduff (Jean-Philipppe Vidal) prend une intensité extrême lorsqu’il apprend le crime. « Tous mes jolis petits (…) vous avez dit tous ? » demande-t-il, bouleversant, dans une réplique où il rappelle aussi que Macbeth, lui, « n’a pas d’enfant ». À la fin de la pièce, le père de famille sera vengé, tandis que le héros éponyme se laissera tuer sans doute aussi pour cela : parce qu’il n’a pas d’enfant.
Shakespeare nous parle donc d’un homme qui découvre la tragédie de sa stérilité en accédant au pouvoir. Et finalement, il apparaît terriblement proche et simple, cet « usurpateur » réputé fou et mystérieux. Précisons que le comédien Adama Diop y est pour beaucoup dans cette clarification. À la fois colossal et sensible, il est comme doit être un homme pétri d’angoisses mais prêt à tout. Avec sa belle voix, son art du tic et du soupir démesurés, sa diction impeccable et pourtant singulière, il rend extraordinairement humain l’un des personnages les plus complexes du répertoire shakespearien. Parmi les belles idées du spectacle, le choix de cet acteur d’origine sénégalaise n’est pas des moindres.
Macbeth, mis en scène par Stéphane Braunschweig, au Théâtre de l’Odéon (Paris 6e) jusqu’au 10 mars.
Légende photo : Chloé Réjon et Adama Diop / Crédit photo : Thierry Depagne
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