Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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January 9, 2021 1:01 PM
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Danse : dans les coulisses de « One Shot », la pièce posthume d’Ousmane Sy

Danse : dans les coulisses de « One Shot », la pièce posthume d’Ousmane Sy | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde - 8 janvier 2021

 

Le spectacle, que le chorégraphe disparu le 29 décembre 2020 devait présenter lors du festival Suresnes cités danse, sera diffusé en direct le 10 janvier sur le site de France Télévisions.

« One Shot », d’Ousmane Sy. Dan Aucante/Théâtre de Suresnes Jean Vilar

Sensation inconnue et étrange que d’assister à une pièce posthume. Jeudi 7 janvier, au Théâtre Jean Vilar, à Suresnes (Hauts-de-Seine), les ultimes réglages du spectacle One Shot, d’Ousmane Sy (1975-2020) se déroulent dans un calme concentré. Mort d’une crise cardiaque le 27 décembre, le chorégraphe hip-hop, codirecteur du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne depuis 2019, devait ouvrir la 29e édition du festival Suresnes cités danse, le 8 janvier, avec cette production pour huit femmes, spécialement conçue pour la manifestation.

 

Dans ce contexte très émouvant, et celui de la crise sanitaire, One shot sera dansé à huis clos et retransmis en direct sur France.tv, dimanche 10 janvier. Un événement exceptionnel voulu comme un hommage à l’artiste. « C’est tout simplement l’honneur du métier de programmateur d’assurer la continuité d’un travail malgré les difficultés, confie Olivier Meyer, directeur du festival et du Théâtre Jean Vilar. Je connais et soutiens Ousmane depuis plus de vingt ans. Il a répété jusqu’au bout et son équipe a le courage nécessaire pour montrer la pièce. Si la fragilité de la création est accentuée, il va, je pense, en sortir quelque chose de très beau. »

 

Sur le plateau, huit danseuses du groupe Paradox-sal, fondé en 2012 par Ousmane Sy, « Baba » pour ses amis, font corps avec une intensité urgente, nerveuse, emportée par les musiques électroniques sous influence africaine de DJ Sam One, complice depuis 2003 d’Ousmane Sy. Cette afro-house, irradiée de voix féminines dont celles de Busiswa Gqulu, Ane Brun ou Nina Simone, mixées avec la collaboration d’Adrien Kanter, donne du ressort aux tricots de jambes rapides et légers des interprètes. « La house de New York et Chicago, ainsi que les sonorités d’Angola ou d’Afrique du Sud que nous avions découvertes Baba et moi en 2008, sont les couleurs musicales qu’il aimait, confie Sam One. Ce mélange permet de danser librement et d’ouvrir à des invités comme par exemple la flamenca Marina De Remedios. »

Chorégraphie-accordéon

Encadrées par un dispositif d’estrades aux niveaux différents, les interprètes s’éparpillent dans l’espace, se rassemblent. Elles laissent fuguer des solos, des duos, dont ceux merveilleusement secoués de Cintia Gotilin et Nadia Gabrieli Kalati. La souplesse de cette chorégraphie-accordéon, dont certains tableaux sont des citations de pièces précédentes d’Ousmane Sy, dégage la place à des poches de douceur et de silence. « Nous avions terminé la structure du spectacle avec Baba, précise la danseuse Odile Lacides, proche du chorégraphe depuis 2012. Ce sont les transitions qu’il a fallu fluidifier. Il était impensable pour nous de ne pas terminer ce que nous avions commencé avec lui. C’est un devoir de respect et One Shot est traversé par ce que Baba nous a transmis comme le fighting spirit et l’importance de relever la tête face aux épreuves de la vie… »

 

One Shot est la première commande d’Olivier Meyer à Ousmane Sy depuis leur rencontre en 1999. Jeune danseur, il avait auditionné pour Macadam Macadam, mise en scène par Blanca Li. Dans un entretien, qui devait figurer dans le programme de salle de One Shot, Ousmane Sy, qui évoquait le fait d’être programmé à Suresnes comme un « retour à la maison », racontait : « Macadam Macadam m’a permis de découvrir une nouvelle façon d’appréhender la profession. Etre guidé par une chorégraphe a été une expérience unique, qui m’a énormément inspiré pour la suite. Et d’interprète je suis moi-même devenu chorégraphe, grâce à la confiance d’Olivier Meyer. Cela a beaucoup joué sur la réception de mes créations auprès des différents programmateurs, sans doute rassurés par le fait de voir que mes spectacles fonctionnaient aussi bien auprès du grand public qu’auprès de connaisseurs. »

One Shot, d’Ousmane Sy. Le 10 janvier, à 17 heures, en direct du Théâtre Jean Vilar de Suresnes (Hauts-de-Seine), sur France.tv https://www.france.tv/spectacles-et-culture/theatre-et-danse/2204223-one-shot-de-ousmane-sy-au-festival-suresnes-cites-danse-2021.html

 

Rosita Boisseau

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January 9, 2021 11:49 AM
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Espagne : à Madrid, les salles de spectacle restent ouvertes

Espagne : à Madrid, les salles de spectacle restent ouvertes | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Reportage de France 2  -  6 janvier 2021

 

En Espagne, malgré l'épidémie de coronavirus, le spectacle continue. Madrid a rouvert ses salles après la première vague de l'épidémie et ne les a pas refermées depuis. 

 

Voir le reportage vidéo (3 mn)

 

Tous les soirs depuis le mois de juin, une centaine de personnes assistent au Don Giovanni de l'opéra de Madrid (Espagne). La ville a gardé toutes ses salles de spectacle ouvertes. Pour assister au spectacle, chaque mélomane doit d'abord passer sous le détecteur de température. Tout est analysé en détail sur une tablette que Gracia Toledo, infirmière, tient entre les mains : "Si quelqu'un a plus de 37,5 degrés, une alarme se déclenche".

Un million d'euros pour sécuriser la salle 

Le masque est obligatoire, un fauteuil est laissé libre entre les spectateurs et des lumières ultraviolettes ont été installées. Conseillées par les médecins, elles permettent de nettoyer la salle après une représentation. Les acteurs sont testés toutes les semaines et doivent limiter leurs contacts sociaux au maximum. Au total, un million d'euros a été investi. Le public est rassuré. "Je me sens complètement en sécurité, j'ai le sentiment que toutes les mesures sont bien respectées, je n'ai pas hésité avant de venir", explique une spectatrice. "Avec la réouverture des salles de spectacle dès le mois de juin, la culture a mieux résisté à Madrid que dans le reste du pays. En Espagne, le secteur culturel est l'un des plus touchés par la pandémie, avec des pertes de près d'un milliard d'euros", rapporte la journaliste Camille Guttin depuis Madrid pour le 20 Heures du mercredi 6 janvier. 

 

 

 

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January 8, 2021 4:46 PM
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Anne Alvaro, un(e) Hamlet tragicomique ciselé(e) par Gérard Watkins

Anne Alvaro, un(e) Hamlet tragicomique ciselé(e) par Gérard Watkins | Revue de presse théâtre | Scoop.it

En confiant à Anne Alvaro le rôle-titre de la plus célèbre pièce de Shakespeare, Gérard Watkins signe un spectacle rock et jazzy qui oscille entre tragédie et comédie burlesque. Actuellement en création au TnBA de Bordeaux fermé au public en raison des directives gouvernementales, le comédien et metteur en scène peaufine sa copie en attendant la réouverture des théâtres.

 

En ce mois de janvier gris, un froid glacial s’est abattu sur la capitale de la Gaule aquitaine. Rues dessertes, arbres squelettiques dénudés de leurs feuilles, portes closes, murs antiques, le quartier de la Sainte-Croix, au cœur duquel est installé le TnBA, semble en ce jour d’hiver, avoir des faux airs de plaines danoises, d’avant-garde d’Elseneur. S’il ne faisait jour, on pourrait imaginer croiser aux détours d’une église, d’un café, le fantôme du défunt roi, père d’Hamlet. 

Une création à huis clos

Dans les coulisses de la Salle Vitez, les techniciens s’affairent, les comédiens se préparent. Il ne reste plus que quelques minutes avant de monter sur scène et de jouer pour la première fois devant un public restreint de professionnels et d’employés du théâtre, Hamlet. La pièce aurait dû être créée, il y a de cela quelques jours, le 5 exactement. Les aléas de la pandémie et les règlementations gouvernementales de plus en plus contestées par un secteur à l’agonie, en ont décidé autrement. Toutefois Gérard Watkins, le metteur en scène, a souhaité présenter son travail et ouvrir la générale. 

La légende d’une vengeance

L’armée de Norvège menace les frontières danoises, affaiblies par la mort prématurée du Roi Hamlet. En convolant en justes noces avec la Reine Gertrude (facétieuse Julie Denisse) sa belle-sœur, remise de son veuvage en moins de deux mois, Claudius (détonnant Gérard Watkins) a pris le pouvoir reléguant son neveu Hamlet fils (troublante Anne Alvaro) au rôle de pantin. Tout à ses agapes, à ses joyeuses épousailles, le monarque auto-proclamé n’a cure de la guerre, seul son plaisir semble guider ses choix. La nuit sur le chemin de ronde, un spectre en armure dorée, ressemblant fort au défunt souverain, défie sa toute nouvelle autorité. Il réclame vengeance en révélant au jeune Hamlet, son empoissonnement par son propre frère, jaloux de sa trop grande félicité. 

Un Hamlet au féminin 

Amer, trainant sa peine, sa rancœur et ruminant ses représailles contre un oncle fratricide et incestueux, Hamlet ourdit son plan. Rageur, Indolent autant qu’implacable, le prince est happé par la folie, celle des innocents bafoués. Prêtant sa voix rauque si singulière, sa présence hiératique au jeune homme, Anne Alvaro offre au personnage une densité noire, une puissance mature. Humour froid, pince sans rire, elle est la victime consentante, lucide d’un oncle assassin. De la race des meurtriers, elle accepte sa mort sans broncher et entraine avec elle dans la tombe tous les conspirateurs, les comploteurs. Magnifique, tragiquement comique, la comédienne est un Hamlet délicieusement décalé, terriblement spectral. 

Un parti pris burlesque

S’attachant à montrer le grotesque du récit, Gérard Walkins creuse la veine du granguignolesque, de la pitrerie. Chantant et jouant de la guitare, égrenant les notes jazz et rock, il transpose la tragique histoire d’Hamlet au temps béni et festif de Belle Époque. Loin de perdre sa force, la pièce dévoile ses atours tragicomiques. Portés par une troupe de comédiens excellents dans l’art de la pantomime et la traduction très personnelle du metteur en scène, cet Hamlettire sur la farce triste, le drame clownesque quitte à tomber parfois dans le « too much » hystérique.

De petits anicroches que le temps devrait patiner, polir, afin de donner à cette version très habitée et intime de la plus fameuse œuvre de Shakespeare tout son éclat crépusculaire. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Hamlet de William Shakespeare
Création à huis-clos au TnBA en janvier 2021
3 Place Pierre Renaudel
33800 Bordeaux
durée 3h05

 

 

Tournée 
Du 14 janvier au 14 février 2021 au Théâtre de la Tempête (sous réserve) 
les 21 et 22 avril 2021 à la Comédie de Caen

Traduction et mise en scène de Gérard Watkins assisté de Lucie Epicureo et Lola Roy
Avec Anne Alvaro, Solène Arbel, Salomé Ayache, Gaël Baron, Mama Bouras, Julie Denisse, Basile Duchmann, David Gouhier, Fabien Orcier et Gérard Watkins
Lumières d’Anne Vaglio
Régie lumière de Juliette Besançon
Scénographie de François Gauthier-Lafaye assisté de Clément Vriet
Régie générale de Nicolas Guellier et François Gauthier-Lafaye
Son de François Vatin

Costumes de Lucie Durand assistée de Zoé Le Liboux et de Camille Barbaza
Couturière – Gwenn Tillenon

 

Crédit photos © Pierre Planchenault, © Gérard Watkins et © DR

 

 

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January 8, 2021 7:17 AM
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Nicolas Bouchaud, bien jouer !

Nicolas Bouchaud, bien jouer ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretien radiophonique avec Laure Adler, sur le site de France Inter, 4 janvier 2021

 

 

Ecouter l'entretien en ligne (54 mn)

 

 

Son instrument de travail au quotidien, c'est son corps. Nicolas Bouchaud raconte dans "Sauver le moment" (Actes Sud) le métier de comédien dans toutes ses facettes, de la relation au public, au rapport au texte. Alors que les théâtres sont fermés, le grand comédien se livre à une représentation exceptionnelle ce soir.

 

Il a joué aussi bien du Shakespeare que du Ibsen, du Molière que du Thomas Bernhardt. Sous la gouverne de metteurs en scène comme Jean-François Sivadier ou Didier-Georges Gabily, ou dans ses propres mises en scène, le comédien-acteur Nicolas Bouchaud est à l'aise tant dans le registre comique que dans le tragique. Il se singularise dans l'art dramatique par sa capacité à donner le sentiment qu'il est le personnage, tout en étant à côté, laissant l'homme toujours transparaître derrière le rôle. Nicolas Bouchaud incarne ainsi dans son sens plein le mot "jouer". 

 

"Enfant de la balle", fils de deux comédiens, il a toujours été baigné dans l'univers du théâtre, de la scène et du jeu. Dans "Sauver le moment", il écrit sur sa propre pratique du métier de comédien, le travail de la voix, l'exigence de ne pas tricher, le rapport au spectateur, cet autre, présent, qui écoute et qu'il faut en même temps captiver. 

 

Il devait monter sur les planches au début du mois de janvier pour une mise en scène du texte "Maîtres anciens" de Thomas Bernhardt au Théâtre de la Bastille, déjà repoussée en juin dernier à cause du confinement. Le comédien, qui s'est caractérisé par son engagement dans la défense du statut des intermittents en 2014, et par ses prises de position contre la réforme des retraites notamment, analyse, avec une colère froide, l'absence de politique culturelle dans la crise sanitaire qui frappe la France depuis mars 2020. 

 

Ce soir, dans L'heure bleue, Nicolas Bouchaud revient sur son parcours de théâtre et ses souvenirs de spectacles, le drame de l'arrêt du monde de la culture avec le Covid-19 et la préparation au retour sur les planches. 

 

Musiques :

  • Joe Strummer and the Mescaleros: « Coma girl »
  • Bach: « L’art de la fugue » Contrapunctus 1 (Contrepoint 1) par Grigory Sokolov.
  • François & the Atlas Mountains : « Coucou » 

Archives : 

  • Archive Ina non identifiée : Antoine Vitez parle de la pédagogie traditionnelle en art dramatique 
  •  Archive Ina de février 1992 : Serge Daney évoque sa capacité de révolte contre la morale sociale

Générique Veridis Quo des Daft Punk 

 
Les invités
L'équipe
 

 

Légende photo : Nicolas Bouchaud, acteur de théâtre et auteur de "Sauver le moment" (Actes Sud. Collection : Le Temps du théâtre). © AFP / Joël Saget

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January 8, 2021 6:34 AM
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Melly Puaux, la mémoire d'Avignon

Melly Puaux, la mémoire d'Avignon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog, le 4 janvier 2021

 

Elle avait débuté avec Chéreau et Vincent avant de devenir, auprès de son mari Paul Puaux, la sentinelle d’une époque glorieuse. On lui doit de nombreux ouvrages. Elle s’est éteinte à 77 ans.


A côté de Paul, si grand, comme un bel arbre des Cévennes, Melly Puaux semblait petite. Ils ne se quittaient pas. Un couple, un duo de travail. Des années, ils ont œuvré ensemble. Ils ont bâti.

 

La Maison Jean-Vilar, un des lieux les plus vivants d’Avignon et aussi des festivals car, si Paul Puaux succéda à la direction de la manifestation, à Jean Vilar, il ne fit jamais rien sans que Melly fut là. Associée intellectuellement et puissamment influente.
Cette femme pas comme les autres, s’est éteinte le 2 janvier 2021 dans sa chère maison de Prat-Souteyran, en Lozère.

C’est là qu’elle vivait presque complètement depuis plusieurs saisons. L’appartement de la rue de Provence, joli grenier de bohème, riche de souvenirs, de documents, elle l’avait encore occupé ces derniers temps, coincée par des ennuis de santé un moment. Mais, à Paris, elle n’était pas heureuse, malgré quelques amis et la chaleur de l’entourage de l’immeuble. Pas plus qu’elle ne l’était à Avignon, où elle possédait un charmant pied-à-terre. Mais elle mettait son honneur à n’y séjourner qu’hors saison, hors saison du festival, surtout.

Peu dire que cette femme intelligente et sans doute trop sensible, était en délicatesse avec la Cité des Papes et ses institutions principales. Tout la blessait.

Il y a plus de cinquante ans, Melly Touzoul était comédienne. Une Gelsomina,  avec ce  visage rond et ce regard vif et candide à la fois. Elle fait alors partie de la légendaire troupe du Lycée Louis-le-Grand avec Patrice Chéreau, qui dessine et imagine des décors, et Jean-Pierre Vincent, qui met en scène. On la voit sur toutes les photographies de l’époque. Maquillages très blancs, parfois. Ils ont vingt ans et quelque. Ils ont du succès. Chacun va suivre sa propre voie.

Melly Touzoul va très vite s’ancrer à Avignon. Elle gagne sa vie en travaillant pour la municipalité, dès 1967. La jeune femme est mise à disposition du Festival. Elle est secrétaire permanente. Elle va devenir la mémoire vive de l’histoire du festival. Elle connaît tout, et tout le monde. Elle est passionnée et très rigoureuse.

En 1977, elle épouse Paul Puaux (divorcé d’un premier mariage en 41) à la Mairie du XIXème, à Paris, face aux Buttes-Chaumont. Mais leur passion, c’est le sud. Paul Puaux est né en Ardèche. D’un côté et de l’autre du Rhône, très au sud, c’est là qu’est leur destin. Paul, né le 25 août 1920, était devenu, comme son père, instituteur. Pendant la guerre, il est résistant, très engagé et adhère au Parti Communiste. Il y sera sa vie durant fidèle, même s’il prend parfois ses distances. Il ne quitte l’Education Nationale qu’en 1967 pour devenir administrateur permanent du festival.


En 1972, Melly Touzoul publie, avec Jacques Téphany, époux de Dominique Vilar, la fille du sage de Sète, et futur directeur de la Maison Jean-Vilar, un ouvrage à la gloire du fondateur : Jean Vilar, mot à mot (Stock/Théâtre Ouvert éditeurs). Ce sera l’une des grandes œuvres de Melly Puaux : dans l’administration du festival, elle s’occupe des archives, de la documentation, de la diffusion. C’est un Data Center à elle toute seule. Une encyclopédie savoureuse. Car, en parallèle à ces austères travaux, elle va accompagner Paul dans le monde entier, de au-delà du rideau de fer aux Etats-Unis, de Chine à Japon. Elle connaît tout, elle retient tout. Et ils ont vécu d’inénarrables aventures. Diplomatiques, artistiques, personnelles. Dommage que Melly Puaux n’ait jamais raconté, ces histoires-là. Mais elle avait le sens de l’Etat, du service public. Même si elle s’était parfois beaucoup amusée, elle n’en faisait pas gloriole et elle était très vigilante et stricte. Mais à son initiative et grâce à son savoir, des ouvrages très précieux ont été publiés. Nous reproduisons en note la liste que la Maison Jean-Vilar a publiée cet après-midi, en annonçant la mort de Melly Puaux.

Avec Paul, elle donna vie à la Maison Jean-Vilar. Installée à l’Hôtel de Crochans, au pied du palais, le bâtiment rassemble une antenne du département des spectacles de la Bibliothèque de France et les archives du festival et celles, plus particulièrement, de Jean Vilar. Melly n’y eut jamais de poste officiel. Mais elle y travailla avec une énergie rayonnante. A la mort de Paul Puaux, le 27 décembre 1998, elle n’avait donc plus aucune raison légale d’y demeurer et cela lui fit beaucoup de chagrin. Comment comprendre, lorsque depuis 1967, on a travaillé à la vie du festival, de ne plus être associée à cette institution de « maison Jean-Vilar » que l’on a contribué à faire naître, avec le soutien des tutelles ? Mais c’est ainsi. Avec ses amis d’Avignon, Jean Autrand, décédé il y a plusieurs années, ou le Père Chave, mort lui aussi, plus récemment, avec Bernadette Rey-Flaud, universitaire qui fait toujours beaucoup pour le théâtre, avec tous ceux qui sont les CEMEA, ceux qui sont les héritiers de l’éducation artistique de l’après-guerre, Melly Puaux continuait de converser, de débattre, de se souvenir et d’imaginer l’avenir. Après Jacques Téphany, c’est Nathalie Cabrera qui dirige la Maison Jean-Vilar.  Evidemment, comme partout, la vie est suspendue. Mais, dans les projets, elle a un hommage à Paul Puaux et, évidemment, Melly y sera associée.

 

      Liste des ouvrages :   Mot pour mot / Jean Vilar, textes réunis et présentés par Melly Touzoul et Jacques Téphany, Paris : Stock, 1972.


« Lorenzaccio », mises en scène d’hier et d’aujourd’hui,

 

Jean Vilar : du tableau de service au théâtre, notes de service de Jean Vilar rassemblées par Melly Puaux, Louvain : Cahiers théâtre Louvain, 1985.


Théâtre citoyen : du Théâtre du peuple au Théâtre du soleil, texte de Pascal Ory ; choix de citations et d’illustration par Melly Puaux, Association Jean Vilar, 1995.


L’aventure du théâtre populaire : d’Épidaure à Avignon, Melly Puaux, Paul Puaux, Claude Mossé, Monaco ; Paris : Éd. du Rocher, 1996.


Paul Puaux, l’homme des fidélités, Association Jean Vilar, 2000.


Georges Wilson : travail de troupe (1950-2000), Avignon : Association Jean Vilar, 2001.


Honneur à Vilar, sous la direction de Melly Puaux et Olivier Barrot, Arles : Actes Sud-Papiers, 2001.

Jean Vilar par lui-même, Association Jean Vilar, Avignon : Maison Jean Vilar, 2003.

Droit de mémoire(s), Avignon années 1970, de Melly Puaux, illustration Desclozeaux, 2008.


Les Amis du Théâtre Populaire hier et aujourd’hui…, coordination Melly Puaux, Montreuil : Association Théâtre Populaire, 2017. 

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January 7, 2021 4:52 PM
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Alain Françon s’enivre des divagations d’un penseur alcoolique

Alain Françon s’enivre des divagations d’un penseur alcoolique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Olivier Frégaville Gratian d'Amore dans L'Oeil d'Olivier 7/01/21

 

Au théâtre 14, actuellement fermé au public, Alain Françon, à la demande d’Antoine Mathieu, met en scène les mots ivres de Rainald Goetz. S’attaquant à la langue chargée d’alcool du dramaturge allemand, il pousse le comédien à se dépasser, à mettre ses tripes sur le plateau. Une performance déroutante autant qu’hypnotique.  

 

Le couperet est tombé. Les théâtres, ainsi que les autres lieux de culture recevant du public, restent fermés jusqu’à nouvel ordre. Une sentence, lancée par le porte-parole du Gouvernement, qui n’est certes pas une surprise, mais qui a tout de même du mal à passer, tant les explications données frôlent l’ineptie. Qu’à cela ne tienne, vent debout, le monde du spectacle vivant se mobilise, se réinvente et ouvre ses portes aux professionnels afin que les créations depuis trop longtemps dans l’attente voient enfin le jour. Au théâtre 14, le co-directeur Matthieu Touzé le répète à l’envi : « trop heureux d’avoir dans nos murs, Alain Françon, nous ne pouvions pas faire l’impasse, faire comme si de rien n’était. Il était pour nous nécessaire de montrer ce texte ardent et peu connu de Rainald Goetz ne serait-ce qu’à un petit nombre de spectateurs, dans l’espoir de pouvoir le reprogrammer au plus vite. » 

Un texte enivré

Troisième partie de Guerre, trilogie de Rainald GoetzKolik est une chronique des temps présents, un regard lucide autant que vineux sur le monde. Les mots, comme vomis du plus profond des entrailles du narrateur, se courent après, se chevauchent, se culbutent. Ils se déversent sur scène comme dans un dévidoir. Ils se répètent dans une lente litanie, celle qui mène à l’ivresse, au point de non-retour, au coma éthylique. Comment ne pas boire, se laisser griser par l’alcool jusqu’à la lie, face au dégoût de soi, la dureté du monde, son hostilité, l’abjection des autres ?

Prisonnier de ses propres fantômes 

Captif d’un cercle vicieux, d’une addiction qui panse de vilaines blessures de l’âme, l’homme éructe, aboie, s’étrangle. Il crache ce venin poisseux qui empoissonne ses veines, ses pensées. Rien n’y fait la soif doit être étanchée, l’alcool bu pour libérer tout ce qui encombre ses réflexions sur le monde, sur la noirceur grasse d’une humanité devenue sèche, froide, monstrueuse. La diatribe est puissante. Elle coule visqueuse, se perd parfois dans des méandres par trop éthyliques.

Une mise en scène au cordeau

Dans un décor des plus minimalistes, un fauteuil, une bouteille, un écran noir, Antoine Mathieu se laisse emporter par l’écriture tranchante, découpée, rapiécée de Rainald Goetz. Musculeux, gracile, voix claire autant que pâteuse, il se jette à corps perdu dans ce texte chaotique, terriblement âpre et profondément décousu, nouvellement retraduit par Ina Seghezzi. A chaque syllabe arrachée, on sent la maîtrise impeccable du comédien, la patte du metteur en scène. S’attaquant pour la deuxième fois à une œuvre de l’auteur allemand, Alain Françon s’attache à révéler ce qui se cache derrière ce monologue d’ivrogne, la réalité crue du temps présent, du monde moderne. Il excelle à tirer le meilleur de cette digression dégobillée sans retenue, régurgitée sans concession. 

Certes le fil se perd, l’esprit s’égare. Peu importe, l’essentiel retient et est saisi au vol. La performance d’un comédien exalté, le travail minutieux d’un metteur en scène virtuose, la plume d’un auteur plein de rage, sont le sel de ce spectacle  sombre ovniesque et singulier.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Kolik de Rainald Goetz
Filage au Théâtre 14
Janvier 2021

Durée 1h15

Un projet de et avec Antoine Mathieu
Mise en scène d’Alain Françon
Durée 1h15

Crédit photos ©  Ina Seghezzi

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December 23, 2020 9:17 AM
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Artistes disparus en 2020  - Théâtre et danse

Artistes disparus en 2020  - Théâtre et danse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Artistes disparus en 2020

 

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Théâtre :

 

Isaac Alvarez comédien, mime, pédagogue (03/11/2020) - Marie-Paule André  comédienne (29/03/2020)  -  Jean-Marc Avocat comédien (05/10/2020) - Maurice Barrier comédien (12/04/2020)Guy Bedos comédien, humoriste (28/05/2020) Jenny Bellay comédienne (03/12/2020)Didier Bezace comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (11/03/2020)Christian Biet, historien et universitaire spécialiste du théâtre (13/07/2020)Hervé Blanc comédien (16/08/2020)Jean-Marie Boëglin comédien, animateur culturel (23/11/2020)Jean Bois auteur, metteur en scène (30/10/2020)Olindo Bolzan comédien (19 /05/2020)Xavier Boulanger comédien (20/10/2020)Claude Brasseur comédien (22/12/2020)Elisabeth Carecchio photographe de théâtre (09/06/2020)  -   Roger Carel comédien, acteur de doublage (11/09/2020) - Hélène Chatelain comédienne, réalisatrice, écrivaine (12/04/2020)  -  Jean-Laurent Cochet, comédien, pédagogue   (07/04/2020)Saskia Cohen-Tanugi metteuse en scène (20/07/2020)Flaminio Corcos comédien (07/05/2020)Gigi Dall' Aglio comédien, metteur en scène (05/12/2020) -   -  Alexis Danavaras comédien (28/01/2020)  -  Jean Darnel comédien, metteur en scène, pédagogue (20/11/2020)Simon Eine  comédien  (30/09/2020) Claude Evrard (comédien)  (20/04/2020) Ahmed Ferhati comédien, pédagogue (10/02/2020) Jacques Fornier comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (14/11/2020) Patrice Fourreau  directeur de théâtre (01/10/2020) -  David Gabison comédien (22/06/2020)  -   Fatima Gallaire  dramaturge (15/09/2020) Jean-François Garreaud comédien (09/07/2020) -   Philippe Grombeer directeur de théâtre (26/04/2020) Gérard Hardy comédien (02/09/2020) Eric Hémon comédien (11/04/2020) Israël Horovitz dramaturge (09/11/2020) - Robert Hossein comédien, metteur en scène (31/12/2020) -  Hubert Jappelle comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (18/11/2020) Jutta Lampe  comédienne (03/12/2020) Vannick Le Poulain comédienne (20/11/2020) Frie Leysen directrice de festival (22/09/2020) Michael Lonsdale  comédien, metteur en scène (21/09/2020) Robert Lucibello comédien (27/04/2020) Marcel Maréchal comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (11/06/2020) Bernard Meulien conteur, poète (19/07/2020) Ricardo Montserrat écrivain, dramaturge, nouvelliste (18/10/2020) Bruce Myers comédien (16/04/2020) Philippe Nahon comédien (19/04/2020) Michel Piccoli comédien (12/05/2020) André Pomarat comédien, metteur en scène, directeur de théâtre  (30/04/2020) Jean-François Poron comédien (03/09/2020) Wojciech Pszoniak comédien (19/10/2020)  -  Malka Ribowska comédienne (05/09/2020) Michel Robin  comédien (18/11/2020) Elisabeth Saint-Blancat directrice de théâtre (19/08/2020) Jean-François Save  directeur de théâtre (06/2020) Murray Schisgal dramaturge, scénariste (01/10/2020) Martine Spangaro directrice adjointe théâtre (31/05/2020)  -   Antonio Tarantino dramaturge (21/04/2020) Fred Ulysse comédien (24/10/2020) Brigitte Verlières directrice de théâtre (01/01/2020) Roman Viktiouk metteur en scène, pédagogue (17/11/2020) Jean-Pierre Vincent metteur en scène, directeur de théâtres (04/11/2020) Gérard Vivane comédien, pédagogue (05/09/2020) Wladimir Yordanoff comédien (06/10/2020)

 

 

Danse

 

Philippe Chevalier danseur, pédagogue (25/02/2020) -  Amélie Grand directrice des Hivernales (17/12/2020) Zizi Jeanmaire danseuse, chanteuse (17/07/2020) -    Betty Jones danseuse, chorégraphe, pédagogue (17/11/2020)   -    Nejib Ben Khalfallah danseur chorégraphe (24/07/2020)   -  Ann Reinking danseuse, actrice, chorégraphe (12/12/2020) -  Monet Robier danseuse, pédagogue (04/12/2020)  -  Maria Jesus Sevari danseuse, chorégraphe, pédagogue (20/12/2020) - Ousmane Sy chorégraphe (27/12/2020)

 

 (en préparation, les listes pour le cinéma, la musique, la danse et les arts visuels : cette liste sera complétée chaque jour jusqu'au 5 janvier 2021)

 

 

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January 3, 2021 1:53 PM
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"On est déçus à chaque nouvelle annonce" : le désarroi des professionnels du spectacle à Paris, Angoulême et Albi après le nouveau report d’ouverture des lieux culturels

"On est déçus à chaque nouvelle annonce" : le désarroi des professionnels du spectacle à Paris, Angoulême et Albi après le nouveau report d’ouverture des lieux culturels | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Dalmaz pour France Télévisions Rédaction Culture - 03/01/2021

 

 

Le lever de rideau ne sera pas pour le 7 janvier. La situation sanitaire ne le permettant pas. Un énième report qui use les nerfs du monde de la culture à Paris comme en régions.

Les cinémas, théâtres et salles de concert espéraient rouvrir ce 7 janvier. Mais le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a douché leur espoir ce vendredi 1er janvier en annonçant que ce ne sera "pas possible" au vu du nombre de contaminations encore trop élevé. Voici quelques réactions à Paris et dans le sud-ouest de la France.

 

Souhait d'une date d'ouverture définitive, même lointaine 

 

Des fauteuils qui restent désespérément vides. A Carat, en Charente, le cinéma Mégérama cumule 162 jours de fermeture depuis mars 2020. "On ne peut pas se satisfaire de cette situation qui a assez duré surtout quand on voit que l’économie tourne et que les magasins sont ouverts", s’indigne Aurélie Delage, patronne de cette salle.

 

Non loin du Mégérama, à Angoulême, la directrice du théâtre municipal, fatiguée de ces reports successifs, milite pour une date ferme et définitive "même si c’est au mois de février".

Ce nouveau report est perçu comme une injustice

"On est forcément déçu à chaque annonce" s’insurge le directeur du Cinemovida à Albi. Prêt depuis le 15 décembre pour ouvrir son cinéma, Alexandre Kloeckner vit ce nouveau report comme une injustice. "Aujourd’hui, il n’y a toujours pas eu de clusters identifiés au niveau des cinémas et des théâtres" fait-il remarquer amèrement.

Un sentiment d’injustice partagé par le propriétaire du musée de la mode d’Albi qui "a reçu, en 2020, 80% de visiteurs en moins par rapport à 2019"

"Nous vivons de mendicité", déplore le directeur d'un petit théâtre parisien

A Paris, c’est aussi la douche froide pour les petits lieux culturels qui sont pour certains dans une situation financière critique. La crise sanitaire menace notamment la Comédie italienne, un théâtre situé dans le quartier du Montparnasse.

"Malheureusement notre statut d’association loi 1901 ne nous permet pas de bénéficier du fond de soutien au théâtre privé" explique son directeur, Attilio Maggiuli. "Nous vivons de mendicité. Des gens qui aiment la comédie italienne nous font parvenir des chèques" ajoute-t-il, dépité. Comme la Comédie italienne, beaucoup de théâtres se sont endettés, même ceux qui perçoivent des aides de l’Etat. Plus la reprise tardera, plus leur avenir sera incertain.     



Légende photo : A Garat, en Charente, le cinéma Mégémara cumule 162 jours de fermeture.  (E.Merlo / France Télévisions)

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January 1, 2021 5:53 PM
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Robert Hossein, show d'avant 

Robert Hossein, show d'avant  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération du 1er janvier 2021

 

Rendu célèbre par son rôle de balafré dans «Angélique, marquise des anges», le comédien et metteur en scène a marqué le théâtre par une suite de superproductions à sujets historiques. Il est mort à 93 ans.

 

Marguerite Duras disait de lui qu’il était un homme de la nuit et que c’était la raison pour laquelle elle l’avait choisi aux côtés de Delphine Seyrig, dans son premier film la Musica coréalisé avec Paul Seban, en 1967, A la sortie du film, il répondait qu’il ne comprenait rien à ce qu’elle lui avait demandé ni à l’intérêt de l’histoire, mais que jamais de sa vie, il n’avait eu de meilleurs critiques et que c’était toujours ça à prendre. Cet homme de la nuit, qui aimait les habits de lumière, incarnait un théâtre monumental et incroyablement populaire, et était capable de transformer la vie du pape Jean Paul II, de Jésus ou l’histoire de la Révolution française en shows qui attiraient jusqu’à 700 000 spectateurs avec l’appui du narrateur historien vedette de télé Alain Decaux, ne verra pas 2021. Il est mort à 93 ans, ce jeudi, quelques heures après son anniversaire. Son décès a été annoncé par son épouse, la comédienne Candice Patou.

 

 

Sa mère était de Kiev, son père de Samarcande, et lorsqu’il naît, le couple a déjà migré à Paris et vit chichement. Leur fils ne cesse de se faire renvoyer des pensions, il arrête l’école après la primaire. Les cinémas de quartiers où il passe ses après-midi font le reste de son éducation et cette profusion de films suscite sa vocation. Il a une voix, un regard, une gueule, de l’ambition et du culot et après guerre, à Saint-Germain-des-Prés, il croise l’intelligentsia – Sartre notamment, Boris Vian et Genet également sans qu’on puisse le vérifier, les rencontres n’ayant pas laissé de traces, et Duras, donc. Le jeune homme apprend l’art dramatique au cours Simon, c’est un jeune acteur qui en veut et qui n’a rien à perdre. Dès 1949, il met en scène une première pièce au théâtre du Vieux Colombiers, les Voyous. Voyou, délinquant, ce qui l’aurait pu être, et ce qui l’a frôlé, à l’adolescence.

 

Au sommet de la popularité dans les années 60

Robert Hossein n’a pas rencontré la nouvelle vague et peu de cinéastes novateurs, mais peut-être n’est-ce pas ce qu’il cherchait. Tout juste remarque-t-on dans sa filmographie, le nom de Duvivier, avec lequel il tourne Chair de poule en 1963. Ou encore celui de Marcel Bluwal dont le film le Monte-charge, sort l’année d’avant. En revanche, son succès fut rapide : très vite, dans les années 50, son nom grimpe en haut de l’affiche aux côtés de stars. Dans Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, il joue face à Magali Noël, et affronte Gabin dans le Tonnerre de Dieu, de Denys de La Patellière. Parmi ses contemporains, Roger Vadim en fait sa vedette, d’abord dans Sait-on jamais… avec Françoise Arnoul et Christian Marquand, puis, dans les années 60, dans le Repos du guerrier avec Brigitte Bardot, titre demeuré célèbre, grâce au roman féministe de Christiane Rochefort duquel il est adapté – ou trahi, c’est selon.

 

Avant même le succès des Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie qui le consacre star, Robert Hossein tourne ses propres films. On peut rêver sur les titres : Les salauds vont en enfer, en 1955 d’après un roman de Frédéric Dard ou encore Toi, le venin, en 1959 avec la très jeune et magnifique Marina Vlady, qu’il a épousée. Durant toutes les années 60, grâce aux Angélique, donc, Robert Hossein est au sommet de la popularité et on suit ses mariages et ses nouvelles conquêtes dans les journaux people, Paris Match en tête, ce qui fera dire à Duras, une de ces piques dont elle a le secret, qu’il est un «Casanova de bazar».

 

Superproductions théâtrales

On a oublié la plupart de ses films, mais quand on dit le nom de Robert Hossein, on se souvient aisément que c’est lui, le premier, qui repéra Isabelle Adjani et la distribua à Reims, où il dirige une scène subventionnée, dans la Maison de Bernarda de Lorca avant qu’elle n’entre à la Comédie-Française. Croit-il suffisamment à l’attraction du théâtre ? A Reims, son slogan pour attirer les spectateurs est qu’on s’y sent «comme au cinéma». Il quitte Reims et l’aventure du théâtre subventionné pour des superproductions dont la première, est dès 1975, la Prodigieuse Aventure du cuirassé Potemkine, d’après le film d’Eisenstein, au Palais des congrès. Ce sont des blockbusters dûment mécénés, notamment par François Pinault qui le finance largement pour Celui qui a dit non, coécrit par Alain Peyrefitte et Alain Decaux, un spectacle sur De Gaulle, en 1999.

 

Jouant la carte du show immersif, il fait à plusieurs reprises voter le public en rejouant de grands procès, celui de Marie-Antoinette ou de l’affaire Seznec. A ce sujet, il expliquait à Libération : «Ne croyez pas que mon nom suffit pour que les gens se précipitent. Ça peut démarrer à fond la caisse et retomber comme un soufflé. Je ne suis d’aucun parti et je ne lèche pas les couloirs des ministères.» Le vent finit par tourner, et après quelques nouveaux projets XXL ne rameutant plus les foules en dépit des budgets de production tel un Ben Hur en 2004 monté au Stade de France, Hossein, ayant récupéré le théâtre Marigny, se lance dans des mises en scènes de textes plus classiques et à moins grand budget dans les années 2000. En 2011, fidèle à sa ferveur catholique, il monte Une femme nommée Marie à Lourdes pour une représentation unique devant un public de malades en pèlerinage. On gardera de la dernière période de l’acteur une image de Robert Hossein dans Vénus Beauté (Institut), de Tonie Marshall, où il incarne très bien la mélancolie d’un vieux voyeur octogénaire, amoureux collant d’une apprentie esthéticienne jouée par Audrey Tautou.

 

Anne Diatkine
 
Légende photo  Robert Hossein dans le Meurtrier de Claude Autant-Lara, en 1962. Photo Ullstein Bild. Getty Images
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January 1, 2021 2:40 PM
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Covid-19 : pas de réouverture des théâtres, cinémas et musées le 7 janvier

Covid-19 : pas de réouverture des théâtres, cinémas et musées le 7 janvier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Cédric Pietralunga dans Le Monde 1er janvier 2021

 

En raison de l’avancée de l’épidémie, le gouvernement écarte la date avancée en décembre et réfléchit à de nouvelles mesures pour soutenir le secteur en pleine désillusion.

 

 

C’est désormais acquis : il ne se passera rien le 7 janvier. Lors de sa conférence de presse du 10 décembre, Jean Castex avait fixé à cette date la possible réouverture des lieux de culture (théâtres, cinémas, musées, etc.), fermés depuis le 30 octobre pour enrayer la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19. Mais un peu plus de trois semaines après l’annonce du premier ministre, le nombre de personnes infectées reste trop élevé pour lâcher la bride, estime-t-on au sommet de l’Etat. « Ce ne sera pas possible de rouvrir les établissements culturels au 7 janvier parce que le virus circule encore très fortement dans notre pays », a confirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, vendredi 1er janvier sur TF1, provoquant une nouvelle désillusion parmi les professionnels de la culture.

 

Lire aussi : La culture se mobilise pour faire rouvrir les salles de spectacle

Alors, quand ? Echaudé par les précédents reports, l’exécutif n’entend pas fixer tout de suite de nouvelle date de réouverture. « Il faut d’abord voir quels sont les effets des fêtes de fin d’année sur l’épidémie, si le nombre de cas s’envole de nouveau ou pas. Rien ne devrait être annoncé avant la mi-janvier, au mieux », explique une proche d’Emmanuel Macron. Les professionnels de la culture l’ont bien compris et ont fait leur deuil d’une reprise rapide de leurs activités. Déjà, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a annoncé que les salles obscures ne lèveraient pas le rideau avant la fin du mois de janvier, voire les vacances d’hiver, qui débutent le 6 février pour une première partie du pays.

« Bâtir un modèle résilient »

Pour autant, l’exécutif n’entend pas rester les bras croisés. Même si les sondages montrent le peu d’intérêt des Français pour les revendications du secteur, les manifestations et tribunes enflammées des artistes en décembre, après l’annonce du report de la réouverture des lieux de culture, initialement prévue le 15 décembre, ont été vécues comme un coup de semonce au sein de l’exécutif. « Les artistes sont une frange de la population dont la caisse de résonance est proportionnellement inverse à leur nombre », rappelle un conseiller. Comprendre : s’ils sont relativement peu nombreux (670 000 personnes, soit 2,5 % de la population active), les professionnels de la culture savent faire du bruit pour se faire entendre.

 

Désireuse de ne pas les laisser dans l’expectative, la ministre de la culture Roselyne Bachelot a prévu de consulter à nouveau les organisations professionnelles cette semaine. Son objectif : « bâtir un modèle résilient, avec différents paliers de fonctionnement, qui permette aux lieux culturels d’ouvrir – même de façon réduite – et de mieux résister aux à-coups de l’épidémie », a-t-elle expliqué dans le JDD. De fait, la succession des ouvertures et fermetures a été dénoncée par tous les acteurs, qui estiment cette alternance épuisante psychologiquement et mortifère économiquement. « Le pire pour nous, c’est le “stop and go” », assure le producteur de théâtre Jean-Marc Dumontet.

 

Seul hic, le pays pourrait mettre encore de nombreux mois à retrouver une vie normale. Les professionnels ne vont donc pas avoir d’autre choix que d’adapter leur mode de fonctionnement s’ils veulent rouvrir. « Chaque secteur doit nous dire s’il est prêt au “stop and go” et dans quelles conditions, ou s’il préfère attendre une réouverture dans des conditions normales, mais à une date inconnue ou qui restera hypothétique durant encore plusieurs mois », décrypte un conseiller de l’exécutif. Les pays anglo-saxons ont choisi de reporter à l’automne 2021, voire à 2022, la réouverture de la plupart des lieux de culture. A l’inverse, des pays européens comme l’Espagne, où les salles de spectacle et de cinéma sont restées ouvertes à Madrid, préfèrent s’adapter au jour le jour à l’épidémie.

Un choix cornélien

« L’alternative ne peut pas être entre tout et rien, entre une fermeture totale et une ouverture sans conditions. A nous d’inventer un chemin différent en faisant confiance car nous ne pouvons pas offrir aujourd’hui au secteur ce qu’il attend le plus, c’est-à-dire de la visibilité », plaide Aurore Bergé, députée La République en marche (LRM) et membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Un choix d’autant plus cornélien pour les professionnels que le gouvernement compte faire du couvre-feu sa principale arme de lutte contre l’épidémie dans les prochaines semaines. Or, les salles de spectacle, de théâtre et de cinéma auront beaucoup de mal à vivre si elles ne peuvent pas accueillir de spectateurs après 20 heures. Sans parler d’un couvre-feu à 18 heures, comme celui mis en place à partir du 2 janvier dans quinze départements, qui les condamne de facto à rester fermées.

 

Seule certitude, le gouvernement va continuer à soutenir financièrement le secteur. Depuis le début de l’épidémie, plusieurs milliards d’euros d’aides directes et indirectes ont été mobilisés. Quelque 35 millions d’euros ont été encore débloqués ces dernières semaines pour compenser les frais engagés par le report de la date du 15 décembre : 27 millions pour les cinémas, 8 millions pour les théâtres. « S’il faut ajouter de l’argent, on recalibrera au fur et à mesure », promet-on à l’Elysée. Des négociations devraient également s’ouvrir sur le prolongement des mesures de chômage partiel accordées aux entreprises culturelles jusqu’au 31 janvier. Selon différentes sources, un report au 30 juin serait à l’étude.

Seule certitude, le gouvernement va continuer à soutenir financièrement le secteur

Le gouvernement n’exclut pas non plus de prolonger les aides aux intermittents, dont le nombre est estimé à 276 000 (167 000 artistes et 109 000 techniciens bénéficient de ce statut, selon Pôle emploi). Lors du premier confinement, avait été instaurée une « année blanche » jusqu’au 31 août 2021, leur permettant de toucher les indemnités liées à leur statut, sans avoir à justifier de nouvelles heures de travail. Un dispositif dont les coûts sont estimés à près de 1 milliard d’euros. Mais les lieux de culture étant fermés, nombre d’artistes sont toujours contraints à l’inactivité et ne pourront pas effectuer d’ici à l’été prochain les 507 heures de travail nécessaires au maintien de leur statut. Certaines organisations, comme la CGT-Spectacle ou la Coordination des intermittents et précaires (CIP), réclament donc la mise en place d’une deuxième « année blanche », jusqu’à l’été 2022.

Une demande à laquelle le ministère de la culture ne se montre pas hostile, même si la décision ne devrait pas être prise tout de suite. « On ne peut pas savoir six mois avant quels intermittents ne vont pas pouvoir faire le nombre d’heures requis, ni combien ne vont pas pouvoir bénéficier des dispositifs de rattrapage que le statut prévoit déjà. Mais on est en train de regarder s’il faut ajuster », assure l’entourage de Roselyne Bachelot. De fait, certains artistes et techniciens ont repris le travail à l’automne, notamment dans les milieux du cinéma et de la télévision, où les tournages sont autorisés, même de nuit. « C’est plus compliqué pour ceux qui travaillent dans la musique, avec tous les festivals qui s’annulent les uns après les autres », concède un conseiller.

 

Pour donner du travail aux artistes, Roselyne Bachelot avait lancé en juin dernier l’opération « été culturel et apprenant », dotée d’un budget de 20 millions d’euros. Une réussite : 8 000 artistes y avaient participé et un million de personnes avaient pu en profiter. Le virus étant là encore pour longtemps, la députée Aurore Bergé propose de lancer à l’identique, dès le mois de février, un grand plan « chapiteaux et tréteaux de France », avec des représentations de théâtre, de cirque ou de musique dans les parcs ou les rues. « Cela permettrait aux artistes d’aller vers les publics sans risque sanitaire, et au public de retrouver la culture », plaide l’élue. Faute de grives, on mange des merles, dit l’adage.

 

Cédric Pietralunga

 

Légende photo : La façade du cinéma parisien le Grand Rex, le 15 décembre 2020. ALAIN JOCARD / AFP

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December 23, 2020 1:58 PM
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Covid-19 : le Conseil d’Etat valide la fermeture des cinémas et des théâtres au vu du « contexte sanitaire »

Covid-19 : le Conseil d’Etat valide la fermeture des cinémas et des théâtres au vu du « contexte sanitaire » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dansLe Monde avec AFP le 23/12/2020

 

 

La fermeture des lieux de spectacle avait été prolongée par le gouvernement au moins jusqu’au 7 janvier. Une décision validée mercredi par la plus haute juridiction administrative, saisie en urgence par les professionnels du secteur.

Le Conseil d’Etat a validé, mercredi 23 décembre, la fermeture au vu du « contexte sanitaire » des théâtres et cinémas, décidée par le gouvernement jusqu’au 7 janvier au moins, mais a alimenté l’espoir d’une réouverture si l’épidémie se calme.

Saisie en urgence par les professionnels de la culture, la plus haute juridiction administrative a rejeté leurs demandes de réouverture, soulignant le « caractère très évolutif » de la situation sanitaire et le « risque d’augmentation de l’épidémie à court terme ».

Dans ces conditions, estime le Conseil d’Etat, la décision du premier ministre Jean Castex de laisser les théâtres et cinémas fermés « ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales », dont la liberté d’expression, invoquées par les représentants du monde de la culture.

Ces derniers ne se faisaient pas beaucoup d’illusions lundi, après l’audience, au vu des derniers chiffres de contamination, avec près de 12 000 cas positifs mardi, et les craintes autour des fêtes et d’une variante du virus.

 

Des motifs d’espoir

Mais dans le même temps, le Conseil d’Etat leur offre de sérieux motifs d’espoir, en validant partiellement leurs arguments : si la situation sanitaire s’améliore, le maintien de la fermeture générale des cinémas et autres lieux de spectacles, attentatoire aux libertés, ne pourra pas être « justifiée par la seule persistance d’un risque de contamination de spectateurs par le virus SARS-CoV-2 », juge-t-il.

Il souligne aussi l’efficacité des protocoles sanitaires mis en place dans les salles de spectacles, où le risque de transmission du virus est dès lors « plus faible que pour d’autres évènement rassemblant du public en lieu clos ».

 

« Le Conseil d’Etat relève le caractère adéquat des protocoles sanitaires particulièrement stricts ainsi que les atteintes graves aux libertés », ont souligné auprès de l’AFP les avocats Vincent Brengarth et William Bourdon, faisant part de la « déception » des théâtres parisiens qu’ils défendaient.

 

Mais ils y voient aussi un « espoir » de réouverture pour des salles fermées depuis le début du deuxième confinement fin octobre : « Dès que la situation s’améliorera, les théâtres attendent du gouvernement qu’il tire toutes les conséquences de cette décision importante du Conseil d’Etat et de sa motivation ».

 

Lire notre analyse : Spectacles et musées, l’inquiétude du monde de la culture

Le Monde avec AFP

 

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December 23, 2020 4:49 AM
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Amélie Grand, figure de la danse contemporaine, est morte

Amélie Grand, figure de la danse contemporaine, est morte | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde  22/12/2020

 

 

Créatrice puis directrice pendant plus de trente ans des Hivernales d’Avignon, elle a su allier la danse au théâtre et à la chanson, articulant la programmation avec des cours et des ateliers. Elle est morte le 17 décembre, à l’âge de 84 ans.

Lumineuse, offensive, Amélie Grand attirait l’attention par sa seule énergie rayonnante et le sourire qui allait avec. Cette personnalité majeure de la danse contemporaine depuis le milieu des années 1970, à la tête du festival Les Hivernales d’Avignon, de 1977 à 2009, n’a eu de cesse de soutenir les danseurs et les chorégraphes pour les faire grimper en haut de l’affiche. Elle est morte jeudi 17 décembre, chez elle, à Mouriès (Bouches-du-Rhône), entourée de Julia Grand, la fille qu’elle eut de son mariage avec le sculpteur Toni Grand (1935-2005), et de ses amis musiciens, qui l’ont accompagnée jusqu’au bout avec des concerts à la guitare et à l’accordéon. Elle avait 84 ans.

 

 

Amélie Grand est né, le 17 juillet 1936, aux Sables-d’Olonne (Vendée). Ultrasportive, elle sort diplômée de l’Ensep (Ecole normale d’éducation physique), tout en s’aventurant, avec l’ardeur qui était la sienne quoi qu’elle fasse, dans des spectacles de théâtre et de cabaret. Elle donnait encore son atelier chansons à Avignon avant la crise sanitaire. « La danse perd une vibrante dame, confie le chorégraphe Dominique DupuyL’histoire d’Amélie Grand, folle de chansons, qui laisse d’un coup ses grandes amours pour se consacrer pendant des années corps et âme à la danse à laquelle elle fait vivre une aventure des plus singulières, dont je suis fier d’avoir été un des premiers héros, est incroyable. La chanson ne l’ayant pas quittée, Amélie Grand, à sa sortie des Hivernales, a rempilé, chantant et rechantant à qui mieux mieux. Ceux de la danse cependant ne pourront oublier cette convaincue, concoctant dans sa ville aux couleurs du théâtre, des moments de danse fulgurants pour lesquels elle inventa le beau titre tout en blancheur des Hivernales. »

 

Amélie Grand : « On était juste une bande d’amis qui a soudain eu une idée folle : organiser une semaine de danse dans la ville du théâtre »

 

En 1960, à Paris, sa passion toute fraîche pour la danse contemporaine se muscle auprès de la chorégraphe allemande Karin Waehner (1926-1999), nourrie d’expressionnisme, puis se diversifie au gré de différents stages. Cinq ans plus tard, Amélie Grand commence à enseigner la danse à l’université de Nanterre. Elle collabore, à partir de 1968, avec le metteur en scène Gabriel Monnet, au Théâtre de Nice, tout en dirigeant des formations en danse pour les classes préparatoires au professorat d’éducation physique. Elle est nommée conseillère « danse et théâtre » à la direction départementale de la jeunesse et des sports du Vaucluse en 1974.

 

Dans la foulée, elle ouvre les premiers cours de danse contemporaine à l’université d’Avignon, puis lance la Semaine de danse d’Avignon, en 1977. Ce qui va devenir le festival Les Hivernales d’Avignon, toujours dans la course, à l’enseigne depuis 1996 du Centre de développement chorégraphique pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, prend son élan. « On était juste une bande d’amis qui a soudain eu une idée folle : organiser une semaine de danse dans la ville du théâtre, rappelait en riant Amélie Grand, en 2018. J’avais envie de faire aimer cet art et j’ai appris sur le tas à construire et diriger ce qui est devenu un festival. »

« Une femme forte »

En lutteuse, elle va imposer l’art chorégraphique dans une ville dédiée dévolue historiquement au texte et au théâtre. « C’était une femme forte qui a su tisser des liens avec d’autres partenaires institutionnels et tenir tête aux politiques pour affirmer la présence de la danse, commente Isabelle Martin-Bridot, directrice des Hivernales depuis 2017, qui a collaboré avec elle dès 2004. C’était aussi une artiste qui savait être à l’écoute des danseurs et leur parler. »

L’identité de cette manifestation s’appuie sur les différentes passions d’Amélie Grand pour brosser une vision populaire, multicolore et joyeuse de la danse contemporaine, les bras grands ouverts au théâtre, à la chanson, au rire. L’idée forte des Hivernales : articuler la programmation des artistes avec des cours et ateliers. « Il ne s’agit pas de consommer mais de construire une culture. Les chorégraphes diffusés donnent obligatoirement une semaine de cours à des débutants ou à des professionnels qui vont assister à des représentations le soir », expliquait-elle lors d’une rencontre en 2001.

 

Aux Hivernales d’Avignon, on trouve un savant équilibre entre signatures repérées et jeunes pousses

 

D’où une communauté de passionnés faisant bouillir la marmite de la danse contemporaine du matin au soir dans la cité des Papes. On y croise, dans un savant équilibre entre signatures repérées et jeunes pousses, Elsa Wolliaston, Susan Buirge, Maguy Marin, Daniel Larrieu, Mark Tompkins…, mais aussi Yvann Alexandre, Hamid Ben Mahi, la compagnie Naïf Production…

Toujours au taquet, Amélie Grand lance, en 1997, Les Hivernales en été, et parallèlement le programme Sujet à vif, en complicité avec le Festival d’Avignon. En 2000, dans le cadre d’Avignon « ville européenne de la culture », elle met en œuvre un réseau qui relie Avignon avec des institutions de Bergen, Bologne, Bruxelles, Cracovie, Helsinki, Prague, Reykjavik, pour faire tourner dix compagnies sélectionnées dans ces différentes villes à l’enseigne d’un festival itinérant intitulé Trans Danse Europe 2000. « Amélie était une personnalité avec de l’autorité pour défendre la danse contemporaine, se souvient Bernard Faivre d’Arcier, directeur du Festival d’Avignon de 1980 à 1984, puis de 1993 à 2003. On a beaucoup collaboré ensemble et je lui demandais régulièrement conseil. C’était une excellente partenaire de travail. Elle savait résister à la mollesse du milieu avignonnais et s’est révélée une bonne tacticienne pour bâtir son festival. Elle était réaliste et idéaliste en même temps. »

 

Amélie Grand en quelques dates
 

17 juillet 1936 Naissance aux Sables-d’Olonne (Vendée).

 

1977-2009 Crée et dirige le festival Les Hivernales d’Avignon.

 

1997 Lance Les Hivernales en été.

 

2000 Met en œuvre un réseau qui relie Avignon et des institutions de Bergen, Bologne, Bruxelles, Cracovie, Helsinki, Prague, Reykjavik.

 

17 décembre 2020 Mort à Mouriès (Bouches-du-Rhône).

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December 21, 2020 6:06 PM
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Culture confinée : «Nous ne comprenons pas pourquoi on nous stigmatise» 

Culture confinée : «Nous ne comprenons pas pourquoi on nous stigmatise»  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandra Onana dans Libération — 21 décembre 2020 


Les représentants des théâtres et cinémas plaidaient lundi au Conseil d’Etat la réouverture de leurs salles, se prévalant entre autres du droit d’accès à la culture. Décision mercredi.

 

Sur la place du Palais-Royal, un attroupement a bravé la pluie pour agiter la bannière de la CGT Spectacle. A quelques mètres, au Conseil d’Etat, les représentants des théâtres et du cinéma sont venus contester le prolongement de la fermeture des lieux culturels. A la différence des commerces «non essentiels» où les foules laissent libre cours à la fièvre acheteuse de Noël, les salles de spectacles n’ont pas obtenu le feu vert pour rouvrir le 15 décembre.

Il était conditionné à une embellie sanitaire jamais concrétisée (5 000 contaminations par jour). «Je souhaite que les débats se fassent de la façon la plus sereine possible», prévient, affable, le juge des référés. Face au porte-parole du ministère de la Santé, les représentants des organisations professionnelles listent les libertés bafouées par ce qu’ils dénoncent comme une «inégalité de traitement manifeste» : liberté d’entreprendre, liberté d’association, liberté artistique, droit d’accès à la culture - l’audace de l’argumentaire des théâtres parisiens, représentés par le cabinet Bourdon, est de se concentrer sur ce dernier point dans l’espoir de consacrer le droit d’accès à la culture (reconnu par l’ONU et la Constitution de 1946) comme liberté fondamentale, et d’établir une jurisprudence inédite.

 
«Fromage»
 

Pour donner éclat et retentissement à leur recours, les théâtres avaient annoncé une pléiade d’intervenants de marque, tels les actrices Juliette Binoche et Isabelle Adjani, le sociologue Edgar Morin, la cinéaste Rebecca Zlotowski… Mais leur venue a été contrariée par les restrictions sanitaires - tout juste reconnaît-on une Anna Mouglalis incognito dans l’auditoire. L’audience compte quand même une intervention surprise : l’association de victimes du coronavirus est présente, en désapprobation de la requête du milieu culturel. Chiffres et pourcentages à l’appui, le représentant du ministère de la Santé Charles Touboul fait état d’une «situation sanitaire préoccupante» : «Nous sommes dans une situation de plateau ascendant des contaminations». Le président de l’association Coronavictimes, Michel Parigot, abonde : «Si on rouvre davantage d’activités, on arrivera facilement à dépasser la barre des 100 000 morts.»

 

Le juge cherche des modulations. Des études attestent-elles de risques accrus dans un théâtre ou dans un cinéma par rapport aux magasins ? «Nous sommes dans une approche probabiliste, reconnaît le gouvernement, la seule à portée des autorités sanitaires.» Alors, «quand il y a des clusters, on interdit, et quand on ne sait pas s’il y a des clusters, dans le doute, on interdit», conclut le conseil des théâtres. Eux estiment avoir la science de leur côté. Comme cette étude de l’Institut Pasteur, la semaine précédente, qui ne désigne pas les lieux culturels comme véhicules de contamination.

 

Me Bourdon dénonce : «Ici, la science vient surtout appuyer une parole politique. Qui peut douter de la géométrie variable des motivations sanitaires au vu des Français agglutinés dans les grands magasins ces derniers jours ?» Richard Patry, de la Fédération nationale des cinémas français, a apporté l’épais protocole sanitaire des salles du territoire. «Nous ne comprenons pas pourquoi on nous stigmatise», déplore-t-il. Traditionnellement, le Conseil d’Etat n’est pas le lieu de plaidoyers au lyrisme échevelé. Attachés à un argumentaire rigoureux, les requérants n’entendent rien céder au cliché des troubadours qui plaideraient en se frappant le cœur. L’emphase saillit toutefois dès que Francis Lalanne, porteur d’un recours en son nom propre associé à un attelage déconcertant (Béatrice Dalle, Jean-Marie Bigard, Jean-Luc Moreau) bondit du premier rang. Il dénonce une «religion du sanitaire», et la tenue récente d’un spectacle illicite aux Galeries Lafayette. «Faut-il que nous allions chanter dans les supermarchés, dans les églises ? Si l’on peut faire la queue chez un fromager, mais pas devant un théâtre, la culture vaut-elle moins qu’un fromage ?»

 

«Rayées de la carte»

Le Conseil d’Etat n’est pas venu faire le procès de l’injure que rumine le milieu depuis que les pouvoirs publics ont commis la nomenclature infamante de «non essentiels». «Je crois pouvoir dire que dans cette salle, tout le monde est attaché à la culture», recadre le juge. Le ministère de la Santé promet une levée de la fermeture «dès qu’une fenêtre se présentera». «Pardon mais ce type d’audiences, on en a eu par dizaines quand la situation épidémiologique était favorable. Aujourd’hui elle ne l’est pas.» Et d’asséner par prétérition : «Je ne donne pas les chiffres des morts de certaines villes françaises car je ne suis pas dans l’émotion, mais je vous dis qu’il y en a qui ont été rayées de la carte depuis le début de l’épidémie.»

 

La levée de séance met fin à près de trois heures de débat. Dans le couloir, les requérants soufflent. Tous soulignent que le gouvernement n’a pas su corroborer la spécificité des risques dans les lieux culturels. Il n’a toutefois échappé à personne que le contexte épidémique semble jouer en la défaveur des recours. Résultat de la délibération mercredi.

 

Sandra Onana
 
Légende photo  : Manifestation de la CGT Spectacle devant le Conseil d’Etat, lundi à Paris. Photo Christophe ARCHAMBAULT. AFP 
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January 9, 2021 12:50 PM
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Derrière le timbre suave de la pub TousAntiCovid, la voix française d'Angelina Jolie 

Derrière le timbre suave de la pub TousAntiCovid, la voix française d'Angelina Jolie  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Elise Viniacourt dans Libération - 9 janvier 2021

 

La publicité pour l’application TousAntiCovid tourne en boucle avec, en voix off, un timbre chaleureux et profond : celui de Françoise Cadol. Qui est également la comédienne doublant Angelina Jolie.

 

Le mouvement de ses lèvres est quasi imperceptible mais Françoise Cadol répète bas, tout bas. Derrière son micro, ses yeux bleus lumineux sont rivés sur le script de la pub qu’elle enregistre, jeudi, dans un studio du XVIIe arrondissement de Paris. D’un geste, elle fait signe de la main : la comédienne est prête. Sans aucun balbutiement, sa voix s’élève, belle, généreuse, aussi légère qu’un souffle sur les fins de phrases. L’enregistrement s’arrête et son client, enthousiaste, s’exclame : «Bravo, Françoise !»

 

Il y a quelques mois, la comédienne de 57 ans participait à une séance d’enregistrement similaire pour TousAntiCovid (anciennement StopCovid), l’application développée par le gouvernement. Qui, pour rappel, alerte ses utilisateurs lorsqu’ils se sont trouvés à proximité d’une personne testée positive. Grave, la voix de Françoise résonne sur les radios et les télés et dans nos têtes depuis décembre : «Plus vous êtes nombreux à l’utiliser, plus elle est efficace contre le virus…» Difficile d’y échapper. Mais pourquoi elle, en particulier ? Evasive, elle suggère : «L’agence qui a dirigé le spot aime bosser avec moi, donc ils ont pensé à moi.»

 


«Un timbre chaleureux, rassurant et reconnaissable»

Pour le secrétariat d’Etat chargé du Numérique, qui a collaboré avec le ministère de la Santé, «tout l’enjeu, c’est de réussir à faire passer un message dans un temps le plus court possible». Trente secondes ici, pas une de plus. Et pour capter l’attention, la stratégie est simple : travailler avec un timbre de voix connu, féminin ou masculin, peu importe. «Au début, on a demandé à des acteurs et des actrices français mais beaucoup ont refusé, par manque de disponibilité ou par réticence, puisqu’il s’agissait d’une commande du gouvernement.» Finalement, c’est la voix de Françoise Cadol qui est retenue «parce qu’elle a un timbre chaleureux, rassurant et reconnaissable». Reconnaissable, c’est peu dire. L’actrice double en français Angelina Jolie, mais pas que.

 

«La dernière fois, j’étais dans un magasin de maquillage. En m’entendant, la vendeuse est restée pétrifiée quelques instants avant d’énumérer : "Angelina Jolie, Patricia Arquette, Desperate Housewives", j’étais stupéfaite», raconte-t-elle, amusée. Et la liste évoquée pourrait être allongée puisque l’artiste prête également sa voix à Sandra Bullock, Gong Li ou encore Tilda Swinton.

Françoise Cadol raconte son histoire, son regard plongé dans celui de son interlocuteur : elle souhaitait être neurochirurgienne mais un stage de théâtre a tout bousculé. La passion pour les planches, le Cours Simon, les premiers essais pour incarner le personnage de Lara Croft dans les jeux vidéo Tomb Raider en 1996. Un tremplin pour sa carrière puisque, lorsque celui-ci est adapté au cinéma avec Angelina Jolie en 2001, elle est naturellement retenue pour incarner la voix du personnage en VF. Les doublages de films s’enchaînent. Les publicitaires de BMW, Lindt ou encore L’Oréal sont aussi envoûtés.

 

«Elle ne lit pas, elle interprète»

Un bruit de fermeture éclair, Léo l’ingénieur du son remballe vite ses affaires après avoir enregistré Françoise. Il travaille régulièrement avec elle depuis 1995 : «La première séance qu’on a faite ensemble c’était pour l’habillage d’une radio. Tu te souviens ?», rappelle-t-il en riant. Et l’oreille de ce professionnel ne le trompe pas : «Dans ce milieu, il y a les speakers, qui viennent de la radio, de la télé, qui ont de très jolies voix, et il y a les comédiens, comme Françoise. Les premiers arrivent à lire un texte. Françoise, elle, ne le lit pas, elle l’interprète. Ça demande une technique que certains n’ont pas, en termes de position, de respiration…»

 

Une technique acquise, en partie, sur les planches lors de représentations théâtrales. L’une des dernières en date, la Femme qui ne vieillissait pas, de Grégoire Delacourt, mise en scène par Tristan Petitgirard, initialement programmée au festival d’Avignon cette année, a été reportée en 2021. Il faut aussi faire parfois preuve d’ingéniosité, comme ce fut le cas pour doubler Sandra Bullock dans Miss Détective, une comédie de 2001. «Le personnage parlait beaucoup en mangeant, alors j’ai acheté 1 kg de pommes pour faire l’enregistrement.»

 

Seul regret de la comédienne aujourd’hui : elle n’a pu, pour l’instant, rencontrer aucune des célébrités dont elle incarne la voix. «Mais ça se fera un jour», assure-t-elle. En même temps, elle précise qu’elle n’incarne pas la voix de la comédienne mais celle du personnage. Et, quand on lui demande si, dans le privé, elle regarde les films en VO ou en VF, elle répond du tac au tac : «En VO bien sûr ! Sinon, je reconnais les personnes derrière les voix, je repère les imperfections techniques… Ça me fait trop penser au travail.»

Elise Viniacourt

 

Photo Marie Rouge pour Libération

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January 8, 2021 5:04 PM
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David Geselson, dans l'émission "Par les temps qui courent"

David Geselson, dans l'émission "Par les temps qui courent" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretien par Romain de Becdelievre  pour l'émission "Par les temps qui courent" sur France Culture, le 8 janvier 2021

 

Rencontre avec l’auteur, comédien et metteur en scène David Geselson, l’occasion d’aborder son spectacle "Lettres non écrites", dont la tournée est prévue dès janvier 2021.

         Lien pour l'écoute de l'émission (43 mn) 

Dans Lettres non écrites, David Geselson met son écriture au service de spectateurs désireux de donner chair à une lettre, pour laquelle ils n'ont jusqu'alors jamais trouvé les mots ou franchi le seuil de l'écriture. Une parution d'un recueil de ces lettres aura lieu aux éditions du Tripode. Il sera également question de son spectacle "Le silence et la peur" traitant de la vie de Nina Simone, dont les représentations ont été perturbées par la pandémie, et qui devrait repartir en tournée dès février 2021.

 

Le site de la compagnie Lieux-dits de David Geselson

 

 

Photo : David Geselson• Crédits : Simon Gosselin

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January 8, 2021 3:28 PM
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Hervé Guibert, la résurrection d’un écrivain mi-ange mi-démon

Hervé Guibert, la résurrection d’un écrivain mi-ange mi-démon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Dominique Perrin dans M le magazine du Monde 8 janvier 2021.

 

RÉCIT

Il a bousculé la littérature par son exploration sans fard du corps, du sexe et de la mort. Décédé à 36 ans alors qu’il était atteint du sida, l’écrivain et photographe a conquis un cercle d’initiés, fascinés par ce Rimbaud des temps modernes, séduisant et subversif. Trente ans après sa disparition, un roman, une exposition et un documentaire lui rendront hommage cette année.

 

Légende photo :  Autoportrait allongé, Rome, 1988. HERVE GUIBERT/CHRISTINE GUIBERT/LES DOUCHES LA GALERIE

 

 

Nous ne sommes pas partis tout de suite pour l’île d’Elbe. Ce caillou au large de la Toscane a été le havre de tranquillité de l’écrivain Hervé Guibert. Il abrite désormais son tombeau. Mais la mer Tyrrhénienne, les villages perchés, la lumière dorée, ce sera pour plus tard.

Sur les traces de l’auteur, nous avons d’abord cherché la rue à son nom. Dans le sud de Paris, dans le 14e arrondissement, elle ne s’offre pas au premier venu. Il faut la désirer, fureter, passer devant deux tours de vingt étages et, quand enfin on tombe dessus, la déception est immense.

 

Un bout de bitume longe l’hôpital Saint-Joseph et débouche sur des barrières de chantier, des graffitis et des orties. Une rue qui ne ressemble à rien, avec cette plaque : « Rue Hervé Guibert, 1955-1991, écrivain, photographe ». On la parcourt en quelques pas, trente-six exactement. Trente-six, pile le nombre d’années qu’a vécues l’artiste, atteint par le sida et décédé le 27 décembre 1991 des suites d’une tentative de suicide. Une rue aussi courte que sa vie, derrière un hôpital. L’écrivain à l’humour vachard en aurait sans doute ri.

Grand nom de l’autofiction

Pour les trente ans de la mort d’Hervé Guibert, l’année 2021 lui réservera des hommages plus vibrants. Grâce à des romans dans lesquels il dissèque son intimité, l’éphèbe au regard clair et un brin hautain fascine de nouveau.

Grand nom de l’autofiction, journaliste au Monde et photographe, ami de Michel Foucault et de Roland Barthes, il a été une figure du Paris intellectuel des années 1980. Le grand public l’a découvert sur le plateau d’Apostrophes le 16 mars 1990.

 

Ce jour-là, Hervé Guibert apparaît, le visage émacié, pour présenter son nouveau roman, A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (Gallimard). Il y raconte sa maladie et révèle que Foucault en est mort. Il devient un des premiers visages du sida en France et son roman se transforme en best-seller, avec 400 000 exemplaires vendus aujourd’hui (poches compris). Aux Etats-Unis, le livre a été republié en mai 2020 et il le sera cette année en Grande-Bretagne. L’écrivain français a même eu droit l’an dernier aux colonnes du New Yorker et du New York Times.

 

En France, Mathieu Lindon est le premier à réveiller le fantôme de Guibert. Ecrivain et journaliste à Libération, il vient de sortir   Hervelino (éd. P.O.L), un livre sur « l’apogée » de leur amitié et dont le titre est le surnom qu’il lui donnait. Ils se sont rencontrés en 1978 chez leur mentor, Michel Foucault. Les deux jeunes hommes ont le même âge. « J’ai été quelque mois amoureux de lui, confie Lindon, mais nous n’avons jamais été amants et notre amitié n’a cessé de se fortifier pendant treize ans. »

 

En 2011, il a obtenu le prix Médicis pour un ouvrage de souvenirs, notamment sur Guibert et Foucault, Ce qu’aimer veut dire (P.O.L). Né dans les livres, Lindon relisait les textes de son camarade. Son père, Jérôme Lindon, a d’ailleurs édité plusieurs ouvrages de Guibert aux Editions de Minuit. Dans ce nouveau texte, il raconte leurs deux années romaines (1988 et 1989), quand ils étaient pensionnaires et colocataires à la Villa Médicis, leurs blagues de potaches et leurs multiples repas en face-à-face. Hervelino s’amaigrit à cause du sida, Lindon grossit pour son ami.

Film-testament transgressif

Fin mars, Arte diffusera Hervé Guibert, la mort propagande, un documentaire de David Teboul. Le titre reprend celui du premier livre de l’auteur (Régine Deforges, 1977), un recueil de nouvelles au contenu prémonitoire (« Donner ce spectacle extrême, excessif de mon corps, dans ma mort »). David Teboul raconte Guibert avec les images de Guibert. Car, à la fin de sa vie, l’écrivain-photographe s’est fait vidéaste pour tourner La Pudeur ou l’impudeur, un film-testament très transgressif sur la déchéance de son corps. On le voit chez le kiné, sur ses toilettes, à l’île d’Elbe. Il tourne même une mise en scène d’un vrai-faux suicide.

« Guibert, c’est une revendication non politique de l’homosexualité, une revendication liée au corps, au sexe et au désir. » David Teboul, réalisateur

Commandé par la productrice de reality-shows Pascale Breugnot (Perdu de vueTémoin numéro 1…), il a été diffusé sur TF1 un mois après sa mort. David Teboul a eu accès aux quatorze heures de rushs, à des films super-8 et à des photos d’enfance. Il signe un film intimiste, sans interviews, avec des textes de l’écrivain lus par l’acteur et réalisateur Nicolas Maury.

 

David Teboul, qui a déjà signé des documentaires sur Simone Veil, Yves Saint Laurent et Sigmund Freud, a découvert Guibert à 18 ans, en lisant A l’ami…, lors de sa sortie, en 1990. « J’ai été bouleversé, j’ai dû le lire trois fois. Guibert, c’est une revendication non politique de l’homosexualité, une revendication liée au corps, au sexe et au désir. » Grâce à lui, explique-­t-il, il fait partie d’une génération consciente des dangers du sida : « Je dédie mon documentaire à la génération qui m’a sauvé la vie. »

En décembre, enfin, la galerie parisienne Les Douches exposera à nouveau des photos de l’artiste. Assez classiques, en noir et blanc, ses clichés sont achetés par un « public plus passionnel que d’habitude », remarque la directrice Françoise Morin. Un public qui ne spécule pas. Sur le marché de l’art, le photographe est quasi inexistant : le site de vente aux enchères Artprice ne proposait fin décembre 2020 que vingt-quatre tirages. Ses fans rêvent que cette année soit aussi l’occasion d’exposer la trentaine de portraits de Guibert peints par le Catalan Miquel Barceló. Ils n’ont jamais été montrés.

 

« Aujourd’hui, certains découvrent que c’est un grand écrivain et pas seulement un écrivain du sida. »

Arnaud Genon, fondateur du site herveguibert.net

 

L’écrivain-photographe suscite un nouvel intérêt depuis déjà quelques années. Fondateur du site herveguibert.net, Arnaud Genon assure que ce n’était pas le cas il y a vingt ans. En 2001, il a cherché à réaliser une thèse sur l’auteur, mais les universitaires contactés en France ont refusé de le suivre. « Tous pensaient qu’il avait été médiatisé à cause du sida et qu’on l’oublierait vite, explique le professeur de lettres et de philosophie. On parlait peu de lui, il connaissait une sorte de purgatoire. » Arnaud Genon a finalement trouvé un directeur de thèse à l’université de Nottingham – le Français Jean-Pierre Boulé.

 

En novembre 2001, la publication du Mausolée des amants (Gallimard, 25 000 exemplaires vendus jusqu’à aujourd’hui), journal inédit dans lequel Guibert réinterprète toute sa vie, lui a amené de nouveaux lecteurs. Puis, en 2011, la Maison européenne de la photo (MEP) a organisé une rétrospective, qui a permis de mieux saisir la cohérence d’une œuvre.

« Aujourd’hui, certains découvrent que c’est un grand écrivain et pas seulement un écrivain du sida, remarque Arnaud Genon. Le milieu universitaire organise de plus en plus de colloques, des étudiants mènent des travaux, alors qu’on a presque oublié Cyril Collard (Les Nuits fauves) ou Guy Hocquenghem (Le Désir homosexuel). Il existe désormais une vraie littérature critique sur Hervé Guibert. » Ses archives ont été confiées dès 1993 à l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), près de Caen. Depuis, quelque quarante-neuf chercheurs s’y sont intéressés. « Un nombre significatif pour un auteur très contemporain », note la directrice Nathalie Léger.

Tortures et viols d’enfants

Son style dérange et séduit. Mots crus, écriture classique et ciselée, parfois sophistiquée, savant mélange d’horreur et de douceur, obsession du dévoilement de soi… Hervé Guibert a bousculé la littérature.

Thomas Clerc, maître de conférences en littérature contemporaine à Paris-Nanterre, l’enseigne à ses élèves de licence. « A la fin des années 1970, il établit une rupture dans le champ littéraire, car il fait de lui-même une œuvre d’art, analyse-t-il. Il radicalise l’autobiographie à une époque où c’est mal vu, car on considère que parler de soi n’est pas politique. Il inaugure ce mouvement historique d’une écriture de soi, appelé autofiction. Un mauvais terme selon moi, car la fiction n’est pas son but premier. Il va influencer Christine Angot, Catherine Millet ou Guillaume Dustan. » D’autres s’en réclament, tels Christophe Donner, Jean-Baptiste Del Amo, Claire Legendre, Mathieu Simonet

 

 

« Guibert est aussi l’homme d’un monde révolu, un monde où on a le droit de tout sexualiser, y compris les enfants. » Thomac Clerc, maître de conférences en littérature contempo-raine

 

Guibert, c’est aussi brutal. Il a écrit des romans pornographiques : Les Chiens (Editions de Minuit, 1982) et Vous m’avez fait former des fantômes (Gallimard, 1987), avec tortures et viols d’enfants à foison. Il a également écrit un livre, qui aurait du mal à être publié aujourd’hui : Voyage avec deux enfants (Editions de Minuit, 1982).

L’auteur y raconte sa virée au Maroc avec son ami photographe Bernard Faucon et deux adolescents de 17 ans, Pierre et Vincent. Mais, dans le roman, il les rajeunit – ce qu’aucun écrivain ne ferait aujourd’hui – et joue à se mettre dans la peau d’un pédophile. « Guibert est aussi l’homme d’un monde révolu, reconnaît Thomas Clerc, un monde où on a le droit de tout sexualiser, y compris les enfants. » L’enfance est d’ailleurs un des grands thèmes de l’écrivain, avec le corps, le sexe et la mort.

Airs de sex-symbol

L’intérêt pour une œuvre dense et subversive n’explique pas tout. L’engouement d’une com­munauté d’initiés semble tel qu’ils parlent de l’écrivain comme d’un intime. Un ami qui leur voudrait du bien – lui pourtant si cruel. Ils l’appellent « Hervé », comme on dirait Gustave ou Marguerite pour désigner Flaubert ou Duras. Mathieu Lindon le relève dans son livre. « Hervelino : c’est bien que le mot me soit revenu parce que tout le monde l’appelle Hervé maintenant, des gens qui ne l’ont pas connu. (…) Ici ou là, des étudiants ou des universitaires intéressés par son œuvre, des intervenants à la radio n’ont aucun scrupule à dire Hervé. »

 

Arnaud Genon est de ces experts sans scrupule. « Ce qui est fascinant, c’est qu’Hervé raconte toute sa vie, se justifie-t-il. Son œuvre c’est comme une maison, avec la chambre des grands-tantes, celle de tel amant, de tel autre… Cette maison devient celle du lecteur. On a l’impression d’appartenir à son univers, quand celui de beaucoup d’écrivains semble inaccessible. » Il l’avoue : « Hervé, c’est vraiment un compagnon dans ma vie. » L’auteur accompagne avant tout les lecteurs sensibles aux questions LGBT.

 

Spécialisée sur ces thèmes, la librairie parisienne Les Mots à la bouche vend en priorité Fou de Vincent (Editions de Minuit, 1989), roman érotique de Guibert sur son amour pour un adolescent, suivi par A l’ami… « Il est toujours une balise, un repère culturel pour les jeunes générations gays », constate le libraire Nicolas Wanstok. Ses airs de sex-symbol et sa gueule boudeuse qui semble sortie d’un film de Visconti en font une sorte d’icône – alors que Guibert ne s’aimait guère, complexé par un creux au milieu du thorax dû à une malformation.

 

 

« Guibert m’a initié à la culture gay, ouvert sur un univers intellectuel et apporté des clés pour la vie. » Marie Darrieussecq, écrivaine

 

Mais son lectorat dépasse le milieu gay intello. Hervé Guibert a ainsi été « un guide » pour Marie Darrieussecq. L’écrivaine ne l’a jamais rencontré, mais elle lui a consacré son DEA et une partie de sa thèse sur l’autofiction. Chez elle, pas très loin de la rue Hervé-Guibert, vingt-cinq de ses ouvrages s’alignent dans la bibliothèque. Elle l’a découvert à 19 ans. Elle est alors étudiante en khâgne à Bordeaux, quand on lui prête Mauve le vierge (Gallimard, 1988), un recueil de nouvelles qui vient de sortir. Jusque-là, elle n’a lu que des classiques. C’est le choc.

 

Elle adore Mes parents (Gallimard, 1986), fascinée par « la méchanceté de Guibert et son irrespect des valeurs familiales ». Elle trouve aussi « une cohérence » avec ce qu’elle vit. Comme elle, il est issu de la classe moyenne – il a passé son enfance à Paris puis son adolescence à La Rochelle, élevé par une mère au foyer et un père inspecteur vétérinaire.

 

Marie Darrieussecq sort d’une première année d’études agitée. Avec un ami homosexuel, elle a passé, pendant cinq mois, toutes ses nuits au Men’s, une boîte gay de Bordeaux. Ambiance insouciante mais aussi très sombre. « A l’époque, le manque d’information sur le sida est dramatique. Mes potes de 25 ans meurent, c’est terrifiant. Je n’ai pas pardonné la façon dont on a laissé mourir les jeunes, tout ça parce qu’ils étaient homosexuels, Noirs ou se piquaient. » Elle a gardé une « affection très forte » pour son premier auteur contemporain : « Guibert m’a initié à la culture gay, ouvert sur un univers intellectuel et apporté des clés pour la vie. » Pas moins.

 

« Il a ce qu’ont pour moi les plus grands, il fait cohabiter la plus belle poésie avec la plus grande trivialité. » Marina Foïs, comédienne

 

Certains s’emparent de leur écrivain-compagnon. Y compris les plus jeunes : acteur et humoriste de 33 ans, Vincent Dedienne a par exemple fait une lecture de Fou de Vincent à Vannes, il y a trois ans. Autre admirateur, Christophe Honoré l’a fait revivre le temps d’un spectacle sur une génération victime du sida. En 2018, le metteur en scène a créé Les Idoles, au Théâtre Vidy, à Lausanne (Suisse). Sur scène, les personnages de Cyril Collard, Jacques Demy, Jean-Luc Lagarce, Bernard-Marie Koltès, Serge Daney et Hervé Guibert, incarné par une adepte, Marina Foïs.

« Je me souviens d’Apostrophes, raconte la comédienne. Je me souviens de sa mort, j’avais 21 ans. Je me reconnais en lui, c’est un sentimental qui met à distance ses émotions. Il a ce qu’ont pour moi les plus grands, il fait cohabiter la plus belle poésie avec la plus grande trivialité. Dans ses textes, il y a le souffle des longues phrases, c’est construit et très musical et ça se termine avec le mot “chiasse”. »

 

Plus restreint, le cercle des proches façonne lui aussi une figure de légende. Pour eux, « Hervé » était un ami, un amant… Un être qui les a fait rire, parfois souffrir. Tous, entre eux ou loin les uns des autres – certaines rancunes sont tenaces –, se souviennent avec force d’un homme flamboyant, singulier et mélancolique. Créatrice de la première galerie photo à Paris, Agathe Gaillard a beaucoup soutenu Guibert. Elle l’a exposé dans le Marais et dans le monde entier, de Tokyo à Montevideo, jusqu’à ce qu’elle cède sa société, en 2017. « Quand il est venu dans ma galerie en 1977, confie-t-elle, il ne m’a pas parlé, mais j’ai tout de suite eu la sensation que quelqu’un de très important venait d’entrer. »

Pigiste très en vue

A quelques pas du jardin du Luxembourg, dans un appartement tamisé, une très belle femme aux cheveux blancs retenus en arrière nous attend sur une chaise roulante. Yvonne Baby a été cheffe du service culture du Monde de 1971 à 1985 – et première femme à détenir ce titre. Un AVC lui a fait perdre la marche il y a quelques mois, mais sa mémoire est intacte. « C’est moi qui ai inventé Hervé Guibert », annonce-t-elle d’emblée, d’une voix douce.

 

En 1977, elle le convie à un premier rendez-vous dans un café en face du journal, rue des Italiens. « Est-ce que vous connaissez la photo ? » « Pas du tout », répond le jeune homme de 21 ans qui pourtant utilise déjà son Rollei 35. Baby craque. « Hervé est beau, mais surtout il est hors du commun, il a une aura. Je lui dis : “Vous êtes peut-être notre ange.” Il n’y a évidemment rien de sexuel, mais on s’aime tout de suite. »

 

Hervé Guibert devient un pigiste très en vue du quotidien et un des premiers critiques photo. Il écrit également sur la vie culturelle, avec un style particulier – il décrit son ressenti, ose des incartades. « Il met le même talent et le même plaisir à écrire des articles que des livres », note sa collègue et amie Claire Devarrieux (à la tête du cahier « Livres » de Libération).

 

Quand, en 1985, Yvonne Baby est remplacée à la tête du service, tous deux partent pour le mensuel L’Autre Journal, créé par Michel Butel un an auparavant, qui mêle longs reportages, photos et dessins. De son pigiste adoré, elle garde de très belles lettres. Elle nous en tend une, postée de l’île d’Elbe. Deux pages qui parlent de solitude, de l’été qui ne vient pas et du temps où il lui envoyait des lettres discrètes au bureau.

 

« Je vis un peu avec lui, il vit un peu avec moi, comme un grand amour qu’on a eu. » Isabelle Adjani, actrice

 

Fidèle avec ses amis, mais aussi cruel. Il s’est brouillé avec la plus célèbre, Isabelle Adjani. « Elle figure mon désir fou de cinéma », écrivait-il dans Le Monde en 1981. Lui qui se rêvait réalisateur mais avait raté l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques, aujourd’hui Fémis) a voulu tourner un film avec ­l’actrice. Elle a hésité, le projet a capoté, il lui en a beaucoup voulu. Il en a fait ensuite un personnage d’A l’ami…, Marine (« Je haïssais Marine »).

 

Adjani, elle, est convaincue que leurs liens étaient « indéfectibles ». Guibert est pour elle une grande histoire. Quand la galerie parisienne Cinéma a exposé des clichés du photographe en 2016, elle est allée les voir une heure avant le vernissage, seule, puis a laissé un message elliptique dans le livre d’or : « Hervé… Hervé… Hervé… » Pour parler d’« Hervé », la star se rend vite disponible, reste longuement au téléphone, demande quels proches on a rencontrés. « Je vis un peu avec lui, il vit un peu avec moi, comme un grand amour qu’on a eu, confie-t-elle. Quand je pense à la mort – c’est quand même un sujet très présent –, j’y pense avec lui. J’ai des conversations imaginaires avec lui, spontanément. »

 

Elle l’a connu à la fin des années 1970. « Nous avions le même âge et on était très attirés l’un par l’autre à travers nos différences. Il était fasciné par le pourrissement et la décomposition des êtres. L’agonie faisait partie de sa thématique de vie. Il me bousculait sans cesse. Comme avec son amie Zouc [actrice et humoriste], il avait besoin que je le rejoigne dans son non-conformisme. Lui voyait en moi mon identité romantique, différente de son propre romantisme. »

 

Elle se souvient de « moments de rigolades enfantines » « Un bonheur nous liait. Mais il était déterminé à prendre des risques sexuellement, comme on prend une drogue qui va être plus forte que vous. J’ai un frère qui est mort après avoir été dans la destruction depuis son adolescence, alors j’ai été affolée qu’Hervé puisse, en toute lucidité, prendre le chemin de son élimination à travers le sida. » Son côté « dissident » lui manque. Il saurait, croit-elle, « foutre la merde de façon intelligente dans la terreur actuelle ».

 

Les garçons deviennent amants

Et puis, pour parler d’« Hervé », il y a sa veuve. Nous avons rendez-vous avec Christine Guibert à la galerie Les Douches. Longue silhouette aux cheveux blonds en bataille, yeux bleus surlignés de noir, elle s’assoit sur une chaise fourmi jaune citron.

En 1976, elle a 23 ans et s’apprête à devenir prof de français. Elle est en couple avec Thierry Jouno, étudiant en architecture et, comme elle, passionné de cinéma. Un jour, ils se rendent à une projection presse et rencontrent un jeune journaliste de leur âge, Hervé Guibert. Ils deviennent amis, les garçons amants.

 

« On part tous les trois à Florence, raconte Christine Guibert. Puis il y a un froid entre nous, un peu de jalousie. Thierry et Hervé se fréquentent parallèlement. On se revoit l’année d’après, à Porquerolles [Var]. Ces dix jours sont le déclencheur de notre amitié à trois. C’est un équilibre fragile, mais il tient jusqu’au bout. Je sens de la part d’Hervé un vrai amour vis-à-vis de moi. » Thierry, bisexuel, sera un des amants au long cours d’Hervé et aura deux enfants avec Christine.

 

En janvier 1988, l’écrivain apprend qu’il a le sida. Se sachant condamné, il organise sa postérité. Il ne veut pas que ses parents héritent de son œuvre. Alors, avec l’accord de Thierry, il épouse Christine en juin 1989 – « un moment très beau », se rappelle-t-elle. Elle-même séropositive, elle arrête d’enseigner. Thierry décède en 1992, du sida également. Grâce aux nouvelles molécules trouvées à ce moment-là, Christine ne développe pas la maladie. « C’était une aventure à trois, retient-elle de ces quinze années, une construction de notre jeunesse ensemble, chacun se cherchant, même si Hervé était très déterminé. Il voulait absolument être connu. »

Des reliques aux enchères

Gardienne de l’œuvre, Christine Guibert veille. Elle fait respecter le testament littéraire à la lettre. Gallimard a ainsi publié de nombreux ouvrages jusqu’à l’an dernier. Elle choisit aussi les gardiens du temple, avec sa grande amie Agathe Gaillard, qui décrypte leur méthode : « Avec Christine, on fait la différence entre ceux qui rôdent autour de la mémoire d’Hervé et ceux à qui on donne notre “agrément”. Vincent Dedienne est “agréé”, Arnaud Genon, qui a créé le site, aussi. »

 

Parfois, Christine Guibert relève que l’admiration frise la vénération. Le 26 janvier 2002, elle a organisé dans la galerie d’Agathe Gaillard une vente aux enchères de certains objets de l’écrivain, car « c’est lourd d’avoir tout ça chez soi ». Le public s’est rué sur les reliques. « Les gens achetaient un lot de cartes postales ou des petites statues pour garder chez eux quelque chose d’Hervé, raconte-t-elle. Sophie Calle [artiste et amie de l’écrivain] est passée, elle a acheté le singe vert empaillé. Il n’y avait pas la sensation de Lourdes, mais un peu quand même. L’ambiance était presque religieuse. »

 

Pas de quoi étonner Marie Darrieussecq. « Guibert a le potentiel d’une icône, assure-t-elle. Peut-être pas à la Rimbaud, mais pas loin. Très beaux garçons, ambigus, méchants, avec un style incroyable. Ce sont des punks suprêmes, qui vous emmerdent. Ça ne m’étonnerait pas qu’il y ait des tee-shirts Hervé Guibert un jour. » Avis à qui veut investir dans le fanatisme guibertien.

Pélerinage à l’île d’Elbe

Finalement, c’est avec un fan, Vincent Dedienne, que nous embarquons pour l’île d’Elbe. Du moins avec ses souvenirs. « J’ai accompli le pèlerinage en juillet 2012, raconte le comédien. J’ai découvert Guibert depuis peu, je suis à fond. Je viens d’adapter un de ses livres, à Lyon. Je pars avec une comédienne et un copain, dans la Twingo de ma mère. Je vais d’abord au cimetière de Rio nell’Elba voir la tombe, encastrée dans un mur. Dans Le Protocole compassionnel (Gallimard, 1991), Guibert imagine que l’enterrement au cimetière est factice et que son corps est enterré à l’ermitage de Santa Caterina. Je me rends sur place. C’est fermé, j’escalade le mur. Et là, dans le jardin, c’est fou. Je reconnais ses photos. Je vois la mer au loin. Même la petite clochette suspendue à un auvent est là, elle teinte au vent. »

 

Dans Le Protocole compassionnel, rédigé à la fin de sa vie, Hervé Guibert écrit en effet : « Je savais déjà que chaque année des dizaines de gens curieux, des amoureux, des jeunes filles, des exégètes tarabiscotés et pointilleux feraient le pèlerinage sur l’île d’Elbe pour se recueillir sur ma tombe vide. » Il a été le premier à façonner sa propre mythologie.

 

Dominique Perrin - M le magazine du Monde

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January 8, 2021 6:47 AM
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/ critique / "Le Cycle de l’absurde" : la belle course du CNAC

/ critique / "Le Cycle de l’absurde" : la belle course du CNAC | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anaïs Héluin dans Sceneweb le 7 janvier 2021

 

Mis en piste par Raphaëlle Boitel, les élèves de la 32ème promotion du Centre National des Arts du Cirque (CNAC) disent dans leur spectacle de fin d’études, Le Cycle de l’absurde, l’obsession de vitesse, d’efficacité qui caractérisent l’époque. Un superbe crépuscule, dont on espère que les lueurs d’espoir sont prémonitoires. Le spectacle a été créé à huis-clos en décembre en attendant une tournée qui doit débuter par La Villette…

 

Les élèves de la 32ème promotion du Centre National des Arts du Cirque (CNAC) n’auront pas eu pour leur fin d’études la même chance que leurs camarades des promotions précédentes. Pour la première fois depuis 1989 en effet, les jeunes circassiens de 3ème année n’ont pas pu présenté à Châlons-en-Champagne leur spectacle de sortie d’école au public. Après un premier report, l’équipe du lieu a décidé que seules trois représentations seraient maintenues, uniquement devant quelques programmateurs et journalistes. Cela avant, dans le meilleur des scénarios possibles, d’adapter la création pour le chapiteau, où elle se jouera à La Villette du 20 janvier au 14 février 2021, puis ailleurs en tournée. En nous rendant le 17 décembre au CNAC, dans un chapiteau de 800 places quasi-vide et silencieux alors qu’il déborde d’habitude de la joie de découvrir de jeunes circassiens au moment de leur envol, il était aisé d’imaginer la difficulté pour les artistes en question d’entrer aujourd’hui dans la vie professionnelle.

 

Dans la très élégante et subtile mise en scène de Raphaëlle Boitel, qui prend la suite du Galapiat Cirque invité l’an dernier par le CNAC à remplir le même rôle si délicat auprès de la 31ème promotion, ils n’en laissent rien paraître sur la piste. Au contraire, dans le clair-obscur du Cycle de l’absurde, ils brillent de tous leurs feux jusque-là peu employés. Habituée aux grandes distributions pour avoir créé plusieurs opéras, et familière des grands plateaux depuis ses débuts auprès de James Thierrée à l’âge de 13 ans, Raphaëlle Boitel a su mettre en valeur chacun des 14 artistes de la promotion, de même que le collectif qu’ils forment depuis trois ans, et qui se prolonge autrement à travers cette création. Elle n’en a pas pour autant renoncé à son univers bien reconnaissable dans le paysage du nouveau cirque : très visuel mais aussi organique, crépusculaire mais traversé par une énergie, par un humour qui rendent possible malgré tout une forme d’espoir, et même de joie.

 

Cannelle Maire, qui ouvre le Cycle de l’absurde avec sa roue allemande, aurait pu être l’une des figures qui peuplent les créations de Raphaëlle Boitel : elle est une « Oublié(e) », nom de la compagnie fondée en 2012 par la metteure en scène et chorégraphe. Seule sur un plateau vide, dont l’obscurité laisse seulement deviner la présence d’agrès, Cannelle lutte contre sa roue autant qu’elle fait corps avec elle. Elle inaugure un défilé de créatures traversées par des forces contraires. Comme toujours chez Raphaëlle Boitel, les femmes occupent dans ce singulier ballet une place importante, bien qu’elles soient moins nombreuses que leurs complices masculins. Tia Balacey, par exemple, se retrouve souvent au centre des allers-venues, des traversées à toute berzingue de ses camarades.

Pratiquant l’acrodanse comme, dit-elle, « une discipline à part entière et non un métissage entre acrobatie et danse », son « corps toujours en action et en quête d’une verticale temporaire » est l’un des nombreux cœurs de la pièce. L’un de ses nombreux Sisyphe, avec Fleuriane Cornet dont les équilibres sur vélo font tourner les têtes masculines, ou encore avec le jongleur Ricardo Serrao Mendes, qui parle avec ses balles autant qu’il les manipule. Car les hommes ne sont pas en reste dans la folle course orchestrée par Raphaëlle Boitel. Le trapéziste Andrès Mateo Castelblanco SuãrezAris Colangelo au mât chinois, le porteur Marin Garnier – bien que blessée, sa voltigeuse Maria Jesus Penjean Puig a su trouver sa place dans le spectacle –, le trapéziste Alberto Diaz Gutierrez ou encore le fildefériste Giuseppe Germini ont beau être enveloppés dans la même semi-pénombre crée par Tristan Baudoin, le collaborateur artistique de Raphaëlle Boitel, et baignés par la même musique électro composée par Arthur Bison, tous ont l’espace nécessaire pour développer une partition personnelle. Chose rare dans ces spectacles de fin d’études, on reconnaît chacun, on s’y attache. Sans perdre de vue le mouvement collectif.

 

Tantôt seuls ou à deux sur la piste pleine d’ombres, de poussière et de fumée, tantôt à plusieurs, les artistes expriment avec leurs moyens la rapidité de l’époque. Ils interrogent ses conséquences en matière de sens. Une série de gestes, de motifs récurrents questionne les obsessions des artistes, leur goût pour un agrès, pour un type d’expression physique plutôt qu’un autre. Les douze disciplines représentées dans la pièce sont soumises au même traitement, au même regard critique qui n’empêche pas l’amour, au contraire. C’est là l’une des grandes réussites de Raphaëlle Boitel et de ses 14 interprètes : tout en disant les dérives de l’époque, en particulier sur le plan relationnel, Le Cycle de l’absurde donne à voir des individualités et un collectif fort, prêts à s’engager dans le cirque et donc la vie, le premier étant dans leur spectacle une métaphore de la seconde. Conçu pour l’occasion par Tristan Baudoin, l’étonnant agrès du nom de « spider » dit à lui-même la beauté et la difficulté de l’entreprise. Et la nécessité d’y croire, encore.

 

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Le Cycle de l’absurde

La 32e promotion du CNAC

Mise en scène : Raphaëlle Boitel
Collaboration artistique, scénographie, lumière : Tristan Baudoin
Musique originale : Arthur Bison
Création costumes : Lilou Hérin
Rigging, machinerie, complice à la scénographie : Nicolas Lourdelle
Assistante : Alba Faivre

Les 15 interprètes de la 32e promotion du CNAC :
Tia Balacey (France) : acrodanse
Guillaume Blanc (France) : acrobatie
Andrés Mateo Castelblanco Suarez (Colombie) : trapèze Washington
Aris Colangelo (Italie) : mât chinois
Fleuriane Cornet (France) : équilibre sur vélo
Alberto Diaz Gutierrez (Chili) : trapèze fixe
Pablo Fraile Ruiz (Espagne) : corde lisse
Marin Garnier (France) : portés acrobatiques (porteur)
Giuseppe Germini (Italie) : fil
Cannelle Maire (France) : roue allemande
Maria Jesus Penjean Puig (Chili) : portés acrobatiques (voltigeuse)
Mohamed Rarhib (Maroc) : sangles
Vassiliki Rossillion (France) : corde volante
Ricardo Serrao Mendes (Portugal) : jonglerie
Erwan Tarlet (France) : sangles

Production 2020 : Centre national des arts du cirque / Cie L’Oublié(e)

Le CNAC est un opérateur de l’État, financé par le ministère de la Culture – DGCA et reçoit le soutien du Conseil départemental de la Marne, de la Ville et de la Communauté d’Agglomération de Châlons-en-Champagne.
La Brèche, Pôle national des arts du cirque Normandie / Cherbourg-en-Cotentin a accueilli l’équipe artistique en résidence de création du 7 au 18 septembre 2020.

La Cie L’Oublié(e) – Raphaëlle Boitel est en compagnonnage à l’Agora PNC Boulazac Aquitaine. Elle est conventionnée par le ministère de la Culture DRAC Nouvelle-Aquitaine et soutenue par la ville de Boulazac Isle Manoire, le Conseil départemental de la Dordogne et la Région Nouvelle-Aquitaine.
Partenaire privilégié du CNAC, le Conseil régional du Grand Est contribue par son financement aux dispositifs d’insertion professionnelle mis en place par le CNAC.

Durée : 1h25

TOURNÉE 2021
Paris (75) – La Villette
du 20 janvier au 14 février
sous le chapiteau du CNAC

Elbeuf (76) – Cirque Théâtre d’Elbeuf
Pôle national Cirque – Normandie dans le cadre du festival SPRING
9, 10 & 11 avril
dans le cirque
cirquetheatre-elbeuf.com1628

Boulazac (24) – AGORA PNC Boulazac Nouvelle-Aquitaine
4, 5 & 6 mai
sous le chapiteau du CNAC – Plaine de Lamoura

Reims (51) – Le Manège, scène nationale-reims
23, 24 & 25 avril
dans le cirque

Montigny-lès-Metz (57) – Cirk’Eole
dans le cadre du festival “Les nuits d’Eole”
21, 22 & 23 mai
sous le chapiteau du CNAC

 

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January 7, 2021 5:34 PM
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Une passion protéiforme - Ép. 4/5 - Denis Podalydès, scènes de la vie d’un artiste

Une passion protéiforme - Ép. 4/5 - Denis Podalydès, scènes de la vie d’un artiste | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretien radiophonique avec Denis Podalydès au micro de Béline Dolat - France Culture - diffusion du 4 au 8 janvier 2021

 

Une vie d’artiste entre théâtre, cinéma et écriture… Denis Podalydès joue l’alternance et le mélange des genres.

 

Ecouter l'entretien en ligne (28 mn) 

Metteur en scène, scénariste, écrivain, Denis Podalydès se déploie sur tous les territoires. Une expérience nourrit l’autre et il ne saurait renoncer à cette naturelle alternance. A la fin des années 90, il mettra en scène les pièces d’Emmanuel Bourdieu, philosophe, réalisateur, dramaturge et meilleur ami. 

 

Dans le travail de création scénique ou cinématographique, j'ai besoin d'un autre qui est là et sur lequel je m'appuie.

 

Plus l'œuvre semble me contester, me bousculer et plus ça m'intéresse, c'est comme si c'était un oursin que j'essayais d'attraper par un des piquants et je me pique tout le temps, mais c'est ça qui me plaît.  

 

 

Il choisit Eric Ruf (Administrateur Général de la Comédie Française) pour la scénographie de ses spectacles et cosigne quelques-uns des scénarios des films de son frère Bruno Podalydès. Pour chacun de ses projets, il choisit un partenaire de jeu, reproduisant invariablement le duo qu’il forme avec Bruno depuis l’enfance.

 

Lorsque j'enregistre un texte dans un studio d'enregistrement, je suis un acteur en train d'écrire, où jouer et écrire c'est presque la même chose. Je m'attache à une seule chose c'est d'être intelligible. Je rêve d'être totalement transparent et qu'il n'y ait que le sens du texte qui passe, que le sens et la matière du texte, c'est à dire de créer un mouvement alchimique qui fait que je me transmute. Je me transforme en substance littéraire et significative.

 

 

Une série proposée par Béline Dolat, réalisée par Christine Robert. Prise de son : Yann Fressy. Attachée de production : Daphné Abgrall. Coordination : Sandrine Treiner.

Liens

Bibliographie 

 
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January 4, 2021 11:57 AM
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Ariane Mnouchkine sur le vaccin : “Ministres, n’êtes-vous donc pas prêts ?”

Ariane Mnouchkine sur le vaccin : “Ministres, n’êtes-vous donc pas prêts ?” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Tribune d'Ariane Mnouchkine publiée sur Telerama.fr le 3 janvier 2021

 

 

[TRIBUNE]

La directrice du Théâtre du Soleil ne comprend pas la lenteur et les atermoiements du gouvernement en matière de vaccination contre le Covid-19. Elle le fait savoir dans cette tribune, qui fédère déjà plusieurs milliers de signatures, et en attend bien d’autres...

 

Ministres, n’êtes-vous donc pas prêts ? Et votre chef ? Au bout d’un an de ratages, d’appauvrissement, de pertes, d’humiliations, de souffrances, de morts, vous n’êtes toujours pas prêts ?!

Alors qu’en Allemagne et au Royaume Uni, au Danemark, dans toute l’Europe, les campagnes de vaccinations enregistrent des patients par milliers, en France, la patrie de Pasteur, nous comptons à peine quatre centaines de personnes âgées vaccinées. Et deux ou trois médecins, alors que tous les soignants de France et de Navarre devraient l’être avant tout le monde.

 

Pourquoi ? Que se passe-t-il ?

À vous écouter les Français seraient trop sceptiques, trop hésitants, bref, trop anti-vaccins.

 

Avez-vous donc si peur des Français que vous régliez ainsi votre pas sur les plus craintifs ou, plutôt, sur les plus soupçonneux d’entre nos concitoyens échaudés par vos mensonges et qu’aujourd’hui, vous poussez à la crainte par vos bobards obstinés et votre pusillanimité incompréhensible ?

 

Allez-vous vraiment vous abriter longtemps derrière ceux qui, par votre faute, restent indécis ? Ne voyez-vous pas que votre tiédeur suspecte nourrit les thèses obscurantistes les plus nocives, les plus vénéneuses.

 

Que ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ne le fassent pas, c’est leur droit, mais en leur nom, allez-vous prétendre empêcher les volontaires de le faire au plus vite alors que, ce faisant, nous protègerions jusqu’aux plus rétifs des anti-vaccins, qui le savent bien d’ailleurs.

 

Pensez-vous vraiment pouvoir nous rejouer la petite musique de mars contre les masques ? Non ? Alors, faites votre métier, arrêtez de jouer de la flûte. Faites votre devoir. Organisez cette campagne de vaccination comme il se doit pour que nous, artistes de tous ordres, grands et petits restaurateurs, cafetiers, bistrotiers, boutiquiers, étudiants, professeurs, docteurs, infirmières, brancardiers, pompiers, policiers, caissières, athlètes, personnes âgées, nous puissions faire le nôtre et partager à nouveau ce qui s’appelle le bien commun, pour certains en ouvrant leurs théâtres, leurs cinémas, leurs restaurants, leurs boutiques, leurs bars, leurs gymnases, leurs universités, leurs bras. Pour d’autres, en cessant de surveiller nos cabas, nos déplacements, nos verres, nos fêtes, nos places et nos rues et en retrouvant leurs vraies missions de gardiens de la paix.

 

Ministres français, vous tremblez ? Et votre chef. Alors que, avec une incroyable promptitude, inespérée il y a encore quelques semaines, des savants du monde entier, ont, grâce à leur travail acharné, déposé en vos mains l’arme nécessaire et, bientôt, suffisante, pour vaincre le virus et libérer le pays de cet occupant dévastateur, vous tremblez ?! Alors partez. Démissionnez. Nous avons besoin de gens courageux, compétents, respectueux de leurs concitoyens.

 

Eh bien, qu’attendez-vous ? Vous voulez des suicides, des émeutes ? Des suicides, il y en a déjà. Quant aux émeutes, elles brûlent dans beaucoup de cœurs. Des cœurs pourtant bien sages d’habitude.

Signataires…

Si vous souhaitez co-signer cette tribune, envoyez votre nom et profession à : colere@theatre-du-soleil.fr

Ariane Mnouchkine (metteuse en scène, directrice du Théâtre du Soleil)
Christophe Rauck (metteur en scène directeur du Théâtre de Nanterre)
Hélène Cixous (écrivain)
Simon Abkarian (acteur et auteur metteur en scène)
Isabelle van Poorten ( médecin à Nantes)
Véronique Driancourt-Maillet (médecin à Thonon les Bains)
Stéphane Ricordel (co-directeur du théâtre Le Monfort et du Festival Paris-l’Été)
Laurence de Magalhaes (co-directrice du Théâtre Le Monfort et du Festival Paris-L’Été)
Alain Françon (metteur en scène)
Frederic Fisbach (metteur en scène)
Anne Coterlaz (directrice de production)
Jean Bellorini (metteur en scène directeur du TNP de Villeurbanne)
Cécile Garcia Fogel (comédienne)
Francis Peduzzi (Directeur du Channel Scène nationale)
Patricia Lopez (attachée de presse).
Martial Jacques (comédien)
Dominique Jambert (comédienne)
Vincent Mangado (comédien)
Georges Bigot (comédien, metteur en scène)
Alexandre Zloto (comédien , metteur en scène)
Françoise Berge (psychothérapeute)
Liliana Andréone (attachée de presse)
Samir Abdul Jabbar Saed (comédien)
Myriam Azencot (comédienne)
Taher Mohd Akbar (comédien)
Hélène Cinque (comédienne)
Andréa Marchand (comédienne)
Tania de Montaigne (journaliste et auteure)
Sylvain Creuzevault (metteur en scène)
Jean-Louis Martinelli (metteur en scène)
Daniel Cohn-Bendit (ex député européen)
Clémentine Marmey
‌Denys Laboutière (comédien, dramaturge)
Louise Marchand (psychologue)
Nicolas Jones Gorlin (auteur, scénariste)
Michel Peteau (musicien)
Jean-Marie Soulard (ingénieur)
Christophe Cotteret, (réalisateur documentaire)
Bernard Bretonnière , (écrivain)
Christian Bouillette
Anne Raymond (comédienne)
Nathalie Hammad (éducatrice spécialisée)
Georges Hanouna (producteur)
Dominique Varda (agent artistique)
Christian Bouillette (comédien)
Brigitte favier (retraitée)
Julien Championnet (directeur de la Clef des Chants, Décentralisation Lyrique Hauts-de-France)
Niki Noves (chorégraphe, directeur artistique)
Arnaud Clappier (cinéma Utopia,Toulouse)
Laporte Thierry (médecin cardiologue du Sport Bordeaux
Danièle Saint-Bois (écrivain)
Antoine Lucciardi (comédien, Rouen)
Sébastien Mossière (auteur, comédien)
Didier Salzgeber (Cooperateur culturel)
Jérôme Batteux (auteur et metteur en scène)
Pierre Richard
Julian Julien (compositeur et musicien)
Stephane Aznar (cadre dans l’édition)
Marie Genin (productrice de la société FOLAMOUR)
Nicole Regin (retraitée)
Sylvie Ferro (écrivain et metteur en scène)
Pierre Jammaron (retraité)
Marc Herissant (ouvrier)
Antoine de La Morinerie (comédien et professeur d'art dramatique)
Caroline Chaumont (danseuse)
Jos Verdier (retraitée de la fonction publique)
Paul Platel (acteur et auteur metteur en scène)
Philippe Lienard (retraité de la fonction public)
Annick Hemon (chanteuse)
Denise Deléglise (retraitée)
Corine Grosclaude (directeur régional industrie)
Catherine Allali (psychologue)
Marina Foïs (actrice)
Lotus Eddé Khouri (danseuse,chorégraphe)
Jean-Christian Marcovici (comédien)
Denise Broussin (médecin radiologue, privé)
Laurent Klein (bistrotier)
Jean-Claude Lallias (Conseiller Théâtre à la délégation Arts et Culture, Réseau-canopé, Ministère de l’Education nationale)
Marie-France Ponczner (retraitée, présidente des cies Bottom (théâtre) et Rualité (dance))
Anne de Amézaga (co-directrice Compagnie Louis Brouillard)
Fiammetta Namer (professeur des universités, Université de Lorraine)
Guy Allali (dentiste)
André Bonnin (retraité de la marine marchande)
Marie-Françoise Bellamy
Francisco Cabello (comédien musicien)
Martine Fargeix (retraitée)
Grégoire Blanchon (comédien et chanteur)
Chantal Roche (responsable clientèle Air France)
Isabelle Lutter (Illustratrice)
Mickaël Délis (comédien, metteur en scène)
François-Henry Rainson (scénographe – plasticien)
Nolwenn Demassard (tour manager et agente)
Anne Amichot (médecin généraliste)
Kalifornias Estates (retraité, regisseur)
Alexia Guarinos (responsable éditoriale)
Caroline Leobet (graphiste)
Amaya Urtizverea (retraite de la production cinéma)
Thierry Thieu Niang (chorégraphe)
Stéphanie Midroit (restauratrice, Chabert et fils Lyon)
Aliette Abert (professeur de lettres retraitée)
Michèle Poncet (théâtre amateur)
Maurice et Chantal RICHARD (hôteliers restaurateurs)
Gladys Marciano (scénariste)
Allaoua Bakha (ancien directeur de centre socio-culturel, enseignant Université Jean Monnet)

 

Premiers noms sur une longue liste mise à jour en temps réel, à consulter sur le site de Télérama

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January 4, 2021 8:52 AM
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Caroline Guiela Nguyen, au contact des blessés

Caroline Guiela Nguyen, au contact des blessés | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Vincent Bouquet dans Sceneweb - 29/12/2020

 

Génération Sceneweb (29/30). Grâce au succès de Saïgon, la cheffe de file des Hommes approximatifs est entrée dans les hautes sphères théâtrales. Après un temps de silence, elle se lance dans un ambitieux cycle de quatre ans autour de la Fraternité.

 

Ces dernières années, Caroline Guiela Nguyen aura rejoint le club très fermé des artistes qui, au moment des saluts, reçoivent des triomphes. Ces vivats, la metteuse en scène les doit à Saïgon. Créé au Festival d’Avignon 2017, après un tour de chauffe à la Comédie de Valence, ce spectacle a connu une tournée comme on n’en fait plus. 200 dates, y compris à l’international, qui ont permis à la cheffe de file de la compagnie Les Hommes approximatifs de se forger un nom, après ses premiers coups d’éclat avec Elle brûle, Le chagrin et le sublime Mon grand amour. « Mon parcours est lié à de grandes fidélités, avec Richard Brunel et Stéphane Braunschweig notamment, mais aussi à cette conviction qu’il fallait faire exister, sur les plateaux français, des visages et des récits qui jusqu’ici n’y étaient pas », résume-t-elle.

Car Caroline Guiela Nguyen cultive un langage théâtral à nul autre pareil, où le réel et les personnes qui le composent viennent nourrir, et souvent intégrer, le monde fictionnel qu’elle crée. « La production de récits me donne les moyens de raconter le monde de différents points de vue et d’aborder des sujets sans verser dans l’idéologie, précise-t-elle. Je travaille avant tout avec des personnes, avec ce qu’elles sont, mais aussi avec l’imaginaire dont elles sont faites. En tant qu’autrice, je crois dans la puissance de l’imagination, quand elle est lestée, quand elle est conséquente, en lien avec le réel qu’elle entend raconter. Ce “il était une fois” mis à la portée de tous est finalement une pratique très démocratique. »

Prendre de l’élan

Une logique qui présidera, à nouveau, au cycle Fraternité qu’elle vient de lancer et qui, après un court-métrage, Les Engloutis, tourné cet été avec sept détenus de la maison centrale d’Arles, se déclinera en trois volets : FraternitéContes fantastiques créé l’été prochain – peut-être, suppose-t-on, au Festival d’Avignon –, La Nuit, l’Enfant au printemps 2022 à la Schaubühne de Berlin, dont elle est désormais artiste associée, et un dernier au National Theatre de Londres lors de la saison 2023-2024. « Le mot “fraternité” m’intéresse car il est complexe et rempli de solidarité, explique-t-elle. Je n’ai pas envie de penser, contrairement à certains, que notre monde manque de fraternité. Il nous manque plutôt des récits de fraternité qui, s’ils existent, sont insuffisamment représentés. »

Des récits que Caroline Guiela Nguyen est allée puiser, ces derniers mois, dans des centres sociaux et des centres de soins, ces « labos de fraternité », comme elle les appelle, « où des gens prennent de façon viscérale, évidente, soin d’autres personnes »« Comme je suis convaincue que notre futur est archivé quelque part dans notre présent et que j’ai voulu sortir de la logique du constat, forcément désarmant, j’ai projeté Contes fantastiques dans soixante ans, dans un monde où, après la catastrophe, les gens prendraient soin les uns des autres, détaille-t-elle. Certains y verront de la naïveté, mais ça n’en est pas. Pour construire ce spectacle, je ne me suis pas exilée sur une île, mais je me suis mise à l’endroit où il y avait des blessés. »

Un projet ambitieux qui explique mieux son absence, ces trois dernières années, des radars de la création et du mercato théâtral, alors que d’aucuns l’attendaient de pied ferme. « Après Saïgon, j’ai eu mille propositions, mais j’ai préféré développer des récits et des histoires pour prendre de l’élan et regagner de la force en vue de ce nouveau cycle. Même si je suis une enfant des CDN, je ne souhaite pas pour le moment présenter ma candidature à la tête d’un lieu car j’adore le travail en compagnie. Au fil des années, nous avons développé un outil très spécifique qui correspond parfaitement à notre travail. » Façon, pour elle, de couper court à la rumeur qui, à intervalles réguliers, lui prête, avec bienveillance et espoir, d’autres ambitions.

 

 

Vincent Bouquetwww.sceneweb.fr

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January 2, 2021 10:45 AM
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Le Théâtre du Soleil à l’heure du Japon

Le Théâtre du Soleil à l’heure du Japon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde 28/12/2020

 

 

Pour préparer son prochain spectacle, prévu initialement en avril 2021, la troupe d’Ariane Mnouchkine s’initie au nô et au kyôgen, à la Cartoucherie de Vincennes.

 

 

Le Théâtre du Soleil est un navire, comme l’a dit Ariane Mnouchkine dans le discours qu’elle a prononcé à l’occasion de la remise du prestigieux prix Kyoto Arts et philosophie dont elle était la lauréate. Cela s’est passé en juin 2019, dans ce Japon où pour elle tout a commencé en 1963, lors du voyage fondateur en Asie qu’elle a effectué juste avant de créer le Soleil, en 1964. Depuis, le Soleil voyage sur les mers du théâtre et du temps, animé par l’expérience d’une utopie chaque jour remise en chantier, porté par l’impérieux désir de s’adresser à tous, ancré dans les turbulences et les espoirs du monde, dont témoignent 55 ans de spectacles, et de la vie qui toujours guide le navire vers de nouveaux horizons.

 

En ce mois de décembre, on répète, au Soleil. La prochaine création n’a pas encore de titre – sinon L’Ile d’or, titre provisoire – et la seule chose que l’on en sache, c’est qu’elle « se passe au Japon, mais ce n’est pas un spectacle sur le Japon », dit Ariane Mnouchkine. Elle devait être présentée au public en avril 2021, « mais cela ne sera pas possible, financièrement, si les mesures sanitaires sont maintenues », explique Charles-Henri Bradier, codirecteur du Soleil – qui est d’ores et déjà invité à jouer à Kyoto et à Tokyo, dans le cadre de la saison de la France au Japon, en octobre et novembre 2021.

 

Commencées en mars, les répétitions se sont transformées en séances de travail par l’application Zoom, pendant le premier confinement. La troupe a dû renoncer au voyage sur l’île de Sado-ga-Shima, où elle devait poursuivre la création. Située dans la mer orientale de l’Archipel, cette île est dépositaire d’une haute culture héritée de son passé : elle a longtemps servi de lieu de bannissement pour les intellectuels et artistes tombés en disgrâce. C’est à Sado que l’on trouve les tambours de Kodo, et que fut relégué Zeami (1363-1443), le grand maître du nô – ce nô que, sept siècles plus tard, les acteurs du Soleil apprivoisent.

Mémoire du corps

On les voit, vêtus à la japonaise, foulant l’herbe de la Cartoucherie de Vincennes et se dirigeant vers la salle de répétition. Etrange et belle vision de ce cortège que l’on dirait monastique. Des hommes et des femmes de tous âges et de toutes nationalités, comme toujours chez Ariane Mnouchkine. Ils sont environ trente-cinq, et pendant trois heures, ils vont travailler, masqués, à distance les uns des autres. La porte de la salle donnant sur l’extérieur est ouverte, on entend parfois les oiseaux, et, sur l’estrade, une femme donne le cours : Kinué Oshima.

 

Pendant un long moment, ce matin-là, elle leur apprend comment passer un éventail d’une main à l’autre. Un exercice typique du raffinement qui fascine dans le nô et requiert un art subtil. Comment l’apprendre ? En décomposant chaque geste, jusqu’aux plus infimes. Et en respectant des règles qu’explique Kinué Oshima : « Regardez bien dans le lointain. » « Ne regardez surtout pas le mouvement que vous faites. N’oubliez pas que dans une représentation de nô, tout cela se joue avec un masque, et que vous ne voyez pas les mouvements de vos mains. Il faut vraiment avoir une sensation du corps. » Kinué Oshima insiste, cette mémoire du corps est essentielle : « C’est par elle qu’on retient les gestes. D’où l’importance de faire et de refaire ces exercices. »

Kinué Oshima, actrice et enseignante, à propos des professionnels de nô : « Ils sont autour d’un millier, et les femmes représentent à peine 20 % »

Ils font et refont donc, guidés par les paroles de leur professeure, assistée d’une interprète, Dominique Palmé, à qui l’on doit la traduction saluée des Confessions d’un masque, de Mishima (Gallimard, 2019). Plus tard, une fois le cours fini, Kinué Oshima, 46 ans, parle de son histoire avec le nô, qui l’accompagne depuis l’enfance. Dès l’âge de 3 ans, elle a été sur la scène de nô de ses parents, à Fukuyama. Son père est acteur, héritier d’une famille de nô depuis quatre générations. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle a voulu devenir actrice, dans un art masculin. Et elle y est arrivée. Kinué Oshima est inscrite à l’association de nô japonaise, qui recense les professionnels.

 

« Ils sont autour d’un millier, et les femmes représentent à peine 20 %, explique-t-elle de sa voix magnifique, rendue grave par des dizaines d’années d’exercices vocaux. Mais la proportion des femmes augmente graduellement. » Ces femmes, on ne les voit pas sur scène en Occident, où les tournées sont toujours assurées par les tenants du nom des écoles de nô, masculins. Mais Kinué Oshima a déjà joué trois fois sur la scène de nô d’Aix-en-Provence, qui a été transportée du Japon en 1992 par un très grand acteur, Tanshu Kano (1937-2016), et qu’elle rêve de faire vivre.

Quand on lui demande s’il n’est pas trop difficile d’apprendre son art à des Français, Kinué Oshima répond aussitôt : « Non, ce n’est pas plus difficile que de l’enseigner aux Japonais qui, pour la plupart, sont complètement ignorants en matière de nô. Le Théâtre du Soleil est imprégné depuis très longtemps par un intérêt pour la culture et le théâtre asiatiques. »

Ambiance légère et grands rires

Hiroaki Ogasawara fait le même constat. Au Soleil, il enseigne le kyôgen, cet art comique qui s’insère dans le nô, lors des intermèdes et des interludes, et qui, depuis une vingtaine d’années, est devenu un art à part entière. Fils d’un acteur de kyôgen, et acteur lui-même, ce jeune homme rieur de 19 ans parle un français impeccable et étudie le théâtre à la Sorbonne. Il ne connaissait pas un mot de notre langue quand il est arrivé à Paris il y a cinq ans, incité par son père qui voulait qu’il se frotte à d’autres cultures, et pour qui Paris « est le centre culturel du monde », dit-il. « C’était le bon moment pour moi : j’ai commencé à apprendre le kyôgen à 3 ans, mais à l’adolescence, on le travaille moins, à cause des changements dans le corps et la mue de la voix. »

 

Hiroaki Ogasawara a rencontré Ariane Mnouchkine à Sado, où il passait l’été : « Je connais son nom depuis l’enfance. Mon père a travaillé avec elle il y a vingt ou trente ans, il est devenu fan d’elle et du Soleil. » Pour les cours avec les comédiens, il se concentre sur l’essentiel : les postures. Dans la salle de répétition, l’ambiance est plus légère que pendant le cours de nô, à l’image du costume de Hiroaki Ogasawara – pantalon large et court, mollets à l’air. Le jeune homme, qui travaille une scène où un campagnard ébahi découvre la ville, lance des comédiens dans des pas rapides, et leur apprend à moduler de grands rires, élargis.

 

On entend ainsi dans la salle des mains qui claquent sur les cuisses, des voix qui s’exercent, des pieds vêtus de chaussettes avec pouce séparé qui frappent le sol. Concentration, discipline : la troupe est rôdée au travail, et heureuse d’apprendre, encore et toujours. Hiroaki Ogasawara, lui, aime enseigner autant que jouer. Il a d’ailleurs un rêve : vivre entre le Japon et la France, où il créerait un cours de kyôgen, « un art, dit-il, qui peut s’adresser à toutes les cultures. S’il arrivait à être un peu connu en France, les Japonais, qui ne s’y intéressent pas, surtout les jeunes, mais qui aiment ce qui est à la mode à l’étranger, diraient alors : “Ah, les Français s’intéressent au kyôgen, c’est cool”. »

 

Brigitte Salino

 

Lire l’entretien avec Ariane Mnouchkine (en 2019) : « C’est en Asie que j’ai appris à célébrer les moments de bonheur »

 

Lire l’entretien avec Ariane Mnouchkine (en 2018) : « La censure se glisse partout, dans la trouille surtout » 

 

 

Légende photo  : Le comédien Arman Saribekyan, pendant les répétitions au Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie de Vincennes, en novembre. ARCHIVES THÉÂTRE DU SOLEIL
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January 1, 2021 4:43 PM
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« Je ne veux plus du théâtre sur mon iPhone, des poèmes Facebook, du Racine ou du Proust instagramisés »

« Je ne veux plus du théâtre sur mon iPhone, des poèmes Facebook, du Racine ou du Proust instagramisés » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Tribune par Jean-Louis Martinelli, publiée dans Le Monde du 1er janvier 2021


TRIBUNE
Jean-Louis Martinelli
Metteur en scène

Le metteur en scène Jean-Louis Martinelli pointe, dans une tribune au « Monde », la crise de confiance que l’épidémie de Covid-19 a provoqué entre les citoyens et invite à une réflexion collective pour refonder le monde de demain, en commençant par la culture.

 

Tribune. Il est régulièrement énoncé que les lieux consacrés au « spectacle vivant », que les cinémas et les musées ne représentent pas un risque élevé quant à la transmission du virus. Pourquoi donc demeurent-ils fermés ?

 

 

Cette mise à l’arrêt de longue durée, visant à préserver le vivant, ne préfigure-elle pas sa mise à mort ? De quelle transformation et de quelle maladie sociétale cette décision est-elle le symptôme ? Quelle est la peur qui dévore à ce point nos âmes ?

 

Le nécessaire rapport de confiance avec le monde de la création est tendu depuis de nombreuses années. La défiance s’est instaurée de part et d’autre et ce pour la quasi-totalité des champs d’activité. Et les craintes et les angoisses croissent de façon exponentielle, nourries par les incohérences et les imprévoyances accumulées depuis le début de la crise.

Le centre de tous les questionnements

La crise de confiance, pour l’ensemble des citoyens, s’accroît à chaque mesure injuste et parfois recouverte d’un mensonge. Ainsi de l’épisode des masques, pour ne citer qu’un exemple.

 

Dès que j’ouvre une chaîne de télévision, injonction m’est faite de me laver les mains. Mes mains faites pour écrire, cuisiner, sculpter, caresser, accueillir, sont peut-être mon pire ennemi. Mes deux mains doivent prendre garde au reste du monde et, moi-même, je dois en prendre soin, les protéger pour me protéger d’une contamination dont « l’autre » est inévitablement le porteur.

Mais pour un acteur ou un metteur en scène, « l’autre » est le centre de tous les questionnements, de toutes les curiosités. Chaque situation, qu’elle s’inscrive dans une fable linéaire, fragmentaire, des Grecs à Racine, de Racine à Duras, repose l’énigme de l’autre.

 

Alors que nous souffrons d’isolement, de replis individualistes, communautaires, que tout autre, différent, est perçu comme un danger potentiel, c’est le moment de rouvrir les théâtres, les cinémas et les musées…

Obsession sécuritaire

Fermer des salles de spectacle, ce n’est pas seulement priver des artistes d’expression, c’est empêcher que des individus soient confrontés à une représentation du monde, partagent émotions et questionnements. Mais quelle société voulons-nous ?

Le Covid ne viendrait-il pas au secours de l’obsession sécuritaire ? Tout rassemblement serait-il perçu comme une menace à l’ordre public ? Garder nos lieux fermés alors que les consommateurs s’entassent dans les grandes surfaces, relève d’une forme de violence administrative, puisque cette décision est disproportionnée au regard des risques encourus.

 

Il semblerait que nos gouvernants considèrent la fréquentation des œuvres d’art et des lieux de culture comme relevant d’une activité de loisirs.

Depuis un certain temps, d’ailleurs, on ne parle que de culture, ce mot ayant recouvert les termes de création et d’art. Alors à quand un ministère des loisirs ? Pour préserver les corps, on réduit les nourritures spirituelles, ferments de la formation personnelle, ouvrant à l’esprit critique… Et donc la façon dont le politique gère les activités de création est révélatrice de la place qu’il accorde à l’homme, à chacun, et donc à la volonté de justice qui l’anime.

Le moment ne serait-il pas venu de réfléchir ensemble à ce que nous voulons pour après-demain ?

Un sommet lointain

A certains égards, l’homme – et l’artiste – attend un tout indéfinissable de l’œuvre qu’il entreprend et de son existence même. N’est-ce pas peu ou prou ce que nous attendons tous de nos vies : l’avènement du « merveilleux » ?

 

 

C’est ce que dit Nora dans Une maison de poupée d’Henrik Ibsen, lorsqu’elle quitte son mari. Elle n’attend pas un « miracle », comme le disent plusieurs traductions, mais le « merveilleux ». Le mot suédois correspond à la définition d’un instant précis. Ce moment où, en montagne, alors que nous cheminons dans le brouillard, nous arrivons au-dessus de la nappe nuageuse.

 

Alors la clarté nous révèle un sommet lointain, une atmosphère où, à nouveau, il fait bon respirer. C’est à cet état qu’aspire Nora, enfermée dans une conjugalité rétrécie ; c’est ce qu’elle attendait de sa vie. Alors oui, tel le marcheur aguerri, avançons d’un pas calme et régulier et donnons-nous le temps de percer les nuages de nos rêves enfouis.

 

 

Je repense à l’écrivain autrichien Rainer Maria Rilke (1875-1926) et à ses Lettres à un jeune poète que j’ai souvent citées aux jeunes acteurs en formation au Théâtre national de Strasbourg : « Le temps ici n’est pas une mesure. Un an ne compte pas : dix ans ne sont rien. Etre artiste, ce n’est pas compter, c’est croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l’été ne puisse venir. L’été vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent l’attendre, aussi tranquilles et ouverts que s’ils avaient l’éternité devant eux. Je l’apprends tous les jours au prix des souffrances que je bénis : patience est tout. »

Descente au tombeau

Certes, mais vivre suppose inévitablement le risque de mourir. L’acteur le sait bien lui, qui tous les soirs, tel le mime funèbre de Genet, vient consoler le personnage de sa disparition. Jean Genet détourne un rituel de la Rome antique et imagine que, devant l’assistance et le cercueil, le mime fasse revivre puis mourir à nouveau le mort (L’Etrange Mot D’…, Œuvres complètes, tome IV, Gallimard). Prenons des précautions, trouvons des dispositifs, mais arrêtons cette descente au tombeau.

 

Je ne veux plus du théâtre sur mon iPhone, des poèmes Facebook, du Racine ou du Proust instagramisés. Je sais plus que jamais pourquoi j’ai choisi de mettre en scène : chercher avec d’autres humains pour raconter à d’autres.

Lorsque, au lieu de parler de théâtre, de danse, de musique, fut inventé le vocable « spectacle vivant », j’avais trouvé que c’était une manière de nier nos spécificités.

Aujourd’hui, je me reprends à aimer cette expression. Alors oui, que le spectacle « vive », et que le monde médical m’aide à vivre, car je sais qu’il ne m’empêchera jamais de mourir.

 

 

Jean-Louis Martinelli est l’ancien directeur du Théâtre national de Strasbourg (1993-2000) et du Théâtre des Amandiers à Nanterre (2002-2013).

 

 

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December 25, 2020 7:59 PM
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A l’Opéra, la diversité entre en scène

A l’Opéra, la diversité entre en scène | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Elise Karlin dans  M le magazine du Monde 25/12/2020

 

ENQUÊTE

 

Maquillage inadapté, représentations coloniales dans le répertoire, danseurs grimés ou plafond de verre dans le recrutement… Dans le sillage de Black Lives Matter, des salariés métis et noirs de l’Opéra de Paris ont publié cet été un manifeste qui s’interroge sur la prise en compte de la diversité dans leur institution.

 

Ce soir-là, le grand jeune homme porte un costume noir. Il se tient en haut de l’escalier du Palais Garnier et il attend ses invités. La soirée ne va pas tarder à commencer, une foule de gens élégants montent les marches en discutant. Soudain, passant devant ce grand jeune homme en costume noir, une spectatrice ouvre machinalement son sac et le lui présente. Le grand jeune homme se raidit mais reste absolument souriant : « Madame, vous faites erreur. Je ne suis pas la sécurité. » Déjà, son interlocutrice s’éloigne, à peine ennuyée. Pourquoi s’est-elle trompée ? Parce que le grand jeune homme en costume noir a la peau foncée. Dans l’inconscient du public de l’Opéra de Paris, si vous n’êtes pas blanc vous n’êtes pas de la maison.

L’expérience du racisme ordinaire

Et pourtant. Binkady-Emmanuel Hié n’est pas agent de sécurité, il est chef de projet événementiel à l’AROP, l’Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris, l’un des soutiens les plus actifs d’une institution tricentenaire qui compte deux salles de spectacle – l’une au Palais Garnier et l’autre place de la Bastille –, une académie et une école de danse. L’Opéra de Paris, c’est plus de 93,9 millions d’euros de subventions publiques en 2020, pour 230 millions de budget annuel – presque la moitié des ressources de cette entreprise durement frappée par une grève de plusieurs mois en 2019, puis par la pandémie de Covid-19. Alors que les aides de l’État ne cessent de diminuer, le mécénat culturel est une nécessité.

Donc, être cadre à l’AROP, c’est œuvrer à la survie de l’Opéra de Paris. Ancien avocat au barreau de Paris, Binkady-Emmanuel Hié s’est reconverti en avril 2017. Présent, très investi, il n’est cependant pas surpris le jour où il entend : « Tiens, un Noir qui veut faire sa place à l’Opéra… » Sans compter la question systématique : « Vous venez d’où ? » Comme s’il était impensable qu’il soit bordelais, né d’une femme blanche et aux cheveux roux. « Le pays de mon père, le Burkina Faso, j’y ai mis les pieds une fois. »

 

Le trentenaire raconte ainsi le racisme ordinaire de son environnement professionnel, les clichés, les plaisanteries déplacées lancées sans réfléchir, et lui qui se tait. Il parle aussi de son enfance de premier de la classe, bien élevé, toujours gentil, soucieux de ne pas se faire remarquer. Plus tard, la classe prépa puis l’école des avocats, et toujours la même obsession : se fondre dans un décor presque exclusivement blanc. « Je ne voulais surtout pas me retrouver avec l’étiquette “militant” collée dans le dos. »

Le tournant du 25 mai

Jusqu’au 25 mai 2020. Jusqu’à ce qu’il voie la vidéo d’un homme noir en train de mourir étouffé sous le genou d’un policier blanc dans une rue de Minneapolis. Les images de l’agonie de George Floyd, ses cris désespérés, « I can’t breathe ! », embrasent les États-Unis et les réseaux sociaux. « Black Lives Matter ! », scandent des manifestants un peu partout dans le monde. Pour la première fois, dit Binkady-Emmanuel Hié, il s’interroge sur son identité, sur la couleur de sa peau, sur ces remarques qu’il encaisse sans broncher depuis des années.

 

Il en parle avec des amis dans la même situation que lui, des danseurs du corps de ballet de l’Opéra de Paris, Letizia Galloni, Awa Joannais, Isaac Lopes Gomes, Guillaume Diop et Jack Gasztowtt. La première est sujet, le grade intermédiaire dans la hiérarchie des danseurs, après premier danseur et étoile, qui offre quelques solos sur scène. Les suivants sont quadrilles, le cinquième échelon, et sont donc dans le corps du ballet.

Ils sont tous métis, français nés d’un père ou d’une mère d’origine africaine. Ils ont tous l’expérience de la singularité dans une compagnie où ils sont les seuls, sur 154 danseurs, à ne pas avoir la peau claire des danseurs blancs européens ou asiatiques ; les seuls dont les cheveux crépus sont plus difficiles à coiffer ; les seuls à qui les traditionnels collants chair font les jambes grises ; le satin rose des chaussons pointes tranche à leurs pieds, et les fonds de teint pour « type européen » ne sont pas adaptés à leur carnation. Jusqu’ici, ils n’ont jamais rien dit.

Des histoires qui se ressemblent

Leurs histoires se ressemblent. Et leur histoire les rassemble. Une même volonté de se faire oublier, de rester à sa place, de ne jamais se mettre en avant. Les mêmes remarques, à l’école de danse : « Elle ne sera jamais prise à l’Opéra, elle est noire ! », murmurent les petites ; « Moins cambrée ! Ne te tiens pas comme une négresse », lance un professeur. Ensuite, après la réussite au concours, viennent l’angoisse de déparer dans un ballet dont l’homogénéité fait la fierté, l’appréhension du regard des autres, la crainte de la rumeur qui laisserait entendre que vous avez obtenu un rôle à cause de votre différence, et non grâce à vos compétences. Très longtemps, pour ceux-là, garder le silence a été la seule réponse. Sous une coupole hiérarchisée à l’extrême où il est mal vu de se distinguer, ils ne voulaient donner à personne une raison de les écarter.

 

 

« Du jour où je suis entrée dans la compagnie de l’Opéra de Paris, je me suis définie uniquement comme une danseuse, point. Ma maman n’a jamais rien dit, alors que ça a dû être douloureux pour elle de sentir sa culture reniée. La mort de George Floyd m’a poussée à agir. » Awa Joannais, quadrille

 

 

Le premier confinement est un choc. « Obligée de m’arrêter de travailler, j’ai pris du recul. Ça ne m’était pas arrivé depuis neuf ans, résume Awa Joannais, quadrille. J’ai commencé à réfléchir à ma différence, à mes origines. Je me suis rendu compte que j’avais complètement effacé le Mali, le pays de ma mère. Du jour où je suis entrée dans la compagnie de l’Opéra de Paris, je me suis ­définie uniquement comme une danseuse, point. Ma maman n’a jamais rien dit, alors que ça a dû être douloureux pour elle de sentir sa culture reniée. La mort de George Floyd m’a poussée à agir. »

Guillaume Diop, quadrille, souligne d’abord qu’il a beaucoup regretté l’absence de réaction officielle du Ballet de l’Opéra national de Paris, quand une compagnie aussi prestigieuse, le New York City Ballet, a soutenu publiquement le mouvement en affichant sur son compte Instagram le 31 mai : « New York City Ballet stands with you #BalletRelevesForBlackLives. » Début juin, ils sont donc quelques-uns, à Paris, qui discutent et s’indignent de l’indifférence de leur ballet, quand ceux de New York et de Londres ont déjà mis en place des groupes de travail ou proposé des conférences pour discuter des problèmes liés à la représentation des minorités.

Un vrai débat

Ils évoquent leurs propres expériences. Ils s’enflamment. Décident d’écrire un manifeste, dont ils souhaitent simplement une diffusion interne, pour que l’absence de diversité au sein de l’Opéra cesse d’être taboue. Dans leur texte, « De la question raciale à l’Opéra national de Paris », ils réclament un vrai débat sur les attitudes, les habitudes, le répertoire – sur ce qui dévalorise ou stigmatise. Le « blackface » pour les personnages noirs, le yellowface pour les Asiatiques, des pratiques qu’ils décrivent comme « destinées à exagérer et tourner en dérision, avec condescendance, les traits des individus racisés », mais aussi les « actes blancs », les propos blessants…

 

Il faut parler de tout, et avec tout le monde. Binkady-Emmanuel Hié contacte Christian Moungoungou et Florent Mbia, les deux barytons africains des chœurs de l’Opéra, pour montrer que l’absence de diversité concerne toute la maison, du ballet au lyrique. Il leur demande de s’associer à ce texte qu’ils veulent clair et sans polémique : non, l’Opéra n’est pas une institution raciste, mais, oui, certains salariés souffrent de se sentir discriminés, qu’il s’agisse de la couleur de leur peau ou de leur façon de manier la langue française, notamment pour certains artistes venus d’Asie. Cela doit changer.

 

L’arrivée anticipée du nouveau directeur de l’Opéra de Paris va faci­liter le dialogue. Alexander Neef débarque de Toronto, où il a dirigé la Canadian Opera Company ; au Canada, comme dans toute l’Amérique du Nord, la question de la représentation des minorités est un sujet majeur. Ainsi des pratiques du « blackface » et du « yellowface », abandonné(e) s par le New York City Ballet et le Royal Ballet de Londres en 2014 et 2015, où, à défaut de foncer des visages blancs, il est fait appel à des artistes réellement métis ou noir.

Un directeur à l’écoute

Avant même son premier rendez-vous avec les auteurs du manifeste, en juin, Alexander Neef a évoqué avec le directeur général adjoint de l’Opéra de Paris, Martin Ajdari, l’idée de confier à des personnalités extérieures une réflexion sur l’état des lieux. « J’étais très étonné, se souvient-il, qu’on parle principalement de l’égalité entre les hommes et les femmes et si peu de la diversité. Dans une mission de service public, si on prend les choses au sérieux, c’est un sujet qu’on ne peut pas ignorer. »

 

 

« C’est d’abord leur attachement à la maison qui m’a impressionné. Aux États-Unis, la contestation l’emporte souvent sur la concertation. Là, il était clair qu’ils cherchaient l’échange, pas l’ouverture des hostilités. » Alexander Neef, directeur

 

Constance Rivière, secrétaire générale du Défenseur des droits, ancienne collaboratrice de François Hollande à l’Élysée, et l’historien Pap Ndiaye, professeur à Sciences Po, spécialiste des minorités, sont mandatés pour apporter des réponses aux problèmes structurels, notamment l’accès des danseurs de couleur aux rôles emblématiques du répertoire classique, et aux questions conjoncturelles, comme les conditions de représentation des œuvres où des rôles stéréotypés comme Abderam, le chef des Sarrasins dans Raymonda, ou les Indiens dans La Bayadère caricaturent l’indigène, vestige des plus belles heures du colonialisme. à l’intérieur de l’institution, la direction rencontre les auteurs du manifeste : « C’est d’abord leur attachement à la maison qui m’a impressionné, dit Alexander Neef. Aux États-Unis, la contestation l’emporte souvent sur la concertation. Là, il était clair qu’ils cherchaient l’échange, pas l’ouverture des hostilités. »

 

Surtout, ne pas braquer. Dans l’esprit des auteurs du manifeste, ce qu’ils considèrent comme « l’erreur de Benjamin Millepied » tient lieu de garde-fou : directeur de la danse pendant un peu plus d’un an, entre novembre 2014 et février 2016, Millepied a soulevé contre lui une grande partie des salariés en refusant, pour la première fois, de grimer de jeunes danseurs dans un tableau de La Bayadère, ballet romantique dont l’action se situe en Inde. A ceux qui s’indignent de cette rupture avec la tradition esthétique maison et exigent une discussion préalable, il oppose un refus ferme et définitif de perpétuer ses pratiques qu’il juge d’un autre temps. Dans le même esprit, il modifie sans concertation le nom du tableau incriminé : fini la « Danse des négrillons ». Ce sera désormais la « Danse des enfants ». Dans les couloirs, on fustige son tropisme « américain », on s’inquiète d’un premier pas vers une « ségrégation positive ».

Les tentatives malheureuses de Benjamin Millepied

La presse n’est pas moins irritée lorsque Millepied, en 2013, avant même d’entrer en fonction, s’émeut dans le magazine Têtu de « l’absence de danseurs de couleur » au sein de la compagnie : « Cette déclaration fracassante, tendant à faire croire aux bonnes âmes que la danse classique serait raciste, est aussi sotte, quoique plus politiquement correcte, que le fait de regretter qu’il y ait trop de joueurs noirs dans l’équipe de France de football », écrit le journaliste Olivier Bellamy sur le site du Huffington Post« La compagnie ne pratique aucun ostracisme envers les danseurs de couleur », rétablit Ariane Bavelier dans Le Figaro, citant l’Eurasien Charles Jude, l’étoile d’origine berbère Kader Belarbi, Jean-Marie Didière, d’origine africaine, ou encore Raphaëlle Delaunay, d’origine antillaise.

 

« C’était trop tôt, je n’étais pas prête. J’ai eu peur, peur qu’on me résume à la couleur de ma peau. » Letizia Galloni

 

« Le ballet est donc bel et bien à l’image de la France, et la réflexion de Millepied plus conforme à l’esprit américain qu’à la réalité du Ballet de l’Opéra », conclut la journaliste. L’heure n’est pas à la révolution et la liberté du directeur de la danse heurte les conservatismes. Son choix de confier le premier rôle à une jeune métisse, Letizia Galloni, dans La Fille mal gardée, lui vaut de nouvelles critiques. Presque personne ne le soutient, pas même la danseuse : « C’était trop tôt, je n’étais pas prête, se souvient-elle. J’ai eu peur, peur qu’on me résume à la couleur de ma peau. »

La fronde disparaît avec le départ de Benjamin Millepied, début 2016La vie reprend comme avant. Aurélie Dupont, nouvelle directrice de la danse, suggère quand même d’aller chercher dans les quartiers défavorisés de jeunes danseurs pour les encourager à passer le concours de l’école de danse de l’Opéra de Paris, alors que 95 % du corps de ballet vient de l’école. Élisabeth Platel, la directrice de l’école, s’y oppose : elle refuse, explique-t-elle aujourd’hui, de donner de l’espoir à des gens qui pourraient, s’ils échouaient à intégrer le ballet de Garnier, lui reprocher d’être venue les chercher. Le directeur de l’époque, Stéphane Lissner, ne retient pas la proposition d’Aurélie Dupont.

Une vraie révolution

En 2017, il présente aux mécènes un court-métrage réalisé par l’artiste Clément Cogitore dans lequel des jeunes de toutes les origines et de toutes les morphologies, en sweat-shirt-bombers-baskets, dansent du krump, une sorte de hip-hop, sur le plateau de l’Opéra Bastille au son de Rameau et des Indes Galantes. Six minutes stupéfiantes plébiscitées par le public, nommées aux Césars, mais huées par un certain nombre de donateurs furieux. La direction ne réagit pas.

 

Pas plus qu’elle n’intervient, en avril 2017, au courrier d’un artiste du chœur, Bernard Arrieta, qui reproche au metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov de « choisir très précisément les gens à mettre en évidence et ceux qu’il veut laisser discrètement derrière » – les barytons noirs et asiatiques – dans sa version de La Fille des neiges. Et qu’elle ne se manifeste pas non plus lorsqu’un chef de chœur écorche régulièrement les noms des artistes coréens et s’agace ostensiblement de ne pas les comprendre lorsqu’ils s’expriment en français.

 

 

« Pour réussir une rénovation profonde, pour que dans dix ans, les minorités soient mieux représentées à l’Opéra, il fallait une vraie réflexion. Je l’ai confiée à des personnalités extérieures dans un souci d’objectivité accrue, d’une plus grande liberté de parole. » Alexander Neef

 

Le silence, la gêne, Guillaume Diop, Awa Joannais, Binkady-Emmanuel Hié, Isaac Lopes Gomes, Letizia Galloni, Christian Moungoungou et les autres n’en veulent plus. Ils sont convaincus que, cette fois, le moment est venu, qu’ils vont être entendus. Et ils ont raison : la nouvelle direction réagit très vite, avant même que le manifeste soit envoyé par e-mail aux salariés de l’Opéra. Sur le principe, elle acte la disparition « des pratiques issues de l’héritage colonial et/ou esclavagiste » qui consistent à maquiller les artistes pour qu’ils correspondent à la vision de l’exotisme du créateur de l’œuvre.

 

Une révolution qui touche au cœur d’un patrimoine toujours marqué par les choix esthétiques de Rudolf Noureev, directeur de la danse de l’Opéra de Paris de 1983 à 1989 – La Bayadère, Le Lac des cygnes, Casse-Noisette… « Certaines œuvres vont sans doute disparaître du répertoire, confirme Alexander Neef. Mais ça ne suffira pas. Supprimer ne sert à rien si on ne tire pas les leçons de l’histoire. Pour réussir une rénovation profonde, pour que dans dix ans, les minorités soient mieux représentées à l’Opéra, il fallait une vraie réflexion. Je l’ai confiée à des personnalités extérieures dans un souci d’objectivité accrue, d’une plus grande liberté de parole. »

Des vêtements et des fards adaptés

Le souhait d’obtenir des vêtements et des fards adaptés aux carnations foncées est plus simple à exaucer. La directrice de la danse, Aurélie Dupont, « heureuse que l’on parle enfin de ce sujet », prend rendez-vous immédiatement avec les services concernés. Fin octobre, quatre mois après l’avoir demandé, Letizia Galloni et Awa Joannais enfilent des pointes fabriquées dans un satin beaucoup moins rose, au milieu de costumières enthousiastes.

 

« Je danse depuis quinze ans et c’était la première fois que j’enfilais des pointes de la bonne couleur », s’amuse Awa Joannais – des pointes que le fabricant britannique Freed of London n’a commencé à commercialiser que très récemment. Letizia Galloni a désormais une coiffeuse pour s’occuper de ses cheveux crépus, qu’elle a défrisés et coiffés elle-même pendant des années. Au maquillage, les deux danseuses n’ont plus besoin d’apporter leur propre fond de teint – « on peut arriver les mains dans les poches, comme les autres », résument-elles.

 

Christine Neumeister, directrice des costumes à l’Opéra de Paris, regrette leur long silence : « J’avoue que j’ai été surprise en lisant leur manifeste. J’ai découvert leurs revendications ! Comment aurai-je pu y répondre avant, alors qu’elles ne nous ont jamais sollicitées, mes équipes et moi ? Depuis trente-cinq ans, mon métier consiste à gérer le sur-mesure, à m’adapter à toutes les carnations, à toutes les situations. Quand Aurélie Dupont est venue discuter, elle prêchait une convaincue. Je regrette simplement cette absence de communication. »

La peur de sortir du rang

De nouveau, les auteurs du manifeste mettent en avant la peur, constante et paralysante, de sortir du rang. Leurs parents sont modestes : mères au foyer, infirmières, électriciens, rarement familiers du milieu artistique et de ses codes. Au sein du ballet, le respect de la discipline prime sur l’expression de l’individualité, et la compétition renforce l’inquiétude de se singulariser. La danse, c’est leur vie. Certains en ont déjà payé le prix, isolés de leur famille, fâchés parfois avec un père qui rêvait pour son fils d’une carrière de footballeur, loin d’un milieu encore souvent associé à l’homosexualité.

 

Contrairement à leurs camarades, ces danseurs ont eu assez peu de modèles identificatoires : pour plusieurs générations d’étoiles à la peau claire, combien de Misty Copeland ? « J’ai choisi Letizia comme petite mère [marraine] parce qu’elle me ressemblait », dit Guillaume Diop. Awa Joannais a fait pareil, et avant eux Letizia Galloni, qui avait elle aussi choisi un « petit père » (parrain) métis.

Au moment d’envoyer leur manifeste à tous les salariés de l’Opéra, ils ont de nouveau hésité. Et si leur audace leur coûtait une place en concours ? « Alexander Neef a envoyé un e-mail général pour soutenir notre démarche, tient à souligner Letizia Galloni. C’était très important. » « Nous ne voulions pas renverser la table, nous demandions que s’ouvre le dialogue », souligne le chanteur lyrique Christian Moungoungou, appuyé par son collègue Florent Mbia : « Nous avions peur d’un scandale, qu’on nous reproche notre initiative. La réaction de la direction, ouverte et attentive, nous a donné la force de continuer. »

Moins de 300 signatures

La force de continuer malgré l’indifférence, souvent, l’incompréhension, parfois, voire l’hostilité des salariés de l’Opéra : envoyé le 24 août à plus de 1 500 personnes, le manifeste a recueilli moins de 300 signatures. Il y a ceux qui n’ont pas lu ces revendications ; ceux qu’elles agacent ; ceux qui ne les comprennent pas ; ceux qu’elles n’intéressent pas. Même au sein du ballet, beaucoup ne se sentent pas concernés, ce qui stupéfie Germain Louvet, danseur étoile engagé à gauche, gréviste au moment de l’opposition à la réforme des retraites : « A partir du moment où vous mettez un pied en scène à côté d’un danseur qui est concerné, vous êtes concerné ! Je pense que beaucoup d’incompréhensions viennent d’une méconnaissance du contexte historique des œuvres, du passé colonial de la France. »

 

 

« Il ne faut pas attendre qu’un gamin noir qui vit dans une banlieue défavorisée se présente à l’école, il faut aller le chercher. » Germain Jouvet, étoile

 

« A 12 ans, j’ai été négrillon dans La Bayadère, et je trouvais ça normal. Je n’avais pas la culture historique pour comprendre que le ‘‘blackface’’ représentait un fantasme d’exotisme, un divertissement, pas la réalité. J’ai mis du temps à mesurer à quel point j’étais prisonnier de ma culture, la culture occidentale. Ce travail de contextua­lisation, d’explications me paraît essentiel. » Expliquer, ouvrir, aussi : « Il ne faut pas attendre qu’un gamin noir qui vit dans une banlieue défavorisée se présente à l’école, dit Germain Louvet, il faut aller le chercher. »

 

Il n’est pas le seul à le penser : pour beaucoup, l’absence de diversité à l’école de danse de l’Opéra serait le cœur du problème. La directrice de l’école, l’ancienne étoile Élisabeth Platel, s’insurge : « Pourquoi sont-ils si peu nombreux à se présenter ? Parce qu’ils pensent que cette école est réservée aux élites. C’est faux ! Toutes les classes de la société sont représentées ; la scolarité est gratuite, les chaussons sont fournis. Changer notre image est une nécessité, mais il ne faut pas que cela se fasse aux dépens de notre niveau d’exigence. »

 

Si l’abandon du « blackface » est pour elle une évidence, en revanche, renoncer à blanchir les personnages de fantômes lui semble une hérésie esthétique. Élisabeth Platel insiste, évoquant le souvenir d’une fillette noire en larmes parce qu’elle était la seule à ne pas avoir été blanchie au maquillage. Son ultime réticence : toucher à l’homogénéité du corps de ballet, « propre à l’esthétisme européen », rappelle-t-elle. Le poids, la taille, la norme doivent être les mêmes pour tous. Un discours sur la force de la tradition paradoxal dans la bouche de celle qui incarna la modernité et le souffle frais du renouveau lorsqu’elle prit la direction de l’école, en 2004, en remplacement de la redoutée Claude Bessy, qui la dirigeait depuis 1972 et dispensait un enseignement réputé pour sa sévérité…

 

« Cette question de l’uniformité du ballet blanc, sous couvert de ­relever de considérations exclusivement esthétiques, mérite réflexion, relève pourtant Martin Ajdari. Comme certains stéréotypes véhiculés dans le répertoire, qui traduisent une représentation européo-­centrée, et ses préjugés. Ces questions ne touchent pas ­simplement au répertoire. Nous avions engagé ce travail peu avant la prise de fonction d’Alexander Neef ; sa démarche et nos réflexions ont concordé. »

Des conservatismes qui ont la peau dure

Et, effectivement, les auteurs du manifeste louent la volonté de l’Opéra, ces dernières années, de mettre en place des politiques pour atteindre de nouveaux publics, d’origines sociales différentes. Ils évoquent aussi le travail « exemplaire » de ­l’Académie et de sa directrice, Myriam Mazouzi, qui développe des projets d’éducation artistique et culturelle pour rendre l’Opéra plus ­accessible. Mais il suffit de regarder les musiciens dans la fosse, les techniciens, l’administration, le public pour le comprendre : on y voit presque uniquement des visages blancs. Ainsi, les seuls Noirs qui apparaissent dans le film de Jean-Stéphane Bron, L’Opéra, sont les agents d’entretien.

 

Quant au public, il n’est pas moins ­conservateur : « Bientôt Village People à l’Opéra », regrettait un commentaire laissé par un internaute à la suite d’un article du Monde sur la volonté de l’institution d’engager une réflexion pour plus de diversité en son sein, mais aussi parmi les artistes invités ou les metteurs en scène extérieurs. Un membre de l’administration raconte avoir un jour invité des amis antillais. Il les a aperçus tout de suite dans la salle où il les cherchait des yeux : ils étaient les seuls à ne pas être blancs. « Comment peut-on donner envie à leurs enfants ? Parmi les spectateurs, parmi les danseurs, personne ne leur ressemble ! » Malgré un effort sur les prix des places, l’Opéra semble par ailleurs toujours inaccessible à beaucoup de Français.

 

Les conservatismes ont la peau dure partout dans le monde. La sœur d’Isaac Lopes Gomes, Chloé Lopes Gomes, une danseuse de 29 ans formée à l’Académie du Bolchoï, a raconté au Guardian, le 9 décembre, le harcèlement dont elle a été victime pendant les deux ans qu’elle a passés au Staatsballet de Berlin. Un calvaire qui a commencé dès son arrivée, en 2018 : « Une femme noire gâche l’esthétique du ballet », a lancé sa professeur en découvrant la jeune danseuse, première métisse à intégrer cette compagnie.

Rien d’aussi direct à l’Opéra de Paris, mais la mission confiée à Constance Rivière et à Pap Ndiaye a suscité de nombreuses réticences en interne parmi ceux qui redoutent une   « américanisation » de l’Opéra de Paris, qui craignent que la diversité implique une entorse à l’excellence, ou qui ne voient pas de lien entre esthétisme et racisme. Au fil du temps pourtant, beaucoup de salariés ont souhaité rencontrer les deux rapporteurs.

 

Leur travail, initialement attendu mi-décembre par la direction de l’Opéra, ne sera finalement pas rendu avant la mi-janvier. Cinq mois pour réexaminer la norme morphologique et chromatique qui définit l’excellence à l’Opéra de Paris, pour repenser la manière d’incarner et de jouer la tradition, pour démocratiser l’institution sans la vulgariser. En attendant, La Bayadère, le chef-d’œuvre de Noureev, a été diffusée le 13 décembre sur la nouvelle plate-forme numérique L’Opéra chez soi – le « blackface » a disparu de la « Danse des enfants ». D’ici à quelques mois, une annonce officielle ou un petit livret pourraient précéder le spectacle. Pour expliquer au public pourquoi la ­couleur de la peau ne peut pas être un élément anodin du décor.

 

Elise Karlin

 

Légende photo : De bas en haut et de gauche à droite, Letizia Galloni, sujet, Guillaume Diop, Awa Joannais, Isaac Lopes Gomes et Jack Gasztowtt, quadrilles. Karim Sadli pour M Le magazine du Monde

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December 24, 2020 7:20 AM
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Artistes disparus en 2020 - Cinéma, musique, arts visuels...

  Artistes disparus en 2020

 

 

Chaque nom est un lien à cliquer qui vous fera accéder à un article en hommage ou à une notice biographique

 

 

Cinéma :

 

Maurice Barrier   comédien (12/04/2020)  -  Guy Bedos comédien, humoriste  (28/05/2020) Lucia Bosè comédienne (31/03/2020)  -  Claude Brasseur comédien (22/12/2020)  -  Roger Carel comédien, acteur de doublage (11/09/2020)  -  Denise de Casabianca monteuse cinéma (01/12/2020)  -  Robert Castel comédien (05/12/2020)  -  Caroline Cellier comédienne  (15/12/2020)  -  Soumitra Chaterjee comédien (15/11/2020)  -  Philippe Clair réalisateur (28/11/2020)  -  Sean Connery comédien (31/10/2020)

 (liste en cours) : 

Jean-Loup Dabadie scénariste, dialoguiste, parolier, écrivain (24/05/2020)  -  Suzy Delair  -  Kirk Douglas  -  Claude Giraud  -  Jean-Jacques Grand-Jouan  -  Marion Hänsel  -  Olivia de Haviland  -  Enrique Irazoqui  -  Thomas Jefferson Byrd  -  Pascal Kané  -  Nelly Kaplan  écrivaine, réalisatrice (12/11/2020) -  Kim Ki Duk  -  François Leterrier  -  Michael Lonsdale  comédien, metteur en scène (21/09/2020)  -  Tonie Marshall  -  Ennio Morricone  -  Philippe Nahon  -  Vincent Nordon  -  Alan Parker  -  Michel Piccoli comédien (12/05/2020)  -  Gigi Proietti  -  Ann Reinking  -  Diana Rigg  -  Michel Robin  comédien (18/11/2020)  -  Kotaro Shiga  -  Fernando Solanas  -  Max von Sydow  - Isabelle Weingarten comédienne (03/08/2020)

 

 

Musique -  Chanson, musiques actuelles, music-hall, jazz, blues, rock, humoristes :

 

Graeme Allwright -  Guy Bedos  -  Belle du Berry  -  Robert Castel  -   Christophe  chanteur (17/04/2020) -  Annie Cordy  -  Jean-Loup Dabadie  -  Manu Dibango  -  Claude Evrard  -  Mama Gaye  -  Juliette Gréco  -  Idir  -  Zizi Jeanmaire  -  Mory Kanté  -  Michou  -  Dominique Ponty   -  John Prine  -  Little Richard  -   Mami Sato  -  Dominic Sonic  -  Anne Sylvestre chanteuse, auteur-compositrice-interprète (30/11/2020)  -  Eddie Van Halen  -  Rika Zaraï

 

 

Musique  - Interprètes classiques, artistes lyriques, compositeurs :

 

Gabriel Bacquier  -  Sophie Boulin  -  Patrick Davin  -  Christiane Eda-Pierre  -  Leon Fleisher  -  Mirella Freni  -  Lelio Giannetto  -  Ivry Gitlis  -  David Jisse  -  André Larquier  -  Paul Mefano  -  Mady Mesplé  -  Ennio Morricone  -  Krzysztof Penderecki  -  Dominique Ponty  -  Janine Reiss

 

 

Photographie :

 

Bruno Barbey  -  Marc Garanger  -  Gilbert Garcin  (17/04/2020) -  Léon Herschtritt,  -  Frank Horvat

 

Bandes dessinées et dessin d’humour:

 

Claire Bretécher  -  Richard Corben  -  Kiraz  -  Piem  -  Quino  -  Albert Uderzo

 

Ecrivains, essayistes, intellectuels :

 

Christian Biet  -  Olivier Corpet  -  Coralie Delaume  - Per Olov Enquist  -  Pierre Guyotat  -  Mary Higgins Clark  -  Dominique Kalifa  - Nelly Kaplan  écrivaine, réalisatrice (12/11/2020) -  Didier Lapeyronnie  -  John Le Carré  -  Albert Memmi  -  Marcel Moreau  -  Vincent Nordon  -  Bernard Pingaud  -  Alain Rey  -  Luis Sepulveda  - George Steiner -   Salah Stétié  -  Bernard Stiegler  philosophe, essayiste (06/08/2020) -  Claude Vigée

 

(mais je crois que j'ai oublié de citer un membre de l'Académie Française ancien président de la République...)

 

Mode :

Pierre Cardin styliste, homme d'affaires (19/12/2020) -   Kenzo Takada

 

Arts visuels :

Claude Lalanne  -  Dorian Janon  -  Markus Raetz

 

La liste pour le théâtre et la danse  est ici

 

(En cours de préparation, : ce post sera complété et actualisé dans les prochains jours)

Le spectateur de Belleville's insight:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Loup_Dabadiehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Nelly_Kaplan

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December 22, 2020 10:14 AM
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Claude Brasseur est mort

Claude Brasseur est mort | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Luc Douin dans le Monde 22/12/2020

 


Issu d’une dynastie de comédiens et d’acteurs, le comédien a joué dans une centaine de films, de nombreuses pièces de théâtre et a reçu deux Césars. Il est mort ce mardi à l’âge de 84 ans.

Plus de cent films à son actif, et le souci perpétuel de s’effacer derrière ses rôles. « Je n’aime pas parler de moi, disait-il. Ce n’est pas un sujet passionnant. Le travail d’une vie consiste à préciser la marge entre ce que l’on veut et ce que l’on peut. » Modeste, pudique, considérant son métier comme un jeu plutôt qu’un labeur, déterminé à se penser comme « un artisan qui appartient à un collectif », le comédien Claude Brasseur est décédé mardi 22 décembre à l’âge de 84 ans, a annoncé son agent à l’AFP.

« Claude Brasseur est décédé ce jour dans la paix et la sérénité entouré des siens. Il n’a pas été victime du Covid. Il sera inhumé à Paris dans le respect des règles sanitaires et reposera aux côtés de son père, au cimetière du Père-Lachaise à Paris », a annoncé Elisabeth Tanner, à la tête de l’agence Time Art.

 

« Brasseur Père et Fils, Maison fondée en 1820 » : le sous-titre du livre de mémoires qu’il publie en 2014 (Merci !, Flammarion) souligne l’importance à ses yeux d’avoir appartenu à une dynastie. De son vrai nom Claude Espinasse, celui qui devient populaire en incarnant Vidocq pour la télévision au début des années 1970 aura donc hérité d’un pseudonyme familial.

 

Le premier Brasseur fut Jules Dumont, commis gantier à la Chaussée d’Antin reconverti aux planches, acteur comique et fondateur du Théâtre des Nouveautés. Son fils Albert lui succède, porté sur l’opérette, qui épouse une certaine Germaine, bientôt vedette du Théâtre du Palais-Royal, et si complice avec un certain Georges Espinasse, hallebardier de la troupe de Sarah Bernhardt, qu’elle donne naissance à Pierre, l’inoubliable prince des histrions à verve truculente, le séducteur sûr de lui qui aborde Arletty au début des Enfants du paradis de Marcel Carné : « Ah, vous avez souri ! Ne dites pas non, vous avez souri… »

 

Claude Brasseur était le fils de Pierre (et de cette autre star que fut Odette Joyeux, l’héroïne boudeuse du Mariage de Chiffon et de Douce, de Claude Autant-Lara). Il était aussi le père d’Alexandre, avec lequel il est monté sur scène en 2007 dans Mon père avait raison, de Sacha Guitry, et qui a évoqué son grand-père en 2016 sur la scène du Petit-Saint-Martin, dans Brasseur et les Enfants du paradis.

L’enfance, un souvenir douloureux

Né à Neuilly-sur-Seine le 15 juin 1936, il grandit entouré de têtes couronnées, Malraux, Jouvet, Sartre, Casarès… parmi lesquelles un ami de son père nommé Ernest Hemingway, qui est son parrain. Mais l’évocation de son enfance sera toujours douloureuse : ses parents ne s’occupent pas de lui. « Je n’ai aucun souvenir de ma vie avec eux et je dois dire que je m’en fous. » Ces parents égocentriques vont se séparer très vite, Odette Joyeux conservant un tel mauvais souvenir de Pierre Brasseur qu’elle en voudra à son fils d’adopter son pseudo.

 

« Tu ne peux pas rester journaliste avec un nom pareil, il faut que tu sois acteur ! » la comédienne Elvire Popesco

 

En pension, Claude Brasseur côtoie Philippe Noiret, Jean-Jacques Debout, et Jacques Mesrine. Peu porté sur les études, qu’il abandonne en classe de 2de, le gamin n’ose pas avouer qu’il a envie d’être acteur. Grâce à son père, le voilà journaliste à Paris Match, assistant du photographe Walter Carone. C’est en allant interviewer Elvire Popesco, reine du boulevard, qu’il voit son destin basculer : « Tu ne peux pas rester journaliste avec un nom pareil, lui dit la comédienne. Il faut que tu sois acteur ! » Et celle qui vient d’acheter le Théâtre de Paris lui signe illico un contrat, pour qu’il interprète, en 1955, trois rôles dans le Judas de Marcel Pagnol qu’elle s’apprête à monter : charpentier, apôtre et frère de Judas, avec fausse barbe. Après cela, Claude Brasseur entre au Conservatoire, tout en commençant à jouer au cinéma. En 1959, dans Rue des prairies, de Denys de La Patellière, il est le fils de Jean Gabin et coureur cycliste sur piste.

 

Fidèle lecteur de L’Equipe, Claude Brasseur aurait pu embrasser une carrière de sportif. Tenté par le vélo au point de s’entraîner avec le futur vainqueur du Tour de France Stephen Roche, il a été deux fois champion de France de bobsleigh (victime en 1964 d’un grave accident durant les Jeux olympiques à Innsbruck), il remporte le Paris-Dakar en 1983 comme copilote de Jacky Ickx, et joue au football dans l’équipe folklorique des Polymusclés. Mais la tradition familiale va éloigner ce grand bourru des terrains sportifs.

Pierre et Claude se côtoient sur le plateau des Yeux sans visage, de Georges Franju, de Lucky Jo, de Michel Deville (1964), où le vrai père joue un père fictif. Séquence émotion post mortem dans Les Acteurs, de Bertrand Blier (2000), où Claude Brasseur joue le rôle de… Claude Brasseur : son téléphone sonne dans la rue, c’est Pierre Brasseur qui l’appelle, puis qui lui passe Bernard Blier… ; Claude refile son portable à son metteur en scène, Bertrand. Sur le plan affectif, les deux hommes se sont ratés, mais Claude respectera toujours la carrière de son géniteur : « Mon père est mort ? Je ne sais pas, je l’ai vu hier soir à la télé ! »

Personnages emblématiques

« Si tu cherches à me ressembler ou à ne pas me ressembler, tu risques de fuir ta véritable nature et de devenir un acteur bâtard », lui avait dit ce père disparu. Message reçu. Claude sera lui-même, avec son accent de titi parisien, et s’il ne peut renier cette voix rauque, le timbre vibrant si légendaire de l’ogre paternel, il prêtera plutôt son visage à des personnages emblématiques (Rouletabille dans Le Mystère de la chambre jaune, de Jean Kerchbron, Vidocq pour 13 aventures orchestrées par Marcel Bluwal, Sganarelle pour le Don Juan avec Michel Piccoli à la télévision, Maupassant, le Georges Dandin de Molière ou le Leopold Trepper de L’Orchestre rouge au cinéma, Joseph Fouché dans Le Souper et Clemenceau dans La Colère du Tigre au théâtre). Ou bien il s’effacera derrière ses personnages, privilégiant l’attrait des rencontres humaines et professionnelles au critère de l’importance du rôle.

 

Claude Brasseur est tout sauf vaniteux. Ce n’est pas sans émotion qu’il endosse le personnage d’avocat véreux et maître chanteur dans Une belle fille comme moi, en 1972, parce que François Truffaut lui demande de revêtir un smoking, le même que celui porté par son père dans Les Portes de la nuit, de Marcel Carné. Ou qu’il se fait grimer comme le fut Pierre Brasseur interprétant Othello dans Josepha, de Christopher Frank, en 1981, jouant un acteur de théâtre dans la dèche et la déconfiture conjugale.

Ses rôles, il les choisit au feeling, sans jamais se poser « la question de la reconnaissance »

Il remporte ses deux Césars avec humour (« Depuis le temps qu’on me dit de me faire un prénom ! ») et humilité (« La popularité n’est pas un critère de qualité »). Le premier, en 1977, honore son interprétation de l’un des quatre copains d’Un éléphant ça trompe énormément, d’Yves Robert : il n’a accepté le rôle qu’à condition de donner à cet homosexuel l’allure d’un hétérosexuel, de ne « pas jouer les grandes folles ». Le second, en 1980, consacre le succès de La Guerre des polices, de Robin Davis, où il est un commissaire traquant un ennemi public.

Aucun plan de carrière

A cette époque, il oscille volontiers du flic (Une affaire d’hommes, de Nicolas Ribowski, La Crime, de Philippe Labro, Dancing Machine, de Gilles Béhat) au bandit (Un cave, de Gilles Grangier, Une robe noire pour un tueur, de José Giovanni), voire au détective privé (Il faut vivre dangereusement, de Claude Makovski), ou au juge (La Banquière, de Francis Girod) : « Un jour je suis le gendarme, un jour je suis le voleur. » On se souvient de lui aussi en prisonnier d’un stalag (Le Caporal épinglé, de Jean Renoir, 1962), écrivain impliqué dans un meurtre (Les Seins de glace, de Georges Lautner, 1974), écrivain alcoolique (Descente aux enfers, de Francis Girod, 1986), trafiquant raciste (L’Etat sauvage, de Francis Girod, 1978), amant dont s’éloigne Romy Schneider (Une histoire simple, de Claude Sautet, 1978), vétérinaire harcelé par une inspectrice des impôts (Signes extérieurs de richesse, de Jacques Monnet, 1983), flic macho tiraillé par le désir (Sale comme un ange, de Catherine Breillat, 1991), industriel pied-noir (L’Autre côté de la mer, de Dominique Cabrera, 1996), sans oublier le personnage de Jacky Pic, le beauf retraité de Melun, amateur de pastis en tongs, abonné à l’emplacement 17 aux Flots Bleus de Pyla-sur-mer (Camping, de Fabien Onteniente, 2005).


Ses rôles, il les choisit au feeling, sans jamais se poser « la question de la reconnaissance », et sans aucun plan de carrière. Il refusera ainsi le rôle porteur, finalement tenu par Philippe Léotard, dans La Balance, de Bob Swaim, parce qu’il vient de faire La Guerre des polices et ne veut pas se spécialiser dans le polar. Il arrête aussi de jouer Le Dîner de cons au théâtre en plein triomphe, afin d’honorer ses contrats de cinémas ; Francis Veber lui en voudra tellement qu’il s’opposera à ce qu’il reprenne son rôle dans le film (Thierry Lhermitte en héritera). S’il joue le père de Vic/Sophie Marceau, l’ado dans La Boum, de Claude Pinoteau, en 1980, c’est parce qu’il pense qu’il aimerait être le spectateur d’une telle comédie, et que s’il avait eu une fille, il l’aurait élevée de la même manière que celle que professe son personnage fictif dans le film.

Humilié et blessé

Au summum de ses prestations figurent sans doute Daniel, le vendeur de voitures d’Un éléphant ça trompe énormément et de Nous irons tous au paradis, aux côtés de Jean Rochefort, Guy Bedos et Victor Lanoux, avec cette scène réellement vécue au temps du Conservatoire, Belmondo, Marielle et Rochefort en complices : avec ses potes, il fait semblant d’être aveugle dans une brasserie, canne blanche brandie en arme de destruction prétendument passive (Brasseur aime la déconnade, bien bouffer, lever le coude…).

 

Restent aussi, sans aucun doute, ses deux collaborations avec Jean-Luc Godard : dans Bande à part d’abord, en 1964, l’histoire de deux voyous (lui et Sami Frey) amoureux d’Anna Karina, avec la fameuse visite record de la Grande Galerie du Musée du Louvre parcourue en courant en 9 minutes 43 secondes. Et la danse madison scandée dans un café, devant un juke-box. Godard disait alors de lui : « Claude Brasseur a l’innocence et la folie des enfants lorsqu’ils jouent aux billes ou à la guerre. C’est-à-dire à la fois la brutalité nécessaire et la candeur suffisante. »

 

En 1985, Brasseur est pilote de ligne, en passe de séparation avec Nathalie Baye qui en pince pour Johnny Hallyday, dans  Détective. Peut-être son rôle le plus touchant, intériorisé, blessé. Une épreuve. Car durant le tournage, Godard se conduit mal avec lui, l’humilie : « Mon pauvre Claude, lui dit-il, il y a vingt ans tu avais encore quelques qualités, maintenant t’as tout perdu. Il ne te reste plus rien du tout. » Godard enfonce le clou dans les Cahiers du cinéma « Claude est un bon acteur mais surévalué, qui ne sait plus ce qu’il doit faire, qui ne fait que de mauvais films… » (n° 373, juin 1985). L’acteur a la dignité de réagir positivement : « Quand on se fait traîner dans la merde, on est secoué et ça nettoie. »

 

 

Claude Brasseur en quelques dates
 

15 juin 1936 Naissance à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

1959 « Rue des Prairies »

1962 « Le Caporal épinglé »

1964 « Bande à part »

1976 « Un éléphant ça trompe énormément »

1977 « Nous irons tous au paradis »

1977 César du meilleur second rôle (« Un éléphant ça trompe énormément »)

1979 « La guerre des polices »

1980 César du meilleur acteur (« La guerre des polices »)

1980 « La Boum »

1993 « Le dîner de cons » (théâtre)

2000 « Les Acteurs »

2016 « Camping 3 »

Décembre 2020 Mort à Paris

 

 

Légende photo : Claude Brasseur dans le téléfilm « Les Eaux mêlées », en 1969. GEORGES GALMICHE/INA/AFP

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