Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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August 19, 2020 12:46 PM
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Covid-19 et spectacles : Bachelot va proposer la fin de la distanciation dans les salles 

Covid-19 et spectacles : Bachelot va proposer la fin de la distanciation dans les salles  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Christophe Levent dans Le Parisien 19 août 2020

 

La ministre de la Culture a reçu ce mercredi matin les représentants du spectacle vivant. Elle s’est engagée à défendre l’idée de la fin de la distanciation sanitaire dans les concerts et les théâtres lors du prochain Conseil de défense.

 

On avance, on avance… Mercredi matin, les représentants des professions du spectacle avaient rendez-vous avec Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, pour évoquer l'avenir d'un secteur touché de plein fouet par la crise sanitaire. Une réunion dont ils sont sortis avec le sentiment d'avoir été « entendus » et de commencer à voir les lignes bouger, à défaut d'être totalement rassurés…

Pendant un peu plus d'une heure, les présidents des syndicats du théâtre privé, des cabarets, des salles de concerts et des festivals ont pu exprimer leurs inquiétudes à quelques semaines de la rentrée et faire valoir leurs revendications. Avec une préoccupation commune : comment faire repartir une activité sinistrée depuis six mois ?

Oreille attentive

« Nous avions en face de nous une ministre de la Culture très concernée, à notre écoute, avec une vraie envie de défendre le secteur. Elle nous l'a redit en début de rencontre : elle veut sauver le spectacle vivant. Elle souhaite que nous puissions redémarrer vite et elle nous a confié que le président de la République partageait cette volonté. C'était un échange vraiment constructif », estime Bertrand Thamin, président du syndicat des théâtres privés. Même sentiment chez Daniel Stevens, délégué général du syndicat des cabarets. « Nous sommes ressortis plutôt rassurés et avec une impression positive. Même si la ministre était plutôt là pour nous écouter et n'avait aucune annonce officielle à nous faire… »

 
Pas de décisions donc, pas de commentaires non plus du côté du ministère à la sortie, mais une promesse de Roselyne Bachelot, concernant l'une des revendications principales des salles de spectacle : la fin de la distanciation, au moins pour les spectacles « assis », avec masque obligatoire pour tous. « Après nous avoir écoutés, la ministre s'est engagée à défendre cette idée devant le prochain Conseil de défense. Pour nous, c'est le minimum si on veut un redémarrage du secteur et je crois que les spectateurs en seraient plutôt rassurés », affirme Bertrand Thamin.

« On voit des concerts sauvages qui s'organisent… »

« La ministre a compris que c'était la clé de la reprise de notre activité, constate Pierre Alexandre Vertadier, producteur de concerts (Ninho, Alain Souchon, Christophe Maé…). C'est quelque chose que nous pouvons gérer dans des conditions sanitaires satisfaisantes. De toute façon, il ne faut pas croire que l'on va pouvoir mettre le secteur de la musique sous cloche encore longtemps. On voit des raves, des concerts sauvages qui s'organisent… Mieux vaut que cela soit géré par des professionnels. »

 

Quant à la question des concerts « debout » et des festivals, elle reste un peu plus épineuse. « Je crois que cela fait encore peur à tout le monde… Peut-être que ce n'est pas encore le moment de les faire reprendre. Il ne faut pas être dans le déni de la situation », estime le producteur.

« Zéro recettes depuis mars »

L'aspect économique a bien sûr aussi été au cœur des discussions. « Pour nous, c'est zéro recettes depuis mars, constate Daniel Stevens. Nous avons expliqué à la ministre qu'il faudrait un plan d'aide estimé à 300 millions pour le secteur ». Dans le théâtre privé, Bertrand Thamin se dit de plus en plus inquiet. « Je commence à avoir beaucoup d'adhérents qui m'expliquent qu'ils vont mettre la clé sous la porte. Il faut que l'Etat amplifie son aide. Y compris après les réouvertures, le temps que le public revienne… »

Là encore, les professionnels du spectacle ont eu le sentiment d'avoir eu une oreille attentive. Mais personne ne s'enflamme. « On a senti la volonté de la ministre. Mais on sait bien qu'elle ne peut pas décider toute seule, constate le président des théâtres privés. Et puis la situation est évolutive. Aujourd'hui, pas grand monde n'a de certitudes, que vous soyez patron de théâtre, médecin ou… ministre. »

 

Légende photo : Roselyne Bachelot s’est entretenue pendant plus d’une heure avec les présidents des syndicats du théâtre privé, des cabarets, des salles de concerts et des festivals. LP/Guillaume Georges

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August 17, 2020 7:37 AM
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Blanche Gardin : “Tout ce qu’on cache est forcément drôle à explorer”

Blanche Gardin : “Tout ce qu’on cache est forcément drôle à explorer” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Jacques Morice et Guillemette Odicino pour Télérama -  Publié le 17/08/20

Après avoir joué pour Éric Judor (Problemos, 2017) ou Éric Lartigau (#Je suis là, 2020), la comédienne collabore pour la première fois avec le duo déjanté Delépine/Kervern.


Avec ses sketchs acides, Blanche Gardin s’est imposée comme la reine du stand-up français. Son irrévérence s’épanouit désormais au cinéma, comme dans le prochain film de Benoît Delepine et Gustave Kervern, “Effacer l’historique” en salles le 26 août. Sans tabous, elle nous parle de ses mille et une vies. De son obsession pour la vérité. Et de son autocritique permanente.

 

Suicide, dépression, problèmes sexuels ou intestinaux, psychiatrie ou sodomie, nul tabou ne résiste à Blanche Gardin. À travers ses spectacles, Je parle toute seule et Bonne nuit Blanche, la jolie et étrange blonde de 43 ans est devenue la reine de l’humour en France. En le faisant grandir d’un coup pour qu’il atteigne l’âge adulte. Sur scène, elle est éminemment drôle en dévoilant des choses très intimes. Qui viennent d’elle et d’une autre, ce personnage qu’elle compose : une poupée rigide, inquiétante, qui cisèle des raccourcis existentiels foudroyants.

 

 

Le cinéma n’a pas tardé à faire appel à elle. Elle était dans Problemos, d’Éric Judor (2017) et #Je suis là, d’Éric Lartigau (2020). Mais cette fois, elle est au premier plan du formidable Effacer l’historique, de Benoît Delépine et Gustave Kervern (en salles le 26 août), tribulations de trois voisins de lotissement en pleine mouise financière et technologique. Aux côtés de Corinne Masiero et Denis Podalydès, elle s’y montre minable, cuitée, esseulée, mais fichtrement vivante. Une performance riche de vécu ? Oui, à entendre les récits picaresques de cette clown aussi provocatrice que réfléchie, qui semble avoir déjà eu mille vies et une unique obsession : la vérité.

 

 

S’il fallait effacer votre historique ?


J’effacerais des films porno et mes propres recherches sur Blanche Gardin dans Google ! Je m’en veux de m’accrocher à ce que les gens pensent de moi : c’est à la fois une enflure de l’ego et un manque de confiance en soi. Que notre niveau de popularité puisse nous définir est terrible. De plus, à cause de toutes ces « applis » prétendument ludiques, nous devenons tous malgré nous des instruments de contrôle de tout le monde, des mouchards de l’existence. Nous sommes conditionnés pour prendre des photos comme si notre vie n’existait pas tant qu’elle n’est pas immortalisée sur un écran. Un soir, à Lille, où j’avais pas mal bu après mon spectacle, j’ai détruit fièrement mon smartphone : enfin libérée ! Et j’ai pris un portable à l’ancienne. Avant d’être rattrapée par mon entourage, qui m’en voulait : « Tu nous retardes, tu es moins connectée ! »…

 

C’est l’un des sujets du film de Gustave Kervern et Benoît Delépine…


La critique du progrès est toujours vue comme réactionnaire ou rabat-joie, alors qu’une critique saine et drôle est possible. Gustave et Benoît y parviennent : leurs personnages refusent de s’adapter et on leur donne raison. La nouveauté n’est pas toujours la panacée : ce n’est pas parce que nous sommes la version la plus récente de l’humanité qu’il s’agit de la meilleure.

 

Comment s’est passée la rencontre avec eux ?


J’éprouvais depuis longtemps un sentiment de familiarité immense avec leurs films, leurs personnages, leurs acteurs fétiches. Un heureux hasard a voulu qu’ils viennent me voir sur scène. Ils m’ont proposé un rôle dans la foulée. J’étais très intimidée. J’avais peur de foutre en l’air leur film en étant incapable d’incarner un personnage ! Nous avons fait quelques réunions où je leur ai fait des propositions sur le scénario. Comme leur travail est très collaboratif, ils étaient d’accord. Mais je restais paniquée. Le premier jour de tournage, ils sont venus dans ma loge : « Ah, au fait, on ne va pas tourner la scène prévue, mais plutôt commencer par un plan où l’on te voit arriver de dos ; tu te grattes le dos contre un arbre puis tu dévales la pente vers ta maison, un peu bourrée. » D’un coup, j’avais la clef : Marie, mon personnage, est une ourse de lotissement qui a des problèmes avec l’alcool ! On a trempé dès lors dans la même soupe avec Benoît et Gustave, dans cette stratosphère poétique, où ils flottent en permanence. En étant imprévisibles, constamment à contre-courant.

 

Marie, c’est votre premier vrai rôle ?


Oui, ils m’ont dépucelée ! Jusque-là, j’arrivais dans les films avec mon personnage de Blanche Gardin. Souvent pour un passage rapide, comme dans 20 Ans d’écart, de David Moreau (2013), où j’explose la scène, et je repars, c’est facile et valorisant. Mais Marie n’est pas Blanche. Avec Corinne Masiero et Denis Podalydès, nous avons été nos personnages : trois voisins dans un monde de merde, qui s’entraident comme ils peuvent, sans avoir le temps de s’engager totalement dans une amitié. C’est avant tout un rapport de survie, de solidarité.

 

 

 

“Je refuse d’être militante, car le militantisme exclut la distance et l’humour. Épouser totalement une cause, c’est en épouser aussi les dérives.”


Le film est raccord avec l’actualité des Gilets jaunes. Vous cautionnez leur combat ?


Je suis solidaire de bien des colères. Mais je n’ai pas une vie de Gilet jaune. En revanche, je comprends l’explosion. L’air est devenu irrespirable. D’ailleurs, aujourd’hui, nous portons des masques ! Mais je refuse d’être militante, car le militantisme exclut la distance et l’humour. Épouser totalement une cause, c’est en épouser aussi les dérives.

 

Dans vos spectacles, vous n’êtes jamais univoque. Cherchez-vous à déconstruire aussi vos propres convictions ?


Cela doit venir d’une pathologie ! Pour laquelle je suis suivie par un psy… J’ai un souci de vérité maladif. Et vain, car personne ne parvient à être totalement honnête. Et puis les bonnes personnes, il faut aussi s’en méfier. Je suis très cliente de l’examen de conscience. Je fais ma propre police quand j’écris mes sketchs, je traque ce qui peut passer pour de la moquerie. Je hais le mépris social.

 

Quelle est la conviction personnelle la plus solide que vous ayez renversée ?


Le désir d’être mère. J’étais persuadée que j’aurais des enfants, que c’était normal d’être mère. La nature m’a mis un gros stop. Fallait-il que je fasse appel à la science ? La réflexion a été difficile, mais j’ai décidé de ne pas céder à cette notion, malsaine, selon laquelle nos désirs doivent forcément être solutionnés, si besoin par la technique. Aujourd’hui, c’est fait, j’ai déconstruit la maternité.

“La différenciation des rôles me plaît. L’égalité salariale, oui, bien sûr ; en revanche, je ne suis pas contre être en couple avec quelqu’un qui m’en impose.”


Vous semblez ambivalente sur le féminisme…


J’ai besoin d’être une humaine forte. Je résiste à la victimologie. Il y a parfois de la malhonnêteté ou de la simplification à travers certains discours féministes. Les relations hommes-femmes sont plus complexes, souvent de l’ordre de l’alchimie. La différenciation des rôles me plaît. L’égalité salariale, oui, bien sûr ; en revanche, je ne suis pas contre être en couple avec quelqu’un qui m’en impose. Les acquis du féminisme des années 1970 continuent de faire leur effet. De nouvelles filles arrivent, sortent des écoles. Un peu de patience…

 

Pourquoi avoir refusé d’être décorée dans l’ordre des Arts et des Lettres ?


Je ne voulais rien accepter d’un gouvernement Macron. Une fois élu, le président a promis de manière péremptoire qu’en un an plus personne ne dormirait dans la rue. C’est scandaleux de faire de telles annonces et de ne pas mettre en œuvre ensuite une vraie politique sociale du logement. Tous les jours, on voit des gens dormir par terre dans la pisse de chien. Et on s’est habitué à cette vision d’horreur. C’est atroce.

 

Vous soutenez activement la Fondation Abbé-Pierre…


J’ai toujours admiré leur travail. Je souscris à leur programme politique « Logement d’abord », qui a été expérimenté avec succès en Finlande, où le sans-abrisme a diminué de 80 %, réduisant par là même le coût financier important qu’il engendre. Une proposition de logement ne doit pas être l’étape ultime de la réinsertion sociale, mais la première. C’est logique : comment demander à un type d’être propre et de se présenter à un boulot s’il dort dans une tente ou un parking ? J’ai fait un Zénith pour reverser les bénéfices à la Fondation et nous avons d’autres projets.

 

Avant le stand-up, vous étiez en fac de sociologie. Votre sujet de mémoire était surprenant…


Je me suis mise dans la peau d’un flic. Avant la maîtrise, j’avais étudié les toxicos, les concierges portugaises, les sans-abri, les tagueurs. Puis j’ai décidé d’aller voir de l’autre côté, celui de l’ordre. Cela tombait bien car la Police nationale commençait à engager des adjoints de sécurité pour que les policiers ressemblent un peu plus à leurs clients. Sachant qu’entre les gros moustachus avec l’accent du Sud et les petits mecs du 9.3, ce n’était pas la franche entente ! J’ai passé deux mois en internat dans l’Essonne, en plein hiver, avec des gardiens de la paix. Salut au drapeau à 6 heures du mat. Pas beaucoup de filles, pas mal de gouines. J’ai bien rigolé. Même si les cours théoriques se résumaient à apprendre par cœur l’article de loi concernant la légitime défense !

“Je suis partie à Naples prendre des acides et dormir dans la rue avec des punks à chiens pendant neuf mois. Mon père est venu me chercher.”


Et où avez-vous été affectée ?


J’ai fait la circulation au carrefour devant le Sénat, mais comme je suis toute petite, les gens se marraient. J’ai gardé aussi le domicile de Laurent Fabius, armée de ce petit six coups qui datait des années 1960, dangereux, car il explosait facilement. J’ai démissionné ensuite pour revenir à la fac, mais mon père est tombé malade. Je crois que je faisais des études pour lui faire plaisir. Quand il est mort, je les ai arrêtées pour être éducatrice pendant quatre ans, en banlieue parisienne. Avant tout ça, je m’étais aussi lancée dans l’ébénisterie, mais là le machisme ambiant du milieu m’a découragée. Pourtant, j’adorais. J’avais eu envie d’un métier manuel, après ma fugue horrible, à 18 ans.

 

Horrible ?


Je suis partie à Naples prendre des acides et dormir dans la rue avec des punks à chiens pendant neuf mois. Mon père est venu me chercher. À point nommé : six mois plus tard, mon mec napolitain héroïnomane mourait d’une overdose. C’était le bon gros chaos, cette période.

 

Les raisons de ce chaos, vous les avez éclaircies ?


J’avais besoin d’être réellement actrice de ce qui m’arrivait, quitte à choisir la perdition. En restant près de ma famille, je n’aurais pas réussi à être totalement libre. Il fallait une grosse rupture. En rentrant de Naples, j’avais des cheveux rouges jusqu’aux fesses et des piercings partout. En socio, je me suis progressivement calmée sur le look rebelle. Mais je faisais encore la fofolle : j’étais maquée avec un peintre, on partait au Mexique, on expérimentait les champignons…

 

Dans quel milieu avez-vous grandi ?


Intello de gauche, avec un père communiste souvent enfermé dans son bureau à cause de son métier de linguiste et une mère bonne vivante. Tous les ans, ils nous emmenaient avec mon frère et ma sœur dans la R9, pour visiter l’URSS, le Maroc, la Turquie… L’ouverture d’esprit était peu commune, mais le cadre affectif pas si rassurant.

 

“J’aimais faire marrer depuis l’enfance. C’était un moyen de survie : j’étais la plus petite de la fratrie.”


Quand avez-vous commencé les sketchs ?


Pendant mes études, avec deux copains, mais sans aucune arrière-pensée professionnelle. Lors d’une soirée, j’ai improvisé une fausse émission de cuisine, où je faisais une Périgourdine qui préparait des canards. J’aimais faire marrer depuis l’enfance. C’était un moyen de survie : j’étais la plus petite de la fratrie, nous avions beaucoup de cousins plus âgés. Il fallait que je me fasse accepter par les grands grâce à l’humour et toujours plus de provocation. Mon père n’était pas très client. Ma mère, elle, filmait mes conneries en vidéo.

 

Comment avez-vous percé ?


Mon pote Ali, qui était en BTS d’audiovisuel, filmait nos sketchs et a commencé à les projeter dans des squats. Les gens riaient. Il a envoyé nos vidéos à droite à gauche. Elles sont tombées entre les mains du producteur Kader Aoun : il nous a branchés avec Karl Zéro qui avait besoin de petits rigolos pour une de ses émissions. Grâce à la chaîne Comédie, on s’est aussi fait les dents. C’est là que j’ai créé le personnage de Marjorie Poulet, une cagole du Sud. Puis Kader a monté le Jamel comedy club.

 

 

“Je me suis aperçue que je n’avais pas assez de matière de vie, pas assez de retour réflexif sur mon existence. J’ai quitté la scène pendant cinq ans. Avant de revenir avec mon premier spectacle.”

 

Un souvenir de votre premier passage sur scène ?


La première partie de Tomer Sisley, en 2005. J’étais traumatisée. J’enchaînais des personnages que j’avais d’abord expérimentés devant les clients d’un petit bar kabyle à la gare de l’Est : un petit Portugais de 12 ans, une conseillère d’orientation, un vieux toxico… À la fin, Kader m’a dit : tu es marrante mais ce n’est pas du stand-up ! Il m’a donné des DVD de l’humoriste américain Richard Pryor, que je ne connaissais pas. Une claque. J’ai tout de suite été captivée. Mais rapidement, je me suis aperçue que je n’avais pas assez de matière de vie, pas assez de retour réflexif sur mon existence. J’ai quitté la scène pendant cinq ans. Avant de revenir avec mon premier spectacle.

 

Dans son adresse au public, le stand-up est-il un exercice d’impudeur ?


Il y a sans doute le fantasme d’être aimée pour ce qu’on est, totalement à nu, maniaco-dépression comprise. Avec mon côté sombre et mes joies extrêmes.

 

On sent aussi chez vous une certaine misanthropie.


Dont je suis la première à me méfier. Le commerce des humains avec sa mécanique sociale m’est difficile. J’ai l’impression que je ne vais pas arriver à suivre. Dans une fête, par exemple, impossible de faire le job, d’être légère, pourtant j’aimerais y arriver ! Mais je préfère discuter avec Nietzsche dans la montagne. De plus en plus souvent, j’ai besoin de partir marcher, seule, dans la nature.

 

Vos spectacles regorgent de vérités souvent triviales…


Ce sont des choses vécues, désagréables, miteuses ou organiques, comme avoir peur dans une maison isolée ou faire une coloscopie, que je relativise. Tout ce qu’on cache est forcément drôle à explorer. C’est intéressant de parler de caca ! Nous sommes un amas de chair, c’est notre misère. On a tendance à l’oublier dans notre monde qui déréalise tout.

 

De là l’interdiction de vos spectacles aux moins de 17 ans ?


Ce que je raconte n’est pas pour les enfants. Je parle à des adultes, point. Ça m’énerverait et me déconcentrerait de voir un gamin dans le public, flanqué d’un parent qui a eu l’irresponsabilité de l’emmener. C’est comme les bars : maintenant qu’on ne peut plus fumer, il y a des gosses partout, c’est agaçant !

“Je ne fais pas semblant d’être pétrifiée, je le suis. Trop timide, incapable de bouger mon corps.”


D’où vient votre jeu de scène si minimaliste ?


J’ai construit ce personnage de Blanche pour me protéger. Mon look avec des robes vintage, c’est la petite fille qui sort du placard. Je ne fais pas semblant d’être pétrifiée, je le suis. Trop timide, incapable de bouger mon corps. Cette rigidité est devenue mon style par défaut. Pareil pour mon débit : il faut que tout soit parfaitement articulé. Cela demande une concentration folle. Si je savonne, tout s’écroule. Je ne peux même pas boire sur scène. La seule fois où j’ai essayé, j’ai renversé l’intégralité du verre d’eau. En général, ce n’est qu’à la centième du spectacle que je suis à peu près satisfaite.

 

Vous avez récemment enregistré un podcast avec l’humoriste américain Louis C.K. sur les relations à distance. Avant même de le rencontrer, vous déclariez qu’il était l’homme de votre vie.


Dans une vidéo, je l’avais vu en short : il avait la même tache de naissance que moi, à l’intérieur du genou droit ! Je suis partie à New York pour le rencontrer, mais sans succès. Aux César, quand j’ai porté un pin’s à son effigie, on ne se connaissait toujours pas. Puis je l’ai remercié pour son inspiration à la cérémonie des Molières. Il m’a écrit et, après quelques mails échangés, il est venu dîner avec moi à Paris…

 

En 2017, il a reconnu avoir eu des comportements sexuels répréhensibles : se masturber en présence de comédiennes.


Louis C.K. s’exprime depuis trente-cinq ans sur sa sexualité répréhensible. Par ailleurs, je considère qu’une des définitions du féminisme est la liberté des femmes à disposer de leur cul.

 

Et le cinéma, envie de continuer ?


En ce moment, j’écris une série où je cherche moins à faire rire qu’à chroniquer l’air du temps. Sinon pas d’aspiration particulière. Cela dépendra de ce qui nourrit le présent. On verra à la prochaine pandémie !

 

 

Propos recueillis par Jacques Morice et Guillemette Odicino

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3 avril 1977 Naissance à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine.
2006 Première apparition sur scène dans le Jamel comedy club.
2011 Second rôle dans le film Case départ, de Fabrice Éboué, Thomas Ngijol et Lionel Steketee.
2015 Premier one-woman-show, Il faut que je vous parle !
2017 Deuxième one-woman-show, Je parle toute seule.
2018 Bonne nuit Blanche.

 

 

Crédit photo : Jean-François Robert pour Télérama 

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August 16, 2020 7:09 PM
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La petite Scala de Bourges, écrin de rouge et d’or pour grand piano

La petite Scala de Bourges, écrin de rouge et d’or pour grand piano | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 

Par Brigitte Salino dans Le Monde 
Publié le 14 août 2020 
SÉRIE« Théâtres secrets » (5/5). « Le Monde » propose un tour de France des scènes à usage privé. Aujourd’hui, celle de Franck Ciup, qui a imagine sa salle comme un salon de musique pour son Steinway et ses amis. Inauguré en 2006, le Théâtre Saint-Bonnet est devenu le temple des pianistes.

 

Quand on arrive sur le boulevard Clemenceau, à deux pas de la cathédrale, rien ne l’annonce, sinon un écriteau discret sur une façade étroite. Le Théâtre Saint-Bonnet serait-il là ? Oui, c’est bien là, et on n’en doute plus quand arrive Franck Ciup, avec son grand sourire et ses boucles blanches. L’étonnement du visiteur ne surprend pas le maître des lieux. Il en a l’habitude, comme du « Ah oui » stupéfait quand il ouvre la porte : alors apparaît un théâtre à l’italienne avec ses ors et ses dorures, un lustre et des appliques de Murano, des chaises à l’assise rouge et un Steinway sur le plateau, ou plutôt un plateau sous le Steinway, qui occupe toute la place.

 

Car le théâtre est le royaume du piano. C’est pour lui qu’il a été construit. « Il sonnait trop fort dans le salon », explique Franck Ciup. Le salon est dans la maison attenante, une maison de ville avec un jardin aux herbes folles, une piscine sous une verrière, un escalier qui craque, à l’ancienne, et des chambres d’hôte, dont l’une est si vaste qu’elle accueille un billard.

 

Franck Ciup vit là depuis trente ans, avec son épouse Anna. Tous les deux sont des Berruyers d’adoption. Née en Afrique du Nord, elle est arrivée dans la ville du Printemps avec son père, militaire. Né à Clamart (Hauts-de-Seine), il est venu à 5 ans avec ses parents. Un père expert-comptable, une mère dans la confection, et une passion, le piano. « Je l’ai étudié à l’Ecole normale de musique de Paris, dont je suis diplômé, précise-t-il. Mais, comme j’aimais bien être dans les tissus, avec ma mère, j’ai fondé une entreprise, avec ma femme. » Très florissante, l’entreprise de prêt-à-porter : elle s’appelle Col Claudine et a compté jusqu’à une trentaine de boutiques en France.

 

Franck Ciup s’était fixé un objectif : arrêter à 50 ans. Il s’y est tenu, prenant même de l’avance. Il avait 47 ans, quand son épouse et lui ont vendu la société. Jusqu’alors, il avait mené une double vie. « Je me consacrais à l’entreprise jusqu’à 14 heures, puis au piano, comme compositeur et concertiste. J’ai beaucoup voyagé, pour les deux. En voyant d’autres villes que la mienne, je me suis rendu compte à quel point Bourges était équilibrée et belle. » D’où l’ancrage berrichon et la maison où ont grandi sa fille, psychologue, et son fils, ingénieur du son qui travaille avec le chef d’orchestre Teodor Currentzis.

Ancienne grange

Dès le matin, à l’heure où les hôtes prennent le petit-déjeuner, Franck Ciup se glisse le long de la piscine et ouvre la porte qui donne directement sur la scène de son Steinway D de concert. Le théâtre niche dans une ancienne grange, très haute : « Au XIXe siècle, elle devait faire partie de ce qu’on appelle, à Bourges, les “maisons de colonel”, avec les chevaux en bas, et le foin à l’étage », suppose Franck Ciup, qui s’est passé d’architecte pour les travaux de transformation. Il a imaginé la salle en se souvenant de toutes celles dans lesquelles il avait assisté à des concerts, et en sachant qu’il voulait lui donner les habits d’un théâtre à l’italienne qui ressemblerait à une grande miniature de la Scala : « Et puis, ajoute-t-il, mon épouse et moi avons lu beaucoup de livres. »

Franck Ciup : « J’ai appelé un spécialiste, il demandait 80 000 euros. J’ai décidé de m’en passer »

Même chose pour l’acoustique : « J’ai appelé un spécialiste, il demandait 80 000 euros. J’ai décidé de m’en passer. De toute façon, la plupart des salles de concert ont une très mauvaise acoustique. Et on fait avec. Je dois dire que j’avais un espoir secret : la salle a la forme très simple d’une boîte à chaussures, comme le Concertgebouw d’Amsterdam et le Gewandhaus de Leipzig, dont l’acoustique compte parmi les meilleures. »

Pour l’aménagement et la décoration intérieurs, Franck Ciup a travaillé avec son ami décorateur Jean-Luc Charpagne, lui aussi un passionné de musique « sans qui Saint-Bonnet ne serait pas ce qu’il est ». Du rouge et de l’or, donc, un rideau de scène pourpre taillé dans des chutes du rideau de l’opéra de Monaco, des glaces qui démultiplient sans fin les perspectives latérales et un balcon pas trop pentu – « Je ne voulais pas qu’on ait le vertige, comme dans certaines salles. » Un soin particulier a été apporté au choix des matériaux qui réfléchissent et absorbent le son. Ainsi le parquet a été posé sur lambourdes, par un compagnon de France.

Salle privée et publique

La scène, qui supporte les 500 kg à 600 kg du Steinway est petite : 4,59 m de large, quand le piano en fait 2,76. Il est entré dans la grange par une porte spécialement conçue, et n’en a plus bougé. C’était en 2006, quand Saint-Bonnet a été achevé, après deux ans de travaux, et 150 000 euros d’investissement. A ses débuts, le théâtre n’avait pas de chaises. Franck Ciup l’imaginait comme un grand salon musical avec des canapés, qu’il prêterait à ses amis musiciens désireux de se roder avant de partir en concert. « Tout était conçu pour eux. Mais mon ami décorateur m’a dit : tu n’as pas le droit de faire venir de grands interprètes sans en faire profiter les habitants de Bourges. » Franck Ciup l’a entendu. Et il ne le regrette pas.

La plupart du temps, des pianistes viennent travailler en catimini, ou donner des concerts, eux aussi en toute discrétion.

En octobre 2006, il a invité Bertrand Chamayou à donner le premier concert officiel. Le pianiste a choisi un lied de Robert Schumann transcrit par Franz Liszt. « On s’est mis à pleurer, Jean-Luc et moi, au balcon, tellement le son était miraculeux. » Depuis, la salle est à la fois privée et publique. Chaque saison, une dizaine de soirées sont proposées aux Berruyers, qui ont pu assister au dernier concert en France de Vladimir Ashkenazy en juin, ou entendre Ivo Pogorelich l’année dernière.

 

Mais, la plupart du temps, des pianistes viennent travailler en catimini, ou donner des concerts, eux aussi en toute discrétion. Franck Ciup est fier de signaler que « c’est au Saint-Bonnet que Brigitte Engerer a enregistré son disque L’Invitation au voyage, avec le violoncelliste Henri Demarquette [sorti en 2007] ». Il précise aussi qu’il ne reçoit aucune subvention et qu’il n’en veut pas. Seul compte pour lui le bon plaisir d’une salle dont la marraine est la comédienne Marie-Christine Barrault et le roi, un Steinway qui sonnait trop fort dans un salon.

 

 Brigitte Salino  Bourges (Cher), envoyée spéciale

 

Pour son Théâtre Saint-Bonnet, achevé après deux ans de travaux et 150 000 euros d’investissement, Franck Ciup a fait appel à son ami décorateur Jean-Luc Charpagne. PHILIPPE BRAULT POUR « LE MONDE »

 

 

« Théâtres secrets » : une série en cinq volets

 

 

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July 28, 2020 5:34 AM
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Mort de Saskia Cohen-Tanugi, une metteuse en scène de théâtre audacieuse

Mort de Saskia Cohen-Tanugi, une metteuse en scène de théâtre audacieuse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Florence Vierron dans Le Figaro - 27 juillet 2020

 

 

Installée en Israël depuis une vingtaine d’années, elle avait marqué le théâtre parisien dans les années 1980. Elle s’est éteinte à 61 ans.

 

Même si elle avait quitté la France depuis une vingtaine d’années, on se souvient de la star qu’elle était en France dans les années 1980. La metteuse en scène de théâtre Saskia Cohen-Tanugi s’est éteinte la semaine dernière, en Israël, où elle vivait. Elle avait 61 ans et a été enterrée à Jérusalem.

Née à Tunis en 1959, passée par le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, où elle eut Antoine Vitez comme professeur, diplômée de l’Université hébraïque de Jérusalem et de la Sorbonne, elle a rapidement été repérée par ses enseignants. Il faut dire qu’elle n’a que 16 ans lorsqu’elle crée son premier spectacle. Passionnée de théâtre et de cinéma, véritable personnage de roman d’aventures, elle joue, en 1983, aux côtés de Sean Connery dans le James Bond Jamais plus jamais. La même année, on la voit dans Le Faucon, de Paul Boujenah. Lors de son passage en Grande-Bretagne, elle en profite pour suivre une formation au théâtre shakespearien et elle sera même correspondante rock de Libération à Londres !

Audacieuse, volubile, insatiable, elle impressionne très vite les grands noms du théâtre. C’est ainsi que René Gonzalez lui confie la mise en scène du Marchand de Venise, de Shakespeare, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, en 1983. L’année suivante, on la verra à Avignon présenter Docteur X Hero ou le dernier client du Ritz, un spectacle de science-fiction.

Toujours en quête de nouveaux territoires d’écriture, de science et de savoir, elle part en 1988 pour la Nouvelle-Calédonie, où elle travaille pendant un an à la préparation du Festival des arts du Pacifique. Mais elle avait la bougeotte. Dès 1989, elle est de retour à Paris, où elle met en scène au Studio des Champs-Élysées Le Banc, du Russe Alexandre Guelman, avec Élisabeth Depardieu et Jean-Michel Dupuis, un de ses grands succès. Sa curiosité l’entraînera ensuite vers un scénario sur l’Afrique contemporaine avec Patrick Grandperret.

Sa route croisera encore quelques stars, comme Kirk Douglas, qui interprète le rôle principal de Veraz, un film de 1991 qu’elle a écrit avec Xavier Castano. Bernardo Bertolucci lui demande de participer à l’écriture de Little Buddha et Diane Kurys fait appel à ses talents pour le scénario des Enfants du siècle.

Mais sa passion va au-delà de l’écriture. De 1995 à 1999, elle est chargée de la programmation artistique du Théâtre 13, à Paris. Puis elle enseigne quelques années à l’école du Théâtre national de Chaillot. En 1997, elle dirige Jean-Michel Dupuis dans L’Orage et la Prière, de Salomon Ibn Gabirol, un spectacle puissant et éclairé. Et en 1999 vient la consécration puisque son adaptation de Mademoiselle Else est nommée quatre fois aux Molières. Isabelle Carré repartira avec le Molière de la meilleure comédienne et Pascale Bordet avec celui des meilleurs costumes.

Puis elle s’installa en Israël, où elle enseignait et où elle a été responsable d’un atelier de théâtre à l’Université hébraïque de Jérusalem. Elle y a aussi dirigé de nombreux spectacles, des ateliers. Et écrit plusieurs œuvres (Caleb et Yoshua, Judith Epstein…). Attirée par des formes de pensée très différentes, elle s’était écartée du milieu théâtral parisien. Elle restera dans les mémoires comme une personnalité unique et lumineuse.

 

Légende photo : Saskia Cohen-Tanugi sur le tournage de Jamais plus jamais, au côté de Sean Connery, en 1983. Crédits : Warner Bros/Kobal/Shutterstock

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July 25, 2020 8:46 PM
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Scènes imaginaires : Ivo Van Hove

Scènes imaginaires : Ivo Van Hove | Revue de presse théâtre | Scoop.it

A chacun des metteurs en scène invités pour cette série des « Scènes imaginaires », nous demandons de choisir et partager avec nous les œuvres qui ont fondé et jalonné sa vie d’artiste.

 

Ecouter l'entretien (1h58)


Dans le cadre des « Bibliothèques de l’Odéon » – coproduction France Culture (service de la Fiction) et l’Odéon-Théâtre de l’Europe.            
A chacun des metteurs en scène invités pour cette série des « Scènes imaginaires », nous demandons de choisir et partager avec nous les œuvres qui ont fondé et jalonné sa vie d’artiste. Il s’agit finalement de s’interroger sur un « art d’hériter » et sur la nature d’une forme de transmission livresque pour des metteurs en scène qui ont choisi de mettre le texte au cœur de leur pratique artistique.            
Sur scène, Ivo Van Hove invite Juliette Binoche et Eric Ruf de la Comédie-Française à lire des extraits d’œuvres qui lui sont essentielles : Journal du voleur de Jean Genet, Les identités meurtrières d’Amin Maalouf, Agatha de Marguerite Duras, Foutainhead de Ayn Rand et "Djihad versus McWorld" de Benjamin Barber Il nous dira en quoi certaines de ces œuvres ont façonné son imaginaire et son esthétique, comment il dialogue secrètement avec elles, quelle connaissance intime il en a aujourd’hui et de quelle manière elles ont contribué à constituer son imaginaire et sa pratique de metteur en scène. Ainsi nous composerons un portrait dessiné sur le vif d’Ivo Van Hove, à travers un entretien, des archives et des extraits d’œuvres qu’il a choisis et qui sont lus par des acteurs qui lui sont chers.

Entretien de Ivo Van Hove par Arnaud Laporte
Lectures par Juliette Binoche et Eric Ruf de la Comédie-Française
Réalisation Sophie-Aude Picon
Equipe de réalisation : Benjamin Perru, Emilie Couet, et Léa Racine

Enregistré en public à l’Odéon-Théâtre de l’Europe le 7 novembre 2016

 

Légende photo Ivo Van Hove en 2020 Crédits : Bruce Glikas - Getty

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July 24, 2020 4:32 AM
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Théâtre : à Avignon, Tartagueule contre Rastaquouère

Théâtre : à Avignon, Tartagueule contre Rastaquouère | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge  dans Le Monde  24-07-2020

 

 

Au Palais des papes, Serge Valletti transpose les farces d’Aristophane dans le monde d’aujourd’hui.

 

Avignon avait de vrais-faux  airs d’Avignon, jeudi 23 juillet au soir. Sur la place du Palais des papes, les terrasses de cafés étaient – presque – pleines, et des créatures théâtrales, vêtues de costumes moyenâgeux, haranguaient le badaud pour le drainer vers quelque salle obscure. Pour un certain nombre de chanceux, dont la ministre de la culture, Roselyne Bachelot-Narquin, en déplacement à Avignon et à Arles, il y avait même une soirée au Palais. Pas dans la célèbre Cour d’honneur, lieu saint du festival, non, en cette année où l’épidémie de Covid-19 a privé les amateurs de théâtre de « in » comme de « off ».

 

C’est dans le cloître niché au cœur du Palais qu’avait lieu la soirée de clôture du « Souffle d’Avignon », une semaine de lectures de textes d’auteurs contemporains montée par les salles permanentes d’Avignon, qui ne se résolvaient pas à voir leur ville totalement privée de théâtre en ce mois de juillet. Comme elles, quelques lieux du « off » se sont débrouillés pour proposer des spectacles, en petit comité : à la Chapelle du Verbe-Incarné, Georges Feydeau, Colette, Laurent Gaudé et Guy de Maupassant se mêlent à des spectacles jeune public, jusqu’au 31 juillet ; à la Condition des Soies, Philippe Caubère joue Les Lettres de mon moulin, d’Alphonse Daudet, jusqu’au 25 juillet.

Serge Valletti ne fait pas toujours dans la dentelle, mais, autant qu’on puisse en juger, Aristophane non plus

Et c’est Philippe Caubère, vétéran d’Avignon, que l’on retrouvait, en compagnie d’Ariane Ascaride, de Bruno Raffaelli et de quelques autres, pour cette soirée intitulée Toutaristophane. Un titre qui rime avec Aristophane, et pour cause : elle était conçue par et autour de Serge Valletti, un auteur de 69 ans, qui, après avoir écrit ses propres textes, a entrepris, il y a une dizaine d’années, de traduire à sa façon les onze pièces qui nous restent de l’auteur comique grec.

 

 

Serge Valletti est un Marseillais d’Avignon, et c’est avec la verve et la gouaille de la cité phocéenne qu’il a transposé les farces d’Aristophane dans notre monde d’aujourd’hui. La pièce choisie pour cette soirée s’appelle d’ailleurs, dans sa version Valletti, Les Marseillais. A l’origine, elle s’intitule Les Cavaliers, et elle est une satire de la vie politique et sociale de l’Athènes classique, notamment pendant la période de la guerre du Péloponnèse. Elle voit s’affronter, pour gagner la confiance du peuple de la cité, un marchand de boudin, Agoracrite, et Cléon, homme politique et démagogue.

« Matamores de pacotille »

On voit qu’il a eu envie de s’amuser, Serge Valletti, avec cette histoire de marchand de boudin. Dans sa version, Agoracrite et Cléon sont devenus Tartagueule et Rastaquouère. Le second (interprété par Bruno Raffaelli) règne sur Marseille depuis longtemps déjà (toute allusion à un édile contemporain n’étant sans doute pas tout à fait fortuite). Le premier, tripier de son état, va se voir poussé par la vox populi à lui ravir le cœur de Madame Marseille, laquelle est incarnée, en chair et en os, par Ariane Ascaride.

Serge Valletti ne fait pas toujours dans la dentelle, mais, autant qu’on puisse en juger, Aristophane non plus. Le combat « homérico-farcesque » entre le vulgum pecus choisi par ses pairs – « on préfère encore être dirigés par quelqu’un d’aussi con que nous » – et le vieux politicien au cynisme bonhomme, les renvoyant tous deux dos à dos, a visiblement laissé rêveuse Cécile Helle, la maire (divers gauche) d’Avignon, tandis qu’il a semblé beaucoup amuser Roselyne Bachelot-Narquin.

 

 

C’est en tout cas Tartagueule, sommé de nettoyer les tripes sales de la ville, qui l’emportera, dans ce duel de « matamores de pacotille ». Une de ses grandes propositions sera de développer et de relocaliser la production de boucles de ceinture, selon un raisonnement imparable : comme tout le monde se la serre de plus en plus, la ceinture, les boucles s’usent. Tartagueule n’ira pas jusqu’à se demander ce qu’il en adviendra quand la population n’aura même plus de quoi acheter la boucle pour s’étrangler.

Le grand projet qui fera la joie de ses supporteurs et lui donnera la victoire définitive, ce sera de rétablir le défilé des majorettes lors des grandes occasions. Serge Valletti force le trait, par moments, dans cette comédie humaine très marseillaise. Mais on est bien obligé de reconnaître que la réalité ne lui donne pas toujours tort.

 

Fabienne Darge (Avignon (Vaucluse))

Légende photo : La ministre assiste a la représentation de clôture du festival « Le souffle d’Avignon », jeudi 23 juillet. ARNOLD JEROCKI POUR « LE MONDE »
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July 22, 2020 5:09 PM
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Vladimir, Estragon et le saule de Beckett

Vladimir, Estragon et le saule de Beckett | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde 21 juillet 2020

Auprès de mon arbre (2/6). L’unique élément de décor d’« En attendant Godot » est au cœur des questionnements de l’auteur sur l’existence.

 

« Route à la campagne, avec arbre. Soir. » En 1952, Samuel Beckett révolutionne le théâtre, avec une pièce qui met en scène deux clampins perdus au milieu de nulle part. Deux clowns métaphysiques lâchés dans le vide insondable du temps et de l’espace, seuls, absolument – ou presque. Seuls avec un arbre. Et deux autres zozos qui ne feront que passer. Au premier acte, l’arbre est mort. Au deuxième, « l’arbre porte quelques feuilles », indique la didascalie de l’auteur. Une seule nuit, pourtant, est supposément passée entre ces premier et deuxième actes.

Dans le grand art minimaliste de Beckett, homme d’une culture abyssale, l’arbre d’En attendant Godot occupe une place considérable. Un seul élément de décor, un seul symbole, mais plongeant ses racines au plus profond de mythes et de représentations multiples et millénaires. L’arbre devant lequel Vladimir et Estragon attendent Godot, avant d’envisager de s’y pendre, est au cœur de l’interrogation de Beckett sur l’existence et le néant, la damnation et le salut de l’homme.

 

Beckett lui-même, d’ailleurs, aimait les arbres. Il en avait planté dans le jardin de sa maison d’Ussy-sur-Marne (Seine-et-Marne), où il se battait contre les taupes qui ravageaient son terrain. « Deux négundos, un prunus, deux tilleuls et un cèdre qui commencera à ressembler à quelque chose cinquante ans après ma mort, s’il ne me précède pas dans l’au-delà », racontait-il. « Pauvres arbres, ils vengeront le saule de Godot », ajoutait Beckett.

Symbole d’immortalité en orient

Pourtant, l’inspiration de Beckett, pour cette pièce qu’il écrit entre la fin de 1948 et le début de 1949, est d’abord artistique, comme toujours chez lui. L’idée visuelle, apparemment, sort de deux tableaux du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich, admirés par Beckett à Berlin et à Dresde : Deux hommes contemplant la lune (1818) et Un homme et une femme contemplant la lune (1824). Les deux œuvres montrent deux humains seuls face à l’astre, dans l’unique compagnie d’un arbre qui ressemble à un saule pleureur. Sur le premier, l’arbre apparaît comme mort, ou dépouillé par l’hiver. Sur le second, il est bien vivant, couvert de feuilles.

En Russie, on a coutume de dire que « qui plante un saule prépare la bêche pour sa tombe »

Un saule, donc. Pleureur, a priori, mais dans En attendant Godot il n’est même plus en état de pleurer. Tellement étique et décharné qu’on ne peut pas s’y pendre, ou même se cacher derrière lui. « Décidément cet arbre ne nous aura servi à rien », remarquera Vladimir, s’adressant à son compère Estragon.

Un saule, et donc un arbre tout sauf anodin, chargé de significations religieuses et mythologiques, toutes liées à la mort. En Orient, il est symbole d’immortalité, sans doute parce qu’il est particulièrement vivace – un rameau planté en terre n’a besoin que de peu d’humidité pour revenir à la vie. Au Tibet, il joue ainsi clairement le rôle d’Arbre de vie. Chez les Indiens d’Amérique, c’est un arbre sacré, symbole du renouveau cyclique.

« Cap au pire »

En Europe en revanche, il incarne la mort, vraisemblablement en raison de sa morphologie, qui appelle des sentiments de tristesse. En Russie, on a coutume de dire que « qui plante un saule prépare la bêche pour sa tombe ». En Allemagne, comme nous l’apprennent les contes de Grimm, les vieilles légendes disent que les sorcières habitent dans la cime des saules, et qu’il faut donc tailler des flûtes en bois de saule pour chasser le diable.

L’Irlandais Beckett, né dans une famille protestante, nourri par la Bible, la philologie, la poésie, la philosophie, passionné par les langues, n’ignore rien de ces significations. Quand il écrit sa pièce, « le monde est encore sous le choc des terribles révélations sur les camps et des scènes d’horreur filmées par les libérateurs de Belsen, de Dachau, d’Auschwitz », écrit James Knowlson dans sa remarquable biographie de Beckett (Actes Sud, 2007). Un des amis proches de l’écrivain, Alfred Péron, est un survivant de Mauthausen.

L’arbre de Godot est donc bien au centre de la dialectique très fine tressée par Beckett. L’humanité sera-t-elle sauvée ou damnée, après une catastrophe qui a nié ses valeurs les plus fondamentales ? Est-elle morte avec les camps ? Comment peut-elle revivre après avoir frôlé le néant à ce point ? Beckett met « cap au pire », pour reprendre le titre d’un autre de ses textes. Et pour mettre à l’épreuve cette humanité, il y a l’arbre et ses quelques malheureuses feuilles.

« Intarissables »

Un des plus beaux passages de la pièce l’atteste. C’est au début du deuxième acte, Vladimir et Estragon constatent que, s’ils sont « intarissables »« c’est pour ne pas penser »« c’est pour ne pas entendre ». Ne pas entendre quoi ? « Toutes les voix mortes »« Ça fait un bruit d’ailes. – De feuilles. – De sable. – De feuilles. (Silence.) – Elles parlent toutes en même temps. – Chacune à part soi. (Silence.) – Plutôt elles chuchotent. – Elles murmurent. – Elles bruissent. – Elles murmurent. (…) – Ça fait comme un bruit de plumes. – De feuilles. – De cendres. – De feuilles. »

 

Ainsi se mêlent le bruissement des feuilles et celui des voix mortes, avec cet arbre qui a subi bien des avatars au fil des mises en scène de la pièce, comme le rappelle Nathalie Léger dans un précieux petit livre, Les Vies silencieuses de Samuel Beckett (Allia, 206). « L’arbre a été tour à tour un réverbère, un poteau télégraphique, un panneau de signalisation, un transformateur électrique, un portemanteau, une plante verte, un simple piquet, un épouvantail, une croix, encore une croix, il a été fait en métal, en fibre de verre, en plâtre, en vrai bois ramassé dans la forêt, en chêne menuisé, en fer forgé, etc. » « Arbre quand même », conclut-elle.

De nos jours, dans une interprétation écologique et même survivaliste, on pourrait se dire que Beckett laisse entendre que le règne végétal survivra à celui de l’humanité

« Seul l’arbre vit », constate Vladimir en le regardant, à la fin de la pièce. A ce stade d’En attendant Godot, l’arbre est bien la seule chose qui semble porter une – fragile – renaissance. De nos jours, dans une interprétation écologique et même survivaliste, on pourrait se dire que Beckett laisse entendre que le règne végétal survivra à celui de l’humanité. Chaque époque apporte ses représentations.

 

Mais pourtant ils sont bien vivants, ces deux clodos célestes perdus entre l’horizontalité de la route sans fin et la verticalité de l’arbre et du ciel. Ils paraissent même en pleine forme, lorsque se clôt cette pièce inépuisable. « Alors on y va ? », demande Vladimir. « Allons-y », lui répond Estragon. Au paradis ou en enfer, dans le monde des vivants ou dans celui des morts, telle est la question que pose un auteur qui s’est demandé si l’humanité valait l’arbre pour se pendre.

 

Fabienne Darge

 

 

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July 21, 2020 8:32 PM
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Entretiens avec Alain Cuny (3/5) 

Entretiens avec Alain Cuny (3/5)  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretiens avec Alain Cuny par Fernande Schulmann - 1976 sur le site de France Culture

 

 

3/5. Dans ce troisième entretien, le comédien évoque ses rapports avec les psychanalystes René Laforgue et Françoise Dolto, son entrée et ses débuts au théâtre chez Charles Dullin. (1ère diffusion : 07/01/1976),

Ecouter l'émission (28 mn)


Si Alain Cuny a été l'un des considérables comédiens de son siècle, il aurait pu suivre une toute autre voie, comme nous allons l'entendre dans le troisième des cinq entretiens qu'il accordait en 1975 à Fernande Schulmann. Encouragé par René Laforgue, l'un des pionniers de son introduction en France, Alain Cuny aurait pu notamment exercer la psychanalyse. * Il évoquait d'ailleurs dans cette émission son amitié de toute une vie avec Françoise Dolto.

 

 

Mais pour le plus grand bénéfice du théâtre, et du cinéma, ce fut bien comédien qu'il devint. Par hasard, si l'on peut dire, puisque le hasard avait le visage d'une jeune fille dans les pas de laquelle, comme va magnifiquement le raconter Alain Cuny, il débarqua un jour dans le cours de Dullin, dont le premier coup d'œil mesura sans hésiter la valeur de la pépite tombée du ciel sur son plateau.  Et alors que j’allais la quitter, c'était au théâtre de l'Atelier, Dullin est entré. Et Dullin entrant, un silence n'est-ce pas s'est établi, personne n'a plus bougé, et moi-même je n'ai pas pu me lever et m’en aller. Si bien que Dullin a cru que j'étais un nouveau. Il m'a demandé si j'avais déjà travaillé, je lui ai dit non. Alors il m’a conseillé de travailler un passage d'une pièce élisabéthaine de Ford qui est 'Dommage qu’elle soit une Putain'. (…) Je n'avais aucune idée de ce que c'était que de faire du théâtre, je ne savais pas ce que ça signifiait."

 

Pour conclure cet entretien, Alain Cuny disait sa passion pour l'alexandrin :  Un beau vers dit dans l’intimité, dans l’intuition, dans le discernement de l’esprit de l’auteur, quand on arrive à cette perception, on peut presque suivre l’exercice déchirant nécessaire à la réalisation, à la naissance d’un beau vers. Et c’est tellement poignant qu’il suffit de l’avoir compris pour devenir poignant à notre tour.  Par Fernande Schulmann - Avec Alain Cuny Entretiens avec Alain Cuny 3/5 (1ère diffusion : 07/01/1976) Indexation web : Sandrine England, Documentation sonore de Radio France Archive Ina-Radio France

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July 21, 2020 4:20 PM
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Baltass et close-up de Yann Frisch, dans le cadre de Paris l'été

Baltass et close-up de Yann Frisch, dans le cadre de Paris l'été | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Catherine Robert dans La Terrasse - 21 juillet 2020

 

Yann Frisch reprend le spectacle Baltass, grâce auquel il est devenu champion de France et d’Europe de magie en 2011, puis du Monde en 2012.

 

Avec presque rien sinon le charisme stupéfiant de ceux qui parviennent à tromper les foules ravies d’être crédules, Yann Frisch transforme la magie en art poétique, fissure la réalité et se plaît à transformer les vessies en lanternes… Une simple tasse, une balle et un broc suffisent au magicien pour plonger le public « dans un univers kafkaïen, où la magie, la manipulation d’objet et le jeu burlesque sont au service d’une écriture millimétrée ». Avis aux esprits forts : inutile de chercher le truc derrière la poésie ! Le travail artistique commence avec l’oubli de la maîtrise technique et le plaisir pris à l’histoire que raconte cet ancien élève de l’École de cirque du Lido à Toulouse, qui considère que la magie est un langage capable de jeter des ponts entre les arts : mieux qu’un simple prestidigitateur, Yann Frisch est un véritable magicien !

 

Catherine Robert

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July 21, 2020 3:43 PM
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Une Vie de Gérard en Occident de de François Beaune, mise en scène de Gérard Potier

Une Vie de Gérard en Occident de de François Beaune, mise en scène de Gérard Potier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Manuel Piolat Soleymat dans La Terrasse 21 juillet 2020 

 

Seul sur la scène du Théâtre de Belleville, au sein d’un espace scénographique quasi vide, Gérard Potier interprète et met en scène Une Vie de Gérard en Occident, texte adapté d’un roman de François Beaune. Entre humour et réalisme social, une échappée dans la vie de « vrais gens » appartenant à la France que l’on dit « d’en bas ».

 

 

Une table. Une cagette. Quelques boites de biscuits apéritif. Des gobelets en plastique. La voix, le corps, la présence d’un comédien qui arrive sur scène en nous souhaitant la bienvenue dans la salle des fêtes d’un bourg imaginaire de Vendée, Saint-Jean-des-Oies, où doit se tenir une rencontre politique. Cet acteur, c’est Gérard Potier. En un peu plus d’une heure, il nous fait voyager dans l’existence d’un autre Gérard (Airaudeau), qui donne lui-même naissance à une galerie de personnages inventés par l’auteur François Beaune à partir d’histoires vraies collectées auprès de populations locales, lors d’une résidence effectuée à la Scène nationale de la Roche-sur-Yon. Des années 1970 à nos jours, c’est ainsi une vision du monde ouvrier de la France rurale que cette adaptation scénique d’Une Vie de Gérard en Occident* nous présente au Théâtre de Belleville, scène ayant rouvert ses portes aux publics dès le début du mois de juillet. Ce monologue s’y joue durant tout l’été. Sur un ton badin qui finit par glisser, l’air de rien, vers les territoires crus et troublants de réalités sociales souvent dramatiques, Gérard Potier nous parle ici des malheurs et des joies, des déterminismes qui orientent le cours des vies ordinaires, dont le texte de François Beaune s’attache à rendre compte.

 

La dureté de la condition ouvrière

 

Quelques faiblesses dans le texte et la mise en scène pourraient faire craindre, en début de représentation, à une création usant de facilités. Il n’en est rien. Car, peu à peu, l’univers auquel donne corps Gérard Potier se clarifie, s’affine, s’approfondit pour nous gagner à la cause des récits à hauteur d’homme qui se révèlent à nous. De l’enfance de Gérard Airaudeau dans un bar PMU à sa vie d’intérimaire balloté d’entreprise en entreprise, de l’accident de travail d’un employé de l’agro-alimentaire à son suicide après deux ans d’inactivité, de plans de licenciement en plans de licenciements qui laissent au bord de la route toute une génération de travailleurs, Une Vie de Gérard en Occident porte un regard simple et authentique sur la dureté de la condition ouvrière. Un regard sans pathos et sans misérabilisme. Un regard qui n’omet rien des petits et grands bonheurs formant aussi la matière de destins traversés, comme tous les autres, par la question du bonheur, de la mort, du racisme, de l’orientation sexuelle… Tout ceci nous est offert, sur scène, avec netteté et sincérité. Gérard Potier gagne le pari de la justesse. En toute sensibilité, il nous transporte du rire au sourire. Et du sourire à l’émotion.

 

* Le roman adapté pour le spectacle a été publié, en 2017, aux Editions Verticales

 

Manuel Piolat Soleymat

 
Une Vie de Gérard en Occident
du Mercredi 8 juillet 2020 au Dimanche 27 septembre 2020
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris.

Du mercredi au samedi à 19h30, le dimanche à 17h. Durée de la représentation 1h05. Tél. : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com

 
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July 21, 2020 10:56 AM
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Adieu Saskia Cohen-Tanugi

Adieu Saskia Cohen-Tanugi | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe du Vignal dans Théâtre du blog - 21 juillet 2020

 

L'hommage de Philippe du Vignal :

 

 

Elle avait cinquante neuf ans. Cette metteuse en  scène française de théâtre, était aussi scénariste et professeur d’art dramatique. Diplômée du Conservatoire National  et de l’Université Hébraïque de Jérusalem, elle avait aussi suivi en Angleterre une formation au théâtre shakespearien. Elle joua dans Jamais plus Jamais, un James Bond avec Sean Connery et ensuite  mit en scène Le Marchand de Venise de Shakespeare au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis puis  en 84, Docteur X Hero ou le dernier client du Ritz de Mériba de Cades au festival d’Avignon et en 87 Bastien et Bastienne de Mozart.

En 1988, elle vécut en Nouvelle-Calédonie où elle travailla à la préparation du Festival des arts du Pacifique. Elle mit en scène au studio des Champs-Élysées, Le Banc d’Alexander Gelman et travailla ensuite avec Patrick Grandperret à un scénario sur l’Afrique contemporaine, puis avec Xavier Castano à l’écriture de Veraz dont le rôle principal est interprété par Kirk Douglas. Saskia Cohen-Tanugi fut ensuite chargée d’une étude sur  la programmation du Théâtre 13 à Paris. Elle travailla ensuite à l’élaboration du Vieil Homme et le Molosse pour Greg Germain, l’actuel directeur de la Chapelle du Verbe Incarné à Avignon.
Puis elle enseigna quelques années à l’Ecole du Théâtre National de Chaillot. En 1999, elle adapte Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler au théâtre, une pièce récompensée par plusieurs Molière. En 2000, elle dirige un atelier de théâtre à l’Université hébraïque de Jérusalem et écrira plusieurs œuvres sur le Proche-Orient : Caleb et Yoshua, Judith Epstein, La Vieille Femme du 55 rue Gabirol, Les Deux Jeunes Filles de Netanya, Avant qu’Ophélie ne…, Lettres d’intifada…

Personnalité attachante, d’une grande culture théâtrale et artistique, elle avait choisi depuis une vingtaine d’années de vivre et enseigner en Israël.

Philippe du Vignal

 

 

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L'hommage de Patrick Sommier :

 

 

Elle s’appelait Saskia Cohen Tanugi. Elle vient de mourir, en Orient, en Israël. Elle avait mis en scène au conservatoire, avec ses amis, au début des Années 1980, un époustouflant Roméo et Juliette rempli de fureur et de bruit. Un oratorio punk qui célébrait la jeunesse, la beauté et le théâtre. Le théâtre pour lui-même, comme une charge de centaures, l’explosion joyeuse d’une cartoucherie, une délivrance. C’est Rémy Kolpa qui m’avait alerté parce que c’était autant du théâtre que de la musique. René Gonzales lui a ouvert la scène du TGP à Saint-Denis où elle créa le Marchand de Venise, un autre Shakespeare au cordeau, au stylet, à coups de surin, violent, follement sensuel comme un tableau orientaliste. Elle continua, à Avignon où l’attendaient les garçon- bouchers de l’art théâtral ; Elle était follement belle, ça les rendait agressifs. Elle continua mais comme elle avait tout balancé dans son Zeppelin, elle erra longtemps dans les régions froides où l’oxygène se fait rare. Il lui aurait fallu plusieurs vies. Elle avait quelque chose de Rimbaud qui avait tout donné puis s’était perdu dans les sables. C’était un météore, un arc en ciel de nuit. Dans le ciel et la nuit où elle est retournée. Là ou ailleurs.

 

(publié sur sa page Facebook)

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La mort de Christian Biet, historien et spécialiste du théâtre

La mort de Christian Biet, historien et spécialiste du théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe-Jean Catinchi dans Le Monde - 20 juillet 2020

 

Professeur à Nanterre, où il a enseigné l’histoire et l’esthétique du théâtre, auteur de plusieurs livres sur la littérature du XVIIe siècle, il a publié en 2006 « Qu’est-ce que le théâtre », ouvrage devenu référence. Il est mort le 13 juillet, à l’âge de 68 ans.

 

Spécialiste de la littérature du XVIIe siècle comme de l’histoire et de l’esthétique du théâtre, Christian Biet est mort des suites d’un accident de la route, à Poitiers, le 13 juillet, à l’âge de 68 ans.

Né à Paris le 12 mai 1952, au sein d’une famille où l’école est centrale (une mère directrice, un père professeur en collège), Christian Biet perd son père à 14 ans, milite à la fin des années 1960 à Lutte ouvrière – l’ère du temps –, entre en hypokhâgne au lycée Condorcet et, auditeur libre à l’ENS Saint-Cloud, obtient l’agrégation de lettres en 1975. Il enseigne une dizaine d’années en banlieue parisienne, collège et lycée, tout en poursuivant un 3e cycle en littérature comparée, avant d’être chargé de cours à l’ENS, maître de conférences en 1986.

 

D’emblée le jeune chercheur s’oppose à la doxa pédagogique, rêve d’autres voies d’apprentissage, d’un regard actualisé sur le savoir à transmettre. Avec des camarades de son âge, Jean-Paul Brighelli et Jean-Luc Rispail, il entreprend pour Magnard une série de manuels « Texte et Contextes », exigeants au risque que ne pas « sécuriser » le lycéen.

 

Qu’importe ! Avec ses complices, que la nouvelle collection « Découvertes » chez Gallimard, enthousiasme, Biet prêche le savoir autrement. Il publie Les Miroirs du Soleil (1989), sur Louis XIV et « ses » artistes, plus tard un décapant et radical Don Juan (1998) et cosigne en bon camarade les titres consacrés à Dumas, Malraux et les surréalistes.

Le partage est essentiel. Avec la sociologue Irène Théry, Christian Biet livre un collectif, La Famille, la loi, l’Etat. De la Révolution au code civil (1989), proche des préoccupations de l’universitaire, qui avait consacré sa thèse de 3e cycle à Œdipe en monarchie. Publiée chez Klincksieck en 1994, elle abordait la périlleuse réception de la tragédie de Sophocle sous l’absolutisme quand les dramaturges osent présenter un roi fautif, une reine incestueuse et des héritiers illégitimes, exorcisant les terreurs propres à la famille et à l’Etat.

Energie et enthousiasme

Sans doute Biet aurait-il pu être éditeur – il le fut un temps pour Larousse, créant une éphémère collection de biographies, « La Vie, la légende », qui astucieusement mettait en balance le factuel d’un parcours réel et sa reconstruction dans l’imaginaire collectif, où lui-même signa un Henri IV, tandis qu’il confiait à l’ami Brighelli un Sade recommandable (2000).

Renouant avec son goût des monographies accessibles, Biet signe un ultime « Découvertes », Moi, Pierre Corneille (2006) peu avant d’intégrer comme membre senior l’Institut universitaire de France. Mais, si prenante soit-elle, l’activité éditoriale comme universitaire ne l’enferme pas. Et dès l’année suivante, Christian Biet entre au comité de rédaction de Théâtre/Public, revue créée en 1974 mais menacée, qu’il contribue par son énergie et son enthousiasme à relancer, assurant le soutien de l’équipe de recherche « Représentation » de l’université Paris-X-Nanterre qu’il dirige.

 

Des trésors dramatiques oubliés aux aventures contemporaines extra-européennes (Inde, Japon, Chine récemment), Biet s’attache à ce qu’on ne voit pas. Ou pas assez. Ainsi ce mémorable Théâtre de la cruauté et récits sanglants en France XVIe-XVIIe siècle (Laffont, 2006), qui interroge la portée morale du spectacle de l’effroi, exhumation capitale d’un répertoire négligé qu’il poursuit chez Garnier en 2009 avec Marie-Madeleine Fragonard en codirigeant Tragédies et récits de martyre en France (fin XVIe-début XVIIe siècle). Une façon de pourfendre les lieux communs et de décaper la vision des enjeux scéniques, tant pour comprendre le passé que pour se confronter au contemporain.

Interrogeant inlassablement l’hétérogénéité de ceux qui font le théâtre (auteurs, acteurs, metteurs en scène, régisseurs, mais aussi lecteurs et spectateurs), Christian Biet a défendu une perspective capable de mobiliser tous les enjeux (écriture, architecture, voix et gestuelle, esthétique et idéologie) du spectacle vivant. Largement traduit tant il est indispensable, Qu’est-ce que le théâtre ? (Gallimard, 2006), l’ouvrage capital qu’il cosignait avec Christophe Triau, reste une référence pour son propos comme pour l’audace de son regard qui voit la scène comme le lieu même de la vie. Consulté par d’exigeants metteurs en scène (Olivier Py, Stanislas Nordey), Christian Biet était un interlocuteur ouvert et stimulant. Nous reste son message.

 

 

Philippe-Jean Catinchi

Christian Biet en quelques dates

12 mai 1952 Naissance à Paris

1989 « Les Miroirs du Soleil »

1994 « Œdipe en monarchie »

1995-2020 Enseigne l’histoire et l’esthétique du théâtre à Paris-X-Nanterre

2006 « Qu’est-ce que le théâtre ? »

13 juillet 2020 Mort à Poitiers

 

Légende photo : Christian Biet Collection privée

 

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July 21, 2020 5:02 AM
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Sur les hauteurs d’Annecy, un rando-spectacle dans les alpages

Sur les hauteurs d’Annecy, un rando-spectacle dans les alpages | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde, 20 juillet 2020

 

« La Grande Balade » a réuni une centaine d’artistes pour une échappée enchantée.

 

Cloches de vache à l’arrivée comme au départ. Bienvenue à la station du Semnoz, sur les hauteurs d’Annecy. Entre ces sonnailles, toute une gamme d’instruments se sont faufilés parmi les sapins : gros tambours, koto japonais, saxo, guitare, harpe, clavecin, viole de gambe… Cacophonie dans les alpages ? Jeu d’échos subtilement diffusés par monts et par vaux pour La Grande Balade, rando-spectacle de deux heures avec 24 performances et une centaine d’artistes, proposée les 18 et 19 juillet, sur 9 kilomètres de sentiers.

On chemine tranquille, on s’assoit dans l’herbe, on rêve et contemple les performers et les paysages. On rit de temps en temps

Un coup de télécabine et hop, on atterrit à 1 700 mètres d’altitude. A la seconde, on respire mieux, on ventile fluide, on s’aère les neurones en profitant d’un point de vue magique sur la vallée avec, lorsque le temps est dégagé, la possibilité d’apercevoir le mont Blanc à l’horizon. La première image de cette opération inédite pilotée par Salvador Garcia, directeur de Bonlieu-Scène nationale d’Annecy, nous cueille et nous souffle. Planant plein ciel au-dessus d’un cirque de verdure, le funambule Nathan Paulin, petite silhouette lointaine épinglée tel un drôle d’oiseau dans l’azur, se balance. Sur son câble situé à 40 mètres de hauteur, relié par un harnais de sécurité, celui qui a parcouru sur un fil les 670 mètres entre la tour Eiffel et le Trocadéro pour le Téléthon en 2017 progresse pieds nus. De légers coups de vent soulèvent régulièrement son tee-shirt blanc, mais tout va bien. Sa voix remplit soudain l’espace. « Quand j’étais jeune, j’ai eu de mauvaises expériences avec le vide, confie-il. Quand on arrive à maîtriser une peur, on peut en maîtriser d’autres… » Le voilà qui s’assoit, puis s’accroche par un seul bras avant de s’allonger sur le filin. Il nage dans l’air.

 

Pour ce moment simple et sublime, très émouvant, Nathan Paulin a collaboré avec Rachid Ouramdane, codirecteur du Centre chorégraphique national de Grenoble. Il ouvre cette balade suivie, samedi 18 juillet, entre 11 heures et 17 heures, par 10 000 personnes. Sur les sentiers caillouteux du Semnoz, petits groupes d’amis, familles en vacances et habitants du coin se croisent. On chemine tranquille, on s’assoit dans l’herbe, on rêve et contemple les performers et les paysages. On rit de temps en temps. Les enfants ont peur du loup-garou qui soudain surgit. La circulation est fluide sous la houlette de guides qui régulent les flux des randonneurs et le planning des performances.

Un incroyable portique

La suspension, l’apesanteur et le vertige sont régulièrement au rendez-vous. Dans une clairière, la trapéziste et artiste de cirque Chloé Moglia a installé son immense perche incurvée baptisée « la Courbe » et pédale dans le vide, tranquillement sensuelle. Un parterre de personnes assises en tailleur l’accompagne en apnée dans ses évolutions méditatives. Quelques pas plus loin, on passe sous un incroyable portique. Une banderole clamant « Tout va bien » chute d’un fil tendu à neuf mètres de haut entre deux immenses sapins. En action, la funambule Johanne Humblet y avance avec sa perche tandis qu’en contrebas, installée sur une balançoire, une jeune femme revêtue d’un paletot en fourrure joue de la guitare, et c’est superbe.

 

Pour cette Grande Balade, première du genre, imaginée pendant le confinement, Salvador Garcia a fait appel aux danseurs, chorégraphes et metteurs en scène avec lesquels il collabore régulièrement. « Ce rendez-vous sur deux jours fait partie de la manifestation Annecy-Paysages et se déroule d’habitude dans les rues de la ville, raconte-t-il. A cause du Covid-19, j’ai pensé qu’on pouvait la déplacer en montagne. J’ai appelé la mairie et la préfecture, et c’était bon. En mai, j’ai fait les repérages dans les alpages et envoyé à chaque artiste des petits films montrant les sites où j’imaginais que sa performance pouvait se dérouler. Chacun a un rapport sincère avec le paysage, et cette proposition leur a donné l’occasion de développer cette relation avec la nature. J’ai aussi appelé les alpagistes pour que leurs troupeaux de vaches restent exceptionnellement un peu éloignés des sentiers de la randonnée. »

On déambule, enveloppé par les sons qui semblent jaillir du creux même des branches

L’inclusion dans la forêt de musiciens juchés et dissimulés dans les arbres est un délice. On déambule, enveloppé par les sons qui semblent jaillir du creux même des branches. Dans une clairière, l’équipe de circassiens de Saief Remmide se jette dans une envolée bondissante. Un trio de danseurs, sous la houlette de Jean-Claude Gallotta, lui succède et se risque à des étreintes tourbillonnantes et voltigeuses, signatures du chorégraphe, pendant que le saxophoniste Peter Corser improvise en douceur. Carrément installé au milieu du chemin avec sa plaque en bois comme caisse de résonance, le danseur et chorégraphe François Chaignaud, à demi-nu, frappe son plancher et cherche la voie de sa transe. Posés telles des sculptures sur les prés, l’escalier-trampoline blanc de l’acrobate et metteur en scène Yoann Bourgeois, codirecteur du CCN de Grenoble avec Rachid Ouramdane, et le jeu de cubes renversés, également blanc, de l’artiste de cirque Jean-Baptiste André, claquent sur le ciel bleu, composant un étrange alliage d’art et de nature.

Qu’il s’agisse d’extraits de pièces déjà existantes, de tentatives de performances inédites ou encore des répétitions d’une recherche en cours, ces morceaux choisis s’offrent une mise en beauté unique avec ce déplacement dans des paysages somptueux. Jusqu’au plateau installé spécialement pour le chorégraphe Philippe Decouflé et sa troupe qui semble serti dans un incroyable (mais) vrai fond d’écran verdoyant et montagneux. Et, lorsqu’on grimpe sur un tertre pour s’offrir un panorama d’ensemble, on profite à fond d’un tableau incrusté d’éléments insolites parmi lesquels, ici et là, les grappes de spectateurs multicolores se détachent, faisant vibrer la peinture pointilliste d’une Grande Balade infiniment miroitante.

 

 

La Grande Balade. Avec Bonlieu-Scène nationale d’Annecy, dans le cadre de l’opération Annecy-Paysages, à Semnoz jusqu’au 27 septembre.

 

Rosita Boisseau(Annecy - Haute-Savoie)

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August 17, 2020 3:56 PM
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Entretien avec Matéo Cichacki, directeur du festival de Villerville

Entretien avec Matéo Cichacki, directeur du festival de Villerville | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretien avec Matéo Cichacki*, directeur du festival de Villerville, propos recueillis par Philippe du Vignal, publié le 13 août 2020

 -Alain Desnot qui a créé et dirigé ce festival pendant six ans, a souhaité passer la main et vous a choisi  pour lui succéder. Fait exceptionnel, vous êtes nommé directeur à seulement vingt-trois ans…

 -C’est étrange mais, j’ai par la force des choses, toujours travaillé comme acteur avec des gens plus âgés que moi. Et sans difficulté. C’est un « petit » festival qui se déroule dans un village mais cela implique comme ailleurs  des responsabilités administratives et artistiques. Je demande régulièrement conseil à Alain mais il a choisi cette année de ne pas venir pour qu’il n’y ait pas d’interférences. En raison de la crise sanitaire actuelle, ce sera une édition limitée; j’ai voulu qu’elle ait quand même lieu mais cette fois, sur un seul site: l’ancien garage.


Ce sera sur le plan de la programmation plus facile à gérer pour le jeune directeur que je suis. Et j’ai mis l’accent sur des auteurs contemporains. Restent les contraintes d’ordre sanitaire qui ne sont pas toujours simples à gérer: distanciation physique, mise en place de parcours fléchés avec flacons de gel hydro-alcoolique, billetterie et contrôle des entrées adaptés, réservation par internet avec quand même un petit quota de places à garder. Mais bon, nous n’avons pas de salle de 300 places et Un festival à Villerville c’est une petite manifestation. Le Nouveau Théâtre Populaire près d’Angers, lui,  accueille 1.500 personnes par jour pendant dix jours ! Mais question jauge, ce n’est pas nous qui décidons et cela sera réglé au dernier moment. C’est cela le plus inquiétant…

Comme il a fallu en termes  budgétaires resserrer les boulons, j’ai décidé de pas faire appel à un traiteur et un cuisinier préparera, avec de nombreux bénévoles, les repas pour les artistes, les techniciens et le personnel d’accueil. Et il y aura une buvette pour le public. Je voudrais que le festival ait une dimension plus ludique et attire davantage de jeunes; l’an prochain, si tout va bien, on mettra en place à leur intention un camping à bas prix.
Toujours dans un souci d’économie, nous avons pu nous faire prêter des logements pour héberger les artistes et négocier des contrats  avec des gîtes ruraux. Et l’Hôtel Bellevue, qui nous consent des prix, restera notre partenaire habituel. Ce sont des problèmes d’intendance mais on sait qu’ils sont capitaux dans la bonne gestion d’un festival si l’on veut mettre toutes les chances de son côté. Merci au passage à la municipalité de ce village qui nous soutient. Comme la Région et le Département de Seine-Maritime.  La D.R.A.C. ne le peut pas car je n’emploie pas assez de professionnels: ici la directrice technique est la seule rémunérée. Et moi-même, je ne pourrais pas me payer cette année. Et j’ai juste une jeune administratrice qui, elle non plus, n’est pas  rémunérée mais juste défrayée.

-Autant  dire que vous êtes un peu sur le fil du rasoir… Comment réussissez-vous à faire en sorte que cela puisse quand même fonctionner ?

-Je dois vous avouer que ce n’est pas facile tous les jours, notamment quand il faut cautionner le matériel qu’un grand théâtre nous prête, quand il faut organiser au mieux le transport du dit matériel depuis Paris. Ou quand on dirige toute une équipe de bénévoles… Mais bon, à une quinzaine de jours de la première, tout est dans l’axe et j’ai heureusement avec moi des bénévoles qui sont très motivés…

-Et pour en revenir au programme de cette septième édition hors-normes?

-J’ai essayé dans la mesure du possible de diversifier les choses. Avec des acteurs et metteurs en scène reconnus qui sont déjà venus les années passées à Villerville: ainsi  Sylvie Orcier et Patrick Pineau, créeront Black March, une pièce inédite de Claire Barrabès.Théo Askolovitch avec son équipe, met en scène la pièce bien connue de Fausto Paravidino, La Maladie de la famille M. Et Tigran Mekhitarian réalisera un  Dom Juan de Molière modernisé. Sacha Ribeiro, avec sa compagnie Courir à la Catastrophe mettra en scène Œuvrer son cri une pièce qu’il a conçue. Et je mettrai en scène Le Monte-Plats d’Harold Pinter. il y aura aussi des lectures de textes contemporains, une performance et deux concerts les vendredi et samedi. Et l’an prochain, je souhaiterais qu’il y ait une majorité de spectacles créés in situ. C’est une des marques de fabrique de ce festival….

Philippe du Vignal

 Le festival de Villerville aura lieu du  24 au 26 août.
Réservations à partir du 18 août : par mail (à privilégier) et au  06 71 62 21 57. Et sur place au Garage, 10 rue du Général Leclerc, du 24 au 26 août de 14 h à 19 h et du 27 au 30 août de 10 h à 22 h.

 

* Le nom a été corrigé, par rapport à l'article original

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August 17, 2020 4:12 AM
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Sylvain Maurice : "Je ne suis pas inquiet sur le principe du spectacle vivant, je suis inquiet pour l’économie du spectacle vivant"

Sylvain Maurice : "Je ne suis pas inquiet sur le principe du spectacle vivant, je suis inquiet pour l’économie du spectacle vivant" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

PAR AMELIE BLAUSTEIN NIDDAM dans Toutelaculture.com

14 AOÛT 2020

 

 

Sylvain Maurice : « Je ne suis pas inquiet sur le principe du spectacle vivant, je suis inquiet pour l’économie du spectacle vivant »

Cet automne, Sylvain Maurice retrouve Vincent Dissez pour Un jour je reviendrai, un montage pertinent de deux textes de Jean-Luc Lagarce. L’occasion de se rencontrer pour parler du confinement, des conséquences du Covid sur le Théâtre de Sartrouville, et  bien sûr, de l’avenir. 

 

Alors, comment s’est passé le confinement ?

A titre personnel, plutôt pas mal, et le théâtre a toujours continué de fonctionner, on ne s’est jamais arrêté.

C’est-à-dire, comment avez-vous fonctionné pendant le confinement ?

Il y a plusieurs niveaux. Le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines est un lieu de création. Il y avait plusieurs problématiques. Il fallait continuer à être en relation avec les artistes, témoigner que malgré tout, l’avenir pourrait s’écrire.

Vous avez annulé les spectacles ?

Nous avons dû annuler beaucoup de spectacles de la programmation. Notamment Penthésilée qui en était au début de sa vie. L’urgence était de ne pas briser la relation avec le public. Notre territoire comporte des publics très divers dans leurs origines sociologiques et culturelles. Les relations publiques ont vraiment bien travaillé ; nous avons réfléchi avec elles à transformer les dispositifs en présentiel en dispositifs numériques, en « zoomentiel » en quelque sorte ! Et clairement nous avons perdu assez peu de public.

Avez-vous des exemples de ces pratiques numériques ?

Oui, par exemple les élevés des  options théâtre des lycées pouvaient se donner la réplique à distance. Nous n’avons jamais fermé boutique, et même certains ont plus travaillé que d’habitude. Les outils nous ont permis de réaliser des séances plénières où tout le monde était là, ce qui devient une transposition de ce qui était normalement de l’acting, du jeu. Il pouvait y avoir aussi des scènes que l’on jouait en numérique ; alors là c’est autre chose, c’est moins sur le groupe que sur des petits comités, des petites conférences Zoom. Et puis il pouvait y avoir aussi un travail de réalisation. Par exemple faire un solo, le filmer et l’envoyer au pédagogue ou à l’artiste qui dirige l’atelier.  Les formats sont finalement assez variés. Mais, il ne faut pas se leurrer, cela ne peut être qu’un moment et qui ne remplacera jamais le vivant. Cela nous a  juste permis de garder le lien, de ne pas fermer.

Et vous avez pour le coup vraiment « ré-ouvert » le 16 juin, je crois ?

Oui, depuis de 16 juin nous avons mis notre nouvelle saison en ligne, nous avons fait pas mal de petits films où je commente toute la saison. Et il y a une bonne réponse du public pour l’instant.

Je pensais que vous aviez reçu du public depuis le 16 juin.

Nous avons effectivement reçu du public, mais pas sur des spectacles. En revanche, nous allons faire des ateliers dès la mi-août. Avant cela, nous avons reçu les publics pour les conseiller pour les abonnements par exemple.

Donc la réouverture de la saison, ce sera avec votre mise en scène de Un jour, je reviendrai, avec Vincent Dissez, qui était immense dans Réparer les vivants. Ce n’est donc pas votre première collaboration avec cet excellent comédien, mais qu’en est-il de Lagarce ?

En fait j’ai déjà monté L’Apprentissage il y a une petite dizaine d’années quand j’étais à Besançon à l’école dramatique. C’était Alain Macé qui était un acteur qui avait travaillé avec Jean-Luc Lagarce qui m’avait proposé de le mettre en scène. Depuis Réparer les vivants, Vincent et moi nous voyons régulièrement, on lit des textes. J’avais l’intime conviction qu’il fallait réunir ces deux textes incroyables de Jean-luc Lagarce qui sont L’Apprentissage et Le voyage à La Haye. Et de les concevoir non pas comme un diptyque mais vraiment comme un spectacle qui aurait sa propre unité.

Ce sont deux textes que Vincent Dissez connaissait ?

Oui, il avait joué dans Le Pays lointain à l’Odéon, mis en scène par Clément Hervieu-Léger. Et il jouait le personnage de A qui est aussi dans L’Apprentissage et qui est plutôt l’assistant, le confident, l’homme de l’ombre qui n’est pas son amant, qui est un personnage avec qui il a des relations plutôt… Je ne vais pas dire d’amitié. Loïc Corbery jouait Lagarce, donc oui c’est une œuvre qu’il connaît bien. Mais là, c’est la première fois qu’il va s’emparer de ces deux textes qui sont à la fois très reliés et très différents.

L’Apprentissage est, au départ, une commande d’écriture de Roland Fichet, qui à l’époque officiait à Saint-Brieuc. Il avait passé une commande à toute une génération d’auteurs dont Didier-Georges Gabily, Philippe Minyana et Lagarce donc, avec la consigne : un récit de naissance. Lagarce parle d’une personne qui sort du coma, qui renaît à la vie et qui apprend à marcher, enfin d’abord à voir, à parler, à marcher, et donc c’est à la fois comme un jeune enfant, voire même un nourrisson, puis quelqu’un qui ferait ses premiers pas, puis ça s’arrête là, à la sortie de l’hôpital.

Et le second ?

Le deuxième texte s’appelle Le voyage à La Haye. C’est un récit plus factuel. Le premier est écrit un peu avec cette métaphore de la renaissance. A l’occasion d’une tournée à La Haye d’une de ses pièces, Lagarce en profite pour aller à Amsterdam revisiter les lieux de sa grande passion pour G. Mais il est rattrapé par la maladie puisque quand il revient à Paris, il est en train de perdre la vue. D’ailleurs, il en parle dans son journal. Il sait qu’il ne peut plus faire les mêmes choses du fait du Sida, il décide d’écrire des textes autobiographiques. C’est un projet qui est très conscient chez lui. Le voyage à La Haye a été créé par Hervé Pierre, dans une mise en scène de François Berreur, il y a une vingtaine d’années ; d’ailleurs Hervé était magnifique, mais à ma connaissance il n’y a pas eu de nouvelle mise en scène. Ce sont deux textes bouleversants.

Et est-ce que cette idée, monter une pièce qui parle d’un coma, est née pendant le confinement?

Non, mais ça va raisonner avec le confinement. En fait c’est un projet qu’on a depuis un an.

Est-ce un seul en scène ?

Oui c’est un seul en scène, il est tout seul, sans musicien.

Vous connaissez déjà vos axes de direction ?

Oui, on a déjà répété deux semaines. (NDLR : nous sommes alors le 22 juillet 2020). La première est le premier octobre, ça va arriver rapidement. Disons que le travail est très différent que celui sur Réparer les Vivants. L’écriture de Maylis de Kerangal est épique, elle englobe comme ça toute l’humanité, elle est une sorte d’odyssée du cœur, voilà un langage d’une communauté d’êtres humains autour de cette greffe. Là on parle vraiment de l’intime.

Vous l’avez pensé quasiment comme une lecture ?

Non, il y vraiment un dispositif scénique. Notre travail c’est de trouver la parole la plus simple. Celle qui permet de faire entendre toutes les contradictions du personnage. À la fois, il a envie d’être avec les autres parce que la troupe, le théâtre lui sont chers, même le maintiennent vivant, et puis en même temps, il a envie d’être seul dans une position presque de repli. Cela fait écho avec la dissociation entre le metteur en scène qui a toujours envie d’être avec les autres, qui est un homme ou une femme du collectif, et l’auteur qui est quelqu’un qui est plutôt confronté à la page blanche. Et c’est vraiment cette contradiction là, qui explique le titre : Un jour, je reviendrai qui est le projet qu’énonce Lagarce dans son premier texte et qui est une sorte de fantasme, en tout cas une vision.

C’est une phrase qu’il prononce ?

C’est une phrase qu’il écrit, ce n’est pas moi qui l’ai inventée, on en a même discuté avec François Berreur, qui gère les droits de Lagarce, et ce titre correspond tout à fait à un moment. Je cite de mémoire : il indique qu’il se prend à rêver qu’un jour il reviendra, plus élégant, et qu’il marchera dans la rue. Comme une espèce de projet, et c’est pas faux puisque c’est Vincent qui l’incarne. Vincent dit souvent – et ça me touche beaucoup – qu’il est un peu le fantôme de Lagarce, comme sa réincarnation au théâtre, qu’il est visité par le fantôme de Lagarce, et je pense qu’il y a vraiment cette idée là, qu’il est un peu revisité par Lagarce. 

La première partie de votre programmation n’a pas été modifiée.

Et bien si, j’ai dû modifier beaucoup. J’ai fait une programmation avec moins de « gros » spectacles.

Mais vous avez pensé une saison en deux temps.

Alors c’est un peu empirique ; on est un peu comme tout le monde, on essaie d’organiser nos pensées en fonction de l’épidémie.

Vous imaginez une première partie avec les mesures barrières puis une seconde avec un retour à la vraie normale.

C’est le souhait que je formule, j’espère qu’à partir de janvier on puisse retrouver la « vraie normale ». Mais peut-être que les données me donneront tort. De toute façon, on pourra jouer avec de la distanciation physique et des petites jauges aussi en deuxième partie de saison.

Comment ça se passe pour la première partie ?

C’est simple : une personne sur trois dans la salle avec les masques. Nous allons accueillir les gens avec toutes les mesures sanitaires.

Est-ce que cela fait tomber la jauge ?

Nous avons multiplié les levers de rideau, la jauge reste identique si on la pense dans sa globalité. Par soir, c’est en revanche un tiers de la capacité. Mais là où on aurait joué une fois, ou deux fois, on multiplie par deux ou par trois, donc il y a un coût supplémentaire. Bien sûr économiquement ce n’est pas viable sur le long terme.

Le théâtre de Sartrouville est un lieu public, un CDN, cela vous permet cette pratique.

Oui tout à fait, on peut le faire pendant un certain temps. C’est-à-dire que les budgets 2020, du fait du chômage partiel, vont être équilibrés. En revanche, à partir de 2021 si cela continue, nous allons sombrer. Les scènes subventionnées sont dans une logique économique que le chômage partiel a rendu possible. Sans cela nous serions dans une situation plus que critique. Cela ne pourra pas continuer indéfiniment.

Et donc comment avez-vous pensé la saison à l’année ? Vous avez des spectacles jusqu’en juin, par exemple l’Épopée de Johanny Bert. 

Le CDN est un partenaire constant de Johanny Bert. Nous avions coproduit Elle pas princesse, Lui pas héros qui a été repris au 14, et nous sommes coproducteur de l’Epopée. Concernant la saison, on ne pourra pas programmer plus qu’annoncé. Les budgets sont insuffisants. J’ai davantage privilégié les spectacles avec moins de monde sur scène pour pouvoir jouer plus longtemps. Les grandes formes sont repoussées dans le meilleur des cas. C’est la grande question, si cette crise dure, il faut tout repenser. Il y aura toujours du spectacle vivant, on jouera en plein air, on trouvera des solutions. Je ne suis pas inquiet sur le principe du spectacle vivant, je suis inquiet pour l’économie du spectacle vivant.

Visuel : © CDN de Satrouville

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August 16, 2020 6:45 PM
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Rencontre avec Eliott Lerner, comédien funambule.

Rencontre avec Eliott Lerner, comédien funambule. | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis parJean-Rémi BARLAND  pour le site DestiMed - 11 août 2020


Un homme jouant de la flûte, assis en tailleur au milieu d’une avenue, filmé de dos. Plus loin un autre court à perdre haleine. Des images d’une beauté à couper le souffle. C’est « Cattle » (en français « Bétail ») un court métrage puissant, fort et inquiétant, dérangeant, et magnifique, réalisé en 2019 par Dumas Haddad, un cinéaste anglais qui développe ici une sorte de métaphore quant à notre condition d’êtres humains asservis et pas décideurs de leurs choix.

 

 

 

Celui qui s’enfuit c’est Eliott Lerner, acteur surdoué et au pouvoir d’expression quasi magnétique. « Quand j’ai été contacté par l’assistant de Dumas, je ne savais pas trop ce que j’allais jouer, explique-t-il, je suis parti à l’aventure sans connaître véritablement le thème de ce court-métrage très expérimental car on ne m’avait pas donné le synopsis, et c’est par le retour images que j’ai saisi la force de ce film ». Né le 1er juillet 1990 à Paris, rien ne prédestinait pourtant Eliott Lerner à devenir acteur. Ayant appris le piano dès l’âge de cinq ans au Conservatoire classique de Paris, il découvre le jazz à quinze ans, auprès de pianistes tels que Yaron Herman, et Franck Avitabile. A quinze ans un professeur de français Eric Blaisse lui conseille de faire du théâtre. Mais il n’en fait rien ! Pourtant, trois ans plus tard, le bac en poche, il intègre la formation professionnelle des Cours Simon. « Je me suis dit tant que ça me plaît, je continue ! Il entre ensuite au Conservatoire du 5e arrondissement de Paris, de 2011 à 2014 avec Bruno Wacrenier puis Stéphanie Farison puis la Classe Libre du Cours Florent, où il travaille avec Jean-Pierre Garnier, sur « Les frères Karamazov  » pendant cinq mois. « Il se plaçait entre pédagogue et metteur en scène, précise Eliott Lerner, pas en tant que prof regardant un élève. J’ai beaucoup appris avec lui ».

Création de la Compagnie Charles Filant

Mais l’envie de partage fut si forte que l’acteur créa une compagnie appelée Charles Filant qui développait le concept de jouer dans des lieux publics, dans des cours d’immeuble, à la gare Montparnasse, multipliant les scènes dans des endroits inhabituels. « La Compagnie m’a appris à travailler en groupe, à monter des projets ensemble, en développant l’idée d’autonomie », confie-t-il.

Sur un fil… l’idée de vertige

Un jour qu’il répétait « Œdipe » de Sénèque avec sa compagnie, il s’est vu marcher sur un fil. « Si je tombe je meurs », se rappelle-t-il. « C’est à cet instant que je me suis dit que je voulais faire du théâtre, marcher sur ce fil, me mettre en jeu, me mettre en risque, me risquer. » Il aurait d’ailleurs pu reprendre à son compte la magnifique chanson d’Anne Sylvestre « Sur un fil  » qu’il n’a jamais écoutée. « Je suis le funambule et j’aborde mon fil. (…) Mais je marche, pourtant, je marche lentement. Je ne veux pas penser qu’on me ferait tomber. Pour rien, pour voir, sans méchanceté. Ce n’est pas méchant de souffler, de s’amuser à balancer le fil de ma vie. Le fil de ma vie. »

Le fil, frontière entre le monde réel et le monde de tous les possibles

On ne saurait mieux dire en parlant d’Eliott Lerner qu’il est un comédien funambule, un acteur exceptionnel de densité, dont le travail passe d’abord par le corps et ensuite par un esprit en éveil qui entre en communion avec le corps. D’une force qui s’impose jusque dans ses silences, inoubliable par sa seule présence, dont chaque apparition est un choc pour celui qui la reçoit, précis dans ses gestes, et dans son positionnement sur scène ou face à la caméra, Eliott Lerner tient beaucoup à cette notion de fil pour un comédien. « Le fil symbolise à mes yeux, un endroit sur lequel je marche et la frontière entre deux mondes : le monde réel et le monde d’à côté ; le monde de tous les possibles ». Et par son parcours d’illustrer sa pensée avec une constance rare.

« Iliade » d’Alessandro Baricco mis en scène par Luca Giacomoni créé avec des prisonniers

« En 2016, raconte-t-il, je reçois un coup de fil de Luca Giacomoni, un metteur en scène que je ne connais pas et qui me dit : "Je monte Iliade de Baricco en milieu carcéral, ça vous intéresse ?" Immédiatement emballé, je passe l’audition et j’ai le rôle de Ménélas qui est la cause de la guerre de Troie. Nous répétons en prison, et à l’extérieur et dix épisodes d’une heure sont joués au Théâtre Paris-Vilette, en 2017 et 2018. L’intégrale au Théâtre Monfort en 2018. Les prisonniers pouvaient sortir de prison pour jouer et ils y retournaient le soir. C’était incroyable. La mise en scène se voulait très sobre, comme en prison. Pas de décors, pas de lumières, pas de costumes. Des chaises placées en arc de cercle d’où nous racontions cette guerre, et à certains moments nous nous levions pour l’incarner, pour la jouer. Ces mêmes chaises devenaient alors des armes, des corps, des murailles, et pour finir le cheval de Troie. On racontait ici une histoire très ample avec une économie de moyens et l’accompagnement de la magnifique chanteuse iranienne Sara Hamidi. »

Amoureux des mots

Amoureux des mots, Eliott Lerner accorde une grande place dans son travail à leur signification, à leur force et à l’importance de trouver l’expression juste. « Lors du dixième et dernier épisode, je me suis vu confier le rôle de l’aède, la voix du poète, "la mémoire des gloires humaines". Ce rôle reste à ce jour l’un de ceux qui m’a le plus marqué. » Pas étonnant donc de découvrir que le comédien s’emploie à écrire lui-même, qu’il est un grand lecteur de Dostoïevski, (là encore des romans d’une chute annoncée), et qu’il aime travailler avec des metteurs en scène qui développent des mondes imaginaires. Ainsi Eric Bouvron, avec sa pièce « Marco Polo et l’hirondelle du Khan » dans laquelle Eliott Lerner joua en alternance le rôle titre avec Kamel Isker, un des comédiens fétiches du metteur en scène Jean-Philippe Daguerre. Fort de son succès et de son Molière obtenu en 2016 pour « Les cavaliers » d’après Kessel, Eric Bouvron engagea Eliott Lerner qui se trouva sur la même longueur d’ondes que lui. « Sa façon de mettre en scène m’a particulièrement intéressé , explique le comédien, il était dans l’accompagnement, dans la création et l’imagination d’un monde commun. Ce fut une belle rencontre. »

Le fleuve de larmes d’un auteur congolais

A la suite de l’Iliade Carine Piazzi contacta Eliott Lerner afin de l’embarquer dans l’aventure de sa mise en scène du texte « J’ai remonté le fleuve pour vous ! » du Congolais Ulrich N’toyo. « D’où je viens ? Congo-Brazzaville. Je te regarde en ce jour ô mon pays bien aimé et mon cœur hurle. Toi, posé sur l’équateur, tu avais tout pour devenir un Eden. Le soleil, l’eau et cette terre qui m’a vu naître… Qu’avons-nous fait de toi ? Qu’avons-nous laissé faire ? Alors que l’Eden est fleuri d’ordures, le Congolais lui boit sa bière chassant d’un geste agacé les moustiques qui le dérangent », dit en substance la pièce qui retrace une partie de la jeunesse d’Ulrich N’toyo. « Il raconte l’histoire d’un jeune qui grandit au Congo-Brazzaville avec l’amour de la langue française, avec des rêves, des espoirs qui vont être anéantis par le chaos de la guerre. Des années de colonisation, un pouvoir aujourd’hui gangrené par la dictature et les bakchichs, des arrestations arbitraires, des artistes appelés à se taire… Comment faire pour panser les blessures ? Passer à autre chose ?  », précisent les notes d’intention de la production. Porté par trois comédiens à savoir, Eliott Lerner, Claudia Mongumu, Josué Ndofusu qui incarnent tous le narrateur et les différents personnages : les habitants, les mafieux, les professeurs, la mère, les amis etc, la pièce qui bénéficie de la dramaturgie tout en nuances d’Alice Carré, détaille le contexte historique, et géopolitique précis, et vient dessiner l’évolution de jeunes adultes dans ce pays instable.

« Les 3000 » de Hakim Djaziri, la suite de « Désaxé » donné dans le Off d’Avignon 2019

Energie, sensibilité, émotion, présentes ici sur le plateau, sont également les maîtres-mots de ce qui nourrit le quotidien professionnel d’Eliott. Pour preuve sa participation à la pièce « Les 3000 » de Hakim Djaziri (titre en rapport à un quartier de Seine-Saint-Denis), et qui est la suite de l’exceptionnel « Désaxé  » qu’il nous fut donné de voir au théâtre du Train Bleu en juillet 2019 dans le cadre du Off d’Avignon. Réflexion sur le phénomène de radicalisation et sur le djihad, le propos de l’auteur, acteur, et metteur en scène secoue les consciences. Eliott Lerner qui n’était pas sur « Désaxé » apportera, à n’en pas douter un souffle neuf à l’univers très riche d’Hakim Djiaziri.

« Le théâtre est de l’ordre de l’éphémère »

Toujours en mouvement, sans cesse créatif dans sa manière d’appréhender le monde de l’art Eliott Lerner défend l’idée que « le théâtre est de l’ordre de l’éphémère », et aime qu’« il reste gravé dans le corps et le coeur des gens ». Pour preuve ces deux créations de spectacles auxquelles il participera en 2021. Un monologue écrit par Mariette Navarro, intitulé « Impeccable » qui va se jouer en avril 2021 sur la scène nationale de Dunkerque dans une mise en scène de François Rancillac. « Un jeune gars qui vient d’ailleurs, et qui a quitté son chez lui car il trouvait qu’il se renfermait sur lui-même, une écriture imagée, et naïve au sens propre du terme...tout ça me parle  » précise Eliott Lerner qui participera aussi à « Saint-Denis, Brazza, Lomé » d’Alice Carré -dramaturge sur « Le fleuve  », auteure de « Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre  » et « Et le coeur fume encore »- qui propose là une pièce sur les tirailleurs sénégalais.

Avec Eric Cantona et Guillaume Gallienne

De ses deux expériences télé-cinéma Eliott Lerner se souvient de sa rencontre avec Eric Cantona sur le tournage du téléfilm « Le voyageur  » réalisé par Stéphanie Murat. « Eric est un être assez doux, calme, et même si je ne lui ai donné la réplique que sur une seule scène cela restera comme une belle expérience. » Quant à son rôle de Simon dans le film « Maryline  » de Guillaume Gallienne il l’évoque avec enthousiasme. « J’y suis allé au culot...Je lui ai envoyé un mail pour tourner dans son film. La réponse est venue alors que je ne l’attendais plus. J’étais très heureux d’être pris et j’ai trouvé en Guillaume Gallienne un directeur d’acteurs très précis ».

Une grande connaissance du théâtre avec des propos aussi intelligents que ceux de Laurent Terzieff

Impressionnant de culture, Eliott Lerner, un des jeunes acteurs prometteurs de l’Agence Rush, dans laquelle Marie Brand suit son travail avec un soin particulier, possède ce don pas si fréquent chez les comédiens d’avoir une vision d’ensemble du théâtre. On a loué déjà ici la prestance, l’allant, la force presque animale de son jeu, on saluera également son intelligence esthétique qui se reflète dans des propos sur le théâtre et l’art en général dignes de ceux de Laurent Terzieff, acteur et metteur en scène qui sut mettre comme Eliott beaucoup d’oeuvre dans sa vie et de vie dans son œuvre…


Jean-Rémi BARLAND

 

 

Eliott Lerner : "se mettre en jeu, se mettre en risque, se risquer". (Photo Cha Gonzalez)

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July 27, 2020 6:06 AM
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Stéphanie Bulteau nommée à la direction de CIRCa, pôle national des arts du cirque à Auch

Stéphanie Bulteau nommée à la direction de CIRCa, pôle national des arts du cirque à Auch | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Gaêtane Rohr dans La Dépêche, 23 juillet 2020

 

 Stéphanie Bulteau, 46 ans, a été nommée directrice de CIRCa, le pôle national des arts du cirque à Auch. Elle succède à Marc Fouilland.

Stéphanie Bulteau, directrice de la scène conventionnée Le Séchoir à La Réunion, prend les rennes de CIRCa, le pôle national des arts du cirque Auch Gers Occitanie. Une décision prise par le conseil d'administration de CIRCa où siègent notamment des représentants de la mairie, du Grand Auch, du conseil départemental et de la Région. Une décision validée par le ministère de la Culture. Elle a donc été nommée à l’unanimité par le conseil d’administration de CIRCa et prendra ses fonctions le 15 septembre 2020.

Stéphanie Bulteau, âgée de 46 ans, développera un projet, toujours axé sur la création circassienne, qui accordera une large place aux arts du mouvement au sens large et à l’offre jeune public.
Programmations décentralisées

Elle poursuivra la présence de CIRCa sur le territoire, au plus proche de ses habitants, à travers le développement du festival sur l’ensemble de la ville d’Auch et la mise en place de programmations décentralisées dans le Gers, qui seront accompagnées de résidences et d’actions d’éducation artistique et culturelle hors-les-murs.

Elle poursuivra le travail initié concernant la structuration de la filière professionnelle régionale, notamment en lien avec l’école nationale supérieure du Lido à Toulouse. Très attachée aux valeurs de citoyenneté et de convivialité, elle maintiendra l’ouverture de CIRCa aux pratiques artistiques amateures.

Elle prend la succession de Marc Fouilland, qui, tout au long des 18 années qu’il a passé à la tête de CIRCa, a su faire du Festival du cirque actuel un rendez-vous incontournable pour le secteur des arts du cirque à l’échelle nationale et internationale tout en structurant un projet particulièrement ambitieux, rayonnant bien au-delà du territoire qui l’a accueilli.


Gaetane Rohr

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July 24, 2020 5:10 AM
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David Lescot, de retour en classe!

David Lescot, de retour en classe! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Yonnel Liégeois dans chantiersdeculture.com 24-07-2020

 

Dans le cadre du festival « Un été solidaire », se joue jusqu’au 29/07 au Théâtre de la Ville-Les Abbesses (75) J’ai trop d’amis ! Dans la mise en scène de David Lescot, l’auteur et artiste associé du lieu. Les états d’âme d’un jeune collégien, entre humour et tendresse.

 

 

Mains dans les poches et casquette vissée sur le crâne, dans la cour de récréation de son nouvel établissement il fait front ! Il n’en mène pas large, pourtant, celui qui joue au gros  dur… Face à lui, le directeur du collège égrène les noms des élèves qui composeront les diverses classes de sixième : se retrouvera-t-il avec sa bande de copains du CM2 ?

 

Las, pas de chance, il est projeté seul dans cette maudite classe de 6ème D, au milieu d’une bande d’irréductibles anonymes conduite par Clarence, le fort en gueule mais nul en thème… Un grand moment de solitude pour le jeune gamin qui va devoir gagner sa place en terre inconnue ! D’autant que les déboires s’accumulent en cette fin de journée de rentrée scolaire : sa petite sœur nouvelle élue en maternelle qui accapare l’attention de ses parents, le complot qui l’a propulsé délégué de classe sans même qu’il soit candidat. Pire encore : pas de chaussures de marque aux pieds, ni de téléphone portable en poche… Il y a vraiment de quoi en perdre ses repères, et le moral. Pendant près d’une heure de spectacle, dans un soliloque subtilement entrecoupé des babillements du plus bel effet de sa sœur et des commentaires pas très éclairés de son voisin de table, le jeune promu dans la cour des grands va capter l’attention du public, non sans humour et tendresse.

 

Un dispositif scénique d’une extrême simplicité, mais très ingénieux avec un coffre de bois qui devient en un tour de main table d’école, chambre ou salon familial, une écriture ciselée au cordeau, au plus près du langage des enfants de ce troisième millénaire…  Avec J’ai trop d’amis, sa nouvelle création à la demande d’Emmanuel Demarcy-Mota, le patron des lieux, David Lescot se la joue fort et juste ! D’abord dans sa prise au sérieux des interrogations et doutes à hauteur d’enfant, ensuite par sa maîtrise du jeu qui plonge tout son monde, petits ou grands, jeunes et leurs parents, sans mise au coin ou au piquet, dans l’imaginaire d’un temps révolu pour les uns et à venir pour les autres. Une interprétation fort ludique et inventive des interprètes, toutes féminines même dans les rôles masculins, entre rire et émotion pas une seule once d’ennui jusqu’à ce que la cloche sonne l’heure de la récré !

 

Yonnel Liégeois

 

 

La pièce sera reprise, du 4 au 14/11 au Théâtre de la Ville, espace Cardin-Studio

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July 23, 2020 1:53 PM
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Patrice Chéreau : “Le théâtre, c’est un contrepoison au malheur que j’avais en moi”

Patrice Chéreau : “Le théâtre, c’est un contrepoison au malheur que j’avais en moi” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié à l'occasion des 25 ans d'Inrockuptibles hebdo, le 20 juillet 2020

 

 

[25 ans d’Inrockuptibles hebdo] 

 

En novembre 1995, le metteur en scène monte pour la troisième fois Dans la solitude des champs de coton de son ami Bernard-Marie Koltès. Il accepte de nous rencontrer pour évoquer son parcours de jeune surdoué autodidacte devenu un maître adulé de la scène.

 

Patrice Chéreau — Très tôt, j’ai eu envie de faire des spectacles. En cinquième, à 12 ans, je faisais répéter mes camarades dans la cour de récréation. A cet âge-là, le cinéma ne s’impose pas, on n’a pas de caméra : j’ai fait avec ce que j’avais sous la main.

Du fait de l’activité de vos parents, votre statut d’artiste était-il déjà établi ?

Il y a une filiation totale entre mes parents et moi. Grâce à mon père qui m’a emmené au Louvre régulièrement quand j’étais très petit et me disait : “Ça c’est de la mauvaise peinture et ça c’est de la bonne peinture.” Mon père peignait, tous les amis qui venaient à la maison étaient peintres. On allait dans toutes les galeries, tous les musées. C’était un dialogue permanent entre la peinture et moi à travers mon père et ma mère. Mais je serais incapable de refaire les aquarelles que je faisais il y a vingt ans, je n’ai pratiquement plus touché un pinceau. Par contre, je dessine toujours des mises en place.

Etes-vous d’accord avec Genet lorsqu’il disait qu’on ne peut pas être un grand artiste sans qu’un grand malheur s’en soit mêlé…

En faisant ce métier, j’ai l’impression d’avoir donné un contrepoison au malheur que j’avais en moi. Le poison, c’était la difficulté de communiquer. Je garde un souvenir apocalyptique de mon adolescence, terrible d’absence de communication et de tristesse totale. Je n’en suis peut-être pas tout à fait sorti.

 

Pourquoi avoir choisi le théâtre ?

Le théâtre, c’était “faire”. Après, par contre, la grande expérience que j’ai eue entre 12 ans et 18 ans, c’est le cinéma : la Cinémathèque française où j’allais tous les soirs, parfois même deux fois par jour. J’ai vu tous les films qu’il fallait voir dans cette période-là, tout le cinéma américain, mais surtout l’expressionnisme allemand – ce qui m’a le plus frappé. Et puis, je voyais beaucoup de spectacles de théâtre : petit, j’y allais au moins une fois par semaine, avec mon argent de poche. Je ne peux pas dire pourquoi, c’était devenu une obsession monomaniaque. J’allais tout voir.

Et j’ai eu deux chocs : le premier spectacle que Planchon avait fait venir à Paris, vers 1958 ; et, dans les années 1960 – j’étais encore au lycée –, le Berliner Ensemble de Brecht. Ça m’a ramené au cinéma parce que Brecht y avait beaucoup réfléchi. Le cinéma, j’en ai fait un usage immodéré : tout ce que je sais, tout ce que j’ai appris, c’est très peu de spectacles de théâtre et énormément de films.

J’ai choisi le théâtre parce qu’il était à portée de la main. Je n’ai pas eu envie de jouer, mais de faire des spectacles. En troisième, au lycée Montaigne, je voyais arriver les affiches du groupe de théâtre amateur de Louis-le-Grand et je me disais : “J’irai les voir quand j’y serai.”

 

En seconde, personne ne voulait de moi car j’étais très introverti, et faire du théâtre est devenu une thérapie incroyable. Je n’étais même pas mauvais élève, tout m’intéressait, mais j’étais seul, j’avais des problèmes de relations, pas d’amis, je me renfermais en moi. Et quand j’ai commencé à faire du théâtre, je me suis senti un autre homme, un autre jeune homme. Je me suis sorti de l’ornière dans laquelle j’étais. Je suis toujours un peu deux personnes : facilement handicapé par des choses de tous les jours ou des relations avec les gens dans la vie, et pas du tout sur un plateau de théâtre ou de cinéma.

 

J’ai eu une révélation le jour où j’ai commencé à diriger des acteurs sur un plateau, je me suis dit : ‘Mais ça change la vie !”

 

Avez-vous essayé d’être acteur à cette époque ?

Oui, on me faisait faire de la figuration. J’étais monstrueusement timide, donc pas facile. J’ai gravi les échelons : des figurations avec un mot, puis deux, puis un jour on m’a donné le rôle d’un vieillard. En jouant un vieillard quand on a 18 ans, on apprend beaucoup : on est désinhibé parce qu’on ne se présente pas soi-même. Ce qui est toujours mon problème aujourd’hui en tant qu’acteur. Je n’aime pas la façon dont je marche, la façon dont je parle, la façon dont je me tiens. Les rôles de composition, c’est plus facile.

A la fin de Louis-le-Grand, j’ai commencé ma première mise en scène, en 1964 : un inédit de Victor Hugo, Une intervention. Et là, j’ai découvert non pas que je savais faire, mais que j’avais des idées tout le temps. J’ai eu une révélation le jour où j’ai commencé à diriger des acteurs sur un plateau, je me suis dit : “Mais ça change la vie !” : je savais organiser, je savais conduire et j’inventais. J’avais de l’invention alors que je n’en avais pas dans la vie.

“Etre écrivain est une passion totale et obsessionnelle qui ne laisse place à aucun autre travail”

Monter une école de comédiens à Nanterre, c’était la volonté de transmettre ?

Non, s’il y a eu un élève dans cette école, c’est moi. La décision est venue de la personne qui a eu en charge cette école, qui y a tout fait : Pierre Romans, qui disait toujours que ce qui fait un grand comédien est mystérieux – on ne comprend pas les mécanismes tellement c’est caché, lointain. C’est le produit de toute une vie, ce sont les sédimentations de toute une existence qui ressortent.

Ce qui est fascinant avec les jeunes, c’est qu’on découvre ce que c’est que d’être comédien tous les jours, quels sont les mécanismes, les blocages, la difficulté qu’il y a à travailler sur soi tout le temps, c’est-à-dire d’être à l’écoute de l’outil de travail qui est en soi. Il n’y en a pas d’autre : un instrumentiste a un instrument, il en joue bien ou mal, mais pour un comédien, il faut jouer de soi. Ça, c’est très mystérieux et très éprouvant.

 

Pourquoi n’avez-vous jamais tenté d’être l’auteur de vos pièces ?

Je ne suis pas écrivain. Un scénario, on n’a pas besoin d’être écrivain pour le faire : l’écriture définitive du film est au tournage, dans le montage, le produit final. Je ne suis pas écrivain et je n’ai pas envie de l’être. Il faut avoir une langue, je ne l’ai pas. Koltès, je voyais bien qu’il était hanté par l’usage de la langue, l’usage du français, il se battait tous les jours avec des mots sur une page. Etre écrivain est une passion totale et obsessionnelle qui ne laisse place à aucun autre travail.

“On peut ne pas aimer ‘La Reine Margot’, mais il y a un cinéaste dans ce film”

N’est-ce pas ces grands écarts qui brouillent votre image de metteur en scène ? Des pièces de Koltès aux opéras à Bayreuth, de L’Homme blessé à La Reine Margot ?

Il n’y a pas de message. Je crois qu’il y a un monde cohérent, qui est le mien, qui réapparaît dans tous les films et toutes les pièces. Je suis la même personne dans tous les cas. Je ne suis pas l’auteur des spectacles de théâtre que je fais, je n’en suis que le metteur en scène mais, par contre, j’essaie d’être l’auteur de mes films. Je suis long au cinéma, alors qu’au théâtre je suis très rapide. On peut ne pas aimer La Reine Margot, mais il y a un cinéaste dans ce film, il y a de vrais, de longs moments de cinéma, je le sais. Je n’ai peut-être pas réussi à faire un film complet qui serait un événement de cinéma total.

 

Un jour ou l’autre, on finira bien par me considérer comme un metteur en scène qui fait les deux. Ça ne se fait plus, alors que tous les exemples que j’ai, comme Welles ou Visconti, Bergman ou Kazan – je ne me compare pas –, ont fait les deux. Le cinéma mène un mauvais débat avec le théâtre : il est obsédé par l’idée de ne surtout pas être théâtral, alors qu’il y a de très grands films très théâtraux et que le cinéma est né du théâtre. Je revendique cette filiation et je revendiquerai toujours le passage de l’un à l’autre.

 

Je ne ressens pas un manque de reconnaissance, pas depuis La Reine Margot en tout cas. Mais comme je risque toujours d’alterner, je resterai à part. Attendons que je fasse encore trois, quatre films et on en reparlera.

 

>> A lire aussi : Patrice Chéreau, en 2003 : “Je vais toujours vers les choses les moins confortables”

 

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July 22, 2020 5:02 AM
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Face au Covid-19, les artistes prennent la rue

Face au Covid-19, les artistes prennent la rue | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau  dans Le Monde - 22 juillet 2020

 

 

Privés de représentations en salle, comédiens, danseurs et circassiens investissent l’espace public


Jamais vu ça ! La rue, poumon du confinement, génère un formidable appel d’air. Depuis quelques semaines, l’invasion d’artistes de tout poil sur les places, les marchés, au pied des immeubles, mais aussi dans les parcs, les jardins, prend une ampleur saisissante. L’espace public devient la scène estivale numéro 1.

 

Privés de théâtres, les comédiens, les danseurs, les circassiens s’y précipitent et se retrouvent au coude-à-coude avec les artistes de rue. Nécessité pour les premiers « poussés par le besoin de renouer avec le métier et les spectateurs », selon le metteur en scène Samuel Sené, auteur de la performance C-o-n-t-a-c-t, visible à Paris et Vichy (Allier), bientôt à Londres. Evidence pour les autres qui, comme la chorégraphe Nathalie Pernette, ont choisi depuis longtemps le plein air « parce que plus envie du confort des salles et désir d’aller à l’aventure dans des lieux toujours différents ».

Ce débordant été culturel, « brassage stimulant pour tout le monde », selon Fred Rémy, directeur du Festival international de théâtre de rue d’Aurillac (Cantal), souligne un mouvement esthétique de fond : « Il y a depuis quelque temps chez les artistes travaillant dans les théâtres un véritable appétit pour la rue qui permet de sortir des conventions scéniques et de casser enfin le quatrième mur. »

 

 

De fait, les performances in situ proposées de plus en plus souvent par des chorégraphes installés – par exemple, José Montalvo et Boris Charmatz – ou par le metteur en scène de cirque Yoann Bourgeois, témoignent de cet attrait pour des terrains de création plus escarpés que la boîte noire. « Le plein air permet d’amener les œuvres là où elles ne vont pas et offre des rencontres avec de nouveaux spectateurs en haussant leurs promenades quotidiennes d’un ton », estime José Montalvo.

Bouleversement sanitaire oblige, cette saison se construit à l’arrache. Alors que la plupart des 70 manifestations des arts de la rue ont été annulées, comme Chalon dans la rue (Saône-et-Loire) et Aurillac, ou reportées, la liste des nouveaux rendez-vous en extérieur s’allonge. De Paris, avec Un été particulier piloté par la mairie, à Mon été à Nice en passant par L’Eté à volonté, à Créteil (Val-de-Marne), sans oublier L’Eté culturel du ministère de la culture, les opérations spéciales s’additionnent.

« Réjouissant et nécessaire »

Cette reprise des activités, même fragile, est évidemment une excellente nouvelle. « C’est réjouissant et nécessaire,  s’enthousiasme Pascal Le Brun-Cordier, directeur du Master Projets culturels dans l’espace public, à la Sorbonne. L’espace public a été inaccessible pendant le confinement, puis réduit à une distanciation sanitaire, à une technique de flux et à la surveillance policière. Il est temps de retrouver ses trois vraies dimensions : poétique, sociale et politique» « Il faut restaurer le lien social qui est très abîmé, mais c’est un peu la panique tout de même,  renchérit la comédienne de rue Laetitia Lafforgue. On avait fait un trait sur notre été et il faut maintenant réagir vite et bricoler des interventions. »

 

Curieusement, dans cette ruée, les professionnels de l’espace public ne semblent pas avoir été les premiers mis dans la boucle. « J’ai été très peu contacté par ceux qui organisent soudain des manifestations dans la rue », constate Mathieu Maisonneuve, directeur de l’Usine, Centre national des arts de la rue, à Toulouse, et président du réseau des 14 Cnarep. Même commentaire de Caroline Loire, directrice de la saison d’Art’R, trente ans d’expérience tout terrain sur l’Ile-de-France : « Ça m’agace un peu que les directeurs de salles et les politiques ne fassent pas appel aux opérateurs qui connaissent le sujet. On dirait que c’est facile techniquement de planter des spectacles in situ, alors que c’est loin d’être le cas. »

 

 

Seraient-ils « dépossédés » de leur expertise, comme le résume mi-figue mi-raisin Caroline Loire ? Si cette offensive est « géniale pour créer des passerelles entre les arts » comme le reconnaît Jean-Luc Prévost (de la compagnie Les Goulus), président de la Fédération des arts de la rue, elle génère des frictions. Lui s’agace de « ceux qui viennent des salles et découvrent la rue car ils y sont contraints, comme par exemple le metteur en scène Thomas Jolly à Angers. Ils inventent l’eau chaude et leur ignorance est un peu affligeante. Que l’art bourgeois découvre l’espace public et s’en empare, avec plaisir, mais un peu d’humilité ! »

Egalement remonté, le metteur en scène Pierre Berthelot, de la troupe Générik Vapeur, prépare pour le 6 novembre un « grand raout » pour « alpaguer les politiciens » : « C’est le chaos. Je n’ai quasiment aucune date cet été et je vais me retrouver en octobre le bec dans l’eau sans avoir bossé alors que les autres vont jouer en salle. On est les grands oubliés mais aussi les grands énervés de quarante ans de pratique de la rue. »

Un statut marginal

Ces tiraillements rappellent combien le secteur le moins aidé de la culture (10 246 766 euros pour 1 000 compagnies répertoriées), possède un statut marginal. Et pourtant, comme le rappelle Mathieu Maisonneuve, « nous sommes les premiers produits culturels à l’exportation. » « Jouer dans la rue, ce n’est pas faire du théâtre dehors comme certains le pensent, affirme Laetitia Lafforgue. Il faut beaucoup de conviction et de militantisme. Si on choisit ce secteur par défaut, c’est bien simple, on n’y reste pas. »

José Montalvo, chorégraphe : « Le plein air permet des rencontres avec de nouveaux spectateurs en haussant leurs promenades quotidiennes d’un ton »

A quoi Nathalie Pernette ajoute : « Et si on y reste, c’est qu’on aime le danger du hasard. » Impossible en revanche « d’aller au contact des spectateurs », comme cette dernière aime le faire. La pandémie, après le terrorisme et Vigipirate en 2016, brime à son tour la liberté. « Alors même que l’espace public est démocratique et permet de casser tous les cercles, comment va-t-on interagir cet été ?, s’interroge Jack Souvant, de la compagnie Bonheur intérieur brut, également chroniqueur sur France Inter.

 

« Avec cette crise de l’interdiction, j’ai la sensation que l’espace public, de plus en plus policé, n’appartient plus aux artistes mais à la loi et au ministre de l’intérieur, et que l’on spécule sur la peur en déresponsabilisant les gens, ce qui arrange bien certains politiques, analyse Jean-Marie Songy, directeur du festival Furies de Châlons-en-Champagne (Marne). Il faut que nous retrouvions le théâtre d’intervention, que nous redevenions des hors-la-loi. »

 

Dans ce contexte de résistance, la notion de surprise chère à la rue resurgit, ainsi que des rendez-vous non annoncés. « Pour ne pas provoquer de gros rassemblements mais aussi pour détourner les contraintes auxquelles nous sommes confrontés, précise Claude Guinard, directeur du festival Les Tombées de la nuit, à Rennes.   L’espace public est sensible et encore plus après le confinement. Il y a eu beaucoup d’angoisse. Les gens ont besoin de formes, plus furtives, plus douces. »

Avec des SDF parisiens

Les petits formats et les performances légères tirent évidemment leur épingle du jeu. « Et c’est une bonne chose car les spectacles intimes ont souvent un peu de mal à trouver leur place dans les festivals de rue », commente l’universitaire Pascal Le Brun-Cordier. Parmi celles-ci, une tendance se détache depuis quelques années, celle des créations enracinées dans un territoire et une population. Actuellement en répétition et programmée à la rentrée, la compagnie Rara Woulib travaille avec des SDF parisiens pour son spectacle Moun Fou tandis que Julie Desprairies, habituée à vagabonder de la plage à la bibliothèque, est en immersion dans une ferme du Vercors pour Tes jambes nues, autrement.

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Cette évolution a aussi pour conséquence de fragiliser les grosses parades et productions ambitieuses, à la dimension des villes. « Cela risque aussi de creuser le fossé entre les formes de proximité et celles plus classiques des arts de la rue, en limitant les esthétiques », s’inquiète Pierre Boisson, directeur du festival de rue de Ramonville-Saint-Agne (Haute-Garonne). Indispensables pourtant sont les œuvres imposantes de Royal de Luxe, Générik Vapeur ou Oposito, qui génèrent des émotions collectives. Et ce frisson-là est unique !

 

Rencontre nationale des arts de la rue, le 6 novembre, Cité des arts de la rue, à Marseille. Réservation sur www.c-o-n-t-a-c-t.frL’Eté à volonté, Créteil (Val-de-Marne). Master class danse, en accès libre, dans différents quartiers, du 21 juillet et 26 août. Compagnie Bonheur intérieur brut. Jack Souvant, le 6 août, à Clermont-Ferrand.

 

Rosita Boisseau

 

 

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Légende photo :  « 360 degrés » par Générik vapeur, le 30 juin à la cité des arts de la rue, à Marseille. CAROLINE GENIS

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July 21, 2020 5:56 PM
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La Brèche de Naomi Wallace, mise en scène par Tommy Milliot -  Théâtre Paris Le Centquatre

La Brèche de Naomi Wallace, mise en scène par Tommy Milliot -  Théâtre Paris Le Centquatre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Anaïs Héluin dans La Terrasse - 13 juillet 2020

 

Avec La Brèche de Naomi Wallace, Tommy Milliot poursuit l’exploration des écritures contemporaines qu’il mène depuis la naissance de sa compagnie Man Haast en 2014. Tragédie de quatre adolescents, cette pièce déconstruit le rêve américain grâce à une mécanique implacable.

 

Depuis Lotissement de Frédéric Vossier, prix du jury Impatience en 2016, jusqu’à Massacre de l’auteure catalane Lluisa Cunillé créé au Studio de la Comédie-Française la saison dernière, en passant par Winterreise du Norvégien Fredrik Brattberg, vos choix de mises en scène se portent généralement sur des auteurs méconnus. Comment les découvrez-vous ?

 

Tommy Milliot : À l’origine de Man Haast, il y a en effet le désir de porter des textes d’auteurs vivants, en prise avec notre monde. Avec Sarah Cillaire, la dramaturge de la compagnie, nous formons tous les deux un micro comité de lecture. Nous lisons de très nombreuses pièces, grâce à diverses structures – la Maison Antoine Vitez, Théâtre Ouvert ou encore le festival Actoral – qui font dans l’ombre un formidable travail de mise en valeur des écritures contemporaines. Nous mettons en commun nos découvertes, et finissons par faire nos choix.

 

La Brèche semble se démarquer de vos choix habituels. Le texte est de facture plus classique, il est aussi moins abstrait que les autres. Son auteure, l’Américaine Naomi Wallace, est également plus connue que ceux qui ont jusque-là attiré votre attention.

T.M. : Si Naomi Wallace est assez célèbre dans son continent d’origine, elle est peu montée en France, bien qu’inscrite au répertoire de la Comédie-Française en 2009 avec Une puce, épargnez-la. Quant à La Brèche, je suis à ce jour le seul à l’avoir mise en scène. Cette pièce est en effet de facture plus classique que LotissementWinterreise ou Massacre. Ce qui m’intéresse chez elle, c’est ce qu’elle raconte : la tragédie de quatre adolescents, parmi lesquels une jeune fille, Jude, qui se sacrifie au nom du Rêve américain. En vain.

 

Cette tragédie brasse de nombreux sujets. Avez-vous cherché à en mettre certains en valeur plus que d’autres ?

T.M. : Tous les thèmes abordés dans La Brèche – l’instrumentalisation du corps féminin, la violence des laboratoires pharmaceutiques ou encore les rapports homme-femme – nourrissent selon moi une réflexion sur la domination. Mais je ne veux jamais faire passer de message. La mise en scène, pour moi, doit simplement ouvrir à chacun une voie personnelle au texte, à la fiction.

 

« LA MISE EN SCÈNE, POUR MOI, DOIT SIMPLEMENT OUVRIR À CHACUN UNE VOIE PERSONNELLE AU TEXTE, À LA FICTION »

 La scénographie tient dans votre travail une place centrale, à l’égal du texte. Comment avez-vous imaginé celle de La Brèche ?

T.M. : Notre exploration des dramaturgies contemporaines, au sein de la compagnie Man Haast, est associée à des textes contemporains, mais elle ne s’y limite pas. La construction de l’espace scénique est pour nous aussi importante que l’approche du texte, du jeu, de la lumière et du son. Avec Jeff Garaud, concepteur et constructeur des décors de la compagnie, c’est en travaillant avec les acteurs et un noyau de collaborateurs fidèles (Sarah Cillaire à la dramaturgie, Sarah Marcotte à la lumière, Adrien Kanter au son, Matthieu Heydon à l’assistanat à la mise en scène) que nous avons imaginé la dalle de béton qui sert de scénographie à La Brèche. Je voulais un espace qui soit concret pour de jeunes acteurs, dont c’était au moment de la création du spectacle la première expérience professionnelle. Elle représente la notion de fondation, ou plus précisément de « basement » en américain.

 

 

La pièce est construite selon un aller-retour entre deux époques, 1977 et 1991. Comment les avez-vous fait cohabiter au plateau ?

T.M. : Naomi Wallace souhaite voir jouer ses quatre personnages par deux distributions différentes. J’ai suivi ce désir, qui me semble très juste car en 14 ans, les corps et les personnalités changent. D’autant plus lorsqu’une telle période est marquée par une tragédie. Davantage qu’une ressemblance entre les quatre protagonistes des deux époques, j’ai recherché une vraisemblance. Toujours dans le but de permettre au spectateur de tracer son propre chemin dans l’histoire.

 

 

Parmi les points communs que l’on peut trouver entre les différents textes que vous avez montés, il y a le trouble et le secret. Comment définiriez-vous ceux de La Brèche ?

T.M. : Le secret, dans La Brèche, est particulier en ce qu’il est dévoilé d’emblée. La pièce n’est en est pas moins troublante, au contraire : ce qui perturbe, ce sont les 14 années auxquelles nous n’avons pas accès. La capacité de ses personnages à se détruire sans s’en rendre compte est un mystère épais.

 

Propos recueillis par Anaïs Heluin

 

La Brèche de Naomi Wallace

Mise en scène Tommy Milliot
du Mercredi 7 octobre 2020 au Samedi 17 octobre 2020
Le Centquatre
5 rue Curial, 75019 Paris

à 20h30. Tel : 01 53 35 50 00. www.104.fr

 

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July 21, 2020 4:02 PM
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La Grande Balade proposée par Bonlieu Scène Nationale d’Annecy

La Grande Balade proposée par Bonlieu Scène Nationale d’Annecy | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Mireille Davidovici et Marie-Agnès Sevestre dans Théâtre du blog - 21 juillet 2020 


La Grande Balade proposée par Bonlieu Scène Nationale d’Annecy

 A la sortie du confinement, Salvador Garcia a lancé l’équipe de Bonlieu à l’assaut du Semnoz, un plateau qui domine la rive ouest du lac d’Annecy et qui offre un vaste domaine skiable en hiver et des chemins de randonnée en été. Son idée : proposer dans ces alpages, une manifestation pluridisciplinaire, itinérante, sous forme d’une grande balade à la rencontre d’une centaine d’artistes, toutes disciplines confondues.

Aucun programme n’était annoncé, de sorte que les marcheurs, guidés par le son des instruments ou des voix, vont de surprise en surprise.  Habitants des environs, spectateurs fidèles ou randonneurs de passage, ont répondu à l’appel. Et quelque vingt-cinq mille personnes venues respirer l’air des cimes sur ces deux jours et humer les arômes de la Culture, ont rencontré des artistes aussi exigeants sur les sentes qu’à la scène. Preuve qu’une importante scène nationale peut proposer une manifestation de grande qualité ouverte à tous. Rien de mieux pour réveiller le théâtre de la stupeur où l’a plongé le virus et décloisonner les publics.  L’événement a mobilisé l’équipe de Bonlieu au grand complet, des dizaines d’intermittents et de bénévoles, sans compter chauffeurs de bus et opérateurs de la télécabine pour monter les visiteurs au sommet, la balade s’effectuant à la descente …


Au sortir de la télécabine, à 1.600 mètres d’altitude, les nuages descendent, déception : on ne verra pas le Mont-Blanc… Mais dans le coton blanc, la batterie de taïkos japonais, grands et petits tambours de la compagnie Taikokanou. Puissants battements de bras de Fabien Kanou, petits coups de baguettes secs de Mayu Sato  pour une cavalcade rythmique avant de finir au gong et à la flûte, tandis que se dispersent  les brumes matinales. Les spectateurs, déjà nombreux, sont rassurés par la réapparition d’un ciel bleu.

La musique accompagnera toute la descente coordonnée par Blaise Merlin. Avec L’Onde & Cybèle, il organise des itinéraires artistiques (prochainement à Paris : une déambulation le long de l’ancienne voie de chemin de fer, la Petite Ceinture). Il a su enchanter la forêt en postant des chanteurs et des instrumentistes dans les branches, avec Fanny Perrier-Rochas et ses airs byzantins, le Duo Ishtar (luth et harpe) de Maëlle Duchemin et Maëlle Coulange. Suivront des solos de violoncelle, violon et clavecin, au détour d’une clairière, et des duettistes qui mêlent ces cordes suédoises que sont les nickelharpas, à la guitare et la mandole. Le bien nommé Guillaume Loizillon, lui, peuple les herbes hautes de ses Zoophonies,  clameurs électroniques d’une faune imaginaire…


Les cailloux roulent sous nos pieds, on s’arrête et on tend l’oreille aux « jingles » sonores qui jalonnent la descente. Au fur et à mesure, les techniciens finissent d’installer quelques structures complexes et on ne verra donc pas toutes les propositions…

La musique guide aussi les nombreuses pièces présentées sur le chemin. Le saxophoniste Peter Corser soutient d’un souffle continu une chorégraphie de Jean-Claude Gallotta. Arlaud, Angèle Methangkool-Robert et Bruno Maréchal s’accordent et se désaccordent en solo, duo et trio pour une danse narrative fluide sur les vicissitudes de l’amour à trois.

Plus loin, trois musiciens loufoques coiffés de branchages disent la solitude de deux campeurs un peu paumés. En tenue parodique d’Adam et Eve, ils s’interrogent sur l’existence de Dieu. On reconnaît le style déglingué d’Yves Fravega et de sa compagnie l’Art de vivre … Plus poétiques, Les filles du Renard Pâle : Johanne Humblet, haut perchée pendant plus de quatre heures sur un fil tendu entre deux épicéas, manie lentement sa perche en se lovant autour du câble accompagnée par des berceuses au ukulélé.

Sur ce parcours de sept kilomètres, des bénévoles agitent au-dessus de la tête des marcheurs des pancartes invitant à la prudence et à rester à un mètre les uns des autres. Chacun cherche sa place dans l’herbe, au milieu des gentianes, en évitant les chardons et les bouses de vaches,  un enfant sur les épaules ou lové sur les genoux. En contre-bas, parviennent les applaudissements du groupe qui précède : on se sent nombreux et heureux dans cette nature sylvestre. Les artistes ont d’ailleurs joué les ambiguïtés de la faune et de la forêt : ils présentent presque tous une hybridation animale et/ou feuillue qui réveille les enchantements des contes et les peurs de l’enfance.

Des marcheurs prévoyants ont emporté un pique-nique et composent çà et là des campements provisoires…Les multiples propositions que danseurs, acrobates comédiens et performeurs enchaînent cinq à six fois dans la journée, jouent la forêt comme espace poétique et lieu de l’invisible, des esprits et des légendes. Le Semnoz se prête aux créations in situ, inspirées par le relief et la végétation alentour : la danseuse Sandrine Abouav devient une femme-gentiane, ondulant et rampant dans les hautes herbes entre chardons et fleurs des Alpes… Face à elle, Jade et Cyril Casmèze  de la compagnie Le Singe debout se sont métamorphosés en homme-loup et femme-renard, insolites et glapissants. Lise Ardaillon et Sylvain Milliot,  de la compagnie Moteurs multiples, mettent en scène une absence avec une tente vide, des bois de cerf menaçants, une voix off : le campement mystérieux de Sophie, disparue depuis quelque temps déjà ?

Une histoire à imaginer  comme celle de cet homme qui, descendu de l’arbre en dansant au bout d’un fil, gravit un immense talus qu’il débaroule pour regagner son perchoir et, tel Sisyphe, recommence ad libitum… Poétique comme Camille Boitel sait l’être !  Métaphorique aussi, la performance en plein champ de Yoann Bourgeois et Marie Vaudin : sur un plateau carré oscillant sur un pivot central, ils peinent à se rejoindre pour s’asseoir à la table placée au milieu du dispositif, douce ironie sur le couple et ses incertitudes …


Sur un petit terre-plein de gazon, entouré de fleurs blanches, dansent Hafiz Dhaou et Aïcha Mbarek, en habits de mariés. La voix de Marguerite Duras aux sonorités sèches, commentant Détruire, dit-elle, nous invite à revenir à l’état d’avant l’éducation, à retrouver la vie intérieure comme facteur de changement de soi…

Dans une clairière, François Veyrunes a ménagé une échappée belle d’une grande douceur. Un duo féminin, tendre et félin, dansé par Francesca Ziviani et Emily Mézières : la nudité des corps, l’un blond et l’autre brun, qui se mêlent en arabesques sur l’herbe verte, se confond avec la nature bienveillante. Un parapente glisse langoureusement au-dessus d’elles ajoutant une caresse imprévue à la caresse du vent.  Age d’or ou paradis perdu… comme en réponse à la pièce ironiquement tourmentée d’Yves Fravega …

En clôture, Philippe Decouflé, sur un large plateau, joue avec le mode plus classique de la représentation. Huit danseurs pour des pièces courtes aux registres variés qui traversent des périodes de son travail. Peut-être la moins surprenante des propositions réunies au Semnoz.

Nous n’avons pu voir le travail de François Chaignaud, de Fanny de Chaillé et Jérome Andrieu, ni apprécié Chloé Moglia suspendue à son arche, ni le funambule Nathan Paulin. Certains espaces n’étant pas encore prêts au moment de notre passage, ou trop bien cachés !. Impossible de citer tous ces artistes ni toutes les propositions. Chacun a répondu à sa manière à l’invitation, avec une forme d’humilité, un souci de retour aux sources. Aussi avons-nous vécu cette magnifique balade comme une offrande des artistes aux dieux du vent et de l’été, aux arbres et aux oiseaux.

 Mireille Davidovici et Marie-Agnès Sevestre pour Théâtre du blog

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July 21, 2020 11:37 AM
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After the end de Dennis Kelly, mise en scène par Antonin Chalon 

After the end de Dennis Kelly, mise en scène par Antonin Chalon  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Manuel Piolat Soleymat dans La Terrasse - 21 juillet 2020

 

Dans le cadre du programme Un été particulier de la Ville de Paris, Antonin Chalon recrée After the end, de l’auteur anglais Dennis Kelly, au sein d’un container installé dans l’enceinte du Square Wyszynski.

 

En 2019, à La Manufacture, dans le Festival Off d’Avignon, Antonin Chalon créait After the end, thriller psychologique de Dennis Kelly plaçant deux personnages — Louise et Mark — dans un “hors le temps” entre réalité et illusion. Cet été, le jeune metteur en scène adapte son spectacle pour une nouvelle version programmée par la Ville de Paris, en plein air, dans le XIVème arrondissement de la capitale. Installé sur des gradins, devant un container au sein duquel les comédiens Marie Petiot et Nicolas Avinée se font face, le public assistera aux impulsions vertigineuses de ce « huis clos à l’hyperréalisme glaçant ». Un huis clos à travers lequel l’auteur anglais (né en 1970) explore les tensions que mettent en jeu deux individus réfugiés, suite à une attaque terroriste, dans un abri souterrain antiatomique. « Tout oppose Mark et Louise, explique Antonin Chalon. Lui est plutôt introverti, un peu geek. Elle est très à l’aise en société. Le rapport de force qui se joue entre eux évolue constamment. »

 

Une jeune génération en perte de repères

 « La victime peut ainsi se changer en bourreau, poursuit-il. La maîtrise de la situation échappe tour à tour à l’un, puis à l’autre. » Dans l’espace confiné de ce bunker coupé du monde, les deux personnages d’After the end laissent ressurgir leurs instincts primaires : désirs, manipulations, luttes de pouvoir et de territoire… « Dennis Kelly explore avec beaucoup de justesse les contradictions d’une jeune génération en perte de repères, fait remarquer le metteur en scène. Une génération bouleversée par la violence, la xénophobie et l’omniprésence des médias. (…) Nous avons réalisé un travail très rigoureux sur les dialogues, envisageant le texte comme une véritable partition de musique, avec ses temps, ses silences et ses crescendos. » Centrant sa représentation sur la direction d’acteur, Antonin Chalon s’attache ici à éclairer « la fragilité de personnages dépeints avec une précision toujours teintée d’une grande humanité ».

 

Manuel Piolat Soleymat

 

After the end
du Mardi 1 septembre 2020 au Samedi 12 septembre 2020
Square Wyszynski
rue Vercingétorix, 75014 Paris.

à 20h45. Relâche le 06 septembre. Entrée libre.

 

Réservation obligatoire : reservationsaftertheend@gmail.com

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July 21, 2020 6:14 AM
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Le Lavoir Moderne Parisien est sauvé !

Le Lavoir Moderne Parisien est sauvé ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Stéphane Capron dans Sceneweb - 21 juillet 2020

 

La ville de Paris a préempté les immeubles de la Rue Léon dans le quartier de la Goutte d’or qui abrite le théâtre. Ils avaient été mis en vente pendant le confinement par son propriétaire, une holding luxembourgeoise. Le Lavoir Moderne Parisien, lieu de création dirigé par Julien Favart va ainsi pouvoir poursuivre son travail de dénicheurs de talents.

Cet hiver, juste avant le confinement, Etienne A, la pièce de Florian Pâque et Nicolas Schmitt créée au Lavoir Moderne Parisien a créé le buzz, à tel point que le pièce est reprise dans le privé au Théâtre La Scala. Le Lavoir Moderne Parisien sert à cela, à permettre à des jeunes compagnies à montrer leur spectacle.

Ancien lavoir de la fin du 19ème siècle, Le Lavoir Moderne Parisien est devenu un théâtre en 1986 et reste à ce jour l’unique théâtre du quartier de la Goutte d’Or. Le LMP est géré par l’association Graines de soleil qui fonctionne avec deux salariés permanents et des intermittents, qui vont pouvoir souffler, tout comme son directeur, Julien Favart qui va pouvoir continuer “à dénicher des pépites“, même s’il sait qu’il va falloir encore “se battre pour faire vivre l’équipe et convaincre tous les subventionneurs de la structure“. Mais la préemption du bâtiment par la ville de Paris est un premier pas. “Ce théâtre est un symbole de la lutte pour l’indépendance de la culture. Nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle page, ambitieuse et sereine, de son histoire” écrit sur son compte twitter, Christophe Girard, l’adjoint à la culture d’Anne Hidalgo. Le bâtiment sera rénové par un bailleur social qui en deviendra le propriétaire. La direction du LMP et la Ville de Paris doivent désormais se revoir pour évoquer le fonctionnement de l’association.

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July 21, 2020 5:16 AM
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Le rêve onirique de Novarina magnifié par Bellorini

Le rêve onirique de Novarina magnifié par Bellorini | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Olivier Frégaville - Gratian d'Amore, envoyé spécial à Villeurbanne - publié dans l'Oeil d'Olivier le 21 juillet 2020

 

 

En confiant à Valère Novarina la tâche de revisiter le mythe d’Orphée et d’Eurydice, Jean Bellorini souhaitait un voyage au pays des songes, des mots et des sombres merveilles. Encore en répétitions, Le jeu des ombres, dont la première était prévu dans la cour d’Honneur du Palais des Papes dans le cadre du Festival d’Avignon, semble dépasser toutes les espérances secrètes du nouveau directeur du TNP. Poétique épopée dans l’enfer des amours sacrifiées !

 

Au cœur du quartier des Gratte-ciel de Villeurbanne, aux faux airs de Manhattan, se niche dans une immense bâtisse blanche à l’architecture art déco, le TNP. Construit dans les années 1930 à la demande de Firmin Gémier et remanié à plusieurs reprises depuis par ses directeurs successifs, le lieu, gardien d’une certaine idée du théâtre, qui se veut « élitaire pour tous », comme dirait Antoine Vitez, dégage une aura singulière. L’arrivée en janvier de Jean Bellorini s’inscrit dans cette belle continuité. 

Jean Bellorini aux manettes
 

Après avoir admiré la façade, il est temps de pénétrer dans l’antre. Coronavirus obligé, c’est par l’entrée de service que l’on s’engouffre dans le bâtiment. La visite est rapide, dans quelques minutes, salle Roger Planchon, les répétitions du Jeu des ombres vont débuter. Sur scène, les comédiens en costume déambulent. Ils s’échauffent la voix, prennent possession des lieux, les apprivoisent. En chef d’orchestre, Jean Bellorini rassure les uns, encourage les autres, donne ses dernières recommandations, ses dernières notes.

Le chant de Verdi, les mots de Novarina

Chacun prend place dans un décor épuré rappelant quelques vieux greniers, quelques brocantes dédiées à la musique. La pièce plonge dans la pénombre. Un faisceau de lumière éclaire un petit groupe d’acteurs dont s’extrait Hélène Patarot. Regard déterminé, pas mesurés, elle s’avance vers les spectateurs. Madame Loyale du spectacle à venir, elle délivre avec délicatesse les tenants et aboutissants des amours du tendre Orphée et de la belle Eurydice. C’est le commencement d’un rêve ouaté où les chants opératiques de Monteverdi accompagnent les mots fantasques de Valère Novarina. Son écriture prolixe, extravagante et jubilatoire s’accorde à merveille avec les notes jouées en direct par trois musiciens. 

Des images à couper le souffle
Les images défilent, les tableaux s’enchaînent. De partout jaillit une troublante beauté. L’émotion est là palpable dans chaque intonation, chaque apparition. La scénographie d’une beauté tragique autant qu’onirique, signée Jean Bellorini et Véronique Chazal, envoûte, hypnotise. Le tout porté par d’épatants artistes : l’éblouissante Karyll Elgrichi, l’ahurissant Jacques Hadjaje, le gracile François Deblock, l’habité Marc Plas, la détonante Anke Engelsman, l’épatant Mathieu Demonté, l’étonnante Clara Mayer, l’extraordinaire Liza Alegria Ndikita, le prodigieux Ulrich Verdoni et la lumineuse chanteuse Aliénor Feix
Le rêve manqué d’Avignon

Encore à l’état d’ébauche, le spectacle saisit par son épure et son lyrisme. Comment ne pas penser à ce qu’aurait pu donner une telle œuvre, si riche, si intense dans l’écrin de pierres de la Cour des Papes. Profondément conquis par le travail de Jean Bellorini, on ne peut qu’avoir hâte d’assister à la première en octobre prochain, lors de la semaine d’art du Festival d’Avignon.

 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Villeurbanne

 

Le Jeu des Ombres de Valère Novarina
Répétitions au TNP

Semaine d’art en Avignon – Festival d’Avignon


Diffusion le 25 juillet 2020 sur France 5 à 23h20
Durée 2h00 environ

 

mise en scène Jean Bellorini assisté de Mélodie-Amy Wallet
avec Liza Alegria Ndikita, François Deblock, Mathieu Delmonté, Karyll Elgrichi, Anke Engelsmann, Aliénor Feix, Jacques Hadjaje, Clara Mayer, Hélène Patarot, Marc Plas, Ulrich Verdoni
euphonium Anthony Caillet
piano Clément Griffault
violoncelle Barbara Le Liepvre
percussions Benoit Prisset
collaboration artistique Thierry Thieû Niang
scénographie Jean Bellorini, Véronique Chazal
lumière Jean Bellorini, Luc Muscillo
vidéo Léo Rossi-Roth
costumes Macha Makeïeff
coiffure et maquillage Cécile Kretschmar
musique extraits de L’Orfeo de Claudio Monteverdi
direction musicale Sébastien Trouvé en collaboration avec Jérémie Poirier-Quinot

 

Crédit photos © Pascal Victor

 

 

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