Dans les années 2000, le char de combat était considéré par certains comme un vestige de la Guerre froide, par conséquent inadapté aux menaces de demain. Il « ne représente pas nécessairement l’équipement prioritaire pour les armées », avait même affirmé un ministre français de la Défense. À sa décharge, cette position était partagée par bon nombre de pays européens, certains, comme la Belgique et les Pays-Bas, étant allés jusqu’à renoncer à cette capacité.
La Guerre en Ukraine a relancé le débat sur l’avenir du char. Les lourdes pertes subies par les belligérants donnèrent du grain à moudre à ses détracteurs, qui ne s’attardèrent pas sur les erreurs tactiques commises par l’armée russe et la logistique déficiente de cette dernière.
Pour autant, Kiev ne cessa de réclamer des chars Leopard 2 et M1A1 Abrams auprès de ses partenaires. Dans le même temps, plusieurs alliés de l’Otan s’attachèrent à moderniser et à renforcer leurs capacités en matière de combat blindé [Pologne, Norvège, etc.] ou à les récupérer [Pays-Bas, Lituanie].
Cependant, les débats ne sont pas terminés. Dans un article publié sur le réseau social LinkedIn et repéré, au cœur de l’été, par le blog spécialisé Blablachars, Louis Saillans, ancien commando marine et cofondateur d’Askalon Industries, une entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle de défense, a remis en cause l’existence du char « habité ».
« Les blindages modernes sont de plus en plus problématiques. Les chars ne sont pas inutiles mais parce y placer des humains [à leur bord] limite leurs capacités, leur durée d’action et leur utilisation sur le champ de bataille », a-t-il en effet écrit.
« Les opérations à distance et les tactiques de navigation autonome sont déjà techniquement réalisables. Le principal obstacle n’est pas la technologie mais l’inertie institutionnelle. Supprimer l’équipage signifie moins de blindage, moins de poids, moins de coûts et des options de déploiement bien plus ouvertes. Un robot à 20 000 euros équipé d’une munition guidée n’a pas besoin de survivre. Un char à 10 millions d’euros avec un équipage de trois personnes, oui. Cela bouleverse complètement la doctrine et la conception. Les chars ne sont pas obsolètes. Mais les chars habités pourraient l’être », a-t-il fait valoir.
Sauf que, comme l’a expliqué Blablachars, « le tir en marche, de jour comme de nuit, d’un obus se déplaçant à 1 800 m/s sur une cible de 2mx2m évoluant à 4 000 mètres n’est pas un sport de masse et, à ce jour, aucun robot de 20 000 euros n’en est capable. Ce tir est le résultat de nombreuses heures d’entraînement technique et de formation tactique pour qu’il soit efficace sur le plan technique mais aussi tactique ».
Par ailleurs, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, avait eu l’occasion de souligner que le char lourd restait indispensable à la condition d’être « utilisé correctement ». Et cela parce qu’il « offre des capacités de connectivité et surtout de subsidiarité aux différents niveaux tactiques », ce qui est un « élément primordial de la culture opérationnelle et militaire française ».
Cette semaine, le CEMAT est revenu à la charge sur ce sujet. « Le char demeure un marqueur stratégique, gage de crédibilité et de détermination. Il se pense aujourd’hui en système de systèmes. Son avenir est lié aux développements de la robotique. Il s’appuiera surtout sur un système de communications, sécurisé et résilient, permettant aux sous-systèmes de collaborer sur le champ de bataille de demain », a-t-il fait valoir, via LinkedIn, dans un commentaire sur des réflexions faites à l’occasion de la Journée nationale de la cavalerie, organisée le 1er octobre, et dont le Pôle rayonnement de l’armée de Terre [PRAT] a publié un résumé.
« Vulnérable face aux drones, missiles et frappes d’artillerie, [le char] reste néanmoins indispensable, même dans un contexte de conflit de haute intensité : non plus comme un système isolé, mais comme un outil intégré à la manœuvre interarmes et un facteur de supériorité sur le champ de bataille », a expliqué le PRAT.
Ainsi, le char du futur devra incarner « la puissance lourde, pour protéger et imposer le rapport de force » tout en étant associé à des « solutions plus légères et modulaires, gages de souplesse, de réactivité et de soutenabilité ».
D’où l’intérêt du projet franco-allemand de Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System]. « Conçu comme une plateforme complète, il s’intégrera dans un écosystème connecté, renforçant l’efficacité du combat terrestre dans un environnement marqué par de nouvelles menaces – aujourd’hui les drones, demain d’autres systèmes autonomes », rappelle le PRAT.
Au passage, depuis que KNDS France, KNDS Deutschland, Rheinmetall Landsysteme, et Thales ont créé la société de projet « MGCS-Projekt Company GmbH », le MGCS se fait bien discret…
Quoi qu’il en soit, résume le PRAT, « le char du futur ne sera donc pas seulement une machine de puissance. Il incarnera une vision renouvelée de la guerre terrestre et reflètera l’ambition d’une armée de Terre stratégique, prête à relever les défis du XXIᵉ siècle ».
A priori, la Chine partage ce point de vue. C’est en effet ce que suggèrent son nouveau char ZTZ-100, doté d’une tourelle de 105 mm téléopérable depuis un drone, et le véhicule blindé d’appui-feu ZBD-100, dévoilés lors de la parade militaire organisée à Pékin le 3 septembre.
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Romain
onto DEFENSE NEWS October 5, 2:21 PM
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