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September 2, 2018 7:05 PM
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Jacques Weber : « Je suis marqué au fer rouge par l’éducation nationale »

Jacques Weber : « Je suis marqué au fer rouge par l’éducation nationale » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Sandrine Blanchard dans Le Monde le 02.09.2018

 

« Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Cette semaine, le comédien Jacques Weber évoque ses rencontres avec sa femme et avec Pierre Brasseur.

JE NE SERAIS PAS ARRIVÉ LÀ SI…

Comédien et metteur en scène, Jacques Weber interprétera, à partir du 14 septembre, Orgon dans Le Tartuffe de Molière, mis en scène par Peter Stein au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris. En cette rentrée, il signe également la mise en scène de La Musica Deuxième, une pièce de Marguerite Duras, qui réunira Grégory Gadebois et Stéphane Caillard au Théâtre du Petit Saint-Martin à partir du 25 septembre.

 

 

Je ne serais pas arrivé là si…

Si je ne devais pas tant à mes parents, aussi bien dans le silence assez méprisant de mon père que dans la suraffection de ma mère. C’étaient des gens extrêmement cultivés, qui avaient un sens de la famille très important. Mon grand frère, philosophe de nature puis de profession, a aussi considérablement compté. Il m’a sans doute complexé, inhibé, mais en même temps fasciné.

Votre père était un scientifique…

 

C’était un homme extrêmement puissant intellectuellement, grand physicien, puis chimiste. Je me souviendrai toute ma vie des discussions qu’il avait avec mon frère, sur, par exemple, la mécanique quantique. J’étais abasourdi. Même si je ne comprenais pas tout, cela ravigotait mon esprit. Quant à ma mère, elle était une ménagère au sens génial du terme, la mère de famille comme la voit Marguerite Duras dans La Vie matérielle : celle qui crée, qui tient la famille, qui en est la reine.

 

Comment le théâtre arrive-t-il dans votre vie ?

 

En classe de sixième, j’étais fou amoureux d’une vieille professeure de français, Mme Pierre, et de sa manière de parler des fables de La Fontaine. Puis j’ai eu mon premier coup de foudre au théâtre : j’avais une dizaine d’années, ma grand-mère m’a emmené à une représentation de L’Avare à la Comédie-Française. J’ai été électrocuté, bouleversé par l’arrivée en majesté, à la fin du spectacle, du deus ex machina. Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit à mon frère : « Bernard, je ferai du théâtre. » Et cela ne m’a plus jamais quitté.

 

Parlez-vous à vos parents de cette nouvelle passion ?

 

Pas tout de suite. Mais ils se rendent compte que je suis très accroché. Je n’avais jamais été bon élève, mais, à l’adolescence, je devenais carrément un cancre, renvoyé de plusieurs lycées. J’ai intégré le conservatoire municipal du 13 e arrondissement de Paris, où François Florent commençait ses cours. A l’époque, nous n’étions que cinq ou six élèves, parmi lesquels Francis Huster, déjà fou !, et Catherine Ferran.

Un jour, mon père me dit : « C’est soit le théâtre soit le service militaire anticipé. » Après le cours Florent, j’ai réussi l’examen de l’école de la rue Blanche. A partir de là, mes parents m’ont soutenu. Puis j’ai intégré le Conservatoire national.

 

J’ai vécu 68 à fond, tous ces slogans – « l’imagination au pouvoir »« à bas l’argent-roi » –, étaient salvateurs, me faisaient un bien fou. Après 68, j’ai accepté une pièce de boulevard – ce que les critiques de gauche m’ont beaucoup reproché –, où je jouais avec Pierre Brasseur. Ce fut une immense rencontre, essentielle. Il avait une élégance et une générosité dans tout. C’était un être surdimensionné, vorace de la vie, il amenait du lyrisme dans le quotidien. Il m’a fait découvrir la nuit.

 

Vous dites avoir été un cancre. Est-ce vous qui n’aimiez pas l’école ou l’école qui n’était pas faite pour vous ?

 

C’était réciproque. Je n’aimais pas l’autorité de l’école et sa foncière injustice. J’avais des difficultés, car j’étais très introverti. J’écrivais mal, parce que j’étais hyper nerveux et très émotif. On me disait que j’étais nul, crétin. Mon père en rajoutait une couche en me lançant : « Les petits imbéciles n’ont pas la parole à table. » Tout ça me rendait complexé, avec des coups de violence terribles.

 

Pourquoi dites-vous que l’école était injuste ?

 

Parce qu’elle vous saccageait. On me traitait un peu comme un type anormal dans ses colères, ses foucades, même dans son imaginaire. Cela s'est confirmé quand on m’a mis sur une voie de garage : en classe d’adaptation. On y mettait, en clair, tous les crétins ensemble. C’est une des plus grandes horreurs de l’éducation nationale, un massacre. C’est pour cela que tous les discours sur la méritocratie me rendent dingue de rage.

Moi, je m’en suis sorti grâce à un mélange de chance et de facilité dans le métier qui m’a élu. Sinon, c’est d’une injustice crasse. Je suis marqué au fer rouge par l’éducation nationale, par la classe d’adaptation et par mon père qui me traitait de petit imbécile.

J’ai un complexe qui ne m’a jamais quitté : il suffit que quelqu’un me dise qu’il a une licence de lettres, pour que je sois émerveillé. Parfois, il m’arrive de louper des rendez-vous avec des gens magnifiques parce que je suis tétanisé. Soit je n’y vais pas, soit je ne dis pas un mot. C’est pour cela que je me suis mis à écrire. C’est une forme de résilience. Je veux un jour pouvoir me dire : « Tu es peut-être devenu un écrivain. » Mais c’est un long travail.

 

Prix d’excellence à l’unanimité à la sortie du Conservatoire national d’art dramatique, c’est une belle revanche pour un cancre, non ?

 

A l’époque, j’étais prêt à laisser tomber ce concours de fin d’études. J’étais déjà un peu connu, un peu cabot, Pierre Brasseur me couvait. Je l’ai finalement passé avec le génial Jacques Villeret qui me donnait la réplique.

Avec ce prix d’excellence, j’ai eu un choix terrible à faire : intégrer ou non la Comédie-Française. Je savais qu’accepter ferait plaisir à ma mère. Mais, d’un seul coup, très violemment, comme souvent chez moi, j’ai dit au téléphone à Pierre Dux, alors administrateur du Français : « Je n’aime pas votre maison, je n’aime pas les gens qui y sont, je n’aime pas ce que vous y faites. » Un scandale, relayé dans les journaux.

 

J’ai dû payer un dédommagement et j’ai choisi de partir chez Robert Hossein, dans l’aventure du Théâtre populaire de Reims. Je regrette cette position extrémiste ridicule qui consistait à dire qu’il y avait d’un côté le théâtre bourgeois (la Comédie-Française) et de l’autre le théâtre populaire. Mais j’étais comme ça : soixante-huitard à mort.

 

Qu’est-ce qui vous pousse, dès le début de votre carrière, à faire aussi bien des téléfilms (« Le Comte de Monte-Cristo », « Bel Ami »…) que du cinéma ?

 

Parce que tout va à une vitesse assez considérable. J’étais beau à l’époque. Le cinéma est venu sur ma belle gueule, en fait, sur un malentendu. Après Faustine et le bel été, de Nina Companeez, les propositions affluent. Dans Etat de siège, de Costa-Gavras, mon rôle me permettait de ne pas être trop « à nu ».

 

Le grand divorce qu’il y avait entre ma présence très masculine et le bonhomme que j’étais, complexé, mal à l’aise, pas encore fini, ne se voyait pas encore. Les choses ont commencé à déraper avec des films que je ne citerai pas, des merdes épouvantables dans lesquels j’étais très mauvais ! Et il y a eu R.A.S., d’Yves Boisset. Le film est un succès, mais je suis égratigné, car trop théâtral. Et c’était vrai. Ne nous mentons pas, j’ai choisi le théâtre, car j’étais voué à cela. Au cinéma, je n’ai pas réussi à susciter le désir.

 

A seulement 30 ans, vous devenez directeur du Centre dramatique national de Lyon (Théâtre du 8e) puis, à 37 ans, de celui de Nice. Pourquoi ce choix ?

 

Grâce à l’aventure de Reims avec Robert Hossein, j’ai vu ce que c’était que de démarrer de rien : de créer, par le théâtre, l’événement dans une ville. Cela m’a fasciné. Il était prévu que je prenne la succession de Robert à Reims. Ça ne s’est pas fait.

Comme lui et le ministère s’étaient engagés vis-à-vis de moi, ils m’ont donné un cas difficile : le Théâtre du 8e, qui avait perdu ses adhérents. J’ai dit oui sans connaître la ville, j’ai été accueilli à coups de mitrailleuse. J’arrivais en starlette de télévision qui n’avait jamais eu de troupe. Heureusement, j’avais une équipe solide qui m’aidait beaucoup.

 

Finalement, l’aventure a duré six ans : nous avons monté   Spartacus, Le Mariage de Figaro, l’adaptation, pour la première fois, d’Une journée particulière, d’Ettore Scola, et Cyrano.

 

Et, comme j’avais rempli le Théâtre du 8e, on m’a proposé un autre challenge : Nice.

 

« Cyrano », mis en scène par Jérôme Savary en 1983, a été un grand succès. Que s’est-il passé dans votre rencontre avec ce personnage ?

 

Il y a eu un avant et un après Cyrano. Cela a été inimaginable, comme un moment de grâce. D’abord, c’était mon rêve d’enfant. Je me suis battu pour que le premier jour où le texte tombe dans le domaine public, cela soit monté.

 

On jouait sept fois par semaine, j’étais épuisé, et, un jour, sur une réplique, après une centaine de représentations, ma voix s’est cassée. Ce n’était pas un problème de cordes vocales, mais de phobie vocale, totalement psychosomatique. Je tombe en dépression.

 

Cette « phobie vocale », c’était le signe de quoi ?

 

Le signe qu’il n’y a rien de plus dangereux que d’exécuter son rêve à 30 ans. Que me reste-t-il à faire après ? Vous n’imaginez pas le succès que cela a été. Le lendemain de la première, la pièce était en première page des journaux avec des titres élogieux. J’avais une pression terrible et, à un moment, j’ai craqué.

Il a fallu après que je me démerde avec une autre voix. Une faille était née quelque part, une laideur s’était incrustée en moi. Je n’ai plus été le même homme. Il a fallu que je me batte avec d’autres armes, des choses plus nourries, plus profondes, plus noires aussi.

Vous parlez de votre « manteau » de théâtre classique, qui semble parfois vous peser…

 

Je ne suis pas un aventurier, et j’ai besoin d’une écriture structurée. Je suis du genre à repasser éternellement sur les mêmes œuvres. Je m’en veux parfois, mais en même temps c’est un vrai bonheur. Nous sommes tous sur un tout petit endroit, ce que nous connaissons et ce que nous faisons, c’est minuscule, donc, je me dis : au moins, ce minuscule, travaillons-le bien. Mais j’ai peut-être tort.

 

Pourquoi jouer de nouveau « Tartuffe » ?

Parce qu’il s’agit de Peter Stein à la mise en scène. C’est une rencontre qui a changé la troisième partie de ma vie. C’est mon maître absolu, un compagnonnage profond depuis Le Prix Martin au Théâtre de l’Odéon, puis avec La Dernière Bande, de Samuel Beckett. Cette pièce est une des plus belles choses que j’ai faites dans ma vie. Je voulais à tout prix retravailler avec lui.

Finalement, l’écolier qui manquait de confiance s’en est bien sorti…

Il y a surtout une personne qui a rendu tout cela possible, qui m’a stabilisé, encouragé : c’est ma femme. Mon coup de foudre pour elle s’est confirmé. Nous nous sommes mariés deux fois : en 1980 à la mairie et, dix ans plus tard, on a remis ça à l’église. Surtout pas pour le Bon Dieu, mais parce que notre couple était évident, fusionnel.

 

C’est une chance inouïe, colossale. Je ne serais pas ce que je suis sans elle. Elle est mon assistante, mon premier regard, elle est au-delà du conseil. Comme l’écrit Paul Eluard, « elle est le grand soleil qui me monte à la tête quand je suis sûr de moi ».

 

En avril 2017, vous avez signé une tribune dans « Le Monde » qui se terminait par « vive Molière, vive Hugo, vive Mélenchon ». Pourquoi ?

 

Molière était un rebelle contre les pouvoirs en place, avec une acuité exceptionnelle sur son époque. Victor Hugo, j’aime sa vindicte, son lyrisme dans la rébellion pour des fondamentaux humains. Et, chez Mélenchon, il y a une connaissance classique.

Mais méfions-nous : lors d’une élection présidentielle, on est voué à l’impression que nous fait un homme, car nous n’avons ni le temps ni la compétence pour analyser finement, sereinement, le contenu des programmes.

 

Au départ, j’étais séduit par celui de Benoît Hamon, sa volonté de mettre l’écologie au centre de tout problème me paraissait la bonne perception, le bon angle d’attaque. Et j’étais très intrigué par cette idée de revenu universel. C’étaient de vrais propos modernistes différents de l’éternel ruissellement. Ce qui m’avait fait changer d’avis, c’est qu’Hamon ne me touchait plus comme homme. Je sentais un merveilleux instituteur, mais pas de flamme. J’ai choisi un homme lyrique.

 

Vous n’avez jamais hésité à parler de politique. Pourquoi cela vous tient-il tant à cœur ?

 

Parce que mes indignations me remontent à la gorge tout le temps. On ne m’empêchera jamais de parler. Certaines actualités me rendent malade. Quand la France a fermé sa gueule pendant plusieurs jours sur l’Aquarius, jouant le jeu des fachos italiens, ça m’a rendu fou. Il s’agit d’aider des êtres humains !

 

Quand je vois la misère de certains quartiers, ça me rend dingue. Les écarts entre riches et pauvres sont de plus en plus démentiels et tout le monde accepte ça. On nous dit « Serrez-vous la ceinture ». Ok, d’accord, je suis prêt à le faire. Mais depuis qu’on entend ce discours, je ne me suis jamais serré la ceinture. A mon petit niveau, je suis un bon bourgeois, je vis bien. Si mon gaz augmente de 5 euros par mois, ce n’est pas un problème pour moi, mais pour d’autres personnes, oui.

 

Bernard Arnault, toutes les grandes fortunes, comment se serrent-elles la ceinture, quels efforts font-elles ? C’est tout ce que je veux savoir. A un moment, il faut arrêter le baratin. Un jour ça va péter.

 

Propos recueillis par Sandrine Blanchard

 

 

« Le Tartuffe », mise en scène de Peter Stein, avec Pierre Arditi et Isabelle Gelinas, du 14 septembre au 28 octobre, du mardi au vendredi à 20 heures, les samedis à 20 h 30 et les dimanches à 16 heures, auThéâtre de la Porte Saint-Martin.

 

« La Musica Deuxième », de Marguerite Duras, du 25 septembre au 20 octobre, alternance une semaine sur deux : du mardi au vendredi à 21 heures et samedi à 16 heures et 21 heures ou du mardi au samedi à 19 heures, au Théâtre du Petit Saint-Martin.


Légende photo : Jacques Weber, à Berlin, en février. 2016. Photo (c) Eric Catarina/Getty Images

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September 2, 2018 4:50 PM
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Al Pacino: «À nous deux, Paris !»

Al Pacino: «À nous deux, Paris !» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 

GRAND ENTRETIEN - Le légendaire comédien américain sera sur les planches du Théâtre de Paris en octobre. Il confie au Figaro sa passion pour la scène.

Il rêvait depuis des années d'une halte parisienne. Jean Reno, son ami, lui a présenté le producteur et codirecteur du Théâtre de Paris, Richard Caillat, et Laurent Morlet, son collaborateur pour les États-Unis. Et tout s'est décidé très vite pour deux soirées exceptionnelles les 22 et 23 octobre prochain, au Théâtre de Paris. Si le monde entier connaît l'extraordinaire star de cinéma, on sait moins qu'Al Pacino est né au théâtre et qu'il n'a jamais quitté les planches. Il a tout joué: Strindberg, Horovitz, Tennessee Williams, O'Neill, Mamet, Sophocle. Il a été l'hallucinant Arturo Ui de Brecht mais c'est évidemment son parcours avec Shakespeare qui impressionne, des scènes de théâtre où il a joué Richard III, Jules César, Hamlet, Othello, Le Marchand de Venise, notamment, à l'indépassable Looking for Richard de 1996.

Qu'est-ce qui vous a décidé à présenter «Pacino on stage» à Paris?

Richard Caillat et Laurent Morlet ont assisté à une pièce à New York. Ils m'ont ... (article du Figaro réservé aux abonnés)

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September 2, 2018 5:23 AM
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Ils murmurent de la poésie aux oreilles des passants

Ils murmurent de la poésie aux oreilles des passants | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Chronique d'Emmanuel Moreau dans l'Esprit d'initiative pour France Inter . Ecouter la chronique 


Un collectif de souffleurs parcourt le monde en murmurant des textes poétiques à l'aide de grandes cannes creuses pour changer le monde.

Depuis plus de 20 ans, une troupe se déplace dans le monde entier en chuchotant de la poésie dans le creux des oreilles. Avec de beaux textes choisis, en 17 langues, ses membres veulent changer le monde.

Parapluie, éventail, canne creuse.
Tous les membres du collectif se ressemblent. Habillés tout en noir, chacun a son éventail, son parapluie pour cacher les larmes et une canne creuse pour souffler les mots au plus près de l'oreille.

Plages, métro, gares....
Ils agissent en commando. Ils s'insinuent dans des lieux fermés comme les gares, les stations de métro, les musées ou dans des espaces ouverts comme les places ou des plages. Et là, au milieu de la foule, ils utilisent leurs cannes creuses pour susurrer des textes au creux des oreilles des passants.

Mise au trésor
Pour apprendre toujours de nouveaux textes, ils pratiquent ce qu'ils appellent "la mise au trésor". Des textes sont lus à haute voix. L'attribution de ceux-ci se fait ensuite entre les comédiens dans un combat souvent acharné....

Pour connaitre la suite retrouvez Julia Loyer l'une des quarante souffleuses et Olivier Comte le fondateur des Souffleurs au micro d'Emmanuel Moreau. 

Site internet des Souffleurs commandos poétiques https://www.les-souffleurs.fr/qui-sommes-nous/

 

Légende photo  : Murmurent de la poésie aux oreilles des passants © Getty / ZenShui/Eric Audras

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September 2, 2018 3:17 AM
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« La francophonie doit en finir avec la géopolitique et se recentrer sur la langue française »

« La francophonie doit en finir avec la géopolitique et se recentrer sur la langue française » | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Tribune de Véronique Tadjo publiée dans Le Monde  30.08.2018

 

 

L’écrivaine Véronique Tadjo déplore le bras de fer qui s’annonce entre le Canada et le Rwanda pour le secrétariat général de l’OIF.


Tribune. Après le « grand plan » pour la francophonie que le président Emmanuel Macron a énoncé à l’Académie française le 20 mars, on s’attendait à un renouvellement total du paysage. Réformes en profondeur, projets de grande envergure et vision mondiale de la langue française. Hélas, la réalité est tout autre. Sur le territoire français, les coupures budgétaires sont nombreuses dans le monde de la culture francophone. Nous avons encore en tête l’annonce, en févier, de la fermeture du Tarmac, véritable vivier de la création théâtrale francophone en France. Où en est le dossier ?

Dans les pays hors Hexagone, la situation n’est pas meilleure, comme l’atteste une lettre ouverte à Leïla Slimani, écrivaine d’origine marocaine, Prix Goncourt 2016 et représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la francophonie, après la suppression du portefeuille ministériel de la francophonie. Dans cette lettre, des professeurs tirent la sonnette d’alarme face à l’annulation de 60 millions d’euros du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » et une baisse de 11 % des subventions des Alliances françaises, tout en réduisant la voilure budgétaire des établissements d’enseignement du français à l’étranger. Pour les signataires, dans de nombreux pays, ces décisions annoncent une dégradation de la qualité des enseignements proposés aux enfants scolarisés dans les écoles françaises, qu’ils soient français ou d’autres nationalités, et certainement une augmentation des frais de scolarité.

Une crise interne profonde
On imagine aisément la situation encore plus désastreuse qui prévaut dans les pays francophones du Sud qui ne bénéficient d’aucune faveur. Et pourtant, ils ont pour la plupart fait le choix de la langue française dans l’administration, l’enseignement, les médias, la culture et le monde des affaires. Leur réussite dans ces domaines repose entièrement sur une bonne maîtrise de la langue française. Or ils connaissent à l’heure actuelle une défaillance si sévère de leur système éducatif que cela devient une entrave à leur développement économique et social, ainsi qu’à la bonne marche du processus démocratique.

Lire aussi :   La ministre rwandaise des affaires étrangères salue une relation « plus apaisée » avec Paris

Dans le même temps, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est dans une crise interne profonde qui menace de la faire imploser. La candidature de Louise Mushikiwabo, actuelle ministre rwandaise des affaires étrangères, au poste de secrétaire général de l’OIF, officialisée en mai à Paris à l’occasion d’une visite du président rwandais Paul Kagame à son homologue français, a été approuvée officiellement par le conseil exécutif de l’Union africaine (UA) lors de son 31e sommet, ceci avec l’appui de Paul Kagame, président en exercice de l’UA depuis janvier 2018 et pour une durée d’un an. Cette institution, nous apprend-t-on officiellement, « appuie toujours les candidats africains pour les postes de dirigeants dans les organisations internationales s’il n’y a pas de concurrence entre Etats africains ». Il n’y avait pas d’autre candidat africain.

Rejoindre le Commonwealth
Tout ceci laisse perplexe. D’abord à cause des relations très tendues entre la France et le Rwanda depuis le génocide de 1994, les autorités de Kigali accusant le gouvernement de François Mitterrand d’avoir été proche des génocidaires hutu alors au pouvoir – ce que la France a toujours démenti. Ensuite parce qu’au Rwanda, en 2008, le français a été remplacé par l’anglais comme langue d’enseignement. L’année suivante, tout en restant membre de l’OIF, le pays a rejoint le Commonwealth, devenant ainsi la toute première nation de tradition francophone à rejoindre les Etats issus de l’ancien empire colonial britannique.

Lire aussi :   La francophonie, outil de rapprochement entre la France et le Rwanda

Enfin, si le Rwanda donne l’image d’un pays efficace, anti-corruption et porté sur l’innovation, des observateurs s’inquiètent du fait que le président Paul Kagame a été réélu à la tête de son pays avec 98 % des voix en 2017, après une révision de la Constitution qui lui permet potentiellement de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Cet état de choses est préoccupant, car les présidents africains semblent de plus en plus nombreux à vouloir suivre cet exemple. Au sein de la sphère francophone, c’est le cas en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo (RDC), au Burundi, au Burkina Faso, au Congo-Brazzaville, au Cameroun et au Tchad, entre autres.

Pour une troisième candidature
La candidature de Louise Mushikiwabo ne se justifie pas dans le cadre d’une francophonie rassembleuse. Michaëlle Jean, l’actuelle secrétaire générale de l’OIF, est candidate à sa propre succession. Née en Haïti, elle est canadienne de nationalité. Des voix critiques avancent que son mandat à la tête de l’institution est entaché de controverse. Il n’en demeure pas moins qu’elle est la représentante du Canada, un pays clé pour la francophonie. Un bras de fer entre le Canada et le Rwanda ne serait bon pour personne. La francophonie ne doit pas devenir l’affaire du continent uniquement. Une troisième candidature est donc nécessaire.

Que reste-il donc à penser à quelques mois du sommet de la Francophonie, qui se tiendra les 11 et 12 octobre en Arménie ? Difficile de ne pas prédire que nous assisterons à la démonstration du caractère intrinsèquement géopolitique de la francophonie. Cela ne manquera pas de renforcer la désillusion de plus en plus profonde qui étreint de nombreux francophones.

Lire aussi :   L’Union africaine soutient la candidature rwandaise à la Francophonie

Mais pour ceux qui ne sont pas encore prêts à baisser les bras, il reste peut-être encore une chance : celle d’une francophonie recentrée sur les véritables enjeux de la langue française.
Si l’on veut garder l’espoir d’un meilleur avenir pour tous, le secrétariat général de l’OIF devrait être une fonction moins politique, plus technique, moins onéreuse et ciblée sur les défis de l’enseignement du français. Dans l’idéal, ce serait un poste tournant qui donnerait une chance à chaque Etat membre d’apporter sa contribution. Financièrement, l’OIF doit montrer son désir d’autonomie en étant indépendante de la France.

Ce que les francophones du monde entier veulent, c’est une langue qui sait épouser les spécificités de chaque pays tout en gardant son homogénéité. Une langue qui exige que l’on s’engage avec conviction. Une langue en synergie avec les autres. Une langue qui tient ses promesses.

Véronique Tadjo, née d’un père ivoirien et d’une mère française, est écrivaine, universitaire et peintre. Son dernier livre, En compagnie des hommes, sur l’épidémie d’Ebola de 2014, est paru aux éditions Don Quichotte en 2017.

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September 1, 2018 8:45 AM
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Adrien M & Claire B font danser les pixels

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Par Rosita Boisseau, Cognac (Charente) dans Le Monde  01.09.2018 


La Fondation Martell, à Cognac, accueille une installation du couple d’artistes, « L’Ombre de la vapeur ».

On y resterait la journée entière. On s’y allongerait les yeux grands ouverts, paré à avaler d’un trait les myriades d’étoiles, les traînées de confettis blancs, les volutes de bâtonnets qui tourbillonnent dans l’espace. On en sortirait délicieusement abruti par ce ruissellement lumineux auprès duquel La Guerre des étoiles n’a qu’à bien se tenir.

Cette séance d’émerveillement, hypnose qui ne dit pas son nom, porte un titre énigmatique : ­L’Ombre de la vapeur. Ses auteurs, le couple d’artistes numériques Claire Bardainne et Adrien Mondot, repérés pour leur formidable création visuelle dans le spectacle Pixel (2014), de Mourad Merzouki, ont occupé avec grâce les neuf cents mètres carrés du rez-de-chaussée de la nouvelle Fondation d’entreprise Martell à Cognac.

LA FABRICATION DE CETTE INSTALLATION, QUI EST AUSSI UNE EXPÉRIENCE INTERACTIVE, A EXIGÉ SIX MOIS DE TRAVAIL

 


Numéro deux du cognac, Martell a conservé ses stocks dans le bâtiment historique construit en 1929 qui abrite aujourd’hui la fondation. Tour large et massive, brute de béton, dans l’esprit du Bauhaus, cette sublime sentinelle ­planant au-dessus de Cognac empile trois parallélépipèdes et ­culmine à vingt-quatre mètres de haut. Fermée en 2005, elle est en rénovation depuis 2016. Son premier lieu d’exposition consacré aux installations immersives a été inauguré en juin avec L’Ombre de la vapeur. « A la manière d’un écrivain, j’ai l’histoire en tête et ses ­chapitres vont s’écrire au fur et à mesure des artistes avec lesquels j’ai envie de travailler, explique ­Nathalie Viot, directrice de la fondation. Adrien M & Claire B pro­posent un voyage intime et onirique entre terre et ciel. Leur œuvre est l’exemple parfait de ce que je souhaite donner au public, de la joie, du mouvement, de la quiétude, de l’esprit, du rêve… »

La fabrication de cette installation, qui est aussi une expérience interactive, a exigé six mois de travail. En octobre 2017, lorsque Adrien Mondot et Claire Bardainne visitent pour la première fois l’espace, ils sont frappés par des plaques noires couvrant le plafond. Il s’agit d’un champignon nommé torula qui se nourrit des vapeurs de l’eau-de-vie nommée « la part des anges ». Tout Cognac en est tatoué. « Nous sommes souvent attirés par des phénomènes naturels qui semblent anodins et que nous aimons transposer pour leur donner une nouvelle visibilité, expliquent les créateurs. Rendre visible l’invisible, ce n’est pas forcément une activité « paranormale ». L’imaginaire à l’œuvre dans la naissance de ce champignon s’est révélé très proche de celui qui nous est familier : l’obscurité, nécessaire au vieillissement des eaux-de-vie, ainsi que l’évaporation et la disparition, cette fameuse part des anges, sont au cœur de nos recherches. »


A partir de cette seconde peau moisie mais céleste, le duo conçoit un plafond de nuées en voile de métal sur lequel sont projetées les images numériques. Cette dé­ferlante de pixels souffle sur tout l’espace propulsant des courants contraires de particules, cousines de la torula agrandie au microscope. C’est d’ailleurs la transcription de l’ADN du champignon en ondes mélodiques qui a impulsé la musique d’Olivier Mellano intitulée Cantique du champignon.

Rivière cosmique
Un peu mystico-hallu le cham­pignon de Cognac ? Formidablement. On y retrouve la signature Mondot-Bardainne, leurs flux sous influence de modèles physiques. Mais on ne se contente pas de léviter dans cette installation immense et pourtant très enveloppante. On danse aussi dans cette rivière cosmique qui ouvre et ferme des corolles invraisemblables dès que l’on fait un pas sauté ou nous emporte dans une spirale infernale à la moindre pirouette. Une tornade se lève qui renvoie l’air à un pur fluide malléable ; à peine bouge-t-on un cil. « Nos images n’ont de sens que si elles entrent en relation avec le corps, transformant l’espace en par­tenaire vivant, assurent Bardainne et Mondot. Nous cherchons loin du figuratif, mais au plus proche du mouvement naturel des choses. Avec minimalisme, mais en le peuplant d’imaginaire. Il faut apprendre à la technologie digitale à épouser l’humain et la matière pour devenir un lien possible. »

CONÇUE ET FABRIQUÉE AVEC UNE VINGTAINE DE COLLABORATEURS, L’INSTALLATION FONCTIONNE AVEC TRENTE VIDÉOPROJECTEURS ET SEIZE ORDINATEURS


L’Ombre de la vapeur est la première installation monumentale de ce couple d’artistes singuliers qui ont fondé leur compagnie en 2011. Conçue et fabriquée avec une vingtaine de collaborateurs, elle fonctionne avec trente vidéoprojecteurs et seize ordinateurs qui contrôlent les caméras infrarouges captant les déplacements des visiteurs. Elle illumine la démarche de ces « chorégraphes de pixels » comme ils se définissent.

Claire Bardainne, plasticienne, et Adrien Mondot, jongleur et informaticien, révélé en 2004 par l’opération Jeunes Talents Cirque, se sont bien rencontrés. « Nous sommes habités par le désir d’animer des images qui sont par définition inorganiques, expliquent-ils. Nous souhaitons créer le trouble d’une sensation de présence, ainsi qu’opère le marionnettiste. De là naît une forme d’“animisme numérique”. »


L’Ombre de la vapeur, de Claire Bardainne et Adrien Mondot. Fondation d’entreprise Martell, à Cognac (Charente). Du jeudi au dimanche, de 12 heures à 19 heures. Nocturne le jeudi jusqu’à 21 heures. 5 €, forfait famille 10 €. Jusqu’en avril 2019. www.fondationdentreprisemartell.com

 

https://vimeo.com/278181935

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August 31, 2018 6:53 PM
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Angélica Liddell "Soulever la merde du monde m’a permis de pouvoir y reconnaître la beauté"

Angélica Liddell "Soulever la merde du monde m’a permis de pouvoir y reconnaître la beauté" | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Propos recueillis par François Maurisse & Wilson Le Personnic. Publié le 21/08/2018 dans Ma Culture.fr



Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en donnant la parole à des artistes. Après avoir publié l’été dernier une première série d’entretiens-portraits, nous renouvelons ce rendez-vous estival avec de nouveaux artistes qui se sont prêtés au jeu des questions réponses. Ici, Angélica Liddell.

Metteuse en scène espagnole iconoclaste, Angélica Liddell écume depuis une dizaine d’années les scènes d’Europe et du monde. Son travail jongle avec les notions de sacré, de mythe, et de sacrifice dans un engagement physique et moral sans limites, à l’image des mythiques La Casa de la fuerza en 2010 et ¿Qué haré yo con esta espada? en 2016 qui avait chacun secoué le Cloître des Carmes d’Avignon. Dans sa nouvelle création The Scarlett Letter, qui sera présentée en décembre prochain au Centre Dramatique National d’Orléans, elle s’attaque cette fois à l’un des récits fondateurs de la littérature américaine, La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, promettant un nouveau pamphlet brûlant contre le puritanisme et l’obscurantisme.

Quels sont vos premiers souvenirs de théâtre ?

J’ai commencé à faire et à écrire du théâtre sans avoir rien vu, sans avoir aucun souvenir de théâtre. Lorsque j’ai écrit mes premières pièces à quatorze ans, je ne connaissais que le cinéma. Je n’ai pas eu besoin du théâtre pour me dédier au théâtre. C’est simplement une discipline qui m’a suivie tout au long de ma carrière, parfaite pour fuir l’angoisse. Un de mes souvenirs fondateurs, c’est la poésie, non pas la poésie faite de vers, mais le paradoxe rassurant de la poésie, celle qui soigne en même qu’elle blesse. Si je remonte à mes premiers souvenirs scéniques, il y a bien sûr le moment où j’ai commencé à étudier à l’École Supérieure d’Art Dramatique de Madrid, mais je me souviens surtout de l’ennui, du formatage, de la couleur grise des âmes, de l’absence totale de beauté, de la stupidité et d’un grand vide intellectuel et humain. Je me suis toujours sentie étrangère au monde du théâtre. Cet ennui a duré jusqu’à ce que je découvre Kantor à Madrid. C’était une véritable illumination et il est resté avec moi toute ma vie. Il m’a donné la motivation nécessaire pour suivre un chemin un peu alternatif.

Qu’est-ce qui a déclenché votre envie de devenir metteure en scène ?

Je pourrais dire que ce désir vient principalement de Kantor, mais ce ne serait pas vrai. Tarkovski, Pasolini, Fassbinder, Kubrick, Sergio Leone, ou Bergman m’ont tellement plus influencée, de même que la renaissance italienne ou le baroque espagnol, Klaus Kinski et Herzog. Mais ce sont seulement des influences. Ce qui m’a permis de suivre ce “parcours artistique”, c’était la douleur infinie que je ressentais, que je me devais de transformer. Cette douleur, c’était un ressort, mais aussi un désir. Il y a un monstre qui pousse à l’intérieur de moi : mon incapacité à comprendre la vie, à en être responsable, à la supporter, mon incapacité à être heureuse. Une symbiose entre un disfonctionnement de ma personnalité et une volonté esthétique brutale. Aussi, mon habileté à soulever la merde du monde m’a permis de pouvoir y reconnaître la beauté. J’ai toujours férocement recherché la beauté. Mes moyens d’expression se sont vite transformé en férocité. Ce qui nous donne l’impulsion de vie, ce sont toujours les monstres, ces créatures qui apparaissent à travers nous quand nous libérons soudains notre expression après avoir été contraint depuis longtemps. Et dans mon cas, il y avait aussi la solitude. Nous les solitaires, nous cherchons toujours à être aimés par des inconnus.

En tant metteure en scène, quelle(s) théâtre(s) voulez-vous défendre ?

Un théâtre qui parle de tout ce qu’il nous est impossible de comprendre, l’amour, Dieu, la mort. La transcendance. Je l’ai bien compris quand j’ai vu mon père mourir. C’était transcendantal.

En tant que spectatrice, qu’attendez-vous du théâtre ?

Je cherche à ressentir tout type de tremblement. Je suis à la recherche d’un peu de beauté, qui puisse suspendre la pensée. J’aime les oeuvres dans lesquelles je peux apercevoir l’âme de l’artiste, au travers d’un voile, et en tomber amoureuse. Il existe des oeuvres vides, creuses, sans aucune âme, chargées d’objectifs professionnels, mais elles ne m’intéressent pas. Je veux pouvoir lire le frémissement spirituel de la personne qui se cache derrière son oeuvre, son souffle mortel, je veux discerner un je à travers le voile, je veux pouvoir me dire “il est là !” je veux pouvoir déchiffrer ce mystère comme une énigme au milieu de la peste, comme si son élucidation pouvait sauver le monde. Je veux rencontrer l’âme qui se cache derrière l’oeuvre comme on reconnaît le peintre derrière un tableau de Bacon, de Goya ou de Rothko. Je veux ressentir cette individualité forte, puissante, pour qu’elle me permettre d’entrer en contact avec l’incompréhensible, comme un voyant, un médium. Je veux aimer. Je veux craindre. En tant que spectatrice, je veux faire l’expérience d’une transe qui m’empêcherait de réfléchir. De l’émotion pure. Je veux être une aveugle qui regarde à travers une fine lucarne de tulle.

À vos yeux, quels sont les enjeux du théâtre aujourd’hui ?

Qu’il s’engage partout où il le puisse.

À vos yeux, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

Aucun. Le théâtre meurt justement quand l’artiste cherche à accomplir une mission, un rôle, une responsabilité sociale, historique, politique. La valeur de l’art, c’est son inutilité et c’est aussi sa force, sa liberté. La politique est un asservissement et la pensée une liberté. L’artiste n’a aucun devoir envers la société, tout ce qu’un artiste doit faire, c’est tout oser, tout. Il doit simplement faire preuve d’audace. S’il a une obligation, c’est celle dont Tarkovski parlait “la beauté est une obligation, et nous sommes ses serviteurs”. Il a aussi dit “ Faire du cinéma et prier, c’est la même chose”. Cette religion sans aucun dogme, sans Église, cette audace indéchiffrable est soumise à d’autres règles que celles de la raison. Elle déborde de la société, elle mène l’artiste jusqu’à un laboratoire de dissection, jusqu’aux nerfs, aux glandes, aux tendons, où se tend le dilemme entre l’esprit et la matière. L’artiste doit nous traîner jusqu’aux fantasmes, comme s’il éclairait soudain l’intérieur d’une grotte rupestre, comme s’il nous faisait naviguer sur une eau sombre. Un artiste qui signe un contrat avec la société peut seulement émouvoir au sein des étroites limites du correct, de la banalité. La société, ses doléances et son opinion dominante appauvrissent l’art. La poésie est antisociale.

Comment voyez-vous la place du théâtre dans l’avenir ?

J’aimerais que cette aire de puritanisme progressiste se termine. Le théâtre se situe au niveau de représentation qui est le plus soumis aux prohibitions du tabou. La scène est un endroit où le tabou s’amplifie car c’est un art vivant, une messe tragique. Cette amplification du tabou dans la représentation scénique doit traiter avec les deux faits corporels contre lesquels s’appliquent en priorité les interdictions : le sexe et la mort. Aujourd’hui, le théâtre est si conservateur que la scène s’est transformée en échafaud, a confondu l’expression avec la politique et la loi. Mais le théâtre doit récupérer la transgression et devenir un espace de sacrifice dramatique. La politique et la loi respectent le tabou, mais la poésie le transgresse, et cette transgression peut se faire grâce à l’hyper-morale dont parle Bataille. La loi de l’Etat, la loi civile est différente de la loi de la poésie.

Photo © DR

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August 31, 2018 12:21 PM
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Robin Renucci : « Nos médiateurs ont convaincu des baigneurs de venir faire du théâtre » - Le Parisien

Robin Renucci : « Nos médiateurs ont convaincu des baigneurs de venir faire du théâtre » - Le Parisien | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Julie Olagnol dans Le Parisien, 30 août 2018
Robin Renucci : « Nos médiateurs ont convaincu des baigneurs de venir faire du théâtre »


Le comédien Robin Renucci, directeur du Centre dramatique national des Tréteaux de France, salue les 5500 participants aux ateliers et aux représentations dans quatre îles de loisirs d’Ile-de-France cet été.

Entre confessionnal et isoloir, la Boîte accueille un unique spectateur pour une expérience de théâtre originale. Le visiteur entre timidement et ressort le sourire aux lèvres, après un tête à tête détonnant avec un comédien.

Derrière, la plage et les baigneurs, cibles de cette deuxième édition de « l’Île-de-France fête le théâtre », organisée par le conseil régional. Elle se déroulait du 24 au 29 août à Torcy.

Trois autres bases étaient concernées cet été : Draveil (Essonne), Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) et Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines). Près de 600 000 € ont été investis, soit le double de l’opération de 2017 qui n’avait investi que deux îles de loisirs.

« La culture est un facteur d’émancipation et de cohésion sociale. Elle permet de donner des repères aux jeunes, surtout dans ces îles de loisirs dont une partie des visiteurs ne partent pas forcément en vacances. Nous les avons choisies car elles sont éloignées de Paris et des lieux de culture », précise Agnès Evren, vice-présidente de la région chargée de la culture.

En tout, 5 500 personnes contre 2 000 l’an dernier ont participé aux 180 ateliers et assisté aux 160 représentations gratuites sur le thème du voyage et de l’exil. A Torcy, plus de 1 250 visiteurs ont été enregistrés contre 800 en 2017. Ce sont les ateliers en semaine qui ont attiré le plus de monde.

« Nous avions des médiateurs sur la base pour aller chercher les baigneurs. Ils viennent car on les convainc personnellement », se félicite le comédien Robin Renucci. Derrière lui, plus de cent personnes du Centre dramatique national des Tréteaux de France qu’il dirige étaient mobilisées.

« Notre philosophie est de proposer un théâtre populaire, ce qui ne signifie pas un théâtre au rabais mais construit pour être lu par tout le monde », souligne David Kenig, coordinateur de l’opération. « Il faut se rendre compte de la qualité de ce qui est proposé et de leur démarche d’aller vers les gens », enchérit Julien Le Naour, directeur de l’île de loisirs de Torcy.

Nouveauté cette année, trois spectacles ont été donnés dans le quartier du Bel Air, à Torcy. « Nous sommes allés aussi au-devant des centres de loisirs. Nous avions pris contact avec des écoles de théâtre locales mais elles ont leur propre temporalité », ajoute David Kenig.

 

Légende photo : Torcy, mardi. Agnès Evren en charge de la culture pour la région et Robin Renucci, comédien à la tête des Tréteaux de France, devant le chapiteau de « L’Ile-de-France fête le théâtre ». LP/Julie Olagnol 

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August 31, 2018 4:12 AM
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 Falk Richter, metteur en scène de l'année en Allemagne

 Falk Richter, metteur en scène de l'année en Allemagne | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Stéphane CAPRON  dans Sceneweb  www.sceneweb.fr

 



43 critiques de théâtre issus d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse ont été invités par le mensuel Theater heute a choisir leur palmarès de l’année. Falk Richter a été désigné metteur en scène de l’année pour Am Königsweg (Sur la voie royale) d’Elfriede Jelinek, sa pièce sur Donald Trump, créée au Deutsches SchauSpiel Haus Hamburg et qui sera programmée en février 2019 à l’Odéon – Théâtre de l’Europe.


Benny Claessens Am Königsweg

La production de Falk Richter a été plébiscitée dans ce palmarès, elle reçoit 4 récompenses (meilleurs pièce, meilleurs mise en scène, meilleur costume et meilleur comédien pour la prestation de Benny Claessens. La nuit même où Donald Trump était élu président des États-Unis, Elfriede Jelinek a entamé l’écriture de cette pièce. Elle y dépeint un Trump super-Ubu aussi clownesque que terrifiant.

Dans ce classement, le Theater Basel dirigé par Andreas Beck a été désigné théâtre de l’année, notamment pour sa production de Woyzeck de Büchner dans la mise en scène d’Ulrich Rasche et Ewald Palmetshofer. Caroline Peters du Burgtheater de Vienne a été désignée actrice de l’année.

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr

 

Légende photo : Falk Richter © Jean-Louis Fernandez

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August 30, 2018 5:08 PM
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Femmes de culture, femmes de combat : Hortense Archambault - 

Femmes de culture, femmes de combat : Hortense Archambault -  | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Par Marianne BLIMAN dans Les Echos  24/08 

SERIE D'ETE (5/6) - La directrice de la MC93, scène nationale, est particulièrement attentive aux questions d'inégalités et de discriminations en tout genre.

Administratrice de production de l'Etablissement public du Parc et de la Grande Halle de la Villette à 25 ans, administratrice du Festival d'Avignon à 29 ans, codirectrice - avec Vincent Baudriller - de ce même Festival à 33 ans, directrice de la Maison de la Culture de Seine Saint-Denis (MC93) à 45 ans… Joli parcours que celui d'Hortense Archambault qui, à tout juste un an de la cinquantaine, fait partie des (seulement) 30 % de femmes à diriger une « scène nationale ». N'aurait-elle donc pâti d'aucune discrimination ? Jamais ?
 
« J'ai subi de petites formes de machisme ordinaire ou de bêtise ordinaire », lâche-t-elle cash. Comme ces quelques fois où, administratrice du Festival d'Avignon depuis peu de temps, elle se retrouve avec des gens qui « ne pouvaient pas penser que c'était moi l'administrateur. J'étais l'assistante ou la stagiaire. Eux attendaient l'administrateur. Ils ne pouvaient pas penser que c'était une femme. Encore moins que c'était une femme jeune. »
 
Toutes choses, assure-t-elle, qui ne l'ont pas déstabilisée particulièrement, auxquelles elle a toujours réussi à répondre par l'humour. « Je n'ai pas eu l'impression que mon sexe, mon âge, ma condition ou toute question de ce type ait pu être problématique dans ma carrière ou ma vie personnelle. Je me rends compte que c'est une grande chance. »
 

Diversité et mixité des équipes

Il n'empêche : Hortense Archambault ne supporte pas l'injustice. Vieux reste de ses jeunes années passées en Suisse, pour elle qui n'a pas oublié le jour où, à neuf-dix ans, elle s'est fait traiter de « sale Française » ? Si elle en a elle-même peu subi, les inégalités et les discriminations figurent en tout cas au premier rang de ses préoccupations actuelles.
Recruter « plus de femmes à la technique et plus d'hommes à la communication », embaucher des jeunes femmes enceintes sans hésiter jamais à le faire en CDI…  A la MC93 , elle veille à la diversité et la mixité de ses équipes. Faudrait-il aller plus loin encore et instaurer une charte anti-discriminations, comme c'est aujourd'hui le cas dans certaines institutions culturelles ? La question est ouverte, Hortense Archambault s'interroge, elle n'est pas (encore) fixée.
 
 

La diversité d'origine pas assez représentée sur scène

Cette attention portée en interne doit aussi l'être pour l'extérieur. « Quand j'ai écrit le projet en vue d'être nommée à la MC93, j'ai aussi parlé de gentillesse. Je sais que c'est un peu ringard, mais j'assume ! » rappelle-t-elle non sans humour. Soulignant : « Pour moi, c'est absolument essentiel. On est un lieu public, un service public, il faut avoir beaucoup de bienveillance pour être au service des spectateurs. D'autant que ce qui se passe sur le plateau est parfois très dur. Je trouve très important que, pour que le spectateur ait l'expérience la plus forte possible, il soit le moins stressé possible. »
 
Sur scène, d'ailleurs, il y a encore du boulot… « Le théâtre parle plutôt d'un milieu bourgeois blanc. Et la diversité d'origine n'est pas assez représentée sur les plateaux par rapport à ce qu'est aujourd'hui la société française », juge-t-elle. Alors, quoi faire ? « Ca ne suffit pas de mettre une femme, même emblématique, dans la programmation, ou trois Noirs dans une distribution, pour que les choses soient réglées », estime-t-elle, jurant n'avoir elle-même jamais demandé à un metteur en scène de faire de la discrimination positive en la matière. La réflexion doit être plus large, les projets pensés de manière globale. Il s'agit de trouver « comment avoir la cohérence nécessaire, notamment sur la question de l'égalité ».
 

Des actions sur la durée

La saison dernière, la directrice de la MC93 a par exemple programmé « Jamais seul », une pièce sur la vie des quartiers populaires, de Mohamed Rouabhi, montée par Patrick Pineau avec 15 comédiens d'origines et d'âges divers. Elle a aussi mis en oeuvre le « laboratoire de déconstruction et redéfinition du masculin par l'art et le sensible », inventé et animé par le poète, musicien et metteur en scène D' de Kabal, avec des participants tous issus du 93, un département particulièrement discriminé.
 

« Jamais seul », de Mohamed Rouabhi

Mais Hortense Archambault veut bâtir des actions sur la longue durée. Ainsi a-t-elle lancé, il y a trois ans, une classe égalité des chances pour « essayer de corriger des inégalités des chances subies par des jeunes gens qui voudraient devenir comédiens et qui viennent d'un milieu populaire ». L'important, insiste-t-elle : qu'ils « aient plus de chances que les autres pour pouvoir mieux réussir les concours nationaux ».
 
Hortense Archambault plaide pour des investissements massifs dans la jeunesse, la culture, l'éducation. « Ca fait quelques années qu'on n'a pas de choix très clair là-dessus », déplore-t-elle. « J'ai connu une dizaine de ministres de la Culture depuis quinze ans que je dirige des institutions. Aujourd'hui, le problème n'est pas tellement que les ministres n'ont pas de vraies politiques, c'est qu'ils n'ont pas le temps de pouvoir les déployer », se désole-t-elle. Insistant : « Il faut du long terme. » A bon entendeur…
 

Marianne BLIMAN

 

 

Légende photo : Hortense Archambault veut favoriser la diversité sur scène (photo : « Jamais seul », de Mohamed Rouabhi) et en dehors - Eric Miranda et Ilka Kramer

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August 30, 2018 3:17 PM
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La saison 2018/2019 du Théâtre Dejazet

La saison 2018/2019 du Théâtre Dejazet | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Sceneweb

 

Après avoir confié la direction artistique à Jean-Louis Martinelli pour sa saison 2017/2018, le Théâtre Déjazet dirigé par Jean Bouquin vient d’annoncer sa nouvelle saison qui débute par le reprise de Jean Moulin une fiction historique de Jean-Marie Besset dans la mise en scène de Régis de Martrin-Donos du 18 octobre au 17 novembre 2018.

Suivront.
Anna Politkovskaïa 12 ans déjà… voulons-nous vraiment savoir ? de Robert Bensimon, du 07 novembre au 08 décembre


URSS 1970, Conception et mise en scène de Macha Orlova, du 20 novembre au 29 décembre


L’École des femmes, Comédie -Ballet Lyrique de Molière / Offenbach mise en scène de Nicolas Rigas du 1 au 31 décembre


Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard mise en scène de Christophe Perton avec André Marcon, du 14 janvier au 9 mars


La mort (d’)Agrippine de Cyrano De Bergerac mise en scène de Daniel Mesguich, du 13 mars au 20 avril


Le secret des conteuses, l’esprit féminin français du XVIIe siècle, auteure et mise en scène Martine Amsili, du 15 mars au 27 avril


Meera – the soul divine un voyage à travers le Bharata Natyam, chorégraphié et interprété par Chitra Viswaran les 18, 19, 20 et 21 Juin.

Le Théâtre Déjazet propose un abonnement Théâtre pour tous à 120€ pour les 8 spectacles, soit 15 € la place en première catégorie au lieu de 42€.

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August 29, 2018 6:54 PM
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Beauvais : premier état des lieux du futur théâtre - Le Parisien

Beauvais : premier état des lieux du futur théâtre - Le Parisien | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Alexandre Lepère dans Le Parisien / Oise 29 août 2018

 

L’architecture du nouveau théâtre du Beauvaisis s’érige peu à peu après quatre mois de travaux. Ils devraient bien s’achever en septembre 2019.
Reconstruit sur le terrain de son prédécesseur, le théâtre du Beauvaisis prend forme. Lancé début avril, les travaux avancent au rythme prévu, malgré quelques retards pris à cause des températures caniculaires de juillet. Mais aujourd’hui, les ouvriers travaillent sur différents niveaux du futur bâtiment. « Le théâtre sera bien livré au mois de septembre 2019 », rassure Arnaud de Sainte-Marie, adjoint à la mairie chargé de la culture.

La partie la plus avancée de ce chantier de 21 M€ se situe au niveau de l’entrée. Les murs extérieurs sont implantés. Du relief se dégage de la structure. « Il y a un vrai jeu entre la modernité du béton architectonique et le savoir-faire traditionnel de nos ouvriers. La façade finale sera harmonieuse avec l’église Saint-Etienne située à proximité », promet Arnaud de Sainte-Marie.

Un bâtiment de 3 000 m²
La future entrée se distingue aussi par son orientation. D’une hauteur de 24 m, le théâtre de 3 000 m² ne sera plus parallèle à la rue du 51e-Régiment-d’Infanterie, mais légèrement tourné vers l’intérieur du site. Objectif avoué ? Laisser passer le soleil pour les appartements se trouvant de l’autre côté de la rue.

En revanche, il faut plus d’imagination pour voir la configuration de la scène principale, à l’intérieur du site. Les premiers murs en délimitent les contours, pour une salle d’une jauge de 670 places.

Les parkings à proximité repensés
Ce nouveau théâtre aura aussi des conséquences pour le voisinage. La rue du 51e-Régiment-d’Infanterie sera élargie d’ici à la fin du chantier, avec une augmentation du nombre de places de stationnement. Les bus scolaires pourront déposer les élèves devant. Non loin, le parking de la place Georges-Brassens sera à son tour modifié. « Il restera gratuit mais l’architecture du bâtiment fait qu’il y aura moins de places », indique Arnaud de Sainte-Marie.

Egalement à proximité, la rue Engrand-Leprince n’échappera pas au lifting. Plus nombreuses, les places de stationnement seront repoussées plus loin du théâtre, pour libérer un espace piéton. Des travaux supplémentaires sont donc à prévoir d’ici à septembre 2019.

Beauvais. L’entrée du futur théâtre du Beauvaisis est l’avancée la plus significative des premiers mois de construction. LP/A.L.

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August 29, 2018 2:38 PM
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Suis-je encore vivante ?  , d'après Grisélidis Réal, mise en scène Jean-Claude Fall

Suis-je encore vivante ?  , d'après Grisélidis Réal, mise en scène Jean-Claude Fall | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Catherine Robert dans La Terrasse de Sept. 2018, n°268

 


Anna Andréotti et Roxane Borgna interprètent les dits et écrits de Grisélidis Réal, mis en scène par Jean-Claude Fall. Une proposition sur la place de la liberté individuelle et collective dans le monde contemporain.

Comment ce projet est-il né ?

Jean-Claude Fall : Tout part des comédiennes. Anna Andréotti et Roxane Borgna voulaient travailler autour de Grisélidis Réal et j’ai accepté de les mettre en scène. Nous avons lu ses écrits et beaucoup travaillé sur les traces qu’elle a laissées, interviews, films, etc. Voilà pourquoi le résultat s’inspire de ses « dits et écrits ».

Qui était Grisélidis Réal ?

J.-C. F. : Un personnage complexe ! Fille de la bourgeoisie protestante genevoise, en complète rupture de ban. Fuyant son mari et sa famille, elle a d’abord échoué à Berlin. Sans aucune ressource, elle s’est livrée à la prostitution dans des conditions terribles, qui l’ont démolie. Pour s’en sortir, elle a fait du trafic de drogue et s’est retrouvée en prison. C’est là qu’elle a découvert l’écriture et la peinture. A ce moment-là, dans les années 1970, s’organise le mouvement de revendication des prostituées, qu’elle rejoint et dont elle devient une des figures de proue. Pour se sentir légitime en tant que porte-parole, elle retourne alors à la prostitution et consacre son temps, son argent et son énergie à défendre ce mouvement, très représentatif de cette époque d’affirmation des libertés individuelles et qui n’aurait plus sa place aujourd’hui, dans notre époque tellement réactionnaire. Commence alors la deuxième partie de sa vie dont elle fait une œuvre d’art. Suis-je encore vivante ? est le titre de son journal de prison. Elle y dénonce l’hypocrisie sexuelle de la société et y défend les plus démunis, auprès desquels elle se prostitue, comme une mère Teresa au bordel. Elle a mis son corps en scène pour qu’y éclate la liberté du plaisir. La parole de Grisélidis Réal est une parole de liberté.

« LA PAROLE DE GRISÉLIDIS RÉAL EST UNE PAROLE DE LIBERTÉ. »


Comment avez-vous fabriqué ce spectacle ?

J.-C. F. : A trois, avec Anna et Roxane, même si je signe la mise en scène. Si le spectacle parle évidemment de Grisélidis, il parle aussi des années 70. Il se déploie en trois parties : avant, pendant et après la prison. Les actrices sont très exposées, mais la mise en scène est très tenue, ne serait-ce que par égard pour la très grande dignité de Grisélidis. Même si elle est connue pour son « carnet de bal », où elle répertoriait les manies sexuelles de ses clients, il y avait quelque chose de mystique dans sa démarche qui ne faisait jamais le deuil d’une rencontre possible avec l’autre : nous avons surtout voulu montrer le parcours d’un individu brisé qui passe par la prostitution pour se libérer. Il ne s’agit évidemment pas d’un spectacle pornographique ni d’un éloge de la prostitution (dont elle-même dénonçait l’abattage), mais d’une manière de parler de cette époque qui militait pour la libre disposition de son corps.

Propos recueillis par Catherine Robert


A PROPOS DE L'ÉVÉNEMENT
Suis-je encore vivante ?  
du Jeudi 20 septembre 2018 au Vendredi 12 octobre 2018
Théâtre de la Girandole
4, rue Edouard-Vaillant, 93100 Montreuil.
Lundi, mercredi, jeudi et vendredi à 20h30. Tél. : 01 48 57 53 17.

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August 29, 2018 7:34 AM
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Reportage à la Route du Sirque, à Nexon 

Reportage à la Route du Sirque, à Nexon  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Laura Plas dans le blog Les Trois Coups 20/08/2018


Lapins à suivre !

À Nexon (Haute-Vienne), les propositions circassiennes se multiplient au détour des bosquets. Nous vous offrons ici notre carte du tendre. Vous y serez guidés par d’étranges lapins vers deux spectacles empreints de fantaisie :

 

« La Valse des Hommelettes » et « Les Princesses ».

Comme tout festival, La Route du Sirque décline une myriade de propositions qui rassemblent des esthétiques très diverses et engendrent des réceptions contrastées. Pour preuve, l’accueil enthousiaste réservé par le public à Instante, alors que le spectacle ne nous a pas conquis. Une séance supplémentaire a même été programmée ! Les spectateurs ont-ils simplement reconnu la maîtrise impressionnante de la roue Cyr, ou l’énergie déployée par Juan Ignacio Tula ? Éblouis par le travail sur la lumière stroboscopique, ont-il éprouvé un état de transe ? Sans doute. Et l’on ne peut, certes, nier ici la qualité de l’exécution.



De même, s’impose la qualité formelle de Météores, une variation élaborée par Mathilde Arsenault Von Volsem et Frédéric Arsenault autour d’une échelle. Pourtant, la réflexion sur les limites et les fragilités du corps est trop subtile pour certains esprits mal dégrossis (dont nous avons été). On aurait ainsi aimé que la musique s’arrête plus vite pour que le silence nous rapproche des interprètes. À ce moment-là, on a partagé leur connivence et perçu leur humour. Par ailleurs, Face à l’immense échelle qu’emploient les artistes, on a songé à Icare, Sisyphe, Jacob. Or cette dimension mythique, imaginaire, alors même qu’elle est indiquée dans la note d’intention, semble délaissée au profit d’une performance.

Moi pas princesse, eux pas gentils héros
Heureusement, deux spectacles font, eux, la part belle à l’imaginaire. Avec des esthétiques fortes, mais très différentes, ils s’aventurent dans les contrées luxuriantes du conte en proposant de vrais univers. Évoquons d’abord La Valse des Hommelettes de Patrick Sims qui remporte, haut la main, la palme du spectacle le plus décrié par les adultes. Inoubliable, la pièce se niche au fond de vous comme un coucou. Elle fait ainsi son nid avec des brins d’interrogation, des éclats d’émerveillement et des bris d’horizon d’attente. Vous veniez voir en famille un spectacle plein de jolies images et de bons sentiments. Les mots « conte » et « marionnettes » vous avaient confortés dans votre choix et vous aviez, de plus, découvert une scénographie digne de vos rêves : entre le chalet d’Hansel et Gretel et le jouet en bois rétro.


Pourtant, panique à bord : voilà que ce magnifique décor recèle des elfes maléfiques, un horrible coucou et autres surprises plus ou moins inquiétantes. Par ailleurs, la maison fait tic-tac comme une bombe prête à vous exploser à la figure ou comme ces horloges qui disent que la vie est à sens unique vers le tombeau. Tout passe et s’abolit ainsi dans cette mécanique qui occupe tout le plateau : le joujou se métamorphose en Vanité.

Quant aux manipulateurs animaux (les mignons lapins, la gentille maman oiseau), vous commencez à les trouver sacrément doués mais pas si naïfs que ça. Ne s’empêtrant jamais dans une manipulation qui associe pourtant le fil et la tige, ils osent brouiller vos codes, raviver les couleurs passées des obscurs contes de Grimm et vous entraîner dans une narration complexe.

Parents, écoutez vos enfants !

Un conseil, donc, pour apprécier comme il se doit cette étrange et intéressante proposition : prenez exemple sur les enfants. Ils sont en effet moins définitifs sur ce que doit être un spectacle jeune public, mais se laissent ébaudir par la beauté sombre de l’univers proposé. Sinon, le Cheptel Aleïkoum vous accueillera avec toute sa générosité et sa joie communicative. Et il vous faudra peut-être même résister à l’envie d’aller confier vos bambins aux artistes à la fin du spectacle.


« Les Princesses » de et avec Matthieu « Emile » Duval, Marie Jolet, Marjolaine Karlin, Julien Michenaud, Carine Nunes, Marc Pareti © Laurent Alvarez
Les Princesses est, en effet, une pièce de cirque enjouée qui fait passer une heure vingt en un instant. Elle associe l’humour à la musique pour proposer un excellent spectacle populaire où l’on n’a pas besoin d’élaborer une tortueuse théorie afin de se convaincre qu’on aime ce qu’on voit. Le collectif y propose, comme les Antliaclastes, une variation sur les contes. Mais ils sont plutôt évoqués par le biais de topoï (scènes phares, objets emblématiques, types de contes) qui sont malicieusement interrogés à la lueur du temps présent. C’est quoi une princesse aujourd’hui ? Doit-elle avoir vingt ans et les aisselles rasées ? Est-elle obligée de rencontrer un prince (au masculin) ? Est-elle foutue de se sauver toute seule ? Et puis d’abord, l’amour dans tout ça, à quoi ça mène ?

« Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous. » 

Car c’est bien d’amour dont il s’agit là, en réalité : l’amour célébré et chanté à tue-tête, y compris par le public, avec une candeur assumée par-delà les déceptions. Toutefois, que les esprits désabusés se rassurent, les princesses du Cheptel sont loin d’être de mièvres brebis. Certes, elles racontent les joies, mais elles ne nient pas les vacheries et les larmes. Si elles chantonnent « j’aime, j’aime, j’aime », elles murmurent de nouveaux monologues (dialogues) du vagin. Elles peuvent encore mettre en évidence le côté un peu masochiste de l’amour. On dira, donc, que le spectacle est d’autant plus à croquer qu’il a l’acidité de la pomme.

Surtout, fidèle à sa générosité, le Cheptel Aleïkoum poursuit sa plus belle histoire d’amour : celle qu’il a entamée avec le public. Après lui avoir offert le pain dans le Repas, il partage ici ses effrois, sa sueur. En effet, le domaine des princesses est un chapiteau magnifique, mais petit à l’image des tentes que vos enfants ont plantées dans leur chambre. On s’y tient chaud et on se trouve très près de la piste, dont on perçoit mieux les périls et les difficultés. Par conséquent, cet espace de rêve qui mêle l’azur des cieux aux ramages shakespeariens devient un espace commun aux spectateurs et aux artistes. Pas de murs invisibles entre ceux-là. En revanche, il y a bien des surprises, des moments partagés, dont on laissera évidemment la surprise. On aurait donc vraiment tort de se priver de ce rafraîchissant songe d’une après-midi d’été. ¶

Laura Plas

Instante, de Juan Ignacio
De et avec Juan ignacio Tula
Du 16 au 19 août 2018 à 19 h 30
Durée : 25 minutes
À partir de 6 ans


Météore, de la Compagnie Aléas
Mise en scène et interprétation : Mathilde Arsenault Von Volsem et Frédéric Arsenault
Du 16 au 19 août 2018 à 18 heures, le mercredi 22 août et le vendredi 24 août à 18 h 30
Durée : 35 minutes
À partir de 7 ans


La Valse des Hommelettes, de la Compagnie Les Antliaclastes
Mise en scène : Patrick Sims
Avec : Josephine Biereye, Patrick Sims, Richard Penny
Du 16 au 25 août 2018 à 17 h 30
Durée : une heure
À partir de 9 ans



Les Princesses, du Collectif Cheptel Aleïkoum
Site du collectif
De et avec : Matthieu « Emile » Duval, Marie Jolet, Marjolaine Karlin, Julien Michenaud, Carine Nunes, Marc Pareti
Du 17 au 23 août 2018 à 19 heures, et le 25 août 2018 à 19 heures
Durée : 1 h 20
À partir de 7 ans



Orangerie du Château • 87800 Nexon
Dans le cadre de la Route du Sirque du 6 au 25 août 2018
Tarif de chacun des spectacles : 8 €, sauf Les Princesses 14 €
Réservations : 05 55 00 98 36
billetterie@sirquenexon.com

 

Légende photo 

 

   « La Valse des Hommelettes » de Patrick Sims © E. Dubost et Jean-Pierre Estournet

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September 2, 2018 5:15 PM
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Love me Tender , textes de Raymond Carver, mise en scène Guillaume Vincent

Love me Tender , textes de Raymond Carver, mise en scène Guillaume Vincent | Revue de presse théâtre | Scoop.it

On a dit de Carver qu’il était le Tchekhov américain. Pas de samovar chez Carver mais des litres de gin. Comme chez le dramaturge russe, le drame ne se joue pas que dans les mots mais aussi dans les silences, les non-dits. Ainsi l’étrange impression parfois qu’il n’y pas de drame, du moins en apparence. Son thème de prédilection : le couple. Il le met en scène au moment où ça vacille, où sous les apparences le malaise s’insinue comme un poison.

 

Love me tender est un travail qui met l’acteur au centre. Six nouvelles sont ici adaptées pour huit comédiens interprétant chacun deux rôles, chacun devant s’accorder, comme en musique et malgré les désaccords de leurs personnages, à deux, à quatre, à huit.

Guillaume Vincent



LOVE ME TENDER

D’après des nouvelles de Raymond Carver
Adaptation et mise en scène Guillaume Vincent

Avec
Emilie Incerti Formentini, Victoire Goupil, Florence Janas, Cyril Metzger, Alexandre MichelPhilippe Smith, Kyoko Takenaka et​ Charles-Henri Wolff 
Et en alternance
Gaëtan Amiel, Lucas Ponton et Simon Susset


Adapté des nouvelles :

Tais-toi je t'en prie ; Pourquoi l'Alaska ; La peau du personnage ; Personne ne disait rien  (du recueil Tais-toi je t'en prie) ; Appelle si tu as besoin  (du recueil Qu'est-ce que vous voulez voir) ; Débranchés (du recueil Les trois roses jaunes)

 

Dossier de presse de cette création

 

LOVE ME TENDER
Théâtre des Bouffes du Nord

37 bis, boulevard de la Chapelle, 75010 Paris

du 14 septembre Jusqu'au 5 octobre 2018 

 

photo Simon Gosselin

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September 2, 2018 2:58 PM
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Christophe Honoré: «Le sida a fauché mes idoles et j’étais inconsolable»

Christophe Honoré: «Le sida a fauché mes idoles et j’étais inconsolable» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Alexandre Demidoff dans Letemps.ch

 

Le metteur en scène français salue ses parrains imaginaires, Hervé Guibert, Jacques Demy & Cie dans «Les idoles», l’événement de la rentrée au Théâtre de Vidy, à Lausanne dès le 13 septembre. Le cinéaste de «Chansons d’amour» dévoile cette fraternité de l’ombre

 

 

Une part de sa vie. Leurs élans comme un talisman. Les idoles, au Théâtre de Vidy dès le 13 septembre, ça pourrait être ça. Le cinéaste Christophe Honoré, 48 ans, salue ses frères de l’ombre. Ceux que l’auteur et metteur en scène aurait bien voulu connaître quand il avait 20 ans. Des aînés orgueilleux qui se méfiaient des tribus. Des radieux qui rêvaient comme ils écrivaient: à pas de loup, avec l’élégance de l’épéiste, sans demander leur reste, fauves selon les nuits, crus, mais avec allure, quand il s’agissait de lâcher la bride.

 

Ceux-là ont été les idoles d’une génération qui voulait penser et aimer les bottes en dehors des étriers. Le sida les a détruits, un à un, comme des milliers d’autres. Leurs noms et états de service? Serge Daney et ses chroniques cinéma dans Libération; Jean-Luc Lagarce et son théâtre au bord des larmes; Bernard-Marie Koltès et ses équipées lyriques sur les docks; Hervé Guibert et ses récits à tombeau ouvert; Cyril Collard et ses Nuits fauves; Jacques Demy et ses films qui rendaient la peau douce. Ils ne se connaissaient pas vraiment. Ils font désormais chambre commune. Christophe Honoré, le cinéaste des Bien-aimés, est leur hôte.

 

Le Temps: Quand est né ce désir d’«Idoles»?

 

Christophe Honoré: Après Nouveau roman, le spectacle que j’ai consacré en 2012 au groupe formé de Robert Pinget, Claude Simon, Nathalie Sarraute autour des Editions de Minuit, j’ai imaginé une pièce sur les artistes qui ont compté pour moi quand j’avais une vingtaine d’années. Il se trouve que tous sont morts du sida avant que j’aie pu les rencontrer. J’avais ce projet en tête quand une partie de la France est descendue dans la rue pour conspuer la loi sur le mariage pour tous. Comme homosexuel, j’ai été blessé par cette homophobie violente. Et j’ai pensé qu’en tant qu’artiste j’avais ma part de responsabilité dans cette éruption de haine. J’avais cru que la perception de l’homosexualité était une chose entendue, apaisée, réconciliée. Je m’étais trompé.

 

«Les idoles» constitue donc une réponse?

 

Il y avait pour moi urgence de répondre à ce genre d’expression populaire. J’ai commencé par un livre, Ton père (Mercure de France), récit où je prends la parole comme homosexuel et père d’une petite fille – elle a 13 ans aujourd’hui. Cette figure pose problème à beaucoup de gens. J’ai écrit et tourné ensuite Plaire, aimer et courir vite, une fiction à partir de mes souvenirs d’étudiant à Rennes. L’histoire d’un amour entre un jeune homme et un artiste parisien séropositif. Les idoles, c’est le troisième acte.

 

Pourquoi Daney, Demy, Collard, Guibert, etc.?

 

J’étais étudiant, je voulais écrire, faire du théâtre, réaliser des films et ils étaient mes idoles. Non pas des pères, mais des frères aînés. Ils sont tous morts, les uns après les autres. De ce vide, je ne me suis jamais consolé. C’est le sujet du spectacle: cet amour balayé par une maladie qui pour certains était honteuse. On ne mesure pas combien l’héritage de ces artistes est trouble: il s’est fait sur la peine et l’absence, sur l’impossibilité de communiquer avec eux.

 

Ils n’avaient rien en commun pourtant, si ce n’est l’homosexualité et la maladie, ce qui est énorme…

 

Ils ne forment pas un groupe. Et rien que cela raconte quelque chose sur les années 1980-1990, quelque chose dont j’hérite: la disparition des écoles, littéraires, cinématographiques… J’avoue que j’ai du mal à me résoudre à cette idée-là.

 

Cette réunion d’outre-tombe est un coup de force amoureux. Comment la rendre brûlante?

 

Il faut que les liens imaginaires que nous tissons apparaissent nécessaires. Cela suppose un gros travail de documentation sur la vie et les œuvres, puis de transmission de ce matériau aux acteurs. On invente en connaissance de cause, mais on ne fait pas un biopic. Pour que ça soit clair, j’ai demandé à une comédienne, Marina Foïs, de jouer Guibert. Les Jacques Demy & Cie qu’on découvrira sont des figures rêvées, construites sur des bases solides. Il revient aux comédiens de les faire exister au présent.

 

Le sida dans les années 1990 présente le visage romantique de Cyril Collard, le cinéaste des «Nuits fauves». Ce cliché n’a-t-il pas été dévastateur?

 

Oui. Cyril Collard a eu droit à sa couverture dans Paris Match.Après sa mort, alors qu’il venait d’obtenir plusieurs Césars, il titre «Cyril Collard, le James Dean français», comme si le sida pouvait avoir la même valeur symbolique qu’un accident de voiture. L’idée de l’injustice d’une jeunesse foudroyée en plein vol venait recouvrir la réalité du sida, de la déchéance physique. Comme s’il y avait une fatalité. Aujourd’hui, cette vision romantique est évidemment dépassée, mais quand on lit Guibert, Lagarce et Daney, on a l’impression qu’ils l’ont intégrée. Ils ont ce fatalisme de penser qu’ils ne pouvaient échapper au virus et qu’il fallait bien qu’ils soient punis de l’hédonisme sexuel des années 1980. Il fallait passer à la caisse, écrivait Daney. Pour nous qui avions 20 ans en 1990, c’était impensable.

 

Le sida est pourtant un spectre pour vous aussi…

 

Les campagnes de prévention étaient massives, ça a été notre chance. Je me suis protégé de la maladie, parce que la peur était là. On peinait à cette époque à admettre que le sida n’était pas la destinée écrite de tout homosexuel hédoniste. Notre pièce essaie d’interroger cette culpabilité.

 

Comment expliquer que Jacques Demy n’ait jamais parlé de son homosexualité ni de sa séropositivité?

 

Tous les artistes n’ont pas répondu de la même manière. Guibert a fait de cette maladie la révélation de son talent, comme si ce moment permettait à son écriture, à sa pensée, d’atteindre leur sommet. Chez Daney, on trouve cette même idée d’une urgence provoquée par la maladie: il écrit alors ses plus beaux textes. Demy, lui, est dans le silence, le déni. Dans notre pièce, ses camarades le lui reprochent, ce qui lui permet de se justifier. Le politiquement correct d’aujourd’hui imposerait à ces artistes de dire la vérité, d’être militant. Lui obéit à d’autres considérations. Il y a d’ailleurs un point commun entre ces six figures: elles ne sont pas descendues dans l’arène pour dénoncer le scandale d’un virus qui touchait des populations d’exclus.

 

Qu’est-ce que la direction d’acteurs a de spécifique au théâtre?

 

Au cinéma, vous construisez l’acteur, il est sous votre regard et on projette déjà ce qu’on va garder de lui au montage. Vous pouvez concevoir un personnage très intéressant à partir d’un mauvais jeu. Au théâtre, c’est impossible. La réussite du spectacle repose sur le talent du comédien. Mon travail consiste à faire en sorte qu’il n’ait plus besoin de moi. Je choisis des interprètes capables de proposer beaucoup de choses pendant les répétitions, des interprètes-metteurs en scène en quelque sorte.

 

Qu’avez-vous envie de transmettre?

 

Je voudrais qu’à la sortie les gens ressentent un manque. J’ai découvert récemment une coutume malgache: dans certains endroits, les habitants déterrent les morts après quelques années. Ils les recouvrent d’un nouveau linceul, fêtent en grand nombre ce retour à la lumière, boivent, mangent, puis dansent avec les défunts avant de les ré-enterrer. Ils appellent ce rituel le retournement des morts. C’est ce que je fais. Le spectacle inclut une part cruelle de profanation, mais aussi, je l’espère, une part sensuelle et heureuse de danse. Après, c’est promis, on les laissera tranquille. J’espère que les spectateurs auront le sentiment d’avoir assisté au retournement des morts.

 

Qui a été votre première idole?

 

Jacques Demy. Parce que j’étais Breton comme lui. Je quittais mon hameau l’été pour séjourner chez ma grand-mère à Nantes et c’est là que j’ai découvert, à 13, 14 ans, Lola. J’en suis tombé fou amoureux. Je passais mes après-midi à essayer de retrouver les lieux où Demy avait tourné. Mon désir de cinéma s’est cristallisé là. J’ai décidé que Demy serait mon parrain imaginaire, que je ferais comme lui.

 

Pourquoi lui?

 

Il ne filmait pas les hommes de la même manière que Truffaut ou Godard, que je découvrais aussi. Cette reconnaissance d’un érotisme et d’une tendresse homosexuels m’a attaché à lui.

 

Parlez-nous de votre chambre d’adolescent…

 

C’était une chambre de lotissement, au milieu d’espaces verts, avec une gendarmerie toute proche. Elle était encombrée de livres, de photos que je prenais ou que je découpais dans des revues. Je me souviens très bien du jour où j’ai dépunaisé le poster du film Birdy d’Alan Parker. Quand j’ai commencé à lire les Cahiers du cinéma, j’ai compris que je n’avais pas le droit d’aimer Parker. J’avais surtout une vidéothèque très organisée près de mon lit. Et un magnétoscope. J’enregistrais tout, Demy, Bresson, Max Ophuls, Chabrol, Resnais…

 

L’auteur qui compte alors?

 

Marguerite Duras. J’avais emprunté à la bibliothèque Hiroshima mon amour, parce que j’avais entendu parler du film de Resnais. Duras m’a tellement marqué que je m’arrangeais toujours pour glisser dans mes rédactions une de ses phrases. J’ai découvert Guibert grâce à Duras, parce qu’il était lui aussi édité par Minuit.

 

Vous sentez-vous plutôt cinéaste, écrivain ou metteur en scène?

 

Je me sens plus cinéaste que metteur en scène, parce que j’ai commencé par cela. Je serai toujours considéré par les purs du théâtre comme un étranger. Mais je suis convaincu que l’impureté a à voir avec le contemporain. Le cinéma a été réinventé par des écrivains qui se sont mis à tourner. Regardez les films de Cocteau, Guitry, Duras: on a l’impression que leurs films sont fabriqués dans une autre pellicule. Alors a-t-on besoin de cinéastes au théâtre? L’image vidéo a envahi les scènes, dans ces films qu’on prétend fabriquer en direct. Je n’ai pas envie de faire ce cinéma au théâtre. Je préfère la sensualité d’une présence, le trouble d’une parole.

 

Et si on vous projetait, vous, dans un spectacle, ce serait avec quels artistes?

 

Mais je n’ai aucune envie d’être réuni à qui que ce soit! J’ai un rapport contrarié au collectif, comme beaucoup d’artistes. La solitude me pèse, mais il suffirait qu’on me propose de rejoindre un mouvement pour que je me sente nié. Il n’empêche que j’aurais bien aimé émerger en tribu. Je n’ai pas connu cela. Et c’est pour cela que je fais du théâtre, parce qu’il me permet de travailler en bande. J’aime ça, l’affection d’une troupe. Le cinéaste, lui, est seul, sur son plateau de tournage. Alors pour répondre à votre question, si je devais figurer sur une scène avec d’autres créateurs, ce serait avec le plasticien Claude Lévêque, le cinéaste Gaël Morel, les écrivains François Bégaudeau, Rachid O. et Christine Angot, dont le travail me nourrit énormément.

 

Le livre que vous offrez aux êtres que vous aimez?

 

Franny et Zooey de J. D. Salinger. C’est une nouvelle d’une telle délicatesse, d’un tel humour, d’une telle élégance que vous n’avez qu’une envie: la partager.

 

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Les idoles, Lausanne, Théâtre de Vidy, du 13 au 22  septembre,  www.vidy.chlecture & brunch autour des «Idoles», Versoix (GE), La Colombière, di 2 sept. à 11h, dans le cadre du festival de La Bâtie, www.batie.ch

 

 

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Saint Honoré au travail

La tendresse du hérisson. Cet après-midi de juillet dans la nuit de la salle, Christophe Honoré laisse la bride à ses six acteurs. Ils répètent une séquence intitulée «L’ordre des morts». Cyril Collard roule des mécaniques en tête à claques désarmante, le critique Serge Daney se pince devant tant d’enfantillages, Jacques Demy joué par la comédienne Marlène Saldana a des vapeurs sous une drôle de carcasse. Les interprètes tricotent à vue des dialogues drôles et graves, histoire de construire le cercle d’une fraternité imaginaire. Ils ont un canevas et ils improvisent dessus.

 

«OK, on revient à table, interrompt Christophe Honoré, avec l’autorité flegmatique d’un grand frère. Ce qu’on vise, c’est de s’adresser à un public qui ne connaît pas ces artistes ni cette époque.» Cette séquence-là est l’équivalent d’un brouillon pour l’écrivain. L’auteur et metteur en scène tâtonne encore. C’est la méthode qui veut ça, celle qu’il avait utilisée avec bonheur pour son spectacle Nouveau roman.

Genèse et naissance 

La genèse? En amont, il s’est immergé dans les films, les journaux intimes, les articles de ses idoles. Toute une bibliothèque à portée de main des acteurs, dans la salle de répétition. Avec son dramaturge Timothée Picard, il a transmis la matière à ses interprètes. Infusion douce. Il a écrit ensuite un premier synopsis, à partir duquel ils inventent non pas des personnages, mais des présences. Ces propositions nourrissent à leur tour Christophe Honoré, qui écrira dans la nuit des dialogues. Pas encore le livret définitif qu’il peaufine ces jours, mais une base solide.

Jean-Luc Lagarce

Les idoles sortent ainsi des limbes, à petits pas. On demande au débotté à Christophe Honoré quelle est celle qu’il voudrait rencontrer à l’instant. Il répond Jean-Luc Lagarce, l’auteur vénéré de J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne.«Quand on lit son journal, on est frappé par sa gentillesse, son élégance, sa douceur.» Dans la chambre noire de ses idolâtries, Honoré professe justement cela: un art doux de guider la troupe. Appelons ça l’affection.

 

 

Légende photo : Dans une gare souterraine, conçue par le décorateur Alban Ho Van, six acteurs répètent un formidable dialogue imaginaire.  Photo (c) Jean-Louis Fernandez

 
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September 2, 2018 5:07 AM
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ENTRETIEN : LAETITIA DOSCH, « HATE »

ENTRETIEN : LAETITIA DOSCH, « HATE » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Pierre Salles dans Inferno Magazine, paru le 30 juillet 2018

 

ENTRETIEN : Laetitia Dosch pour sa création « Hate » avec Laetitia Dosch et Corazon – Co-mise en scène : Laetitia Dosch et Yuval Rozman – Première en France au Printemps des Comédiens de Montpellier les 22 et 23 juin 2018.

Inferno : Vous avez créé le spectacle « Hate » pour le théâtre Vidy-Lausanne et vous l’avez joué pour la première fois en France pour le Printemps des Comédiens en juin, comment vous sont venues l’idée et la nécessité de ce texte et cette idée de jeu avec votre cheval Corazon ?

Laetitia Dosch : Au départ j’ai appelé le spectacle « Hate – Tentative de duo avec un cheval » car je ne savais pas ce qui allait fonctionner ou pas avec le cheval Corazon. Mais la première chose dont j’étais persuadée c’est que j’avais envie de prendre un risque et de faire quelque chose qu’on n’avait pas l’habitude de voir. Je voulais essayer de trouver une nouvelle forme théâtrale car je trouvais qu’on marchait trop dans les sentiers battus dans les spectacles que je voyais. Je me questionnais et je me questionne d’ailleurs toujours maintenant sur le théâtre que l’on doit faire aujourd’hui, car j’ai toujours l’impression de faire du théâtre avec dix ans de retard. Par exemple pour ma pièce précédente, c’est comme si elle se déroulait dans un monde dans lequel il n’y a pas énormément de problèmes alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Inferno : Une réponse à une urgence de dire les choses ?

Laetitia Dosch : Oui, l’urgence de trouver quelque chose de nouveau et qui fasse sens pour moi, parce que je n’arrivais pas à l’époque à trouver un sens profond à mon travail. Pourquoi fais-tu ça ? Qu’est-ce que tu cherches ? Ce spectacle est venu à moi comme une réponse, l’idée était d’ancrer le spectacle à la fois dans le réel et dans l’imaginaire, de faire un pont entre ces deux mondes, déjà dans le texte. Quand je voyage j’écris énormément, donc il fallait ancrer ce texte dans des voyages, dans mon époque et aussi, pour la première fois, de travailler sur mon intimité, des choses de ma vie intime mais plus ou moins romancées. Il y a des choses qui sont vraies et d’autres pas mais il y a beaucoup d’intimité, des choses qu’on ne dit pas dans la vie, qu’on cache ou qu’on confie d’habitude à très peu de gens.

Inferno : Et aussi une envie folle de liberté sur scène ?

Laetitia Dosch : Oui de la liberté ! Mais pas seulement celle de courir et d’être joyeux sur scène mais bien aussi celle de pouvoir dire les choses vraiment intimes et, pour une fois, sans avoir à se cacher pour les dire. L’idée du texte est déjà intimement liée au désir d’être libre. Dans un texte on peut dire des choses que seule l’écriture permet et qu’il est difficile de dire ailleurs, on peut l’exprimer de plein de façons différentes comme par exemple avec du rap ou des textes poétiques, donc au travers d’un travail qui ne soit pas enfermé dans un style. Avec le cheval c’était aussi une envie de liberté de sa part et de la mienne, je ne voulais pas que le spectacle soit totalement figé. Tous les soirs il y a 20% du spectacle qui change. Donc, à la base, il y avait bien ce désir de vouloir prendre le risque de l’instant, de se dire que je ne vais pas faire faire au cheval toujours les mêmes choses sur scène, je voulais au contraire qu’il influence l’écriture du texte et lui donner quasiment une place d’acteur ou d’auteur. Maintenant c’est à moi parfois de le suivre avec ce que lui propose. C’est ça qui donne de la liberté au spectacle, voir un animal qui va décider de faire ça ou autre chose, ne pas systématiquement obéir. Le considérer comme un égal aussi, en tout cas plus qu’avant. Ce spectacle et ce texte sont une envie d’égalité, d’intimité et de liberté.

Inferno : Vous avez parlé d’une anecdote où le cheval vous embrassait tellement que vous ne pouviez plus répéter, vous étiez presque en colère vis-à-vis de lui. N’est-ce pas là un des piliers de votre spectacle ?

Laetitia Dosch : En effet, je ne pouvais plus travailler car Corazon voulait m’embrasser tout le temps. L’histoire raconte ça, une histoire utopique qui ne marche pas, c’est le récit d’une femme qui veut faire un enfant avec un cheval, vivre en couple avec lui, mais finalement cela ne va pas être possible. Le texte dit ça mais ce qui se passe vraiment sur le plateau c’est avant tout de la liberté. Le fait que Corazon prenne cette liberté m’oblige à m’adapter et à trouver des rebondissements pour que le spectacle continue.

Inferno : Le spectacle oscille constamment entre espoir et désespoir sans jamais donner réellement de clé. De quel côté vous penchez vous ? Pas d’amour sans domination ou destruction de l’autre ?

Laetitia Dosch : Le conte nous dit que les humains ont du mal à aimer sans vouloir contrôler, maîtriser et dominer l’autre. C’est difficile pour nous d’arriver à faire autrement mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas y arriver. L’idée de cette histoire c’est aussi d’être confrontés à notre propre instinct de domination, à notre propre cruauté.

Inferno : Mais après une heure de liberté vous remettez le licol au cheval…

Laetitia Dosch : Mais pas qu’à lui ! Je m’en mets un à moi aussi, et la dernière chanson est une chanson de soumission totale, peut-être un peu ambigüe mais c’est quand même de la soumission. Mais ce qui me paraît intéressant c’est le fait que le texte nous dit tout ce qui nous empêche de vivre en égalité avec l’autre. En même temps, sur le plateau, le travail nous montre l’inverse parce qu’on voit vraiment deux êtres égaux. D’ailleurs je ne domine pas tant que ça Corazon et souvent c’est plutôt lui qui me domine. Ce sont des questions que je me posais philosophiquement, je ne sais toujours pas y répondre mais par contre, en pratique, je pense avoir gagné mon pari. Au delà que ce spectacle soit réussi ou raté je pense avoir réussi à ce que le cheval soit libre. Souvent je le vois sur scène s’émanciper et ça me rend heureuse d’avoir pu réussir ça, d’être parvenue à montrer cette égalité possible entre un animal et une femme. Il faut savoir que le cheval est maintenant très content de venir jouer, quand on ne joue pas une semaine il attend qu’on vienne à son box. Je sais qu’il est très heureux sur scène et pour moi ce n’est pas rien d’avoir fait ça avec un animal.

Inferno : On reconnaît en filigrane la touche de Philippe Quesne dans des instants quasi lunaires, comment avez-vous travaillé ensemble ?

Laetitia Dosch : Déjà nous aimons tout deux la bande dessinée et il avait envie qu’on travaille la scénographie avec cet esprit BD. D’ailleurs au départ je dessinais beaucoup et, lorsqu’on a commencé à parler du projet, Philippe a instantanément vu une toile de fond, un peu comme une peinture dont les personnages sortiraient en essayant de se libérer de la peinture. En fait Philippe est tellement intelligent qu’il a compris immédiatement le propos, donc tout est allé très vite. L’idée était que ça devait tourner autour de la peinture. Il a lu le texte et a vite compris là où je voulais aller. Au départ nous avons travaillé une ambiance un peu Reine des Neiges avec des couleurs violettes et, finalement, Philippe est allé vers quelque chose de plus romantique avec une image un peu Adam et Eve.

Inferno : Vous jouez sur la nudité de ces deux personnages et le spectacle est d’une extrême pudeur, comment l’expliquez-vous ?

Laetitia Dosch : Et ça parle beaucoup de sexe aussi ! Mais il y a avant tout beaucoup de délicatesse, d’ailleurs le cheval est très fatigué en sortant de scène car ce n’est pas facile pour lui de comprendre une autre espèce. Il faut donc que nous soyons tout deux très attentifs, ça demande une grosse concentration et il y a autant d’écoute de sa part que de la mienne. C’est très fatiguant, même s’il connaît le spectacle presque mieux que moi. On peut voir qu’il est sensible d’émotions, une relation s’est tissée entre nous pendant quatre mois et maintenant il y a une profonde écoute l’un de l’autre, avant tout une envie de faire des choses ensemble. Corazon est un animal qui a envie de faire plaisir aux humains, il a toujours peur de mal faire.

Inferno : Donc cette pudeur c’est avant tout cette relation que vous avez avec le cheval ?

Laetitia Dosch : Oui, la relation et l’écoute, la délicatesse de l’écoute de l’autre et bien sûr aussi par mon texte. Je tente de vous emmener dans la confidence avec une certaine mélancolie, comme si je parlais à des proches ou des amis, au travers du cheval c’est à vous que je parle et, je l’espère, avec beaucoup de douceur.

Inferno : Avant de rentrer dans la salle vous demandez aux spectateurs le silence afin de ne pas effrayer Corazon, mais cela donne aussi l’impression que vous accordez aux spectateurs quelques minutes afin qu’ils aient la même concentration que vous et le cheval…

Laetitia Dosch : Tout à fait ! Et c’est assez agréable car dans ce spectacle, les spectateurs sont un peu responsables de ce qu’ils vont voir. S’ils font trop de bruit ou s’ils s’en vont à certains moments cela peut être dangereux pour moi, il faut donc une écoute particulière de leur part pour que le spectacle soit réussi. C’est génial comme sensation de sentir des gens derrière soi qui prennent ça à cœur. Vous n’êtes pas là que pour consommer de la culture mais vous participez directement à la réussite du spectacle.

Inferno : Vous donnez parfois l’impression qu’il y a deux Laetitia Dosch, celle du théâtre et celle du cinéma.

Laetitia Dosch : Oui mais c’est juste une impression car les deux sont liés. Etre actrice, au théâtre ou au cinéma, c’est avant tout beaucoup d’introspection. Pour bien jouer un personnage il faut le chercher à l’intérieur de soi et comprendre le monde qui nous entoure. Que ce soit au théâtre ou au cinéma c’est le même processus et le même travail, c’est toujours quelque chose de très intime et, dans les deux cas, on n’a pas envie de rester dans son trou, on a envie que son travail parle à un large public, que ce soit vu et partagé.

Inferno : Votre théâtre est quand même très intime…

Laetitia Dosch : Mais le cinéma peut être aussi très intime, en tout cas c’est ce que j’y mets dedans. Acteur ou comédien est le même métier, on fait de son intimité un travail. Par contre, effectivement, notre image fait partie du travail, donc on est pris en photo et on doit porter de belles robes. Mais si ça peut attirer des gens pour aller voir mon travail au théâtre, eh bien tant mieux ! Ceci dit le travail sur l’image est aussi intéressant. Quelle femme ai-je envie de représenter ? Qu’est-ce qu’on a envie de montrer ? Quelle est l’image de la femme que je veux donner ? Comment doit-on s’habiller et qu’est-ce qu’on accepte de faire ? En fait, actrice est un travail où l’on est soumis à énormément de clichés et de choses obligatoires, avec des critères de taille, de poids, d’âge… Les questions sur la position de la femme se posent à nous au quotidien. Ce sont des questions qui sont en fait très politiques et notre corps devient lui-même un axe de questionnement politique.

Inferno : Mais les lignes changent un peu en ce moment…

Laetitia Dosch : Etre actrice reste quand même quelque chose d’assez particulier, à partir de 45 ans il y a très peu de bons rôles et on ne peut pas dire que ça bouge énormément pour l’instant. Après, effectivement, il y a quelques très grandes actrices qui y parviennent, mais par rapport à la représentation de la femme au cinéma il y a tout un travail qui reste à faire. C’est un point que je tente d’aborder au théâtre quand j’écris des rôles en m’exposant de façon différente, en étant par exemple nue mais aussi en faisant des choses complètement différentes avec un corps nu. Donc non ! il n’y a pas deux Laetitia mais bien une seule comédienne qui, c’est vrai, s’habille avec de belles robes une semaine par an pour assister à quelques événements et faire de belles photos.

Inferno : Quel est l’avenir de ce spectacle ? Et quels sont vos futurs projets ?

Laetitia Dosch : Le spectacle va déjà tourner en France. Je vais aussi tourner avec « La maladie de la mort » en Italie, Angleterre et Belgique. En parallèle je continue à jouer au cinéma… puis je veux écrire mon prochain spectacle et travailler avec un texte basé sur un quartier dans le nord de la France, peut-être le jouer avec des amateurs, je ne sais pas encore. Mais en tout cas je souhaite travailler sur ce sujet et avec des gens de tous les milieux.

Propos recueillis par Pierre Salles

Lien vers la critique :
https://inferno-magazine.com/2018/06/27/hate-laetitia-dosch-a-tout-crin/

Dates de tournée :
Théâtre de Vidy – Lausanne 05/06/2018 – 09/06/2018
Printemps des comédiens, Théâtre Jean-Claude Carrière 22/06/2018 – 23/06/2018


Festival La Bâtie – Genève (CH) 31/08/2018 – 03/09/2018
Théâtre Nanterre-Amandiers, Festival d’Automne à Paris 15/09/2018 – 23/09/2018


Théâtre du Gymnase, festival Actoral à Marseille 26/09/2018 – 27/09/2018


Théâtre national de Bretagne- Rennes 16/10/2018 – 20/10/2018
La Rose des Vents, Festival NEXT à Lille 30/11/2018 – 01/12/2018


Bonlieu – Scène nationale d’Annecy 16/01/2019 – 18/01/2019
TPR – La Chaux-de-Fonds (CH) 15/02/2019 – 16/02/2019


Le Quai – Angers 07/03/2019 – 08/03/2019


Sortie Ouest – Béziers 13/03/2019 – 16/03/2019


MA – Scène nationale – Pays de Montbéliard 16/05/2019 – 17/05/2019


TANDEM – Scène nationale de Douai 05/06/2019 – 06/06/2019

Photo Dorothée Thébert-Filliger.


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September 1, 2018 2:03 PM
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A Marseille, Hubert Colas met le “Désordre” dans Actoral

A Marseille, Hubert Colas met le “Désordre” dans Actoral | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Hervé Pons dans Les Inrocks - 31.08.2018

 

L’auteur, metteur en scène et scénographe Hubert Colas crée un réjouissant Désordre pour son festival marseillais Actoral, qui célèbre avec entrain la diversité des écritures contemporaines.
C’est le dernier week-end du mois d’août. A Marseille, les escaliers et les allées à ciel ouvert de la Friche la Belle de Mai, lieu de création et d’innovation unique en son genre, sont balayés par un vent frais. Un certain calme règne. C’est le temps d’avant, celui des répétitions, qui précède l’afflux des publics. L’auteur, metteur en scène et scénographe Hubert Colas crée un nouveau spectacle. Aujourd’hui, devant une poignée de spectateurs amis, son équipe et lui vont montrer un premier bout-à-bout, un premier filage.

Un moment très particulier dans la vie d’une création : l’objet éclot, embarrassé encore de toutes les maladresses et questionnements nécessaires à son élaboration et pourtant, révèle déjà les frémissements, encore timides, des ravissements et bonheurs à venir lors des représentations. Car il restera encore quelques jours de travail à Hubert Colas avant la première de Désordre le 28 septembre dans le cadre d’Actoral, festival international des arts et des écritures contemporaines de Marseille, inventé et dirigé par le metteur en scène.

Haïkus et fabulettes

Un horizon pour fond de scène, une mélodie douce et espiègle et un être assis dans un fauteuil. La première image de Désordre est empreinte de calme et de sérénité tandis que s’ouvre le rideau sur une boîte à musique qui, telle celle de Pandore, aurait moult mots à déverser. La promesse est à la hauteur de la parole vibrante, vibrionnante, malicieuse et délicieuse d’Hubert Colas qui, une heure trente durant, jaillira de tous les recoins du plateau, semant un désordre joyeux dans une représentation théâtrale mais aussi sociétale que sous forme de haïkus et fabulettes Hubert Colas croque avec une idiotie éclairante.

Le spectacle débute par une pichenette télévisée, un acteur – Thierry Raynaud – enfermé dans un écran et dans une loge, surplombant l’espace de jeu où ses camarades pourront évoluer en toute liberté. Il assène en préambule et sous forme d’injonction beckettienne : “Je vais commencer par ne pas parler. Je me tais. JE ne parle pas. JE se tais. JE regarde – Un point c’est tout. JE regarde bien. Mais je ne vois rien qui vaille. JE se tue. JE ne vois pas ce qui vaudrait la peine d’arpenter quoi que ce soit. Un intérêt ? Aucun. Rien.” Et ainsi de suite, à l’instar et à l’avenant des absurdités et autres incongruités réjouissantes de l’auteur.

C’est une contre-allée, un chemin de traverse, qui se dessine sur scène, une autre voie où l’imaginaire peut en toute liberté se livrer à d’étonnantes divagations et circonvolutions joyeuses sur le monde tel qu’il est. On ne dira jamais assez, quand même, le bonheur de la littérature. On ne dira jamais assez non plus le bonheur de voir des acteurs, en osmose parfaite avec une langue jouant véritablement des émotions comme l’on joue à la marelle, devant parfois, soit à cloche-pied, soit en faisant de grands écarts, sauter d’un mot à l’autre pour atteindre la fin de la phrase.

Bonheur enfantin et vivacités des sens

Et il y a des morceaux de bravoure dans le texte aux multiples entrées d’Hubert Colas. Ainsi, Manuel Vallade révélant les secrets attraits de son intérieur, Isabelle Mouchard et ses envolées dyslexiques, les “sœurs” Claire Delaporte et Vilma Pitrinaite dont les bêtises fleurent bon la lointaine Russie, mais qui savent d’un “on” salvateur désigner l’ignominie. Et il y a aussi Mathieu Poulain, alias Oh ! Tiger Mountain, surnommé le mutant de la pop marseillaise, qui, d’un chapelet de chiffres, crée un via crucis de maux.

La vision absurde, onirique et kaléidoscopique d’un monde en désordre que donne à voir Hubert Colas dans cette nouvelle création est à plusieurs titres extrêmement réjouissante. Pour le bonheur presque enfantin qu’elle procure. Pour les vivacités des sens qu’elle agite. Et pour la fête à laquelle elle nous convie : celle de la pensée.

Désordre d’Hubert Colas, du 28 au 30 septembre à la Friche la Belle de Mai, Marseille, dans le cadre du festival Actoral

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September 1, 2018 8:22 AM
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André Engel, Oeuvre théâtrale : un essai de Véronique Perruchon

André Engel, Oeuvre théâtrale : un essai de Véronique Perruchon | Revue de presse théâtre | Scoop.it


par Gilles Costaz dans Webthéâtre  août 2018


Heurs et malheurs d’un grand perturbateur

André Engel bénéficie enfin d’une longue étude fouillée. Il la mérite bien, lui qui a beaucoup secoué et rénové la mise en scène à partir des années 70. Les Langhoff, Chéreau et autres Planchon ont fait l’objet d’essais importants. C’est au tour d’Engel. (Tiens, au fait, rien sur Jean-Pierre Vincent ! Etrange et injuste). Véronique Perruchon, dans André Engel, Œuvre théâtrale, effectue un parcours complet – il manque seulement la mise en scène du Réformateur de Thomas Bernhard à l’Œuvre, en 2015, une reprise mais totalement réinventée, comme si l’on ne prenait pas en compte le théâtre privé. L’imagination d’Engel a, en effet, été fertile depuis un Baal de Brecht aux haras de Strasbourg, en 1976. Ensuite, les annales du théâtre ne peuvent oublier un Prométhée porte-feu de Bernard Pautrat au festival de Nancy en 1980, où un hélicoptère débarquait sur scène l’un des personnages au cours d’une action dominée par la violence policière, une Penthésilée de Kleist noyée dans la neige à Chaillot en 1980, un Dell’inferno de Pautrat toujours dans une usine désaffectée gagnée en train par les spectateurs, en région parisienne, en 1982... La liste s’allonge avec Lulu au Bataclan en 1983, Le Misanthrope à la MC 93 à Bobigny en 1985, Venise sauvée à Avignon en 1986, La Nuit des chasseurs à la Colline en 1988 (l’acteur qui y jouait Woyzek, Pascal Bongard, plongeait dans un étang à l’avant-scène et ne reparaissait pas à la surface ! Un dispositif lui permettait de s’échapper par un sas souterrain)...


La plupart de ces spectacles ont fait sortir le théâtre des théâtres. Engel est l’un des grands metteurs en scène du lieu non-théâtral. Il a changé la donne mais le vent a tourné, ramenant l’art à un classicisme que l’artiste a dû adopter. Ce sont les heurs et malheurs d’un grand perturbateur. Ses récentes réalisations, Le Roi Lear (2006), Minetti (2009), ont eu lieu dans des salles académiques : l’Odéon et la Colline. Retraçant avec une précision admirative cette progression et cette fausse régression, en en développant la portée politique et philosophique, Véronique Perruchon écrit : « Dans les replis de son œuvre, le réalisme apparent de son esthétique ne s’oppose pas à la dénonciation du réel : c’est un combat vital qui se joue dans les spectacles d’Engel. Celui du public, celui du théâtre, celui de son engagement. André Engel croit au théâtre uniquement pour croire au monde. »
Les aventures d’Engel s’appuient sur les formidables scénographies de Nicky Rieti, les lumières d’André Diot, l’interprétation de grands acteurs tels qu’Anne Alvaro, Serge Merlin, Jérôme Kircher, Michel Piccoli... La presse les a beaucoup salués et beaucoup discutés. L’ouvrage retient surtout les articles des critiques favorables, comme notre amie Caroline Alexander. Les citations d’articles réservés ou hostiles sont plus rares, mais il y en a. Pourtant Engel est le type même de l’artiste qu’il faut discuter. Ses intuitions sont fulgurantes, mais ne tiennent pas toujours la distance. Qu’on pense par exemple à son Misanthrope joué dans un haras, pour nous dire qu’Alceste (interprété par Bertrand Bonvoisin) n’aimait pas les hommes et préférait les chevaux. L’idée était saisissante, mais n’était pas crédible deux heures durant. Avec Véronique Perruchon, applaudissons André Engel, et contestons-le !

André Engel, Oeuvre théâtrale de Véronique Perruchon. Editions Septentrion, collection « Arts du spectacle », 304 pages, 25 euros.

 

Photo DR

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August 31, 2018 4:52 PM
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« Sergent Papa », un roman de Marc Citti

« Sergent Papa », un roman de Marc Citti | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Y.A. dans La Petite Revue Août 2018

 


Marc Citti, « Sergent Papa »

Les mille et une vies de Mathieu Scarifi

Scarifier. Verbe transitif. Par métaphore ou au figuré : faire souffrir cruellement; meurtrir. « Comme deux couteaux, elles étaient à le scarifier par leurs réflexions et leurs observations. » (Flaubert, Madame Bovary, 1, 1857, p. 19).

Voilà cinq ans que nous avons découvert sur scène Mathieu Scarifi, alter ego fictionnel de Marc Citti. Il se débattait alors avec Nina, une metteuse en scène tyrannique, lors de répétitions douloureuses de « Richard III » (« Kiss Richard », 2013). Quelque temps plus tard, nous l’avons retrouvé en tournée à Oyonnax, cantonné à quelques panouilles dans « Hamlet » (Shakespeare, encore !). Il rêvait alors de remplacer Gérard, le comédien principal, et préparait le casting d’un petit rôle aux côtés de Pierre Arditi (« Le Temps des suricates », 2014). Cet été enfin au festival d’Avignon, Mathieu, « papa tardif » d’un petit Swann, espérait relancer sa carrière d’auteur dramatique (« Les Vies de Swann »).

Nous apprenons aujourd’hui dans « Sergent Papa » que Mathieu a un fils aîné, Antoine, musicien prodige et gloire montante du rock indépendant. Les relations entre les deux hommes sont distantes : ayant abandonné le domicile familial quelques mois après la naissance de son fils, Mathieu fut longtemps aux abonnés absents. À l’aube de la cinquantaine, il tente de se rapprocher de ce jeune adulte qu’il aime mais connaît mal, et ainsi, de se pardonner (« Sergent Papa », Calmann-Lévy, 2018).

L’homme blessé

Ces récits s’entrelacent, se font écho, divergent parfois. Tous s’accordent sur un point : la carrière de Mathieu a démarré fort. « Il avait eu le bonheur de fourbir ses premières armes de comédien dans le (…) théâtre public, auprès de la crème des metteurs en scène des années 80, jouant Shakespeare, Tchekhov ou Marivaux. » (« Sergent Papa », p. 46) Ayant connu à vingt ans ce dont bien des comédiens n’osent rêver, Mathieu ne réussit pourtant pas à transformer l’essai. Difficulté à gérer un succès fulgurant ou à se mettre au service d’une troupe ? La rencontre avec Nina, metteuse en scène populaire dont « la réputation de tyran n’est plus à faire dans le métier », le précipite dans la dépression. L’alcool, une séparation… Le petit monde du théâtre oublie Mathieu qui s’aigrit. Le croisant par hasard, Marie, une de ses anciennes partenaires, se demande « ce qui a bien pu arriver à ce garçon autrefois prometteur pour qu’il présente aujourd’hui tant de signes de décrépitude morale. Il semble subsister tout au fond de son être une part d’enfance qui supplie qu’on la ranime. » (op. cit., p. 22).

Entravé, Mathieu – au patronyme éloquent – ne cesse d’expier ses faux-pas de jeunesse. Ses rendez-vous manqués (avec le métier, les femmes, son fils aîné) le hantent ; sa carrière d’acteur est vécue comme un « interminable défilé d’humiliations ». Désormais en marge de la « grande famille » du théâtre (dont il dresse, en passant, un tableau mordant et sombre), Scarifi se recentre sur la sienne. Assumant enfin son rôle de père, il tente de renouer avec Antoine des liens distendus et de partager avec lui leur passion commune de la musique. Si le temps perdu ne se rattrape guère, un mot glissé à Mathieu laisse poindre l’espoir : « Tout est trop tard, sauf l’avenir. »

Et, de fait, Mathieu semble renaître. Dans « Sergent Papa », grâce à un retour au théâtre (subventionné), pour interpréter Rakitine dans « Un mois à la campagne » ; dans « Les Vies de Swann » – qui se situe donc, d’un point de vue chronologique, avant le roman –, grâce à un fils qu’il élèvera malgré son inquiétude viscérale de la marche du monde. Dans les deux cas, Mathieu est apaisé, sur la voie, peut-être, de la rédemption.

Je est un autre ?

Où débute la fiction ? On sait que Marc Citti fut élève de la seconde promotion (1986-1987) de l’école des Amandiers-Nanterre, dirigée par Pierre Romans. Ces années de formation, exigeantes mais passionnantes, firent l’objet d’un très bel essai, « Les Enfants de Chéreau » (Actes Sud, 2015). Au cours de la décennie suivante, il fut dirigé par Patrice Chéreau, Luc Bondy, Jorge Lavelli… et interpréta le rôle de Rakitine sous la direction d’Yves Beaunesne.

Fiction et réalité sont donc intimement liées. Dans chaque texte, Mathieu croise des personnages réels (comme Mathieu Amalric dans « Sergent Papa », à qui un très bel hommage est rendu), pseudo-fictionnels (Nina, que quelques recoupements peuvent permettre d’identifier) ou, semble-t-il, imaginaires (Paul Goosens, archétype de l’artiste omniprésent du paysage culturel dans « Les Vies de Swann » et qui met en scène Mathieu dans « Sergent Papa »). Et le reste est littérature ? Peu importe. En bon auteur, Marc Citti prend aussi un malin plaisir à brouiller les pistes et les repères temporels, construisant opus après opus une œuvre qui dépasse largement l’autobiographie. Chaque texte – qui peut s’apprécier indépendamment des autres – enrichit la personnalité de Mathieu et le rend plus attachant encore. Les thèmes (la difficulté de construire une carrière, d’être père, le sentiment d’un temps enfui), universels, sont abordés avec délicatesse, sans pathos ni volonté d’apitoyer.

Mathieu Scarifi est aujourd’hui un ami de la famille, un brin désenchanté et terriblement sympathique. Et lorsque son chemin croisera à nouveau le nôtre – sur scène ou dans un roman –, peut-être aurons-nous le bonheur de le voir réconcilié avec lui-même.


Y. A.

« Sergent Papa », Calmann-Lévy, 2018, 154 p.


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August 31, 2018 12:06 PM
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Du Théâtre équestre au Cirque | TheatreCirque.com

Du Théâtre équestre au Cirque | TheatreCirque.com | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Caroline Hodak sur le site theatrecirque.com

 

 

L'apparition et l'essor du cirque moderne placent les entrepreneurs de spectacles et surtout le cheval, au coeur de l'histoire des divertissements et de la commercialisation des loisirs en France et en Angleterre au tournant du XVIIIe siècle.
Au croisement du théâtre, du sport, de la diffusion des savoirs, et aussi de la guerre, au carrefour entre les contrôles de l'Etat et les lois du marchés, l'ouvrage déroule les tactiques et les procédés qui ont favorisé la fabrique des innovations culturelles et la structuration d'une nouvelle offre spectaculaire, où le cheval ouvre la voie à des registres inédits.
De 500 spectateurs un soir de 1768, à 300.000 en un été en 1854, l'histoire de la piste illustre comment le cheval régénère la créativité théâtrale, donne une nouvelle emphase aux héros et aux mythes, suscite de nouvelles narrativités et mises en scène, offrant des référents culturels qui transforment la relation des publics à l'extraordinaire, au sensationnel... et à l'identité nationale, dans ce qui a été un véritable phénomène culturel au XIXe siècle.

POURQUOI  CE  SITE
A l'origine des pages Du Théâtre équestre au cirque, il y a une thèse, soutenue en 2004. A l'heure de l'open source et du libre accès, l'idée qu'il soit nécessaire de consulter des microfiches pour trouver les sources qui ont permis d'élaborer mon propos, paraît décalée. TheatreCirque.com a donc pour objet d'offrir un accès facilité à quelques données d'histoire culturelle et matérielle du cirque, du théâtre, de l'équitation, des loisirs. L'intention ici est de mettre en ligne certains documents, des focus thématiques, des tableaux de prix ou d'études de la production théâtrale, et la liste de toutes les sources de la recherche réalisée... Les topics présentés approfondissent quelques aspects du livre et sont destinés aux étudiants et aux chercheurs comme à celles et ceux qui souhaitent juste en savoir plus. Bonne lecture !

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August 30, 2018 6:16 PM
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Mort de Paul Taylor, figure de la danse moderne américaine

Mort de Paul Taylor, figure de la danse moderne américaine | Revue de presse théâtre | Scoop.it

publié dans Le Monde  30.08.2018

 

Le danseur et chorégraphe avait jeté un pont entre danse classique et danse contemporaine et a créé de nombreux spectacles devenus des références.

Paul Taylor, un des pères de la danse moderne, est mort mercredi 29 août à Manhattan à l’âge de 88 ans, a annoncé jeudi une porte-parole de sa compagnie, la Paul Taylor Dance Company.

« Paul Taylor était l’un des plus grands chorégraphes au monde, et sa mort nous attriste profondément, non seulement nous qui avons travaillé avec lui, mais toutes les personnes dans le monde qui avaient été touchées par son art incomparable », a déclaré le directeur artistique de la compagnie, Michael Novak.

Le danseur et chorégraphe américain était, avec Merce Cunningham, l’une des figures dominantes et rayonnantes de la modern dance américaine, et avait jeté un pont entre danse classique et danse contemporaine.

Né en Pennsylvanie le 29 juillet 1930, fils d’une cuisinière, Paul Taylor décida de devenir danseur après avoir découvert un livre sur Vaslav Nijinsky, le virtuose des Ballets russes. D’abord danseur surdoué, pour lequel Merce Cunningham, Martha Graham ou George Balanchine créent des rôles, il fonde sa propre compagnie en 1954, qui connaît son premier succès, Aureole en 1962.

La compagnie, devenue la Paul Taylor Dance Company, crée au total 147 spectacles, dont beaucoup sont devenus des références dans le monde de la danse.

Un style athlétique
Le chorégraphe britannique Matthew Bourne — célèbre pour son Lac des cygnes dansé par des hommes — a rendu hommage au chorégraphe sur Twitter jeudi. Il était « l’un des véritables maîtres de la danse moderne, y écrit-il. Son influence continue d’être une inspiration pour les danseurs du monde entier. »

« Il a élargi le champ de la danse moderne et l’a rendue surtout plus populaire, moins prétentieuse, en y ajoutant une pincée d’humour malicieux », a dit Marina Harss, critique de danse new-yorkaise, apprenant la mort de Paul Taylor.

Son style, tout en restant lyrique, était très athlétique : profonde flexion des jambes, grande variété de sauts, diagonales foudroyantes, selon la description de Gérard Mannoni, auteur du livre Les Grands Chorégraphes du XXe siècle. Une patte probablement inspirée de son propre physique, lui qui était un ancien nageur.

Paul Taylor a travaillé jusqu’à sa mort. En 2014, il avait créé la Paul Taylor American Modern Dance, aidant à former et à promouvoir une nouvelle génération de danseurs.

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August 30, 2018 5:04 PM
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Angers. À Belle-Beille, les réfugiés entrent en scène - Angers.maville.com

Angers. À Belle-Beille, les réfugiés entrent en scène - Angers.maville.com | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Ouest-France le 30 août 2018

Un spectacle de théâtre en plein air est prévu vendredi 31 août place Dauversière, dans le quartier de Belle-Beille, à Angers. Les comédiens sont tous des réfugiés.
Des personnes réfugiées qui expriment en théâtre leurs expériences vis-à-vis de la société française. C’est le projet porté par l’association les Libres filmeurs, qui cherche à intégrer via la culture les réfugiés du quartier de Belle-Beille. Durant l’été, des ateliers théâtres ont été encadrés par deux comédiens professionnels, Alexandre et Bélinda.

Vendredi 31 août, à 19 h, les acteurs invitent les habitants de la ville à venir assister à leur représentation, place Dauversière, à Angers.

Après le spectacle, un verre de l’amitié et des découvertes culinaires seront proposés au public. L’entrée est gratuite.

Ouest-France  

Légende photo : Le spectacle est organisé par l’association des Libres Filmeurs. Pénélope Lamoureux (photo) en est la directrice.© Ouest-France

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August 30, 2018 2:57 PM
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Hassane Kassi Kouyaté : « J’ai toujours grandi en pensant à l’économie du spectacle  » –

Hassane Kassi Kouyaté : « J’ai toujours grandi en pensant à l’économie du spectacle  » – | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Aminata Sanou pour Burkina24, 30.08.2018

 

Hassane Kassi Kouyaté prendra les rênes du Festival des Francophonies de Limoges à partir du 1er janvier 2019. Nous l’avons rencontré dans la ville de Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso le samedi 25 août 2018. L’homme de culture, conteur, comédien  musicien, danseur, compositeur, metteur en scène et actuel directeur de la « Scène nationale de Martinique ATRIUM Tropiques »  a dévoilé ses projets de développement de la Francophonie. Il entend œuvrer à la professionnalisation de l’art et de la culture, les rapprocher d’avantage du public tout  en mettant un accent particulier sur la promotion de la francophilie. Le talent de « grand traducteur » propre aux pays francophones sera aussi mis à profit. 

 

Burkina24 (B24) : Après avoir remporté cette course contre 41 autres candidats au poste de directeur du festival de la Francophonie, quels sont les sentiments qui vous animent ?

 

Hassane Kassi Kouyaté  (H.K.K) : Pour être honnête, je dois reconnaitre que c’est d’abord un sentiment de fierté pour l’enfant burkinabè et l’homme  burkinabè que je suis. C’est aussi une fierté pour l’Afrique qui voit pour la première fois,  un de ses fils occuper ce poste.

Ensuite, j’ai un autre sentiment de responsabilité qui me fait mesurer la responsabilité qui m’incombe. Cette responsabilité aussi lourde que passionnante. Puisque si je gagne, la Francophonie aura gagné et l’Afrique aussi. Mais  si j’échoue à ma mission, ce qui ne va pas arriver d’ailleurs, c’est pareil.  Mais loin de me freiner, ce sentiment de responsabilité au contraire me galvanise, me donne de l’énergie et me stimule pour ma mission à venir.

 

B24 : D’artiste sur scène au poste d’administrateur d’un si grand festival, comment se fait l’adaptation ?

 

H.K.K : D’abord, j’ai eu déjà la chance de naitre et de grandir dans un milieu artistique, d’avoir eu des parents artistes. Alors le fait d’être artiste était devenu presque une vie normale pour moi. Ensuite j’ai appris un métier à l’Institut du commerce. Je l’ai appliqué au milieu de l’art. En combinant ce que je dirai ma vie et mon métier, j’ai toujours grandi en pensant à ce que j’appelle  « l’économie du spectacle ».

 

L’art a besoin d’une pensée scientifique à court, moyen et long terme de développement

 

Puisque le problème qui se pose aujourd’hui est qu’on ne peut plus faire l’art pour l’art. L’art a besoin d’une pensée scientifique à court, moyen et long terme de développement. L’art a besoin de gestionnaire, d’un administrateur culturel et donc moi je me suis spécialisé là-dedans tout en étant artiste. Des fois, pour une question de temps ou de casquette, je dépose ma casquette d’administrateur pour être artiste et vice-versa. Et à la fin, je me suis rendu compte que l’un nourrissait  l’autre.   

 

B24 : Pour réussir vos missions, le futur directeur du Festival des Francophonies que vous êtes a tantôt parlé de « promouvoir la Francophonie à l’aide de la Francophilie. A quoi est-ce que cela consiste?

 

H.K.K : Il y a plusieurs Francophonies. D’abord, il y a la Francophonie obligatoire qui est née de la colonisation. Avec une partie des populations des peuples qui ont été colonisés par les Français qui parlent la langue française. D’où certains ont même  appris « nos ancêtres les Gaulois » que j’appelle la Francophonie obligatoire.

Ensuite, il y a ceux qui ont aimé la langue française et qui sont allés apprendre le Français. Donc ils font partie des sympathisants de la langue française, de la Francophilie. Ces peuples  parlent la langue française, qui aiment cette langue, qui l’utilisent, qui peuvent réfléchir dans cette langue, qui s’expriment et qui communiquent dans cette langue sans être issus des pays francophones.

Et après la Francophilie se développe  et ils deviennent des francophones. Par exemple, il y a  des pays comme l’Algérie, le Vietnam et les pays de l’Est de l’Europe qui n’ont pas adhéré officiellement à la Francophonie, mais qui ont beaucoup de Francophiles.

Dans ma mission, j’essayerai de mettre un accent sur ces Francophiles qui apportent une richesse supplémentaire à la Francophonie

Et c’est cela que j’appelle promouvoir la Francophilie pour aider la Francophonie.

 

B24 : Avez-vous d’autres idées de promotion du Festival des Francophonies à travers l’utilisation de la langue française ?

 

H.K.K : Oui ! J’aimerais aussi développer la notion de la traduction qui apporte une richesse à la Francophonie. Les pays francophones sont de  grands traducteurs de langue. Parce qu’en général, un Francophone a une langue maternelle qui n’est pas le Français. Souvent il pense dans sa langue, et quand il veut s’exprimer il fait une traduction presque simultanée. Ce sont des grands traducteurs.  C’est pourquoi il existe beaucoup de textes traduits du Français à d’autres langues (comme le Russe,  l’Anglais, le Tchèque, le Polonais et même le  Japonais) et vice-versa.

 

B24 : Vous parliez aussi de développer une dimension fondamentale du festival  des Francophonies, notamment sa valeur humanitaire. Comment-comptez-vous y parvenir ?

 

H.K.K : Pendant le festival, je souhaiterai que les artistes venus des différents pays francophones et de divers horizons francophones puissent rester ensemble pendant 10 jours pour renforcer ce moment d’échange et de partage (comme cela a été le cas souvent dans les autres éditions).

J’aimerais aussi que les artistes développent leurs rapports avec le grand public, la population de Limoges, de la Haute Vienne  et du Grand Aquitaine.  En même temps. Il sera aussi question de mener la réflexion  pour créer plus de proximité entre le public et les artistes.

 

B24 : Vous parlez souvent de public empêché et de public éloigné. Qui sont-ils ?

 

H.K.K : Les publics empêchés d’une manière classique, ce sont les gens qui sont empêchés par la maladie ou ceux enfermés dans le milieu carcéral. Ce ne sont pas des oubliés, ils font aussi parti des humains, de nos populations, de nos peuples. Mais souvent leur situation d’empêchement ne leur permet pas d’accéder à l’art et à la culture.

 

C’est pourquoi les programmations doivent tenir compte des réalités de ces publics empêchés.

 

Il y a aussi les publics éloignés. Quand on parle de l’éloignement, on pense plus à l’éloignement physique. Il est donc important de traiter la question de la décentralisation et de faire en sorte que les spectacles aillent dans les endroits les plus reculés possibles, (dans les endroits où l’on pense des fois que le spectacle ne peut pas arriver pour des raisons techniques ou même pour des raisons d’organisation) pour les désenclaver du point de vue artistique et y faire des programmations adaptées et de bonne qualité.

Parfois, on est aussi éloigné parce qu’on pense que certaines activités culturelles et artistiques ne sont destinées qu’à une élite. Cela nous interpelle sur la nécessité de développer  la communication autour de l’art. Je vais aussi travailler les outils de communication pour faire comprendre à ces personnes éloignées que l’art et la culture, c’est l’affaire de tous.

 

B24 : Votre érection à ce poste présente-t-elle des avantages pour votre pays d’origine, le Burkina Faso ?

H.K.K : Certainement. Le premier avantage est qu’il offre un éclairage sur mon pays. On dira que le directeur des Francophonies à Limoges est un Burkinabè. Ce qui à mon sens n’est pas rien. Parce que déjà, c’est la reconnaissance de notre culture, de notre expertise en culture et en art. L’autre avantage, c’est que cette personne que je suis à la chance de connaitre un peu plus les acteurs culturels du Burkina Faso, de connaitre les évènements artistiques de mon pays. Je serai donc plus attentif en devenant un conseil pour les artistes, les opérateurs culturels et artistiques afin de les aider à intégrer le milieu de la création francophone.

 

Aminata SANOU

Correspondante de Burkina24 à Bobo-Dioulasso

 
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August 29, 2018 4:14 PM
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”La Dame aux camélias”, une vision d’Alexandre Dumas par le prisme de Jean Genet

”La Dame aux camélias”, une vision d’Alexandre Dumas par le prisme de Jean Genet | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Patrick Sourd dans les Inrocks 24/08/18


”La Dame aux camélias”, une vision d’Alexandre Dumas par le prisme de Jean Genet



Arthur Nauzyciel évacue le romantisme de l’œuvre et l’inscrit dans les limbes sensuels d’un purgatoire sulfureux.
C’est un faisceau concordant de hasards et d’intuitions qui conduit le metteur en scène Arthur Nauzyciel à monter La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils pour en faire sa première création au Théâtre national de Bretagne et le spectacle d’ouverture de saison de cette institution qu’il dirige depuis janvier 2017.

“C’est à l’époque où je travaillais à la mise en scène de Splendid’s de Jean Genet que j’ai commencé à m’intéresser à La Dame aux camélias, suite à une invitation du Théâtre Pouchkine de Moscou, qui au final ne s’est jamais concrétisée. En me plongeant dans les textes de Genet, je n’ai pu m’empêcher de faire le lien entre les rapports que celui-ci entretenait dans les années 1950 avec la prostitution, et les questions posées par le roman et la pièce écrits par Dumas fils au milieu du XIXe siècle.”

Une adaptation du roman et de la pièce

“J’imaginais alors que le côté toxique et vénéneux mais aussi infiniment politique qui fait le prix de Splendid’s, tout comme cette manière propre à Genet d’interpeller une société qui organise les crimes qu’elle va ensuite condamner pourraient devenir, d’une certaine manière, un guide pour ma relecture de La Dame aux camélias.”


L’hypothèse d’Arthur Nauzyciel se fonde sur une analyse des deux œuvres consacrées par Dumas à son aventure amoureuse avec la courtisane Marie Duplessis, réincarnée dans les personnages de littérature que sont Marguerite Gautier et son amant Armand Duval qui porte les mêmes initiales que lui. Œuvre d’autofiction, le roman est une première manière pour Dumas de documenter l’histoire et purger sa culpabilité de n’avoir pas su accompagner vers la mort celle qui, ruinée, décède de la tuberculose peu après la fin de leur liaison.

Après le succès du roman, Dumas l’adapte pour la scène en usant tout autrement de la fiction. Son but est alors de réparer par le théâtre ce qui ne s’était pas passé dans la vie. Transformant Marguerite Gautier en sainte-putain, il fait d’elle la figure de légende d’une héroïne sacrificielle aimable de tous. Réunissant à la fois le roman et la pièce, Arthur Nauzyciel se lance le défi de raconter ces deux histoires dans une même temporalité.

C’est à Rennes que l’on retrouve l’équipe artistique réunie autour de son metteur en scène pour assister à l’une des dernières répétitions avant que la troupe ne commence les filages sur le plateau. Tous sont réunis autour d’une longue table. Marie-Sophie Ferdane (Marguerite Gautier), Hedi Zada (Armand Duval), Joana Preiss (Prudence Duvernoy), Pierre Baux (M. Duval) et leurs camarades sont à pied d’œuvre pour parfaire leur mise en bouche de l’adaptation de l’œuvre confiée à Valérie Mréjen.

Le spectacle largue les amarres avec l’idée du réalisme

Sous la direction du chorégraphe Damien Jalet, ce travail sur le texte se complète durant l’après-midi d’une approche physique des personnages où chacun expérimente la présence sensuelle d’avoir un être dans ses bras et tente d’en garder la trace à travers le vide causé par sa disparition.

“Naviguer entre le roman et la pièce me donne la liberté d’inventer une autre dimension où pourrait se dérouler l’action. Les figures de Marie Duplessis et de Marguerite Gautier vont se rejoindre en un seul personnage. Pour tromper l’attente d’un amant qui ne reviendra jamais, cette femme mourante demande à ceux qui l’entourent de rejouer l’histoire de sa vie.”

Nous voici donc dans un purgatoire aux allures de bordel des limbes où, entre fantomatiques drapés et corps dénudés, ceux qui entourent notre héroïne vont faire feu de tout bois pour la contenter. A ce stade de l’évocation, le spectacle largue forcément les amarres avec l’idée du réalisme.

“Comme tous les classiques, l’œuvre de Dumas contient des messages envoyés vers l’avenir. Ces time capsules sont des objets qui nous arrivent d’une autre époque mais ils témoignent d’un mode d’emploi destiné à envisager le monde à venir.” Transformant en un sensuel rituel sa refonte de l’écriture de Dumas, Arthur Nauzyciel s’empare de cette parole hors du temps pour se questionner sur les commerces du cœur d’aujourd’hui.

 

Patrick Sourd

La Dame aux camélias d’après Alexandre Dumas fils, mise en scène Arthur Nauzyciel, avec Marie-Sophie Ferdane, Joana Preiss, Pierre Baux, Hedi Zada… Du 26 septembre au 5 octobre, Théâtre national de Bretagne, Rennes, puis en tournée jusqu’en mai 2019

 

 

Légende photo La troupe d’Arthur Nauzyciel en pleine répétition © Philippe Chancel

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August 29, 2018 9:18 AM
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Une maison de poupée - Théâtre / Entretien - Journal La Terrasse

Une maison de poupée - Théâtre / Entretien - Journal La Terrasse | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Propos recueillis par Catherine Robert dans La Terrasse de Sept. 2018,  n° 268 - 23 août 2018

 


Lorraine de Sagazan adapte et met en scène la tragédie de Nora et Torvald, en inversant les rôles pour mieux interroger les stéréotypes de genre et les avatars modernes du patriarcat, dénoncé par Ibsen en son temps.

Pourquoi choisir d’inverser les rôles de Nora et Torvald ?

Lorraine de Sagazan : Nous avons d’abord voulu monter la pièce dans sa version originale mais nous nous sommes vite aperçus que ce traitement était presque hypocrite et ne correspondait plus du tout à l’intention d’Ibsen. Forts de sa recommandation de ne faire que du théâtre contemporain, nous avons donc choisi, au fur et à mesure des lectures, d’inverser les rôles, ce qui pose des questions passionnantes, notamment sur le thème du travail et de la place des femmes dans ce milieu, et permet d’entendre les résonnances actuelles d’une pièce vieille d’un siècle et demi.

Quelle est la finalité de l’adaptation ?

LS.: Je trouve violente l’injonction de respecter les auteurs : ajouter, ce n’est pas manquer de respect, surtout à Ibsen dont la pièce a été interdite et auquel on a demandé d’en réécrire la fin ! Il s’agit de se demander où on en est aujourd’hui des questions qu’il aborde. Le respect pour un auteur est dû à sa pensée, pas à ses mots. Le metteur en scène adopte alors une démarche d’interprète, partant d’une œuvre pour l’amener dans le monde réel, ce qui implique des changements dans la forme et le fond. Ibsen a écrit une pièce pour traquer le mensonge social. Or, le cadre social qu’il choisit appartient à une époque ; raconter l’histoire selon ce cadre revient à détourner le regard de la réalité contemporaine. A son époque, Ibsen interrogeait la morale de façade, on cherche à en faire autant alors que les places ne sont plus les mêmes. Je fais du théâtre pour désenchanter la fiction et la rapprocher du réel.

« Je fais du théâtre pour désenchanter la fiction et la rapprocher du réel. »

 


Comment avez-vous procédé ?

LS. : Quelques ajouts de Virginie Despentes, Virginia Woolf et Roland Barthes, mais le texte est à 90% celui d’Ibsen, ce que les gens ont du mal à croire tant il sonne juste et actuel ! Nous avons coupé ce qui ne semblait pas pouvoir exister aujourd’hui et partagé le texte entre Nora et Torvald. Nora a une situation sociale confortable et son mari a mis sa carrière entre parenthèses pour s’occuper de la maison et des enfants. Ce couple apparemment libre et heureux va exploser à cause du regard social qui les empêche de vivre comme ils l’ont choisi. La version présentée au Monfort a été repensée. Les comédiens sont comme dans un ring, et les spectateurs forment les murs de cette maison de poupée : c’est leur regard qui fait exploser la situation.

Propos recueillis par Catherine Robert


A PROPOS DE L'ÉVÉNEMENT
Une maison de poupée
du Mardi 18 septembre 2018 au Samedi 6 octobre 2018
Le Monfort
106, rue Brancion, 75015 Paris.
Du mardi au samedi à 20h30. Tél. : 01 56 08 33 88.

Crédit photo DR

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