Commandant de la frégate multimissions [FREMM] « Provence » quand celle-ci était engagée dans l’opération navale EUNAVFOR Aspides, en mer Rouge, le capitaine de vaisseau Pascal Forissier a récemment évoqué les attaques lancées par les rebelles houthis depuis le Yémen contre le trafic maritime, dans un entretien accordé à Marine & Océans.
Ainsi, selon lui, le fait que les houthis soient en mesure de mettre en œuvre des missiles antinavires, des missiles balistiques ainsi que des munitions téléopérées et des drones de surface d’une manière aussi précise contre des navires civils [et militaires], coordonnée et « soutenue dans le temps » suggère « bien évidemment un solide soutien de la part d’une ou de plusieurs puissances étatiques ». Et d’ajouter qu’ils ne « pouvaient réaliser seuls ce qu’ils ont fait ».
Effectivement, le soutien de l’Iran aux houthis est documenté depuis longtemps. Dans son dernier rapport sur la situation au Yémen, publié en octobre dernier, le groupe d’expert des Nations unies a une nouvelle fois souligné que les rebelles « ont bénéficié d’une assistance technique, d’une formation, d’armes et d’un soutien financier de la part » de Téhéran.
Outre l’Iran, la Russie et la Chine ont également été accusées d’avoir aidé – parfois indirectement – la rébellion houthiste en lui fournissant des données de ciblage et de l’imagerie satellitaire. Par ailleurs, il a été rapporté, en septembre 2024, que Moscou envisageait de lui fournir des missiles antinavires P-800 Oniks… ce qui ne s’est pas vérifié depuis.
Quoi qu’il en soit, il est difficile d’évaluer l’étendue et la composition de l’arsenal dont disposent les houthis. « Il y a beaucoup de choses que nous ignorons actuellement » sur eux, a ainsi confié un responsable militaire américain au site spécialisé The War Zone, en mars dernier. « Nous sommes parfois surpris par certaines choses que nous les voyons faire, et cela nous laisse un peu perplexes », a-t-il ajouté.
L’une de ces « choses » surprenantes est sans doute la capacité des houthis à abattre des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9A Reaper. Depuis octobre 2023, ceux-ci ont revendiqué la destruction d’une vingtaine d’appareils de ce type. Si elles réfutent ce bilan, les forces américaines ont toutefois admis que certains d’entre eux avaient bel et bien été perdus à cause de tirs hostiles.
Selon le renseignement en sources ouvertes, on sait que les houthis disposent de plusieurs modèles de radar [Nabaa, Shafaq, Ofoq, Sadiq] qui, datant de la période soviétique, ont été améliorés. En outre, ils possèdent différents types de missiles surface-air, le plus souvent fournis par l’Iran, comme les Barq 1 [portée de 50 km] et Barq 2 [portée de 70 km], lesquels peuvent toucher une cible évoluant entre 15 et 20 000 mètres d’altitude, ou encore le Saqr 1 [ou SA67]qui, doté d’une autodirecteur infrarouge, « rôde » au-dessus d’un champ de bataille jusqu’à ce qu’il trouve une cible.
La liste n’est pas exhaustive : les houthis auraient également pris possession de systèmes de défense aérienne mobiles Sevom Khordad, de facture iranienne.
Aussi, de telles capacités font que le Yémen ne peut pas être considéré comme étant un environnement « permissif ». D’où l’engagement des bombardiers furtifs B-2 « Spirit », depuis Diego Garcia, dans l’opération Rough Rider qui, lancée le 15 mars dernier par les États-Unis, était censée détruire le potentiel militaire des houthis.
Suite à une médiation du sultanat d’Oman, et après que les forces américaines ont affirmé avoir touché plus de 1 000 cibles au Yémen, cette opération a pris fin le 6 mai dernier. Au cours de celle-ci, au moins sept MQ-9A Reaper ont été abattus… et deux F/A-18E/F Super Hornet du porte-avions USS Harry S. Truman ont été perdus accidentellement [l’un est passé par dessus bord lors d’une manœuvre d’évitement, l’autre a manqué son appontage].
Mais ce bilan aurait pu être plus lourd pour les États-Unis. Avançant que la décision de mettre un terme à l’opération Rough Rider aurait été motivée par son coût et… l’impossibilité d’établir la supériorité aérienne au-dessus du Yémen, malgré les capacités SEAD [Suppression of Enemy Air Defenses] fournies par les E/A-18G Growler de l’US Navy, le New York Times a révélé que les houthis ont été à deux doigts d’abattre des F-16 ainsi qu’un chasseur-bombardier furtif F-35.
« Plusieurs F-16 et un F-35 ont failli être touchés par les défenses aériennes des houthis, rendant réelle la possibilité de pertes américaines », a en effet affirmé le quotidien, sur la base de confidences faites par « plusieurs responsables ».
De son côté, The War Zone a confirmé qu’un F-35 avait dû effectuer des manœuvres d’évitement pour échapper à des missiles sol-air houthis. « Ils se sont suffisamment rapprochés pour que le [F-35] doive manœuvrer », lui a expliqué un responsable militaire, qui n’a pas précisé si l’appareil en question appartenait à l’US Air Force ou au groupe aérien embarqué [GAé] du porte-avions USS Carl Vinson.
Les circonstances dans lesquelles ce F-35 a pu se trouver dans une telle posture n’ont pas été précisées. Cela étant, la furtivité – c’est-à-dire une très faible surface équivalent radar [SER] pouvant être associée à une « signature électronique » réduite – ne rend pas « invincible » : le cas du F-117A américain abattu en Serbie par une batterie S-125 Neva/Pechora [code Otan : SA-3 Goa], dotée d’un radar P-18 Spoon Rest fonctionnant sur une bande de fréquences de 150 à 170 MHz, le montre.
Par ailleurs, le puissant moteur F-135 du F-35 engendre, par la force des choses, une signature infrarouge significative qu’il est compliqué – voire impossible – de masquer complétement. En outre, en configuration « Beast » [avec de l’armement extérieur et non en soute], la furtivité du chasseur-bombardier de Lockheed Martin est dégradée.
Enfin, celle-ci est susceptible de l’être également quand le revêtement en oxyde d’indium-étain du F-35 est altéré, comme cela peut arriver après plusieurs mois passés en mer [voir la photographie ci-dessus].
|
Scooped by
Romain
onto DEFENSE NEWS May 16, 2:07 AM
|

No comment yet.
Sign up to comment