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Le spectateur de Belleville
November 2, 2018 5:53 AM
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L’expérience Genod Par Marie Sorbier dans IO gazette 2 novembre 2018 DR La salle de l’Arsenic paraît soudain majestueuse ; les chaises collées le long des quatre murs laissent l’espace vide se pâmer, animé d’une curieuse aura que provoque malgré lui celui qui n’est pas encore là. Il paraît clair que ce qui va se jouer ici, au coeur de la nuit, a la goût délicat d’une rencontre. Ce sont les mots de Racine d’abord et de Baudelaire ensuite qui sont livrés et leur voyage depuis l’outre-tombe de la sensibilité d’Yves-Noël Genod les a patinés et chargés d’une résonance atemporelle. Lui, magnifiquement monstrueux dans sa robe de gala dorée, laisse les vers briller, devenant le réceptacle de la poésie, acceptant d’être traversé par la tragédie et par la puissance chamanique des feux amoureux. Il incarne une Phèdre fragile, envoûtée, soumise aux volontés divines plus que mortelles, à la merci de ses pulsions sauvages et inconstantes comme ces lumières (Philippe Gladieux) qui transforment le plateau en purgatoire, passage vers les limbes avant de connaître son sort. Âme en peine, elle erre, cherchant un réconfort peut-être, des bras dans lesquels s’abandonner, une fin qui tarde à venir. L’apaisement sera sans doute à chercher dans les mots de Baudelaire qui claquent, vigoureux et entêtants. Sommes-nous déjà dans l’après ? Dans un noir profond digne des plus beaux Soulage, le poète semble répondre à l’héroïne tragique, désamorçant la culpabilité qui la rongeait, clamant avec verve l’infini humanité que l’amour engendre. Puis apparaissent des ombres, fantômes phosphorescents et silencieux qui semblent surgir du fond des âges pour rappeler à nos yeux qu’ils existent encore. Nous avions cru un instant être seuls au monde, nous nous sommes pris pour Phèdre post poison, nous étions nous aussi dans les limbes, bercés par Arvo Pärt et Arthur Rubinstein. Ce sont alors ces êtres eschatologiques qui paradoxalement nous connectent à nouveau avec le monde. Une remontée des enfers pendant laquelle il est difficile de savoir si l’on craint ou l’on désire la révolution d’Orphée. Le voyage pourrait ne jamais finir. Automne, hiver qu’importe, pourvu que les mots des poètes et la voix de l’artiste nous laissent la foi dans la possibilité d’une île.
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Le spectateur de Belleville
November 1, 2018 7:35 PM
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Par Gilles Renault dans Libération — 1 novembre 2018
Au Rond-Point, le comédien belge retrouve son comparse, le dramaturge italien Ascanio Celestini, dans l’ardent monologue d’un illuminé rédempteur.
Le dramaturge, romancier et performeur italien Ascanio Celestini et le comédien belge David Murgia - qui se connaissent depuis une quinzaine d’années - sont un peu chez eux au Théâtre du Rond-Point, nommément converti, pour le coup, en lieu de ralliement. En 2015, déjà, leur rencontre avait marqué les esprits, avec Discours à la nation, harangue virtuose et absurde d’un puissant cynique toisant les opprimés. Gros succès fondé (critique et public), ce réquisitoire contre le capitalisme fut suivi, deux ans plus tard, de Dépaysement, dans lequel Celestini, sans son comparse cette fois, accentuait le trait activiste, en digne héritier du théâtre politique transalpin, sur fond d’accordéon.
Charisme Dans la lignée, voici maintenant qu’arrive, un an et demi après sa création à Liège, Laïka avec son décor de guingois - un rideau en velours rouge, six lampes posées à même le sol, un monticule de cagettes en plastique colorées à l’effigie de marques de bières. La brassée de phrases fiévreuses est à nouveau débagoulée par David Murgia, acteur-citoyen (cf. sa participation à Tout autre chose, mouvement belge francophone de réflexion sur l’économie, l’écologie, l’action sociale…), ici accompagné par un colocataire-accordéoniste, Maurice Blanchy, et, en écho, la voix off de l’actrice «power to the people» Yolande Moreau.
Rejeton d’un menuisier et d’une coiffeuse, l’auteur - en fils spirituel de Dario Fo - étreint cette fois la cause prolo, telle que défendue par une sorte d’ange déchu, dont on se demande un peu, tout du long, s’il est plus proche du nécessiteux exalté ou du démiurge visionnaire. Flot (flow ?) incandescent, coordonné au charisme ébouriffé d’un plébéien verveux surgi de l’anonymat le temps d’un factum satirique, Laïka (titré en référence à l’héroïque «chien de rue» envoyé en 1957 dans l’espace par les Russes) pulse ainsi.
Trinité Le monologue affirme la suprématie de Stephen Hawking sur Dieu qui, lui-même, prendra le dessus sur Steve Jobs (!) ; questionne la condition ouvrière («Mais si jamais quelqu’un venait à te demander quelque chose du genre : "Mais pourquoi tu ne t’énerves pas ? Pourquoi tu ne revendiques pas tes droits ? Pourquoi tu ne fais pas grève ? Pourquoi tu ne relèves pas la tête ?" Toi, tu réponds que tu ne peux pas») ; réécrit l’Evangile à sa façon : «Notre père qui êtes aux cieux, un jour par mois, au moins un jour : sois le dieu des pauvres.»
A la fois séditieux et tourmenté, le récit rémissible transmue l’énergie du désespoir en rage de vivre, au plus près d’une humanité humiliée, éreintée, cabossée, mais, surtout, encore debout. A l’instar de cette trinité d’éclopés, «un aveugle, une vieille et une dame avec la tête embrouillée» qui, en bout de courses, unira ce qui lui reste de force pour tendre une main secourable à encore plus faible qu’eux.
Gilles Renault Laïka d’Ascanio Celestini Théâtre du Rond-Point, 75008. Jusqu’au 10 novembre. www.theatredurondpoint.fr Photo Dominique Houcmant Goldo
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Le spectateur de Belleville
November 1, 2018 12:03 PM
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Viennent de paraître les deux premiers volumes des Œuvres Complètes de Kafka dans la Pléiade sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre, Les récits et fragments (I), les trois romans inachevés (II) dans un nouvel agencement et de nouvelles traductions. Profitons de l'occasion pour traquer le théâtre de Franz Kafka dans ses fragments et récits, lui qui n'a jamais été au bout d'une pièce.
« Où est F. ? Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu.
F ? Vous ne savez pas où se trouve F. ?
F. est dans un labyrinthe, il n’en sortira certainement plus.
F. ? Notre F. ? Celui qui porte la barbe ?
Oui, celui-là.
Dans un labyrinthe ?
Oui. »
Ce dialogue figure dans les récits et fragments posthumes qui occupent les deux tiers du premier volume des œuvres complètes de Kafka de la nouvelle édition de la Pléiade, un volume consacré aux nouvelles, récits » et multiples fragments..
Cette édition menée de main de maître par Jean-Pierre Lefebvre propose de nouvelles traductions, de Lefebvre lui-même mais aussi d’ Isabelle Kalinowski, Bernard Lortholary et Stéphane Pesnel. Le second volume qui paraît conjointement est consacré aux trois romans inachevés que publia Max Brod après la mort de son ami (trahissant heureusement la volonté testamentaire de l’auteur : que tout soit brûlé) : Le disparu (que l’on connaissait sous le titre Amerika donné par Max Brod), Le Procès et Le Château. D’autres volumes suivront.
Simple et vertigineux
Il existait une première édition de Kafka dans la Pléiade parue en 1980 avec les traductions pionnières d’Alexandre Vialatte complétées par des traductions de Marthe Robert et Claude David pour les « récits et fragments narratifs ». Depuis, un gros travail a été mené sur les manuscrits laissés par Kafka, leur chronologie, leur classement, les choix de Max Brod ont été critiqués. La nouvelle édition de la Pléiade est basée sur l’édition allemande qui fait autorité, publiée chez Fischer (18 volumes entre 1982 et 2013), au plus près de la chronologie de l’écriture.
Si F. est dans le labyrinthe, Kafka y entraîne le lecteur du premier volume qui s’aventure dans ses douze cahiers, ses cahiers in -octavo allant de A à H, son cahier bleu, ses feuillets isolés, la « liasse de 1920 », etc. C’est délicieux car la langue de Kafka est toujours directe, simple, sans ornements, « pure » écrit Lefebvre . C’est vertigineux car nombre de fragments amorcent des récits qui auraient pu être développés, mais on se dit aussi, souvent, que ces fragments, longs ou pas, se suffisent à eux mêmes. Cela va d’un dialogue en deux lignes, simples et mystérieuses comme un kaiku -« «N’as-tu pas rencontré la petite dans la forêt ?-Tu l’as laissée partir seule ? -Je n’avais pas le temps »- jusqu’à un récit qui court sur plusieurs pages. Nombreux également sont les mini récits qui, littéralement, nous parlent, telles ces lignes figurant dans la riche « liasse de 1920 » :
« Qui est-ce ? Qui marche sous les arbres, le long du quai ? Qui est complètement perdu ? Qui ne peut plus être sauvé ? Sur la tombe de qui l’herbe pousse-t-elle ? Les rêves sont arrivés, ils sont arrivés en remontant le fleuve, ils gravissent une échelle contre la paroi du quai. On interrompt sa marche, on converse avec eux, ils savent toutes sortes de choses, mais la seule chose qu’ils ne savent pas, c’est d’où ils viennent. L’air est assez tiède en cette soirée d’automne. Ils se tournent vers le fleuve et lèvent les bras. Pourquoi levez-vous les bras, au lieu de les serrer autour de nous ? »
C’est une voix qui nous parle, comme souvent. Réaliste ? Onirique ? Fantastique ? Tout cela et ce que vous voudrez. Kafkaïen ? Pourquoi pas, Lefebvre se garde bien d’employer cet adjectif, il s’y brûlerait les doigts en y enfermant un auteur qui ignore les catégories.
La rencontre avec le théâtre yiddish
De son vivant, Kafka a publié quelques récits et nouvelles, il a laisse trois romans inachevés, des tas de fragments, mais aucune pièce de théâtre. C’est n’est pas faute d’y avoir songé, ce n’est pas faute d’aimer écrire des dialogues. Ce n’est pas faute d’aimer le monde du théâtre, de la danse et du cirque et de les évoquer.
Dans son Journal qui fera l’objet du troisième volume de ses œuvres complètes dans la Pléiade, le théâtre est très présent. Lefebvre en a extrait toutes les amorces de fiction (elle seront republiées dans l’intégralité du Journal ). Ainsi quatre petits textes évoquant la danseuse russe Evguenia Eduardova venue à Prague en 1908 avec le ballet impérial de la cour de Russie. Kafka la voit danser puis il la voit en rêve, il lui demande de danser des czardas comme elle l’a fait dans le spectacle. Un homme s’interpose : le train va partir. S’en suit ce dialogue rêvé : « "Je suis une méchante femme, une mauvaise femme, n’est-ce pas ?" a-t-elle dit. -"Oh non, ai-je dit, ça non". Et je suis parti dans la première direction venue. ». Grand lecteur de Kafka, Jean-Luc Lagarce mettra en scène, ce personnage d’Eduardova, ainsi que des comédiens évoqués ailleurs par le Praguois, dans sa pièce Nous les héros. On ne compte plus le nombre d’écrivains dialoguant avec Kafka.
Pendant l’hiver 1911-1912, la troupe de théâtre yiddish dirigée par Jizchak Löwy qui écumait l’Europe se produit à Prague. Kafka en est un spectateur fidèle, il devient proche de Löwy et de ses acteurs. Son Journal en fait régulièrement l’écho. Lefebvre signale qu’il existe un texte de Löwy sur le théâtre yiddish rédigé en 1917 et remanié par Kafka. Le texte fut proposé à Martin Buber pour sa revue Der Jude mais ne fut pas publié. Il signale aussi qu’il existe quatre lettres de Kafka à Lowy écrites en 1912. Puisse une revue de théâtre publier ce texte et ces lettres (ou une maison d’éditions comme Œuvres ouvertes qui entend traduire tout Kafka).
Rêver d'être au théâtre
C’est peut-être entre deux représentations du théâtre yiddish que Kafka fit ce rêve fameux rédigé le 9 novembre 1911 et qui commence ainsi dans sa nouvelle traduction: « rêve d’avant hier : tout se passait dans un théâtre, moi une fois en haut sur la galerie, une fois sur la scène, une jeune fille que j’avais bien aimée il y a quelques mois jouait aussi, elle étirait son corps souple en s’agrippant, effrayée, à un accoudoir du fauteuil ; ... » La suite du rêve sort du théâtre et traverse plusieurs lieux de Prague familiers à Kafka.
Dix jours plus tard, il remet ça : « rêve : un théâtre. Représentation du Vaste pays de Schnitzler revue par Utitz » (un philosophe, ancien condisciple de Kafka au lycée). Étonnant texte à mi chemin du rêve et de la critique théâtrale caustique où Kafka se retrouve assis à côté de l’acteur Lorry « étrangement libre » et qui « ne ressemble pas du tout au Löwy de la réalité ». Ce dernier continuera à voyager à travers l’Europe centrale avant de se retrouver dans le ghetto de Varsovie et de finir à Treblinka.
Il est vraisemblable que cette fréquentation assidue de la troupe du théâtre yiddish ait donné la vague envie à Kafka d’écrire une pièce. « Pour le drame » écrit-il, peu après, avant de décrire un personnage (un professeur d’anglais nommé Weiss) et d’écrire deux courts dialogues entre deux personnages : Anna et Emil ou Karl. Il en restera là.
Kafka a a peu écrit depuis deux ans lorsqu’en novembre 1916, il commence à écrire une pièce de théâtre de façon un peu plus affirmée : Le gardien de la crypte ( que l’on connaissait sous le titre Le gardien du tombeau dans la traduction de Marthe Robert). Belle scène entre un prince nouvellement arrivé au pouvoir et un vieux gardien qui garde les tombeaux des ancêtres dans la crypte en se battant chaque nuit avec leurs spectres. D’autres scènes avec un Chambellan sont plus ordinaires. Rien de plus. Le projet avortera.
Kafka n’est pas un dramaturge mais il aime l’ambiance des théâtres. Dans la « liasse de 1920 », un récit sans titre (page 790), écrit à la première personne, montre le narrateur prénommé Emil assis dans une loge avec sa femme. Le couple assiste à « une pièce passionnante ». La femme se penche sur le parapet pour mieux voir, c’est alors que le velours du capitonnage s’avère être un homme on ne peut plus mince. Frayeur. L’homme se présente comme un admirateur de la femme d’Emil et lui aussi se prénomme Emil. Nouvelle frayeur de la femme. La suite est aussi noire que vaudevillesque.
Cette même « liasse de 1920 » nous entraîne au cirque. La première des quatre histoires de Un virtuose de la faim, titrée Première peine raconte l’histoire d’un trapéziste qui vit jour et nuit sur son trapèze, non par caprice ou pour faire parler de lui, mais parce que « c’était pour lui la seule façon de rester parfaitement entraîné, de garder aussi son art à son niveau de perfection ». Quand le cirque change de ville, dans les trains, il dort dans les filets à bagages. Jusqu’au jour où il décide de faire son numéro avec deux trapèzes. Caprice ? Non. Devant les larmes du trapéziste, l’impresario finit par accepter. Et s’il allait en demander un troisième ? C‘est alors que sur le visage endormi de l’artiste aux larmes asséchées, l’imprésario vit que « les premières rides commençaient à marquer le front lisse et enfantin du trapéziste ». Un récit de trois pages, un chef d’œuvre.
Kafka n‘a pas écrit de pièces de théâtre mais cet écrivain qui fut autant acteur que spectateur de lui-même, est un fameux dialoguiste comme le prouvent ses romans inachevés et plusieurs de ses récits. Son œuvre obsède bien des metteurs en scène mais rares sont les spectacles qui vont aussi loin que celui de Krystian Lupa à propos du Procès (lire ici, le spectacle revient furtivement en France pour deux représentations). Je me souviens avoir regretté de ne pas avoir pu voir Amerika par un autre grand Polonais aujourd’hui disparu, Jerzy Grzegorzewski. Je me souviens de La Visite, un très beau spectacle de Philippe Adrien avec Maïté Nahyr inspiré par Le Disparu (Amerika). Je n’ai pas oublié le choc et le ravissement que fut à Strasbourg le spectacle d’André Engel au titre paradoxal : Kafka théâtre complet.
Allez, pour le plaisir, ouvrons encore une fois les pages de la « liasse de 1920 » , un récit de moins d’une feuillet sans titre :« C’est une vie passée au milieu des décors de théâtre. Il fait clair, c’est alors une matinée en plein air, et puis immédiatement l’obscurité se fait, et c’est déjà le soir. Ce n’est pas une illusion compliquée, mais il faut accepter aussi longtemps qu’on se tient sur les planches. On n’a pas le droit de s’évader que lorsqu’on en a la force, il faut alors se diriger vers le fond de la scène, transpercer la toile peinte et franchir les lambeaux de ce qui était le ciel, enjamber un peu de fatras pour s’enfuir dans une véritable ruelle étroite, humide et sombre qui, en raison de la proximité du théâtre, continue certes de porter le nom de Theatergrasse, mais qui, elle, est vraie et possède toute la profondeur de la vérité ».
Franz Kafka, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre avec la collaboration d’Isabelle Kalinowski, Bernard Lortholary et Stéphane Pesnel, Œuvres complètes 1 Nouvelles et récits, 1318p, 60€ , Œuvres complètes 2, Romans, 1052p, 6O€
Le procès dans l'adaptation et le mis en scène de Krystian Lupa ,Théâtre du Nord dans le cadre du festival Next, les 16 et 17 nov à 18h.
Légende photo : scène du "Procès" par Krystian Lupa © Magda Hueckel
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Le spectateur de Belleville
November 1, 2018 11:20 AM
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Propos recueillis par Stéphane Capron dans Sceneweb 31.10.2018 La sociétaire de la Comédie-Française se partage entre deux théâtres et trois pièces en cette automne. Elle est Anna et Raquel dans Après la répétition de Bergman au Théâtre de la Bastille en fin d’après-midi. Puis le soir elle enchaîne soit avec La Nuit des Rois de Shakespeare ou Britannicus dans la salle Richelieu de la Comédie-Française. Rencontre avec la 531e sociétaire.
Quand vous avez créé Après la répétition en 2013 au Théâtre Garonne à Toulouse, que représentait Bergman pour vous ? Je ne le connaissais pas bien. Je le connaissais qu’en tant que cinéaste. J’ai découvert l’auteur. J’ai ensuite dévoré ses films. Jouer un texte de Bergman est un cadeau inouï car il travaille pour les acteurs. Vous jouez les deux rôles, celui de la mère Raquel et celui de la fille Anna. Est ce que cela a été difficile ? C’était un pari, l’idée de jouer avec une autre comédienne nous a traversé, mais est restée cette volonté de rester tous les deux au plateau. Sur scène, c’est beau proposer avec plus de distance le rôle de Raquel qui est tout de même très dur, ce qui est moins le cas de celui d’Anna. C’est un texte sur l’art de mettre en scène. Etes-vous en phase avec lui ? Bergman parle à travers le personnage de Vogler. Il parle du théâtre shakespearien et de ces petites torches que l’on mettait sur scène pour représenter la nuit. Cela rejoint à plein d’endroits le théâtre de tg STAN dans cette aventure qui est juste la parole, le comédien et le spectateur. On a finalement besoin que de cela pour que le miracle se produise. Entre 2013 et aujourd’hui il y a eu le mouvement meetoo. La pièce évoque une relation amoureuse entre le metteur en scène et une comédienne. Jouez-vous différemment le spectacle aujourd’hui ? C’est énorme. Je l’ai dit tout de suite à Frank. On vérifie depuis la reprise à Paris combien le spectacle résonne différemment. J’ai beaucoup réfléchi à la façon de jouer. Ici les deux personnages affirment un désir. C’est clair. On n’est pas dans une situation d’abus ou de mise en fragilité d’une actrice. J’essaye de ne pas être dans cette zone grise, le doute n’est pas permis. Et Bergman est très clair. Vogler dit non. Il met une barrière, et ne veut pas profiter de la jeunesse de la fille ou de la fragilité de la mère. Mais quand Frank évoque le producteur, il en fait plus que d’habitude et les spectateurs ont bien vu de qui il voulait parler. Entre 2013 et 2018, il s’est passé du temps, êtes vous différente dans l’approche des rôles ? Je sens que je me situe entre Anna et Raquel. J’avais 25 ans à la création, j’en ai 32. Ma vie me fait prendre de la maturité, les choses résonnent différemment. C’est comme un bon livre que l’on reprend, on découvre de nouvelles subtilités. Sur scène ce n’est peut-être pas visible, mais à l’intérieur je le ressens. Et le peur est moins tétanisante. Quelle rentrée. Vous alternez cette pièce avec Britannicus et La Nuit des Rois dans la salle Richelieu de la Comédie-Française. C’est la folie ! Je le fais par amour du théâtre. Je bois du citron chaud et je me couche dès je rentre à la maison. Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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Le spectateur de Belleville
October 31, 2018 12:42 PM
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Laïka, d'Ascanio Celestini, par David Murgia
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Le spectateur de Belleville
October 31, 2018 7:01 AM
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Par Joëlle Gayot dans LE MONDE 31.10.2018 Les personnages de Carlo Goldoni mis en scène par Alain Françon ne s’embarrassent pas de sentiments. Tout est allé trop vite. A peine le spectacle avait-il démarré que déjà il était terminé, nous déposant à quai avec la sensation de n’être pas vraiment monté à bord de ce train qui filait. Pourtant, il s’en passe des choses pendant les deux heures que dure la représentation sur le plateau de la salle Richelieu. Et ce qui a lieu n’est pas rien. Mirandolina (Florence Viala), aubergiste de son métier, belle célibataire peu encline à se donner au premier prince venu, met à ses pieds les hommes qui l’entourent. Un chevalier, un marquis (Michel Vuillermoz), un comte (Hervé Pierre), un valet et un serviteur : chacun pliera l’échine devant sa toute-puissance. Ce qui se raconte n’est pas anodin au moment où déferle sur les réseaux sociaux la parole de femmes qui disent des hommes ce qu’elles pensent avoir à en dire et assument ce qu’elles veulent comme ce qu’elles ne veulent pas. Lire le zoom biographique : Alain Françon en quatre dates Mais cette fiction écrite en 1752 par l’Italien Carlo Goldoni, dont l’histoire retiendra qu’il fut féministe avant l’heure pour avoir élevé au rôle-titre une héroïne subalterne, est traitée en mode accéléré par un metteur en scène qui, d’ordinaire, aime ajouter du temps au temps et glisser au cœur des minutes l’impalpable durée des intériorités. Alain Françon, qui, en 2012, avec cette même Comédie-Française, avait déplié sans précipitation La Trilogie de la villégiature, hâte cette fois le rythme. Pourquoi ? Veut-il retrouver, avec la vitesse d’exécution de sa représentation, la vélocité du dramaturge qui, entre 1750 et 1751, signa dix-sept pièces parmi lesquelles cette Locandiera ? Ou cherche-t-il à rattraper le temps perdu ? Ce spectacle aurait en effet dû être créé en mai 2018 si une grève prolongée au sein de la Maison de Molière n’en avait alors empêché la tenue. Rendez-vous différé donc. Ce qui aurait dû advenir au printemps vient de naître à l’automne. L’automne, saison crépusculaire qui colore de noirceur une perspective d’avenir pourtant enthousiasmante. La porte fait mine de s’ouvrir vers une société nouvelle, un chantier sociétal bouleversé qui s’impose sur la scène dans les décors ténus de Jacques Gabel. Bois clair, lignes horizontales, vastes fenêtres dévoilant des toitures sommairement dessinées, chambre capitonnée de rouge et long couloir désert où les comédiens viennent adresser au public des bribes de réflexion. Les hommes mangent, boivent, dissertent et complotent. Mirandolina obsède leurs conversations. Elle est celle qu’ils espèrent, celle par qui survient le chaos. C’est une manipulatrice que l’actrice Florence Viala ne craint pas de rendre durement minérale. Elle a quelque chose de Tartuffe. Luchino Visconti, metteur en scène de cette même pièce en 1952, n’affirmait-il pas de Goldoni qu’il était à la péninsule italienne ce que Molière était à la France ? Révolutions à venir Goldoni préfigure les révolutions à venir. Elles seront inéluctables mais violentes. Dans La Locandiera, l’ordre patriarcal est malmené, l’égalité entre les sexes menace la domination mâle et les envies de liberté perturbent l’ascendant social. Le texte place en son centre une « patronne » (c’est ainsi que la nomment valet et serviteur) qui ne perd jamais ses intérêts de vue, quitte pour cela à se mettre en danger. Mirandolina met au défi ses prétendants et n’a, du point de vue de la virilité, rien à leur envier. Mais elle avance trop vite dans une société masculine qui n’est pas prête à céder un iota de son pouvoir. Son audace la précipite dans la peur. Peur, notamment, du chevalier, un misogyne autoproclamé, chez qui elle éveille un désir sur lequel elle n’aura plus de prise. Lorsqu’il fracasse à coups de pied la porte du grenier où elle s’est repliée, son visage blêmit. Pour se sauver (du sexe comme des coups), elle désigne son futur mari. C’est le valet. L’homme que son père souhaitait qu’elle épouse. Loi du père, loi d’airain. La pièce s’achève sur cette mise au pas. Rien n’explose, tout rentre dans l’ordre. Mirandolina obéit au diktat paternel et regagne le rang auquel l’assigne sa condition sociale. Qu’en dit la mise en scène ? Sachant le soin que prend Alain Françon à diriger ses comédiens, la réponse peut se lire dans le jeu. On ne voit pas, sur le plateau, ce mouvement d’ensemble des acteurs qui est la signature de l’artiste. A la place, une troupe qui se heurte sans jamais s’agréger. Chacun est dans son rôle, il n’y a pas d’union possible, pas d’harmonie de la partition. L’émancipation féminine, la lutte des classes sociales : ce qui pourrait nous permettre de rêver ne nous est pas autorisé Ce n’est pas par hasard si le chevalier, interprété par Stéphane Varupenne, fait de bout en bout figure de note dissonante dans ce concert lui-même discordant. Pas vraiment surprenant si Laurent Stocker (le valet) et Noam Morgensztern (le serviteur) sont les seuls personnages auxquels on s’attache réellement. Les domestiques sont le concret, quand les nobles constituent le mirage auquel veut croire Mirandolina. Pas le choix, il faut s’arrimer au concret. La révolution attendra. Alain Françon prend acte des illusions de l’utopie. L’émancipation féminine, la lutte des classes sociales : ce qui pourrait nous permettre de rêver ne nous est pas autorisé salle Richelieu. Voilà qui rend cette représentation lucide mais inconfortable. Elle est joyeuse mais triste. Optimiste, mais fataliste. Endiablée, mais lourde de l’échec qu’elle porte. Pas un gramme d’amour n’y circule. Dans cette Locandiera, le sentiment est une perte de temps. Et nous vivons à une époque où plus personne ne semble avoir de temps à perdre. La Locandiera, de Carlo Goldoni. Traduction : Myriam Tanant. Mise en scène : Alain Françon. Comédie-Française, salle Richelieu. Jusqu’au 10 février 2019. Légende photo : Mirandolina (Florence Viala) et le chevalier de Ripafratta (Stéphane Varupenne) dans « La Locandiera », de Carlo Goldoni, mise en scène par Alain Françon.
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Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 8:57 PM
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par Vincent Bouquet dans Sceneweb 24 octobre 2018/ Quasi niente, le mal de vivre en majesté
Au Théâtre de la Bastille, le duo italien, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, s’inspire du « Désert rouge » de Michelangelo Antonioni pour construire un subtil ballet d’âmes errantes en proie au mal-être contemporain.
Du « Désert rouge » de Michelangelo Antonioni, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini n’ont pas cherché à recoudre la – maigre – trame narrative, à ressouder les fils de la vie de Giuliana, cette femme qui ne trouve ni place, ni sens, dans le monde qui l’entoure. Tout juste ont-ils voulu extraire son âme fêlée pour la réincarner dans les corps de trois femmes et deux hommes d’aujourd’hui, comme autant de trentenaire, quadragénaires, quinquagénaire et sexagénaire représentants de multiples tranches d’âge, mais surtout d’un même mal de vivre contemporain. Dans le film du réalisateur italien, le duo a bien compris que la langueur atmosphérique importait plus que l’histoire de triangle amoureux, pour le moins banale.
Au rythme du « Domani » de Franco Fanigliulo, bande son ironiquement guillerette du chef d’œuvre d’Antonioni, qui fait office de fil rouge bien plus que de substrat, c’est toute une marge sociale que les metteurs en scène habitués aux projets torturés – « Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni », « Il Cielo non è un fondale » – font passer de l’ombre à la lumière. Dans une société où l’injonction à la performance est devenue la norme, où chacun est vu comme le seul responsable de sa propre situation et de son propre malheur, où le sport à outrance et le sexe consumériste sont élevés au rang de remèdes miraculeux du moindre mal, les cinq personnages – en sont-ce vraiment ? – se livrent sur un sujet tabou, un gros mot désormais synonyme de faiblesse psychologique, la dépression qui, à des degrés divers, les étreint et les transperce de part en part.
Construite à partir de ce sujet peu abordé sur les plateaux, l’entreprise pourrait être geignarde, tourner à la complainte individuelle, voyeuriste et larmoyante. Elle est, au contraire, intensément humaine, paradoxalement lumineuse. Par des mots simples utilisés pour décrire une réalité complexe, Deflorian et Tagliarini appréhendent avec finesse et sensibilité ce magma noir qui embrume l’esprit et englue le corps, jusqu’à devenir parfois constitutif de soi. Loin de se complaire dans leur situation délicate, les personnages semblent se débattre pour ne pas disparaître. Se confier, danser, prouver son utilité, vouloir tout détruire pour se reconstruire, ailleurs, sont autant de portes de sortie esquissées, sans toujours avoir la force de les emprunter.
Dans une scénographie dépouillée, où quelques fauteuils, une commode et une armoire trônent, tels les vestiges d’une vie ancienne, les cinq comédiens, Monica Piseddu en tête, incarnent avec doigté ces âmes errantes sur le fil, aussi fières que sur le point de sombrer. Enrobés dans l’univers scénique de Gianni Staropoli qui, par un subtil jeu de lumières, leur donne une allure quasi ectoplasmique, en même temps qu’une grâce à l’italienne, ils jouent avec la prestance de ceux qui sont enrichis d’avoir trop vécu. Chez Deflorian et Tagliarini, le « Presque rien » devient un tout, essentiel, ce mince fil qui raccroche à la vie et empêche de s’abîmer dans un gouffre sans fond.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Quasi niente (Presque rien) Un projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini Librement inspiré du film Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni Avec Francesca Cuttica, Daria Deflorian, Monica Piseddu, Benno Steinegger, Antonio Tagliarini Collaboration au projet, Francesca Cuttica, Monica Piseddu, Benno Steinegger Conseiller artistique, Attilio Scarpellini Lumières, Gianni Staropoli Costumes, Metella Raboni Son, Leonardo Cabiddu et Francesca Cuttica (WOW) Collaboration à la dramaturgie et assistance à la mise en scène, Francesco Alberici Traduction et surtitrage en français, Federica Martucci Direction technique, Giulia Pastore Organisation, Anna Damiani Accompagnement et diffusion internationale, Francesca Corona / L’Officina
Production A.D. ; Teatro di Roma – Teatro nazionale ; Teatro Metastasio di Prato ; Emilia Romagna Teatro Fondazione Coproduction Théâtre Garonne – scène européenne (Toulouse) ; Romaeuropa Festival ; LuganoInScena – Lugano Arte e Cultura ; Théâtre de Grütli (Genève) ; La Filature, Scène nationale (Mulhouse) ; Théâtre de la Bastille (Paris) ; Festival d’Automne à Paris Avec le soutien de Institut Culturel Italien de Paris, l’Arboreto – Teatro Dimora de Mondaino, FIT Festival – Lugano Coréalisation Théâtre de la Bastille (Paris) ; Festival d’Automne à Paris Avec le soutien de l’Onda Spectacle créé le 2 octobre 2018 au LAC – Lugano Arte e Cultura
Durée : 1h35 Spectacle en italien surtitré en français
Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival d’automne à Paris Du 23 au 31 Octobre 2018 Photo Claudia Pajewsk
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Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 5:11 AM
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5 mars 1996, le comédien Eric Génovèse perd sa mère et joue la première de Mithridate à la Comédie-Française Publié par Zoé Varier sur la page de son émission "Une journée particulière" sur France Inter Ecouter l'émission (54 mn) Ce jour-là, dans la matinée, le comédien part à Nice pour aller enterrer sa mère, et le soir même, il arpente les planches du "Français" pour la Première de Mithridate de Jean Racine mis en scène par Daniel Mesguich. Il y joue, dans un état second, le rôle de Xipharès, le fidèle fils du roi.
Un moment totalement hors du temps
« J’avais été éduqué théâtralement dans l’idée que, quoiqu’il arrive, on joue. J’étais en équilibre comme sur un fil durant toute la pièce. Un critique qui se trouvait ce jour-là dans la salle a deviné l’état dans lequel je me trouvais, écrivant dans son papier qu’il n’avait jamais vu un acteur habité d’une telle affliction tragique » Eric Génovèse, sociétaire de la Comédie-Française, ne garde aucun souvenir de cette première, sauf les bouquets et les petits mots d’amitié trouvés dans sa loge à l’issue de la représentation.
Le célèbre critique théâtral Michel Cournot signe dans Le Monde un article élogieux de cette mise en scène-événement de Mithridate : « Les acteurs nous donnent à entendre un quintette de poésie d’une luminosité prodigieuse. Il faut dire qu’ici Racine s’est surpassé. Mais grâce à l’oreille absolue de Mesguich les comédiens nous font découvrir que chacun de tous les vers de la pièce est à lui seul un trésor. C’est sidérant, jamais à notre connaissance une pièce de Racine n’a respiré, n’a battu comme cela. »
Simplicité et limpidité du vers racinien
Daniel Mesguich a fait travailler ses acteurs de manière très rigoureuse sur la diction des alexandrins, respectant scrupuleusement les longues, les brèves, les césures. Pour lui, ce sont eux, bien avant l’intrigue, qui font la tragédie. Idem pour Eric Génovèse : « la langue racinienne est totalement jouissive à interpréter car au final tout est dit, sans aucun sous-entendu et avec une adéquation parfaite entre le son et le sens. »
2002, une rencontre déterminante avec Anatoli Vassiliev Le metteur en scène russe travaille avec la troupe du « Français » sur l’Amphitryon de Molière. Eric Génovèse y joue La Nuit qui, à la demande de Neptune, couvre de son voile les ébats de Jupiter et Alcmène. Vassiliev, personnage clivant, adulé ou détesté, oblige ses acteurs à un travail physique harassant, remettant en cause tous les apprentissages antérieurs. « Un excellent pédagogue » se souvient enthousiaste le comédien. Paradoxalement cet homme déstabilisant, déroutant, et exigeant lui redonne le goût de jouer.
D’autres figures marquantes De Marguerite Duras, décédée en mars 1996, qui incarne, aux yeux de l’acteur, « la grâce, un art de la simplicité, du rythme des mots » ; à Marcello Mastroianni, mort la même année ; en passant par Louis Jouvet dont Eric Génovèse s’est inspiré pour interpréter en 2004, le Tartuffe mis en scène par Marcel Bozonnet. Louis Jouvet qui recommandait de ne pas faire de Tartuffe quelqu’un d’ignoble, mais au contraire « un garçon charmant, inquiétant et très intelligent ». « Adepte du trouble », Génovèse joue de l’ambiguïté du personnage, qui, tel le héros du film de Pier Pasolini Théorème, «séduit » toute la famille, et met à jour les contradictions des uns et des autres.
Pour aller +loin : L'actualité d'Eric Génovèse, sociétaire de la Comédie-Française :
Il joue actuellement le rôle de Frontin dans «L'heureux stratagème», de Marivaux, au Théâtre du Vieux-Colombier Horaires : du mercredi au samedi à 20 h 30, mardi à 19 h, dimanche à 15 h. Jusqu'au 4 novembre 2018 Les Oubliés. Alger-Paris, une création collective du Birgit Ensemble, dans une mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot. Du 24 janvier au 10 mars 2019 au théâtre du Vieux-Colombier Électre/ Oreste d’Euripide mis en scène par Ivo van Hove. A la Salle Richelieu puis en tournée au Théâtre antique d’Épidaure en Grèce. Du 27 avril au 3 juillet 2019 Et enfin on le verra dans deux reprises : il interprétera Wolf von Aschenbach dans Les Damnés d’après Visconti mis en scène par Ivo van Hove (Salle Richelieu) et Philinte dans Le Misanthrope de Molière par Clément Hervieu-Léger (Salle Richelieu). Vous avez pu entendre :
Un extrait de : Mithridate, de Jean Racine, mis en scène en 1996 par Daniel Mesguich à la Comédie-Française un extrait du CD : Marguerite Duras, le ravissement de la parole, mise en ondes par Jean-Marc Turine (Editions Radio-France, 2016) Un extrait du Bel Antonio, un film de Mauro Bolognini (1960) avec Marcello Mastroianni (DVD disponible aux Editions Montparnasse) Et les titres diffusés à l'antenne :
"Killing Me Softly with His Song", The Fugees (1996) "Il fait soleil", Silvain Vanot (2002) "American Dream", J.S. Ondara (2018) Les invités Eric Génovèse Comédien sociétaire de la Comédie Française, metteur en scène Légende photo : "Mithridate", 1996, Eric Génovèse et Claude Mathieu © Pedro Lombardi
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Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 5:00 AM
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Par Armelle Héliot dans Le Figaro 26/10/2018
Début novembre, le créateur des Machines de l'île, à Nantes, fera vibrer le cœur de la Ville rose avec une araignée géante et un Minotaure. Aperçu.
La lune, pleine ce soir-là, semble éclairer la scène incroyable. Loin de Toulouse, dans un lieu à l'écart des foules, François Delarozière dirige les opérations nocturnes. Les répétitions de l'extraordinaire spectacle intitulé Le Gardien du temple, que sa compagnie, La Machine, va offrir à Toulouse du 1er au 4 novembre pour marquer l'installation d'un certain nombre de ses créations dans une halle immense, édifiée spécialement, dans un quartier en devenir de la Ville rose. François Delarozière ne quitte pas l'île de Nantes où demeurent bureaux de conception, ateliers de construction et où sont présentées un certain nombre de sculptures vivantes et autres inventions.
Double événement ces jours-ci: le spectacle et l'inauguration de la Halle de la Machine. Un magnifique bâtiment de verre, d'acier, de bois, posé en bordure d'un lieu sacré: la piste de l'Aéropostale où, avec l'ingénieur Latécoère, les légendes, Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry, notamment, s'envolaient. Leurs visages sont peints sur les palissades qui ferment une partie du site, château et ateliers de montage, en cours de réhabilitation tandis qu'au loin poussent les immeubles d'habitation ou de bureaux d'un quartier en devenir sous la direction de l'urbaniste David Mangin.
Musiciens dans des nacelles La Halle a été dessinée et édifiée par Patrick Arotcharen. Elle est à l'échelle des machines, des créatures, des personnages qu'elle abritera et que le public pourra découvrir à partir du 9 novembre. Lumineuse, légère d'apparence, avec son auvent, ses fins piliers qui soutiennent un toit en plans inclinés, elle sert actuellement à la préparation du Gardien du temple. Atelier des costumes de Gaëlle Choveau pour les comédiens machinistes qui accompagneront le voyage de l'araignée géante, Ariane, et de son ami Astérion, le Minotaure, dans le dédale des rues du cœur de Toulouse. Les visiteurs pourront faire des promenades sur le dos de ces «personnages» à partir de l'ouverture, le 11 novembre.
Revenons au 24 octobre, nuit de pleine lune. Haute dans le ciel, elle semble s'inscrire entre les cornes d'Astérion. Les astrologues vous le diraient: cette lune est justement en Taureau… Une centaine de personnes, hommes et femmes, sont sur le pont, minuscules à côté de l'araignée géante et du Minotaure. L'air est aussi doux qu'au centre de la Crète où naquit, selon le mythe grec, Astérion, fils de Pasiphaé et d'un taureau blanc. Homme à tête de taureau enfermé dans le labyrinthe de Dédale qui s'en échappa en s'envolant. Dans la capitale française de l'aviation, alors que l'on aperçoit parfois le monumental Béluga d'Airbus dans le ciel bleu d'automne, tout fait donc sens…
Lumière, fumée, son, musique, tout est orchestré au millimètre, au soupir près
François Delarozière a inventé l'histoire du Gardien du temple pour Toulouse. Il a donné au spectacle la structure d'une pièce de théâtre. Un prologue, le 1er novembre au matin et toute la journée, avec apparition des protagonistes, et un premier acte, la nuit venue. Le lendemain, 2 novembre, trois scènes différentes pour l'acte II. Samedi 3, acte III en trois scènes, puis, dimanche 4, guidé par Ariane/l'araignée géante, Astérion trouvera le temple… Tout ce scénario est raconté dans un petit livret distribué aux Toulousains ces jours-ci. Il est illustré de dessins de Stephan Muntaner. Pas de photos. François Delarozière rêve d'une surprise totale… Les affiches disséminées dans la ville laissent deviner la silhouette du Minotaure. Mais rien de plus.
Le 24 octobre, c'est la scène 3 de l'acte II qui était répétée. Astérion, fatigué, s'est endormi. Ariane/l'araignée va le réveiller. Spectacle total, Le Gardien du temple est accompagné d'une composition musicale de Mino Malan interprétée par une quinzaine de musiciens qui sont installés dans des nacelles accrochées très haut au-dessus des chariots. C'est superbe. Un jeune ténor, Paul Crémazy, chante, inlassable. Autre artiste indissociable des créations de La Machine, Polo Loridant, le magicien des effets spéciaux. Mais ici, chacun compte. Chacun a une tâche bien précise à effectuer pour assurer la représentation dans sa fluidité et dans la sécurité indispensable. Lumière, fumée, son, musique, tout est orchestré au millimètre, au soupir près. L'araignée est connue. Elle a même voyagé au loin. Les Anglais de Liverpool l'ont nommée «The Princess».
Assises au pied de son torse, deux jeunes femmes actionnent les bras du géant simplement en faisant les gestes avec leurs propres membres
Ici, elle est donc Ariane. Avec ses dix hautes pattes, son corps oblong, elle ne fait pas peur parce qu'elle se déplace d'une manière harmonieuse et possède une face bienveillante. Elle a une petite sœur qui, pour l'heure, dort au loin, sous la Halle. Astérion, lui, personne ne le connaît encore. Il est splendide. Sous l'autorité de l'ingénieur Yves Rollot, le taureau-homme se meut avec une souplesse hallucinante. Il possède un exosquelette.
Assises au pied de son torse, deux jeunes femmes actionnent les bras du géant simplement en faisant les gestes avec leurs propres membres. François Delarozière l'a dessiné et des sculpteurs, des peintres, ont fignolé les détails de son corps hybride. Il est grand. Très grand. Douze mètres et quatorze lorsqu'il se cabre… Car s'il a des épaules, une cage thoracique d'homme, son corps est celui d'un taureau qui se lèverait comme un cheval. Sa respiration est visible. Ses côtes se soulèvent. Ses naseaux fument. Sous des paupières bordées de longs cils, de ses yeux sont bleu pâle, il vous regarde.
Spectacle de rue gratuit «Le Gardien du Temple», du 1er au 4 novembre, dans le centre de Toulouse. La Halle de la Machine, week-end d'inauguration du 9 au 11 novembre, 3, avenue de l'Aérodrome-de-Montaudran, 31400 Toulouse. Légende photo : Répétition du spectacle «Le Gardien du temple», avec Ariane l'araignée géante et les nacelles où sont installés les musiciens. - Crédits photo : Jordi Bover
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October 29, 2018 7:52 PM
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Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 29.10.2018 Suite et fin provisoire de l’histoire d’amour entre le tg STAN et Ingmar Bergman : une adaptation du film « Après la répétition ». Dit autrement, après « Mademoiselle Else », Frank Vercryussen dialogue avec une autre jeune actrice, non plus maison mais venue de la Comédie-Française, Georgia Scalliet. Étonnant et éblouissant.
Dans l’histoire du tg STAN que l’on suit en France depuis Les Antigones en 2001, déjà au Théâtre de la Bastille et au Festival d’automne, le spectre des textes est infini (de Jean Anouilh à Ingmar Bergman, d’Anton Tchekhov à Yasmina Reza), le nombre d’acteurs variable, mais on y retrouve toujours avec plaisir un ou plusieurs des trois fondateurs :Jolente de Keersmaeker, Damiaan De Schrijver et Frank Vercruyssen. Le comédien est l’alpha et l’oméga des spectacles du tg STAN, un comédien débarrassé de tous ses oripeaux, un comédien qui ne fait pas l’acteur, qui ne se la joue pas. Mais comment parler de ça ?
Mademoiselle Else
Récemment, une fois encore, j’ai tenté de cerner ce point central et mystérieux à propos d’Infidèles, le premier des trois séjours du côté d’Ingmar Bergman que nous offre cette année le tg STAN (lire ici). Toute tentative de parler du jeu si particulier des comédiens dans un spectacle du tg STAN est forcément voué à l’échec : on ne cerne pas l’incernable.
Voici le troisième et dernier opus Après la répétition d’après le film éponyme réalisé pour la télévision par Ingmar Bergman en 1984. Une histoire de théâtre comme les aimait le réalisateur suédois et comme les adorent les piliers flamands du tg STAN (Stop Thinking About Names). Frank Vercruyssen peut-être encore plus que les deux autres. Il n’est jamais si à l’aise, jamais si lui-même peut-être, que lorsqu’il fait face à une jeune actrice comme dans l’inoubliable Mademoiselle Else avec Alma Palacios. C’est le cas ici, tout aussi inoubliable, avec Georgia Scalliet. Mais comment parler de leur duo, de leur mano à mano ? Cet article est voué à l’échec, mais continuons.
Le film de Bergman s’ouvre sur le gros plan d’un homme âgé, assis et assoupi sur la scène d’un théâtre. C’est Henri Vogler, un metteur en scène renommé, interprété par le grand Erland Josephson. Il nous parle doucement en off, d’une voix toute intérieure, de son âge, de sa fatigue. La répétition est achevée depuis longtemps, il dit aimer s’attarder dans le théâtre vide parmi dans le décor de la pièce, le Songe de Strindberg fait lui même avec les restes d’autres décors comme il le dira plus tard : « le fauteuil de Nora » (La maison de poupée d’Ibsen), « la table de Platonov » (de Tchekhov), « les chaises du Songe » (ce n’est pas la première fois qu’il monte la pièce de Strindberg).
Mademoiselle Anna
Entre une jeune actrice (rôle tenu par Lena Olin) habillée de rouge, elle joue la fille d’Indra dans Le songe, elle se prénomme Anna, elle dit avoir oublié un bracelet, elle s’attarde. Elle a vingt trois ans et trois mois, le même âge que celui d’une des filles de Vogler. Ce dernier était ami avec le père d’Anna et il avouera sans mal à la jeune actrice avoir été amoureux de sa mère Rakel, elle-même actrice, un amour, dit-il, resté platonique. S’en suit une belle conversation sur le théâtre, la vie, l’amour, le jeu.
Second mouvement : entre une autre femme, les cheveux mouillés (il pleut dehors), le visage marqué, c’est Rakel (Ingrid Thulin). D’un plan à l’autre du film, on se retrouve dans le même décor plus de vingt ans auparavant. Rakel est ivre, Vogler est son amant mais leur liaison est comme à bout de souffle et Rakel n’est plus la comédienne qu’elle fut (« la première pendant vingt six ans »). Vogler s’éloigne d’elle tout en pensant à elle chaque jour, lui assure-t-il. Elle veut faire l’amour avec lui depuis qu’elle est arrivée, il promet d’aller la rejoindre chez elle. Dans certains plans on voit, Anna, la fille de Rakel, gamine de huit-dix ans, assise sur le canapé du décor, habillée de rouge. S’en suit une âpre conservation sur la fin des choses, leur dépérissement, le désamour. Rakel sort.
Troisième mouvement : on se retrouve avec l’Anna du début et le vieux Vogler qui pourrait être son père. Le bracelet n’était qu’un prétexte, c’est pour lui qu’elle est venue, pour cet homme usé et ce metteur en scène génial dont elle caresse furtivement le visage. Elle le met à l’épreuve en disant qu’elle est enceinte, tout s'écroule. Mais c'est un demi mensonge puisqu’elle dit avoir avorté. Tout redevient possible. Il lui avoue alors être amoureux d’elle. Dans un finale éblouissant et bouleversant, ils imaginent l’un et l’autre ce que va devenir leur relation forcément sans grands lendemains. Ils en inventent les étapes, lui plus qu’elle, ils vivent un peu ce qu’ils imaginent. Après la fin de leur histoire, ils se voient un soir, dînant à trois avec Johan le compagnon d’Anna qui sera devenu sans doute son mari. « Et nous parlons de la situation du théâtre qui est exécrable » dit Vogler . Il rit, se tait, puis ajoute : « voilà ce que ça aurait été ». Et Anna de (se) demander : « Est-ce que ça aurait été si mal ? ».Vogler ne le pense pas. Les cloches sonnent. Anna songe alors qu’elle a oublié une répétition à la radio. Elle prend son sac et sort. Vogler reste seul dans le théâtre. »
Le spectacle du tgSTAN, cosigné par les deux acteurs, Franck Vercruyssen et Georgia Scalliet, est présenté comme étant « d’après Après la répétition ». Il y a à cela plusieurs raisons outre le fait que le film multiplie les gros plans mais aussi les champs-contre champs ce que le théâtre ne permet pas.
Pas si vieux que cela
Par sa prestance, sa façon de se tenir debout sur scène avant même le début du spectacle (pendant l’entrée des spectateurs, le soir de la première, il inspectait la propreté de la moquette déroulée sur le sol), et l’ironie innée qu’il promène de spectacle en spectacle, Frank Vercruyssen rajeunit le personnage de Vogler. Il procède aussi à quelque coupes. Dans la dernière scène est gommé le moment du son de cloches : Anna les entend sonner, Vogler ne les entend pas. Il dit être devenu dur d’oreille avec l’âge, il demande à Anna si elle a remarqué cela pendant les répétitions, « oui, un peu » dit elle. Tout cela est biffé dans le spectacle comme est biffée la dernière phrase du film que dit Vogler en voix off après le départ d’Anna à la radio : « ce qui me préoccupait le plus c’est de ne pas entendre les cloches de l’église ». Dans le spectacle, la relation entre le metteur en scène pas si vieux que cela et l’actrice, jeune mais pas tant que cela, devient moins paternelle (le maître et l‘élève), plus sensuelle, plus magnétique, plus joueuse aussi.
Mais la plus belle des torsions opérées, c’est d’avoir transformé la scène du passé entre Vogler et Rakel en scène au présent entre Anna (tenant donc le rôle de sa propre mère) et Vogler jouant l’amant de Rakel (ce qu’il fût). Cela se fait d’un coup (de baguette ) magique : la comédienne change de chaussures, se verse un grand verre d’eau sur la tête et dit « il pleut ». Cela devient une scène de répétition entre une actrice et son metteur en scène et c'est « après » cette répétition que leur relation s’accomplira vraiment. De la répétition à l’amour. Possible et impossible : « ah si j’avais dix ans de moins » regrette Vogler, réplique écrite par Bergman et dont Frank Vercruyssen se moque tout en l’assumant à demi . Sous le titre « Après la répétition » s’en glisse un autre : « Après l’amour ». La pseudo scène de répétition devient vraiment un acte d’amour. Ce tournoiement narratif, c’est le propre du tg STAN, il atteint là un sommet.
De Louvain à la Comédie-Française
C’est la première fois que Georgia Scalliet qui avait débuté sa formation d’actrice en Belgique à Louvain la Neuve et est devenue en 2017 Sociétaire de la Comédie-Française, entre dans l’univers du tg STAN. La novice épouse incroyablement la façon maison d’être sur un plateau. Elle est on ne peut plus à l’aise dans ce qui constitue l’approche tg STANesque des personnages : une apparente décontraction du phrasé et un souplesse du corps ouvrant la voie vers l’infra, le tactile, le furtif, l’insaisissable.
Le générique du spectacle cite trois collaborateurs au façonnage du spectacle dont deux collaboratrices : Alma Palacios (la partenaire de Frank dans Mademoiselle Else) et Ruth Vega Fernandez. Ces deux actrices, Georgia Scalliet et une quatrième actrice Pauline Moulène, ont créé ensemble un collectif le LIV, qui avait brièvement présenté un travail autour de Madame de Sade de Mishima et des textes de Bergman en 2015 au théâtre de la Bastille lors de la manifestation « Notre temps collectif ». On attend goulûment la suite.
Dans son passionnant livre de mémoires Laterna Magica (Gallimard), Ingmar Bergman raconte comment, en venant voir un Misanthrope à la Comédie-Française, il avait eu la révélation de Molière, un auteur que, jusqu’alors, il trouvait « poussiéreux et sans intérêt ». Molière entra « dans mon cœur en même temps que ses interprètes » écrit-il. Ah s’il avait pu savoir qu’un jour, dans une adaptation réussie de son film « Après la répétition », une Sociétaire de la Comédie-Française serait son Anna et qu’elle porterait le rôle haut et loin, elle serait, ô combien, entrée dans son cœur.
Théâtre de la Bastille dans le cadre du Festival d’Automne, du 1er au 4 nov et du 9 au 11 nov à 18h, les 6, 7, 12, 13 et 14 nov à 19h30, relâche les 5 et 8 nov. Jusqu’au 14 novembre. Légende photo :Georgia Scalliet dans "Après la répétition" © Dylan Piaser
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October 29, 2018 9:22 AM
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Publié sur le site d'Artcena - 17 octobre 2018
La charte nationale d’accueil des chapiteaux de cirque et autres structures culturelles itinérantes accueillant du public a été signée par ses dix instances fondatrices et lancée le 24 octobre dernier dans le cadre de CIRCa - festival de cirque actuel à Auch. Étaient alors conviés à ce lancement très attendu les professionnels du secteur, ainsi que des représentants de l’État et des collectivités. Reconnaissant toute l’importance des artistes itinérants pour la diversité de la création et de la vie culturelle, la charte Droit de cité vise à faciliter l’accueil des chapiteaux de cirque et autres structures culturelles circulant dans les territoires. Elle est le fruit d’une concertation au sein d’un groupe de travail coordonné par ARTCENA. Ce groupe de travail est composé de : l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), le Centre international pour les théâtres Itinérants (CITI), le Collectif des cirques, la Commission nationale des professions foraines et circassiennes, la Fédération française des écoles de cirque (FFEC), la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), le ministère de la Culture, le Syndicat des cirques et des compagnies de création (SCC) et Territoires de cirque. Si une première Charte d’accueil des cirques dans les communes avaient pu voir le jour en 2001, cette nouvelle charte nationale porte une ambition renouvelée. Elle marque la volonté de dialogue et de coopération entre l’État, les collectivités locales et les professionnels du spectacle itinérant pour améliorer les conditions d’accueil des chapiteaux et des structures mobiles, dans le respect des normes en vigueur. Elle vise à inciter à l’aménagement d’espaces d’installation pour ces dernières et à développer l’information à la disposition des professionnels et des services des collectivités sur ce secteur. Défendant les valeurs de respect mutuel et d’ouverture à la diversité des arts pour tous les publics, elle place l’itinérance comme enjeu de territoire. Ainsi, son objectif est également d’initier des partenariats autour de projets innovants en terme d’éducation artistique, de formation et d’action culturelle. Cette charte Droit de cité s’adresse aux communes, aux intercommunalités et associe tous les acteurs de la formation, de la production et de la diffusion : les entreprises, les compagnies, mais aussi les Pôles Nationaux Cirque, les Scènes nationales, les Scènes conventionnées, les lieux intermédiaires, et également les écoles de cirque. En savoir plus sur la Charte Droit de cité
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October 28, 2018 6:42 PM
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Par POC avec AFP Publié dans Culturebox le 27/10/2018 Irina Brook, en septembre 2016 / © MAXPPP
La metteur en scène franco-britannique Irina Brook quitte la direction du Théâtre national de Nice en juin 2019. Elle souhaite se consacrer à sa troupe de théâtre.
Irina Brook, dont le mandat a été renouvelé pour 3 ans en janvier dernier, est à la tête du Théâtre national de Nice (TNN) depuis 2014. Elle vient d'annoncer son départ, du TNN, l'un des 38 centres dramatiques nationaux français, en juin 2019. Le TNN a confirmé, vendredi 26 octobre, une information parue sur le site professionnel Sceneweb, le jeudi 18 octobre.
Fille du metteur en scène britannique Peter Brook, Irina Brook doit présenter deux créations cette saison au TNN, un Romeo et Juliette d'après Shakespeare, et Dream (le Songe en une heure), d'après le même dramaturge.
Succédant à Daniel Benoin, parti au théâtre d'Antibes, Irina Brook avait contribué à ouvrir le TNN sur l'extérieur, au travers d'événements autour de thèmes comme l'environnement, ou via des festivals pour la jeunesse ou sur son auteur fétiche, William Shakespeare.
Irina Brook, dont le successeur sera nommé par le ministère de la Culture, qui a la tutelle des centres dramatiques nationaux, avait monté une compagnie en 2008. Après son départ de Nice, elle souhaite à nouveau se consacrer à celle-ci, précise le TNN.
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October 27, 2018 1:25 PM
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Par Thomas Ngo-Hong Roche dans son blog Hier au théâtre 26.10.2018 Généralement, quand un artiste monte sur scène, il endosse le costume d’un personnage. Il se met dans la peau d’un autre le temps de la représentation. Ce n’est pas le cas de Gaël Leiblang. Le journaliste sportif transforme une expérience personnelle douloureuse, la perte de son fils, en une course contre la montre désespérée. Au Lucernaire, Tu seras un homme papa aborde le processus de la résilience avec une maladresse touchante, celle d’un comédien amateur qui tente de se reconstruire par le jeu.
La naissance d’un enfant constitue sans aucun doute l’un des plus beaux cadeaux au monde. Quand Gaël assiste à la naissance de son fils Roman, il est fou de joie. Cependant, les mauvaises nouvelles s’accumulent rapidement car le nourrisson souffre de malformation congénitale. Comment se relever après ce coup de massue ?
À toute allure Afin de symboliser l’échéance infernale de la mort précoce du petit, Thibault Amorfini signe une mise en scène fiévreuse où le corps délivre sa propre vérité. La métaphore du sport tourne à plein régime ici : course, corde à sauter, escalade horizontale… Autant de façons de se dépenser et de maintenir en haleine le public. L’issue fatale ne fait aucun doute mais l’activité physique s’érige comme un palliatif face à ce terrible coup du sort. S’épuiser comme une brute pour tenter d’oublier le malheur…
Gaël Leiblang se livre corps et âme sur scène : à l’écriture et au jeu, il se confesse sans pathos sur une injustice éprouvante. Le fait qu’il soit sur les planches depuis finalement peu de temps confère de la fraîcheur à son interprétation. Tout n’est pas parfait et c’est cette fragilité qui émeut. Un spectacle sensible qui ne laissera pas indifférent. ♥ ♥ ♥ ♥
TU SERAS UN HOMME PAPA de Gaël Leiblang. M.E.S de Thibault Amorfini. Le Lucernaire. 01 45 44 57 34. 50 min.
Légende photo : Gaël Leiblang crédit : © Véronique Fel
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November 1, 2018 8:18 PM
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Par Walid Salem dans Rue89 Bordeaux publié le 10/10/2018 Avec des textes du philosophe Guillaume Le Blanc, la directrice du TnBA, Catherine Marnas, ressuscite la pensée de Pasolini pour analyser les préoccupations politiques et sociales actuelles. Le résultat est une confrontation qui mène parfois au duel entre des visions opposées sur le monde.
Avec une énergie comme on les aime au théâtre, Yacine Sif El Islam se lance dans une interminable et délicieuse tirade. Julien Duval, Franck Manzoni, Olivier Pauls et Bénédicte Simon répliquent au millimètre près. Sur un ton ironique, voire cynique, ils s’en prennent à une certaine bien-pensance et visent les idées reçues. Le personnage du premier a la nostalgie des McDo, et aimerait bien une bâfrée de nuggets, au risque d’accointance avec le « fascisme de consommation ».
Cette scène se situe vers le milieu de « La Nostalgie du Futur », la dernière création mise en scène par Catherine Marnas. Le dynamisme de l’échange interpelle in extremis le public emporté par une succession de saynètes, tantôt tragiques, tantôt comiques, dans lesquelles la pièce semblait ronronner. Il ouvre enfin la voie à une deuxième moitié du spectacle incisive et cinglante à la hauteur de son sujet, ou plutôt à la hauteur de celui qui plane sur son sujet.
En effet, la directrice du TnBA (Théâtre national Bordeaux Aquitaine) ouvre sa nouvelle saison, dans le cadre du FAB (Festival International des Arts de Bordeaux métropole), en mettant à l’honneur Pier Paolo Pasolini, qu’elle surnomme son « Jiminy Cricket », comprendre sa bonne conscience.
« C’était mieux avant » En 2002, Catherine Marnas avait adapté un roman de l’écrivain italien, « Premier conte sur le pouvoir ». Mais ce deuxième exercice, qui nécessite de brasser toute la pensée de l’intellectuel assassiné pour son homosexualité affichée et son discours anticonformiste dans l’Italie de l’après guerre, est bien plus difficile.
Elle fait alors appel à Guillaume Le Blanc qui connaît et étudie la question de la « critique sociale ». Le philosophe travaille à partir de certains entretiens et écrits de Pasolini, et du film « Uccellaci e uccellini » (1966). Le résultat est proche du documentaire, nourri de reconstitutions théâtrales et d’insertions incessantes de vidéos grand format.
Pour Guillaume Le Blanc, « le regard de Pasolini a quelque chose à nous apporter aujourd’hui dans notre époque » :
« L’idée de Catherine Marnas était de placer mon regard sur le monde actuel au cœur de la pièce et de construire une forme de dialogue et même de controverses avec Pasolini ; entre son regard des années 1970, lié à une forme de nostalgie des vies anciennes disparues, d’où le thème de la disparition des lucioles, et mon regard contemporain des années 2000-2010, qui s’efforce de saisir les créations minuscules de formes de vie qu’on ne voit pas en général. »
« Au début des années 60, à cause de la pollution atmosphérique, et surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (fleuves d’azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître » ; « La télévision est une des manifestations les plus tapageuses de cette culture de masse que le capitalisme impose » ; « La réalité nous lance un regard de victoire, intolérable : son verdict est que tout ce que nous avons aimé nous est enlevé à jamais », ces écrits de Pasolini ravivent, dans un duel avec Guillaume Le Blanc, l’éternelle question du « c’était mieux avant ». Celle-ci n’est pas prête de trouver répons La Nostalgie du futur (photo Sébastien Huste) Au Théâtre Olympia, CDN de Tours du mardi 6 au samedi 10 novembre 2018 : http://cdntours.fr/spectacle/la-nostalgie-du-futur
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Le spectateur de Belleville
November 1, 2018 2:32 PM
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Propos recueillis par Catherine Robert pour La Terrasse Publié le 23 octobre 2018 - N° 270 TGP-CDN DE SAINT-DENIS / D’APRÈS A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU DE MARCEL PROUST / Mise en scène JEAN BELLORINI
Jean Bellorini continue son exploration des chefs-d’œuvre de la littérature en s’emparant des cent premières pages de Du côté de chez Swann, qu’interprètent Hélène Patarot et Camille de La Guillonnière, coauteurs de l’adaptation.
Pourquoi à nouveau adapter une œuvre littéraire ?
Jean Bellorini : Je cherche à provoquer la communion des imaginaires des acteurs et des spectateurs. Je crois qu’en cela, le théâtre s’apparente à l’art de la lecture, par opposition aux spectacles à images finies, comme l’est par exemple le cinéma. Il doit y avoir au théâtre une part de liberté, d’inconnu, comme celle qui est réservée au lecteur. Telle est ma définition du théâtre, qui ressemble en cela à celle de la littérature : une rencontre entre des imaginaires qu’accompagne une disponibilité du spectateur à cela. Cette expérience unique naît lorsque des hommes parlent à des hommes. Au milieu du plateau, ces imaginaires s’entrechoquent : là, il y a du théâtre.
Pourquoi choisir Proust ?
J.B. : Voilà un bon moment que ce projet me tourne dans la tête. Le spectacle s’appuie sur Proust et convoque de nombreux passages de La Recherche, mais pas exclusivement. Il s’agit plutôt d’une enquête sur la mémoire, le souvenir, sur la manière dont le temps le transforme, ainsi que d’un hymne à l’art, à l’éphémère, à l’instant, au hasard, à l’involontaire. On cherche au théâtre cette reconnaissance inattendue de ce qu’on est, et c’est aussi ce que Proust cherche toute sa vie dans son œuvre. Tous les objets – la moindre rue, la moindre pluie – évoquent, font écho à un soi antérieur très précis. Or, je crois que c’est exactement ce qu’on cherche au théâtre, ce qu’on reconnaît sans l’avoir prévu. Voilà pourquoi ce spectacle est aussi un hymne à cet art.
« ON CHERCHE AU THÉÂTRE CETTE RECONNAISSANCE INATTENDUE DE CE QU’ON EST. » Comment les comédiens s’inscrivent-ils dans ce projet ?
J.B. : Hélène Patarot y évoque sa vie, son exil loin du Vietnam, et Camille de La Guillonnière, comme venu lui rendre visite, est interpellé par son récit. Si la madeleine était un nem : voilà comme aurait pu s’appeler le spectacle ! Le spectacle tourne autour des figures de la grand-mère du narrateur et de celle d’Hélène. Nous nous sommes concentrés sur le début et la fin du roman : d’abord Combray, la relation aux souvenirs d’ennui, de lecture, de famille, du coucher, de l’amour de la mère, de la grand-mère, puis la mort des grands-mères et le deuil, autour de cette jouissance perverse du narrateur qui a besoin de se sentir souffrir pour sentir que sa grand-mère est en lui. Nous évitons l’aspect mondain de l’œuvre pour nous consacrer au Proust enquêteur de l’âme. Hélène et Camille incarnent la grand-mère et le narrateur, ou le narrateur et Françoise, ou Marcel et Céleste. Ils sont seuls en scène avec un musicien, Jérémy Peret, un peu comme à l’intérieur d’une âme. Avec Arvo Pärt, Bach et Vivaldi, nous cherchons quelque chose qui force la pulsation, avec l’impression d’une apnée qui mesurerait l’écoulement du temps, dans une sorte de demi-sommeil permanent.
Propos recueillis par Catherine Robert
A PROPOS DE L'ÉVÉNEMENT Un Instant du Mercredi 14 novembre 2018 au Dimanche 9 décembre 2018 TGP-CDN de Saint-Denis 59, boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint-Denis Du lundi au samedi à 20h ; dimanche à 15h30 ; relâche le mardi. Tél. : 01 48 13 70 00.
Photo Jean Bellorini © Crédit : Jean-Baptiste Millot
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Le spectateur de Belleville
November 1, 2018 11:28 AM
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Le 10 décembre 1948, dans le théâtre du palais de Chaillot, 48 nations réunies signèrent la Déclaration universelle des droits de l’homme. 30 articles pour proclamer une même foi dans la dignité et la valeur de la personne humaine. Soixante-dix ans plus tard, dans ce même théâtre, des artistes veillent la Déclaration pour que sa flamme continue à produire de la lumière.
Dans la charte de l’ONU, son nom de code – résolution 217 (III) A – est aussi abstrait que son importance est capitale pour la démocratie et l’épanouissement des hommes, des femmes et des sociétés. L’anniversaire des soixante-dix ans de sa signature est l’occasion de réaffirmer des valeurs encore souvent contestées en réunissant des artistes, français et étrangers, venus de divers champs de la création. Chacun d’eux est invité à s’emparer de ces thèmes dans des gestes performatifs rythmant une soirée anniversaire qui sera orchestrée par la metteuse en scène Anne-Laure Liégeois. Une Veillée de l’humanité, une grande fête écrite avec leurs gestes, leurs mots, leurs rires et leurs silences…
Distribution / Crédits AVEC Isabelle Adjani, Taigue Ahmed, Marcia Barcellos, Alvie Bitemo, Fabrice Bwabulamutima, James Carlès, Carolyn Carlson, Francois Chaignaud, Kubra Khademi, Alonzo King, Anne-Laure Liégeois, Caroline Marcadé, Phia Ménard, Dominique Mercy (Tanztheater Wuppertal, Pina Bausch), José Montalvo, Wajdi Mouawad, Ohad Naharin, Angelin Preljocaj, Aliocha Regnard, Lia Rodrigues, Eric Ruf, Kirill Serebrennikov AVEC LES DANSEURS DU Alonzo King LINES Ballet, DU Ballet Preljocaj, DE LA Batsheva Dance Company ET DE Lia Rodrigues Companhia de Danças ET AVEC LES COMÉDIENS DE LA COMPAGNIE Le Festin : Olivier Dutilloy, Nelson Rafaell-Madel, Paul Pascot ET LA PARTICIPATION DE jeunes comédiens, élèves du Conservatoire national supérieur d'art dramatique, du Lycée Jean-Jaurès d'Argenteuil ET D'ÉCOLES DE THÉÂTRE (EN COURS)
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Le spectateur de Belleville
October 31, 2018 9:45 PM
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Par Mireille Davidovici dans Théâtre du blog, 31.10.2018 François Delarozière
Le Gardien du Temple et La Machine conception et mise en scène de François Delaroziere
«Nous attachons une attention particulière à ne pas transfigurer la machine, à lui laisser une esthétique mécanique brute. C’est l’intervention humaine de la manipulation, du discours, de la musique ou de la danse qui donne vie aux machines. » Telle est la philosophie de François Delaroziere Sur la piste d’envol de la légendaire Aéropostale, après Saint-Exupéry, Guynemer et les autres, ce nouveau pionnier essuie les plâtres d’un projet colossal. Bien connu pour avoir conçu la famille des Géants de Royal de Luxe – qu’il accompagne de 1983 à 2005- puis Les Machines de l’Île à Nantes, le metteur en scène et scénographe s’apprête à inaugurer, à Toulouse la Halle de La Machine. Ce grand bâtiment, construit avec des subsides de Toulouse-Métropole et de la Région Occitanie abritera ses créations quand elles ne sont pas en tournée. Le quartier de Montaudran, autrefois banlieue industrielle, sort de terre autour de l’Aéropostale désormais baptisée la Piste des Géants. La métropole entend ainsi le doter d’un équipement culturel et touristique . « Le financement de la Halle de la Machine ( 12 Millions d’euros) dépend des services de l’urbanisme, précise François Delaroziere : « Une façon d’ouvrir la porte à l’art dans l’urbanisation de la cité. » La piste d’aviation de 2,5 km reste telle qu’elle, bordée des « jardins de la ligne », plantés d’essences végétales issues des pays traversés jadis par l’Aéropostale. Malheureusement, on ne peut pas y mettre les pieds, remarque le metteur en scène. Non loin, on trouvera un musée dédié à la mémoire des pionniers. Mais rien de muséal dans la Halle des machines : « les mécaniques animées de la compagnie prendront vie sous les yeux du public grâce à une équipe technique et artistique et à travers un large éventail de récits ». La Symphonie Mécanique, Les Mécaniques Savantes, L’Expédition Végétale, Le Dîner des Petites Mécaniques et Une nouvelle forme de vie non répertoriée, seront mis en mouvement pour les visiteurs et, entretenus, prêts à repartir jouer aux quatre coins du monde.
Grâce à un contrat de délégation de service public de dix ans avec Toulouse-Métropole et un budget de fonctionnement de 632 000 euros, l’association La Machine emploie 35 personnes et fait appel, pour la construction d’objets de spectacle atypiques, à de multiples professions : des métiers d’art à l’industrie et aux technologies de pointe. Comédiens, techniciens, marionnettistes, musiciens et décorateurs se chargent de les animer : « le mouvement est un langage, une source d’émotion. »
Dehors, dans le “manège carré“, se croiseront La marche des buffles, La ronde des insectes et Les Poissons…
Le Gardien du Temple
Dans le même temps, des dizaines de techniciens, mécaniciens, comédiens, musiciens s’activent aux répétitions du spectacle inaugurale. Le Gardien du Temple se donnera du 1er au 4 novembre dans les rues de la Cité rose : St Cyprien, Capitole, Esquirol, les quais de la Daurade, Port Viguerie, Matabiau, Alsace Lorraine, Carmes, Salin, Boulevard Carnot autant de labyrinthes, terrains de jeu où une araignée articulée de 13 m. de haut et 20 m. de diamètre retrouvera le Minotaure (47 tonnes pour 4 m. de large, et jusqu’à 14 m. de haut) Telle Ariane, la fileuse le sortira de son souterrain… Cette épopée, conçue à raison de trois épisodes de deux heures par jour, s’inspire du mythe d’Ariane, mais revu et corrigé par la plume de Jorge-Luis Borges : dans La Demeure d’Asterion, nouvelle du recueil L’Aleph, l’écrivain donne la parole au Minotaure.
Un étrange ballet se prépare accompagné d’un orchestre, perché sur quatre plateformes mobiles à huit mètres du sol et dirigé par Mino Malan, auteur de la musique. Un ténor donne voix à la complainte du Minotaure : « On me prend pour un fou/ On me traite de monstre /Tout ça n’est que mensonge (…) Mes ailes retrouvées/ qui sait ce que je ferai » …Pour le metteur en scène de cet opéra de marionnettes géantes, dont il a écrit le livret, le monstre n’est qu’un malheureux paria, mis à l’écart du monde parce que différent : mi-homme, mi-taureau ! C’est un personnage poétique et pathétique qui s’ennuie et aspire à sortir des « couloirs sans fin et des corridors vides ». Ariane, fille de Minos et de Pasiphaé – ici une araignée -, utilise ses pouvoirs magiques pour le guider vers sa future demeure, le temple dont il deviendra le gardien… Telle une danseuse, elle évolue avec grâce, chacune de ses huit pattes activée par un humain. Ses yeux et sa tête bougent sous l’impulsion de trois manipulateurs. Elle bave et crache de la vapeur, tandis que le Minotaure, mu par dix sept personnes, se cabre, rugit et lance des flammes sur son passage.
Les répétitions sont tenues secrètes mais le public pourra bientôt admirer ces géants dans les rues de Toulouse. Le premier jour est celui de l’apparition des machines. Les jours suivants on les verra évoluer dans différents quartiers. Pour éviter les bousculades, seul le point de départ de chaque journée sera communiqué.
On retrouvera les deux protagonistes du Gardien du Temple, apaisés, dans la Halle des machines et sur la piste de l’Aéropostale à Montaudran . L’Araignée embarquera sur son dos une dizaine de personnes, et le Minotaure une cinquantaine.« Ces sculptures vivantes transforment le regard que nous portons sur nos cités conclut le maître d’œuvre. Le théâtre que nous pratiquons est un théâtre de rue et d’action dans la rue Ainsi cet art dans la rue nous permet d’envisager, dans l’espace public, un acte fédérateur. »
Mireille Davidovici
Le Gardien du Temple du 1er au 4 novembre dans les rues de Toulouse
Du 9 au 11 novembre, week-end d’inauguration de la Halle de La Machine 3, avenue de l’Aérodrome de Montaudran Toulouse
www.halledelamachine.fr
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October 31, 2018 12:23 PM
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Par Armelle Héliot dans Le Figaro Mis à jour le 30/10/2018 MORCEAU CHOISI - À la Comédie-Française, Alain Françon donne à La Locandiera les nuances sourdes d'un monde qui s'efface. C'est beau, c'est fin, c'est subtil. C'est drôle, très drôle. C'est admirablement incarné par un groupe d'interprètes intelligents et profonds, qui se plient, aériens et mobiles, au rythme vif imprimé à la représentation. Dans les costumes harmonieux du maître Renato Bianchi, un décor à transformations idéales de Jacques Gabel, sublimés par les lumières de Joël Hourbeigt, cette Locandiera est un bijou brillant, poli à la perfection. Mais l'éclat, ici, est toujours assourdi d'on ne sait quelle mélancolie qui dit les vies ratées, les destins ligotés, les mensonges d'hommes et de femmes qui sont entraînés vers la fin d'un monde. Jamais on n'avait ressenti avec autant de clarté que les aventures de la merveilleuse Mirandolina, la délicieuse aubergiste dont tout le monde est amoureux, sont amères. La musique de Marie-Jeanne Serero le laisse entendre furtivement. Alain Françon, qui signe cette mise en scène, et son dramaturge, David Tuaillon, n'étouffent en rien la comédie, son efficacité. Ils s'appuient sur la traduction scrupuleuse et inventive de la regrettée Myriam Tanant, dont ce fut le dernier travail. Universitaire et femme de théâtre complète, elle avait appris auprès de Giorgio Strehler à écouter Goldoni. On pense au maître de Milan en saluant les comédiens, tous parfaits. Ici, on prend le public à témoin. Sans cesse. Rien de démonstratif pourtant, mais la vie même et ses mensonges Deux heures durant, c'est à la salle que les personnages s'adressent. Ici, on prend le public à témoin. Sans cesse. Rien de démonstratif pourtant, mais la vie même et ses mensonges. Un vrai aristocrate fauché, grande baderne (aigu Michel Vuillermoz), un faux noble perclus d'argent (Hervé Pierre, épatant), un jeune chevalier qui n'aime que son plaisir (Stéphane Varupenne, ultrasensible) et son valet lui aussi épris de l'aubergiste (Noam Morgensztern, précis), deux comédiennes tapageuses et pauvres (Coraly Zahonero, Françoise Gillard, cocasses) jacassent et se disputent les faveurs de Mirandolina (superbe Florence Viala), femme indépendante qui a hérité l'auberge de son père, avec promesse d'épouser son serviteur, Fabrizio (Laurent Stocker, remarquable). Ici, la révolution c'est que le chevalier dit ne pas aimer les femmes et que Mirandolina, metteur en scène, va tout faire pour le rendre fou d'amour et réussira. Mais à quel prix! Tout le monde perd et sort brisé. Un monde s'efface. Une société se dissout. On rit, le cœur serré. Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance jusqu'au 10 février. Tél.: 01 44 58 15 15. Durée: 2 heures.
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Le spectateur de Belleville
October 31, 2018 6:47 AM
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Par Emmanuelle Bouchez dans Télérama Publié le 30/10/2018. Comment va le nouveau cirque ? Pas trop mal, vu le succès du festival CIRCa à Auch, du 19 au 28 octobre. Pas si bien néanmoins, estime Marc Fouilland, directeur du pôle national cirque auscitain. Il s’inquiète de la précarité d’une discipline très dynamique mais moins soutenue que le cirque traditionnel. Le 31e festival du cirque actuel, le CIRCa, s’est achevé à Auch le 28 octobre 2018. Pendant dix jours s’y sont croisées une quinzaine de compagnies, pour la plupart françaises – mais très internationales dans leur ADN. Soit vingt-cinq spectacles, uniquement des dernières créations, sur dix-sept lieux, qui ont convaincu 33 000 spectateurs dans une agglomération de 35 000 habitants (40 % du public venant de tout le département du Gers). Marc Fouilland, qui dirige ce festival depuis dix-sept ans, semble heureux de sa dernière édition. Mais lui qui fut l’un des fondateurs de Territoires de cirque, association nationale qui regroupe depuis 2004 les scènes circassiennes et les lieux subventionnés, s’inquiète pour l’avenir. Quels ont été les points marquants de cette 31e édition du festival CIRCa ? Marc Fouilland : Comme la tradition de CIRCa est d’inviter aussi les écoles de cirque professionnelles européennes, je tiens à montrer à tous ces étudiants quel cirque se fabrique aujourd’hui. Dans l’instant et dans sa diversité. Quand je construis ma programmation, beaucoup de choses n’existent pas encore mais l’on voit bien cette année que cet art est poreux, qu’il est traversé par son époque. Ainsi les femmes ont-elles frappé fort en 2018. Avec un renouveau du répertoire, tel ce Projet.PDF, Portés de femmes, consacré à une discipline acrobatique d’habitude défendue par les hommes. Ou ces jeunes femmes de la compagnie La June, venues de l’école du Lido de Toulouse, qui prennent beaucoup de liberté avec les formats. Ou enfin, ce projet Me, Mother, spectacle collectif et éphémère, spécialement conçu pour Auch… Cinq femmes artistes, enceintes ou jeunes mamans, y évoquent sans aucun tabou ce que représente la maternité pour une circassienne. Preuve que le cirque est un art populaire capable de s’emparer de n’importe quel sujet. Cependant, si CIRCa présente les formes les plus pointues comme les plus fédératrices du cirque d’aujourd’hui, je n’y programme pas les équipes québécoises. Car celles-ci sont déjà largement diffusées par les scènes nationales françaises ou les gros théâtres de ville. Elles n’ont guère besoin de notre soutien ni d’une visibilité supplémentaire. Comment voyez-vous l’avenir du cirque en France ? M.F. : C’est une discipline encore jeune dont la structuration n’est pas achevée. Il suffit d’écouter les compagnies, souvent fragiles, pour s’en rendre compte. La politique publique lancée il y a trente ans en faveur du cirque contemporain (avec la création d’une école supérieure, le CNAC, Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne) a d’abord réussi à renouveler les formes. Puis, dans l’élan de l’année du cirque organisée en 2001-2002, le ministère de la culture a soutenu l’émergence de pôles mationaux du cirque consacrés à la création et à l’accueil des compagnies. Nous en avons dix aujourd’hui dans tout l’Hexagone, dont CIRCa, le mieux doté. Deux autres devraient bientôt émerger : le PALC à Châlons-en-Champagne, en lien avec le CNAC, et Le Séchoir, à La Réunion. Néanmoins, la bataille pour le développement n’est pas encore gagnée : nous sommes le secteur des arts vivants le moins financé ! L’essentiel du budget du ministère de la culture consacré au cirque va en effet à la formation plus qu’à la création et à la diffusion. Pour preuve : la subvention annuelle pour un pôle national cirque est seulement de 250 000 euros [deux fois moins que le moins bien doté des labels nationaux type scène nationale ou centre dramatique, ndlr]… Le cirque contemporain mène des actions en faveur de la démocratisation culturelle. Avez-vous bénéficié du plan lancé par l’ex-ministre Françoise Nyssen en mars dernier : « la culture près de chez vous » ? M.F. : Oui, CIRCa a reçu 20 000 euros de subventions supplémentaires pour des actions spécifiques, mais cela n’est pas renouvelable chaque année. Alors que, via la même politique, Françoise Nyssen a offert, en 2018, 500 000 euros d’aide aux cirques traditionnels… Cela m’inquiète car le cirque contemporain est sous-financé et souffre d’une diffusion insuffisante. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que cet argent aille aux petits cirques familiaux. Les bénéficiaires seront sans doute les trois grosses entreprises commerciales dont l’avenir s’annonce de plus en plus difficile sur fond de législation contraignante sur l’utilisation des animaux dans les chapiteaux. Mais nous avons une belle idée pour aller de l’avant et défendre notre art auprès du grand public : notre association Territoires de cirque prépare dans toute la France, pour le vendredi 15 novembre 2019, une Nuit du cirque. Tout un symbole…
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October 30, 2018 8:46 PM
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Par Patrick Sourd dans Les Inrocks 26.10.2018
Le metteur en scène remonte avec brio Dans la luge d’Arthur Schopenhauer de Yasmina Reza. Un déluge verbal qui révèle le naufrage d’une bourgeoisie intellectuelle sur le retour. Avec l’orée d’une forêt en guise de tapis vert, la parole fuse sur le plateau telle une boule d’ivoire d’un billard qui change de direction à chaque impact contre les bandes de la table. Composée d’une suite de monologues, Dans la luge d’Arthur Schopenhauer de Yasmina Reza a fait l’objet d’une première création en 2006.
Cette exaltante reprise, par Frédéric Bélier- Garcia, témoigne d’une partie de billard à la française qui se joue par groupes de deux, dans la répétition comique d’un cérémonial où celui qui a la parole enchaîne les coups tandis que l’autre en est réduit à compter les points. Le formidable du théâtre fait que l’on prend autant de plaisir à vibrer aux outrances d’un déluge verbal incarné qu’à se délecter des mimiques que provoque sa réception silencieuse. Il ne s’agit pas d’une intrigue au sens traditionnel du terme, mais d’un portrait de groupe ciblant avec cruauté et humour les représentants d’une bourgeoisie universitaire vieillissante dans le triangle revisité du mari, de la femme et de l’ami autour duquel gravite la présence d’une psy.
Une multiplication de périphrases drolatiques
Le texte distribue ses envolées tous azimuts en passant du règlement de compte à l’imprécation, de la logorrhée emphatique à la dénonciation, du ressassement à la confession. Yasmina Reza pointe du doigt le naufrage d’une génération en multipliant, comme autant de gags, les périphrases drolatiques sur la manière d’éplucher une orange, de manger les fraises à la fourchette, sur les vertus de l’étude de la copulation chez le cochon et l’insupportable de porter une robe de chambre.
Yasmina Reza prend un malin plaisir à s’incarner dans son écriture
Le rire étant toujours la face pudique du drame, ses petits penseurs ont perdu pied depuis que leur mentor Louis Althusser, est passé de la philosophie à la rubrique des faits divers après avoir étranglé sa femme dans une crise de démence.
Frédéric Bélier-Garcia fait magnifiquement entendre cette partition savante pour que le grand déballage ne perde jamais la mesure de son juste tempo. L’exercice de style n’excluant pas le sens de l’autodérision, Yasmina Reza prend un malin plaisir à s’incarner dans son écriture en se glissant avec jubilation dans le désespoir frivole du personnage de Nadine Chipman, tandis qu’André Marcon s’accorde avec génie à la soudaine crise de sénilité dont souffre Ariel, son mari.
Une pathétique manière de danser sur le volcan
Jérôme Deschamps, tout bonnement inouï dans le rôle de Serge Othon Weil, est l’ami qu’une bouffée délirante intronise en analyste expert dans les opérations de fusion-acquisition de l’industrie automobile. Christèle Tual s’avère la plus folle des quatre quand, tombant le masque de sa déontologique réserve, elle se révèle en psychiatre paranoïaque incapable de maîtriser ses angoisses en marchant sur un trottoir.
Ombre portée au tableau, le pessimiste Arthur Schopenhauer affirmait : “On peut considérer la vie comme un épisode qui trouble inutilement la béatitude et le repos du néant.” Dans leur pathétique manière de danser sur le volcan de leur misère, ces quatre-là en deviennent presque aimables quand ils répondent chacun à leur manière au philosophe… Après nous, le déluge.
Dans la luge d’Arthur Schopenhauer texte et jeu Yasmina Reza, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia, avec Jérôme Deschamps, André Marcon et Christèle Tual. Jusqu’au 24 novembre, La Scala, Paris XXe
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Le spectateur de Belleville
October 30, 2018 5:06 AM
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Propos recueillis Armelle Héliot, publié dans Le Figaro le 26/10/2018
INTERVIEW - Le créateur des Machines de l'île, à Nantes, présentera son nouveau spectacle à Toulouse début novembre.
Dessinateur au trait magnifique, François Delarozière, 55 ans, est connu dans le monde entier. Les «machines vivantes» de sa compagnie La Machine ont voyagé partout autour du monde, de Chine au Canada, en passant par la Grande-Bretagne et la France. À Nantes, et désormais à Toulouse, son imagination fertile est celle d'un plasticien poète au service de l'urbanisme. Il éveille les villes. À Montaudran, site de l'Aéropostale, à Toulouse, c'est un immense quartier qui va naître et passer de la recherche pointue au divertissement.
LE FIGARO. - De quand date le projet de Toulouse?
François DELAROZIÈRE. -Dès 2009, Pierre Cohen, le maire de la ville, avait été intéressé par notre présence et nous avions proposé l'idée du Minotaure en 2013. Sa défaite aux élections, un an plus tard, avait mis un coup d'arrêt au projet. Son successeur, Jean-Luc Moudenc, maire et président de Toulouse Métropole, l'a repris. Le concours sur la halle, en bordure de la piste de l'Aéropostale, a abouti. Et le Minotaure est là!
» LIRE AUSSI - François Delarozière, un enchanteur à Toulouse
Que vient-il faire à Toulouse?
La lecture d'une nouvelle de Jorge Luis Borges, dans son recueil L'Aleph, m'a frappée. S'il évoque Buenos Aires, j'y ai vu Toulouse et son labyrinthe de petites rues du centre. Je connais bien la ville pour y avoir vécu et travaillé quatorze ans. Le Minotaure n'est pas incongru: le taureau est très présent, notamment par la légende de saint Sernin, qui, sous le nom de Saturnin, connut le martyre, accroché à un taureau furieux. Le nôtre est très pacifique. Il y a aussi, bien sûr, la proximité de l'Espagne, la culture d'Occitanie.
«Je ne me souviens jamais de mes rêves, mais en marchant, en arpentant les paysages, je rêve, je comprends ce qui pourrait s'inscrire ici ou là» François Delarozière Ce sont donc la littérature et les légendes qui vous inspirent?
Non. Ce qui m'inspire, c'est la nature. Le spectacle de la nature, sa connaissance. Je ne me souviens jamais de mes rêves, mais en marchant, en arpentant les paysages, je rêve, je comprends ce qui pourrait s'inscrire ici ou là. Je l'ai fait à Calais où nous avions présenté le Dragon et où nous développons un grand projet avec la maire, Natacha Bouchart.
Qu'est-ce qui a été le plus formateur?
Je pense que c'est la personnalité de mes parents. Mon père est un bricoleur de génie qui m'a donné le sens de la construction. Ma mère est musicienne, polyinstrumentiste.
Qui est le plus important chez vous: l'ingénieur ou l'artisan?
La spécificité de la compagnie La Machine est qu'ils sont indissociables. La haute technologie, et, par exemple l'exosquelette du Minotaure, ont besoin de l'art des sculpteurs du bois, des doreurs à la feuille, et des «comédiens-machinistes» qui sont les âmes même du Minotaure ou de l'araignée.
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October 30, 2018 4:34 AM
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Par Marina Da Silva dans L'Humanité 29.10.2018
Nouvelle fabrique culturelle, les Plateaux sauvages rassemblent dans un même endroit création professionnelle et transmission artistique.
Après un an et demi de programmation hors les murs, les Plateaux sauvages, réunissant et réarchitecturant l’ancien Vingtième Théâtre et le centre d’animation des Amandiers, ont rouvert depuis le 15 septembre. Entretien avec sa directrice.
Situés au cœur d’un quartier populaire, Ménilmontant, lieu vivant, pluriel, rebelle, les Plateaux sauvages ont pour ambition de construire, à partir des projets des artistes, des temps de partage, d’échange, de rencontres et de pratiques avec le public.
Comment le public s’est-il emparé de cette fabrique culturelle ? Quels sont vos projets ?
Laëtitia Guédon Plus de 600 personnes ont été accueillies lors de l’ouverture, à travers un parcours où les spectateurs découvraient la saison avec tous les artistes, qui se sont totalement impliqués et emparés de cette maison. On ne fait aucune reprise, seulement de la création et nous accueillons 14 compagnies par saison. Une moitié d’entre elles constituées d’artistes émergents (Clément Bondu, Vanasay Khamphommala, la compagnie le Dahu…), présentant le résultat, pas forcément fini, de leur travail. Je veux montrer des projets très fédérateurs et d’autres qui ne sont pas forcément accessibles d’emblée, avoir une pluralité d’écritures et de formes. Tous les artistes, émergents ou confirmés, viennent en résidence entre cinq jours et un an, et le résultat prend soit la forme d’une sortie de résidence, d’une présentation de projet presque abouti, soit d’une création (Lou Wenzel, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre…) sur cinq ou dix dates et dans un partage de recettes, 60 % pour la compagnie et 40 % pour le théâtre. Nous les accompagnons aussi dans la structuration de leurs projets. Pour le public, nous avons mis en place une billetterie « à tarification responsable » où chacun choisit son tarif, entre 5 et 30 euros. Et aussi des billets « suspendus » qui seront offerts à des spectateurs qui n’ont pas les moyens de les acheter.
Quels sont vos sources de financement et votre cahier des charges ?
Laëtitia Guédon On est un établissement culturel de la Ville de Paris, subventionné à hauteur d’un million d’euros par an. Mais cela couvre essentiellement l’économie du lieu, un énorme bâtiment de 3 000 mètres carrés. Aujourd’hui, on n’a pas la capacité de coproduire et de financer les projets mais c’est quelque chose que l’on veut développer dans une logique de mutualisation et de partenariat avec d’autres lieux. Les artistes viennent ici avec un projet de résidence et de création, et un projet de transmission artistique. C’est aussi ce qui m’intéresse, savoir comment les artistes vont pouvoir partager leur processus artistique avec le territoire. Dans ce quartier des Amandiers, un des derniers bastions populaires de Paris, on a des gens qui ont des moyens et un accès facile à la culture et qui envoient leurs enfants dans les mêmes écoles que d’autres qui n’ont pas d’argent, c’est une mixité sociale vraiment intéressante. On ne veut pas faire de l’action culturelle, mais inviter les artistes à faire un pas de côté en partageant les thèmes, les questions, les enjeux de leur création avec des personnes qui ne sont pas des professionnels du spectacle vivant (un collège, un lycée, un foyer de jeunes travailleurs ou de migrants).
Comment envisagez-vous de garder le public qui fréquentait plus particulièrement le centre d’animation et d’en ouvrir l’accès à d’autres ?
Laëtitia Guédon Nous voulons faire une fabrique de création où des artistes et du public fréquentent le même lieu. Nous réfléchissons à comment le public peut s’emparer des enjeux de la création. Lui permettre de faire des ateliers de théâtre, chant, danse mais aussi d’autres techniques de travail sur le corps. Tous ces ateliers sont à tarification sociale en fonction du quotient familial. Ils sont animés par des artistes en activité ou des associations qui s’engagent pour l’année. On a aussi un pôle d’activité parents-enfants. Et un pôle partagé au profit d’un engagement solidaire où l’on met à disposition des associations des salles pour accompagner des publics sur des sujets divers (aide aux devoirs, alphabétisation, développement personnel, etc.). C’est une maison d’artistes mais il s’agit d’y faire rentrer les gens du quartier. Il y a une bibliothèque où on peut emprunter ou apporter des livres, des espaces avec des jouets, une cafétéria… Que l’on soit du quartier ou pas, que l’on ait l’habitude d’aller au théâtre ou pas, pour moi le plus important c’est de bien accueillir tout le monde.
Laëtitia Guédon
Directrice des Plateaux sauvages
Les Plateaux sauvages, 5, rue des Plâtrières, 75020 Paris. Rens. : 01 40 31 26 35 ou www.lesplateauxsauvages.fr Entretien réalisé par Marina Da Silva Crédit photo .. Baptiste Muzard
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Le spectateur de Belleville
October 29, 2018 7:12 PM
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Par Arnaud Vaulerin photo Mathieu Zazzo pour «Libération» — 29 octobre 2018
L’acteur italien, star du box-office, incarne Berlusconi après avoir redonné vie à Andreotti et s’impose en révélateur de l’italianité. Pas encore arrivé et pourtant omniprésent. C’est LUI. Même pas besoin de le nommer. Tous le vénèrent. Tous l’espèrent. Tous le vivent. Effervescence et appétence. Un appel, un signe, un regard, il est leur obsession. Toni Servillo est LUI. Un masque. Un rictus. Dents blanches et haleine fraîche. Chemise immaculée et nostalgie festive en bandoulière. Dans Silvio et les autres, de Paolo Sorrentino, il campe un Berlusconi vieillissant et libidineux, figé dans sa concupiscence souriante et priapique au milieu de son petit peuple d’obligés et de dévoués, de midinettes et de malhonnêtes. S’il n’est pas sûr que cette nouvelle incursion dans la psyché berlusconienne fasse oublier le décevant Caïman de Nanni Moretti, Toni Servillo sauve la mise. Et propose l’image, la vision d’un Cavaliere de retour au pouvoir qui a des airs de dernier tour de piste. «Je suis allé chercher une part de Berlusconi qui est au fond de moi», raconte le comédien en tripotant de ses doigts aux ongles ras un bout de cigare froid. Dans le film, la crispation souriante est de rigueur. Le Napolitain Servillo reprend aussi des tics et l’accent milanais de l’ex-chef de gouvernement. Avec un mimétisme troublant dans Il Divo en 2008, il s’était glissé dans la peau d’un autre chef de gouvernement, Giulio Andreotti qui, durant des décennies, a trôné en parrain de la politique italienne. «Lui aussi a habité l’inconscient des Italiens, dit Servillo. Homme de mystère, doté d’un grand sens de l’humour, Andreotti était un personnage complexe, avec une dimension romanesque intéressante à raconter au cinéma.»
Le Napolitain renaissait en Andreotti - Belzébuth, taiseux et voûté, sombre et curial, inquiétant et insaisissable dans les arrière-cours du pouvoir et de la solitude à Rome. Il Divo a consacré Servillo comme l’acteur-révélateur d’une certaine italianité, sondeur de «l’être italien». «Il a atteint un sommet, note le grand critique Paolo Mereghetti. Il fait dorénavant partie des grands, un mattatore qui domine la scène comme jadis un Vittorio Gassman.»
Depuis vingt-cinq ans et une trentaine de films, Toni Servillo fait un peu figure de patron, pour reprendre le qualificatif attribué à Louis Jouvet dont le magistère impressionne Servillo. Il a traversé le cinéma italien en mathématicien (Mort d’un mathématicien napolitain), en ex-grand financier trouble et reclus (les Conséquences de l’amour), en collecteur de fonds mafieux (Gomorra), en sénateur déchiré par l’euthanasie de sa femme (la Belle endormie), en écrivain désabusé dans une Rome nocturne, symbole de la décadence (la Grande Bellezza). Un touche-à-tout. Un caméléon serait-on tenté d’écrire si ses personnages tenus ne se retrouvaient pas souvent sur le fil rouge d’une mélancolie, d’une ironie - « cette passion qui prend ses distances », dit-il en guise d’introduction, qui le définissent plutôt bien -, d’une ambiguïté faite de séduction, de secrets et d’observation.
A 59 ans, le natif de la banlieue de Naples défait le cliché du Napolitain triomphant et exubérant, solaire et disert. Cet après-midi à Paris, il apparaît en retenue, dans la maîtrise des mots et des références, dans un phrasé précis. Impressionnant. «Sa présence scénique est forte, évidente, poursuit Paolo Mereghetti. Son jeu n’est pas exagéré, mais plutôt froid, très contrôlé. Ses origines théâtrales lui ont conféré cette capacité à dominer la scène.» Car si c’est au cinéma qu’on a appris à connaître cette star sans esbroufe qui fait des entrées au box-office, c’est sur les planches que Toni Servillo est né. On paraphraserait presque Beckett qui disait «bon qu’à ça !» quand on lui demandait pourquoi il écrivait. Les planches n’ont «jamais été une antichambre pour le cinéma. En commençant à 40 ans devant la caméra, j’ai été vacciné des illusions du succès facile et de la vanité». Toni Servillo est «quotidiennement au théâtre, avec toutes les frustrations et les succès que l’on peut y connaître en une journée».
Il est au lycée quand il monte Brecht. Il n’est pas arrivé là par hasard. Le père, responsable du personnel dans une cimenterie, et la mère, qui élève les deux fils (l’autre, Peppe, est chanteur-compositeur du groupe Avion Travel) et la fille, sont des spectateurs passionnés. «Ils m’ont transmis la chaleur, l’enchantement du théâtre, cette fête de l’intelligence, cette générosité dans la communication avec le public qui vous ôte toute tentation de narcissisme, de supériorité intellectuelle. Tu es un parmi tous les autres.»
Pas besoin d’aller à l’université, il y a Naples pour décor. Cette «comédie française en plein air, cette grande scène ouverte, cette ville-monde faite de singularités et de pluralités» que Servillo n’a jamais désertée. Il en parle en amoureux intarissable, vantant la «richesse, la noblesse, la musique de la langue napolitaine qui ne s’est jamais affranchie de sa dimension populaire».
Marié à une enseignante avec laquelle il a eu deux fils, il vit en banlieue, à Caserte, «la même ville que l’ami Roberto Saviano». C’est là qu’il a fondé Teatro Studio, qui deviendra Teatri Uniti en 1987, un laboratoire réputé des activités scéniques. Là, se croisent des acteurs, des danseurs, des cinéastes, des metteurs en scène qui expérimentent un nouveau langage en y incorporant des images, de la musique, en faisant résonner les œuvres de Molière, Marivaux, Goldoni, Raffaele Viviani avec des textes très contemporains. «Notre modèle était Fassbinder et ces riches années 60 et 70 d’innovation», se souvient Servillo. Il se place sous le magistère de Eduardo De Filippo, un des grands artistes italiens du XXe siècle qu’il a plusieurs fois monté en France. «Avec Jouvet, ils n’ont jamais marchandisé le théâtre, mais ils lui ont donné une dimension de poésie qui offre une idée du monde.»
Autant Servillo peut apparaître comme solitaire au cinéma, autant il est solidaire au théâtre. Il faut voir le Napolitain en artisan, en apprenti. Il est immergé dans le théâtre au point de «n’avoir pas de hobby» : «Je n’ai pas besoin de me détendre, je ne fais rien d’aliénant et j’ai besoin du contact physique avec le public.» Il trouve pourtant de la «sérénité» chez Berlioz, Beethoven et Stravinsky. Et il y a quelques années, il a vécu des «moments de grande passion» en enregistrant pour la radio des lectures de roman de Sciascia et Moravia. C’est en citoyen «très inquiet» qu’il regarde une «Italie en campagne électorale permanente qui tourne le dos aux valeurs de méritocratie, de compétence et de solidarité». Il a voté «à la gauche de la gauche» (Servire il popolo) en mars et reste aux aguets. «Le grand espoir que le Web soit une occasion pour le "nous" peut devenir la tragique réalité d’une multiplication des "je". C’est effrayant.» C’est dit sans snobisme. Et sans le masque de la comédie.
25 janvier 1959 Naissance à Afragola (banlieue de Naples). 2009 Meilleur acteur pour Gomorra. 2014 La Grande Bellezza, oscar du meilleur film en langue étrangère. 31 octobre 2018 Silvio et les autres (Paolo Sorrentino).
Arnaud Vaulerin photo Mathieu Zazzo pour «Libération»
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Le spectateur de Belleville
October 28, 2018 7:47 PM
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Par SOPHIE DOUCE Ouagadougou, correspondance pour Le Monde Afrique 28.10.2018
« Bienvenue chez les Ouango ! » Au milieu du joyeux ballet des poulets qui picorent et des chats endormis, des comédiens répètent leur texte sur les planches d’une petite scène installée au fond d’une cour, à l’ombre des manguiers et des calebassiers. Assise à côté de sa maison en terre cuite, la vieille Awa Ouango les observe d’un œil curieux. Les artistes règlent les dernières finitions avant le grand soir, le stress monte. « Je dois faire la cuisine », s’excuse-t-elle. La vie continue. En arrière-fond, le tap-tap du pilon résonne, les casseroles s’entrechoquent.
Depuis près de deux mois, 150 artistes africains et européens (comédiens, metteurs en scène, danseurs, musiciens et scénographes) ont investi les cours de seize familles de Bougsemtenga, un quartier populaire de Ouagadougou, au Burkina Faso, où se déroule le festival Les Récréâtrales, du 26 octobre au 3 novembre. Au programme : spectacles de théâtre et de danse, animations jeune public, ateliers d’écriture et soirées « causerie ». Près de 60 000 visiteurs sont attendus pour cette dixième édition, selon les organisateurs.
« J’ai découvert le théâtre grâce au festival, je m’assois souvent ici pour regarder les répétitions », explique Awa Ouango. Cela fait dix ans que cette cultivatrice d’arachides et de haricots accueille des troupes venues du monde entier dans sa modeste demeure transformée en petit théâtre à ciel ouvert.
« Leur quotidien nous a inspirés » « On voulait créer un laboratoire de recherche et de création théâtrale, rien de tel n’existait à l’époque. La scène africaine était vue comme le théâtre du pauvre, sans moyens et dépendante des ressources extérieures, explique Etienne Minoungou, le fondateur du festival. L’idée est née dans un verre de whisky, en discutant un soir avec un ami : “Si le théâtre est un espace de discussion sociale, il faut trouver l’endroit naturel où notre parole ait du sens !”, disait-on. En Afrique, la cour familiale est le lieu traditionnel de la sociabilité. Il était 2 ou 3 heures du matin, on a passé la tête par-dessus le mur des voisins et on a commencé à rêver. »
Depuis, le rêve ne l’a plus jamais quitté. En 2002, le comédien et metteur en scène se lance et crée les premières résidences d’écriture et de création théâtrales panafricaines. Mais pour « entrer dans l’intimité » des familles, le dramaturge a préféré avancer « pas à pas » : « Nous prenions les décisions ensemble au cours d’assemblées générales avec les habitants. On ne pouvait pas s’inviter comme ça. Plus que leur espace physique, les familles partagent aussi leurs vies. »
SUR LE MÊME SUJET « Je veux amener d’autres Afriques sur scène et révéler les idées préconçues » « Voilà une façon d’amener le théâtre au cœur de la cité, ça permet d’apporter un peu de rêve aux jeunes du quartier ! », s’enthousiasme la comédienne et metteuse en scène Odile Sankara, assise sur les gradins en bois de la cour des Nikiéma. Dans le cadre des Récréâtrales, elle présente « Musika », un spectacle monté en six semaines de résidence, « entre les éclats de voix et les bruits de cuisine ». « C’était extraordinaire de pouvoir créer ici, avec la famille qui nous observe et vaque à ses occupations. Le théâtre se nourrit de la vie, leur quotidien nous a inspirés », raconte-t-elle.
Assise sur son petit banc en bois, Bernadette Nikiéma a assisté à la gestation de la pièce dans sa cour, entre le linge suspendu aux arbres et la vieille Renault abandonnée au fond du jardin. « Je suis très heureuse de les accueillir chez moi, on est comme leur deuxième famille. Chaque jour, j’aime les regarder jouer, on s’ennuie dès qu’ils repartent », regrette la doyenne d’une famille d’une dizaine de personnes, devenue l’égérie de cette édition.
« Ça m’a donné envie de faire du théâtre, à force de les écouter je connais le texte par cœur, parfois je souffle aux comédiens quand ils ont des trous », confie sa fille Natolia. Près d’elle, les mains plongées dans une bassine de teinture indigo, Lydie, 29 ans, s’agite pour tisser les derniers pagnes en faso dan fani, le tissu local qu’elle vend aux festivaliers devant leur porte. « Ça nous rapporte un peu d’argent, on fait notre plus gros chiffre d’affaires la semaine du festival », affirme-t-elle, ravie.
« Ça fait vivre le quartier » A quelques mètres de là, la « rue 9.32 », point névralgique des Récréâtrales, est en ébullition. Une odeur de brochettes et de chenilles de karité emplit l’air, les lampions multicolores s’illuminent dans les arbres sous les yeux émerveillés des enfants, les chaises des maquis débordent dans les ruelles orangées, tandis qu’au loin les échos des percussionnistes vibrent déjà. Les habitants de Bougsemtenga vivent au rythme du festival.
« Il faut avouer qu’on était un peu sceptiques au début, je craignais les nuisances sonores et pour la sécurité des petits, mais aujourd’hui je suis content : tout le monde est impliqué, un groupe de femmes est chargé du nettoyage, les jeunes s’occupent de l’accueil et de la billetterie, certains sont même devenus électriciens et menuisiers, ça fait vivre le quartier », se félicite le chef de Bougsemtenga dans sa cour, où des voisines maquillent une troupe de danseurs.
« Toute une économie informelle a émergé. Mais surtout, chaque année on a des bébés qui naissent, des amours et des amitiés qui se créent, c’est ça la grande économie humaine », glisse Etienne Minoungou, l’œil malicieux, avant de filer. Le festival peut commencer.
Par SOPHIE DOUCE Ouagadougou, correspondance Légende photo : Dixième édition du festival Les Récréâtrales à Ouagadougou, dans le quartier populaire de Gounghin. SOPHIE GARCIA / SOPHIE GARCIA | HANSLUCAS.COM
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Le spectateur de Belleville
October 27, 2018 1:39 PM
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Publié dans Culture Newstank le 17.10.2018 « Une pratique théâtrale possible dans les outre-mer, c’est un enjeu républicain » (J. Lambert-wild) Paris - Publié le mercredi 17 octobre 2018 à 14 h 30 - Interview n° 131299 « Dans beaucoup de territoires, il n’existe pas de conservatoire qui propose les formations requises et les jeunes des outre-mer doivent passer leur année probatoire en France métropolitaine. (…) En mettant en place une classe préparatoire intégrée soutenue notamment par le ministère de la Culture, le ministère des Outre-mer et la Région Nouvelle-Aquitaine, nous pouvions relier toutes les bonnes volontés », déclare Jean Lambert-wild, directeur du théâtre de l’Union, CDN du Limousin, à propos de la classe préparatoire intégrée de L’Académie de l’Union dédiée aux outre-mer qui accueille sa première promotion depuis le 10/09/2018, dans un entretien à News Tank le 17/10/2018.
« C’est la première fois de l’Histoire que deux jeunes Kanaks intègrent une école d’art dramatique, c’est la première fois qu’une jeune fille d’origine polynésienne intègre ce type de formation. Quel moyen avaient-elles de l’espérer ? Qu’il y ait partout dans les outre-mer la possibilité d’une pratique théâtrale, c’est aussi un enjeu républicain », déclare encore Jean Lambert-wild.
Articulation de cette classe préparatoire avec la création d’une plateforme pour la formation à l’art dramatique dédiée aux outre-mer, partenariats et financements, Jean Lambert-wild répond aux questions de News Tank. La classe préparatoire intégrée « La classe préparatoire intégrée de L’Académie de l’Union fait partie d’une plateforme conçue par L’Académie de l’Union et le Théâtre de l’Union en collaboration avec le Centre Dramatique National de l’Océan Indien à la Réunion pour favoriser le développement et la circulation d’artistes dramatiques ultra-marins. » Mai-juin 2018 : auditions du concours d’entrée pour classe préparatoire intégrée un jury pour les Ultramarins de métropole 4 jurys pour la zone Caraïbe-Atlantique (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Pierre et Miquelon) 2 jurys pour la zone Océan Indien (La Réunion, Mayotte) 2 jurys pour la zone Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française) 10/09/2018 : rentrée de la classe préparatoire intégrée
Est-ce la première fois qu’une telle initiative est prise pour les étudiants en théâtre des outre-mer ? Il serait arrogant de dire que rien n’a été fait auparavant. Il y a eu des tentatives de gens de bonne volonté, soit dans l’outre-mer, soit en métropole, par exemple pour monter quelque chose avec le Conservatoire d’Avignon ou le travail d’Anaïs Hébrard à Saint-Pierre et Miquelon. Mais il n’y avait pas de réflexion institutionnelle : on essayait de trouver des solutions pour répondre à une demande mais en bricolant un peu. Or je pense que le hasard de tous ne fait pas la condition de chacun. Il faut une approche institutionnelle.
On peut profiter enfin de toute la richesse, de toute la poésie, de toute la fureur théâtrale présente dans ces territoires. Il y avait un double problème. D’une part, l’organisation des écoles supérieures d’art dramatique fait qu’il faut une année probatoire. Dans beaucoup de territoires, il n’existe pas de conservatoire qui propose les formations requises et les jeunes des outre-mer doivent passer cette année en France métropolitaine.
D’autre part, il n’est pas tenu compte de la réalité sociologique des outre-mer. Comment peut-on imaginer qu’un jeune d’une famille très modeste qui passe son bac en Guyane puisse payer l’avion et s’installer pendant un an en France pour tenter l’entrée d’un Conservatoire et d’autres écoles ?
En mettant en place une classe préparatoire intégrée soutenue notamment par le ministère de la Culture, le ministère des Outre-mer et la Région Nouvelle-Aquitaine, nous pouvions relier toutes les bonnes volontés tout en trouvant une pertinence pour que les élèves disposent d’une bourse, que la Fondation Culture et Diversité les soutienne et leur fournisse de réelles conditions d’égalité. Outre que ce dispositif leur permet d’exercer leur volonté d’être acteurs, actrices ou peut-être metteurs en scène, on peut profiter enfin de toute la richesse, de toute la poésie, de toute la fureur théâtrale présente dans ces territoires.
Si l’on rapporte le nombre de candidats à la population du territoire, les concours qui ont eu lieu dans ces outre-mer présentent un ratio largement au-dessus d’un concours d’une école supérieure en métropole. Si on a 800 candidats au premier tour d’une école supérieure en France pour 60 millions de personnes vivant, le ratio est d’un candidat pour 75 000 personnes. Avec 18 candidats à La Réunion pour une population de 850 000 personnes, c’est un pour 47 000 habitants. Et il y a eu 14 candidats à Mayotte (250 000 habitants), 8 en Guyane (260 000 habitants), etc. Cela traduit la réalité oubliée de la richesse théâtrale et poétique des outre-mer.
Votre conscience des besoins des jeunes des outre-mer est-elle liée au fait que vous êtes né à La Réunion ? J’étais directeur de la Comédie de Caen et une des raisons de ma candidature au théâtre de l’Union était le fait qu’il comprend l’Académie de l’Union, école d’art dramatique singulière puisqu’elle est la seule à être installée en milieu rural. En outre, avec les Francophonies en Limousin, il y a une certaine curiosité artistique pour les outre-mer.
Or, pour des raisons complexes, on voit de moins en moins de circulation d’œuvres et d’artistes issus des outre-mer alors que, dans la musique, le théâtre, le jazz, la danse, ils offrent une incroyable richesse. C’est comme s’il y avait un lien distendu, et je pense que c’est souvent lié à un déficit institutionnel.
Cette classe préparatoire pour les outre-mer doit aussi changer la nature pédagogique de notre école en y intégrant le multiculturalisme. Bien sûr, je suis créole mais je ne peux pas imaginer, à mon âge, que tout cela ne soit pas offert à tout le monde. Je sais que, dans les conditions d’une vie normale, je n’aurais jamais pu faire ce métier et devenir directeur d’un centre dramatique national - cela était tout bonnement impossible. De même, c’est la première fois de l’Histoire que deux jeunes Kanaks intègrent une école d’art dramatique, c’est la première fois qu’une jeune fille d’origine polynésienne intègre ce type de formation. Quel moyen avaient-elles de l’espérer ?
Qu’il y ait partout dans les outre-mer la possibilité d’une pratique théâtrale, c’est aussi un enjeu républicain. Tout le monde me disait que ce n’était pas possible et j’ai dû batailler. Quelqu’un m’a même dit que j’étais en train de créer un ghetto des outre-mer. J’ai répondu : « Est-ce que l’on fait des ghettos de métropolitains en mettant ensemble des Bretons, des Parisiens et des Normands dans la même classe ? » Je n’ai jamais entendu les créoles dire ce genre de chose.
La classe préparatoire n’est qu’un aspect du projet. Notre ambition est plus forte, partagée avec beaucoup d’opérateurs sur l’ensemble des outre-mer : il s’agit de construire une plateforme pour l’enseignement de l’art dramatique dédiée à l’outre-mer.
Nous ne ferons pas une classe préparatoire chaque année mais tous les deux ans, en relayant sur les territoires des besoins de formation qui ne sont pas les mêmes en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie ou en Guyane.
Cette classe préparatoire pour les outre-mer doit aussi changer la nature pédagogique de notre école en y intégrant le multiculturalisme. Les jeunes des outre-mer ne viennent pas se formater pour passer les concours des écoles d’art dramatique, il faut aussi qu’ils puissent défendre leurs réalités culturelles. C’est pourquoi il faut des enseignements et des enseignants issus des territoires : la comédienne guadeloupéenne Esther Myrtil, le dramaturge calédonien Pierre Gope, John Mairai qui vient travailler aussi avec le programme long de l’école sur l’art oratoire polynésien… Nous accueillons aussi Anaïs Hébrard pendant trois mois pour qu’elle puisse également se former, puisqu’elle est seule à œuvrer à Saint-Pierre et Miquelon. Il en sera régulièrement ainsi : des enseignants et des enseignements qui se croisent, et cela va changer la nature de l’école.
Je fais le pari qu’il y a une communauté ultramarine, et que cette communauté doit s’identifier autrement que dans un rapport bicéphale - mon territoire et la métropole. Notre force est que, malgré la diversité des outre-mer, malgré de petits antagonismes, il y a une énergie et une force incroyables quand on met en commun cette nature ultramarine - c’est-à-dire le monde.
C’est la grande victoire du Conservatoire artistique de la Polynésie française, par exemple : sur un territoire vaste comme l’Europe avec des différences importantes entre les arts traditionnels de chaque île, ils ont réussi à conserver une unité culturelle et à produire un travail remarquable. D’ailleurs, la danse polynésienne sera un passage obligatoire dans les exercices de nos élèves.
Cette classe n’a pas pour seul enjeu de passer les concours. J’ai pris la décision que, lorsque les cours seront terminés, nous puissions faire un spectacle de promotion, ce qui ne se fait pas en général dans une classe préparatoire. Paul Francesconi, jeune auteur réunionnais de 28 ans, écrit sur mesure pour la classe et ce spectacle, « Cargo », sera créé au théâtre de l’Union en juin 2019, puis au festival des écoles de théâtre public à l’Aquarium à Paris, grâce à la volonté de François Rancillac qui nous accueillera dans la seconde semaine de juillet. Puis nous espérons le reprendre à La Réunion et à Mayotte et, si on trouve des fonds, nous aimerions permettre à ces jeunes de présenter ce travail dans leur territoire d’origine, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie…
Du point de vue budgétaire et administratif, comment avez-vous construit ce projet ? Il faut bien se souvenir qu’il ne sert à rien de former des gens si l’on ne crée pas des conditions d’emploi. Nous avons tout lancé en juin 2017. Le budget se construit en même temps que l’on avance parce que l’on ne pouvait plus tarder. Nous avons donc un soutien de 60 000 euros sur deux ans de la Fondation Culture et Diversité, car ce qui coûte le plus cher est de garantir aux jeunes de bonnes conditions d’études - le logement, les bourses, l’habillement d’hiver…
La Région Nouvelle-Aquitaine parraine vraiment ce projet, et nous en espérons 45 000 euros. Le soutien du ministère de la Culture se monte à 70 000 euros. Par plusieurs dispositifs, le ministère des Outre-mer prend en charge des billets d’avion ou des bourses d’étude mais les dotations ne sont pas encore complètement fixées. Il y a aussi des soutiens indirects par les DAC de Polynésie française ou de Mayotte, quelques aides privées comme Air Tahiti Nui…
Mais, au total, on ne dépassera pas la valeur d’un demi rond-point en métropole ! Un demi rond-point pour faire le tour du monde et permettre à une communauté ultramarine de se construire et de porter une vraie espérance sur tous ces territoires.
Je le répète : c’est un projet qui se construit toujours. Les dix élèves préparent les concours de l’ensemble des écoles d’art dramatique. Nous sommes en train de construire un partenariat très vivifiant avec le CNSAD de Paris grâce à la volonté de sa directrice Claire Lasne-Darcueil.
Et je suis en train de préparer la suite avec l’ensemble des référents locaux, de voir quelles actions sont nécessaires sur les territoires et comment les construire, comme le besoin de Mayotte de disposer d’une troupe universitaire.
En même temps, il faut bien se souvenir qu’il ne sert à rien de former des gens si l’on ne crée pas des conditions d’emploi. Cela implique de réfléchir à des programmes de production et de diffusion de certains spectacles - je pense par exemple à une production autour d’un texte de Pierre Gope qui aura lieu en Nouvelle-Calédonie et que nous serons heureux de présenter au théâtre de l’Union.
Est-ce un projet difficile à monter ? Pourquoi, lorsque l’on parle de diversité aujourd’hui en France, on oublie systématiquement les outre-mer ? Quand on voit les difficultés des jeunes qui veulent faire du théâtre dans ces territoires, va-t-on toujours trouver une excuse pour ne pas agir ? On peut en avoir, évidemment - le temps, l’argent. Mais il faut créer les nécessités de l’action.
France 3 Nouvelle-Aquitaine, France Ô et les Chaînes Première se sont associées à ce programme pour réaliser un documentaire et un programme court qui seront diffusés à l’automne 2019. C’est la première fois, historiquement, qu’une station France 3 de métropole s’associe aux télévisions de l’outre-mer ! Et, puisque les auteurs dramatiques d’outre-mer sont de moins en moins édités, le Centre dramatique de l’Océan Indien, en collaboration avec les Solitaires Intempestifs, va éditer trois ou quatre auteurs par an pendant au moins cinq ans. Voici ce qu’apporte déjà ce projet.
Au début, on m’a dit que je n’arriverai jamais à fédérer tous les outre-mer autour d’un même projet. Preuve est faite que non. Et l’émotion de ces jeunes quand ils travaillent fait que l’on est mille fois récompensé.
Cela bouleverse aussi la représentation que les jeunes de la Séquence 9 de l’Académie de l’Union se font du monde. Et on se rend compte alors combien il est nécessaire que les jeunes que l’on forme n’aient pas seulement une représentation du monde guidée par la vision qu’ils ont d’eux-mêmes mais par une vision d’une communauté un peu plus large !
La question qu’il faut se poser est aussi pourquoi, lorsque l’on parle de diversité aujourd’hui en France, on oublie systématiquement les outre-mer. La chance unique que nous ayons en France est cette diversité. Elle est liée à une histoire qui n’est pas la plus simple au monde et dont nous ne pouvons pas toujours être entièrement fiers, mais qui est quand même une diversité totale - géographique, linguistique, culturelle, religieuse, sociale, poétique. Et cette incroyable diversité est encore trop souvent déniée.
Légende photo : Les élèves de la classe préparatoire intégrée dédiée aux outre-mer avec la Séquence 9 de l’Académie de l’Union. - © Thierry Laporte
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