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Après 27 ans à la tête du Théâtre de l’Athénée, son directeur Patrice Martinet inaugurera dans les jours qui viennent sa dernière saison, avant de céder la main au duo constitué d’Olivier Mantéi et d’Olivier Poubelle.
Joyau du patrimoine théâtral parisien, le théâtre de l’Athénée est situé rue Boudreau, dans le 9ème arrondissement, juste à côté du Palais Garnier. Classé monument historique en 1995, 100 ans après son inauguration, il a pu bénéficier à cette occasion d’un vaste chantier de rénovation grâce au soutien du ministère de la Culture.
Au-delà de ses richesses architecturales, c’est bien la grande figure de Louis Jouvet, qui l’a dirigé de 1934 à 1951, qui hante encore ses murs : tout au long du XXème siècle et jusqu’à aujourd’hui, sa magnifique salle à l’italienne comme sa petite salle n’ont cessé d’abriter les œuvres de créateurs emblématiques du théâtre contemporain tels Samuel Beckett, Jean-Luc Lagarce ou Robert Wilson.
Poursuivant le projet de théâtre musical développé par Patrice Martinet, les actuels directeurs du Théâtre des Bouffes du Nord apporteront leur savoir-faire pour développer les activités de production de cette maison. Ils signeront en 2021/2022 leur première programmation à la tête de l’établissement.
Le ministère de la Culture, unique financeur public de l’établissement à hauteur de 2 millions d’euros, et soucieux de maintenir les missions de service public de l’Athénée, poursuivra son accompagnement dans les mêmes conditions.
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture, salue l’engagement de Patrice Martinet au service des artistes et souhaite le meilleur à ses successeurs.
C'est une aventure qui finit bien après avoir failli mal tourner pour le propriétaire du Théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet. Patrice Martinet annonce ce 8 septembre sa dernière saison - ambitieuse et donc courageuse compte tenu du contexte - à la tête de cette mythique salle à l'italienne de 550 places, avant de passer le témoin au duo Olivier Poubelle et Olivier Mantei , les patrons des Bouffes du Nord.
Parce qu'il se sent proche artistiquement de ce tandem, il lui cède le fonds de commerce de son théâtre (les murs appartiennent à Groupama) « à un prix qui n'a rien à voir avec celui du marché [ndlr : jusqu'à 10.000 euros le siège] » avec, en contrepartie, l'assurance que la vingtaine de salariés reste à l'Athénée et que le théâtre conserve son identité.
Avec Olivier Poubelle, producteur de musiques actuelles à la fibre théâtrale et Olivier Mantei, le directeur de l'Opéra-Comique, Patrice Martinet a l'assurance que l'Athénée conservera un esprit de théâtre public. Car cette scène privée a la particularité de recevoir pour cela 1,8 million d'euros de subventions du ministère de la Culture, autant, si ce n'est plus, que ses ressources propres de 1,4 à 1,8 million d'euros (billetterie, privatisations, bar, mécénat) selon les années.
Mécénat perdu
Cette cession aurait pu profiter à d'autres. En 2016, soucieux que l'Athénée reste bien un théâtre dans ce quartier de la Madeleine convoité des promoteurs, Patrice Martinet veut le léguer à une fondation et confier les rênes de la salle au chef d'orchestre Maxime Pascal. Il trouve une mécène franco-américaine prête à doter la fondation de 3,5 millions sur cinq ans. Gérald Azancot, président du groupe immobilier Fiminco, envisage aussi de soutenir le projet tout comme la philanthrope finlandaise Karolina Blaberg.
Mais un fait inattendu grippe la belle mécanique. Stéphane Lissner , encore patron de l'Opéra de Paris et Jean-François Dubos, l'ex-président du directoire de Vivendi, s'intéressent à l'Athénée qu'ils souhaiteraient reprendre et ils persuadent le ministre de la Culture Franck Riester que leur solution est la meilleure.
Patrice Martinet, directeur du théâtre de l'Athénée, a vu son projet de fondation refusée par l'ex ministre de la Culture Franck Riester, malgré le soutien du père de la loi mécénat, Jean-Jacques Aillagon.
Deux anciens ministres de la Culture - Jack Lang et Jean-Jacques Aillagon - plaideront pour la fondation, en février 2019, auprès de Franck Riester. « J'ai trouvé très vertueuse cette fondation de la part d'un directeur dont j'admire la justesse du jugement artistique écrit Jean-Jacques Aillagon, père de la loi mécénat. D'autres auraient cherché à tirer un profit pécuniaire en cédant aux avances des intérêts privés, qui s'emparent des théâtres parisiens les uns après les autres, jusqu'à créer des situations de concentration. »
Mais Patrice Martinet apprendra en avril 2019 que « la fondation ne se fera pas car le ministre a choisi Stéphane Lissner » pour lui succéder. Pour accentuer la pression, le ministère de la Culture menace à la fin de cette même année de ne pas verser le solde de 70 % de la subvention, s'il n'y a pas « poursuite des discussions avec un repreneur qui garantisse la pérennité d'un théâtre public dans les murs ». « Je n'ai donc plus qu'à partir ! » s'effondre Patrice Martinet. Jusqu'à ce qu'en mars 2020, encore droit dans ses bottes, il signe finalement une promesse de vente irrévocable avec Olivier Mantei et Olivier Poubelle, venus initialement lui proposer une alliance entre leurs théâtres.
Il avait déjà adapté “Qui a tué mon père” pour le théâtre. Édouard Louis joue à présent son propre rôle sur scène, dirigé par Thomas Ostermeier.
Les plus grands metteurs en scène de théâtre s’arrachent Édouard Louis. Qu’a donc ce romancier blond de 27 ans aux allures de jeune premier des années 1950 pour fasciner tant le patron du Théâtre national de Strasbourg, Stanislas Nordey, que le Flamand Ivo van Hove, le Suisse Milo Rau, ou l’Allemand Thomas Ostermeier ? Tous auront récemment monté ou adapté Qui a tué mon père, monologue commandé par Stanislas Nordey en 2018… À travers ses récits très autobiographiques, à travers ses souffrances d’enfant gay condamné par le regard des autres, à travers ses souffrances de jeune homosexuel agressé, violé, Édouard Louis saisit en effet superbement les violences souterraines du monde d’aujourd’hui, la misère et la cruauté de nos sociétés. Même le cinéaste américain James Ivory, 92 ans, a succombé, qui vient d’achever pour Netflix un scénario de série tiré d’En finir avec Eddy Bellegueule (2014) et d’Histoire de la violence (2016). Mieux : le patron de la Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier, a poussé l’artiste à vif à incarner lui-même en scène Qui a tué mon père. Rencontre.
Quel type d’acteur êtes-vous ? Je me sens acteur de nature. De culture. L’enfant gay que j’étais, considéré comme trop différent, a dû jouer tellement de rôles pour se faire accepter : le dur, le sportif, le tombeur de filles… Je n’étais pourtant rien de ça. Mais à 10 ans, j’étais efféminé, ma voix était aiguë, je me tordais les mains, ma mère me reprochait souvent mes manières. Et à l’école, on me traitait de tapette, de pédale, de pédé. D’où ça me venait ? Mystère. Mais j’ai essayé de me corriger, pour ne pas être à l’écart. D’autant que je n’avais déjà rien d’extraordinaire : moyen scolairement, banal, médiocre en tout. J’ai tenté tous les clubs proposés au collège pour m’intégrer. Ça n’a marché qu’au club de théâtre. Le théâtre est ainsi devenu un moyen de survie pour moi. Car, enfin, les autres m’y appréciaient. Je me souviens très bien de la première saynette que j’y ai jouée — d’après Charlie et la chocolaterie, de Roald Dahl. Je n’avais pas peur, j’avais l’habitude. Et pour une fois, sur scène, je pouvais tout me permettre, même les comportements condamnés : être extraverti quand les hommes doivent être du côté du silence et de la masculinité… Dès que j’ai su qu’il existait une option théâtre au lycée d’Amiens, je m’y suis inscrit. Pour la première fois, quelqu’un de ma famille d’ouvriers accédait à une filière d’enseignement général…
Que représente le théâtre pour vous ? Il m’a construit. À Amiens, dans cette arche de Noé pour transfuges freaks qu’était la filière théâtre, il m’a fallu en effet accomplir une seconde mutation. Après la honte sexuelle, j’ai vécu la honte sociale. Fils d’ouvrier, je ne possédais aucun des codes nécessaires. J’étais habillé en survêtement, j’avais les dents abîmées, la malbouffe avait fait de moi un obèse. Les outils que j’ai acquis au théâtre m’ont permis de me réinventer. Simone de Beauvoir disait : « On ne naît pas femme, on le devient . ». Si je voulais devenir quelqu’un d’autre, il allait falloir que je joue le rôle idoine pour le devenir. Tous les LGBT et les transfuges de classes sont des acteurs et des actrices.
Où donc est le « vrai » Édouard Louis ? L’authenticité, c’est ce qu’on se fabrique, pas ce qui nous a été assigné par le monde et qu’on n’a pas choisi ! L’authenticité, c’est la manière dont on s’arrache à ce à quoi la société nous a condamnés à la naissance !
Pourquoi vous intéressez-vous à l’écriture théâtrale ? La force politique du théâtre est plus grande que celle du roman. Le théâtre confronte d’emblée le spectateur à un discours incarné sur le plateau. On peut se détourner d’un SDF quand on en croise un sur son chemin, on ne peut pas détourner le regard de ce qu’on voit sur scène : on est venu pour ça. L’art, aujourd’hui, privilégie la suggestion, la métaphore. Il ne faut pas dire, pas montrer les choses, au risque d’être « didactique », lourd, ou vulgaire. Je crois au contraire que les dire, les rendre visibles permet de les changer et de s’en émanciper. Beaucoup de grands romanciers contemporains — Jean Genet, Elfriede Jelinek, Thomas Bernhard — sont ainsi venus au théâtre parce qu’il était un moyen de forcer à regarder. À la demande de Stanislas Nordey, j’ai donc écrit Qui a tué mon père pour la scène.
De quoi ce monologue empêche-t-il de détourner les yeux ? De la conviction que la politique est une question de vie et de mort, pas un simple regard sur le monde. Par exemple, les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres, c’est un fait. À la cinquantaine, mon père a aujourd’hui le corps détruit. Un accident de travail à l’usine lui a brisé le dos et l’a paralysé de longues années. Mais pour toucher des allocations — de plus en faibles —, l’administration l’a forcé des mois durant à chercher des boulots qui n’existaient pas dans sa région, et que, de toute façon, il ne pouvait plus faire. Comme Daniel Blake dans le film de Ken Loach, la Palme d’or de Cannes en 2016. Ce système est kafkaïen. Alors oui : les politiques qui l’ont acté ont du sang sur les mains. Celui de mon père et de tant d’autres, aussi. Des pauvres ostracisés comme lui ; des Noirs, des Arabes, victimes de violences policières ; des femmes livrées à la violence masculine. Quel discours ont aujourd’hui les politiques contre la domination masculine ?
“ J’ai honte de ne pas savoir changer le monde”
Comment vous battez-vous contre ces injustices ? J’écris ! Je manifeste. J’interviens dans la presse. Je suis depuis le début de sa lutte aux côtés d’Assa Traoré, cette militante antiraciste qui se bat contre les violences policières dont a été victime son frère. J’ai marché avec les Gilets jaunes, défendu la cause animale… Quand on écrit laborieusement, comme moi, on ne parvient pas toujours à militer assez, comme l’ont fait Simone de Beauvoir, Sartre, Bourdieu. J’ai honte de ne pas savoir changer le monde tout de suite. Mais je n’ai pas envie de me défaire de cette honte. Elle est un moteur. Thomas Ostermeier, qui me met en scène dans Qui a tué mon père, partage ce sentiment.
Comment s’est passée votre collaboration ? J’avais été ébloui par sa mise en scène d’Histoire de la violence, mon deuxième livre. Le lycéen féru de théâtre que j’avais été le considérait comme un maître, à l’égal de Patrice Chéreau et d’Ariane Mnouchkine ; toute ma classe était allée voir son adaptation de Hedda Gabler, d’Ibsen, en 2007, et j’avais été bouleversé… Et voilà qu’Ostermeier s’intéresse à moi, que nous sommes même devenus amis ! Il m’a proposé de suivre la tournée du spectacle ainsi que celle du Voyage à Reims, de Didier Eribon, qu’il avait aussi monté. Un soir, alors que nous allions dîner après la représentation, je suis monté sur scène par jeu et j’ai dit une partie du texte de Nina Hoss, la grande comédienne allemande. Thomas, étonné, m’a trouvé bon, et m’a proposé peu après de jouer mon propre rôle dans Qui a tué mon père, déjà créé en 2019 par Stanislas Nordey.
“On ne peut plus écrire comme au temps de Zola”
Comment vous a-t-il dirigé ? Il est étonnamment doux avec ceux avec qui il travaille, de la régie aux comédiens. Il est en dialogue permanent, s’interroge, doute, pose des questions à tous, et même sur leur vie privée. Il n’est jamais tyrannique. Il s’est construit lui aussi dans la douleur, dans ce théâtre berlinois où nombre d’artistes étaient déjà des « fils et des filles de » comédiens célèbres… ce qu’il n’était pas. Thomas ne m’a jamais forcé à rien. Sauf à la sobriété : « L’émotion est déjà dans ton texte, Édouard, inutile d’en rajouter. » Cela n’était pas facile pour le fan de Céline Dion et de Britney Spears que je suis…
N’est-ce pas impudique de jouer son propre rôle comme vous le faites ? J’espère bien que c’est impudique ! Car qui décrète l’impudeur ? La société ? L’histoire ? La politique, une fois encore ?… C’est parce que je prends le risque de l’impudeur autobiographique, bien plus forte encore en étant moi-même corporellement sur un plateau, que ça devient si intéressant. Je radicalise l’autobiographie. J’y confronte de plein fouet les gens. Or, non seulement l’autobiographie permet au spectateur — comme au lecteur — de mieux s’identifier, mais elle empêche aussi de tourner la tête, comme je le disais : c’est arrivé réellement à quelqu’un ! Je suis sûr que par cette nouvelle matière autobiographique — à condition de franchir la frontière sociale du convenu, du dicible et de l’indicible —, on fera avancer le roman ou le théâtre. On ne peut plus écrire comme au temps de Zola, quand Internet, les réseaux sociaux n’existaient pas. Maintenant, on a tout vu, on n’a plus rien à apprendre. Reste à ne plus détourner la tête de ce qui existe. Durement.
Comment voyez-vous la rentrée en France ? Conflictuelle. Parce que le système social est cassé, parce que règne la violence policière et politique, devenue la vraie culture d’entreprise du gouvernement. Ce dernier ne ploie devant aucune manifestation de la population, il s’en fiche. Tant que cette violence ne cessera pas, je comprendrai que continue la violence dans la rue.
Eprouvez vous au moins un grand plaisir en scène ?
Gigantesque face à l’aridité de l’écriture… Passer huit heures par jour en pyjama pendant des mois, sans être sûr qu’il y ait quelque chose d’intéressant à la fin… Le livre, c’est impalpable. Au théâtre grâce aux répétitions, on sent si on avance ou non ; et on peut avouer ses faiblesses, sa peur, crier, danser sur scène, dévoiler son corps. Voir aussi travailler un génie comme l’est pour moi Thomas Ostermeier.
C’est quoi un génie ?
Quelqu’un qui a des intuitions fulgurantes et qui ont un sens ; quelqu’un qui va toujours droit devant ; quelqu’un qui est en lien avec la beauté, la violence, aussi, omniprésente dans ce monde d’aujourd’hui, et qu’on a tant de mal à percevoir. Car la violence est souvent dans le silence et l’invisibilité. Toni Morrisson, Ken Loach, Isabelle Huppert en sont pour moi. Que le théâtre m’ait permis d’observer un génie de près est une joie. Le théâtre m’a toujours été terre d’accueil.
Comment ça ?
Dans notre section théâtre du lycée d’Amiens, les professeurs nous emmenaient régulièrement en car voir des spectacles à Paris. Et à la sortie, on nous ramenait en car à Amiens. Mais mes parents habitaient loin ; c’était toute une histoire pour rentrer à la maison. Je me souviens qu’un soir à la Cartoucherie de Vincennes, venu assister aux magnifiques Ephémères d’Ariane Mnouchkine, j’appelle mon père à l’entracte pour lui demander de venir me prendre au retour. Il refuse. J’étais paniqué. J’avais 15 ans, n’osais pas demander à mes camarades de dormir chez eux ou que leurs parents me raccompagnent, ils ne savaient réellement pas grand’chose de mes difficultés. Je reste ainsi pétrifié dans le hall sans oser retourner voir la deuxième partie et voilà que surgit Ariane Mnouchkine. « Tu ne vas pas voir le spectacle ? Ca ne te plait pas ? » Par sa présence, son écoute, elle a réussi en quelques minutes à ce que je lui raconte des difficultés que je n’osais avouer à aucun camarades, j’avais si honte. « Tu n’as qu’à dormir avec nous ici, on te raccompagnera demain, ne t’inquiète pas. Et retourne dans la salle…» Seuls des gens de théâtre m’ont ainsi accueilli. Comme Ariane Mnouchkine qui ignore même cette histoire et ne se souvient plus du gros gamin aux dents cariées qu’elle a réconforté – elle le fait à tellement d’autres.
Et vous avez couché à la Cartoucherie ?
Non, requinqué j’ai finalement trouvé une autre solution, osé demander à un copain de classe. J’étais trop timide, trop honteux, trop idiot. J’ai raté la formidable occasion de dormir là-bas. Je la regrette encore.
Qui a tué mon père, du 9 au 26 sept. (sf dim.), 20h. | Théâtre des Abbesses, 31, rue des Abbesses, 18e | 01 42 74 22 77 | theatredelaville-paris.com | 20 €.
Avignon 2019 | Le dramaturge et metteur en scène Olivier Py s'entretient avec Arnaud Laporte. Le directeur du Festival d'Avignon nous emmène dans les coulisses de sa volonté de création et retrace son parcours. Une Masterclasse enregistrée à l'occasion de la 73ème édition du festival.
Arnaud Laporte s'entretient avec Olivier Py dans cette Masterclasse enregistrée à l'occasion du 73ème Festival d'Avignon.
Concernant son rapport à la notion de vocation, Olivier Py retrace le chemin qui l'a mené au théâtre :
J'étais dès la petite enfance destiné à la vie artistique et intellectuelle alors même que rien ne m'y prédestinait. Olivier Py
Ma famille n'était pas une famille qui travaillait dans la culture. Ils n'étaient pas non plus rétifs. Mes parents étaient pieds-noirs, donc j'ai dévoré Camus. J'ai lu tout ce qu'il y avait dans la bibliothèque. Olivier Py
Écriture, mise en scène, jeu, théâtre, opéra, cinéma, musique : celui qui est aujourd'hui directeur du Festival d'Avignon est un touche-à-tout :
J'avais un professeur de philosophie en hypokhâgne qui me disait "Lorsque l'on hésite entre deux choses, il faut prendre les deux." C'est un enseignement difficile à tenir. Olivier Py
Dès l’adolescence j'ai perçu la scène comme le lieu même du poétique.Olivier Py
C'est ça qui n'en finit pas de renouveler le théâtre : la volonté d'une génération de dire qu'elle existe, à la fois dans la rupture avec ce qu'il s'est passé mais aussi dans l'héritage. Si une génération se contente d'être dans la rupture, elle va ensuite reproduire des schémas de pouvoir. Pour détruire l'héritage du pouvoir, il faut assumer l'héritage de la culture. Olivier Py
Légende photo : Olivier Py lors d'une conférence de presse du 73e festival d'Avignon• Crédits : Boris Horvat - AFP
Jean-Paul Wenzel a inauguré, à Cosne-sur-Loire (Nièvre), un lieu magnifiquement original qui abrite la compagnie La Louve, animée par sa fille Lou, et la Dorénavant Cie, qu’il dirige (1). Il a acquis un ancien garage, avec l’habitation attenante. Au prix de l’énergie de l’espoir et de l’huile de coude généreusement dépensée, le Garage Théâtre a offert son premier festival du 31 août au 6 septembre. Arrivé le 3 septembre, je n’ai pas pu voir, le regrettant, la mise en espace, de et par Lou Wenzel, de Max Gericke, pièce de Manfred Karge. Je n’ai pas vu l’Arbre monde, une ode au monde végétal conçue et interprétée par Sylviane Simonet. Je n’ai pas vu et entendu Gérard Morel dans ses chansons douces-amères. Je n’ai pas vu, en hommage au sol nourricier, Terre arable, qu’a écrit et interprété Lorène Menguelti, escortée par le musicien Pierre Wolff. Pour un envoyé spécial, ça la fout mal d’avouer ce qu’il n’a pas vu. Croyez-moi sur parole, je les connais, ceux que je n’ai pas vus. J’en réponds les yeux fermés.
En revanche, j’étais à la lecture surprise, par la jeune Nina Le Poder et Lou Wenzel, de la Fleur de pissenlit, formidable nouvelle noire de Wolfgang Borchert. Le soir même, c’était, par Hovnatan Avédikian, Mounir Margoum, Lorène Menguelti et le joueur d’oud syrien Hassan Abd Alrahman, une très belle mise en espace de Tout un homme, de Jean-Paul Wenzel, si fraternelle plongée dans l’existence des immigrés maghrébins, naguère encore envoyés au charbon. Le 4, ce fut la surprise de la lecture, par Lorène Menguelti, de la Récolte des hannetons, un texte sien, d’une belle coulée de prose poétique dans la quête de ses origines berbères. Le soir, Denis Lavant, acteur de génie, acteur d’air et de feu, a révélé à un public littéralement soulevé, l’écriture foudroyante de Jean-Pierre Martinet, auteur de la Grande Vie, partition tragico-obscène qui semble un peu, pour l’esprit, d’un Beckett avec trop de mots et d’un Céline en proie à l’opium. Samedi 5, il y eut, sous un grand arbre, pour clore le bal des mots dits, une offrande plurielle d’ordre poétique, au gré des goûts des artistes toujours présents. À la nuit, la mise en espace d’ Oma, texte puissant d’Arlette Namiand sur une allégorie de femme mère de toutes les guerres du siècle dernier, était jouée par Martine Bertrand, Lou Wenzel et Anne-Gabrielle Lia-Aragnouet au violoncelle. Au Garage Théâtre, en toute rigueur et intégrité, se dessine une relance de l’œuvre de décentralisation qui refait sens.
Jean-Pierre Léonardini
(1) Le Garage Théâtre, 235, rue des Frères-Gambon, à Cosne-sur-Loire, le.garage.theatre@gmail.com
Avec cette performance culinaire, l’artiste de cirque et le chef doublement étoilé s’associent pour renouveler l’art de la dégustation.
Attaquer la rentrée en passant par la case Encatation, performance culinaire créée conjointement par l’artiste de cirque Johann Le Guillerm et le chef doublement étoilé Alexandre Gauthier, à l’affiche jusqu’au 6 septembre, du CentQuatre, à Paris, est un tremplin de rêve. On en sort l’estomac au chaud et en état second, avec du chocolat plein les babines et des biscuits sablés à la chicorée pour le petit déjeuner au fond du sac. On reste longtemps sur un petit nuage bien moelleux, reniflant ses doigts au cas où il resterait encore une infime trace de potimarron fumé tout en feuilletant l’album-souvenir glissé à chaque participant avant de quitter la table.
Quelle magie délicate dans cette Encatation, impeccablement dressée et pesée par deux esprits aussi aventureux et malicieux l’un que l’autre. Johann Le Guillerm et Alexandre Gauthier, patron de LaGrenouillère, près de Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais), se sont bien rencontrés, imbriquant leurs deux univers dans une création spectaculairement gourmande qui sert autant la cause des projections plastiques du premier que de la cuisine du second. Entourant les deux cuistots et les préparateurs, un long ruban sinusoïdal en bois sert de table. Crise sanitaire oblige, chacun des 60 convives est enchâssé dans un petit cockpit de Plexiglas souple qui réverbère l’ensemble du dispositif. Le ballet des assiettes peut commencer.
Aussi comestible qu’esthétique
Les circonvolutions mentales de Le Guillerm, sa passion pour les mécanismes et les formes, les renversements de situation trouvent grâce à Gauthier une traduction culinaire épatante. Aussi comestible qu’esthétique, reliant l’estomac et le cerveau, un axe arpenté en permanence par Johann Le Guillerm qui accompagne le spectacle en voix off, Encatation sert une collection d’en-cas délicieux et rares. Les « expériences » s’additionnent sans chiffonner les papilles préalablement aérées par une bille d’eau aphrodisiaque. On profite d’un choix spécifique d’ingrédients (betterave, brocoli, cabillaud…), de couleurs (orange, rouge…), de saveurs (sucrées, salées, entre les deux). On chasse le petit pois au pic, on roule une boule d’épinard qui rappelle en miniature la fameuse et énorme Motte végétale conçue en 2003 par Le Guillerm, on trempe les doigts dans la sauce et on lèche son plat sans y laisser une miette. Mal élevé ? C’est trop bon.
Renouvelant l’art de la dégustation comme un élan de tout l’être engagé dans l’action de manger, de se nourrir et au-delà, ce rituel lent et étonnant jusqu’au dessert met la langue au cœur de l’affaire. Celle que l’on tire mais aussi celle littéraire et joueuse de Le Guillerm qui se roule dans les jeux de mots et galipettes verbales. Chiche de pois mais fort en bouche, petit à petit l’appétit grandit. Enveloppé par une bande-son organique, zébrée de lumières, Encatation ne laisse pas sur sa faim, se révélant une expérience totale de tous les canaux.
Encatation, de Johann Le Guillerm et Alexandre Gauthier. Jusqu’au 6 septembre, CentQuatre, Paris. Du 26 au 29 novembre, Cirque-Théâtre, Elbeuf (Seine-Maritime).
Rosita Boisseau
Légende photo : L’attraction culinaire « Encatation », de Johann Le Guillerm et Alexandre Gauthier. GRÉGOIRE KORGANOW
On est saisi d’entrée par cette « disputatio » réglée comme une pièce musicale par Marcel Bozonnet qui joue la mort, face à Logann Antuofermo, dans « Le Laboureur de Bohème ». Une joute métaphysique.
Il est plié de douleur, de chagrin, au pied du mur du fond. Lové comme un enfant. Dans un costume couleur sable, qui évoque le Moyen-Âge, mais aussi un bébé au maillot…Car c’est bien cela. Un homme va se lever. Interpeller la mort comme Job interpelle Dieu. Le Laboureur est nu et sans défense, malgré la puissance de sa pensée, son audace, son sens du raisonnement et de la réplique. On devine obscurément qui gagnera, à la fin…
C’est Philippe Tesson qui a voulu que ce dialogue très puissant soit joué dans le Théâtre de Poche, que dirige sa fille Stéphanie et qui l’a proposé à Marcel Bozonnet. Le comédien et metteur en scène, ancien Administrateur général de la Comédie-Française, avait monté, l’hiver dernier, une évocation poétique et musicale, construite avec Olivier Beaumont, de l’Eloge funèbre par Bossuet, d’Henriette d’Angleterre. « Madame cependant a passé du matin au soir, ainsi que l’herbe des champs. Le matin, elle fleurissait ; avec quelles grâces, vous le savez : le soir, nous la vîmes séchée… »
Le Laboureur de Bohème n’est pas une œuvre inconnue. Florence Bayard, l’a traduite. Dans la présentation par le Théâtre de Poche, on nous dit que « cette partition a été redécouverte au XIXème siècle » et qu’elle « connut un destin théâtral dès le XXème siècle. »
On n’a pas oublié la version qui pour nous, a remis en lumière ce texte très étonnant, la mise en scène de Christian Schiaretti qui dirigeait alors Didier Sandre, le Laboureur et Serge Maggiani, la Mort. Avec également Fabien Joubert, apparition d’un ange.
Il n’y a pas d’ange visible dans cette version. Dans la traduction de Dieter Welke et Christian Schiaretti, l’adaptation mettait la Mort au féminin. Pas dans cette version, adaptation de Judith Ertel et mise en scène de Marcel Bozonnet et Pauline Devinat, d’après la traduction de Florence Bayard. Ils la mettent, cette Mort, bizarrement, au masculin.
Etrange, tout de même, et c’est le tout début : « Terrible destructeur de toute contrée, nuisible proscripteur de tout être, cruel meurtrier de toute personne, vous, Mort, soyez maudit ! ».
Dans un espace imaginé par le grand artiste qui a fait vivre les spectacles –et costumes en particulier- de la Comédie-Française, Renato Bianchi, très graphique mais sans froideur abstraite, on écoute donc deux interprètes.
L’un, de longue route, dans les superbes enveloppements de costumes, avec la présence de quelques masques superbes de Werner Strub, et des lumières très fines de François Loiseau, impose la Mort. Marcel Bozonnet possède un timbre très personnel. On le reconnaît à la première syllabe. Il est musical. Il s’offre quelques moments de danse. Il a pensé à des moments de danses macabres. Il les situe dans un texte : elles sont tibétaines, guinéennes, espagnoles.
Avouons que nous avons vu un danseur japonais. Tel Kazuo Ohno dans l’art spirituel du butô.
Bozonnet est inquiétant avec son maquillage pâle et les yeux féroces de la Mort.
Face à cet artiste de grande expérience, le jeune, le tout jeune Logann Antuofermo que l’on a pu voir cet été dans le film de Philippe Garrel, Le Sel des larmes, impose loin de toute démonstration, la voix –la sienne est très bien placée- du Laboureur. Job et un enfant désarmé, désarmant.
L’auteur, Johannes Von Tepl, est un érudit. Un savant. Un très grand esprit. « La plume est ma charrue ». Il est recteur de l’université de Saaz, en Bohème. Il est également administrateur de la ville. Il a déjà beaucoup écrit lorsqu’il compose Le Laboureur de Bohème. Le texte daterait de 1401. Il nous touche directement.
Sincérité, colère, éloquence, puissance : le savant auteur (qui a plus d’une demi-douzaine de noms) vient justement de perdre sa femme. La véhémence le porte. Logann Antuofermo lui, endosse cette partition avec une sincérité, une lumière radieuse et douce. Il est remarquable. Regard ferme et doux, quelque chose de tendrement farouche, courageux personnage, interprète très fin et d’une belle maturité.
Il y a aussi de la musique. D’autres voix et notamment, Anne Alvaro. Des instants que l’on ne saisit pas clairement mais qu’importe. Détail. Ici, il s’agit ici d’un théâtre très humain, très haut et accessible. Du théâtre de plaisir et de partage.
Théâtre de Poche-Montparnasse, du mardi au samedi à 21h00, le dimanche à 17h00. Durée : 1h25. Texte de l’adaptation publié dans la collection « Quatre vents » (10€). Traduction de Florence Bayard, éditée par la Sorbonne, collection Traditions et Croyances.
Dans un entretien donné au « Monde », la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, admet que la distanciation est à manier avec délicatesse dans les théâtres tels que le Poche. Pas de règle unique et écrasante, souligne-t-elle.
Ecrabouillés que nous sommes, les uns sur les autres, dans les métros, les bus, au théâtre, sage, chacun dans son fauteuil, on peut demeurer, une heure, une heure et quelque, sans risquer plus que dans la vie quotidienne.
Légende photo : Avec vue de l’espace imaginé par Renato Bianchi. .La Mort ou le Diable ? Marcel Bozonnet, maquillages de Catherine Saint-Sever, costume de Renato Bianchi. Photographie de Pascal Gély. DR.
La famille Wenzel, de père en fille, ouvre un théâtre dans une ville de la Nièvre, Cosne-sur-Loire, qui en était dépourvu. Avec, au cœur d’un premier festival, une flopée de textes contemporains. Salutaire et réjouissant.
Le père, Jean-Paul Wenzel, formé à la bonne école du Théâtre national de Strasbourg, allait, des décennies durant, jouer, mettre en scène et d’abord écrire bien des pièces dont la plus célèbre, Loin d’Hagondange, restera comme la pièce emblématique du « théâtre du quotidien » et sera traduite en bien des langues. Wenzel, Olivier Perrier et Jean-Louis Hourdin, fameux trio de camarades à l’esprit communard, allaient fonder les Fédérés qui présideraient à la naissance du CDN de Montluçon, le théâtre des Ilets qu’ils dirigèrent de 1985 à 2002, théâtre aujourd’hui tenu par une digne héritière : Carole Thibaut. Parallèlement, les trois complices, chaque été depuis 1976, à Hérisson, village de l’Allier où vit Olivier Perrier, nous donnaient rendez-vous au bord de l’Aumance pour les vite légendaires Rencontres d’Hérisson qu’ils surent arrêter en 2002. L’année suivante, c’est en Ile de France que Jean-Paul Wenzel créa sa compagnie – Dorénavant Cie – avec sa compagne l’autrice Arlette Namiand. Ils prirent tout de même le temps de faire une fille, Lou.
La fille, donc, Lou Wenzel, formée, elle, à la défunte école de Chaillot et à celle de Saint-Etienne. Actrice et metteuse en scène, elle devait fonder sa propre compagnie, La louve, en 2005, en mettant en scène une adaptation du très beau livre de Wolfgang Borchtch, Devant la porte, puis d’autres textes contemporains. Tel père, telle fille. Au demeurant, le père devait plusieurs fois mettre en scène sa fille.
De moins en moins aidée – les DRAC sont souvent et sottement impitoyables avec les grands aînés toujours sur la brèche –, la compagnie de Wenzel est aujourd’hui lasse de l’Ile de France et s’apprête à baisser le rideau parisien. Quant à la Louve , elle a soif d’aventures buissonnières, loin des sunlights aveuglants de la capitale, sans doute aussi, biberonnée avec les légendes des Fédérés, de Montluçon en Hérisson, a-t-elle envie de prendre l’air. Donc, depuis deux bonnes années, la fille, épaulée par son père, cherchait un lieu pour y installe sa jeune compagnie. Non pas un théâtre mais un lieu qui en deviendrait un. Dans un endroit, une ville qui en était dépourvu. C’était le cas de Cosne-sur-Loire, ville de la Nièvre à deux heures de la capitale. L’Eden cinéma, orgueil de la cité, avec son extraordinaire façade était là avant que Marguerite Duras n’accapare ce nom, mais dans cette ville avec vue, de l’autre côté de la Loire, sur les vignes de Sancerre et le crottin de Chavignol, aucun théâtre n’a jamais été édifié.
C’est désormais chose faite. Alors que la Louve et son père commençaient à désespérer, après avoir visité des lieux trop grands ou trop petits dans la région, le miracle est arrivé : on leur a parlé d’un garage de taille moyenne qui était à vendre avec une maison à côté un grand jardin herbeux derrière. Bref, l’idéal. C’est ainsi que le Garage-théâtre, financé pour l’essentiel avec les droits d’auteurs mis de côté par Wenzel, s’est ouvert le 31 août. Un événement salué comme il se doit par le Journal du centre et La Voix du sancerrois.
L’attente était grande assurément, car, dès le premier soir, la salle était comble pour la recréation de Max Gericke de Manfred Karge, pièce que Lou Wenzel avait déjà interprétée, seule en scène, aux Plateaux sauvages dans une autre mise en scène. Belle histoire que celle de cette femme dans l’Allemagne précédant Hitler qui, à la mort de son mari, se fait passer pour morte et, pour vivre, prend l’identité et la place de grutier de celui-ci avec tout ce qui s’ensuit.
Hier soir, Wenzel a repris sa pièce Tout un homme, déployant les facettes de l’immigré avec une belle distribution : Hassan Ald Akhaman, Mounya Boudiaf, Mounir Margoum et Hammou Graïa. Ce soir, Denis Lavant donnera du relief vocal et physique au texte de Jean-Pierre Martinet La Grande Vie et sans doute pourra-t-il dédicacer l’ouvrage Echappées belles qu’il vient de publier (éditions les Impressions nouvelles) où il explore avec passion – et c’est passionnant – son parcours de Vitez à Léos Carax et de Essenine à Beckett. Ce « premier festival du Garage-théâtre » se terminera samedi avec Oma, un texte d’Arlette Namiand mis en scène par Jean-Paul Wenzel avec Anne-Gabrielle Lia-Aragnouet au violoncelle et, à ses côtés, deux actrices, Martine Bertrand et, bien sûr, la louve Lou.
Avant l’hiver, on songera à équiper le lieu pour qu’il soit chauffé et on mettra sur pied les ateliers de théâtre avec des amateurs qui ont été retardés pour cause de confinement et autres agaceries. Qu’importe, le Garage-théâtre est né à Cosne-sur-Loire et c’est une belle nouvelle.
Le Garage-théâtre, 235 rue des frères Gambon, Cosne-sur-Loire (58), 03 86 28 21 93, le.garage.theatre@gmail.com
Sa longue et belle silhouette a longtemps hanté les rues et la scène du Nouvel Olympia, dans les années 1980 - 2000, à Tours. Le grand acteur de théâtre Gérard Hardy est décédé mercredi 2 septembre à Paris. Hommage.
Gérard Hardy ne passait pas inarperçu. Dans les années 1980-2000, le comédien a vécu et travaillé à Tours au côté du metteur en scène Gilles Bouillon, alors directeur du théâtre Le Nouvel Olympia (aujourd'hui Théâtre Olympia). Sa grande silhouette, sa "gueule" de théâtre, sa curiosité à revendre et son amour du théâtre sans aucune mesure sont salués aujourd'hui par ceux qui l'ont connu. Gérard Hardy est décédé mercredi 2 septembre au matin à Paris.
Depuis longtemps parti de Tours, Gérard Hardy a laissé une empreinte indélébile dans les mémoires de ceux qui l'ont vu sur scène incarner les plus grands rôles du répertoire, ceux aussi qui l'ont connu en tant que professeur dans les cours donnés en atelier théâtre.
Cofondateur en 1964 du Théâtre du Soleil avec Ariane Mnouchkine
"La première fois que j'ai travaillé avec Gérard Hardy, explique Gilles Bouillon, joint au téléphone, c'était en 1983 à Bourges pour Le Marchand de Venise. Il jouait Shylock. Il était remarquable. Gérard, je l'avais vu jouer avec Mnouchkine, j'étais dingue de ce gars-là. Quand j'ai commencé à faire des mises en scène et qu'il a accepté de faire partie de la distribution, j'étais tellement heureux."
Et puis l'histoire d'une première rencontre professionnelle s'est transformée en amitié forte entre les deux hommes. "Après Bourges, je suis venu à Tours pour créer le Nouvel Olympia et Gérard a été de l'aventure. Il a participé à douze ou treize de mes créations. Que des grands rôles ! Il a même été permanent de la compagnie. Il était très présent dans Tours, il animait des ateliers théâtre, notamment au lycée Grandmont."
Gérard Hardy était "l'un des plus grands acteurs de théâtre français", continue Gilles Bouillon. En 1964, il a cofondé le désormais mythique Théâtre du Soleil avec Ariane Mnouchkine mais aussi l'acteur Philippe Léotard. "Il a travaillé avec les plus grands metteurs en scène, notamment Grüber ou Jean-Pierre Vincent. Il était incroyablement curieux de théâtre. Quand il ne jouait pas, il allait au théâtre, découvrir de jeunes talents. A Tours, on se moquait de lui parce qu'il avait ce Solex qui l'emmenait partout. Il était capable d'aller à Blois en Solex pour aller voir un spectacle."
La nouvelle de sa disparition a notamment fait réagir Jean-Pierre Tolochard, ancien adjoint à la culture de Jean Germain. "La première fois que j'ai vu Gérard Hardy, c'était dans le Méphisto d'Ariane Mnouchkine d'après Klaus Mann à Avignon en 1979. J'étais loin de penser que nous partagerions autant de moments merveilleux auprès de lui tout au long de son compagnonnage au Centre dramatique avec Gilles Bouillon où il a tant apporté sur scène comme dans la programmation. Son goût pour la conversation, sa curiosité insatiable, sa passion pour la culture la plus vivante, tout cela, il l'a partagé avec élégance et simplicité et avec cette drôlerie malicieuse qui éclairait d'un coup, son visage."
«Le nouvel équipement n’ouvre pas simplement des perspectives, il change tout ! Concernant le projet artistique, nous continuerons sur les mêmes lignes mais allons pouvoir envisager de nouvelles choses, ouvrir la programmation à des spectacles que l’on ne pouvait pas accueillir avant, inviter de nouveaux artistes, et surtout, proposer des séries plus longues - jusqu’à deux semaines pour certains spectacles - qui permettent d’installer les artistes et de développer les publics », indique à News Tank, Jean-Marc Grangier, directeur de la Comédie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), à l’occasion de l’inauguration du nouvel équipement de la Scène nationale le 04/09/2020. « Avec nos deux nouvelles salles, nous sommes sur des jauges plus conventionnelles de 878 et 336 places. Le public gagnera en confort et recevra beaucoup mieux les œuvres présentées », ajoute le directeur.
Créée en 1997, la Scène nationale ne disposait pas de lieu en propre et était accueillie dans diverses salles municipales ou voisines, dont la maison de la culture de Clermont. Le nouvel équipement comprend deux salles de spectacle, un studio de répétition de 250 m² (avec un gradin de 50 places), trois salles de médiation, une bibliothèque et un restaurant (Les Grandes Tables de La Comédie). Le projet architectural a été conduit par le Portugais Eduardo Souto de Moura (Prix Pritzker 2011).
Les premières représentations se tiendront à partir du 25/09/2020 avec deux créations : « Société en chantier » de Stefan Kaegi, puis « Le Lac des Cygnes » d’Angelin Preljocaj. Des visites guidées seront également organisées en octobre.
« Dans le contexte actuel, nous restons optimistes. Nous avons fait le choix de maintenir la programmation telle que je l’avais imaginée avant le début de la crise sanitaire. Elle est enrichie par les spectacles reportés. Ce n’est pas plus mal car après des mois d’arrêt, les artistes et compagnies souhaitent faire des dates », poursuit Jean-Marc Grangier qui répond aux questions de News Tank.
Après plus de 20 ans sans lieu fixe, La Comédie de Clermont-Ferrand va enfin disposer de son propre théâtre. Pourquoi cet équipement ne voit le jour qu’aujourd’hui ?
C’est une très longue histoire. Même encore aujourd’hui, je n’arrive pas à avoir de réponse précise. Mon prédécesseur, Jean-Pierre Jourdain, et le président de l’association Comédie de Clermont souhaitaient installer la Scène nationale dans l’opéra-théâtre de la ville. Mais, sentant que ce dossier n’avancerait pas, Jean-Pierre Jourdain a préféré partir. Lorsque je lui ai succédé, la Ville a finalement retenu son idée. J’étais contre : il me semblait incohérent d’installer un projet de Scène nationale dans un tel lieu qui ne dispose que d’un petit plateau de 9 mètres par 9. Puis après réflexion, et parce que refuser cette proposition voulait dire que la Scène nationale n’aurait jamais de lieu fixe, j’ai fini par accepter. Nouveau rebondissement puisque trois mois plus tard la Ville décidait d’engager un projet de construction d’un théâtre ! Olivier Bianchi, alors élu en charge de la culture, était d’accord avec moi sur le fait qu’un projet de Scène nationale ne pouvait pas rayonner dans un petit théâtre à l’italienne. Il a joué un rôle important pour faire basculer le choix du maire en faveur d’un nouveau bâtiment.
Pourtant, le bâtiment n’est finalement livré que dix-huit ans après.
Entre les idées, la volonté et le passage à l’acte, il y a toujours un temps. Il a fallu rassembler les parts budgétaires. Le projet a pris un tournant décisif lorsque Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, a annoncé le soutien financier de l’État. À partir de là, Ville et État ont été porteurs du projet et ont convaincu les autres collectivités territoriales de les suivre.
Budget de construction
• 38 M€ HT, dont :
- État : 6 M€ HT
- Région Auvergne-Rhône-Alpes : 4 M€ HT
- Conseil départemental du Puy-de-Dôme : 4 M€ HT
- Clermont Auvergne Métropole : 8 M€ HT
- Ville de Clermont-Ferrand : 16 M€ HT
Ce déménagement arrive à un moment où les conditions d’accueil sont fortement perturbées par la crise sanitaire. Comment appréhendez-vous cette rentrée ?
« La Comédie co-produira plus et accueillera davantage d’artistes en résidence »
Hors contexte Covid-19, le déménagement dans le nouvel équipement est préparé depuis plusieurs années. Il s’accompagne d’un renforcement de l’équipe et du développement significatif de l’activité puisque la Comédie co-produira plus et accueillera davantage d’artistes en résidence. L’ensemble des partenaires a joué le jeu et chacun a augmenté sa subvention pour arriver à un budget global de 5,35 M€. C’est important de sentir le soutien des tutelles autour de notre projet.
Dans le contexte actuel, nous restons optimistes. Nous avons fait le choix de n’ouvrir la billetterie et les abonnements que le 02/09/2020 afin de nous adapter aux dernières mesures et règlementations en vigueur.
Les recettes de billetterie sont une part importante de notre budget et le seront encore davantage dans les années à venir car j’ai choisi d’augmenter le nombre de représentations par spectacles. Avant le début de la crise sanitaire, nous avions dépassé la barre symbolique du million d’euros de recettes de billetterie. Nous avons été coupés dans cet élan parce qu’il a fallu rembourser des places.
Pendant le confinement, je me suis posé beaucoup de questions : Doit-on maintenir le nombre de spectacles en 2020-2021 ? Le réduire ? Déprogrammer des « gros » spectacles ?… J’ai fait le choix de maintenir la programmation telle que je l’avais imaginée avant le début de la crise. Elle est enrichie par les spectacles reportés. Ce n’est pas plus mal car après des mois d’arrêt, les artistes et compagnies souhaitent faire des dates.
« Après des mois d’arrêt, les artistes et compagnies souhaitent faire des dates »
Il était vraiment important que le Gouvernement nous permette d’ouvrir tous les fauteuils (avec la suppression de la distanciation physique en zone verte en contrepartie du port du masque en continu, NDLR). C’était aussi une question de cohérence car il était incompréhensible de voir les trains et avions remplis alors que les salles de spectacle devaient réduire leur jauge. Comme il était incohérent de voir le Puy du Fou accueillir 12 000 personnes côte à côte en tribune…
Quelles sont les perspectives offertes par le nouvel équipement ?
« Un équipement absolument unique en France et dans le monde »
C’est un théâtre absolument unique en France et dans le monde. Roméo Castelluci l’a visité lorsqu’il était encore en chantier. Il a été impressionné et considère l'équipement, selon ses mots, comme le plus beau du monde. Il le compare, en termes de possibilités techniques, au théâtre de Yokohama au Japon.
Ce potentiel incroyable est le fruit du projet de l’architecte Eduardo Souto de Moura qui, malgré son talent reconnu dans le monde entier, n’a pas cherché à construire une espèce de mausolée à son image. Son approche est au contraire humble et sobre et cela se ressent très fortement. La façade, les extérieurs et les espaces intérieurs ont été pensés dans le respect des artistes et des publics.
Eduardo Souto de Moura n’avait jamais édifié de théâtre avant celui-ci. Il s’est donc adjoint un scénographe, Félix Lefèvre, pour l’accompagner dans le projet architectural.
« Le nouvel équipement n’ouvre pas simplement des perspectives, il change tout ! »
Ce nouvel équipement n’ouvre pas simplement des perspectives, il change tout ! Tout d’abord, nous changeons de statut. Nous passons, d’une certaine manière, de « sans domicile » à « châtelain ». Malgré ce nouveau statut, il nous faut absolument garder un esprit d’ouverture, montrer aux publics que ce théâtre est aussi le leur.
Concernant le projet artistique, nous continuerons sur les mêmes lignes, mais allons pouvoir envisager de nouvelles choses, programmer des spectacles que l’on ne pouvait pas accueillir avant, inviter de nouveaux artistes, et surtout, proposer des séries plus longues - jusqu’à deux semaines pour certains spectacles - qui permettent d’installer les artistes et développer les publics.
Quels types de spectacle allez-vous désormais pouvoir accueillir ?
Jusqu’à présent, il était compliqué de faire une programmation, de trouver les salles adaptées aux projets artistiques que je souhaitais montrer, de faire coïncider les dates de disponibilité des lieux avec celles des équipes artistiques…
« Le public gagnera en confort et recevra beaucoup mieux les œuvres présentées »
De plus, la maison de la culture de Clermont, qui accueillait la plupart des spectacles de la Scène nationale, avait une capacité de 1 400 personnes, ce qui est beaucoup pour le théâtre. Avec nos deux nouvelles salles, nous sommes sur des jauges plus conventionnelles de 878 et 336 places. Le public gagnera en confort et recevra beaucoup mieux les œuvres présentées.
La grande salle (la Salle de l’Horizon), a un plateau immense, parfaitement équipé techniquement, qui pourra accueillir des grandes formes. Disposer d’un tel outil sera l’occasion de proposer aux jeunes équipes d’y créer des spectacles, d’oser le grand plateau. Aujourd’hui, la production de ces jeunes équipes est formatée par plein de choses : la pression de la diffusion, des subventions… Elles se limitent souvent à des solos ou des distributions restreintes au lieu d’oser les grandes formes. Nous, programmateurs, contribuons aussi à cela… C’est dommage pour la création artistique. En danse par exemple, les grandes formes se font de plus en plus rares… Je souhaite donc accompagner davantage les jeunes artistes à prendre des risques et ne pas se limiter aux petits plateaux.
La deuxième salle (la Salle des Possibles) est, elle, entièrement modulable. Elle pourra accueillir des propositions en bi-frontal, tri-frontal, avec du public debout… Le premier spectacle qui y sera montré est une création de Maud Lefebvre, Une femme sous influence, adaptation théâtrale du film de John Cassavetes en bi-frontal avec des charriots qui tournent autour des gradins. Lorsque nous avons discuté de ce projet, l’équipe technique était très inquiète quant à la capacité de Maud à faire tourner ce spectacle en raison de la complexité du dispositif scénique. Effectivement, elle tournera sans doute peu. Je trouve cela vraiment anormal. On ne peut pas museler à ce point les artistes. Je suis donc particulièrement heureux qu’elle ouvre cette salle pour montrer aux artistes qu’il faut résister aux injonctions et contraintes.
Pour l’équipe de la Comédie, les choses vont également radicalement changer puisque nous travaillerons désormais tous ensemble dans le même lieu, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Enfin, les publics disposeront, eux, pour la première fois d’un théâtre ouvert dans la journée.
Comment envisagez-vous l’ouverture du théâtre en journée ?
Nous avons défini deux axes de développement qui permettront aux gens de s’approprier le théâtre en dehors de la représentation des spectacles :
« Un lieu où l’on essaie de rapprocher monde urbain et monde rural »
La ruralité. Le monde agricole entoure Clermont-Ferrand mais est souvent très éloigné de nos pratiques et de notre travail. Face aux défis sociétaux et écologiques qui nous attendent, j’ai souhaité mettre en perspective les liens qui unissent la ville et le monde rural en construisant des projets qui favorisent les échanges entre les deux. C’est aussi une manière de faire entrer dans le théâtre des thématiques qui y sont habituellement peu abordées. Pour cela nous sommes partis d’une expérience développée l’année dernière avec nos artistes associés, l’auteur Guillaume Cayet et la metteuse en scène Aurélia Lüscher (Cie Le Désordre des choses). Guillaume Cayet avait écrit un très beau texte sur un drame paysan. Le texte a été joué dans des fermes de la région et a attiré un public nombreux. Le sujet intéressait mais, plus que tout, on sentait chez les gens un désir d’échanges et de rencontres. Pour poursuivre cette démarche, nous ouvrons cette année le grand hall chaque deuxième lundi du mois pour un marché nocturne avec des producteurs locaux. Ce marché s’accompagnera de conférences, projections de films, performances ou expositions, et sera poursuivi par un repas préparé par des producteurs. Le plasticien Patrick Pleutin sera présent chaque lundi pour « mettre en dessin » ces moments de partage, tandis que Guillaume Cayet proposera des ateliers d’écriture chez les agriculteurs qui donneront lieu à des restitutions au théâtre : lectures, expositions… Le nouveau théâtre sera un lieu où l’on essaie de rapprocher monde urbain et monde rural.
La jeunesse. Clermont-Ferrand attire beaucoup d’étudiants. Mais très souvent pendant leurs études, ils s’éloignent de la culture, arrêtent de jouer d’un instrument, de suive des cours de danse… Nous voulons donc être à l’écoute des jeunes désireux de partager un projet artistique dans le cadre scolaire, étudiant ou de façon individuelle. Des projets spécifiques leur seront dédiés tout au long de la saison et des outils seront mis en œuvre pour les accompagner : conseils au projet artistique, accompagnement des élèves et enseignants des options de pratiques artistiques…
La venue des jeunes au théâtre est souvent freinée pour des questions financières. Comment répondez-vous à cette problématique ?
Cette problématique est prégnante à Clermont où 50 % des étudiants sont boursiers. La saison passé, nous avons créé une carte à 5 euros pour les jeunes de moins de 27 ans et adaptée à leurs pratiques. On le sait, le mode de sortie des moins de trente ans, c’est une sortie à la dernière minute. Cette carte permet de bénéficier de tarif préférentiel sans les contraintes de l’abonnement puisqu’il est possible de prendre une place jusqu’à la dernière minute et sans un nombre de spectacles imposés. Nous avons aussi mis en place le principe des billets solidaires et proposons des paniers solidaires en lien avec des producteurs locaux pour qu’ils se nourrissent mieux.
Le théâtre est implanté dans un nouveau quartier de Clermont-Ferrand près de la maison de la culture, des futurs médiathèque et FRAC, de l’école d’art et des facultés. Allez-vous développer les liens avec ces lieux ?
Bien sûr. Nous allons notamment développer des projets avec le FRAC. Le partenaire le plus immédiat pour moi est le Festival international du court métrage qui a une histoire extraordinaire et une équipe remarquable. Ils sont assez contraints dans leurs espaces actuels et nous les inviterons régulièrement, d’abord pour le temps du festival (du 29/01 au 06/02/2021, NDLR), mais aussi pour qu’ils puissent développer des choses chez nous en dehors du temps du festival. Nous travaillerons aussi en lien avec le Centre du costume de scène de Moulins (Allier) qui ouvrira en 2021 un nouvel espace dédié à la scénographie.
La saison 2020-2021 de la Comédie de Clermont en chiffres
1/1
40 spectacles
170 représentations
5 créations :
Société en chantier de Stefan Kaegi (Rimini Protokoll)
Le Lac des cygnes d’Angelin Preljocaj
La Comparution de Guillaume Cayet et Aurélia Lüscher
deux créations du groupe Lifting (constitué de femmes seniors amateurs travaillant avec des chorégraphes professionnels à la création de pièces)
1 première en France :
L’Odyssée. Une Histoire pour Hollywood, d’après Homère et Hanna Krall, mise en scène par Krzysztof Warlikowski.
Jean-Marc Grangier, propos recueillis par NewsTank
Après une saison 2019-2020 interrompue par la pandémie, mais compensée par sa chaîne de programmes “La Comédie continue” pendant le confinement, la Comédie-Française vient de dévoiler la première partie de sa saison et de ses premières créations.
« Nous sommes près de vous recevoir et il nous tarde tant. La Salle Richelieu étant fermée pour travaux jusqu’au 15 janvier prochain, nous vous donnons rendez-vous au Théâtre Marigny, au Studio Marigny et toujours au Théâtre du Vieux-Colombier et au Studio-Théâtre.
Nous avons choisi d’annoncer nos spectacles jusqu’à début janvier seulement, de les mettre en vente mois par mois, car consentir à l’incertitude de notre temps me semble être la meilleure manière d’éviter les faux départs épuisants et de préserver ainsi la fidélité qui nous lie.
Voici donc nos premiers rendez-vous de la saison : dans la grande salle du Théâtre Marigny, nous commencerons par Le Côté de Guermantes, adaptation par Christophe Honoré du troisième volet de l’œuvre monumentale de Marcel Proust, puis la reprise du Malade imaginaire de Molière, dont les obsessions résonnent étrangement à nos oreilles. J’ai confié ensuite à Marina Hands et Serge Bagdassarian le soin de proposer pour les fêtes un grand cabaret intitulé Mais quelle Comédie !, réunissant les chanteurs-musiciens-danseurs-comédiens de la Troupe pour égayer notre époque qui en a tant besoin.
Au Studio Marigny, Guillaume Gallienne interprétera, seul en scène, François, le saint jongleur de Dario Fo avant que je ne recrée Bajazet de Racine. Enfin Les Serge reprendront leur magnifique spectacle sur Gainsbourg.
Au Théâtre du Vieux-Colombier, Hors la loi, la pièce de Pauline Bureau relatant le procès de Bobigny et le combat des femmes pour la légalisation de l’avortement, ouvrira la saison avant que Léna Bréban s’empare de Sans famille d’Hector Malot.
Enfin au Studio-Théâtre, trois seuls-en-scène se succèderont : la reprise du Singulis de Nicolas Lormeau sur Les Forçats de la route d’Albert Londres, la création de La Messe là-bas de Claudel par Didier Sandre, puis celle de Christian Gonon à partir des écrits de Jack Ralite compilés par Karelle Ménine, La Pensée, la Poésie et le Politique. Enfin pour les fêtes, dans le créneau dévolu aux enfants, Rose Martine présentera son adaptation d’Hansel et Gretel des frères Grimm.
Pathé Live diffusera en direct Le Malade imaginaire dans près de 200 cinémas alors que Hors la loi, 20 000 lieues sous les mers et nos seuls-en-scène tourneront en France, dans ses zones aux couleurs changeantes, et à l’étranger aux frontières encore intermittentes.
Je résiste à vous annoncer les surprises du printemps mais il sera beau, et, sait-on jamais, peut-être démasqué. »
Éric Ruf
Les nouvelles productions
LE CÔTÉ DE GUERMANTES d’après Marcel Proust Adaptation et mise en scène Christophe Honoré Nouvelle production 30 sept > 15 nov Théâtre Marigny
MAIS QUELLE COMÉDIE ! Conception et mise en scène Serge Bagdassarian et Marina Hands Nouvelle production 4 déc > 3 janv Théâtre Marigny
BAJAZET Jean Racine Mise en scène Éric Ruf Nouvelle production 17 oct > 15 nov Studio Marigny
SANS FAMILLE d’après Hector Mallot Adaptation Léna Bréban et Alexandre Zambeaux Mise en scène Léna Bréban Nouvelle production 25 nov > 10 janv Vieux-Colombier
LA MESSE LÀ-BAS Paul Claudel Conception et interprétation Didier Sandre Nouvelle production 30 sept > 11 oct Studio-Théâtre
LA PENSÉE, LA POÉSIE ET LE POLITIQUE DIALOGUE AVEC JACK RALITE Karelle Ménine et Jack Ralite Conception et interprétation Christian Gonon Nouvelle production 14 > 25 oct Studio-Théâtre
HANSEL ET GRETEL d’après les frères Grimm Adaptation libre et mise en scène Rose Martine Nouvelle production 19 nov > 10 janv Studio-Théâtre
Se dotant d’un fonds spécial, la mairie de Paris entend œuvrer activement à la pérennisation de lieux culturels menacés par la pression du foncier.
Ce n’était pas arrivé depuis 2003 et le sauvetage de la mythique salle du Louxor à Barbès (Paris XVIIIe). A peine réélue, l’équipe d’Anne Hidalgo (PS) a préempté le Lavoir moderne parisien (LMP), théâtre mettant en avant la jeune création, et négocie actuellement le rachat de la Flèche d’or, salle fermée depuis 2016. S’opère un réel changement de paradigme à l’égard des lieux culturels parisiens menacés par la pression du foncier, qui arrive à point nommé. Nombre d’acteurs malmenés par la crise sanitaire pourraient en effet mettre la clef sous la porte.
En lutte pour sa survie depuis plus de dix ans, le Lavoir moderne parisien «peut enfin respirer». Décrit par Zola dans l’Assommoir, cet ancien lavoir devenu théâtre en 1986 a essuyé de nombreuses crises : coupe de subventions, grève de la faim du fondateur, Hervé Breuil, incendie des locaux des Femen installées à l’étage, liquidation judiciaire… En 2012, la salle de quartier et l’immeuble mitoyen sont rachetés par une holding luxembourgeoise administrée par Pierre Bastid, un homme d’affaires français richissime, n’ayant que faire du spectacle vivant. Les deux parties s’enlisent dans des procédures judiciaires interminables. Selon le Monde,«pour rentabiliser son achat, le propriétaire envisageait de surélever les deux bâtiments, tout en gardant l’activité théâtrale.» Début 2020, la société jette l’éponge, revendant le bâtiment. La municipalité préempte le bien pour une somme de 2 millions d’euros, se prévalant d’une mission d’intérêt général : la création de logements sociaux dans l’immeuble voisin. Un rachat qui a un goût de victoire pour Julien Favart, directeur du LMP : «Il va falloir désormais inventer avec les services de la mairie un modèle semi-privé. Nous ne serons pas un théâtre municipal mais nous travaillerons ensemble sur un projet culturel ambitieux.»
Négociations
Elle était une scène underground avant de se vouloir, les années précédant sa fermeture, moins aventureuse. La Flèche d’or, ancienne gare de la petite ceinture reconvertie dans les années 90 en salle de concerts, a comme le LMP échappé à plusieurs projets de transformation : pub irlandais O’Sullivans, restaurant, commerce de bouche… En 2018, la salle parisienne du XXe arrondissement est acquise par Keys Asset Management. La société d’investissement travaille main dans la main avec Mama Shelter, chaîne d’hôtels à succès qui espère concilier luxe et low-cost dans une ambiance «cool et branchée avec graffitis sur les murs».
Alors qu’en novembre 2019, le propriétaire ouvre ses portes pour «un brainstorming participatif», la Flèche d’or est envahie par une foule de militants. Gilets jaunes, écologistes, défenseurs du droit au logement, des sans-papiers ou des LGBTQI occupent le bâtiment et y décrètent la fondation d’une «Maison des peuples» avant d’êtreexpulsés le lendemain par les forces de l’ordre. Le conseil municipal émet alors un vœu pour défendre l’ancienne gare comme «symbole de l’histoire populaire» du quartier. Avec le propriétaire, des représentants de la mairie du XXe et des habitants, la ville lance rapidement un appel à projet pour une occupation temporaire.
Confinement oblige, les lieux n’ouvriront que fin août sous l’impulsion de plusieurs collectifs (Gare XP, Collectif Mu, Curry Vavart, etc.) qui espèrent y créer, au moins pour un temps limité, un espace de débats, un lieu de création artistique ou encore un bar associatif «grâce à une gouvernance collective et participative» faisant «une place spécifique aux groupes minorisés et aux thématiques sociales actuelles». Conséquence heureuse de la crise sanitaire : Keys Asset Management est prêt à vendre son bien à la ville, assure Frédéric Hocquard, adjoint en charge du tourisme et de la vie nocturne. Des négociations sont en cours. On parle également d’un éventuel achat du Bataclan par la municipalité, mais ni la mairie ni le groupe Lagardère, propriétaire de la salle de spectacles, n’ont voulu le confirmer.
Volontarisme
C’est grâce à son nouveau «fonds de protection des lieux culturels» que la municipalité a pu se lancer dans ces différents chantiers. Mais, elle le rappelle, elle ne souhaite pas se substituer au secteur privé, réfléchissant à des dispositifs plus souples et moins engageants que le rachat ou la préemption. Dans l’accord conclu entre les deux tours, socialistes et écologistes prévoient à cet effet une ligne d’investissement de 50 millions d’euros sur toute la mandature. Mais déjà, Carine Rolland, adjointe à la culture, insiste : «Ce n’est pas 50 millions mais 10 millions d’euros déblocables. Pour l’instant, c’est un amendement sur le budget primitif de 2020.» Quoi qu’il en soit, il est encore trop tôt pour savoir si d’autres municipalités, notamment gouvernées par la gauche, pourront se targuer d’un tel volontarisme. Des initiatives fleurissent néanmoins ici et là : à Lyon, par exemple, le budget destiné à la culture promet d’être rééquilibré en direction des plus petites compagnies ou des résidences d’artistes.
220 millions pour le secteur privé, 200 au secteur subventionné et 12 autres pour l’emploi et les artistes-auteurs du spectacle vivant. C’est ce qu’a annoncé le Premier ministre jeudi 27 août. Par ailleurs, le gouvernement prévoit la création à l’automne d’une enveloppe de 100 millions pour compenser les pertes des salles à jauge réduite.
Mercredi 26 août, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé que 2 milliards d’euros seraient consacrés dans le plan de relance du gouvernement au secteur de la culture, dont 430 millions dédiés au seul spectacle vivant qui vit une crise sans égal depuis le début de la pandémie. Hier jeudi, il s’est rendu au ministère de la Culture pour y rencontrer ses représentants (du privé et du public, entreprises et salariés) et leur préciser la répartition de cette aide gouvernementale. Dans le détail, 220 millions iront au secteur privé, 200 millions au secteur subventionné et 12 millions pour l’emploi et les artistes-auteurs du spectacle vivant. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé que 30 millions seraient affectés à de la commande artistique. Un effort « massif », « à la hauteur des difficultés » et de « l’importance économique et sociale du secteur », a-t-il souligné, répondant ainsi à l’exaspération croissante des professionnels, notamment ceux des musiques actuelles.
Au-delà de ces 432 millions, des dispositifs existants sont momentanément pérennisés. Le chômage partiel est ainsi prolongé jusqu’au 31 décembre 2020, le crédit d’impôt pour le spectacle vivant et le crédit d’impôt phonographique le sont eux jusqu’au 31 décembre 2024.
L’intervention de Jean Castex visait aussi à préciser l’autre mesure forte prévue par le gouvernement : une enveloppe de 100 millions sur les quatre prochains mois, destinée à alimenter un mécanisme de compensation des jauges réduites. Réservé au secteur privé, il concerne les salles de spectacle mais aussi de cinéma. Le gouvernement espère ainsi inciter les exploitants à rouvrir, même avec la distanciation physique d’un siège sur deux. L’entourage du Premier ministre précise qu’il s’agit bien de « compenser l’exploitation et non le chiffre d’affaire ». « L’État a déjà donné 5 milliards pour compenser l’arrêt d’activité et les pertes depuis début de la crise, l’enveloppe vient s’y ajouter mais ne concerne pas les même pertes. »
Critères, planchers, plafonds
Cette annonce avait fait bondir certains professionnels du concert, qui redoutaient un chantage à la réouverture, même dans les pires conditions. De source gouvernementale, on assure qu’il n’en est rien et que le dispositif n’est pas d’obligatoire. Aux exploitants de faire un choix entre recevoir la compensation ou rester fermé. Quant aux salles de concert debout et aux grandes jauges (interdites à ce jour), elles ne sont évidemment pas concernées par cette mesure et pourront rester fermées. L’autre inquiétude des professionnels concernait la possible complexité de mise en œuvre de cette mesure. Là aussi, le gouvernement s’est voulu rassurant : « Elle sera rapide, rétroactive au 1er septembre, et réalisée en étroite collaboration avec eux pour s’adapter au mieux aux conditions réelles. Nous allons en définir les critères, les planchers, les plafonds, afin d’éviter les effets d’aubaine ou les oublis majeurs », promet-on du côté du Premier ministre.
Convié à la réunion avec le Premier ministre, le Syndicat des musiques actuelles a salué « des annonces encourageantes ». Une réaction partagée par le Syndeac et son président Nicolas Dubourg qui y voit un « véritable effort » et la marque, espère-t-il, d’une « nouvelle conception de l’action publique en matière de culture », au-delà même des moyens alloués.
Ce vendredi 28 août à 19 heures, le Premier ministre annoncera le plan de relance consacré au cinéma, lors de sa visite au festival de cinéma d’Angoulême. Nous y reviendrons dès que possible.
La répartition des 432 millions du plan de relance du spectacle vivant
200 M€ pour le secteur subventionné - 120 M€ pour les opérateurs publics nationaux tels que l’Opéra de Paris, la Comédie-Française… - 30 M€ pour les institutions de spectacle vivant en régions (théâtre, danse, arts de la rue et cirque) - 30 M€ pour les ensembles, orchestres et festivals - 20 M€ pour encourager la transition écologique des institutions de création en régions
220 M€ pour le secteur privé - 200 M€ de crédits pour la filière musicale dans son ensemble (auteurs, diffuseurs, producteurs…). Le Centre national de la musique en assurera la distribution à travers ses dispositifs
- 10 M€ pour consolider le Centre national de la musique, lancé en janvier 2020
- 10 M€ pour alimenter le fonds d’urgence d’aide aux théâtres privés et aux compagnies non conventionnées, géré par l’ASTP
12 M€ pour le soutien direct à la création et à l’emploi
- 7 M€ dans le spectacle vivant - 5 M€ pour l’emploi pérenne via le Fonpeps
30 M€ pour un programme de commande artistique ll concerne toutes les disciplines du spectacle vivant.
"Je vous parle des frémissements intimes qu’apportent de petits plaisirs, des interrogations et même des déconvenues si on leur laisse le loisir d’exister."
Françoise Héritier
C’est une terrasse à Montmartre, intime, un recoin bachelardien,
sublimé par la vue imprenable sur Paris qui remplacera les «vraies» planches pour l’occasion. En ce début de déconfinement c’est plus qu’un privilège d’être là, cela relève d’un mystère. On est dans l’intimité réelle, et pourtant - nous sommes le vrai public à regarder la toute première présentation du Sel de la vie , une pièce de théâtre tirée du livre de Françoise Héritier avec le même titre, rêvée et jouée par Florence Payros.
En scrutant le ciel, étant rassuré que la Tour Eiffel était toujours là, le sentiment d’être à Paris me revenait au compte-gouttes comme
confirmation qu’une absence, un vide, sont désormais (et pour combien de temps?) derrière nous…
Et la pièce commença…
Françoise Héritier est une anthropologue, ayant suvi des études
d’ethnologie après avoir écouté Claude-Lévy Strauss. Elle a succédé à ce grand homme au Collège de France. Vers la fin de sa vie, elle a écrit des livres «hors champs» et «hors murs», avec un sentiment que le «souvenir n'est plus mais la mémoire sensuelle du corps parle toujours». Suite à une carte postale d’un ami, et en guise de réponse, elle avait commencé à énumérer les beautés, les instants magiques et uniques dans nos vies de tous les jours. Et on plonge dans nos souvenirs, ces petits riens, des
enchantements sans noms, touché au plus profond de notre âme, que l’ on oublie, tacitement et facilement, ces moments de grâce, conséquence du simple fait d’exister.
Florence Payros, et on s’en aperçoit immédiatement, n’est pas ici une interprète classique qui nous transporte vers un autre monde, elle est plus que la voix, que le corps nécessaire pour nous transmettre un message, un code, elle est notre invocatrice, elle illumine le relais d’une confidence, car tout est en interaction, on participe à la pièce - sans bouger, sans dire un mot, car ça nous parle, ça parle de nous. Et l’Autre réapparaît !
On y découvre, lentement, que cette invitation, cette invocation était justement pour s’ouvrir et «sentir la densité d'un silence attentif». Et la présence , naturellement.
Tout nous revient… tout, ou presque. Emmenés dans la douceur et la rêverie verbale, avec des mouvements qui nous chuchotent à leur tour, Florence Payros démontre la passion des mots qui dansent comme dans une mélancolie heureuse. On est ailleurs, mais cette même douceur nous tient par la main et nous retient car il y a encore des choses à évoquer, à entendre. Encore et encore…
Cependant, il y a un vrai “danger” avec ces livres, avec les récits
d’une beauté pareille et d’une profondeur semblable. Très souvent, il ne se passe rien vraiment de théâtral, il n’y pas un drame, un crime en préparation, même l’ombre d’une surprise… Vite, on sait que ce ne sont que des émotions pures qui sont en cause, et on est vulnérable, touché, sans les cris et les gestes graves. Sans lourdeur sur scène.
Certains d’entre nous allons avoir des larmes dans les yeux, c’est ça le théâtre participatif de post-confinement, où, pour que ça dure, et que tout garde un sens subtile d’une rencontre confidentielle, les phrases sont incarnées, délicatement, car la comédienne a su trouver la tonalité, le seuil de la tendresse pour nous confier la confidence… en digne “héritière” d’un texte qui nous donne l’impression forte d’être écrit pour elle.
C’est un feu d’artifice de mots doux qui se terminent en apothéose,
bien qu’il n'y ait pas de catharsis, mais seulement (seulement ?) des larmes… Des larmes de joie, de ces instants de la vie éveillée mais aussi de ce rituel, de leur invocation littéraire et si théâtrale, malgré tout !!! Avec un sentiment que quelque chose étrangement intime et fin nous habite comme Héritier l’avait décrit dans un autre livre: Caresser l'idée que, peut-être,
sait-on jamais? - tout compte fait, à tout prendre, pourquoi pas? - à tout hasard, éventuellement, ce sentiment qui vous emplit de joie pourrait bien être ce qu'on appelle l'amour.
LE SEL DE LA VIE de Françoise Héritier. Un seule en scène avec la comédienne Florence Payros sous le regard de Marie Potonet.
Ecrit par la grande anthropologue Françoise Hériter qui succéda à Claude Levi-Strauss au Collège de France, Le Sel de la vie est une énumération de toutes les petites choses quotidiennes qui embellissent la vie. Sous une forme légère et poétique, il nous ramène à l’'essentiel, il est une invitation "très sérieuse" à savourer chaque instant. « Prendre un café au soleil », « suivre le vol d’une seule hirondelle au milieu des autres » ou bien « haïr le ton cassant », « l'absence de considération pour les autres », font partie de ce florilège pétillant relevant d'une certaine éthique : celle de la résistance à l'indifférence.
En nos temps semi-confinés, les mots de Françoise Héritier nous convient à nous arrêter sur tous les petits riens, en réalité essentiels.
LE SEL DE LA VIE de Françoise Héritier. Un seule en scène avec la comédienne Florence Payros sous le regard de Marie Potonet.
Le metteur en scène monte trois tragédies pour le grand rendez-vous culturel de la rentrée en Ile-de-France.
La météo n’aura pas la peau du théâtre. Il est 6 h 30, samedi 5 septembre. Il pleut doucement. On a rendez-vous avec Ajax, Antigone et Héraclès. La Cartoucherie de Vincennes sort de la nuit. Déjà installée en demi-cercle sur la « prairie », une centaine de spectateurs masqués est là. Qui assis sur une couverture, une chaise, qui emmitouflé dans sa doudoune ou son imper. Des silhouettes s’agitent dans l’aire de jeu cernée au sol par un épais trait de craie rouge.
C’est parti vite et ça n’arrêtera pas pendant près de cinq heures.« Ajax » est la première des trois tragédies qui ouvrent le Festival d’automne
Pas le temps de prendre ses marques, une voix masculine fend l’air. Ajax, le héros de Sophocle, vient d’égorger un troupeau de bêtes en croyant qu’il s’agissait des amis d’Ulysse. Rejoint par une cohorte de comparses, il nous emporte torse nu dans le vent mauvais de son destin et de son suicide pendant que l’on se replie sous un parapluie ou à l’abri des arbres.
C’est parti vite et ça n’arrêtera pas pendant près de cinq heures. Ajax est la première des trois tragédies qui ouvrent le Festival d’automne, en partenariat avec l’Atelier de Paris. Viendront Antigone et Les Trachiniennes, autour d’Héraclès, également centrées sur le thème de la mort.
Dans la mise en scène très physique de Gwenaël Morin, dont on connaît aussi la voracité marathonienne, cette triplette intitulée Uneo uplusi eurstragé dies lance deux jours de spectacles, films et concerts entièrement gratuits, distribués entre la Cartoucherie de Vincennes et l’Espace Cardin, à Paris (8e).
Elle donne le pouls de ce rendez-vous inhabituel imaginé par Emmanuel Demarcy-Mota, directeur de la manifestation. Sur le modèle de la réouverture, lundi 22 juin, de l’Espace Cardin - Théâtre de la Ville, qu’il pilote également, il a imaginé ce week-end inédit en complicité avec les directrices artistiques du Festival d’automne, Marie Collin et Joséphine Markovits. Un débat d’idées sur le thème de la pandémie et de la transformation des relations sociales complète le programme.
Le choix de Gwenaël Morin est parfait. Son théâtre est direct, pulsant, net. Gros morceau sans doute que ces trois tragédies de Sophocle, qui passe comme une lettre à la poste. Mais pourquoi ce démarrage à l’aube ? « Le fait de se lever pour aller au théâtre, le fait de traverser la nuit pour attendre que ça commence, puis que le soleil se lève à l’intérieur du spectacle, cela crée un renversement », explique le metteur en scène dans le dossier de présentation.
La fougue et l’ardeur des comédiens soutenus par l’intensité nerveuse de Morin qui veille sur eux au premier rang ne nous lâchent pas
Depuis les années 2000, Morin bouscule. Il est l’homme du Théâtre permanent, dont la compagnie, pendant un an, en 2009, aux Laboratoires d’Aubervilliers, a joué régulièrement et gratuitement Lorenzaccio,Hamlet ou Bérénice. Il a aussi mis en scène, entre autres, quatre pièces de Molière en 2016 et quatre Fassbinder, avec lesquelles il avait déjà ouvert le Festival d’automne, en 2013. Autant dire qu’il ne fait qu’une bouchée d’Ajax, d’Antigone et d’Héraclès, fouettés par une troupe de jeunes acteurs âgés de 25 à 30 ans.
Son parti pris d’un art volontairement pauvre, fabriqué avec les moyens du bord et les vêtements du jour – ici, beaucoup de sweat-shirts –, colle au plein air. Un seul panneau en carton de plus en plus gondolé sous la pluie sert de décor tout en dissimulant les coulisses minuscules. On peut observer parfois en même temps l’action et ses préparatifs avec changements de costumes et d’accessoires. Cela ne découd pas la fiction théâtrale tragique qui se déroule de toute urgence devant nos yeux. La fougue et l’ardeur des comédiens soutenus par l’intensité nerveuse de Morin qui veille sur eux allongé dans l’herbe au premier rang ne nous lâchent pas. Leur projection dans Sophocle est éloquente, sincère.
Le texte sonne fort et précis dans la traduction d’Irène Bonnaud qui rend Sophocle presque familier, et c’est un bonheur. Il tape là où il faut : au cœur et au ventre. La fraîcheur de l’air de plus en plus humide au fil du temps n’entame pas la ferveur silencieuse du public qui se requinque à chaque entracte d’un café-croissant, puis d’un verre de vin-charcuterie. Il est 11 heures lorsqu’on émerge de ce champ de massacre, les pieds gelés mais le cerveau en ébullition.
Le tourbillon vocal de « Blablabla »
Bascule urbaine l’après-midi à l’Espace Cardin, où le texte et la voix sont aussi au rendez-vous. Après une parenthèse filmique cocasse avec la série Rituels, coréalisée par Emilie Rousset et Louise Hémon, plus mouvementée avec le chorégraphe Boris Charmatz dans Les Disparates, réalisé par César Vayssié en 2000, on se retrouve happé par le tourbillon vocal de Blablabla, mis en scène par Emmanuelle Lafon.
Dans un petit studio dont les gradins sont rythmés par des bandes de tissu pour marquer l’espace à laisser vide entre les spectateurs, la comédienne et chanteuse Anna Carlier mène tambour battant ce show étonnant, composé d’une centaine d’inserts textuels. De la speakerine TGV à Buzz l’Eclair en passant par Catwoman, elle imite les voix, les accents et endosse tous les personnages au quart de seconde.
Ce mixage de la bande-son de la vie file le tournis. On reprend sa respiration dans le jardin où, assis sur un banc, le musicien Haig Sarikouyoumdjian fait délicatement vibrer son duduk, hautbois arménien. Souffle profond, aspiration vers le ciel presque dégagé. Le soleil se couche. D’un arbre à l’autre, la boucle de cette journée délicieusement spéciale est bouclée.
Quels sont les spectacles à voir cette semaine au théâtre ? Voici le résumé de ma semaine théâtrale !
Cette semaine le monde du spectacle a perdu une show woman de talent qui a incarnée à l'écran Dolly levi dans Hello Dolly au Théâtre Mogador après Carole Channing à Broadway ou Barbra Streisand au cinéma dans le film de Gene Kelly, il s'agit évidemment d'Annie Cordy qui nous a quitté à l'âge de 92 ans ! Goodbye Dolly !
Ce week-end c'était l'ouverture du festival d'automne à Paris. Après avoir été privé de Festival d'Avignon j'étais ravi de retrouver l'ambiance d'un festival et ça a commencé très tôt à la cartoucherie à l'atelier Carolyn Carlson à côté du théâtre de l'aquarium, dans le parc, pour découvrir le dernier spectacle de Gwenael Morin avec les talents Adami. On y a même retrouvé la géniale Luce de la Nouvelle Star dont on retiendra la reprise de Gigi l'amoroso de Dadila.
GWENAËL MORIN Uneo uplusi eurstragé dies Le metteur en scène Gwenaël Morin creuse un sillon original depuis des années : temps de répétition court, absence de décors et de costumes, répartition des rôles tirée au sort. C’est avec ce dispositif et la promotion « Talents Adami Théâtre » de 2019 qu’il s’était confronté à l’œuvre de Sophocle dans Uneo uplusi eurstragé dies, spectacle renouvelé pour le Festival d’Automne 2020. Cette fois-ci en plein air, ses comédiens affrontent les dieux sous les rayons d’un soleil matinal. Avec trois tragédies (Ajax, Antigone, Les Trachiniennes), Gwenaël Morin met en scène la mort de grandes figures tragiques à travers son propre système de jeu. Il parvient à créer une forme théâtrale contemporaine et les conditions de représentation pour voir l’œuvre de Sophocle aujourd’hui.
Conception et mise en scène, Gwenaël Morin // Avec la promotion 2019 des « Talents Adami Théâtre » : Teddy Bogaert, Lucie Brunet, Arthur Daniel, Marion Déjardin, Daphné Dumons, Lola Felouzis, Nicolas Le Bricquir, Diego Mestanza, Sophia Negri, Remi Taffanel // Collaboration artistique, Barbara Jung Coproduction Festival d’Automne à Paris ; Théâtre Garonne – scène européenne (Toulouse) // Coréalisation Atelier de Paris / CDNC ; Festival d’Automne à Paris // Avec l’aide à la reprise de l’Adami // Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès
Ensuite il était l'heure d'aller à l'espace Cardin pour découvrir un des portraits du Festival d'Automne, Encyclopédie de la parole !
ENCYCLOPÉDIE DE LA PAROLE / EMMANUELLE LAFON blablabla Une centaine de paroles, d’origines les plus diverses, sont prononcées par la même bouche. Tissées ensemble, elles offrent tout un théâtre à l’imaginaire des spectateurs, petits et grands. Le chef de train nous accueille à bord du TGV nº1456, un robot décline son identité, un commentateur sportif égrène les noms de joueurs, une youtubeuse ouvre une dispute, la voix du photomaton délivre ses instructions, un rappeur rappe… Qu’entend-on du sens des mots quand, extraits de leurs contextes, on s’en empare comme d’une matière sonore ? Sonorisées grâce à un dispositif développé par l’Ircam, les comédiennes et musiciennes Armelle Dousset ou Anna Carlier jouent avec la collection de l’Encyclopédie de la parole et font surgir une flopée de personnages et de situations, des plus quotidiens aux plus féériques. Conception, Encyclopédie de la parole // Composition, Joris Lacoste // Mise en scène, Emmanuelle Lafon // Avec Armelle Dousset et Anna Carlier (en alternance) // Création sonore, Vladimir Kudryavtsev // Lumières, Daniel Levy // Coordination de la collecte des documents sonores, Valérie Louys // Collaboration informatique musicale Ircam, Augustin Muller Production Échelle 1 :1 en partenariat avec Ligne Directe // Coproduction La Villette (Paris) ; Le Volcan, scène nationale du Havre ; Théâtre de Lorient-centre dramatique national ; La Bâtie – Festival de Genève ; Théâtre L’Aire Libre ; Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ; T2G –Théâtre de Gennevilliers ; Festival d’Automne à Paris // Coréalisation Théâtre de la Ville – Espace Cardin ; Festival d’Automne à Paris
Une série que les habitués du festival d'automne connaissent bien et que je découvre avec plaisir. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Abonne-toi → https://goo.gl/fjM587 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Avec son nouveau roman, la jeune autrice multiprimée s’interroge sur l’engagement en politique et la nécessité d’écrire.
Marchant sur la plage, la marinière fière, Alice Zeniter laisse échapper un doute. L’espace d’un instant, un petit, mais quand même. Ecrire ? Franchement ? Elle est venue nous chercher à la gare, avec son utilitaire. On est passé un instant chez elle, une petite maison dans les terres, à dix minutes de la mer, il y avait aux toilettes le Monde diplo et la BD d’Inès Léraud sur les algues vertes. On n’écrit pas où c’est exactement, c’est voulu. Elle a des admirateurs parfois trop envahisseurs. L’autrice préfère rester discrète. Disons que c’est en Bretagne, dans les Côtes-d’Armor, le vent souffle et il ne fait pas très chaud.
A un âge, 34 ans ce lundi, où la plupart des auteurs sont heureux de publier leur premier roman, Alice Zeniter hésite.
L’accouchement de son dernier ouvrage, Comme un empire dans un empire, a été difficile. «Pendant plusieurs semaines, j’ai pensé arrêter après celui-là. Je me disais que ça serait bien de retrouver un rôle de passeur. Peut-être que je pourrais transmettre les textes des autres plutôt que de m’échiner à faire quelque chose qui me déçoit toujours un peu», raconte celle qui a été prof, notamment à Budapest. Sentir qu’elle ne deviendra pas James Joyce, et renoncer ? Alice Zeniter, qui est aussi metteuse en scène, a publié très jeune, à 16 ans, en 2003. Elle a connu ensuite le succès avec Sombre Dimanche, en 2013, prix du Livre Inter. En 2017, elle obtient le Goncourt des lycéens pour l’Art de perdre, récit fouillé de ses origines algériennes, autour de l’histoire de son grand-père paternel, un harki. Les ventes, énormes, près de 600 000 exemplaires, la mettent presque à l’abri du besoin, elle qu’on ne verra jamais tout claquer en jéroboams à Saint-Tropez. Ses ouvrages sont salués. Son style, «en ligne claire» comme dit joliment son ami écrivain Vincent Message, est accessible pour le plus grand nombre, intelligent sans être pédant. Elle y attache une grande importance, glissant çà et là des alexandrins discrets, «blancs», pour son plaisir. «C’est quelqu’un qui écrit pour les lecteurs tout en vouant un culte à la littérature», dit la journaliste Victoire Tuaillon, camarade de soirées baudelairiennes. «On s’assoit à une table avec du bon vin, on parle de livres, d’amour, de politique et de féminisme, et, à la fin, on est très ivres.» Alice Zeniter est bien partie pour être l’une des grandes écrivaines de sa génération, de celles qu’on étudie dans les livres scolaires, plutôt que de celles que l’on brandit dans les concerts punks.
Depuis le succès de l’Art de perdre, elle n’a pas arrêté de produire : pièce et adaptation de théâtre (notamment pour sa troupe), récit jeunesse, etc. Mais Comme un empire dans un empire signe son retour au roman fictionnel pour adultes, catégorie reine du petit monde des lettres. L’opus sur l’engagement politique narre la rencontre entre un jeune attaché parlementaire PS et une hackeuse éprise de liberté et des Anonymous. Celle qui a écrit sur le mariage blanc ou la Hongrie, en passant par le polar écossais, aborde une nouvelle thématique. En bonne élève, même si elle n’aime pas qu’on la voie ainsi, Alice Zeniter s’est abondamment documentée, pour comprendre l’art du piratage informatique. Elle a visité l’Assemblée nationale avec les équipes de François Ruffin, pour qui elle voterait bien en 2022. «C’est une extraordinaire bosseuse, admire son éditrice chez Flammarion, Alix Penent. Et en même temps, une vraie romancière : elle est plus engagée dans la vraie vie que dans son livre mais elle sait que le roman c’est l’espace de la question, du doute, et non pas de la thèse.»
Retour à l’incertitude.«J’ai commencé à écrire sans aucun problème et au milieu, je me suis arrêtée en me disant : "Mais en fait personne ne me pardonnera jamais de faire autre chose que l’Art de perdre", raconte l’autrice. Si je m’éloignais de l’Algérie, de la fresque familiale, j’allais forcément décevoir et dépiter les gens. J’ai fait mon tube, j’ai fait Tomber la chemise et c’est fini.» La brune rit, d’un rire clair, sans amertume, ni peur. Pour se changer les idées, elle a travaillé sur un seule-en-scène, le jouera l’année prochaine, si le Covid le veut. Elle coprépare aussi un scénario de dessin animé.
Produire, toujours.
C’est sûr, avec Comme un empire…, dans cette aventure peuplée de semi-zadistes bretons et de gilets jaunes (sur qui elle pose un regard favorable), les couleurs et les odeurs de la Kabylie sont bien loin. Alice Zeniter n’a rien fait pour aider son lecteur, délaissant les grands complots, les rebondissements abracadabrantesques et les histoires d’amour : plutôt la politique comme on va acheter le pain, en espérant qu’entre chez soi et la boulangerie on sera enlevé par les services secrets, mais en fait non. Assumant cette «déception» potentielle, elle dit : «J’essaye de casser la figure du sauveur. C’est une manière délétère et apolitique de raconter une histoire, voire fasciste. Les super-héros dépolitisent la masse et la forcent à basculer dans le culte de l’homme providentiel. Tu ne seras jamais aussi fort que Superman, autant laisser Superman faire les choses.» Une hypothèse, en passant : si elle-même n’arrive pas à être satisfaite, pourquoi le lecteur devrait-il l’être ?
Son père travaillait à la CAF, sa mère était prof d’art manuel et de techno, ils sont à la retraite. Elle est née en banlieue parisienne, a grandi dans le pays d’Alençon, en Normandie, avec ses deux sœurs, l’une prof de français à Nanterre, l’autre dans le cinéma, à New York. Elle se souvient de sa honte de fille de la classe moyenne, arrivant face à tous ces Parisiens surinformés en prépa A /L à Lakanal, à Sceaux, où Augustin Trapenard lui faisait passer des colles d’anglais. Cela ne l’empêche pas de réussir ses études, entrant à l’ENS Ulm, option théâtre. Alice Zeniter savait ce qu’elle voulait : «J’avais envie de tout à la fois. D’être lue. De pouvoir écrire sans que ça soit du temps volé. De pouvoir continuer à lire énormément, que ça ne soit pas juste un loisir.» Elle cite son roman de chevet du moment, le Problème à trois corps de Liu Cixin, ses passions éclectiques, Apollinaire, Damasio, Franzen, etc.
Elle ne veut pas d’enfant : ça prend trop de temps. Après avoir écumé les résidences d’écriture, elle a acheté une maison dans cette campagne reculée, pour pouvoir avoir son espace à soi. Créer, tranquille. Ses amies saluent sa générosité, sa manière d’aider les autres sans trop en dire. Sauf lorsqu’elle rédige. Là, elle peut être grognonne. Elle préfère remonter les courroies de sa machine à laver plutôt que parler à quelqu’un et renvoie donc son mec à Paris, où il vit à moitié. Derrière nous, il passe la motobineuse dans le jardin. On demande ce qu’il fait, quand il ne tond pas : «En ce moment, on écrit un film ensemble.»«Et sinon ?» La réponse se perd dans les volutes de fumée de sa roulée. Elle aime les mystères. Elle ne le dit pas. Garder un coin privé, pour mieux raconter l’autre.
7 septembre 1986 Naissance à Clamart (Hauts-de-Seine). 2017L’Art de perdre. Août 2020Comme un empire dans un empire (Flammarion).
Eric Ruf, l’administrateur général de la maison, a présenté mercredi 2 septembre le programme de la saison 2020-2021.
Une saison doublement particulière s’annonce à la Comédie-Française. Comme tous les théâtres, elle doit composer avec les mesures sanitaires. Elle doit aussi s’acclimater à une nouvelle salle, le Théâtre Marigny, au bas des Champs-Elysées (Paris 8e), qui l’accueille jusqu’en janvier, le temps que soient menés à bien des travaux de rénovation, salle Richelieu, place Colette (Paris 1er) : changement du système de pilotage des cintres, réaménagement du hall d’entrée et de la boutique, qui ouvrira désormais sur ce hall.
Pendant cette période, la troupe jouera dans quatre salles : la grande et la petite du Théâtre Marigny, dirigé par Jean-Luc Choplin, le Théâtre du Vieux-Colombier (Paris 6e) et le Studio-Théâtre (Paris 1er). C’est donc une saison placée sous le signe de « la navigation à l’estime », pour reprendre une formule d’Eric Ruf, l’administrateur général de la maison, qui va commencer, le 30 septembre, avec Le Côté de Guermantes, adapté et mis en scène par Christophe Honoré, d’après le troisième tome (1920) d’A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust.
Alternance dite « légère »
Cette création très attendue sera présentée jusqu’au 15 novembre dans la grande salle de Marigny, où la Comédie-Française ne pratiquera pas une alternance classique, en changeant de programme tous les soirs, mais une alternance dite « légère », avec des « miniséries » de spectacles.
Proust partagera ainsi l’affiche à partir du 30 octobre avec Molière, dont la troupe reprend l’historique production du Malade imaginaire dans la mise en scène de Claude Stratz, jusqu’au 3 janvier 2021. A partir du 4 décembre, Molière partagera l’affiche avec Mais quelle Comédie !,une création de Marina Hands et Serge Bagdassarian, à qui Eric Ruf a demandé d’imaginer « un grand cabaret réunissant les chanteurs-musiciens-danseurs-comédiens de la troupe pour égayer notre époque qui en a tant besoin ».
La petite salle du Marigny accueillera Guillaume Gallienne, seul, et mis en scène par Claude Mathieu, dans François, le saint jongleur – une belle occasion d’entendre un texte de Dario Fo (du 29 septembre au 15 octobre). Puis Eric Ruf reviendra à Bajazet, en proposant une nouvelle mise en scène de la pièce de Racine (du 17 octobre au 15 novembre). Et, pour finir l’année, Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux reprendront (du 25 novembre au 3 janvier) Les Serge, le spectacle sur Serge Gainsbourg qui leur a valu un franc succès en 2019. Au Théâtre du Vieux-Colombier, Pauline Bureau ouvrira la saison en reprenant Hors la loi, un spectacle sur leprocès de Bobigny et la loi Veil(du 18 septembre au 25 octobre), avant que Léna Bréban ne propose sa version de Sans famille, d’après Hector Malot (du 25 novembre au 10 janvier).
Au Studio-Théâtre, on entendra des voix très diverses, à travers trois seuls-en-scène : Albert Londres avec Les Forçats de laroute, par Nicolas Lormeau (du 11 au 27 septembre), Paul Claudel avec La Messe là-bas, par Didier Sandre (du 30 septembre au 11 octobre), Jack Ralite avec La Pensée, la Poésie et le Politique, par Christian Gonon (du 14 au 25 octobre). Comme chaque année, un spectacle sera ensuite plus particulièrement dévolu aux enfants : Hansel et Gretel, des frères Grimm, dans une nouvelle mise en scène signée de Rose Martine (du 19 novembre au 10 janvier).
La suite de la saison sera annoncée plus tard par Eric Ruf, et, autre nouveauté, les billets seront mis en vente mois par mois. Avec les mesures de distanciation, les salles devraient être remplies à 50 % ou 60 % de leur jauge.
La Comédie-Française au Théâtre Marigny, carré Marigny, Paris 8e. Tél. : 01-44-58-15-15. Comedie-francaise.fr
Brigitte Salino
Légende photo : Répétitions du « Côté de Guermantes », d’après Marcel Proust, adaptation et mise en scène Christophe Honoré, avec (de gauche a droite) les comédiens de la troupe de la Comédie-Française Yoann Gasiorowski, Laurent Lafitte, Elsa Lepoivre, Florence Viala, Julie Sicard et Stéphane Varupenne, en février 2020, dans la salle Richelieu (Paris 1er). JEAN-LOUIS FERNANDEZ
Propos recueillis par Fabienne Darge dans Le Monde - 4 septembre 2020
Le directeur du Festival d’automne, qui se déroule du 5 septembre au 7 février, défend une édition solidaire à l’attention des artistes, des partenaires, des publics et des personnes qui ont été en première ligne pendant le confinement.
Après l’annulation des festivals de l’été, et ses multiples conséquences sur la création française et européenne, le Festival d’automne était très attendu. Il s’ouvrira le 5 septembre et se poursuivra jusqu’au 7 février, avec un programme ambitieux et éclectique, mêlant de grands noms de la scène européenne, comme Anne Teresa de Keersmaeker ou Christoph Marthaler, des stars françaises comme Bartabas ou Boris Charmatz, des découvertes d’importance, comme le Britannique Alexander Zeldin, et de jeunes artistes-chercheurs à l’univers singulier, à l’image de Gisèle Vienne,Marion Siéfertou Joris Lacoste. Sans oublier un passionnant focus Africa 2020. En l’état actuel de l’épidémie, les spectacles seront joués avec une jauge réduite à 50 %. Entretien avec le metteur en scène Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Festival d’automne, également à la tête du Théâtre de la Ville, à Paris.
A quel point la crise sanitaire a-t-elle impacté ce Festival d’automne 2020 ?
L’édition 2020 était quasiment bouclée en février, juste avant que le Covid-19 arrive. Elle comprenait 80 projets, dont plus de la moitié internationale. Tout au long des mois d’avril et mai, l’inquiétude et l’incertitude ont prévalu, car la crise sanitaire a eu pour nous différents impacts. Les créations en cours se sont arrêtées net, or nous sommes un festival de création. Que faire, si les compagnies ne pouvaient pas reprendre le travail à temps ? Quid, ensuite, des projets internationaux mis en danger par la fermeture des frontières ? Il y avait enfin la question de la relation avec les théâtres et les musées : nous sommes un festival sans lieu propre, nous travaillons avec une cinquantaine d’institutions différentes, avec lesquelles il a fallu discuter, alors que tout le monde était en état de sidération.
La situation vous a-t-elle amené à changer fondamentalement le festival ?
Oui et non. C’est plutôt que nous avons composé un autre kaléidoscope que celui qui était prévu. La première décision a été de reconstruire une édition à visée solidaire à l’attention des artistes, des partenaires, des publics et des personnes qui ont été en première ligne pendant le confinement. Beaucoup de projets internationaux ont été repoussés à 2021 ou 2022. Le report permet de continuer à soutenir des artistes qui ont un besoin vital de l’aide du festival, comme le Brésilien Bruno Beltrao ou la Marocaine Bouchra Ouizguen, par exemple. Certains projets ont été annulés, comme celui de la plasticienne Zoe Leonard, qui n’était pas réinventable.
Quelles formes prend cet engagement pour un festival solidaire ?
Il s’agit d’abord du maintien des engagements du festival envers les artistes, afin de soutenir la création contemporaine. 75 % des programmes ont été maintenus malgré la prévision de chutes de billetterie liées aux diminutions de jauges, et 20 % des spectacles programmés ont été reportés à l’automne 2021 ou 2022 plutôt qu’annulés. Cet engagement solidaire vise ensuite les publics jeune et défavorisé, avec une action forte menée pour leur permettre un accès à nos spectacles. Et nous ouvrons cette année un partenariat inédit avec l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et plus particulièrement l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. C’est un axe fort culture-santé que nous souhaitons initier, avec des ateliers, des rencontres, une académie amenée à se développer… Comment la culture fait-elle partie de la manière dont on prend soin de l’autre ? Voilà une question qui me semble intéressante.
Avez-vous eu un sentiment d’injustice face à la fermeture des théâtres, alors que la distanciation n’était plus respectée dans de nombreuses circonstances de la vie courante ?
Comme beaucoup d’autres, j’ai été troublé pendant cette période par le fait que l’autorité sanitaire semblait réfléchir à la place de tout le monde. La norme médicale a semblé tout dominer, en effet, sans que cela soit vraiment remis en question. Ma réaction face à cette situation, c’est plutôt de me dire qu’il faut travailler avec des médecins, entrer en dialogue et réfléchir ensemble. Aujourd’hui, on doit jouer devant des salles remplies seulement à moitié, mais les métros et les trains sont pleins : il y a là une forme d’incohérence qui crée de l’anxiété. Au-delà du virus, il me semble qu’il faut aussi envisager l’état mental général d’une société. Mais je pense aussi qu’on en arrive à ces incohérences parce que du côté du ministère de la culture, on est en manque d’une vision, d’une parole forte, d’un élan.
Pensez-vous que le public va se remettre à fréquenter les lieux de culture, et en aura-t-il les moyens, avec la crise économique qui s’ouvre en cette rentrée ?
L’ensemble du monde culturel va bien entendu être très attentif à cette question, mais en ce qui nous concerne, on est pour le moment à un niveau de réservations légèrement supérieur à celui de 2019. Il y a un désir important d’art, de théâtre, d’imaginaire.
La crise sanitaire a-t-elle amené les artistes à faire évoluer leurs projets, sur le plan des thèmes comme des formes ?
Les attitudes sont très diverses. Certains artistes se sont rendu compte que la création qu’ils avaient prévue n’avait à leurs yeux plus de sens – c’est d’ailleurs mon cas, je devais monter une pièce de Pirandello, projet que j’ai abandonné. D’autres se sont dit qu’ils allaient réinventer l’œuvre prévue par rapport au contexte, à l’image de la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker qui, avec Drumming Live, s’interroge sur l’espace et sur la position du spectateur, du point de vue aussi bien physique qu’éthique. D’autres encore n’ont rien changé. Certaines créations flirtent avec le sujet de la maladie et ses conséquences, mais sans l’aborder directement, ce qui ne serait pas forcément très intéressant, d’ailleurs. C’est plus diffus. Cette saison qui s’ouvre, c’est une saison Covid. Elle va forcément nous amener à repenser la question de l’altérité, de la vulnérabilité, de l’attention à l’autre, et à réfléchir à la question de la peur.
Cette crise, qui vient après d’autres qui se succèdent depuis le début des années 2000, doit-elle amener les institutions culturelles à se réinventer ?
Je pense que c’est indispensable, en effet. Le monde de l’art ne peut plus rester seul, il doit inventer de nouveaux liens, de nouvelles solidarités. On voit bien qu’on est en ce début de XXIe siècle dans une phase de transition extrêmement délicate, et la culture a un rôle fondamental à jouer, elle est au cœur des enjeux, de l’invention d’un nouvel humanisme face aux effets destructeurs du capitalisme mondialisé. Mais pour pouvoir jouer ce rôle, il est indispensable que les lieux de culture s’ouvrent beaucoup plus, à tous les sens du terme, y compris au sens le plus basique : pourquoi la plupart des théâtres sont-ils fermés pendant tout l’été et les vacances scolaires ? Si l’art est indispensable, il doit accompagner tous les moments de nos vies. Le virus, je le vois comme un accélérateur du meilleur comme du pire. Comme disait Camus : « Rien n’est donné ni promis,mais tout est possibleàqui accepted’entreprendre et de risquer. »
Avec l’événement Le Rond-Point dans le Jardin, Jean-Michel Ribes célèbre le retour à la vie théâtrale. De nombreux artistes viendront jouer, chanter, lire des textes, danser, et surtout « planter leurs mauvaises graines de la culture pour que repoussent les herbes folles de la joie, d’un rire qui résiste à tous les virus comme aux idées confinées. » Que la fête commence !
Quand avez-vous imaginé ce jardin extraordinaire ?
Jean-Michel Ribes : Dès le début du confinement ! J’ai eu le pressentiment que l’on pouvait faire quelque chose. Le théâtre étant entouré de jardins, je me suis dit qu’il fallait s’en servir. C’est en regardant l’arrière du théâtre, qui est très beau, avec ce portique qui en était autrefois l’entrée (du théâtre), que j’ai su où poser le tréteau, qui représente une sorte de retour aux sources. J’ai décidé que les spectacles se donneront de 18h30 à 19h30, heure où l’on joue d’habitude à l’intérieur en première partie de soirée. On démarre le 8 septembre à la douceur de l’été indien. En Souhaitant qu’il soit avant tout un été, où du moins qu’il en reste quelque chose.
Vous ne craignez pas que l’automne pointe son nez ?
Jean-Michel Ribes : Non, non ! J’ai téléphoné à la météo, à tout le monde, pour m’assurer que cela se passerait bien. Ils ont dit que tout irait bien. Ils ont intérêt à ? ce qu’il en soit ainsi, sinon je fais un procès !
Comment avez-vous conçu la programmation ?
Jean-Michel Ribes : J’ai appelé mes amis ! Ils ont répondu oui très vite. J’ai été très surpris, très heureux, très touché, par leur adhésion immédiate au projet. Non seulement, ils avaient envie de jouer, de faire des trucs, de retrouver l’échange avec un public, mais c’était aussi par solidarité avec le Rond-Point. Ce sont tous des artistes. Cela va de François Morel à Marie Payen, en passant par Daniel Pennac, Pierre Arditi, Mathieu Madenian, Christophe Alévêque… Cela m’a fait chaud au cœur. Ensuite, j’ai décidé aussi que ces spectacles seront gratuits. Je pense que l’on va pouvoir avoir 100 personnes assises. Comme cela sera sonorisé, les passants, les curieux, ceux qui resteront derrière les barrières, pourront entendre. Ce sera vraiment du spectacle, avec du théâtre, des lectures, des chanteurs, danseurs, magiciens. On garde l’aspect ludique, audacieux et surtout joyeux.
Et très éclectique, car il y en a pour tous les goûts, tous les âges. Le brassage des générations, c’est important pour l’avenir du théâtre ?
Jean-Michel Ribes : Oui, mais vous savez, le public du Rond-Point se compose, d’un peu plus de 35 % de jeunes, ce qui est beaucoup, près de 30 % de gens d’âge moyen, et puis le reste de gens plus âgés. C’est un poncif de le dire, mais la jeunesse est une chose qui souvent ne se perd pas avec l’âge. Curieusement, parfois, le jeune âge est plus vieux que l’âge avancé. « La tragédie quand on est vieux c’est d’être toujours jeune ». Beaucoup de gens le sont, cela se voit. Je me suis aperçu que souvent les spectacles les plus audacieux, les plus iconoclastes, qui sortent de la route, qui sautent dans le vide, ce sont des gens plus adultes, plus âgés qui sont fans de cela.
Vous disiez que les amis ont tous répondu présent, ce qui rappelle que le théâtre est aussi une famille ?
Jean-Michel Ribes : Oui, avec ce qui va avec la famille, les détestations, les haines, les jalousies… Mais ici, ce n’est pas tant une famille, c’est surtout l’amitié qui a joué. En échos à ceci, il y a aussi les spectateurs et j’ai été très touché par leur réaction. On a dû annuler tous nos spectacles de mars, avril, mai et juin, et bien, presque 75 % du public, n’a pas voulu se faire rembourser par solidarité avec nous. Et on n’avait rien demandé.
C’est pour cela que vous leur offrez cette fête de la rentrée ?
Jean-Michel Ribes : Je l’avais décidé avant de savoir qu’ils auraient cette belle attitude, mais c’est un peu ça. C’est une sorte de réponse à Macron qui nous a demandés, à nous les artistes, d’inventer. Ce qui était très gentil de sa part puisque ce n’est pas du tout ce que l’on fait depuis que l’on est né. Alors voilà, j’ai inventé ça.
Et pour la rentrée, le théâtre ouvre ses portes avec quels spectacles ?
Jean-Michel Ribes : Il y a pas mal de choses. On a trois spectacles, Noire de Tania de Montaigne, Mon dîner avec Winston d’Hervé Le Tellier de et La visite d’Anne Berest, qu’on reprend parce que cela a été décapité au bout de très peu de représentations. Ce sont plus des continuations que des reprises ! Puis il y aura une création, Exécuteur 14 d’Adel Hakim avec Swann Arlaud et mis en scène par Tatiana Vialle.
Jean-Michel Ribes : Très prochainement, si Dieu le veut, mais il semble le vouloir pour l’instant ! Elle tourne jusqu’à mi-janvier puis revient ici pour deux semaines. Et puis, il y a un projet qui m’est tombé dessus et me ravi. A la fin du confinement, beaucoup de gens, des journalistes et autres, s’apercevant que ce qui avait manqué le plus aux Français avait été les bistrots, ont contacté Jean-Marie Gourio. Du coup, on a décidé de repartir et d’offrir un dernier tour de brèves de comptoir. Cette « Tournée générale ! » s’installera au théâtre de l’Atelier à partir du 2 mars.
Entretien avec Jacques Vincey, metteur en scène, à l'occasion de sa création du texte de Marie Ndiaye, Les Serpents. Il nous dit pourquoi ce texte, il évoque l'importance de la collaboration artistique au théâtre sans oublier la place du spectateur dans l'acte de création théâtrale.
Par Jean Couturier pour son blog Bookemissaire 1er septembre 2020
Pour cette rentrée, Sylvain Tesson donnera quatre soirées les 7, 14, 21 et 28 septembre à 18h30 au théâtre de Poche Montparnasse
La période récente est symbole d’immobilité, vous prouvez à travers vos voyages, votre écriture, vos chroniques radios et la scène, que l’on peut être mobile d’une autre manière. Vers quelles lignes de fuite va votre préférence aujourd’hui?
Retour à la montagne ! En France, nous avons une avenue de liberté : l’arc alpin. La subduction des Alpes au Quaternaire : cela s’est passé près de chez vous ! L’alpinisme demande un effort gigantesque qui vous fait gagner du temps. Une ascension, c’est une vie ! Chaque geste compte. On se souvient de chaque pas. On prend dix ans ! Ce n’était tout de même pas la peine d’aller à Bangkok ! J’étais au sommet du Grépon la semaine dernière, j’ai embrassé la Statue de la Sainte Vierge (44 kilos) qui a été rivée sur le rocher en 1927.Quel bonheur que les membres des comités laïcs et les déboulonneurs soviéto-ravacholiens soient trop occupés dans la vallée pour faire l’effort de monter là-haut.
La rencontre avec le public caractérise le spectacle vivant, cette rencontre presque subversive en période virale vous devient elle nécessaire? Subversive ?
N’exagérons rien. Nous sommes arrivés à un tel degré de panique que nous trouvons rebelle de nous embrasser. C’est tout de même encore moins subversif qu’à Kaboul ou même à Ankara. Nous sommes devenus, nous autres Français, des gens très sensibles. Cette délicatesse me ravit car je déteste la brutalité. Qu’est ce que la politique ? L’art de contenir les foules, de les contenir. Les Jeux y aident, les religions aussi. Le Virus parachève l’anesthésie. Le Covid c’est la camisole. Le théâtre est une épine dans l’ordre sanitaire. Pensez ! Des gens qui crachent sur des gens qui dorment ! Mon père l’a dit dans un petit libelle : l’effet le plus grave de ce virus serait de nous conforter dans une paresse intellectuelle dont le mot d’ordre serait : « rentrez chez vous et allumez Netflix ». Il a bientôt 100 ans. Il est donc normal qu’il soit effaré par la mollesse, la prudence, la pusillanimité générale et la fatigue érigée en trésor national.
« Voyageur sans bagages », y a-t-il d’autres univers de création comme la peinture, la photo, où d’autres que vous aimeriez explorer?
Mais pour créer, il faut avoir du talent ! Je ne sais pas me servir d’un appareil photo, ni d’un pinceau. En spectateur, oui, je veux bien tout voir ! Je regarde ébloui Turner, Raphaël et Corot. Et j’ai découvert récemment les atmosphères de Burne-Jones qui me donnent envie de courir les landes celtiques.
Comme l’exprimait Louis Jouvet, il faut mettre de l’art dans sa vie et de la vie dans son art. Qu’est ce qui anime le plus vos paysages intérieurs?
Je mets le temps dans l’espace en grimpant sur les vieux affleurements de la Terre, granitiques ou calcaires. Puis je donne forme au temps en contemplant longtemps les paysages naturels. Je mets de l’Histoire dans la géographie en vénérant les paysages. J’aime que les mots décrivent un paysage. Le verbe prolonge le voyage. Pour moi le plus beau des gestes-barrière c’est de lever la barrière et de ficher le camp. Je crois que j’ai le virus. Du mouvement.
Proust revu par Christophe Honoré, Dostoïevski mis en pièces par Sylvain Creuzevault, un doublé chamanique de Tiago Rodrigues, un portrait de Boris Charmatz… Entre la toute nouvelle saison de la Comédie-Française, le Festival d'automne, la Semaine d'art en Avignon, les créations audacieuses du public et du privé, les amateurs de théâtre et de danse ont l'embarras du choix cet automne. Une invitation à reprendre le chemin des théâtres, le cœur léger et le visage masqué.
Malgré l'effort conséquent consenti par de l'Etat (les 432 millions d'aides, la prolongation du dispositif de chômage partiel et du crédit d'impôt spectacle, l'année blanche pour les intermittents, etc.), la rentrée s'annonce délicate pour le spectacle vivant. L'épidémie de Covid 19, toujours vivace, impose des contraintes sanitaires lourdes aux équipes de création (artistes, techniciens) et aux spectateurs (port du masque obligatoire, distanciation en zone rouge). Les théâtres vont devoir gérer une organisation complexe, des réservations de dernière minute… Si le théâtre subventionné peut supporter des jauges réduites, les théâtres privés, situés pour l'essentiel à Paris et donc en zone rouge, redoutent que la distanciation qui leur est imposée (avec des sièges vides) menace à terme leur survie. Pas question de baisser les bras pour autant. La saison ô combien funambule de cet automne 2020, s'annonce riche en beaux projets.
Les « musts » du Français
La Comédie-Française a fait durer le suspense, en attendant le 2 septembre pour révéler sa programmation jusqu'à la fin 2020. Plusieurs « highlights » au menu. A Marigny (qui remplace la Salle Richelieu en travaux) le très attendu « Du côté de Guermantes » adapté de Proust par Christophe Honoré sera créé fin septembre ; et c'est un grand cabaret festif, « Mais quelle comédie », orchestré par le couple d'exception Serge Bagdassarian - Marina Hands, qui clôturera l'année. Au vieux Colombier, on se réjouit de la reprise de « Hors-La-Loi » de Pauline Bureau dès la mi-septembre - pièce choc sur le combat des femmes pour l'avortement qui met en scène notamment Gisèle Halimi - ; elle sera suivie, mi-novembre, de la création de « Sans famille » d'Hector Malot, par Léna Braban. Au Studio théâtre, le traditionnel conte de Noël sera « Hansel et Gretel » des frères Grimm, revu par Rose Marine, à compter de la mi-novembre.
Foisonnant Festival d'automne
Signe que le théâtre reprend du poil de la bête, le Festival d'automne nous propose un programme roboratif en quelque 80 propositions. Sylvain Creuzevault poursuit sa flamboyante mise en pièces de Dostoïevski, avec « Le Grand Inquisiteur » (fin septembre) et « Les frères Karamazov » (mi-novembre) à L'Odéon. Milo Rau, se saisit à nouveau d'un macabre fait divers, pour décrypter cette fois la « Famille » (début octobre) à Nanterre-Amandiers). Le chaman Portugais Tiago Rodrigues est doublement présent : avec une nouvelle création au titre pour le moins intrigant « Catarina et la beauté de tuer les fascistes » (fin novembre) aux Bouffes du Nord et avec la reprise du merveilleux « Sopro », fable fantomatique sur le théâtre dont le héros est une souffleuse (en tournée en banlieue). Quant au «portrait» du festival cette année, il est dédié au chorégraphe Boris Charmaztz (à travers huit spectacles).
« Sopro », superbe fable fantôme sur le théâtre signée Tiago Rodrigues. Festival d'automne.
Avignon en octobre
Le festival d'Avignon n'a pas eu lieu cet été, mais propose, en guise sde consolation, une « semaine d'art » du 23 au 31 octobre . Avec entre autres à l'affiche « Le Jeu des ombres » de Valère Novarina mis en scène par Jean Bellorini, un « No moderne » de Kaori Ito et Yoshi Oida, un duo danse/chant d'Israel Galvan et Nino del Elche, une version Théâtre-Marionnettes de «Moby Dick», le nouveau spectacle de Raoul Collectif intitulé « Cérémonie ».
Hors festival, on est curieux de découvrir la relecture d'« Iphigénie » de Racine par le directeur de l'Odéon, Stéphane Braunschweig (fin septembre) et le nouvel opus de Pascal Rambert, « Mes frères » mis en scène par le directeur du Théâtre national de Bretagne Arthur Nauzyciel (également fin septembre) à La Colline . Le nouveau spectacle des Chiens de Navarre promet, avec son titre potache « La peste c'est Camus, mais la grippe est-ce Pagnol ? » (mi-octobre) aux Bouffes du Nord ). L'inventif Clément Poirée s'attaque pour sa part à une réécriture du « Triomphe de l'amour » de Marivaux par Emmanuelle Bayamack-Tam, « A l'abordage » (mi-septembre) dans son théâtre de la Tempête.
Des reprises ce choix sont également proposées en septembre : « Contes et légendes », géniale fable futuriste de Joël Pommerat aux Bouffes du Nord, « Les Sorcières de Salem » d'Arthur Miller finement mises en scène par Emmanuel Demarcy-Mota à l'Espace Cardin (Théâtre de la Ville ) et « Un Conte de Noël » d'Arnaud Desplechin, adapté par Julie Deliquet ( au TGP de Saint-Denis ).
Les promesses du privé
Côté privé, une autre belle reprise attend le public deLa Scala Paris: « Une histoire d'amour » le mélo moderne d'Alexis Michalik, dès le 11 septembre. Plusieurs créations prometteuses sont par ailleurs à l'affiche : auPoche-Montparnasse , depuis le 1er, « Le laboureur de Bohême » de Johannes Von Tepl (mise en scène par Marcel Bozonnet) et « Mademoiselle Else » d'Athur Schnitzler (mis en scène par Nicolas Briançon) ; au Théâtre de l'Atelier, le 22 septembre, « Crises de nerfs », trois farces de Tchekhov compilées par Peter Stein, avec Jacques Weber (le 22) et au Théâtre de la Porte-St-Martin , à partir du 8 octobre, « Avant la retraite » de Thomas Bernhard mis en scène par Alain Françon avec Catherine Hiegel, Noémie Lvovsky et André Marcon.
Tour de danse
Outre le portrait « Boris Charmatz » du festival d'automne, plusieurs rendez-vous incontournables attendent les amateurs de danse. A partir du 19 septembre, jusqu'à fin décembre,Montpellier Danse propose une édition d'automne avec les stars Anne Teresa De Keersmaeker, Emanuel Gat, le Ballet de Lyon ou Kader Attou. Les Italiens d'Atetballetto montreront leur virtuosité au Théâtre national de Chaillot avec le « Dom Juan » du très doué chorégraphe Johan Inger, du 14 au 18 octobre. L'Opéra de Paris présentera à partir du 22 octobre des solos et duos classiques avec étoiles et premiers danseurs sur le proscenium de Garnier. Enfin, au Théâtre des Champs-Elysées , la star russe du Bolchoï, Svetlana Zakharova, dansera un hommage à Coco Chanel, les 24 et 25 octobre. Le plaisir du spectacle retrouvé vaut bien un masque et du gel…
Le secteur du spectacle vivant entame sous haute tension sa rentrée culturelle, en guettant fébrilement le retour des spectateurs… malgré une jauge réduite et de drastiques contraintes sanitaires. Tour d’horizon, entre espoir de rebond, inquiétude et colère après les mesures de relance annoncées par Jean Castex.
Le spectacle vivant – du théâtre au concert, de la danse à l’humour – est de retour. Les professionnels, mobilisés, ont la ferme intention de retrouver le public. Têtes d’affiche, reprises de spectacles stoppés par le Covid-19 ou de succès déjà joués, créations à Paris et en régions : l’automne est prometteur même s’il se profile sans la présence d’artistes internationaux bloqués chez eux par la pandémie. Le Festival d’automne à Paris a ainsi dû renoncer à ses productions extra-européennes. Une part manquante que Marie Collin, directrice artistique, va reporter sur les éditions futures. À la Philharmonie de Paris, la rentrée a été en partie sauvée, au prix d’un « reformatage », explique son directeur Laurent Bayle. Elle ouvrira le 4 septembre avec le festival Jazz à la Villette, mais il a fallu tout revoir : réduire le nombre de jours, les frais de production, le programme, les jauges jusqu’à 50 %, bref, prévoir le moins pour offrir le plus si les conditions sanitaires le permettent.
Les salles privées désemparées
Le 26 août, le gouvernement a tranché : 2 milliards d’euros du plan de relance seront consacrés à la culture. Le port du masque rendu obligatoire dans les théâtres et les cinémas pendant les représentations. Et la distanciation physique d’un siège maintenue dans les zones classées rouge, c’est-à-dire vingt et un départements selon le dernier “décompte” au 27 août (Paris, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne, Essonne, Val-d’Oise, Yvelines, Sarthe, Rhône, Gironde, Haute-Garonne, Hérault, Gard, Bouches-du-Rhône, Var, Alpes-Maritimes, Guadeloupe, Martinique, Guyane).
“Dans les musiques actuelles, moins subventionnées, si la salle n’est pas remplie à 80%, le déficit devient vite abyssal.” Laurent Bayle, directeur de la Philharmonie de Paris
Pour les salles concernées, notamment les privées qui dépendent de leurs recettes, ce scénario réduisant drastiquement leur capacité d’accueil est une catastrophe. « Nous ne sommes rentables que si le théâtre tourne à plein », soupire Frédéric Biessy, directeur de La Scala à Paris. S’adapter aux contraintes actuelles n’est pas donné à tout le monde, rappelle Laurent Bayle : « Dans le classique et le jazz, subventionnés à hauteur de 50 à 80 %, une petite jauge nous coupe deux doigts, mais pas la main. Dans les musiques actuelles, moins subventionnées, si la salle n’est pas remplie à 80 %, le déficit devient vite abyssal. »
Même assouplies en zone verte, ces règles pénalisent encore le rock et le rap où les concerts debout sont la norme. Or ils sont toujours interdits à ce jour. Et pour longtemps, sont convaincus la plupart des professionnels. Les quelques optimistes du printemps (Matthieu Chedid, Alain Souchon ou le rappeur Ninho), qui avaient reporté leurs concerts à l’automne, ont dû les annuler de nouveau. Prudents, la majorité des producteurs et tourneurs avaient opté pour 2021 au plus tôt. Depuis, ils écopent les dettes avec les aides, enchaînent les prêts garantis par l’État, alertent sur ce brouillard qui avance inexorablement. Les récentes rencontres avec la ministre Roselyne Bachelot, la visite annoncée de Jean Castex rue de Valois commencent tout juste à dissiper le sentiment de mépris ressenti par beaucoup. « Le dialogue tant attendu vient d’être noué », espère Aurélie Hannedouche, du Syndicat des musiques actuelles.
Scènes de fébrilité
À Paris, Philippe Tesson brave la fatalité. Et veut voir franchi dès le 1er septembre le seuil du Théâtre de poche-Montparnasse qu’il dirige : « L’attente a duré trop longtemps. Tout repose sur notre volonté. » La détermination n’est pas ce qui manque à une profession théâtrale qui sécurise de fond en comble ses espaces. Des halls d’accueil aux plateaux, tout est sous contrôle. Directrice du Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, Julie Deliquet retravaille sa mise en scène (très physique) d’Un conte de Noël (d’après le texte d’Arnaud Desplechin) en « limitant les contacts entre acteurs ». Ne pas s’embrasser sur scène, ne pas se toucher dans les files d’attente, réguler les flux, aérer, désinfecter : la santé est la priorité. À tel point qu’Olivier Mantéï, à la tête des Bouffes du Nord, peut s’exclamer sans ironie : « Venez au théâtre, vous y serez plus en sécurité que partout ailleurs. » Protéger et rassurer. Ce mantra s’impose dans un paysage bouleversé.
Concerts d’inquiétudes
Résignées à ne reprendre réellement qu’en 2021, les musiques actuelles se battent de leur côté pour le maintien des aides à long terme « puisque rien d’autre n’est possible », répond Jules Frutos, patron d’Alias Production (250 artistes, de The Cure à Youssou N’Dour). La récente promesse du gouvernement de compenser la perte financière due aux jauges réduites, d’inciter à rouvrir les salles, et donc d’interrompre le chômage partiel, le met en colère. « C’est un chantage pour nous faire reprendre à tout prix, mais ça nous emmène à la folie. J’essaie de survivre et il faudrait que j’avance les frais ? Et d’ailleurs, la note à qui ? Ce sont des rigolos ! » Dans un secteur qui s’appuie sur le principe des tournées, parfois mondiales, le risque est encore trop grand : comment les organiser quand les règles changent d’une région, d’un pays à l’autre ? Que faire si un cas de Covid se déclare en cours de route ? Quarantaine pour tout le monde ? « Personne ne peut se permettre une nouvelle gamelle », prévient Vincent Carry, du festival Nuits sonores prévu en mai à Lyon. Il espère y voir plus clair en novembre, sans trop y croire.
En quête de “nouvelles solidarités”
Les patrons gèrent le présent mais pensent déjà à l’avenir. Et cherchent à éviter que, demain, l’émergence, la jeune création, les compagnies précaires soient sacrifiées sur l’autel de l’épidémie : « De nouvelles solidarités seront indispensables », affirme Frédéric Biessy. Cachets variables, marges diminuées, spectacles moins onéreux, tournées repensées… Les hypothèses fusent sur fond de décroissance, de circuits courts, de programmation locale renforcée. Mais, « s’il faut bien sûr limiter les excès, renchérit Laurent Bayle, la création musicale s’est toujours nourrie d’échanges et de voyages. »
Plus globalement, Jean-Michel Ribes appelle à « une réflexion collective qui remette à plat nos façons de fabriquer, produire et diffuser ». Faut-il aménager sans tarder des états généraux ? L’idée est ravivée par une crise dont nombre de dégâts sont encore à venir. Roselyne Bachelot a promis d’en organiser avec le concours d’Olivier Py pour les festivals, à partir de septembre. Depuis, silence radio. À Lyon, en octobre, Vincent Carry réunira les « Indépendants », 1 500 structures, labels, producteurs, médias signataires d’un appel en mai dernier et déterminés à rappeler leur rôle essentiel pour « défendre les marges, les esthétiques nouvelles, qui sont les plus fragilisées par cette crise ». Au Syndicat des musiques actuelles, Aurélie Hannedouche se réjouit de la hausse des adhésions et de la participation au prochain congrès d’automne. La culture retrouve des couleurs politiques. La politique saura-t-elle retrouver des couleurs culturelles ?
La réforme économique est une nécessité. La réinvention des formes, une option. Avec la fin envisagée des entractes pour raccourcir les durées des spectacles, c’est le cœur même de l’artistique qui vacille. Christophe Rauck, directeur du Théâtre du Nord (Centre dramatique national de Lille-Tourcoing), s’insurge : « Si l’on commence avec ce type d’injonction et qu’on ne programme pas un spectacle car il dure quatre heures, on ne s’en sortira pas. » Quant à l’engouement pour le concert en streaming payant, « c’est un échec en dehors de trois stars », affirme Aurélie Hannedouche. Jouer devant un public masqué, enfin, n’a rien d’une évidence, mais la jeune chanteuse Suzane le préfère encore à la distance « qui fait tomber l’énergie ». Un simple dialogue a apaisé les craintes de la plupart des artistes, souligne Vincent Anglade, coprogrammateur de Jazz à la Villette : « Est-ce que le plaisir sera là ? Je le crois. C’est une expérience nouvelle qu’on va vivre ensemble début septembre. »
Battre le rappel des spectateurs
Et le public, lui, est-il prêt à se métamorphoser ? à dépasser sa peur pour célébrer au plus vite ses retrouvailles avec le spectacle vivant et fuir « ce danger psychique grave qu’est le repli sur soi mortifère » ? s’inquiète Olivier Mantéï. À l’heure des réservations, certains respirent, d’autres soupirent. Au théâtre La Colline, Arnaud Antolinos, secrétaire général, se félicite du « soutien fort des spectateurs citoyens ». Au Festival d’automne, Marie Collin avoue son soulagement : « Nous avons activé la billetterie le 24 août au matin et les retours sont excellents. » Mais au Théâtre de l’Atelier, à Paris, Marc Lesage fait grise mine. Comme la plupart de ses confrères à la tête de maisons privées, il doit la survie de son lieu à un public âgé qui paye ses places au prix fort. Ce public, assure-t-il, « trop angoissé, ne viendra pas ». À la Philharmonie, les abonnements n’ont pas connu l’habituelle reprise du 15 août, mais Laurent Bayle reste confiant. « Si les gens sentent que la situation du pays est sous contrôle, ils viendront et porteront volontiers le masque. » À ses yeux, tout est question de contexte, ce qui justifie l’extrême prudence des autorités.
Dans ce climat d’incertitude, les théâtres et les salles de concerts multiplient les appels d’air : remboursements automatiques, formules d’abonnement assouplies au Théâtre du Nord, baisse du prix des places au Festival d’automne, lectures gratuites dans le jardin du Théâtre du Rond-Point où se produiront des artistes en septembre, concerts en plein air tant que le temps le permet. La fête théâtrale et musicale ne plie pas devant le Covid. Mais elle a, pour rester debout, un besoin vital de son partenaire principal : le public. Pour Dominique Bluzet, patron de quatre théâtres à Aix et Marseille, « si les gens se disent qu’ils peuvent se passer du spectacle, c’est la raison d’être même du spectacle qui va disparaître ».
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