Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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October 12, 2018 3:25 PM
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Nouvelle ère au Théâtre des 13 vents de Montpellier

Nouvelle ère au Théâtre des 13 vents de Montpellier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge (Montpellier, envoyée spéciale) dans Le Monde 12.10.2018 

 


Ses directeurs Nathalie Garraud et Olivier Saccomano lancent leur première saison avec « Othello » et un projet singulier.


Le calme après les tempêtes : le Théâtre des 13 vents, Centre dramatique national (CDN) de Montpellier, a rouvert ses portes au public, mardi 9 octobre, dans une ambiance sereine et joyeuse. Ce n’était pas gagné. Ce bel outil théâtral, situé dans l’ensemble du parc et du château de Grammont, a été fragilisé par deux directions successives : celle de l’auteur Jean-Marie Besset (2010-2013), et celle de l’auteur, metteur en scène et trublion Rodrigo Garcia (2014-2017).

Lors de la dernière saison menée par l’artiste hispano-argentin, la fréquentation du CDN a péniblement rassemblé quelque 10 000 spectateurs, un niveau historiquement bas. Les tutelles, l’Etat et la mairie de Montpellier en tête, ont donc eu à cœur de choisir une direction à même de remettre l’outil en état de marche. Mais il s’est ensuivi une autre bataille : la mairie avait un candidat – Jean Varela, qui fait un travail formidable à la tête du festival montpelliérain Printemps des comédiens –, Audrey Azoulay, qui était encore ministre de la culture, en avait d’autres : un duo formé par la metteuse en scène Nathalie Garraud et l’auteur Olivier Saccomano.

Lire le compte-rendu :   Le duo Garraud-Saccomano nommé à la tête du CDN de Montpellier

Ils faisaient figure d’outsiders, mais ce sont eux qui ont été nommés par la ministre, en avril 2017, quelques jours avant l’élection présidentielle. Ils ont pris leurs fonctions le 1er janvier 2018 et ont dû travailler vite et bien, pour bâtir leur première saison, qu’ils ont ouverte en présentant leur (très bon) spectacle Othello, variation pour trois acteurs : conçu pour être joué un peu partout, il a déjà beaucoup tourné en France, et l’on a pu le voir au Festival d’Avignon en 2014.

NATHALIE GARRAUD ET OLIVIER SACCOMANO, DIRECTEURS DU THÉÂTRE DES 13 VENTS : « DANS LE FLOU ACTUEL SUR CE QUE SONT LES MISSIONS D’UN CDN, BEAUCOUP DE CHOSES SONT À INVENTER »

 


Les Garraud-Saccomano ont une bonne idée de ce que veut dire la décentralisation théâtrale à la française, eux qui ont travaillé, avec leur troupe, la compagnie du Zieu, de Marseille à Amiens. Comme beaucoup d’artistes de théâtre d’aujourd’hui, ils s’interrogent sur la manière de faire bouger le vieux modèle des centres dramatiques nationaux, inventés après la guerre. « On s’est dit que c’était une période historiquement intéressante pour tenter ce genre d’expérience, observent-ils. Dans le flou actuel sur ce que sont les missions d’un CDN, beaucoup de choses sont à inventer. Ce sont des outils qui ne nous semblent pas obsolètes, mais au contraire extrêmement précieux, et qui offrent la possibilité de construire des projets tout à fait singuliers. »

Et singulière, leur ligne l’est, sans se hausser du col. Avec un maître mot : ouverture. Faire bouger un certain nombre de lignes, qui changent tout, et notamment « le rapport de consommation aux spectacles qui s’est établi, dans ce domaine comme partout ». Ouverture aux artistes, d’abord. Dans cette première saison, on verra passer Valère Novarina ou Dieudonné Niangouna, Emma Dante, le fantôme de Rainer Werner Fassbinder, ­Sylvain Creuzevault ou Maguy Marin.

Mais ils ne feront pas que passer, justement, contrairement à ce qui se passe dans nombre de lieux. Chaque mois, la vie du théâtre sera organisée avec eux, au fil de journées et de soirées où se mêleront théâtre, poésie, débats, convivialité, et même un séminaire inédit mené par l’universitaire Olivier Neveux, professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’Ecole normale supérieure de Lyon. « On ne fait pas une programmation, on fait un programme », résume le tandem.

Accent sur l’itinérance
Ouverture sur le bassin méditerranéen, ensuite, qu’ils ont beaucoup arpenté, de Marseille à Beyrouth – Nathalie Garraud a débuté en montant Edward Bond dans les camps palestiniens. Ce seront notamment les Rencontres des arts de la scène en Méditerranée, qui cette année auront lieu du 9 au 17 novembre, et où l’on pourra croiser la Palermitaine Emma Dante, le Marseillais d’origine iranienne Gurshad Shaheman ou les Libanais de la Zoukak Theatre Company.

Ouverture sur les territoires où le théâtre ne va pas, aussi, avec un fort accent mis sur l’itinérance, et deux spectacles destinés à jouer dans les villages, les salles des fêtes ou les écoles : Othello, et Ce qui gronde, un monologue écrit par Enzo Cormann et mis en scène par Nathalie Garraud.

C’EST UN THÉÂTRE QUI S’OUVRE AUX VENTS DU MONDE TEL QU’IL EST AUJOURD’HUI


C’est donc un théâtre qui s’ouvre aux vents du monde tel qu’il est aujourd’hui, un théâtre qui se présente comme une page blanche, à écrire avec d’autres. Le tandem n’a pas voulu y imprimer une marque trop forte : les murs clairs ont été repeints, et c’est d’une écriture manuscrite et fragile, légère, qu’ils s’animent pour désigner les divers espaces de la maison.

Nathalie Garraud et Olivier Saccomano revendiquent une forme d’« idiotie » – au sens philosophique du terme, bien sûr –, qu’ils expriment joliment dans l’éditorial de leur premier programme : « Il faut être idiot pour faire du théâtre (…), pour lutter contre la prose du monde. Pour lui arracher un poème. Et pour lutter, en scène, avec ce poème. Pour lutter, comme le font les acteurs avec leurs premiers partenaires : le public, l’espace, le temps. Et y tracer des diagonales inaperçues, des sensibilités inouïes. » Il semblerait bien qu’il y ait là de quoi calmer les polémiques.

Othello, variation pour trois acteurs, d’après William Shakespeare. Théâtre des 13 vents de Montpellier, jusqu’au 12 octobre puis du 16 au 19 octobre, puis tournée en région.

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October 12, 2018 1:10 PM
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Théâtre : une chienne de vie vue par Ascanio Celestini

Théâtre : une chienne de vie vue par Ascanio Celestini | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 Par Joëlle Gayot dans Le Monde 12.10.2018

 

L’auteur italien présente, au Théâtre du Rond-Point, à Paris, sa nouvelle pièce, « Laïka », avec le comédien David Murgia.

David Murgia dans « Laïka », texte et mise en scène d’Ascanio Celestini au Théâtre du Rond-Point à Paris.

C’est la claque de cette rentrée théâtrale. Une claque mémorable, qui vous rappelle que vous n’êtes pas seul sur la Terre, qu’autour de vous il y a des gens qui méritent votre regard, votre écoute et votre respect. Comme ce clochard qui dort dehors sous vos fenêtres, cette voisine de palier à l’esprit embrouillé qui ratiocine avec aigreur, cette autre vieille, généreuse, qui vaque d’un bout à l’autre de la cité en priant Dieu, les mains jointes vers le ciel, cette prostituée dont l’existence ne fait ni envie ni pitié, mais qui assume son destin, ces employés en lutte dans une entreprise sans âme… Et ce jeune homme enfin, qui, dès le matin, s’en va boire son verre de vin au comptoir du bar d’à côté pour conjurer la solitude et parler, sans pouvoir s’arrêter, de ce désastre humain à l’œuvre dont il est le devin, le témoin et le conteur à la manière d’un Tirésias de tragédie.


Le texte doit son titre au nom de la première chienne qui fut envoyée dans l’espace

Ce peuple de l’ombre, qui d’ordinaire n’a ni visage ni voix, Ascanio Celestini lui donne corps dans sa pièce Laïka, mise en scène au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Le texte doit son titre au nom de la première chienne qui fut envoyée dans l’espace. Seule dans sa capsule, Laïka était assurée de mourir. Mais qui diable s’en souciait ? Elle n’était pas un animal de race, juste une bâtarde sacrifiée sur l’autel de la science. On apprend cette histoire qu’à la fin du spectacle, et elle nous tire des larmes. Pleurer à cause d’une chienne ? La faute en incombe à une représentation qui emmène son public vers ce seuil déroutant où il n’a plus aucune défense.

Ascanio Celestini, auteur italien né en 1972 – il se dit qu’il est le nouveau Dario Fo, tant il endosse, comme son illustre aîné, le rôle de l’auteur engagé dans son temps, sachant pourfendre son époque sans oublier d’en rire –, est un habile dramaturge. Il navigue à la lisière du pathos sans jamais franchir la ligne jaune, brisant par l’humour la compassion qu’il parvient à faire naître en chacun. Il a écrit une pièce au verbe étonnant, dans laquelle chaque mot rebondit sur celui qui précède, où la répétition des phrases réactive l’émotion tout en la propulsant un pas de plus devant. Au point qu’on a parfois l’impression d’entendre en boucle, et avec un plaisir croissant, un refrain lancinant.
Décor universel

L’humanité qui peuple cette pièce monologuée habite les bas-fonds. Une cité italienne qui pourrait être hérissée de hautes HLM, avec, au bout d’un terre-plein sinistre, un centre commercial. Ce décor est universel. Sur le plateau, il suffit juste, pour l’évoquer, d’un tas de cageots empilés sur lequel s’assoit un accordéoniste. Quelques lampes alignées au sol rappellent des rangées de lampadaires jaunâtres. C’est tout. Nous y sommes. C’est là que cohabite le peuple d’en bas.

Il faut un narrateur qui éclaire le tableau et mette en route tous les protagonistes. L’acteur assume ce rôle. Il est belge et s’appelle David Murgia. Il apparaît sur scène, silhouette sèche vêtue d’un pardessus noir. Il est dans l’ombre et nous tourne le dos. Et puis voilà qu’il se met à parler (il est sonorisé), et le miracle a lieu. Rarement on a vu un comédien d’une telle netteté.
Précis mais volubile, expressif mais intérieur, intense mais détaché, David Murgia est tout cela à la fois

Précis mais volubile, expressif mais intérieur, intense mais détaché, David Murgia est tout cela à la fois. Il a pour lui l’hystérie corporelle des drogués, haussements intempestifs des épaules, nervosité des gestes. Mais aussi le calme impérial de l’acteur. Il fiche son regard dans les yeux du public. Interrompt le face-à-face quand il devient intenable. Se place de profil pour incarner la prostituée, se courbe pour interpréter la vieille dame, se redresse pour devenir le narrateur qui boit son verre de vin le matin. Il est un et multiple. Avec ou sans l’accordéoniste qui lui tient lieu de partenaire, il écoule son texte dans une virtuosité insensée. Et nous, nous sommes bouche bée. Respect !

Laïka, texte et mise en scène d’Ascanio Celestini. Jusqu’au 10 novembre, au Théâtre du Rond-Point. Tél. : 01-44-95-98-21.

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October 11, 2018 4:22 PM
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Anquetil, champion déjanté : l'Eternel premier

Anquetil, champion déjanté : l'Eternel premier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Gilles Renault dans Libération  — 11 octobre 2018

 


Adapté par Roland Guenoun, le récit de la vie, sportive et privée, du quintuple vainqueur du Tour de France séduit par sa vivacité et ses trouvailles scénographiques.


L’Eternel Premier nous parle d’un temps que les moins de 20 ans peuvent connaître. Du moins ceux - voire celles - pour qui les expressions «sucer la roue», «avoir de la giclette» ou «fumer la pipe» ont un sens autre que trivial. Cela dit, les spectateurs qui, en juillet, squattent les lacets des cols de l’Aubisque ou du Tourmalet n’étant pas forcément les mêmes qui remplissent les théâtres parisiens, précisons ici qu’il n’existe aucune contre-indication à l’appréciation du récit de Paul Fournel, Anquetil tout seul, publié (au Seuil) en 2012, adapté par Roland Guenoun. Si le récit s’ouvre sur un maillot jaune échappé, sprintant au milieu du plateau, c’est qu’à son époque, nul ne parvient à lui faire de l’ombre. Du milieu des années 50 au milieu des années 60, celui qu’on surnommera «Maître Jacques» va remporter, entre autres, cinq Tours de France, régnant sans partage sur une discipline sportive - et un «métier de chien», puisque situé aux confins de la souffrance physique - qu’il marquera ainsi de son empreinte indélébile.

Pour autant, le champion - mort à 53 ans d’un cancer, en 1987 -, sera aussi «hué, critiqué, dénigré». Plutôt qu’inspirer la connivence, on prendra son épicurisme pour de l’outrecuidance - comme si carburer au muscadet était un péché ! Impensable de nos jours, le dopage assumé (aux amphétamines) ne servira guère sa cause. On lui reprochera également d’avoir «une caisse enregistreuse à la place du cœur». Et, plus gênant, sa vie privée s’apparentera à un modèle d’amoralité (liaisons au long cours avec sa belle-fille, qui lui donnera une fille, ainsi, plus tard, qu’avec la femme de son beau-fils qui, elle, accouchera d’un fils !)

De tout cela, il est donc question dans le biopic pourtant déférent, l’Eternel Premier, créé début 2016 et qui, depuis, reçoit les louanges, aussi bien pour la vivacité d’une mise en scène mêlant éléments d’archives et trouvailles scénographiques, que pour les efforts du trio d’interprètes, d’où se détache logiquement Matila Malliarakis, héros contrarié (et un poil contrariant) dont on se demande, accessoirement, combien de kilomètres au total il aura avalé au gré des représentations.

Gilles Renault


L’Eternel Premier de Roland Guenoun La Pépinière Théâtre, 75002. Dimanche 19 h, lundi 20 h. Rens. : www.theatrelapepiniere.com

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October 11, 2018 12:52 PM
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Aurélien Bory, l'illusionniste

Aurélien Bory, l'illusionniste | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Nous accueillons aujourd'hui Aurélien Bory, qui met en scène "Orphée et Eurydice" de Christoph W. Gluck à l'Opéra-Comique. Une lecture onirique du mythe éternel du poète surdoué dont le chant a su braver les espaces infernaux. Ce sera l'occasion de parler théâtre, scénographie, musique et poésie.

Orphée, on peut se poser la question de son destin. Est-ce ramener Eurydice, ou chanter sa perte ? Il y a à travers le mythe d’Orphée une relation au chant, une relation à l’art qui est particulière. Le destin d’Orphée est de délivrer son plus beau chant.

Orphée est tiraillé entre une pulsion de vie, l’amour, et une pulsion de mort, Eurydice […] et il trouve sa résolution dans le chant, dans l’art. […] Quand on entend quelqu’un chanter, il y a vie et mort mélangées et c’est peut-être pour ça que ça nous touche.

Orphée se retourne, c’est ce qui fonde le mythe. […] je me suis dit, si Orphée se retourne, alors l’espace entier doit se retourner. Et j’ai voulu le retourner par un dispositif optique, parce qu’Orphée se retourne par le regard.

C’était l’enjeu scénique, représenter le monde des morts. […] le monde des morts est pour le monde des vivants un inaccessible […], qui reflète le monde réel […], le même monde, mais sans aucun corps. […] Il y a l'idée de mettre sur le plateau un au-delà.

Orphée, c’est vraiment la figure qui traverse l’histoire de la musique. […] on s’empare du mythe, mais on s’empare aussi de cette figure, le plus grand des musiciens, qui a inspiré de nombreux artistes. […] On entre en dialogue. […] C’est un mythe ouvert

Nous sommes des êtres de fiction, des êtres de représentation. Et on mélange toujours dans notre regard le réel et nos représentations. Et d’ailleurs le théâtre a cette étymologie-là, c’est l’endroit d’où l’on voit, donc la question du regard est posée d’entrée.

L’art est toujours un pas de côté. Et donc moi je préfère essayer de me concentrer sur les moyens qui appartiennent entièrement au plateau et qui n’ont aucune valeur ailleurs.

J’aime le théâtre qui a une certaine limpidité, qui a une certaine simplicité. D’ailleurs Gluck avait donné ça comme indication, « à faire s’il vous plaît avec beaucoup de simplicité ».

Orphée est représenté avec du féminin et du masculin complètement mélangés. Ce mélange-là appartient à l’art, ce féminin et ce masculin également répartis. […] Au théâtre, les hommes peuvent jouer des femmes, et les femmes peuvent jouer des hommes

Intervenants

Aurélien Bory
Metteur en scène, scénographe et chorégraphe, directeur de la Compagnie 111


Aurélien Bory• Crédits : La Compagnie 111

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October 10, 2018 7:51 PM
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« Mujer Vertical », un combat de femmes pour l’humanité, à la Maison des Métallos 

« Mujer Vertical », un combat de femmes pour l’humanité, à la Maison des Métallos  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Dashiell Donello pour son blog de Mediapart 10.10.2018

 

Dans le cadre du focus « Récits de vie » La maison des métallos présente 7 spectacles et 1 rencontre du 13 septembre au 23 décembre 2018. Nous avons vu avec « Mujer Vertical » toute l'intensité émotionnelle d'un combat de femmes qui, au-delà du féminisme, œuvre pour l'humanité entière.

Un combat de femmes pour l'humanité entière
Le metteur en scène Eric Massé a convoqué Juliette dans un hôtel. La chambre le montrait seul face au miroir. Alors il s'est maquillé, a mis ses bas, ses talons aiguilles, son jean slim et un petit haut assorti, pour devenir Juliette. Car comme disait Simone de Beauvoir : « on ne naît pas femme on le devient ». C'est donc Juliette qui libère la parole des souvenirs blessés de femmes colombiennes victimes civiles, militantes des droits de la femme et LGBT, ou démobilisées (FARC, paramilitaires). Mais Juliette n'est pas seule. Il y a Simone de Beauvoir déjà citée, Élisabeth Badinter, Andrée Chédid, Virginie Despentes, Catherine Millet, Florence Thomas, Simone Veil. Toutes auteures de grands textes féministes. 

Sur la scène devant trois écrans, figure un cirque dessiné par des livres, à la gloire de l’émancipation féminine, du théâtre et de la littérature. Éric-Juliette nous avertit : « C’est dit sans homophobie, juste : l’humanité, certains d’entre nous en font moins partie que d’autres, comme Jean Genet... (au hasard), Marcel Proust, Fernando Vallejo, Gustavo Gardeazabal, Monique Wittig, Porfirio Barba-jacob, Violette Leduc, ((Ils) sont tous moins humains que des hétéros ».

Donc parmi les livres " moins humains", des femmes de lumière arrivent sur scène : Ana Milena Riveros une ancienne paramilitaire, mobilisée de force pour lutter contre les F.A R.C, Maria Alejandra Martinez, fidèle aux engagements de son père, a agi comme guérillera révolutionnaire, elle dit : « Je remercie chaque jour Éve d’avoir été la première femme à transgresser l'ordre établi, à être désobéissante, indépendante, autonome et prête à assumer les conséquences de ses actes ». Julisa Murillo, leader pour les droits de la communauté afro, a pris la place de sa fille kidnappée et menacée de viol par un groupe armé, elle dit : « On ne naît pas femme, ils font de toi une femme». et enfin Alejandra Borrero, comédienne, directrice de théâtre et star des telenovelas a créé un spectacle (Victus) avec cinq paramilitaires, cinq guérilleros et dix civils, elle dit : « Mais l'ambitieuse n'est pas « une femme qui veut faire l'homme (…) C'est bien une femme, qui refuse les limites assignées à son sexe et exige la même liberté (…) Les filles un conseil : si vous portez des talons, portez-les comme une arme (…) Bien sûr que j’ai essayé d’être la fille dont ma mère rêvait, j’ai bien essayé d’être l’Ophélie de Shakespeare, et de me plier aux préceptes de la famille, mais, elle est devenue folle, comme toutes ces femmes qui veulent paraître et non être ». Voilà ce que nous propose Eric Massé pendant plus d’une heure : l’intensité émotionnelle d'un combat de femmes pour l'humanité entière.

De Lucy la première femme verticale, jusqu'aux aux luttes des droits de la femme 

C'est à Bogota que Eric Massé a mis en parallèle les écrits féministes des auteures citées plus haut, et les témoignages des interprètes de Mujer Vertical, aidé en cela par Manuel Orjuela, metteur en scène et comédien colombien. Partant de Lucy la première femme verticale, jusqu'aux manifestations anti mariage pour tous, et aux luttes des droits de la femme et LGBT, nous traversons ce qui s'actualise sur les écrans à ce qui se joue sur la scène.  L’émotion des témoignages féministes vécut en version originale, et pour le jeu d’acteur inspiré d'Alejandra Borrero et d'Éric Massé.

Il fallait bien ça pour adoucir les douleurs encore brûlantes des blessures de Ana Milena Riveros, Maria Alejandra, Julisa Murillo. Des femmes liées à la tragédie de leur existence et de l’histoire contemporaine de la Colombie.

Nous espérons que l'action d'Éric Massé en faveur d'un  travail de réconciliation nationale, mis en œuvre depuis quelques années en Colombie sera comblé de succès. Avec le vœu d'une longue tournée internationale pour Mujer Vertical.

 

MUJER VERTICAL

Conception, mise en scène et scénographie Éric Massé

textes d’Élisabeth Badinter, Andrée Chédid, Virginie Despentes,

Catherine Millet, Florence Thomas, Simone Veil

citation de Simone de Beauvoir, témoignages des interprètes

avec Alejandra Borrero, Javiera Valenzuela, Éric Massé,

Julisa Murillo, Ana Milena Riveros

 

Jusqu'au samedi 13 octobre

mardi, mercredi, vendredi à 20h
jeudi, samedi à 19h
durée 1h20
à partir de 16 ans

spectacle en espagnol et en français, surtitré en français et en espagnol

tarifs de 5 à 15 euros

LA MAISON DES MÉTALLOS
94, rue jean-pierre timbaud, Paris 75011
réservation  01 47 00 25 20

http://www.maisondesmetallos.paris

m° Couronnes  ou Parmentier

 

Crédit photo : ©jean-louis-fernandez

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October 10, 2018 5:05 AM
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Francophonies en Limousin 2018, suite et fin

Francophonies en Limousin 2018, suite et fin | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Francophonies en Limousin 2018, suite et fin par Mireille Davidovici dans Théâtre du blog

Francophonies en Limousin 2018 (suite et fin)

Le festival se termine en musique, avec un bal créole, mené par une star de la Caraïbe, Dédé Saint-Prix, formidable ambianceur. Avec son orchestre, il nous nous invite irrésistiblement à danser le bélé, la biguine, le chouval bwa, le zouk, et des rythmes afro-américains. Et un concert de jazz nous a fait découvrir un batteur-compositeur surprenant, Arnaud Dolmen, auteur d’un premier album Tonbé Lévé, mix de Gwoka (musique traditionnelle de la Guadeloupe) et de jazz, tout en ruptures imprévisibles.

La création antillaise, et plus largement caraïbéenne, ne se résume pas à la musique et on a pu voir du théâtre, entendre des écrivains, entre autres, Patrick Chamoiseau et remarquer des artistes plasticiens et des réalisations audiovisuelles grâce à une carte blanche : La Fabrique tropicale, confiée à Tropique Atrium, Scène nationale de Martinique
©Christophe Péan

Marie-Agnès Sevestre et Hassane Kassi Kouyaté ©Christophe Péan

Belle coïncidence : Hassane Kassi Kouyaté, directeur de cet établissement, prendra la suite de Marie-Agnès Sevestre et construira la trente-sixième édition de ce festival francophone en Limousin. Créé par Pierre Debauche, longtemps mené par Monique Blin, il est ensuite passé aux mains der Patrick Le Mauff (dont on a vu la mise en scène en créole de Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute). Directrice depuis 2005, Marie-Agnès Sevestre signe cette année une programmation exceptionnelle ancrée sur les écritures contemporaines, comme le souligne Alain Van der Malière, président des Francophonies.
Hassane Kassi Kouyaté né au Burkina Faso d’une famille de griots, est conteur, comédien, musicien, danseur et metteur en scène. Cet homme de théâtre complet a initié en Afrique plusieurs festivals. On espère que le soutien à la Francophonie, qui a été assuré par la Ministre de la Culture ici-même, sera suivi d’effets, surtout à l’heure où va fermer le Tarmac, une scène qui lui était consacrée…

Gros plan sur les écritures

Aux Francophonies en Limousin avec sa Maison des auteurs, un lieu de rencontres et de résidences, et avec son comité de lecture, on met met en lumière des textes inédits qui trouvent ensuite parfois le chemin des planches les années, grâce à des lectures devant un public de plus en plus friand de littérature dramatique. Une belle moisson de pièces cette année, lues par les élèves de l’école du Théâtre de l’Union, dirigés par Paul Golub. Avec entre autres:


La Mer est ma nation d’Hala Moughanie.

«Écrire sert à trouver du sens dans un moment de chaos (…) », dit l’auteure libanaise, lauréate, avec Tais-toi et creuse, du prix R.F.I. Théâtre 2015 (voir Le Théâtre du blog). Dans sa deuxième pièce, il met en scène un couple étrange. Mari psychorigide et autoritaire, épouse terrorisée. Vivant dans un terrain vague parmi les ordures, ils doivent faire face à deux migrantes, en route vers la mer, bravant les barbelés que, pour se protéger, le couple a tendus au milieu de ce nulle part. « Mon vecteur de réflexion : cette appartenance au territoire, dit Haka Moughanie. Comment je rencontre l’autre, comment je l’accepte. Décortiquer les systèmes politiques et sociaux, le cynisme des nationalismes ». Avec elle, les frontières visibles ou invisibles deviennent autant de lignes de faille autour desquelles gravitent les individus en perte de repères.

Trans-maître(s) de Mawusi Agbedjidji

Sur un tout autre registre, celui de la dérision, l’auteur togolais dont on a vu la mise en scène de Fissures (voir Le Théâtre du blog) raconte les mésaventures d’un garçonnet dans une école où, faire des fautes de français et parler sa langue maternelle, est sanctionné par le “signal“ , objet d’infamie répugnant que le “cancre“ doit porter sur lui jusqu’à ce qu’il en dénonce un autre… Ici, la langue est épinglée avec humour comme facteur de colonisation, et les l’élève désemparé voit mourir son père, combattant de la Deuxième Guerre mondiale, dans un camp militaire du Sénégal. Une allusion au massacre de Thiaroye, un camp près de Dakar en 1944, où des gendarmes français, renforcés par des troupes coloniales, ont tirés sur des soldats africains réclamant leur pécule et leurs indemnités.


Poing levé de Stanislas Cotton.

De la violence de l’après-guerre, il est aussi question dans ce troisième volet d’une trilogie sur le pouvoir. Après une réécriture d’ Œdipe et d’Antigone sous forme de poèmes dramatiques, le dramaturge belge a cherché une héroïne tragique contemporaine. Ce texte, très rythmé, raconte l’histoire d’Ulrike Meinhof. Monologué ou choral, au choix, il nous présente sous un jour très personnel, la journaliste et militante anticapitaliste face à une République fédérale d’Allemagne naissante, encore aux mains d’anciens nazis. La théoricienne de la bande à Baader finira pendue dans sa cellule, officiellement « suicidée ». «La mort en prison des membres de la Fraction Armée Rouge, dit Stanislas Cotton, a été un événement fondateur dans ma conscience politique »,.

La remise des prix S.A.C.D. et R.F.I. fait désormais partie des événements des Francophonies. Cette année, les deux textes récompensés traitent de l’exil, thème récurrent et qui croise l’actualité. «L’Histoire retiendra qu’un continent de cinq cennt millions d’habitants a regardé ses pieds, twittait aujourd’hui Raphaël Glu
©Christophe Péan

©Christophe Péan

cksmann, cinquante-huit naufragés frappèrent à leurs portes. Et les discours sur l’universalisme de la République française auront définitivement un goût de cendre, si Marseille n’accueille pas l’Aquarius.»

Le Prix R.F.I. 2018 a été attribué aux Inamovibles de Sedjro Giovanni Houansou qui rend hommage à ceux qui ont disparu sur la route migratoire Nord-Sud. Ceux qui errent d’un continent à l’autre, ceux qui n’envisagent pas de rentrer chez eux, et ceux qui restent dans leur pays, en attendant vainement leur retour. Au Bénin, où il est comédien et metteur en scène, Sedjiro Giovanni Hauansou a fondé un festival, Les Embuscades de la scène, et une plateforme de diffusion des écritures Les Didascalies du monde. Dans son pays où les choses ne vont pas si mal, «On est très sensible à ce qui se passe ailleurs, dit-il. La question de la migration me touche, surtout le traitement fait à la jeunesse.»

Prix S.A.C.D. de la dramaturgie de langue française 2018, Maître Karim la perdrix du Canadien Martin Bellemare. La pièce, au rythme singulier, fruit d’une construction polyphonique après, une enquête dans les centres de rétention. Paroles des membres du centre, ou des retenus, s’enchaînent autour d’un personnage emblématique, symbolisant le désir de liberté, l’absurdité des notions de nationalité, de frontières, de territoire…Karim est libre, même quand il est prisonnier ; la Perdrix, un surnom qui lui va bien…

Il y a aussi aux Francophonies des salons littéraires et des performances d’auteurs, comme Rêver n’est pas de tout repos une performance d’écriture d’Evelyne de la Chenelière « Je m’engage dans l’exercice du rêve éveillé, en lui donnant la forme d’une écriture frénétique, mouvante et érigée, dit l’autrice québécoise. Une écriture-matière sur un mur » En deux jours, l’entrée de la Maison des auteurs se couvre de mots, en rangs serrés; une fresque graphique en action prend forme sous les yeux des passants qui s’arrêtent, lisent, questionnent…

Séna/Rencontre littéraire et politique, « Il s’agit de se dire en Caraïbe », lance un animateur au public réuni au bar du Théâtre de l’Union. «Qu’est-ce que pour vous, la Caraïbe ? Fusent des noms: cocotiers, cyclones, Cuba, Fidel Castro, Aimé Césaire, Toussaint Louverture… Un comédien, parmi les neuf mêlés au public, autour du maître de cérémonie Thierry Malo, dit MC Timalo, lit un texte en anglais des Antilles tiré de Checking Out Me History du poète John Agard. où il est question d’identité : I’am carving out me identity ( Je sculpte ma propre identité), conclut-il. Car les Caraïbes se définissent aussi par un multilinguisme. Suit un texte sur les noms des Antillais « Connaissez vous mon autre nom ? Vous l’avez volé à une pauvre nègre». Il sera aussi question de racines : «Et mes racines ? N’ai-je pas un aïeul nocturne ? »

Ces lectures suscitent les réactions du public. Une dame parle d’Albert Camus qui lui a «apporté une grande lumière ». Un spectateur dit qu’il se sent plus Berrichon que Français… Certains textes expriment la colère : « Mes volcans réveillés cracheront des mots de souffre » (…) « Nous marcherons sereins parmi les cataclysmes… ». « A quel moment le français est notre langue ? », se demande un autre écrivain. Et que signifie pour nous cette mère-patrie ? »

Plus tard le public reprendra en chœur le refrain Inglan Is a Bitch, du poète Lindon Kwesi Johnson, tiré de son album Bass Culture dont l’un des morceaux-phares est cet Inglan Is a Bitch (L’Angleterre est une salope)… Chacun se prend au jeu d’une réflexion qui s’avère universelle, suscitée par une quinzaine d’extraits de poèmes, romans, chansons, contes… Séna, en créole, est le nom donné à la Guadeloupe à des rencontres informelles sur les places pour discuter. Gerty Dambury, poète, dramaturge et romancière de Pointe-à-Pitre reprend cette forme et organise depuis 2012, des rencontres scénarisées autour d’un thème changeant d’une soirée à l’autre. Une manière originale de partager la littérature.

Par tes yeux de Martin Bellemare, Sufo Sufo et Gianni Grégory Fornet, mise en scène de Gianni Grégory Fornet


Le spectacle est le fruit d’une rencontre, à Limoges, entre le Québécois Martin Bellemare, le Bordelais Gianni Grégory Fornet et le Camerounais Sufo Sufo. Pour ce laboratoire d’écriture, les trois auteurs se sont déplacés les uns chez les autres, à l’écoute d’adolescents de leurs pays respectifs, accompagnés du vidéaste João Garcia. Les films sont devenus la toile de fond de trois histoires enracinées chacune dans un lieu, un paysage, racontées par trois comédien(ne)s.
Une adolescente de Montréal (Mireille Tawfik ) se demande : «Qu’est-ce que je suis moi ?» : Canadienne ? Québécoise ? Citoyenne du monde, dans ce quartier Nord de la ville, réputé mal famé, où se mêlent tant de populations ? Un jeune homme de Yaoundé (Patrick Daheu) lui, a «une fille dans la tête»: «La fille de l’heure», assise au carrefour à compter les voitures, mais qui ne le voit pas. Il cherche son «rêve caché »dans les sept collines de la ville.
Une lycéenne bordelaise (Coralie Leblan) déracinée et placée dans un internat se projette dans la carapace d’un scarabée inspiré de celui de La Métamorphose de Franz Kafka. Trois langues se répondent pour dire les constantes et différences dans les vies de ces êtres en mutation : les adolescents


Un pays a besoin d’une armée ! » affirme le conférencier qui se risque seul en scène et qui va nous parler, pendant une heure quarante, de l’opération de pacification menée par les Belges en Somalie en 1992-1993. Bruno Vanden Broecke se glisse dans la peau d’un ancien militaire, adopte son ton bourru, sa gaucherie. Au point que certains spectateurs se sont crus devant un véritable vétéran venu raconter son histoire, partager son malaise et ses interrogations.

L’historien et essayiste flamand David Van Reybrouck, célèbre pour ses pamphlets contre l’extrême-droite et le populisme, soulève ici un pan caché et scandaleux de l’histoire belge récente. Il a épluché archives et publications, interviewé des paras, officiers ou simples soldats des commandos qui ont participé à cette opération. Para dresse un portrait ambigu et dérangeant mais son auteur n’émet pas de jugement. Il y expose la réalité brute d’un être de fiction, plus vrai que nature, façonné à partir de vécus multiples.

La solitude de ce soldat nous émeut, autant que sa brutalité nous scandalise Et son idéalisme se heurte à une situation inextricable. «Nous pensions être la Patrouille des Castors, des chevaliers sur un cheval blanc, mais là-bas, nous nous sommes heurtés au chaos ambiant, et à notre propre comportement», confiait une ancien para à David Van Reybrouck.

Pris dans les mailles d’une tragédie complexe : une opération internationale de maintien de la paix, le personnage s’y débat comme un insecte dans une toile d’araignée et nous renvoie à une réflexion sur le bien-fondé des interventions humanitaires armées. L’enfer est pavé de bonnes intentions ! Et nous l’éprouvons ici, sans cesse partagés entre empathie et antipathie pour ce personnage problématique mais bien humain. Loin d’un manichéisme bien-pensant, le spectacle dérange et la performance du comédien nous séduit.

Mireille Davidovici

Par tes yeux a été créé à Limoges les 26, 27 et 28 septembre.

Et le 18 octobre au Bois Fleuri de Lormont, dans le cadre du FAB et de la programmation du CDCN -La Manufacture.
Le 15 novembre, Festival Les Coups de Théâtre (Montréal); le 20 novembre Festival TrafiK à Bergerac ; le 30 novembre, Institut Français de Douala (Cameroun).
Les 6 et 7 décembre, OTHNI, Laboratoire de Théâtre, Yaoundé (Cameroun)

Para

En Belgique :
Le 18 octobre, Le Manège, Mons ; le 21 octobre, Palais des Beaux Arts, Charleroi.
Du 19 au 22 novembre, De Warande, Turnhout.
Le 3 décembre, Centre culturel Saint-Pierre-Woluwe ; le 7 décembre, Centre culturel, Geel; le 12 décembre, Centre culturel, Maasmechelen ; le 21 décembre, Centre culturel Scharpoord, Knokke-Heist.

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October 9, 2018 7:11 PM
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Shakespeare, Fragments nocturnes, mise en scène de Maëlle Dequiedt

Shakespeare, Fragments nocturnes, mise en scène de Maëlle Dequiedt | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello  09.01.2018


Shakespeare, Fragments nocturnes, mise en scène de Maëlle Dequiedt

Maëlle Dequiedt, metteure en scène en résidence à l’Académie de l’Opéra National de Paris en 2016/2017 a présenté d’abord un workshop, Shakespeare / Fragments nocturnes ; elle crée aujourd’hui en 2018 le spectacle avec les artistes en résidence.

Shakespeare a fait don au monde d’une fantasmagorie mythique de jeunes gens. De nombreux compositeurs – Purcell, Bellini, Rossini, Thomas et Britten –, à leur tour, ont insufflé la vie à ces figures profondément humaines sur les scènes lyriques.

Shakespeare/Fragments nocturnes est composé d’extraits d’opéras qui ont tous en commun d’avoir été inspirés par des scènes du dramaturge européen, un spectacle aux confins des écritures lyriques et théâtrales, issu de la vision de Maëlle Dequiedt.

Autour de la nuit – ombres, revenants, cimetières mais aussi, étoiles et paysage lunaire d’effroi ou d’attente -, l’un des thèmes significatifs du dramaturge, la metteure en scène distingue quelques scènes amoureuses mythiques du répertoire.

Nuit de fièvre d’Ophélie, puis nuit de folie quand elle accepte de n’être qu’elle-même – aimant celui qui l’aime mais qui la rejette étrangement –  et nuit de trouble existentiel du héros éponyme de Hamlet qui réfléchit sur sa destinée fatale ; nuit d’attente longue de Giulietta qui s’inquiète pour son amant dans Roméo et Juliette.

 Nuit étrange et habitée des amoureux contrariés du Songe d’une nuit d’été – victimes hantées et manipulées malgré elles dans la toile d’araignée des désirs indistincts – intuition et usage de philtre -, et enfin la déploration de Desdémone dans Othello.

Quant à Lear de King Lear, il fait l’épreuve à la fois de l’horreur et de la lucidité quand, nu sur la lande dévastée, il tient dans ses bras sa fille défunte. Le roi déchu porte les mots des extraits du journal de Reimann sur sa création de 1968 à 1978 – une bataille virile d’épopée et de tempête, contre la nature et pour lui-même. Le souverain est en errance, chassé dans la nuit noire qui s’est abattu sur le monde.

Ces personnages connus – des figures célestes de l’imaginaire théâtral et poétique –  se croisent sans jamais se rencontrer. Dans la nuit transfigurée, reste le seul désir d’exister et d’aimer, en passant par l’écoute de trois siècles de musique – ainsi, dans le désordre, Bellini, Britten, Gounod, Purcell, Reimann, Rossini, Strauss et Thomas, sur des textes de Claude Esteban, Heiner Müller, Aribert Reimann et Billy Wilder.

La nuit est hors-de-contrôle, univers propice à tous les rêves de liberté et de désir.

Deux Giulietta se dessinent : celle de Bellini, mélancolique, celle de Gounod, vivante.

Aussi des dialogues s’instaurent-ils par-delà les siècles et les tendances musicales.

Issus de cultures autres et lointaines, les interprètes parlent les langues naturelles du monde. ils correspondent à leurs personnages, entre réel et fiction, tendus d’’abord vers les autres, leurs semblables et leurs contemporains de toutes les époques.

Sur la scène, au piano, une série d’instrumentistes, des Will – des métaphores personnifiées du désir, de la volonté et de l’obstination. Surgissent ainsi Puck et Oberon dans l’univers du Songe d’une nuit d’été. Et passent des esprits de la forêt entre Démétrius, Helena, Lysandre et Hermia : le désir se fragmente et se multiplie.

Sur la scène, la nuit noire avec la servante pour seule lumière tandis que les Will installent patiemment le décor – arbres, tenture pour le pan de la forêt, baignoire ancienne où se noie Ophélia, une couronne de roses sur la tête, un sofa de salon.

Les masques noirs – oiseaux de nuit – , les robes de tulle blanches, les robes de soirée vaporeuses et colorées, les couronnes de fleurs printanières – vert, blanc et roses – se mêlent aux tenues contemporaines, pantalon noir et chemisier blanc.

Et sonne dans l’Amphithéâtre la belle puissance musicale d’une jeunesse vigoureuse – les interprètes de l’Académie de l’Opéra National de Paris – aux voix magnifiques.

Véronique Hotte

Opéra National de Paris – Amphithéâtre Bastille, du 9 au 17 octobre 2018. OPERADEPARIS.FR

 

Crédit photo : Studio J’adore ce que vous faites ! OnP

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October 9, 2018 6:27 PM
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"L’Heureux stratagème" au théâtre du Vieux-Colombier : Marivaux réussit un étourdissant portrait de femme

"L’Heureux stratagème" au théâtre du Vieux-Colombier : Marivaux réussit un étourdissant portrait de femme | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sophie Jouve Rédactrice en chef adjointe de Culturebox,  le 09/10/2018


C’est une pièce rarement jouée de Marivaux qui est montée pour la première fois par les comédiens du Français au Théâtre du Vieux-Colombier. "L‘Heureux stratagème" est une sorte de Dom Juan au féminin, cruel et impeccablement interprété par Claire de La Rüe du Can et ses camarades.

 

"L'Heureux stratagème", c’est du Marivaux à l’os, désencombré des quiproquos habituels sur les mariages arrangés et les questions d’argent. Un Marivaux où les hommes sont des marionnettes et où le sort des valets dépend plus que jamais du bon vouloir des maîtres.

Une féministe avant l'heure

La Comtesse lassée de Dorante tombe dans les bras du Chevalier Damis, un beau Gascon un peu beauf. La Marquise, délaissée par son amant le Chevalier, propose à Dorante de feindre de s’aimer pour raviver la flamme des infidèles. Toute la pièce tourne autour du personnage de la Comtesse, qui se laisse guider par les atermoiements de son cœur, ses émotions, avec une liberté et une désinvolture totale. Une féministe avant l’heure, interprétée par la jeune Claire de La Rüe du Can, avec une candeur aussi désarmante que cruelle.
 
Car la Comtesse se moque éperdument des ravages que produit son attitude sur ceux qui l’entourent, et particulièrement sur les plans amoureux des domestiques. Le féminisme du début tourne à un égoïsme absolu, d’autant plus terrible qu’il a le visage lisse et ingénu de la comédienne.

 

Une distribution aux petits oignons

Le metteur en scène Emmanuel Daumas réunit, autour de Claire de La Rüe du Can, une distribution aux petits oignons. Jérôme Pouly est un Dorante digne et touchant manipulé par une Julie Sicard très juste en Marquise obsédée par sa vengeance. Laurent Laffitte campe un Damis tordant. Nicolas Lormeau est un père soucieux de préserver sa fille Lisette. Jennifer Decker, Eric Génovèse et Loïc Corbery (lui qui nous a si souvent habitué à être du côté des petits marquis) donnent tout le désarroi souhaité aux valets, désarmés, manipulés comme des animaux de compagnie, acculés à se rebeller.
 

Des valets traités commes des animaux de compagnie

Marivaux a toujours parlé en filigrane des relations entre les valets et les maîtres, qu’ils prennent l’ascendant ou qu’ils soient réduits à leur condition. Voici un texte où le mépris de classe est traité avec une acuité qui nous fait bien comprendre les bouleversements à venir de la Révolution.

 

Le dispositif bi-frontal nous fait ressentir le moindre frémissement des comédiens, pris dans une course folle déclenchée par les seuls états d’âme de la Comtesse. Dans un décor sans grâce, blanc et épuré, fermé à chaque extrémité par des bâches en plastique, les valets s’affolent comme des mouches aveuglées par la lumière.  

La langue de Marivaux dite avec un naturel confondant 

Mais au-delà de cette mise en scène vive, la grande réussite, qui tient autant au metteur en scène qu’à ses acteurs, est le naturel confondant avec lequel la troupe se fond dans cette langue de Marivaux. Une langue qui fait partie de leur ADN, mais cet "Heureux stratagème" n’est pas le texte le plus facile à défendre, et ils le font merveilleusement pour notre plus grand plaisir.  

INFOS PRATIQUES

 

  • "L'Heureux stratagème" de Marivaux
  • Théâtre du Vieux-Colombier
  • 21 rue du Vieux-Colombier, Paris VIe
  • Du 19 septembre au 4 novembre 2018
  • 20H30 du mercredi au samedi, 19h les mardis, 15h les dimanches
  • De 12 à 32 euros
  • 01 44 58 15 15
  • Site de la Comédie-Française
 

 

 

Légende photo :

  Claire de La Rüe du Can (La Comtesse) et Jérôme Pouly (Dorante) © Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française

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October 9, 2018 6:16 AM
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1958-2018 : « George Dandin », de Roger Planchon à Jean-Pierre Vincent

1958-2018 : « George Dandin », de Roger Planchon à Jean-Pierre Vincent | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog  Balagan - 9 oct. 2018 

1958-2018 : « Georges Dandin », de Roger Planchon à Jean-Pierre Vincent


Soixante ans après Planchon, Vincent met en scène « George Dandin ». Une mise en scène historique chasse l’autre. La cruauté de Molière qui n’a d’égal que son rire, se porte bien, tout comme l’increvable « nouvel usage des classiques ».

L’histoire du théâtre est aussi faite de coïncidences, de filiations et de dialogues entre morts et vivants. En 1958, Roger Planchon créait à Villeurbanne Georges Dandin de Molière. « Le Dandin de Planchon est à la fois plus comique et plus tragique qu’aucun autre. Surtout, il est plus proche de nous, sans le moindre anachronisme. La voie est donc ouverte à un “nouvel usage de nos classiques” », écrivait Bernard Dort cette année-là dans la revue Théâtre Populaire qu’il avait créée avec Roland Barthes et quelques autres. C’est une mise en scène qui fit date.

De Villeurbanne à Vire

« Elle a révolutionné beaucoup de choses, pour moi et pour beaucoup d’autres. C’était un pas de géant dans l’histoire du Théâtre (français) », explique aujourd’hui Jean-Pierre Vincent. A son tour, après bien des détours, et après avoir signé plusieurs spectacles qui ont secoué le théâtre français, Jean-Pierre Vincent met en scène Georges Dandin. Soixante ans après Planchon et tout autrement.

Lorsque Pauline Sales et Vincent Garanger lui ont proposé de travailler avec eux pour leur dernière année à la tête du CDN de Vire, Vincent a relu la pièce de Molière, auteur qu’il a régulièrement fréquenté. Et il s’est décidé en s’appuyant sur le noyau des excellents comédiens permanents de Vire, à commencer par Vincent Garanger (Georges Dandin) mais aussi Olivia Chatain (Angélique), Aurélie Edeline (Claudine), Anthony Poupard (Lubin). Un noyau renforcé par quelques autres acteurs comme Elizabeth Mazev et un vieux compagnon de route depuis ses années passées à la tête du TNS, Alain Rimoux, les deux formant le couple impayable des parents de la jeune Angélique, monsieur et madame de Sotenville, culs bénis, désargentés, mais nobles, une caste toujours prompte à affirmer sa soi-disant supériorité.

Soixante ans après Villeurbanne, Vire. Et les mots de Dort à propos de Planchon valent aujourd’hui pour Vincent. Lui aussi, entouré de ses collaborateurs habituels en pleine forme (décor de Jean-Paul Chambas, costumes de Patrice Cauchetier, dramaturgie de Bernard Chartreux), signe une mise en scène historique de cette pièce, une mise en scène qui, servant Molière sans l’adapter, nous est, elle aussi, proche. Planchon, post mortem, a eu la délicatesse d’offrir une botte de paille à Vincent qui s’est empressé de la répartir côté jardin comme il se doit. Il lui restait une vache, il l’a coupée en deux : à lui, la tête ; à Vincent, le cul et la queue.

Le rideau s’ouvre sur un homme emperruqué, debout sur la margelle d’un puits dressé au centre de la scène dansant frénétiquement dos au public en regardant l’imposante façade d’une demeure Grand siècle. Louis XIV en personne ? Non, George Dandin. « Ah George Dandin », soupirera-t-il plusieurs fois comme spectateur de lui-même. La musique cesse, l’image de la demeure disparaît, fin du mirage. L’homme dont la perruque de traviole ne tient pas sur la tête et qu’il ne cesse d’ôter et de remettre nerveusement n’est pas un roi, ni un gentilhomme de la vieille noblesse, c’est un paysan parvenu qui a amassé une fortune on ne sait trop comment. Fort de cette richesse, il a pu se payer la très jeune Angélique de Sotenville, les parents aristo désargentés de cette dernière la lui ayant vendu pour se refaire (on est sordide mais catholique), Georges Dandin gagnant au passage le titre de monsieur de la Dandinière. Un nom aussi sot que celui des Sotenville. Impitoyable Molière. Qui créa le rôle de Dandin devant le roi, sa cour et le haut clergé tandis que son épouse Armande tenait celui d’Angélique.

« et ne veux point mourir si jeune »

Dans l’étonnante première scène de la pièce, un monologue qu’il adresse au public, George Dandin donne la morale de l’histoire qui va suivre. Son mariage, dit-il, « est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition » en s’alliant « à la maison d’un gentilhomme » et en épousant une femme qui « s’offense » de porter le nom de son mari. Et par trois fois, l’infortunée épousée (on ne lui a pas demandé son avis) jouera à l’offensée (théâtre dans le théâtre où Molière régale ses acteurs et nous prend par la main) quand son mari la soupçonnera (avec raison) de ne pas être insensible au charme d’un gentilhomme des environs. Et par trois fois, elle retournera la situation à son avantage.

Vincent déplace le curseur habituel de la pièce en voyant avant tout dans Angélique une jeune fille qui refuse le piège dans lequel son mariage forcée l’a enfermée. Elle veut vivre, elle veut avoir des aventures, aimer. Elle n’est pas coquette, aguicheuse, elle veut vivre sa vie de femme, quasi militante avant l’heure. D’autant que George Dandin, ce mari qu’elle n’a pas choisi, est aussi un homme épris de boisson, et de surcroît colérique. Il la jette sans ménagement sur un prie-dieu pour lui faire expier ses fautes (la mise en scène de Vincent fourmille de ce genre de détails). La jeune femme se révolte : « Comment, parce qu’un homme s’avise de nous épouser, il faut d’abord que toutes choses soient finies pour nous, et que nous rompions tout commerce avec les vivants ? C’est une chose merveilleuse que cette tyrannie de messieurs les maris, et je les trouve bons de vouloir qu’on soit morte à tous les divertissements, et qu’on ne vive que pour eux. Je me moque de cela, et ne veux point mourir si jeune.» Ah comme ces mots parlent à toutes celles qui, de par le monde, ont été mariées très jeunes de force ou par intérêt. Claudine, servante et complice d’Angélique, finira par prendre son baluchon et quitter la maison (autre détail).

Bien servi par ses acteurs, Vincent accentue la noirceur des autres personnages, y compris du froid Clitandre (Iannis Aillet), Don Juan en herbe qui, après avoir séduit Angélique qui ne demande que ça, l’abandonnera probablement pour aller chercher une autre conquête. Les de Sotenville, eux, n’ont que mépris de classe pour celui à qui ils ont piqué le pognon en sacrifiant leur fille tout en jouant les vertueux culs bénis. Georges Dandin enfin, est tour à tour pitoyable et ridicule, digne et indigne, cherchant à tout prix à être reconnu comme cocu, c’est-à-dire comme victime, et venant chercher un réconfort côté jardin auprès du cul d’une demi-vache en carton-pâte (symbole croquignolet de sa vie coupée en deux) et finissant, litron en main, sur la margelle du puits bouché, les pieds dans l’eau, ayant tout foiré même son suicide, l’acteur Vincent Garanger déployant avec finesse toutes les velléités du personnage.

Et puis il y a Colin (Gabriel Durif), le valet de Georges Dandin qui dort sur la paille à côté de la demi-vache, et ne dit pas un mot. Vincent a eu la bonne idée d’en faire un contrepoint musical qui se souvient que la pièce à la création était incluse dans un spectacle avec musique de Lully, son accordéon et ses chansonnettes distillant les flonflons d’une tradition champêtre bien d’chez nous.

La mise en scène de Planchon avait tourné des années durant dans toute l’Europe de l’ouest et de l’est (bien avant la chute du mur de Berlin), aux Etats-Unis et en Algérie. Souhaitons un semblable tour de monde au Dandin de Jean-Pierre Vincent qui poursuit en France une tournée justement triomphale.

Après la création à Vire, différentes villes et deux semaines à la MC93, le spectacle sera à la scène nationale de Chalon-sur Saône du 10 au 12 oct, à la Scène nationale de Beauvais les 17 et 18 oct et au Granit de Belfort les 6 et 7 novembre.

 

Légende photo :
Angélique et Dandin © Pascal Victor

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October 8, 2018 3:20 AM
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Théâtre : dans « La Musica deuxième », le désir dicte sa loi

Théâtre : dans « La Musica deuxième », le désir dicte sa loi | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joëlle Gayot dans Le Monde  08.10.2018 
Jacques Weber met en scène la pièce de Marguerite Duras, au Petit-Saint-Martin, à Paris.

Mettre en scène un texte de Marguerite Duras est un exercice périlleux qui peut précipiter celles et ceux qui s’y risquent tout droit vers les écueils d’une profération éthérée. Beaucoup se cassent les dents sur cette langue ciselée qui, pour être littéraire, n’en est pas moins pétrie de chair. C’est cette chair qu’il faut aller chercher sous la surface de l’écriture et en deçà de son rythme.

N’en déplaise aux puristes de l’auteure qui voudraient à tous crins entendre la musique des mots, l’actrice Stéphane Caillard et son complice Grégory Gadebois n’interprètent pas une partition. Ils entrent dans le vif du sujet, c’est-à-dire dans le vif de la dissolution d’un couple. Ils jouent La Musica deuxième, sur la scène du Petit-Saint-Martin.

ON DESCEND DANS CE THÉÂTRE COMME ON VA AUX ENFERS


On descend dans ce théâtre comme on va aux enfers. Une volée de marches mène vers une salle basse d’un rouge soutenu. Quelques chaises, un piano droit, un portant métallique, un canapé circulaire surmonté d’un mât protubérant, le décor est planté. Ni vraiment réaliste ni franchement abstrait, il est la page incandescente où Jacques Weber signe la représentation d’une pièce publiée en 1985, reprise, vingt ans après, de La Musica.

Une femme et un homme se retrouvent dans le salon désert d’un hôtel à Evreux. Ils viennent de divorcer (ce qui n’était pas le cas dans la version de 1965). Ne s’étaient pas revus depuis plusieurs années. Ils ont la nuit devant eux pour faire le tour de leur histoire. Raviver le passé, explorer le présent, constater qu’entre eux deux l’amour est toujours là, rêver à un avenir. Puis se quitter, au petit matin. Ils ont refait leur vie.

Le spectacle fait sécession
Il y a quelque chose de triste dans cette passion qui refuse de s’éteindre mais qui doit se soumettre au réel. Quelque chose de tragique dans son impuissance à passer outre les circonstances. La femme va s’envoler pour l’Amérique. L’homme tente de la convaincre de rester, avant de se résigner. « Va », lui dit-il paisiblement. Ce sera le mot de la fin. Elle enfile son manteau, remballe ses cigarettes, prend son sac et sort du plateau.

Un couple se quitte, et Marguerite Duras prend un plaisir certain à en détailler la défaite. Mais le spectacle, lui, fait sécession. Il ne cède pas au drame. Coup de maître de Jacques Weber, qui orchestre une représentation rayonnante, d’une sensualité continue. Cela tient, pour beaucoup, à son choix de confier les rôles de la femme et de l’homme à un duo d’acteurs qui, sans jamais se toucher, savent faire surgir entre eux la masse impalpable du désir. Quand l’un bouge, l’autre le suit de près. Leurs corps sont aimantés. Ce désir n’est pas un concept, une idée vague, un postulat. Il devient le troisième personnage et dicte sa loi sur scène.

A LA DÉLICATE DOUCEUR DE GRÉGORY GADEBOIS S’APPOSE LA NERVOSITÉ FRÉMISSANTE DE STÉPHANE CAILLARD 


A la délicate douceur de Grégory Gadebois s’appose la nervosité frémissante de Stéphane Caillard. Aucun cri ne s’entend, aucune larme ne coule, l’émotion passe par les regards, et la colère se tapit au fond des poches de la veste portée par l’acteur. Il y rive ses poings. A plusieurs reprises, l’homme affirme à la femme qu’il « aurait pu » ou qu’il « devrait » la tuer. L’emploi du conditionnel si cher à Marguerite Duras est un piège.

Comment le moduler sans sacrifier la part concrète du propos tenu ? Grégory Gadebois répond par la simplicité, Stéphane Caillard par la sincérité. Ce qui est fou, c’est que ces deux acteurs se parlent. Ils n’échangent pas les mots d’un texte de théâtre. Ils se parlent vraiment. Ils rompent. La séquence a lieu en direct au Petit-Saint-Martin.

La Musica deuxième, de Marguerite Duras. Mise en scène : Jacques Weber. Au Petit-Saint-Martin, 17, rue René-Boulanger, Paris 10e. Tél. : 01-42-08-00-32.

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October 7, 2018 5:35 PM
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Aubervilliers. De quoi la grève du Théâtre de la Commune est-elle le nom ?

Aubervilliers. De quoi la grève du Théâtre de la Commune est-elle le nom ? | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Marie-José Sirach dans l'Humanité -  Dimanche 7 Octobre 2018



Depuis le 20 septembre, une partie des personnels du CDN d’Aubervilliers a cessé le travail et dénonce des méthodes de management violentes, contre-productives et inefficaces. 
Voilà plus de deux semaines que le théâtre de la Commune est confronté à une grève inédite. Et toujours aucune négociations en vue. La directrice du théâtre Marie-José Malis, s’est exprimée le 26 septembre dernier dans une très longue lettre – cinq pages - dont la lecture laisse pour le moins perplexe tant elle n’apporte pas d’éclairage significatif. « Aujourd’hui une grève étrange agite mon théâtre », écrit-elle en préambule. Cette grève conduirait à « l’invalidation de tout notre travail depuis 4 ans, de ma personne, de ma légitimité, de ma sincérité, de la portée de nos actes etc ». Tout en récusant d’avoir fait preuve « d’une inhumanité managériale » ou se défendant de « vouloir perversement licencier une salariée handicapée », Marie-José Malis s’en prend sans détour à la CGT et plus particulièrement à sa déléguée syndicale, soupçonnée de ne pas adhérer à son projet et même de ne pas supporter la présence des réfugiés accueillis dans le théâtre.  


Le 30 septembre, les grévistes répondent à Marie-José Malis. Leur lettre permet de comprendre que les tensions ne datent pas d’hier. Dès mai 2014, soit quelques mois après la nomination de la directrice, une déléguée du personnel alerte la direction : «certaines des situations évoquées sont des causes potentielles de souffrances au travail, aussi je me permets d'attirer votre attention sur la nécessité de redéfinir une méthodologie ...». La situation exposée dans ce courrier décrit un climat délétère au sein du théâtre. Ainsi, écrivent-ils, lorsque « les critiques adviennent, les décisions autoritaires tombent sans appel. Des services sont restructurés, des salariés se voient retirer des attributions qui leur tenaient à cœur, voient s'éloigner des espoirs confiants d'évolution dans l'entreprise. C’est le temps des premiers départs (non remplacés pour certains), des premiers envols. L'espoir têtu mais vivace d'un grand travail mené en commun faiblit, la peur du bannissement commence ».


Alors, que comprendre ? Un simple conflit de personnes, de vieilles querelles entre une directrice « avant-gardiste » et une CGT rétrograde et conservatrice,  ou, tout simplement, un conflit social qui révèlerait une détérioration des relations au travail au sein de l’entreprise, fût-elle artistique. De quoi la grève au CDN d’Aubervilliers est-elle donc le nom ? De quoi, le refus d’ouvrir des négociations de la part de la direction est-il le symptôme ?     
On ne met pas en scène Shakespeare ou Molière comme on met en boite des petits pois. Simple, basique. Les théâtres seraient-ils pour autant des entreprises à part, sans hiérarchie, sans lien de subordinations, sans conflit ?  Un monde merveilleux en somme… «L’exception culturelle ne vaut pas exception sociale » a cru bon de rappeler Philippe Martinez venu soutenir les grévistes mercredi dernier. Comment ne pas entendre qu’ici comme ailleurs dans n’importe quelle entreprise engageant des hommes et des femmes, il y a bien du travail, de la valeur ajoutée, des volumes d’heures travaillées, des contrats et des conflits d’intérêts. Il ne faut pas être un grand marxiste pour le comprendre, non ? 


Ce qui se passe au théâtre de la Commune d’Aubervilliers est symptomatique de relations sociales et humaines dégradées au sein même de lieux que l’on pensait préservés. Des lieux gangrénées par une idéologie libérale sournoise qui nie le droit à la contradiction, à la complexité des rapports sociaux et donc au conflit. Voilà bien un paradoxe de notre époque que vient illustrer cette situation. D’un côté des valeurs humanistes affichées fièrement et, en même temps, une politique managériale qui emprunte au libéralisme ambiant les plus intransigeantes de ses recettes (vexations, déplacement de poste, etc). Ailleurs, le droit du travail serait un frein à la croissance économique. Ici, il serait un frein à la création…


Les théâtres sont des lieux d’art et de culture. Des lieux de création et de diffusion, d’hospitalité et d’émancipation pour ceux qui les fréquentent au titre de spectateur comme pour ceux qui y travaillent. L’un des derniers endroits où la pensée circule librement, où l’échange, le partage, les désaccords peuvent s’énoncer. Dialogue avec les spectateurs, les artistes, les dramaturges… Mais pas de dialogue social ?


Comment ne pas soupçonner que les conflits au sein des entreprises culturelles à Aubervilliers, à Grenoble et Béthune, ferait finalement les affaires du ministère de la culture et de sa politique de rigueur budgétaire. La politique culturelle à l’emporte-pièce de la rue de Valois laisse présager le pire. Les questions de création, de production, de diffusion, de travail au long court auprès des publics sont ignorées par un ministère qui s’arrangerait très bien de la disparition de quelques centres dramatiques nationaux : trop chers, trop lourds, trop contraignants, trop libres et beaucoup trop de personnels permanents… La mise en concurrence récente de deux théâtres, Théâtre ouvert et le Tarmac, témoigne de cette politique. Tout comme la « création » du Pass culture qui induit l’idée d’un spectateur uniquement consommateur, niant le droit fondamental d’accès à la culture.  


En gardant le silence, en ne répondant pas aux sollicitations de la Mairie d’Aubervilliers qui propose que les deux tutelles (ville et ministère) jouent les médiateurs pour sortir « par le haut » selon les mots de l’adjointe à la culture d’Aubervilliers, le ministère de la Culture tourne le dos à la création et contribue à détricoter cette fameuse exception culturelle…

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October 7, 2018 2:08 PM
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George Dandin ou le Mari confondu de Molière, mise en scène de Jean-Pierre Vincent

George Dandin ou le Mari confondu de Molière, mise en scène de Jean-Pierre Vincent | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello

Crédit photo : Pascal Victor



George Dandin ou le Mari confondu de Molière, mise en scène de Jean-Pierre Vincent

 Dandin dans George Dandin est un niais, un héros-repoussoir pour les mondains du XVII è siècle. Son monologue initial de déploration comique a tout anticipé, mais trop tard:

« Ah! Qu’une femme Demoiselle est une étrange affaire, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les Paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition, et s’allier comme j’ai fait à la maison d’un gentilhomme… George Dandin, George Dandin, vous avez fait une sottise la plus grande du monde. Ma maison m’est effroyable maintenant, et je n’y rentre point sans y trouver quelque chagrin. »

Pour le Grand Divertissement de Versailles de 1668, Molière a préparé avec Lully une pastorale qu’ils entremêlent à la comédie de Georges Dandin ou le Mari confondu, une reprise augmentée de La Jalousie du Barbouillé, farce de jeunesse. La pastorale finit bien, la farce finit mal : les Versaillais se moquent du parvenu puni.

Ce schéma matrimonial, monté par Jean-Pierre Vincent, grand maître en théâtre d’art, ne paraît pas pour le roi et la Cour, digne du monde renversé carnavalesque : un gentilhomme peut condescendre à s’unir à une roturière, l’inverse n’arrive jamais.

L’idée d’un fermier anobli par son mariage avec une aristocrate est inimaginable.

La situation est irréaliste, mais le mépris qu’inspire aux courtisans et à l’aristocratie parisienne la modeste noblesse de campagne leur fait apprécier la fiction incongrue d’une telle union entre la fille d’un couple de hobereaux désargentés et un paysan enrichi, ce qui rend l’idée plus comique encore. Et méchanceté du regard assurée.

Faire rire à propos d’aristocrates campagnards qui ont « vendu » leur fille – Elisabeth Mazev et Alain Rimoux pour le rôle des hobereaux sont magnifiques -, mais faut-il encore une intrigue punissant le paysan croyant à la réalité du monde renversé (Molière, Georges Forestier).

George Dandin découvre l’infidélité de sa femme ; il se plaint auprès de ses beaux-parents mais la situation se retourne à son détriment ; le mari subit, de plus, une humiliation publique. La même séquence se répète dans chacun des trois actes, en créant une sensation de gradation comique, avant l’ultime renversement de situation.

L’Eglise s’indigne, au nom de la morale chrétienne, là où Molière joue dans la gaieté avec les codes moraux et sociaux de la haute aristocratie de la Cour et de la Ville.

La scénographie de Jean-Pierre Chambas est éloquente dans sa pertinence lumineuse, entre le rêve et la réalité triviale : vache à l’étable et foin sur le plateau, d’un côté, fresques murales à l’italienne et vitrail de chapelle, de l’autre.

Olivia Chatain joue Angélique, l’épouse se laissant courtiser par le gentilhomme libertin Clitandre – Iannis Haillet -, innocente et coupable, un modèle d’émancipation.

La faute de la femme libre retombe sur l’ambition du paysan qui a prétendu sortir de son rang et s’est comporté en mari tyrannique, loin de toute libéralité masculine.

Le couple de valets – Claudine, la suivante de l’épouse que joue Aurélie Edeline, et Lubin, l’entremetteur du séducteur libertin, par Anthony Poupard – apporte la verve, le peps d’éveil et de piment requis, le désir et le plaisir de vivre pleinement à travers des relations qui reprennent, de manière grotesque et dégradée, celles des maîtres.

Jusqu’à la fin, le mari est obligé par ses beaux-parents de demander pardon à genoux à sa femme, après avoir déjà demandé pardon à son rival courtisan.

Vincent Garanger dans le rôle du trompé est authentique à travers cette lucidité qu’il acquiert bien trop tard, capable d’analyser les conséquences d’un choix inapproprié.

Il s’adresse à lui-même comme au public auquel il fait face, le regard dirigé droit vers la salle, comme s’il demandait un acquiescement salvateur de son commentaire.

Le costume de Patrice Cauchetier – rose pastel de courtisan et volontairement mal ajusté – va à ravir au personnage dans cette lourdeur et ce manque de tact à vouloir poser.

Et Dandin en est d’autant plus émouvant et attachant qu’il est lié à son valet Colin – le musicien Gabriel Durif qui chante à l’accordéon diatonique des airs traditionnels, et des extraits du Grand divertissement royal de Versailles de Molière et Lully.

Quand apparaît Dandin à sa fenêtre qui croit avoir tout résolu, l’image est belle, le maître est enfin sûr de son pouvoir, régnant depuis les hauteurs de sa demeure, ce qui lui échappe quand il tombe dans le piège du suicide de son épouse infidèle.

Jeu facétieux et subtil des interprètes ; à la fois, rire de la comédie et douleur du rustre à vouloir bousculer les degrés arbitraires de l’échelle sociale -, la leçon ludique de Molière et la mise en scène articulée et patiente de Jean-Pierre Vincent atteignent leur cible.

Véronique Hotte

MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny, du 26 septembre au 7 octobre 2018. Espace des arts Scène nationale Chalon-sur-Saône, du 10 au 12 octobre. Théâtre de Beauvaisis, Scène nationale de l’Oise, les 17 et 18 octobre. Le Granit Scène nationale Belfort, les 6 et 7 novembre.

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October 6, 2018 6:07 PM
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Le théâtre de Nevers rouvre, les zones d'ombre sur l'épisode Coline Serreau demeurent 

Le théâtre de Nevers rouvre, les zones d'ombre sur l'épisode Coline Serreau demeurent  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Dans Le Journal du Centre - édition de Nevers  - 06.10.2018


La saison du théâtre municipal de Nevers démarre ce samedi 6 octobre, sans Coline Serreau. Qui, selon le chef de projet chargé de la rénovation du théâtre, a berné tout le monde. Et le maire a préféré ignorer les alertes de son adjointe à la culture. Retour sur les interrogations en suspens de ce drôle de feuilleton.


En conseil municipal, le 25 septembre dernier, Denis Thuriot a lu une lettre de Coline Serreau qui déclarait « renoncer au projet d’exploitation du théâtre dans le cadre d’une résolution amiable sans contrepartie. » Une façon, pour le maire, de clore cet épisode et de tourner la page.

Relisez notre compte-rendu en direct du conseil municipal

Il ne veut plus en parler, alors que des questions restent aujourd’hui en suspens. Cet épisode a coûté sa place à l'adjointe à la culture, Véronique Lorans, et a lésé un candidat, Olivier Broda, écarté dans des conditions douteuses, comme nous allons le voir, au profit d'un projet avorté avant même d'avoir commencé.

Notre dossier complet sur le théâtre de Nevers

Comment Coline Serreau a rencontré Denis Thuriot ?

C’est Noël Le Riche, ancien chef de projet chargé de la rénovation du théâtre (sa mission a pris fin début juillet) qui a mis en relation le maire de Nevers et la réalisatrice. « Je la connaissais, comme je connais d’autres artistes, grâce à mes anciennes activités à Paris », explique-t-il.

« Elle est venue à la maison un jour et je lui ai fait visiter le théâtre. Elle a été conquise. Elle m’a dit qu’elle rêverait d’avoir un théâtre comme celui-là, que ça lui rappelait son père qui avait dirigé le Théâtre de Babylone à Paris. Je l’ai ensuite présentée à Denis Thuriot et elle a toujours montré le même enthousiasme. Elle parlait de culture citoyenne. Elle avait plein de projets. »

Pourquoi a-t-elle finalement planté la ville ?

Selon Noël le Riche, c’est après la présentation officielle de Coline Serreau et son équipe au palais ducal, en mars dernier, que la situation a pris une mauvaise tournure.

Quand elle a vu que ça n’allait pas comme elle voulait, elle a tout laissé tomber, sans prévenir, sans un mot d’explication.

« Elle s’imaginait sans doute que toutes les portes allaient s’ouvrir, que l’argent allait tomber, que tout serait facile. Au contraire, quand on arrive sur un territoire comme celui-là, il faut faire ses preuves, convaincre, se retrousser les manches. Quand elle a vu que ça n’allait pas comme elle voulait, elle a tout laissé tomber, sans prévenir, sans un mot d’explication. Elle devait prendre son poste en juillet, mais dès fin avril, plus personne n’arrivait à la joindre. Elle n’a pas été réglo. Elle nous a bernés, avec ses beaux discours. »

Ce fiasco aurait-il pu être évité ?

Noël Le Riche plaide l’accident que personne n’aurait vu venir. «Denis Thuriot était sincère dans sa démarche. Il avait en tête le rayonnement de Nevers à l’extérieur. Si un grand joueur français signe à l’USON, c’est bon pour l’image de la ville et ça attire du monde au stade. C’était la même idée en confiant le théâtre à Coline Serreau. Dans cette histoire, le maire est une victime. Nous y avons tous cru. Et nous nous sommes tous fait avoir, le maire comme tout le monde. Coline Serreau nous a pris pour des "beubeus". »

Cependant, les éléments transmis par Véronique Lorans montrent clairement que Denis Thuriot avait été alerté à de nombreuses reprises. Début décembre 2017, en pleine phase d’étude des dossiers pour l’attribution de la gestion du théâtre municipal en délégation de service public, elle remettait au maire un dossier de dix pages intitulé « Comparatif argumenté des offres pour aide à la décision ».

Fiasco annoncé
L’élue pointait, en guise de conclusion, le « risque important pour la ville de Nevers d’un désengagement de la candidate ou pire, d’un engagement dans un premier temps et d’un plantage à court terme. » C’était écrit en rouge, sept mois avant le fiasco de début juillet... Véronique Lorans a fini par envoyer ce document à l’ensemble du groupe Nevers à venir, en mars 2018.

Mais Coline Serreau avait les faveurs de Denis Thuriot depuis plus longtemps. Si Noël Le Riche affirme avoir présenté la réalisatrice au maire début 2017, des mails envoyés par Véronique Lorans à Denis Thuriot dès 2016 attestent que la rencontre était plus ancienne. Dans ces longs messages écrits, l’adjointe fait part de ses inquiétudes. « Coline Serreau a 70 ans, elle n’a rien fait depuis 10 ans (...). Que représente-t-elle dans le paysage de la création théâtrale ? Est-ce vraiment ce que les Neversois attendent ? », écrit-elle par exemple, le 4 décembre 2016.

Véronique Lorans avait-elle un intérêt personnel à défendre la candidature d'Olivier Broda ?

En interne à la mairie, plusieurs personnes mettent en avant la proximité entre Véronique Lorans et Olivier Broda. Jusqu’à son arrivée au conseil municipal en 2014, la première était présidente du Théâtre du temps pluriel, la compagnie artistique dirigée par le second. « Elle aussi voulait placer son candidat à la tête du théâtre », entend-on.

Véronique Lorans s’en défend. « Je connais Olivier Broda depuis longtemps, c’est vrai, mais au moment de la procédure de délégation de service public, j’aurais aimé qu’il y ait en concurrence deux beaux projets pour le théâtre. Si le second avait été meilleur que celui d’Olivier Broda, je me serai inclinée. Celui de Coline Serreau ne tenait pas la route. » Une chose est sûre : les faits lui ont donné raison.

La procédure de délégation de service public a-t-elle été régulière ?

Les documents et mails envoyés par Véronique Lorans, tout comme le témoignage de Noël Le Riche accréditent l’idée que le choix de Coline Serreau était acté bien avant la procédure d’attribution de la délégation, lancée en 2017. Ce qui signifierait qu’Olivier Broda s’est engagé dans une compétition pipée.

Une impression renforcée par la façon dont s’est déroulé l’études des candidatures. En octobre 2017, le dossier d’Olivier Broda a été largement mieux noté que celui de Coline Serreau par les services municipaux. Deux auditions devant la commission ont ensuite confirmé cette appréciation. 

C’est finalement le 17 janvier 2018 que la note de la candidate a été artificiellement remontée, lors d’un mystérieux tour de jury auquel Véronique Lorans n’a pas été conviée. L’une des nombreuses zones d’ombres de cette procédure, que Denis Thuriot n’a jamais voulu éclaircir.

Olivier Broda attaquera-t-il la ville de Nevers ?

La délégation de service public a finalement été annulée lors du conseil municipal du 27 juillet dernier, à cause d’une erreur relevée par la préfecture, relative au montant de l’offre retenue. Une façon pour Denis Thuriot de tirer un trait sur toute cette histoire et d’occulter un point important : il y a eu un candidat lésé.

 
Mais Olivier Broda n’attaquera pas la ville de Nevers en justice. « Je ne me vois pas entrer dans ce genre de procédure interminable. J’ai juste la sensation d’être dans une situation assez inextricable et dans l’incompréhension », nous a-t-il précisé, dans un court message écrit.

Comme pour les articles précédents que nous avons consacrés à la gestion du théâtre, nous avons sollicité Denis Thuriot et Coline Serreau avant la rédaction de cet article, afin de relater leur version des faits. Le maire n’a pas donné suite. Coline Serreau, qui avait ignoré nos messages cet été, a cette fois décroché son téléphone. Pour une réponse laconique : « Je n’ai rien à dire. »

 

Légende photo : 
La saison culturelle du théâtre débute ce soir. Denis Thuriot ne veut plus parler de l’épisode Serreau. Il n’a, cependant, jamais éclairci les nombreux flous de cette procédure ratée. © Frédéric Lonjon

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October 12, 2018 3:09 PM
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La Guadeloupéenne Maryse Condé remporte le « nouveau prix de littérature », alternative au Nobel

La Guadeloupéenne Maryse Condé remporte le « nouveau prix de littérature », alternative au Nobel | Revue de presse théâtre | Scoop.it

LE MONDE | 12.10.2018


L’écrivaine de 81 ans, auteure d’une trentaine de romans portant notamment sur l’esclavage et le colonialisme, a été choisie par un vote populaire.


Souvent pressentie pour le prix Nobel, l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé a remporté vendredi 12 octobre « le nouveau prix de littérature » institué par la « Nouvelle Académie ».

En raison d’un scandale sexuel touchant l’Académie suédoise, à la suite d’accusations d’agressions et de viols portées par dix-huit femmes contre l’époux d’une académicienne, l’institution n’a en effet pas été en mesure de remettre un prix Nobel de littérature pour l’année 2018.

C’est donc pour compenser cette absence qu’a été créé ce nouveau prix, décerné à Maryse Condé. « Dans ses œuvres, avec un langage précis », celle-ci « décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme », a fait valoir la Nouvelle Académie lors de l’annonce du prix à la Bibliothèque publique de Stockholm.

Lire aussi :   Maryse Condé, pourvoyeuse de plaisirs

Née en février 1937 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Maryse Condé a publié une trentaine de romans portant notamment sur l’esclavage et l’Afrique, ainsi que des pièces de théâtre et des essais. Son dernier livre, Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et d’Ivana (éd. JC Lattès), est paru en 2017, deux ans après Mets et Merveilles, qu’elle avait annoncé comme son ultime ouvrage.

« Je suis très heureuse et très fière d’avoir ce prix, mais permettez-moi de le partager avec ma famille, avec mes amis et surtout avec tous les gens de la Guadeloupe […] qui seront émus et heureux de me voir récompensée », a-t-elle réagi dans une vidéo, peu après l’annonce.

Financement participatif et mécénat
Maryse Condé a été désignée parmi une liste établie par quarante-sept bibliothécaires suédois, ensuite ramenée à quatre noms par un vote populaire (33 000 contributions, selon les organisateurs) : la Française Maryse Condé, le Britannique Neil Gaiman, la Québécoise Kim Thúy et le Japonais Haruki Murakami. Celui-ci, favori dans la course au Nobel, a demandé à être retiré de la liste, préférant « se concentrer sur l’écriture, loin de l’attention des médias ».

Quatre jurés — une éditrice, une professeure de littérature, un critique littéraire et la directrice d’une bibliothèque, tous suédois — ont ensuite été chargés de désigner le lauréat final.

Le prix — un million de couronnes (environ 97 000 euros), soit un peu plus du dixième du chèque perçu par les lauréats d’un Nobel — est doté par financement participatif et mécénat.

Il sera remis le 9 décembre, la veille du banquet des Nobel, traditionnellement dressé à l’hôtel de ville de Stockholm en l’honneur des lauréats de l’année (physique, chimie, médecine, littérature, économie, outre le prix de la paix, décerné à Oslo), en présence de la lauréate.

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October 11, 2018 7:00 PM
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Carole Karemera, j’irai le dire chez vous

Carole Karemera, j’irai le dire chez vous | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Aurélie Charon dans Libération 12.11.2018

 

Auteure d’une pièce «chez l’habitant» qui réunit en Seine-Saint-Denis des paroles de femmes vivant à Bruxelles, Kigali ou Sevran, l’artiste développe au Rwanda le Ishyo Arts Centre, un théâtre sans lieu destiné à investir l’espace public, pas cicatrisé depuis le génocide de 1994.

 

Il y a des vies qui résistent à la fiction. Quand la réalité a percuté trop brutalement les esprits, ils n’ont plus confiance en aucune histoire, les portes se sont fermées. Au Café Bourbon de Nyarutarama, près de Kigali, sorte de Starbucks local, Carole Karemera avoue n’avoir toujours pas de salle de spectacle. Pourtant elle peut observer chaque colline et cocher mentalement tous les lieux où elle a joué : maisons, bars, restaurants, rues. Elle tente avec le théâtre de cicatriser un territoire, petit pays où sans confiance, l’art n’aurait pas pu revenir : avant le génocide de 1994, certains artistes ont participé à la propagande : «Etre artiste n’était pas aussi beau et innocent que j’imaginais, ce n’est pas anodin ici.»

Le Kigali qu’on dévale en taxi-moto de colline en colline, Carole Karemera l’a découvert en 1996 avec colère et incompréhension, avant de s’installer au Rwanda en 2005, plus apaisée. Carole Karemera est née en 1975 en Belgique de parents exilés, on a pu la voir comme comédienne chez Peter Brook, elle s’était révélée auparavant dans la pièce Rwanda 94 de Jacques Delcuvellerie - œuvre gigantesque et incontournable dans la réflexion sur le génocide rwandais. Depuis son arrivée au Rwanda, elle semble répondre en action à un ancien ministre de la Culture qui, à sa question «Pourquoi n’y a-t-il pas de théâtre à Kigali ?», lui avait renvoyé : «Est-ce qu’il existe un public ?» Avec sept autres femmes en 2006, elle crée le Ishyo Arts Centre, et ses questionnements ont rencontré ceux de Valérie Suner, directrice de la Poudrerie en Seine-Saint-Denis (lire ci-contre) - une structure entièrement consacrée au participatif et au théâtre «à domicile» -, créant un détonnant axe Sevran-Kigali.

Bibliothèques mobiles

«Je suis à Kigali, Valérie de Sevran m’appelle et me dit : "Je suis à la tête d’un théâtre qui n’a pas de lieu ! Tu veux venir ?" J’ai dit oui tout de suite.» La première pièce à domicile qu’elle imagine pour Sevran s’appelle We Call It Love : une femme va à la rencontre de celui qui a tué son fils. Une histoire inspirée d’un fait réel, écrite par le Sénégalais Felwine Sarr. «On s’est demandé comment on fait pour mettre une pièce dans 8 m2, ce n’est pas rien d’avoir trois Rwandais qui débarquent à la maison, qui poussent tous les meubles et posent l’histoire du génocide chez toi.» C’était la première fois que la Poudrerie accueillait une compagnie étrangère, et pour une fois, le Rwanda n’était pas dans la télévision mais prenait place dans le salon, en chair et en os.

 

Pour le festival organisé par Valérie Suner, c’est la pièce Murs-Murs qu’elle vient présenter dans les maisons, d’après un texte de la Nigériane Zainabu Jallo et des entretiens menés avec des femmes de Kigali. Carole Karemera questionne les générations qu’elle ne croise qu’aux mariages et aux enterrements : il reste quoi de la culture traditionnelle, dans ce pays en transformation ? «Quand on racontait en France qu’au Rwanda, nous, les femmes, on a pris le pouvoir, les gens étaient sceptiques. Oui, on a une majorité de femmes au Parlement, on a des femmes d’affaires, des ministres, on voulait aussi parler de ça.» L’an dernier à Kigali, elle a fait venir le travail de la Poudrerie de Sevran : le théâtre en appartement. «Ce n’était pas évident, on n’ouvre pas notre porte à n’importe qui, après ce qui s’est passé en 1994.» Au début, c’est une annonce publiée sur Facebook, le projet s’appelle «Home Sweet Home» : «Vous avez envie d’accueillir une pièce de théâtre chez vous ? C’est gratuit, on apporte les chaises, tout ! Il faut juste pousser les meubles.» Rien pendant des semaines, aucune réponse. Petit à petit certains ont dit oui, avant de redire non, «on n’est pas sûrs d’avoir compris», puis ont accepté.

 

A LIRE AUSSI: Sevran se surpasse au salon

 

Pour la première édition, elles ont joué dans sept maisons, toutes classes sociales confondues : «Jusqu’à aller dans une maison au milieu des bananeraies à la sortie de Kigali, chez trois jeunes sœurs rescapées du génocide qui nous ont ouvert leurs portes, et ont accueilli parmi le public des dames de 80 ans. Elles disaient : "Tiens, on a des mamans chez nous."»

 

Un théâtre sans lieu, c’est le quotidien à Kigali. Dans le pays moderne du président Paul Kagame qui le rêve en «petit Singapour», la culture n’est pas à l’ordre du jour. Il y a eu l’option de jouer dans un hôtel, «mais tout le monde ne peut pas entrer : pas les bonnes chaussures, pas la bonne veste, et on devait faire payer 10 euros la place.» Tout a commencé par des bibliothèques mobiles : le bibliobus a tourné dans les collines et les écoles, et les parents ont demandé : «Et nous ?» C’est là que Carole Karemera décide d’investir les bars et les restaurants. A l’époque, ça permet de brouiller la division des quartiers : «Ceux qui revenaient du Burundi étaient à Remera, les anciens d’Ouganda dans le quartier de Nyamirambo, ils ne traversaient pas la ville. Alors on jouait partout, pour dire : circulez !» Les pièces durent vingt-cinq minutes, les thématiques sont directes : la sexualité des Rwandais, l’infidélité, tout ce qui se passe dans les maisons sans qu’on n’en parle. «On voulait rire des tabous, les gens se cachaient le visage avec les mains !»

Créer une émotion

En 2014, c’est une nouvelle étape : la rue. La comédienne ose poser la question de l’espace public dans un pays encore traumatisé par les attroupements non autorisés : «C’était difficile d’expliquer à la mairie, à la police : "On va faire du théâtre. Tout le monde peut venir. Sans s’inscrire." On se demandait : "Est-ce que le théâtre des atrocités d’hier peut devenir un théâtre d’autre chose aujourd’hui ?" C’est là, dans la rue, que des gens étaient tués, d’autres regardaient, certains fermaient leurs fenêtres… Ça reste un espace à questionner.»

 

Elle avoue : «On n’a pas choisi des pièces faciles !» La dernière création, Hier, demain et après-demain, était une traversée des voix de rescapés du XXe siècle, depuis Erevan en passant par la Bosnie. Carole Karemera veut que les spectateurs aient une émotion, quitte à entrer dans la matière de façon directe, et à évoquer le génocide. «On n’est pas un peuple qui parle très fort, on n’expose pas ce qu’on pense facilement, il faut le faire avec cette pudeur-là. Mais on se disait qu’il faut que les gens puissent vivre ça, sinon ça va exploser.» Dans la rue ça parle, ça commente. «Comme les gens n’ont pas encore l’habitude, ils se disent : "Qui me voit ? Qui est là ? Si je ris, qui me voit rire ?" les gens s’observent observant un spectacle.»

 

Aujourd’hui, le gouvernement ne s’étonne plus quand Carole Karemera demande «une rue» pour jouer. Elle transforme régulièrement la bibliothèque publique de Kigali en théâtre, et rêve d’une vraie salle de spectacle «sans construire non plus des murs entre nous». Tout est déjà écrit : les plans sont faits, le business-plan aussi. «Quand on construira un lieu, il ne faudra pas perdre ce qu’on a appris dehors, quand on s’est retrouvés à la rue.» En attendant, les salons de Kigali et de Sevran partagent de nouvelles fictions.

 

 

Aurélie Charon Envoyée spéciale à Kigali (Rwanda) Photo Ludovic Carême

Murs-Murs m.s. Carole Karemera et Ishyo Arts Centre de Kigali, dans le cadre du festival de théâtre à domicile, du 12 au 14 octobre, la Poudrerie à Sevran (93).

 

http://www.theatredelapoudrerie.fr/project/murs-murs-carole-karemera-et-natacha-muziramakenga-ishyo-arts-centre/

 

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October 11, 2018 3:20 PM
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«H2-Hébron», éternel carrefour des incompréhensions 

«H2-Hébron», éternel carrefour des incompréhensions  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Ève Beauvallet dans Libération — 11 octobre 2018


Le duo Winter Family propose une saisissante visite guidée de la ville occupée par les Israéliens, où s’entrelacent dans une même voix passionnée les témoignages glanés sur place auprès de tous les protagonistes.


Nous sommes tous ici des «touristes d’occupation» et nous sommes complètement perdus. La faute à cette guide qui nous fait virtuellement visiter la ville d’Hébron : son récit est contradictoire, voire totalement schizophrène. Sur les dates, et quelques chiffres, elle est plutôt claire : Hébron est la plus grande ville palestinienne de Cisjordanie (200 000 habitants), située à une trentaine de kilomètres de Jérusalem. Elle est connue comme une des plus anciennes cités habitées au monde, renfermant les trésors patrimoniaux des trois religions monothéistes. Sa particularité est aussi d’être la seule dont les colonies israéliennes soient installées à l’intérieur même de la ville, et d’être ainsi le théâtre d’un affrontement aberrant, qui voit des enfants de 5 ans des deux communautés se cracher dessus quotidiennement.

Maquettes.
On nous rappelle aussi qu’Hébron est divisée en «H1», sous occupation palestinienne, et en «H2», sous occupation israélienne, là où 2 000 soldats veillent sur environ 200 colons. «Un microcosme de l’occupation», résume notre guide, pendant qu’elle reconstitue progressivement, sur la scène du Vooruit, à Gand, où la pièce pièce a été créée, «sa» ville à l’aide de petites maquettes. Et on la croit sur parole. Jusqu’à ce que sa présentation devienne franchement louche, comme si plusieurs points de vue cohabitaient dans sa bouche. Ainsi le rabbin Baruch Goldstein est-il présenté tantôt comme un saint, un «très bon médecin», «à l’âme pure», tantôt comme le fanatique qui entra dans la mosquée d’Ibrahimi (qu’elle appelle aussi parfois le «Tombeau des Patriarches») pendant la prière du ramadan en 1994, tira sur la foule et laissa 29 Palestiniens morts et 133 autres blessés.

Alors on s’interroge : qui parle exactement, à travers cette femme qui s’agite au milieu des spectateurs ? Le camp des Palestiniens, celui des colons, celui de l’armée israélienne ou celui des organisations internationales chargées d’observer en toute neutralité et de rédiger des rapports sur une des plus inflammables situations d’occupation qui soit ? Les quatre précisément, et l’étrange polyphonie qu’on décèle progressivement au cœur de ce monologue d’une heures trente fait de H2-Hébron un documentaire à part.

Ruth Rosenthal et Xavier Klaine, les deux artistes de Winter Family (qui est aussi un groupe de musique travaillant entre Paris et Tel-Aviv), sont allés rencontrer une amie d’enfance de Ruth installée dans la colonie la plus enfoncée d’Hébron avec ses onze enfants, son mari colon activiste, et des militaires qui les surveillent nuit et jour. De cette immersion au cœur de la zone fantôme d’Hébron, cette rue Shuhada entièrement vidée de ses occupants palestiniens par crainte des représailles à la suite du massacre de 1994, ils sont revenus avec 500 pages d’entretiens, menés auprès d’observateurs, de leaders colons, de membres de la résistance palestinienne, de leaders de l’OLP d’Hébron, des militaires et ex-militaires israéliens présents dans la zone.

Métaphore.
Une lecture brute de ces témoignages aurait suffi à captiver, tant semble effroyablement absurde la guerre archéologique menée à Hébron - pour justifier qui était là avant l’autre - ou le fantasme identitaro-mystique dont la ville est l’objet. Mais ce qui nous fait basculer du documentaire à l’œuvre d’art, c’est le choix du canal de transmission des témoignages. Non seulement il n’y a qu’une seule actrice - très charismatique Ruth Rosenthal - pour incarner des points de vue antagonistes (et non quatre acteurs différents chargés de quatre rôles distincts), mais surtout cette actrice prend bien le soin d’embrouiller les pistes en jouant toutes les voix de la même manière. Même engagement, même sincérité, sans jamais laisser poindre aucun jugement. De sorte qu’il est quasi impossible pour le spectateur de toujours savoir précisément quel «camp» parle à quel moment. La métaphore est simple et belle : ces paroles qui coexistent sans pouvoir dialoguer sont peut-être irréconciliables, elles n’en appartiennent pas moins à un même corps.

Ève Beauvallet

 


conception, recherche, entretiens, mise en scène et scénographie scénographie Ruth Rosenthal & Xavier Klaine / avec Ruth Rosenthal / modélisation et maquette Quentin Brichet (impression Made It­Genève) / lumières et régie générale Julienne Rochereau /  vidéo Olivier Perola / enregistrements, diffusion Xavier Klaine /  ingénieur son Sébastien Tondo, Anne Laurin / collaboration artistique Yael Perlman,  Jérôme Vernez, Eric Fesneau / traduction version anglaise Tamar Liza Cohen /  production Winter Family / en coproduction avec le Vooruit-­Gand, le théâtre Nanterre-­Amandiers, MC93-­ Maison de la Culture de Seine-­Saint-Denis, le TNB de Rennes, le Théâtre Vidy-­Lausanne, le centre culturel ABC de La Chaux--de-Fonds, avec le soutien de  la Fonderie, Le Mans avec l’aide à la création de la DRAC Ile-­de-France.

 


H2-Hébron de Winter Family Du 13 au 19 octobre au Théâtre Nanterre-Amandiers (92), du 8 au 10 novembre au Théâtre National de Bretagne, Rennes (35), du 21 au 30 novembre au Théâtre Vidy, Lausanne, le 7 décembre au POC, Alfortville (94), les 18 et 19 janvier au CDN, Orléans (45), du 13 au 16 février à la MC93, Bobigny.

 

Crédit photo : Shlomi Yosef

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October 10, 2018 8:15 PM
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Théâtre : Marie-Sophie Ferdane, une « Dame aux camélias » de son temps

Théâtre : Marie-Sophie Ferdane, une « Dame aux camélias » de son temps | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde   10.10.2018 

 


L’actrice donne une dimension tragique au personnage de Marguerite Gautier.


La nouvelle « Dame aux camélias », c’est elle : Marie-Sophie Ferdane. Une grande gigue dégingandée, à des années-lumière de l’image – du cliché – que l’on a de l’héroïne de Dumas en jolie petite chose souffreteuse, se sacrifiant pour l’amour d’un homme. C’est Marguerite Gautier, c’est Dumas, c’est La Traviata : un mythe, national et universel. Que le metteur en scène Arthur Nauzyciel renouvelle totalement, et qui met dans la lumière une actrice restée discrète jusque-là, malgré un ­parcours exemplaire.

Lire la critique de « La Dame aux camélias » :   Une agonie par asphyxie

Elle en rit, un jour de rencontre entre deux trains – créé à Rennes, où Arthur Nauzyciel dirige le Théâtre national de Bretagne (TNB), le spectacle est présenté au théâtre Les Gémeaux, à Sceaux, du 11 au 21 octobre, avant de partir pour une longue tournée. Pas star pour un sou, timide, presque farouche, et pourtant classe comme une actrice du grand Hollywood, comme si flottaient autour d’elle des réminiscences de Greta Garbo, de Lauren Bacall ou de Katharine Hepburn.

Lire le compte-rendu :   Arthur Nauzyciel nommé directeur du Théâtre national de Bretagne

Comme elles, Marie-Sophie ­Ferdane cultive une certaine androgynie, qui bouscule les codes de la féminité tels que les a établis le XIXe siècle de Marguerite Gautier. Quatrième et dernière d’une fratrie de sœurs, elle a été « un peu le garçon de la famille », dans son enfance à la campagne, près de Grenoble. Une enfance dans les livres, dans « le monde solitaire et secret » de la littérature, qu’elle n’a plus quitté : « J’adorais notamment la littérature médiévale, ses mythes et ses images : le sang sur la neige, le Graal… Ces images ­extrêmement condensées qui, du coup, conservent un secret qui ­traverse le temps. »

« Continuer à rêver »
Comme elle voulait « continuer à rêver », elle a fait des études littéraires brillantes. Son parcours peut faire peur, dans notre époque où l’anti-intellectualisme fait florès : Ecole normale supérieure, agrégation de lettres modernes. Une fille sérieuse, qui se laisse embringuer dans les matchs d’improvisation et le club théâtre de Normale sup. Le jour où elle est reçue à l’agrégation, elle décide de tout arrêter, et de se lancer dans le théâtre. Elle vient de jouer Les Bonnes, de Jean Genet, avec le groupe amateur de l’école, elle traîne dans le décor, au lendemain de la dernière, elle ne veut plus quitter cette réalité-là du théâtre, qui se crée, s’enfuit et se recrée.

En bonne élève, elle intègre une autre grande école : l’Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt) de Lyon, où elle fait la rencontre, décisive, de la comédienne Nada Strancar, une des maîtresses de l’art du jeu en France. « Elle était porteuse de toute la tradition d’Antoine Vitez, et nous faisait travailler comme elle avait travaillé avec lui, dans une grande liberté. Les filles jouaient des rôles d’hommes, et inversement. Elle voulait que les filles soient puissantes, qu’elles s’affirment. »

MARIE-SOPHIE FERDANE, ACTRICE : « ETRE VUE, REGARDÉE PAR LES GENS À LONGUEUR DE JOURNÉE, C’EST TRÈS ­VIOLENT COMME EXPÉRIENCE »


Nada Strancar a contribué à libérer la grande sauterelle timide, qui arrive à l’école en « analphabète du corps ». « Ce n’est pas rien de monter sur une scène, d’être exposée de cette manière-là, constate-t-elle. Le passage peut être brutal ­entre le rêve, la poésie, et le fait de devoir les porter avec son corps, bien debout sur vos deux jambes. Etre vue, regardée par les gens à longueur de journée, c’est très ­violent comme expérience. »

Marie-Sophie Ferdane en gardera une certaine gaucherie, celle des filles qui s’excusent de dominer le monde d’une tête sans avoir rien fait pour mériter ça, mais elle apprend avec Nada Strancar à maîtriser cet instrument bien particulier : « C’était une découverte fabuleuse pour moi que le corps puisse être un outil de précision à ce point. Qu’il est lisible, que vous donnez à lire par la netteté de ce que vous ­dégagez, de ce que vous choisissez d’exprimer. »

« Un formidable accélérateur de formation »
Et très vite elle joue des rôles importants. Christian Schiaretti l’engage pour son Opéra de quat’sous, de Brecht, et joue sur son côté héroïne de film noir des années 1940. Jean-Louis Martinelli, lui, la voit en héroïne tragique, déjà, et fait d’elle une superbe Bérénice. Et Lukas Hemleb lui propose de ­venir jouer Célimène dans Le Misanthrope qu’il monte au Français, en 2007. « Je ne connaissais rien à la Comédie-Française, je pensais que j’allais repartir au bout de deux mois », s’amuse-t-elle.

Elle passe sept ans dans la Maison de Molière, tout en y restant foncièrement hétérogène, dans ces années sous l’administration de Muriel Mayette, qui ne furent pas les plus glorieuses. Et elle finit par en partir, en 2013. « J’ai beaucoup appris au Français, dit-elle. C’est un formidable accélérateur de formation parce qu’on y joue beaucoup, et des choses difficiles. Mais c’est compliqué d’être positionné comme un pion sur un échiquier. Pour moi, c’est fondamental de pouvoir choisir dans quoi on met sa vie, ses rêves, ses forces, son temps… L’instrument, pour nous, les acteurs, n’est pas en dehors de soi, c’est soi. Il vaut donc mieux être certain que vous allez brûler dans le même sens que les gens avec qui vous allez passer un moment de vie… »

C’est Arthur Nauzyciel qui lui ouvre les portes d’un théâtre beaucoup plus cher à son cœur, en lui proposant, en 2012, de jouer Nina dans La Mouette, de Tchekhov, pour la Cour d’honneur du Palais des papes, au Festival d’Avignon, puis pour une tournée qui durera trois ans. Ce rôle mythique de jeune actrice brisée dans son envol vers l’art, elle le ­décale, là encore, par rapport aux représentations habituelles, en y mettant une intensité inoubliable : une Mouette brune, aux ­cheveux courts, une guerrière se battant pour sa liberté. Un tournant.

MARIE-SOPHIE FERDANE, ACTRICE : « TRÈS VITE, ON GOMME LE CÔTÉ COURTISANE, POUR EN FAIRE UNE GRANDE AMOUREUSE. ET CE GLISSEMENT EST UN PEU ÉCŒURANT »


Il traîne autour d’elle un parfum de romanesque qui vient aussi bien de son amour pour la littérature médiévale que pour celle du XIXe siècle, mais Marie-Sophie Ferdane est aussi une femme bien de son temps, capable de jouer Patti Smith sous la direction de Marc Lainé, et très aiguë sur les questions qui traversent la société.

Cette Dame aux camélias en atteste, qui offre une vision nouvelle dans sa manière de se ressaisir du mythe de Marguerite ­Gautier. « Il y a eu un glissement progressif dans la représentation, observe la comédienne, entre le roman, la pièce et l’opéra. On voit bien comment, très vite, on gomme le côté courtisane, pour en faire une grande amoureuse. Et ce glissement est un peu écœurant, parce qu’il nie toute la dimension sociale de l’histoire. Au départ, Marguerite Gautier, c’est une ­gamine qui vient de son village, et qui est prostituée par son père à l’âge de 12 ans. Le roman décrit une réalité beaucoup plus crue que la pièce, celle de la prostitution notamment, les figures y sont plus rudes, notamment les personnages de femmes, dont l’aspiration finale n’est pas forcément de faire un beau mariage. »

En choisissant Marie-Sophie Ferdane, son grand corps, son incandescence, sa tête bien faite et bien pleine, Arthur Nauzyciel signait déjà sa Dame. Une Dame puissante, héroïne sacrifiée plus que victime, dans ce qui est une tragédie et pas un mélodrame. « Une tragédie parce que Marguerite est au cœur d’un sacrifice, et que, si elle l’accepte, c’est parce qu’elle a conscience du peu de valeur qu’elle a dans cette société-là. Prostituée, sans parents, sans mari, sans enfants, elle ne vaut rien – et elle le sait. C’est cette conscience que sa vie ne vaut rien qui fait encore vibrer. Parce que l’on peut toujours le dire calmement aujourd’hui, qu’une vie de femme ne vaut rien, non ? »

« La Dame aux camélias » : une Marguerite plus ou moins morale
En 1848, Alexandre Dumas fils, inspiré par son amour pour la courtisane Marie Duplessis, publie son roman La Dame aux camélias. Le succès est tel qu’on lui demande bien vite une adaptation pour le théâtre. Mais Dumas doit édulcorer sa Dame pour le passage à la scène après des démêlés avec la censure, la réalité décrite dans le roman étant trop amorale pour le théâtre bourgeois de l’époque. Il a donc entouré Marguerite d’une odeur de sainteté pour pouvoir faire jouer sa pièce, enfin, en 1852. Arthur Nauzyciel et Valérie Mréjen (qui signe avec le metteur en scène l’adaptation du texte) ont tressé ensemble les deux versions, pour mieux mettre en regard la crudité du texte originel et la fin choisie pour la pièce, où Marguerite meurt dans les bras de son amant, offrant ainsi une de ces réparations à la mort qu’Arthur Nauzyciel aime à mettre en scène dans son théâtre.

La Dame aux camélias, d’après Alexandre Dumas fils. Mise en scène : Arthur Nauzyciel. Théâtre Les Gémeaux, à Sceaux (Hauts-de-Seine), jusqu’au 21 octobre. Tél. : 01-46-61-36-67. Puis tournée jusqu’en mai 2019 à Valence, Reims, Clermont-Ferrand, Tarbes, Lyon, Nice…

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October 10, 2018 6:51 PM
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Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein

Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 10.10. 2018

Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein

La compagnie singulière du Theater Meschugge dont l’âme est la marionnettiste – metteure en scène et interprète – Ilka Schönbein, accompagnée par les musiciennes Alexandra Lupidi et Suska Kanzler, atteint une perfection technique et poétique qu’on pensait définitive mais qui n’en finit pas de se montrer infiniment perfectible.

Un art du théâtre d’objet dont la manipulation se révèle délicate, subtile et précise.

Figure majeure de la marionnette contemporaine, Ilka Schönbein a renouvelé la discipline en développant la marionnette corporelle et la technique du corps-castelet.

Assise sur un petit tabouret qui peut tourner pour l’apparition d’une image nouvelle, l’artiste s’emploie, sous les lumières magnifiques d’Anja Schimanski, à raconter des univers fantastiques et merveilleux, empreints d’horreur et d’effroi éternels souvent, mais qu’une manière personnelle inventive transfigure, au-delà des premiers troubles, en instants de joie lumineuse, de comique franc et d’ironie bienveillante.

Portant une paire de gants blancs – matière claire imitant le calcaire -, simulant l’image inattendue de deux longues mains fines aux os squelettiques, l’interprète fait vivre, face au public ravi, un animal marin dont la tête légère et mobile est clairement séparée du reste du corps, comme détachée et dansant dans les airs, en errance dans le chaos de l’univers, attirée encore par le reste de ses membres, tel un aimant.

On imagine une méduse qui aurait des os articulés, un crabe ou une araignée, une pieuvre encore avec ses tentacules multiples : l’imaginaire du spectateur s’emporte, suivant le souvenir d’animaux mythiques et le rappel de matériaux archéologiques.

Imprégnée des contes traditionnels et des Fables de La Fontaine, la marionnettiste évoque deux célèbres commères, la cigale et la fourmi, l’une heureuse et imprévoyante, et l’autre, plus stable et assurée « socialement », une triste prêteuse.

La cigale aux longues pattes blanches danse et fait ses cabrioles sous les yeux de sa voisine rigide qui ne connaît guère l’épanouissement du corps. Et puisque la cigale a chanté tout l’été, la taiseuse lui répond :  » Eh bien, Dansez maintenant. »

Plus tard, la créature issue du corps et des mains de la manipulatrice, quitte l’animalité pour rejoindre la mémoire de silhouettes humaines – station debout. Naissance de l’être, de métamorphose en métamorphose, jusqu’à l’existence.

Aussi voit-on la méchante reine de Blanche-Neige et les sept nains, s’admirant en son miroir et demandant à celui-ci le nom de la plus belle en ce monde : « Blanche-Neige » est la réponse rituelle, fatale à la belle-mère et sorcière jouée par l’artiste.

L’effigie miniaturisée de Blanche-Neige se coule dans les bras et les mains de l’interprète.

La jolie jeune fille du conte célèbre est d’ailleurs « reprise », saisie crûment dans la tentation éprouvée de croquer la pomme rouge et vénéneuse, préparée par la reine.

Dans les bras paternels du roi, se joue également un jeu dangereux de manipulation et de soumission imposé à la fillette qui finira pas se délivrer de tous les jougs – père et belle-mère – pour n’être plus qu’elle-même.

Sous les musiques et les chansons entêtantes d’Alexandra Lupidi et de Suska Kanzler, l’enchantement de ces fragments et morceaux choisis perdure.

Mouvements précis entre apparitions et disparitions, jeu du caché et du montré, surgissement de créatures à la fois invraisemblables et identifiables, le public prend conscience d’accéder à l’immensité onirique et poétique de l’existence, à partir des contes d’enfance et des peurs afférentes qui reviennent à la mémoire – de beaux souvenirs enfouis d’effroi et de plaisir -, une ouverture au monde et à sa découverte.

Véronique Hotte

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette – 73 rue Mouffetard 75005 Paris, du 5 au 17 octobre 2018, mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h. Tél :01 84 79 44 44

Légende photo : Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein
Crédit photo : Marinette Delanné

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October 9, 2018 8:17 PM
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"Youpi au théâtre": une cantine engagée à Gennevilliers - 

"Youpi au théâtre": une cantine engagée à Gennevilliers -  | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par François-Régis Gaudry, dans L'Express publié le 08/10/2018 

 

Cliquer ici pour l'article original avec les photos alléchantes !

De la gastronomie populaire à prix accessibles dans un lieu culturel : c'est le nouveau pari du chef Patrice Gelbard.


Si l'intelligentsia parisienne n'hésite pas à traverser le périph pour un strapontin au théâtre de Gennevilliers, les habitants de cette commune populaire, eux, semblent un peu intimidés devant cet îlot de création contemporaine à la réputation internationale. Depuis son arrivée, en 2017, son nouveau directeur, Daniel Jeanneteau, affiche la ferme intention de réancrer ce grand paquebot des années 1930 dans la vie locale. Et ça marche ! Les Gennevillois ont désormais accès à des ateliers d'art dramatique et ils participent même à des mises en scène. Depuis quelques jours, le "T2G" est le théâtre d'une autre initiative d'ouverture : une cantine engagée dans le grand hall, à côté de la billetterie.  

La nouvelle cantine du T2G justifie une traversée du périphérique.François-Régis Gaudry
Patrice Gelbard aux fourneaux : on ne pouvait pas rêver meilleur casting. Ce cuisinier à la voix de rocaille n'a pas attendu le débat sur le glyphosate pour se forger des convictions. Dès 1998, sous l'influence de la famille Plageoles, partisane des cépages anciens à Gaillac, il fait cohabiter produits paysans et vins naturels sous les cieux ensoleillés du Tarn, dans son restaurant "Aux Berges du Cérou".  

Poulpe et purée à l'encre de seiche.

Après quelques incursions remarquées à Paris avec son complice Stéphane Camboulive - Le Verre volé (Paris Xe), Youpi et Voilà (Paris Xe), les Caves de Prague (Paris XIIe)... - ce militant de Slow Food et de l'association Minga (des citoyens engagés dans une économie de proximité et de qualité) creuse, extra-muros, le sillon d'une gastronomie humaniste. Concrètement ? Des tables d'hôtes en bois massif, des chaises d'école, des couverts en libre-service, une ardoise courte et saisonnière, et des prix ostensiblement démocratiques. 

Demi-courge butternut rôtie au four, feta, poire, haddock et pousses sauvages.


Ce jour-là, on dégustait, entre un lecteur de manga et deux riverains en pause casse-croûte, trois assiettes débordant de bonnes intentions : une demi-courge butternut rôtie au four, à la pulpe sucrée et fondante, relevée de miettes de feta, de lamelles de poire, de lichettes de haddock, de graines de courge et de pousses sauvages ; une poulette du Béarn bien dans sa peau dorée, et ravie de partager le couvert avec une purée de haricots maïs et une demi-aubergine confite. Combien, la formule du jour ? 13,50 € ! Et 17 € si vous ajoutez ce clafoutis aux quetsches, très convaincant dans sa simplicité ménagère.  

Il aurait été dommage de repartir sans avoir goûté à ce clafoutis aux quetsches.


Les produits issus de l'agriculture vivante, sourcés de Terroirs d'avenir (Paris IIe) au Zingam (Paris XIe), en passant par le Collectif percheron, n'ont jamais été aussi heureux de jouer au théâtre de Gennevilliers... En attendant que les légumes, les herbes et les petits fruits du potager en permaculture aménagé sur le toit entrent en scène ! 

La note de L'Express : 4/4


LES MARQUEURS
Le pain : Une miche au levain bio de la boulangerie Madeleine, à Asnières-sur-Seine. 

Le vin : Le malbec de Thomas Raynal et Mathieu Cosse, à Cahors, 21 €, la bouteille. La carte des vins est en construction, mais Plageoles à Gaillac a déjà la part belle. 

Le café : Un arabica d'altitude bio du Pérou, 1,50 €. 

 

Légende photo : Le duo Patrice Gelbard et Stéphane Camboulive, sur la scène de Youpi au théâtre. Photo :  François-Régis Gaudry

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October 9, 2018 7:02 PM
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Michel Bouquet revient au théâtre dans le rôle d'Albert Einstein

Michel Bouquet revient au théâtre dans le rôle d'Albert Einstein | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot  dans Le Figaro Publié le 09/10/2018

Le 1er février prochain le grand interprète qui aura eu 93 ans le 6 novembre prochain sera sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées pour interpréter le savant dans la pièce de Laurent Seksik Le Cas Eduard Einstein.

Il l'a souvent dit: sa vie, c'est le théâtre. Sa vie, ce sont les planches. Michel Bouquet, qui fêtera ses 93 ans le 6 novembre prochain, jouera le rôle d'Albert Einstein dans une pièce de l'écrivain et dramaturge Laurent Seksik, Le Cas Eduard Einstein. Il sera en scène en compagnie de sa femme, la comédienne Juliette Carré, qui a très souvent été associée à ses aventures théâtrales.

Michel Bouquet a joué, la saison dernière, le rôle d'Orgon dans Le Tartuffe de Molière au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Michel Fau signait la mise en scène et interprétait le rôle-titre. Le 1er février prochain, ce grand artiste que le trac n'a jamais abandonné, sera en scène pour incarner Albert Einstein, face à une tragédie personnelle: la maladie mentale de son fils Eduard.

«Le seul problème sans solution»
Laurent Seksik a publié un ouvrage sur ce sujet il y a cinq ans, sous le même titre, Le Cas Eduard Einstein. Michel Bouquet a beaucoup aimé ce livre, bouleversé par le drame épouvantable que cela a représenté pour toute la famille Einstein et sensible au talent de l'auteur. Albert Einstein le disait : «Mon fils est le seul problème qui demeure sans solution».

Dans le livre de Laurent Seksik, on entend trois voix, celle du père, prix Nobel de physique en 1921, celle de la mère, sa première femme si dévouée, Mileva, et celle d'Eduard. Seksik a lui-même adapté son livre pour la scène. Le fils cadet d'Albert fut interné dès 1930, à l'âge de 20 ans. Il fut déclaré schizophrène. Son père, qui partit pour Princeton en 1933, ne le revit jamais.

Une tragédie en deux actes. Pour le moment, le comédien qui jouera Eduard n'a pas été choisi. La mise en scène sera assurée par Laurent Seksik et par Stéphanie Fagadau, directrice de la Comédie des Champs-Élysées où se jouera la pièce, et directrice du Studio des Champs-Élysées.

Le livre de Laurent Seksik est publié par Flammarion (19€).

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October 9, 2018 9:44 AM
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Sex, sheep and terror: the scandalous theatre of Milo Rau | Stage | The Guardian

Sex, sheep and terror: the scandalous theatre of Milo Rau | Stage | The Guardian | Revue de presse théâtre | Scoop.it

By Laura Cappelle / The Guardian Mon 8 Oct 2018

 

He has put an Isis fighter’s mother in the Ghent Altarpiece and restaged a murder. Now the Swiss director plans to get radical


When Milo Rau first saw the Ghent Altarpiece, one detail leapt out at him. While Hubert and Jan van Eyck’s 15th-century masterpiece is often admired for the ambitious scale of its Lamb of God scene, the Swiss theatre director zoomed in on Adam’s sunburnt hands. “They are red because the model came directly from the fields to be painted,” he says the morning after the premiere of his new Altarpiece-inspired production, Lam Gods. “It’s art as a collective process, made with common people.”

It is a philosophy Rau is attempting to apply to an institution he has long decried as elitist and preoccupied with the classics: the city theatre. Starting this season, the 41-year-old is now the director of one of Belgium’s foremost venues, NTGent, and has kicked things off with a community-oriented production. Lam Gods is the Dutch name of the Altarpiece, on display at St Bavo’s Cathedral near the theatre, and Rau brought 21st-century models to the stage to reinvent, through a video installation, the biblical figures and characters painted by the Van Eycks – Ghentians from all walks of life.

“I wanted to have a song for the common man, so everybody understands: this is my theatre, my city,” Rau says. While he made a name for himself with provocative independent work that questioned reality, from re-enactments of international trials (The Congo Tribunal, The Last Days of the Ceauseșcus) to explorations of paedophilia (Five Easy Pieces) or the Rwandan genocide (Hate Radio), he felt as if he’d “come to a limit” with his production company, the International Institute of Political Murder. “And I thought: like Godard says, you can only criticise bad films by doing a better film.”
‘You have to be international and local at the same time’ … theatre director Milo Rau before a reproduction of the Ghent Altarpiece.


To this end, in May he published the Ghent Manifesto: a list of 10 rules that all NTGent productions are required to follow. “It’s not just about portraying the world any more. It’s about changing it,” the first reads. It dictates that classic plays are forbidden, unless the source text represents no more than 20% of the final product; at least two actors on stage must be amateurs; each production must tour internationally, among other requirements.

Rau acknowledges, with a laugh, that an artistic manifesto sounds slightly old-fashioned. “But technically, when you follow the manifesto, you will have the city theatre you want. The structure will change.” La Reprise. Histoire(s) du Théâtre (I), Rau’s recent, stunning production inspired by the murder in Belgium of a young gay man, Ihsane Jarfi – which combined a realistic re-enactment of the crime with illuminating commentary on the process of adapting it for the stage – was a “totally pedantic” demonstration that the manifesto can work, the director adds wryly.
Rau’s Five Easy Pieces explored paedophilia.


The rules are a perfect example of the mix of artistic bravado and marketing savvy that has kept Rau firmly in the European spotlight. He doesn’t mind controversy: spontaneously, he lists the handful of mini-scandals that have broken out since his arrival in Ghent. First, there was the dissolution of NTGent’s permanent ensemble, in order to ensure more diversity on stage (“If you want to have a more diverse ensemble, you have to say bye-bye to the old men”). Then Rau ran an ad calling for former Islamic State fighters to appear on stage in Lam Gods, which prompted a debate all the way to the Belgian parliament.

In the end, NTGent apologised for the ad and Rau opted not to cast former jihadists, although one appears in video. Instead, Lam Gods features Fatima Ezzarhouni, the Muslim mother of a Belgian Isis fighter who was killed last month. “What’s important is the milieu they come from. Suddenly you understand: these are the sons of our country. It’s a Belgian family story.” At the end of her powerful, dignified testimony, Ezzarhouni donned a veil to represent the Altarpiece’s Virgin Mary – before pulling out of further performances.

Regardless, Rau praises Belgium’s open-mindedness, and says one controversial scene in Lam Gods – in which one of two couples appearing as Adam and Eve simulate sex in front of a semi-circle of choir children, who double as the Altarpiece’s angels – wouldn’t have been possible in many countries. (In truth, the youngsters mostly looked bored.) He believes the dysfunctional Belgian state, regularly paralysed by tensions between the Flemish and Walloon communities, has made “civic society extremely strong. For generations, they’ve learned to do it themselves, somehow.”
Artistically powerful, politically shrewd … Lam Gods directed by Milo Rau.


And Lam Gods, which involved meeting hundreds of amateurs and was informed by Rau’s background in sociology, is a tribute to a diverse Ghent. It brings together lifelong inhabitants, immigrants, an NTGent cleaning lady and even a shepherd who shears a sheep on stage – a gesture that is, again, artistically powerful and politically shrewd. Ghent’s mayor, the socialist Daniël Termont, gave a speech to open the season; Rau was keen to avoid the mistakes he saw his friends and peers Chris Dercon and Matthias Lilienthal, whom he calls “internationalists”, make in Germany. Dercon, a former Tate Modern director, was forced out of Berlin’s Volksbühne after protests against attempts to reinvent its identity with a global outlook, while Lilienthal will leave Munich’s Kammerspiele in 2020. “My humble interpretation is that they didn’t embrace the cities. You have to be international and local at the same time.”

Rau is doing just that: rule nine says that at least one production per season “must be rehearsed or performed in a conflict or war zone”, and for Oresteia, a production inspired by Aeschylus that is scheduled for next April, he will travel with his team to Mosul, in northern Iraq, a former Isis stronghold. He acknowledges the difficulty of the project, but is unfazed. “I prefer to invest €20,000 in Mosul or in Bukavu than in Zurich or Berlin. When we did The Congo Tribunals, there was no cameraman, no production company there … You train people. Some say it’s war tourism, you just want to have your fantasy of being in danger. After doing it for 15 years now, I can say: it makes a change. A small change.” Or a giant leap, if Rau’s bold vision for theatre comes to fruition.

Lam Gods is at NTGent until 20 October. Then touring.

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October 8, 2018 7:02 AM
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Lætitia Dosch, une actrice sérieusement singulière

Lætitia Dosch, une actrice sérieusement singulière | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jérémie Couston dans Télérama Publié le 04/10/2018.

 

 

Connue pour ses rôles de trentenaires délurées et cyclothymiques, l’actrice est actuellement sur les planches avec son spectacle “Hate” et dans les salles avec “Nos batailles”. L’occasion pour cette fille d’aristocrates “fin de race”, touchée par les histoires de marginaux, de dévoiler une autre facette, plus sombre et incisive.

L’absence d’accent circonflexe a son importance. Le titre du dernier spectacle de Lætitia Dosch se lit à l’anglaise : HATE. Même si les spectateurs, désorientés par les capitales d'imprimerie sur le programme, le prononcent plus volontiers à la française : hâte. L’actrice rousse de 38 ans, découverte en 2013 en tornade brune dans La Bataille de Solférino, de Justine Triet, s’amuse de la confusion, pas vraiment volontaire.

En citoyenne intranquille d’un monde qui marche sur la tête et court à sa perte, elle a choisi de disserter sur la haine, sans se presser. « Qu’est-ce que c’est qu'aimer ? Qu’est-ce que c’est que détester ? La limite est ténue entre les deux sentiments. On aime la nature mais on la détruit. On risque même d’en mourir. On veut vivre avec un chat mais on lui coupe les couilles pour qu'il ne fasse pas pipi partout. On mange les animaux qu’on trouve trop beaux. Drôles de façons d’aimer. »

 

La pulsion de destruction, le rapport ambigu entre l’homme et l’animal, les mécanismes de domination au travail ou dans l’intimité : autant de questions abordées, incidemment, dans cet étonnant duo femme-cheval, impudique et dérangeant, spécialité maison depuis ses premiers seuls-en-scène, dont un où elle barbotait littéralement dans sa propre urine. Dans Hate, Lætitia Dosch chevauche Corazon dans le plus simple appareil, comme Lady Godiva. Elle dialogue avec ce cheval, compagnon de substitution, dont elle s’éprend, jusqu’à simuler une saillie dans l’intimité d’une tente Quechua.

 

Faire mentir l’image de trentenaire perchée

 

Elle se lance aussi dans un rap vulgaire et provoc (« Filez-moi le numéro de Harvey Weinstein/C’est mieux que rien ») et finit sur une superbe chanson douce, coécrite avec Barbara Carlotti, où elle semble abdiquer tout en luttant, ou lutter en abdiquant, dans le sillage de La Mégère apprivoisée, de Shakespeare, qu’elle a joué, prête à accepter in fine la place que la société moderne réserve à la femme : « Car je veux bien me rendre/Si tu ériges les lois/Tu seras dieu et maître/Tu peux bâtir sur moi/Un immense royaume/Tout un gouvernement/J’apprendrai ton programme/Comme un accomplissement/Oui je serai ton socle/Pour toi l’homme totem/Ton offrande nutritive/Toi mon tatou mon poème/Dans ma carcasse vide/Tu pourras te lover/A ton courage meurtri/Ma chair peut remédier. »

“C'est un défi de montrer qu'on peut avoir un boulot sérieux tout en étant singulière.”
 

Sur les planches et dans la vie, la suractive Lætitia Dosch fait mentir l'image de trentenaire perchée et cyclothymique qui lui colle à la peau – un peu trop à son goût – depuis le film de Justine Triet et autres rôles borderline où elle excelle, reconnaissons-le, que cela soit devant la caméra de Léonor Serraille (Jeune Femme) ou d’Antony Cordier (Gaspard va au mariage). « Je ne veux pas être prisonnière de ce personnage de fille qui se met à poil pour un oui ou pour un non. Mais, pour moi, la nudité abolit les classes sociales et, en même temps, elle renvoie au mythe fondateur d'Adam et Eve ou à la peinture classique. »

 

Pour monter ses pièces, elle dirige une équipe de neuf personnes et sait très bien où elle va. « C'est un défi de montrer qu'on peut avoir un boulot sérieux tout en étant singulière. » Après Keeper (2015), la voilà à l'affiche du second et bouleversant long métrage de son ami Guillaume Senez, Nos batailles, en salles ce mercredi 3 octobre. Elle y joue la sœur intermittente du spectacle qui vient remonter le moral de ses neveux et de leur père, Romain Duris, contremaître tellement absorbé par son usine et ses ouvriers qu’il n’a pas vu sa femme sombrer dans la neurasthénie et quitter le foyer sans laisser d'adresse.

 

« J’avais demandé à Guillaume [Senez] de me donner le rôle de la mère qui se tire mais il a tenu à me confier celui de l'actrice rigolote. Je suis parti en vacances avec lui et j’aimais bien m’occuper de ses enfants, il a puisé là-dedans pour écrire mon personnage. » Et, ne lui en déplaise, Lætitia Dosch, comme d'habitude, est formidable en jeune femme d'aujourd'hui, sur la corde raide, volcan de joie de vivre communicative sous un tas de cendres de fragilité.

Une enfance dans “une ambiance à la Tim Burton”

Révélée au théâtre à l’adolescence en jouant Un mot pour un autre, de Jean Tardieu, Lætitia Dosch a grandi à Paris dans un grand appartement chic, place de la Madeleine. Famille d’aristocrates fin de race. Ses ancêtres avaient fait construire l’immeuble, dont les étages ont été revendus un à un, au gré des infortunes. Ses parents divorcent juste après sa naissance. Elle connaît à peine son père, rentier suisse qui ne lui a légué que sa nationalité. Dans l'appartement parisien, trois générations cohabitent à qui mieux mieux : grands-parents, oncles, tantes et cousins. Une douzaine en tout, dont sa mère et sa sœur cadette.

« Une ambiance à la Tim Burton. » Deux cuisines et des dizaines d'animaux morts : des chiens, des chinchillas, des pies, un fennec, tous empaillés par son oncle taxidermiste, propriétaire de la célèbre boutique Claude Nature, boulevard Saint-Germain. Le grand-père, quant à lui, était ornithologue. Il a ramené de ses voyages pas moins de dix mille nids et autant d’œufs, vidés et conservés dans des boîtes et alignés sur un mur. « Mon grand-père était capable de passer des heures à observer un pic vert. Une fascination qui tourne curieusement au meurtre, à l'avortement d'oiseaux », analyse l’actrice, qui a logiquement eu le temps de se pencher sur ce lien d'amour-haine.

Maladivement timide et solitaire lors de sa scolarité privée et catholique, Læetitia Dosch ne s'épanouit qu'en entrant au lycée, public, où elle écoute Kurt Cobain, se teint les cheveux de toutes les couleurs et se lie enfin avec des camarades, qui sont aujourd'hui ses meilleurs amis, tous devenus artistes, dont le cinéaste Jérôme Bonnell.

Sortir de l’entre-soi

Lectrice de John Irving et d’Annie Ernaux, dont elle apprécie l’écriture au scalpel, elle s'est récemment enthousiasmée pour la bande dessinée fleuve d’Emil Ferris, Moi, ce que j'aime, c'est les monstres. Les freaks, les marginaux, les grands traumatisés de la vie ont sa préférence. Consciente d’être bien née et de continuer à vivre dans une bulle artistico-parisienne, la Franco-Suisse ne s’en satisfait pas. Elle travaille depuis peu à la réduction de son empreinte carbone en suivant les conseils de Julien Vidal, auteur d’un manuel d’écologie du quotidien, Ça commence par moi.

Pour écrire son dernier spectacle, avant les législatives de juin 2017, elle a distribué des tracts dans les cités pour un candidat de la gauche radicale et écolo, tendance mélenchoniste : « J’ai rencontré des gens dont j’ignorais tout. Des jeunes de 30 ans qui n’ont jamais travaillé et qui ne travailleront peut-être jamais de leur vie. Ça m’a donné envie de raconter une histoire plus simple, qui puisse toucher un public plus large, pas seulement les spectateurs habituels du Théâtre des Amandiers [de Nanterre]. »

Sortir de l’entre-soi, s’ouvrir aux autres, tendre la main à une jeunesse pas forcément initiée, comme le font les metteurs en scène Vincent Macaigne ou Julien Gosselin, dont elle admire le parcours. « A quoi on sert si on reste entre convaincus ? L’époque nous apprend à foncer dans le tas, à éliminer les plus faibles. Si je peux apporter un peu de douceur, j’aurai l'impression d’avoir servi à quelque chose. »

 

 

Prochaines dates de la tournée Hate : du 16 au 20 octobre 2018 à Rennes ; les 30 novembre et 1er décembre 2018 à Lille ; les 16 et 17 janvier 2019 à Annecy ; les 15 et 16 février 2019 à La Chaux-de-Fonds (Suisse) ; les 7 et 8 mars 2019 à Angers ; les 14 et 15 mars 2019 à Béziers ; les 16 et 17 mai 2019 à Montbéliard.

 

Légénde ohoto :

Laetitia Dosch.

Photo : Yann Rabanier pour Télérama

 

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October 8, 2018 3:05 AM
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La nostalgie du futur, création de Catherine Marnas sur les textes de Pasolini

La nostalgie du futur, création de Catherine Marnas sur les textes de Pasolini | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretien avec le philosophe Guillaume Le Blanc dont les textes accompagnent la pièce de théâtre « La nostalgie du futur » jouée au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine et qui propose de confronter les écrits de Pier Paolo Pasolini à notre réalité contemporaine.

 

Ecouter l'entretien avec Guillaume Le Blanc (4 mn)


La nostalgie du futur, mise en scène par Catherine Marnas, sera jouée au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine du mardi 9 au jeudi 25 octobre. 

De son long compagnonnage avec l’œuvre et la pensée de Pier Paolo Pasolini, Catherine Marnas tire un vibrant appel à la résistance, écrit avec le philosophe Guillaume Le Blanc.
(présentation du théâtre)

Pier Paolo Pasolini en 1970• Crédits : Photo : Binder / ullstein bild - Getty

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October 7, 2018 2:47 PM
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Décoloniser les arts : « Les Blancs doivent apprendre à renoncer à leurs privilèges »

Décoloniser les arts : « Les Blancs doivent apprendre à renoncer à leurs privilèges » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Séverine Kodjo-Grandvaux dans Le Monde Le 07.10.2018

 


Deux ouvrages invitent à déconstruire le mythe d’une culture et d’une société françaises que « des siècles d’esclavage et de colonisation n’auraient pas contaminées ».


Décoloniser les savoirs, décoloniser les mentalités, la philosophie… et maintenant décoloniser les arts. Deux ouvrages sont parus en France à quelques jours d’intervalle, les 19 et 23 septembre, qui questionnent les milieux culturels occidentaux, notamment français, et africains. Dans Décolonisons les arts !, recueil de témoignages, une quinzaine d’artistes travaillant en France dénoncent le racisme auquel ils sont sans cesse confrontés dans leur profession. Théorique et analytique, Les Miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs (arts, littérature, philosophie), de la philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina, est davantage tourné vers la situation africaine. Ces deux livres rejoignent en librairie le récent En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, de Souleymane Bachir Diagne et Jean-Loup Amselle.

Concept qui a accompagné les luttes pour l’indépendance, la décolonisation est revenue en force dans l’aire francophone ces dernières années. A tel point que le mot d’ordre décolonial semble dorénavant remplacer le post-colonialisme et s’imposer à qui veut penser les réalités africaines ou diasporiques.

Lire aussi :   Comment chasser le colon de sa tête

De fait, on assiste à un renouvellement des approches critiques dans les travaux d’historiens, de philosophes, d’économistes, d’anthropologues, de critiques littéraires, comme Françoise Vergès, Souleymane Bachir Diagne, Nadia Yala Kisukidi, Abdourahmane Seck, Ndongo Samba Sylla, ou encore Achille Mbembe et Felwine Sarr qui réunissent ces chercheurs et artistes lors des Ateliers de la pensée organisés à Dakar depuis 2016. En janvier 2019, ces derniers lanceront même une école doctorale destinée à former sur le continent de jeunes chercheurs.

Persistance d’un mythe
Pourtant, cette lame de fond n’est pas enfermée dans les milieux académiques. Elle touche également le monde artistique des deux côtés de la Méditerranée et rejoint les préoccupations de certains membres de la société civile française qui dénoncent un racisme structurel et militent pour le respect de l’image, du corps et des paroles afrodescendantes.

L’ouvrage Décolonisons les arts ! fait facilement le lien entre ces deux sphères. Les témoignages d’artistes plasticiens, d’acteurs, de metteurs en scène, d’un rappeur, de commissaires d’exposition, de cinéastes… sont accompagnés de textes d’analyse qui, tels ceux de Françoise Vergès et de Gerty Dambury, apportent une perspective historique et socio-culturelle nécessaire à la compréhension d’un mal français et de la persistance d’un mythe : le racisme n’existerait pas dans le milieu artistique.

Lire aussi :  Ateliers de la pensée : « Pour une Afrique qui pense par elle-même et parle au reste du monde »

« Il est vrai qu’en France la culture a été un lieu de contestation et d’ouverture, explique Françoise Vergès au Monde. Mais le monde culturel a construit son propre récit en oubliant sa complicité avec la misogynie, le racisme et le sexisme. Persiste cette fiction très occidentale de l’artiste comme génie, à part de la société, sage, dans une France dont le peuple porterait en soi, par nature, la liberté et l’égalité. Ce mythe vivace fait comme si des siècles d’esclavage et de colonisation n’avaient pas contaminé l’ensemble de la société française. »

Dans un effort pédagogique sont définis des concepts apparus dans les milieux militants il y a peu et que les défenseurs d’un universalisme abstrait taxent volontiers d’essentialisme ou de communautarisme. Les auteurs sont prudents et écrivent en introduction : « La “race” n’existe pas mais des groupes et des individus font l’objet d’une “racisation”, d’une construction sociale apparentée à une définition historique et évolutive de la “race”. Les processus de racisation sont les différents dispositifs – juridiques, culturels, sociaux, politiques – par lesquels des personnes et des groupes acquièrent des qualités (les Blancs) ou des stigmas (les “autres”). »

Lire l’entretien croisé entre Achille Mbembe et Felwine Sarr :  « L’avenir du monde se joue en Afrique »

En 2015 s’est créé le collectif Décoloniser les arts (DLA) pour dénoncer un racisme structurel qui empêche toute personne non blanche d’accéder à des postes de responsabilité et de direction dans les institutions publiques, ou qui limite les possibilités de rôle pour les acteurs. « Les personnes de couleur ne sont pas à la tête des scènes nationales et elles sont cantonnées à la fonction de vigile ou de femme de ménage, constate Françoise Vergès. Certes, il est question de l’accès aux postes, mais aussi plus largement d’éducation », afin de faire comprendre pourquoi, comme l’écrit Gerty Dambury, « le corps de l’homme noir ou de la femme noire, après avoir été un corps “ridicule et laid”, est aujourd’hui un corps victime, un corps souffrant, un corps subalterne, un corps réfugié, un corps-femme-voilée ou un corps de toute beauté, à nouveau fortement sexualisé ».

Faire valoir le différent
Il importe donc que soient diffusées des représentations différentes de celles et ceux qui ont été érigés en « autres », ainsi que des formes de narration diverses ; ce qui implique, comme l’explique Seloua Luste Boulbina, que l’Occident ne soit plus considéré comme modèle. « Les mondes extra-européens, écrit-elle, ont été regardés comme des univers de la réception, de l’imitation et de l’appropriation dans lesquels des codes divers – politiques, philosophiques, esthétiques – ont été empruntés. » Ce qui fait écho à ce constat de Hassane Kouyaté pour qui persiste l’idée que la culture, importée de France, « a permis aux colonisés de s’émanciper », et qui ajoute : « Notre mission civilisatrice à nous est décoloniale. »

Lire aussi :   Les dix penseurs africains qui veulent achever l’émancipation du continent

A l’instar des membres de DLA, qui appellent à « dénationaliser, désoccidentaliser la version française de l’universel » pour faire valoir le différent, sur le fond comme sur la forme, dans les pratiques et représentations artistiques en France, Seloua Luste Boulbina constate que demeure un « achoppement sur l’articulation de l’universel et du particulier, comme si l’arbre était l’opposé du hêtre, du bouleau et surtout du baobab et l’universel l’antidote du particulier ». Achoppement qui atteste « d’une colonialité qui tarde à disparaître des institutions et des publications françaises » et qui traverse les réflexions sur l’art d’un Jean-Loup Amselle. Pour ce dernier, écrit-elle « “africain”, loin d’apparaître comme un terme renvoyant à un continent, est utilisé comme vecteur d’alternatives insurmontables » ; ce que, de fait, laisse entendre l’anthropologue français dans sa discussion avec le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne dans En quête d’Afrique(s).

Lire aussi :   « L’Afrique doit se regarder et regarder le monde avec ses propres lunettes »

Opérant un va-et-vient entre Afrique et Occident en étudiant la littérature et les arts de Kateb Yacine, Zineb Sedira, Bouchra Khalili, Sammy Baloji, Barthélémy Toguo, William Adjété Wilson ou encore le travail de commissariat d’Okwui Enwezor, de Simon Njami ou de Michket Krifa, la philosophe franco-algérienne questionne leur insertion dans un contexte post-colonial globalisé, dans un flux migratoire et une approche mouvante, ouverte au possible, aux expériences, à la créolité telle que la conçoit Edouard Glissant. A rebours, ce questionnement révèle un immobilisme du milieu culturel occidental, notamment français, englué dans un schéma et des représentations coloniales qui ont conduit par exemple des curateurs occidentaux à privilégier des artistes autodidactes comme Bruly Bouabré, supposant que tout cursus académique engendrerait une dénaturation d’une « essence », d’un art africain.

Tentatives de récupération
La chercheuse, rattachée au Laboratoire du changement social et politique de l’université Paris-Diderot, manifeste une certaine méfiance envers la pensée décoloniale latino-américaine car « sur le continent américain, à l’exception notable de Haïti, les indépendances ont bénéficié à des Européens, alors qu’en Afrique, hormis l’Afrique du Sud, elles ont bénéficié aux indigènes, explique-t-elle au Monde. Même si la pensée décoloniale est intéressante en ce qu’elle a montré que le passé est toujours présent, c’est-à-dire que la colonialité n’a pas disparu, elle doit être réévaluée pour l’Afrique. » Seloua Luste Boulbina établit par ailleurs une distinction importante entre « le post-impérial qui concerne l’ancienne métropole et le post-colonial qui est l’affaire des anciennes colonies ». Dans le premier cas, les afrodescendants sont « dans une situation de minorité, de “subalternisés”. Contrairement aux Africains, les descendants d’immigrés n’ont pas bénéficié des indépendances », ajoute-t-elle.

Lire aussi :   Felwine Sarr : « Les Africains doivent penser par eux-mêmes et pour eux-mêmes »

A ses yeux, il faut aujourd’hui « une décolonisation en actes, car le discours sur la décolonisation n’est pas en soi, dans la pratique, décolonial ». Une précision sans doute nécessaire dans une situation où, constate Françoise Vergès, « on doit faire face également à des tentatives de récupération fortes. La “décolonisation” est devenue à la mode. On nous prend tous nos mots. On les avale, on les broie avant qu’on ne les dévoie ». Ce principe est au fondement de l’appropriation culturelle, que D’de Kabal définit comme le fait de « déposséder l’Autre de ce qu’on a toujours rejeté et [de] le faire sien pour signifier qu’on a compris et grandi ». En un mot, de le vider de sa substance.

Lire aussi :   Achille Mbembe, passant soucieux

Olivier Marboeuf parle quant à lui d’« hospitalité toxique » qui « épuise la force transformatrice du geste décolonial minoritaire en faisant de sa saisie critique non plus une opération à même d’affecter l’ordre politique et social, mais une simple catégorie dans l’économie des savoirs ». Pour Seloua Luste Boulbina, la décolonisation est moins un processus, qui suppose une évolution d’étape en étape, qu’un « travail sur soi ». Travail qui nous concerne tous, car, ainsi que l’explique au Monde Françoise Vergès, « les Blancs doivent apprendre à renoncer à leurs privilèges. Cela est certes extrêmement difficile à accepter d’un point de vue individuel, mais il faut comprendre que c’est toute la société française qui bénéficiera de ce combat ».

Décolonisons les arts !, sous la direction de Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès, L’Arche, 144 pages, 15 €.

Les Miroirs vagabonds ou la Décolonisation des savoirs (arts, littérature, philosophie), de Seloua Luste Boulbina, Les Presses du réel, 160 pages, 15 €.

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October 7, 2018 6:41 AM
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Cinq femmes à la barbe de Barbe bleue 

Cinq femmes à la barbe de Barbe bleue  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog Balagan  - 06.10.2018

 


Lisa Guez et ses cinq actrices grattouillent la barbe de Barbe bleue et en arrachent les poils dans « Les Femmes de Barbe bleue » où il est constamment question du désir féminin, un truc compliqué à s’arracher les cheveux. Un spectacle drôlement troublant.


Nombre de contes et comptines « pour enfants » recèlent une part secrète, une face cachée où le désir se glisse jusque dans la peur. Par exemple, dans la chanson qu’on nous apprend petit, « ah dis-moi donc, bergère, combien as-tu de moutons, etc.», l’homme ne cesse de poser des questions apparemment anodines à la jeune bergère. Mais ces questions, de plus en plus insistantes, peuvent induire autre chose. Et quand il en vient à la dernière – « n’as tu pas peur du loup ? » –, on peut voir poindre sous la réponse bravache de la jeune bergère – « pas plus du loup que d’vous » – une terreur sous-jacente, celle d’un possible viol qui adviendra après la fin de la chanson, mais aussi une autre terreur, celle du désir de la jeune fille face à cet homme dont on ne sait rien sinon qu’il n’est pas un gamin puisqu’elle l’appelle « monsieur ». Faudrait-il donc pour autant interdire et ne plus apprendre cette chanson aux enfants à l’heure du me-too ? Certainement pas.
C’est leur ambiguïté qui fait la force des contes et c’est ce qui se passe avec Barbe bleue qui donne à chaque nouvelle épouse la clef d’une porte tout en lui interdisant de s’en servir. Derrière la porte gisent, assassinées, celles qui l’ont précédée, celles qui ont transgressé l’interdit et mis la clef dans la serrure. Qu’est-ce qui attire les jeunes femmes chez Barbe bleue ? Qu’est ce qui les pousse à ouvrir la porte ? La terreur et la jouissance ne se mêlent-elle pas en elles  ? « Qu’est-ce qui pousse cette femme à se jeter dans la gueule du loup ? », se demande la jeune Lisa Guez, 29 ans, fasciné par le conte de Perrault.

Elève à l’Ecole normale supérieure (elle prépare une thèse sur les mises en scène de la Terreur révolutionnaire), elle a fondé sa compagnie Juste avant la compagnie en 2010 (avec le comédien Baptiste Dezerces) et enseigne à l’université de Lille 3. En 2015, réunissant autour d’elle cinq actrices, elle a mis en scène Les Reines de Normand Chaurette.

Ce sont les mêmes actrices – Valentine Krasnochok, Valentine Bellone, Jordane Soudre, Nelly Latour et Anne Knosp  – qu’elle retrouve aujourd’hui pour Les Femmes de Barbe bleue (Valentine Krasnochok signant la dramaturgie et la mise en forme de l’écriture). Un spectacle qu’elles ont façonné et écrit en discutant, en lisant (entre autres, les travaux de la psychanalyste Minkola-Estes) et en improvisant. Le spectacle a pris la forme d’un groupe de cinq femmes assises sur des chaises face au public. Tour à tour, chacune se lève pour dire et raconter sa possibilité de Barbe bleue. Les quatre autres viennent à la rescousse dans les moments où tout bascule ou se brouille, le rire est aussi une de leurs armes. « On peut voir le conte de Barbe bleue comme la métaphore du psychisme féminin », affirme Lisa Guez, la metteuse en scène.

Tout est dans les corps, tout est dans la langue, tout est dans les personnalités fortes des cinq actrices. Une chaise vide ou une partenaire tient le rôle de Barbe bleue qui n’a pas besoin d’être là puisque c’est le regard qu’elles portent sur lui et ce qu’il en résulte qui compte et qu’elles nous content, et l’usage qu’elles vont faire ou pas de la fameuse clef qui ouvre les portes de l’interdit (plus excitante, plus troublante que celle du morne paradis). Les Femmes de Barbe bleue constitue une opportune ode à la complexité des désirs.

Pour l’une, Barbe bleue est beau comme un viking ; pour une autre, brûlé par la vie et l’alcool ; la troisième le rencontre à une soirée mondaine et va le draguer, etc. Autant d’éloges de l’ambiguïté du désir féminin qui n’est pas unique mais pluriel, contradictoire. Lazare (si son dernier spectacle Sombre rivière passe près de chez vous, courez-y, lire ici) qui est venu voir le spectacle a envoyé à l’équipe une lettre qui s’achève ainsi : « On est dans une féerie de la langue qui s’éveille parmi les désirs. Des femmes en lutte qui danseraient le sabbat de leur liberté dans des clairières rouges n’acceptant pas d’être inférieures à la Barbe bleue. La langue est douce et âpre, évoquant parfois l’univers de Maeterlinck. » On ne saurait mieux dire.

Lavoir Moderne Parisien, du mer au sam 19h30, dim 18h, jusqu’au 21 octobre.

 

Photo (c) dr

 

https://lavoirmoderneparisien.com/programmations/les-femmes-de-barbe-bleue/

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