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Le spectateur de Belleville
October 30, 5:21 PM
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Par Sarah Finger, envoyée spéciale à Sète (Hérault) pour Libération, publié le 30 oct. 2025 Depuis cet été, dans un des quartiers les plus défavorisés de France, situé dans la commune héraultaise, le metteur en scène Benjamin Barou-Crossman propose des cours de théâtre aux habitants. Ici, point de lourds rideaux rouges, ni de parquet qui grince, ni même de scène. Côté décor, cet atelier de théâtre se résume au strict minimum : un sol en PVC, une fenêtre condamnée par un rideau de fer, quelques sièges en plastique. Serrée dans cette salle sommaire, une vingtaine de personnes attendent le début du cours. Des gamins zigzaguent entre les jambes des adultes tandis qu’une grand-mère enguirlande son petit-fils. Assise dans un coin, une jeune mère donne le biberon à son bébé. Des poussettes encombrent la pièce, et des bonbons à moitié mâchés collent aux semelles. De tous côtés, on s’agite, on parle fort, on s’impatiente. Mais il en faudrait plus pour déconcentrer le metteur en scène Benjamin Barou-Crossman. «Allez, on se met tous en rond et on s’échauffe !» lance-t-il d’une voix de stentor. Des enfants surexcités, des hommes bâtis comme des armoires à glace et une poignée d’ados se lèvent. La séance débute dans un joyeux chaos. Un taux de pauvreté de 65 % Organiser des ateliers de théâtre à l’île de Thau relevait du genre de défi propre à séduire Benjamin Barou-Crossman. Avec sa compagnie TBNTB, ce comédien s’emploie depuis une décennie à partager sa passion du théâtre au cœur de quartiers défavorisés. Après Agde et Perpignan, c’est désormais à Sète qu’il se démène, sur cette île de Thau gangrenée par un taux de pauvreté de 65 %. Situé dans le nord-ouest de la ville, très enclavé, relié à Sète uniquement par deux ponts, ce quartier prioritaire d’environ 3 400 habitants compte parmi les plus déshérités de France. Ici, plus d’un tiers des jeunes a oublié le chemin de l’école et n’a encore trouvé celui d’un travail ; 60 % de la population ne possède aucun diplôme. Dans la salle de répétition municipale, les exercices s’enchaînent. Benjamin Barou-Crossman s’adresse à deux jeunes garçons : «Bon, maintenant tu vas jouer quelqu’un de très énervé, et tu vas lui donner une gifle. Mais pour de faux, hein ? Faut qu’on y croie ! Le théâtre, c’est de l’émotion. Allez, vas-y, et n’oublie pas de regarder ton partenaire dans les yeux.» «Défendre un engagement politique» Puis Gabriel, 16 ans, endosse le rôle d’un candidat lors d’un entretien d’embauche. Il veille à se tenir bien droit, à lever les yeux vers l’assistance, à répondre du tac au tac sans se mélanger les pinceaux. Les autres l’applaudissent. Le jeune homme, qui boudait dans son coin en début de séance, se réjouit de sa prestation. Certains élèves préfèrent rester discrets, comme Leila, 13 ans, qui vient ici pour la première fois, ou Valentino, 11 ans, «qui écrit du rap et a envie d’apprendre le théâtre». D’autres font entendre leur puissante voix, comme Stéphane, 52 ans : «J’ai toujours adoré le théâtre, raconte-t-il, mais il fallait que j’aille travailler.» Entre deux exercices, Benjamin Barou-Crossman reprend son souffle. C’est dans de tels quartiers, pense-t-il, que se joue l’avenir de son art. «Il s’agit de défendre un engagement politique sur ces territoires. L’idée, c’est de porter une culture populaire, au sens noble du terme. Et ainsi de toucher un public invisibilisé, éloigné du théâtre, qui s’autocensure face aux équipements culturels et ne se voit pas proposer d’offre adaptée.» Sa recette ? Patience et pragmatisme. «On travaille sur l’improvisation, on rejoue ce que les habitants vivent dans le quartier, on met en scène leur quotidien, détaille le comédien. Je pars de formes qu’ils maîtrisent, comme le hip-hop, le slam ou le stand-up, pour les amener, plus tard, à Molière ou Shakespeare. On peut envisager le théâtre comme une mise à distance, un exutoire, un accélérateur d’intégration. C’est aussi la possibilité de rencontrer l’autre, de se mettre en scène, d’être écouté et reconnu.» «Ici, c’est beau» Pour mener à bien son travail, Benjamin Barou-Crossman a pu s’appuyer sur la direction régionale des affaires culturelles et l’agglo de Sète, mais aussi sur des figures du quartier, comme Mike Reilles, 34 ans, devenu une star locale après avoir joué dans Chien de la casse, un film de Jean-Baptiste Durand sorti en 2023. «Ce film m’a propulsé», se réjouit le comédien, musicien et chanteur, qui ne tarit pas d’éloges sur sa cité : «C’est la plus belle de France. On a le soleil, la mer pas loin, la plage au bord de l’étang… La moitié du quartier, c’est des Gitans, et l’autre des Maghrébins. On a tous grandi ensemble. On a appris la mixité. Travailler pour les gens d’ici, avec Benjamin, c’est un privilège.» Son cousin Stéphane abonde : «On fait tout pour la cité, à la hauteur de ce qu’on peut apporter. Ici, c’est beau. Voilà pourquoi plein de films ont été tournés dans le quartier, comme la Graine et le Mulet.» Stéphane était figurant dans ce film d’Abdellatif Kechiche, sorti en 2007. «Vingt-quatre heures de tournage pour une seconde à l’écran», précise-t-il. Qu’importe : il faisait partie de l’aventure. «Les dealers ne se cachent même plus» Pourtant à l’île de Thau, à «la ZUP» comme on dit ici, tous ne partagent pas un tel enthousiasme. Une jeune habitante du quartier raconte : «Je veux partir, même si c’est ici que j’ai grandi et que je connais tout le monde. A l’époque, ma mère me laissait sortir. Maintenant, à cause des dealers, on a peur de laisser les enfants dehors. Ça ne fait que tirer. De mon temps, quand les dealeurs savaient que ça allait barder, ils nous disaient de rentrer chez nous. Maintenant que des mecs tout jeunes débarquent de Nîmes ou de Béziers pour dealer ici, ça tire même en pleine journée. Ils ne se cachent même plus.» Conscient de cette réalité, Benjamin Barou-Crossman veut malgré tout continuer à s’investir dans ce quartier. Ses ateliers s’inscrivent même dans un plus vaste projet : permettre d’aider des jeunes à retrouver le chemin de l’école ou de l’emploi grâce à la culture. Robin Renucci, directeur du théâtre national de la Criée à Marseille, et Jean-Claude Cotillard, comédien et metteur en scène, soutiennent cette initiative. «La France compte sept écoles de la seconde chance à dimension artistique, mais aucune ne se trouve en Occitanie, explique-t-il. Un comité de pilotage va se mettre en place pour voir comment se positionnent les partenaires institutionnels face à ce projet.» En Occitanie, territoires déshérités et fracture sociale Parmi les quartiers les plus défavorisés de la métropole, bon nombre se situent en ex-Languedoc-Roussillon (L-R), désormais englobé dans la vaste région Occitanie. Ce constat découle d’une étude publiée en décembre 2024 par l’Observatoire des inégalités, qui s’appuie sur les données de l’Insee. Les trois premiers se situent à Perpignan (Pyrénées-Orientales) : dans les quartiers du Bas-Vernet et Rois de Majorque, présentés comme «les plus pauvres parmi les plus pauvres», et où les trois quarts des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Champs de Mars arrive en troisième position avec un taux de pauvreté à peine moins élevé (73 %). Vient ensuite le quartier le plus peuplé de la liste : Pissevin-Valdegour, à Nîmes (Gard), et ses 16 500 habitants, puis Iranget-Grangette, à Béziers (Hérault). Le classement compte cinq autres quartiers situés en ex-L-R : Le Viguier Saint-Jacques à Carcassonne (Aude), Chemin bas d’Avignon à Nîmes, la Devèze à Béziers, et Narbonne-Est (Aude). L’île de Thau, à Sète, arrive en 14e position. Emmanuel Négrier, directeur de recherche en science politique au Centre d’études politiques et sociales (CEPEL) à l’université de Montpellier, pointe plusieurs points communs. «On constate une importante fracture des revenus, autrement dit un grand écart entre les habitants les plus pauvres et les plus riches, ainsi qu’une fracture sociale anormalement élevée. Territoire parmi les plus pauvres de France, l’ex-Languedoc-Roussillon accueille des populations fragilisées, souffre d’une pauvreté systémique, et ne dégage pas beaucoup d’emplois dynamiques. Or contrairement aux métropoles comme Montpellier ou Toulouse, ces villes de taille moyenne n’ont pas le potentiel suffisant pour booster leur économie, ce qui rend plus difficile l’intégration des populations les plus en difficulté.» Mais Emmanuel Négrier souligne aussi un manque de volontarisme politique au sein de ces villes, toutes gérées par la droite, voire l’extrême droite à Béziers et Perpignan : «La pauvreté devrait imposer un surcroît d’action, or c’est presque l’inverse que l’on constate, à travers des outils de la politique de la ville insuffisamment développés.» Le comédien et metteur en scène Benjamin Barou-Crossman pendant un atelier théâtre à Sète le 15 octobre. (David Richard/Libération)
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Le spectateur de Belleville
June 29, 2023 6:44 AM
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Par Armelle Héliot dans son blog - 29 juin 2023 Au TNP-Villeurbanne, Jean Bellorini met en scène neuf très jeunes femmes réfugiées depuis pas même deux ans, dans une splendide et éloquente adaptation de l’Antigone de Sophocle.
Nommons-les. Nous ne les connaissions pas avant-hier. Et pourtant, elles étaient depuis septembre 2021, après la violente reprise en mains de leur pays et de Kaboul par les talibans, le 15 août, accueillies par deux institutions théâtrales sur décision de leurs responsables : Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération, CDN de Lyon, Jean Bellorini, directeur du TNP-Villeurbanne. Neuf comédiennes et un metteur en scène.
Nommons-les : Hussnia Ahmadi, Freshta Akbari, Atifa Azizpor, Sediqa Hussaini, Shakila Ibrahimi, Shegofa Ibrahimi, Marzia Jafari, Tahera Jafari, Sohila Sakhizada et le metteur en scène de leur compagnie afghane, présent lui aussi à Lyon et Villeurbanne, Naim Karimi. La plus âgée n’a pas 24 ans, les autres autour de la vingtaine. Elles ne se destinent pas forcément à devenir comédiennes. Après l’appel à solidarité lancé en cet été 2021 par la plasticienne et performeuse Kubra Khademi, Joris Mathieu et Jean Bellorini ont proposé leur soutien. Quitter l’Afghanistan ne s’est pas fait en un jour. Elles ont appris intensivement la langue française. Elles l’entendent et la parlent aujourd’hui. Elles sont inscrites à l’université, travaillent. Il y a un an, en juin 2022, Jean Bellorini les réunit autour de l’Antigone de Sophocle. Elles sont des jeunes filles, des jeunes femmes qui ont dit « non ». Des exilées, des combattantes. Elles ont dû s’arracher à leurs familles. Elles sont loin. Seules, toutes seules, par-delà la solidarité qui les unit et la force de l’engagement de ceux et celles qui les accueillent, aujourd’hui, en France. Elles sont grandes. Et quelque chose de très profond de leur humanité sourd au travers l’admirable spectacle qu’elles font vibrer. On essaie de ne pas abuser des superlatifs, mais répétons-le, ce travail est admirable car il est une réponse à toutes les violences qui déchirent le monde, de l’Afghanistan aux banlieues françaises enflammées, en passant par l’Ukraine. Leur noblesse morale, leur tenue –pas de jérémiades-, leur fierté et leur humilité à défendre les « personnages », donnent au propos puissant de Jean Bellorini, un éclatant et bouleversant supplément d’émotion et ne brouillent jamais l’essentiel : le sens de la tragédie de Sophocle. Dans la grande salle du TNP, un vaste bassin occupe la place centrale. C’est le bassin récupéré des Paroles gelées ! Immédiatement l’eau est le matériau essentiel, que les protagonistes, dans leurs longues robes, traversent ce ring liquide, s’y affrontent, s’y jettent. Plus tard, viendra une pluie obstinée, et lourde de sens. Pas pour faire un joli effet. L’espace est surplombé par une sphère lumineuse au relief inégal, superbe objet scénique lui aussi récupéré d’un précédent spectacle. N’en disons pas plus, car la beauté de ce spectacle et sa force intellectuelle, ne doivent pas être alourdies par des mots. Comme souvent, Jean Bellorini signe la scénographie et les lumières. Un peintre. On peut sans problème lire les sur-titrages, même quand le globe lumineux qui va et vient prend de l’intensité. Sur-titrage, oui, car ces Messagères parlent le dari, ce « persan afghan » qui permet d’être compris des Iraniens et c’est justement une artiste iranienne qui a collaboré au spectacle, Mina Rahnamaei. Avec elle, Hélène Patarot et Naim Karimi. Mina Rahnamaei a traduit avec Florence Guinard. Un très beau texte, précédé des magnifiques lignes de Martine Delerm pour son Antigone destinée à la jeunesse, Antigone peut-être (Cipango éditeur). A la fin, un épilogue, un autre texte qui élargit le propos de l’universel Sophocle, un texte magnifique lui aussi de Atifa Azizpor, qui joue Ismène, qui est Ismène. Car en plus, ces neuf jeunes femmes sont des comédiennes fines, aigues, hyper sensibles et très tenues. Pas de pathos, ici. Mais un travail d’élucidation du sens, très strict et une musicalité éloquente soutenue par le travail sur le son de Sébastien Trouvé, en des mouvements lents, souvent, et une dominante hiératique. Mais tout peut exploser, parfois. En plus de leur rôle, chacune presque, est aussi le « chœur ». On se doit de souligner la puissante et ludique incarnation de Créon par Sohila Sakhizada. Elle fait penser au Richard de Georges Bigot, par l’intensité, l’enfance… Et ce salut à la grande Ariane Mnouchkine n’est pas un hasard. Saluons quelques autres personnages : Freshta Akbari est une Antigone farouche, tendue, superbe, comme l’Ismène oscillante d’Atifa Azizpor. Mais chacune est impressionnante, vous le verrez. Vous l’entendrez aussi. Car elles ont de très beaux timbres et le dari est très harmonieux. On ne peut qu’espérer la longue vie de ce magnifique travail. On ne comprend pas que Tiago Rodrigues n’y ait pas pensé pour Avignon. Tout de suite. Et plus tard : des Emigrants de Lupa d’après Sebald, naufragé pour de mauvaises décisions, aux Messagères de Bellorini d’après Sophocle, il y a de profondes résonances. Théâtre National Populaire, TNP-Villeurbanne, jusqu’au 30 juin. Durée : 1h50. Tél : 04 78 03 30 00 www.tnp-villeurbanne.com
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Le spectateur de Belleville
May 12, 2023 7:35 AM
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Par Charles Delouche-Bertolasi dans Libération 11/05/2023 Réunis dans la salle de spectacles parisienne, mercredi 10 mai, des résidents du centre d’hébergement d’urgence Popincourt ont présenté leurs compositions, fruit d’une année de travail. Poèmes, chansons et récits accompagnés par les notes du musicien Arthur H. La machine à fumée crache dans son coin, derrière le rideau noir de la scène de la Maison de la poésie, dans le IIIe arrondissement de Paris. Valérie, une lectrice perchée sur un trépied, jette un rapide coup d’œil vers le nuage avant de guetter son tour de micro. Deux mois à peine qu’elle a rejoint la troupe de poètes qui s’est baptisée les Alfabètes au sein du centre d’hébergement d’urgence Popincourt, dans le XIe arrondissement de Paris. Avant d’appeler le 115, elle vivait à la rue. Sans abri, comme ses collègues autour d’elle. Et comme eux, Valérie est devenue poète. Ce mercredi 10 mai, certains montent pour la première fois sur les planches. Dans la salle, quelque 150 personnes sont venues les écouter. La représentation est venue clore une année d’écriture. Un partenariat né entre ces personnes hébergées par le centre Popincourt, les écrivains Judith Perrignon et Yann Apperry et les éducateurs du Samu social. Une dizaine occupent la scène, où ils s’appliquent à donner vie à leurs écrits. A jouer avec les mots pour mieux transporter l’assistance dans le temps et l’espace, à travers l’Europe et l’Afrique. A revivre leurs souvenirs et entamer à nouveau, à voix haute, leurs éprouvantes traversées. Celle de la Méditerranée, racontée avec force par Mavin, ancien sans papier, lecteur hors pair rompu aux arts de la scène : «Je pars à l’aventure, sans monture ni armure, sans chaussure ni fourrure. Fuyant l’horreur de la guerre, la fureur des dictateurs sanguinaires, la pauvreté, l’oisiveté», commence l’homme en costume bleu, collier blanc autour du cou. Ou encore celle de la rue, souvent brossée. Hermann, Rachid, Valérie ou Fatoumata la racontent, chacun à sa manière. Atmosphère intimiste La mise en scène est minimaliste. Des pupitres sont disposés çà et là sur le plateau. Des binômes sont assis sur des tabourets pendant que d’autres se lèvent pour donner de la voix. L’atmosphère de la salle de spectacles, coincée dans le passage Molière, est intimiste. Dans le coin gauche, chapeau noir sur la tête, c’est d’une voix suave et rassurante de conteur que le musicien Arthur H accompagne la troupe, complice récitant lui aussi les textes travaillés pendant de longs mois. Un ton grave, qui rappelle les envolées du chanteur sur Adieu Tristesse, sorti en 2005. Distillant nappes de reverb, mélodies douces au balafon ou harmonies classiques, le chanteur de 57 ans, posé derrière son synthé, enrobe de sa musique les récits de ses compères. «Surpris, pourchassé, franchissant la barrière de fer, sans lumière, nous embarquons dans une embarcation de fortune sans thune. Les passeurs, sans cœur, nous jettent en enfer. Dans les flots impétueux d’une mer agitée, révoltée, d’une déferlante débordante, notre navire pneumatique tire, vire, chavire […]. L’aventure s’arrête à la devanture de Lampedusa […]. Dites à ma mère que la mer m’emporte dans ses bras», finit par chanter Mavin. Drapée dans une robe de wax bleu, Fatoumata, grande Malienne, la cinquantaine passée, ponctue ses rimes de chants en bambara. Ses envies de «solex» alors qu’elle est encore petite, son souhait de «devenir banquière», d’être une femme «stylée» et «soignée». Puis ses parents, qui la forcent à se marier. Les rêves «tombés à l’eau», jusqu’à la mendicité à Paris. Et ce jour où, après avoir récolté un précieux billet finalement dépensé pour s’offrir à manger, elle voulut rendre la pareille à un collègue qui faisait la manche sur le quai du métro. Elle lui donne une baguette de pain, renvoyée en pleine figure. L’homme ne «voulait que de l’argent». «Sans nouvelles» de la préfecture Pendant plus d’une heure, les poètes alternent les lectures, parfois traduites en langue d’origine, ponctuées souvent d’intermèdes chantés. «Je suis née dans un carton. Je suis née dans la rue. Je ne connais ni ne sais jusqu’à maintenant. Je ne sais de quel pays. Je reste dans l’imagination jusqu’à maintenant. C’est comme vivre dans l’espace. Je ne connais pas la date. Personne ne m’a offert la précision. Des gens disent 1971. Des gens disent 1974. Et moi qui ne sais dans ma tête l’histoire qui ne se finit», raconte Nacera, Algérienne de 51 ans, habillée d’une longue robe jaune, diadème sur la tête façon princesse. «Elle avait peur en arrivant à l’hôtel. Le 115 avait donné son nom. Elle a passé la nuit dans une petite chambre froide. Elle cale la porte avec une chaise et une table. Elle a peur. Peur des gens qui ont pris son sac. Ils l’ont peut-être suivi. Elle ne dort pas. Elle entend les autres. C’est plein d’alcooliques et de drogués. Eux aussi lui font peur», conte Arthur H, mêlant sa voix appuyée par les cordes frappées du piano à celle de Nacera, qui traduit le texte en arabe. Elle se souvient d’une soir, lorsqu’elle était enfant. De retour de l’école, une fois arrivée à la maison, elle subit le courroux de son frère adoptif. Une punition à cause d’«une mauvaise note». Il la force à boire trois bouteilles d’eau. «L’eau, c’est la violence de ce frère qui n’est pas mon frère. Je ne veux pas d’eau en moi», récite-t-elle. On la retrouve une heure plus tard. Spectacle terminé, elle a tombé le costume et arbore un sourire plus large que les trois bandes blanches de son sweat capuche. Sans papiers et «sans nouvelles» de la préfecture, elle est hébergée au centre Popincourt. Son truc, c’est «les personnes âgées». «Je les adore. Les enfants, j’aime moins, ça pleure et ça fait du bruit. Je préfère m’occuper de Lisette», avoue l’Alfabète qui depuis deux ans, fait du bénévolat dans des maisons de retraite. Depuis 2017, Nacera est hébergée par les services du 115. Elle fait partie du noyau dur de la troupe. «Tribu ouverte» C’est en 2018 que l’atelier s’est réuni la première fois. Depuis, le rendez-vous se tient tous les mercredis dans une salle du centre d’hébergement d’urgence du 26, rue Popincourt, non loin de la place Léon-Blum. Le centre accueille 56 adultes isolés, 29 hommes et 27 femmes, avec des parcours multiples, d’errance et de rupture. Le mercredi, on y joint quelques tables grises. Initié par la Maison de la poésie, le projet est porté par la journaliste et romancière Judith Perrignon, le romancier Yann Apperry et coanimé par Donatien Chateigner de la Maison de la poésie. Durant trois heures, avec l’aide précieuse d’éducateurs du centre, ils font de la bibliothèque un espace où chaque résident à l’occasion de venir prendre un café, manger une part de gâteau. «Avec toujours le choix d’écrire et de se raconter, ou non», soulève Judith Perrignon. L’atelier, toujours à la recherche de soutien, était financé cette année par la région Ile-de-France, la ville de Paris ou encore la Fondation Abbé-Pierre. Pour la troisième année, une «bulle» de création née au sein de cette «tribu ouverte» s’est «dévoilée» devant le public. «Tous les gens n’écrivent pas. Cela peut être oral ou écrit. Il y a des fulgurances, des pensées qui se sont aiguisées pendant des années dans les esprits, analyse Judith Perrignon. Il faut réussir créer une confiance, bâtir un vrai collectif. On est alors frappé par la richesse des récits.» Légende photo :Marvin déclame un de ses poèmes, accompagné au synthé par Arthur H, à la Maison de la poésie, le 10 mai. (Cha Gonzalez/Libération)
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Le spectateur de Belleville
April 14, 2022 5:58 PM
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Propos recueillis par Joëlle Gayot dans Télérama - 14 avril 2022 Pour la directrice du Théâtre du Soleil, Emmanuel Macron doit amender son programme pour prendre en compte les besoins des électeurs de gauche.
Avant le second tour de la présidentielle, Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil, n’a plus la tête à parler de son spectacle L’Île d’or. Face au danger de l’extrême droite, la citoyenne prend le pas sur la metteuse en scène. C’est en femme engagée, bien plus qu’en artiste, qu’elle s’exprime. Êtes-vous inquiète ? Plus que de l’inquiétude, je ressens de l’effroi. La situation n’est plus la même qu’en 2017. Les partis réformistes ont volé en éclats. Madame Le Pen a désormais une réserve de voix importante. Les droites extrêmes pourraient rassembler plus de 50 % des Français. Ce chiffre nous fait trembler. Alors que la guerre nous menace, car l’Ukraine c’est nous, l’arrivée de l’extrême droite à la tête de notre pays serait un désastre irréparable. Pour la France et l’Europe. Que dites-vous à ceux que tente l’abstention ? Je leur dis que nous avons dix jours pour exiger et obtenir d’Emmanuel Macron qu’il amende son programme. Pour ce faire, il faut qu’il entende les urgences que lui hurlent certains dirigeants syndicaux lorsqu’ils arrivent à l’attraper au téléphone. Il faut que dans le programme de la France insoumise, il puise les dix, ou vingt, ou, pourquoi pas, trente mesures qui sont finançables et possibles à mettre en œuvre immédiatement. Et qu’il fasse de même dans le programme des écologistes et d’autres. Ce fameux combat des idées dont tous les dirigeants politiques se targuent ne consiste pas à annihiler les idées de ses adversaires. C’est aussi savoir admettre que l’autre a raison, parfois. Pour le bien du pays. Pour le bien commun. Contre le fascisme. Et les candidats momentanément défaits ne doivent pas crier au plagiat, mais être fiers de ces emprunts et les ajouter à la liste de leurs victoires. C’est ça, la politique : travailler au bien commun. Cela devrait être ça ! En dépit des aléas des élections, en dépit des différences et donc des différends. C’est être capable de mettre de côté une énième déception, aussi cruelle et injuste soit-elle. Ce n’est pas se retirer sur l’Aventin en laissant advenir un désastre possible, pour ne pas dire probable. On n’« essaie » pas Marine Le Pen ! On n’essaie pas le fascisme, aussi déguisé, aussi masqué soit-il. On ne se livre pas aux forces obscures. Si elle est élue, alors, avec ceux qui, restés dans l’ombre jusqu’ici, apparaîtront autour d’elle le matin du 25 avril 2022, elle infligera à la France, et à l’Europe, des dégâts incommensurables, irréversibles. Les mêmes que ceux qu’infligent encore Trump aux États-Unis, Bolsonaro au Brésil, Orbán en Hongrie. Elle veut tripatouiller la Constitution. Se rend-on compte de ce que cela signifie ? Elle veut introduire dans notre Constitution, qui reste un modèle pour les démocraties du monde, des mesures indignes qui n’ont rien à y faire, mettant en danger le droit d’asile, l’égalité, l’hospitalité, le devoir de protection, et j’en passe. Croyez-vous à une possible inflexion d’Emmanuel Macron vers la gauche ? Il faudra bien qu’il « dessourdisse » son oreille, car sinon il perdra l’élection. Il le sait. Il ne peut pas non plus ignorer que s’il est élu et ne change rien à sa façon d’être et de diriger, la rue sera là, et pas seulement les samedis, mais tous les jours. Et pas seulement les Gilets jaunes, mais tout le monde. On peut tout dire d’Emmanuel Macron mais pas qu’il est bête, intellectuellement en tout cas, et je ne pense pas qu’il ait envie de rester dans l’Histoire comme celui qui a été chassé après avoir tout bousillé. Que manque-t-il à sa parole ? Jamais il ne nomme la pauvreté. Et, ne la nommant pas, il semble ignorer, pis, il semble nier une grande partie du malheur de la France, alors que c’est de son éradication qu’il devrait impérieusement faire son cheval de bataille. Que dire sur la chute des partis politiques historiques ? Vous voulez savoir ce que je pense vraiment de ces partis ? Alors qu’ils devraient être un petit échantillon exemplaire de la société qu’ils prétendent faire advenir, il y règne une telle violence, une telle vulgarité de comportement, une telle méchanceté, oui, méchanceté, qu’ils sont finalement devenus des partis scorpions. Ce n’est pas leur intérêt mais c’est devenu leur nature. Que faire ? En tant qu’artiste, vous sentez-vous impuissante ou même responsable ? Je n’ai pas envie ici de m’exprimer en tant qu’artiste. D’ailleurs, les artistes sont des citoyens comme les autres et il est normal qu’au moment où l’extrême droite est sur le seuil du pouvoir nous nous demandions ce que nous avons fait que nous n’aurions pas dû faire, ou pas dit ce que nous aurions dû dire. Il est normal qu’au moment où, à nos portes, nous assistons au viol d’un pays, de ses lois, de ses droits, de ses femmes, de ses enfants et de ses hommes, nous nous sentions impuissants, inutiles et honteux. Les revendications identitaires influencent-elles les politiques ? Oui, bien sûr. Nous en avons les preuves tous les jours. Mais si j’étais candidate, je parlerais aux gens sans me soucier des couleurs de peau, des religions, des orientations sexuelles, mais en tenant compte uniquement des différences de ressources de ceux auxquels je m’adresse. Parce qu’il y a des pauvres, des moins pauvres et des riches chez tout le monde, qu’on soit femme, noir, blanc, musulman, juif, lesbienne ou gay. Jeune ou vieux. Malade ou athlétique. Quelle est la responsabilité de la gauche dans la situation actuelle ? Elle a précisément fait l’inverse et oublié un groupe, pourtant très fourni, celui de ces Français, de longue date ou récents, qui sont dans la merde. Je ne peux pas dater cet abandon. À quel moment a-t-elle cessé de voir l’épuisement, la souffrance et le trouble des enseignants ? des soignants ? À quel moment a-t-elle commencé à laisser décliner les services publics, c’est-à-dire le bien commun de tous les habitants de la France, qu’ils soient français, étrangers travaillant ou réfugiés chez nous ? À quel moment la gauche est-elle devenue froide et calculatrice ? À quel moment a-t-elle cessé d’utiliser le mot prolétariat ? À quel moment a-t-elle cessé de parler de province pour parler de territoires ? De glissements en glissements, sémantiques ou pas, a surgi un monde brisé en une infinité de groupes. Tous plus narcissiques les uns que les autres. La colère est désormais érigée en valeur. Certains ont enfourché cette colère, l’ont invoquée comme s’il s’agissait de la seule déesse libératrice. Ils raclent les colères jusqu’au fond du chaudron de la guerre civile. Or la colère n’est pas une valeur, c’est un symptôme. C’est, en général, le symptôme de la peur. il faut des remèdes à cette peur. Vite. À voir L’Île d’or, une création collective du Théâtre du Soleil. Cartoucherie de Vincennes, Paris 12e. Jusqu’au 1er mai. Du mer. au ven. à 19h30, sam. à 15h, dim. à 13h30.
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Le spectateur de Belleville
April 20, 2021 12:46 PM
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Par des responsables de scènes publiques publié le 19 avril 2021 dans Libération En même temps qu’il envisage une réouverture des lieux culturels le 15 mai, le gouvernement impose une transformation brutale de l’assurance chômage que dénoncent plus de 200 artistes et responsables culturels, de Laure Calamy à Jean-Claude Gallotta en passant par Corinne Masiero ou Charles Berling. Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Nous sommes artistes, acteur·rice·s, auteur·rice·s, technicien·ne·s, directeur·rice·s de lieux culturels et, comme tous nos concitoyens, nous avons bien entendu et compris, durant cette année, qu’il allait falloir «apprendre à vivre avec le virus», que ce qui avait d’abord été considéré comme une situation exceptionnelle allait sans doute entraîner des modifications pérennes de nos manières de vivre et de travailler. Nous pensions alors, «qu’apprendre à vivre avec le virus» consisterait à concevoir ensemble les modalités du maintien d’un service public des arts et de la culture en toutes circonstances. Depuis plus d’un an, nos organisations professionnelles ont multiplié les propositions raisonnables de calendriers et de modalités de réouverture partielle. Tout comme pour l’école, il y avait là un enjeu politique et social essentiel, précisément en temps de crise. Et nous ne comprenons pas l’interminable mise à l’arrêt qui a été infligée à notre secteur. Votre surdité et votre mutisme face à cette question fondamentale s’apparentent à un terrible choix de société, que vous avez fait. Nous attendons donc fermement la proposition de calendrier de réouverture des lieux culturels et de convivialité, que vous avez évoquée pour le 15 mai. Pour autant, nous voyons qu’au moment où vous esquissez cette perspective de nous rassembler à nouveau, vous n’hésitez pas à compromettre ces retrouvailles, en alimentant la division et la fracture sociale avec des projets de réformes des droits sociaux injustes et incompréhensibles dans ce contexte. Ces jours meilleurs, promis et espérés, vous les placez délibérément sous les auspices des conflits sociaux. Nous ne pouvons pas comprendre cette volonté d’imposer en pleine crise une transformation brutale de l’assurance chômage. Nous savons qu’elle engendrera pour l’ensemble des intermittent·e·s du travail, pour la jeunesse qui cherche à accéder à l’emploi, pour les salarié·e·s les plus fragiles, une aggravation de la précarité et une dégradation des conditions d’existence. Comment envisagez-vous un retour à la vie dans de telles conditions ? Beaucoup d’entre nous travaillent dans des lieux occupés depuis plus d’un mois, au cœur de conflits sociaux qui germent partout en France, que vos annonces provoquent et nourrissent de désespoir et de colère. Aujourd’hui, à l’approche d’échéances électorales majeures dans notre pays, l’indifférence gouvernementale que vous opposez aux mouvements en cours aura des conséquences profondes. Nous vous demandons solennellement de prendre en considération une situation qui, dans son ensemble, témoigne d’un appel désespéré à créer un espace de dialogue qui permettra de revenir à la vie sociale et sensible. Voilà ce que les occupant·e·s des lieux culturels essayent de vous faire entendre. Voilà ce que nombre d’expert·e·s des questions sociales et économiques essayent de vous faire entendre. Voilà ce que les élu·e·s des grandes villes de France, de tous bords politiques, ont également essayé de vous faire entendre, il y a quelques jours, via un communiqué de l’association France urbaine. Voilà ce que tout le monde, finalement, essaie de vous faire entendre. Et c’est ce que nous essayons de faire à notre tour. Entendez-vous ? Signataires : Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France, président de l’ACDN, Ariane Ascaride, comédienne, Nicolas Bouchaud, comédien, Joris Mathieu, auteur, metteur en scène, directeur du Théâtre Nouvelle Génération-CDN de Lyon, Maguy Marin, chorégraphe, Béatrice Dalle, actrice, Emilie Capliez, directrice de la Comédie de Colmar-CDN, Benoît Lambert, metteur en scène, directeur de la Comédie de Saint-Etienne, Vincent Dedienne, acteur, Nathalie Garraud, directrice du Théâtre des 13 vents-CDN Montpellier, Jean Bellorini, metteur en scène et directeur du TNP, Chloé Delaume, autrice, Alice Diop, cinéaste, David Bobée, metteur en scène, directeur du Théâtre du Nord et du CDN de Normandie Rouen, Joey Starr, musicien et acteur, Charles Berling, acteur, directeur du Théâtre Liberté, scène nationale de Châteauvallon, Philippe Torreton, comédien, François Morel, comédien, Laure Calamy, actrice, Julie Deliquet, metteuse en scène et directrice du Théâtre Gérard Philipe-CDN de Saint-Denis, Clothilde Hesme, actrice, Jean-Claude Gallotta, chorégraphe, Hervé Le Tellier, écrivain, Stéphane Brizé, réalisateur, Christophe Honoré, metteur en scène et réalisateur, Isabelle Gélinas, actrice Collectif (La) Horde, chorégraphes, Cécile Ladjali, écrivain, Antoine Volodine, auteur, Christian Rizzo, chorégraphe et directeur ICI-CCN Montpellier-Occitanie, Irène Jacob, actrice, Virginie Boccard, directrice-Les Quinconces et l’Espal, scène nationale Le Mans, Boris Charmatz, chorégraphe, Gérard Mordillat, auteur, metteur en scène, Judith Henry, actrice, Arnaud Meunier, directeur de la MC2 Grenoble, Corinne Masiero, actrice, Claire Lasne-Darcueil, comédienne et metteuse en scène, Jean-Louis Martinelli, metteur en scène, Sandrine Mini, directrice - TMS - Sète - Scène nationale de l’archipel de Thau, Emmanuel Demarcy-Mota, metteur en scène, directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’Automne, Nicolas Royer, directeur de l’Espace des arts-Scène nationale de Chalon-sur-Saône, Marcial Di Fonzo Bo, metteur en scène et directeur de la Comédie de Caen, Anne Alvaro, actrice, Jacques Bonnaffé, acteur, Marcel Bozonnet, metteur en scène, Phia Ménard, chorégraphe, Jean-Claude Mourlevat, écrivain, Jean-François Sivadier, metteur en scène, Maud Le Pladec, chorégraphe et directrice du Centre chorégraphique national d’Orléans, Anna Mouglalis, actrice, Olivier Cadiot, écrivain, Jacques Fansten, réalisateur, Jean-Charles Massera, artiste-écrivain, Chloé Dabert, directrice de la Comédie de Reims-Centre dramatique national, Renaud Herbin, marionnettiste directeur du TJP Centre dramatique national de Strasbourg-Grand Est, Daniel Jeanneteau, directeur du T2G-théâtre de Gennevilliers, François Rancillac, metteur en scène Cie Théâtre sur paroles, Sylvie Gouttebaron, écrivain, Matthieu Cruciani, directeur CDN Colmar, Marc Lainé, directeur de la Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme Ardèche, Julia Vidit, metteuse en scène, Théâtre de la Manufacture -CDN de Nancy, Pascale Daniel-Lacombe, directrice CDN Comédie Poitou-Charentes, Jacques Vincey, metteur en scène et directeur du Théâtre Olympia-CDN de Tours, Jacques Peigné, directeur délégué Comédie de Caen-CDN de Normandie, Carole Thibaut, autrice, metteuse en scène, directrice du CDN de Montluçon, Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice, Rodolphe Dana, directeur du Centre dramatique de Lorient, Benoît Joëssel, directeur administratif et financier du Théâtre national de Nice, Lucie Berelowitsch, directrice du Préau, CDN de Normandie-Vire, Sébastien Juilliard, directeur adjoint du Préau CDN de Normandie-Vire, Martin Palisse, directeur le Sirque, Olivier Saccomano, auteur et directeur du Théâtre de 13 vents-CDN de Montpellier, Anne Tanguy, directrice des 2 Scènes, Scène nationale de Besançon, Fabrice Boy, administrateur CDN Besançon Franche-Comté, Nicolas Dupas, directeur adjoint du Théâtre de Lorient, CDN, Catherine Meneret, direction adjointe du centre chorégraphique national de Caen, Alban Richard, chorégraphe, directeur du centre chorégraphique national de Caen, Ariane Lipp, directrice adjointe CDN Nancy, Lucien Ammar-Arino, directeur délégué /VIADANSE - CCN de Bourgogne Franche-Comté à Belfort, Anne Monfort, metteuse en scène, Joëlle Smadja, directrice - CDCN Pole Sud Strasbourg, Corinne Gaillard, directrice /La Place de la Danse-CDCN Toulouse /Occitanie, Olivier Letellier, metteur en scène Théâtre du Phare, Laurence Méner, directrice adjointe /TJP CDN de Strasbourg Grand Est, Eric Lamoureux, chorégraphe directeur de VIADANSE Centre chorégraphique national de Bourgogne Franche Comté à Belfort, Adèle Lhoutellier, secrétaire générale, TJP - CDN de Strasbourg, Mathieu Bauer, metteur en scène, directeur du Nouveau Théâtre de Montreuil, Marion Aubert, autrice, Maëva Paquereau, chargée de projet de territoire - Collectif FAIR-E /CCN de Rennes et de Bretagne, Catherine Marnas, metteuse en scène et directrice du TnBA, Célie Pauthe, metteuse en scène et directrice du CDN Besançon Franche-Comté, Bernard Chambaz, écrivain, Clémence Sormani, directrice déléguée Ballet national de Marseille, Didier Grimel, directeur adjoint Comédie de Béthune CDN Hauts-de-France, Sandra Neuveut, directrice de La Briqueterie, Luc Beraud, cinéaste, Yves Beaunesne, metteur en scène Compagnie de la Chose incertaine, Mme miniature, créatrice son musicienne, Nadia Minisini, directrice adjointe Le Gymnase CDCN Roubaix - Hauts de France, Laurent Heynemann, réalisateur, Richard Sandra, comédien, Constance Dollé, comédienne, Lorraine de Sagazan, metteuse en scène, Bruno Bouché, directeur artistique Ballet de l’Opéra national du Rhin, Julie Jacovella, comédienne, Thierry Malandain, directeur CCN - Malandain Ballet Biarritz, Alexandra Tobelaim, metteuse en scène directrice du NEST – CDN de Thionville, Elise Vigier, metteuse en scène, Marianne Alphant, auteure, Didier Stephant, artiste plasticien, Aleksandra de Cizancourt, comédienne /Collectif In Vitro, Stéphane Gil, directeur délégué - ThéâtredelaCité - CDN Toulouse Occitanie, Galin Stoev, artiste directeur - ThéâtredelaCité - CDN Toulouse Occitanie, Emmanuelle Boisanfray, administratrice du Ballet de l’Opéra national du Rhin, Céline Breant, directrice du Gymnase /CDCN Roubaix-Hauts de France, Macha Makeieff, artiste et directrice théâtre national de Marseille La Criée, Benoît Peeters, écrivain, Stephan Lauret, directeur La Manufacture CDCN Bordeaux La Rochelle, Liliane Schaus, directrice de La Maison CDCN, Borja Sitjà, directeur de l’Archipel-Scène Nationale de Perpignan, Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple de Bussang, Yoann Barbereau, écrivain, Olivier Atlan, directeur Maison de la culture de Bourges, Emmanuel Ruben, directeur littéraire et artistique Maison Julien-Gracq, Farid Bentaieb, directeur /Le Trident scène nationale de Cherbourg en Cotentin, Annabelle Simon, metteuse en scène Cie Les immersives, Aline Chassagne, adjointe à la culture Besançon, Jean-Christophe Laurier, comédien, David Seigneur, comédien théâtre Gérard-Philipe Saint Denis, Damien Godet, directeur /Scène nationale du Sud-Aquitain, Emmanuel Noblet, comédien, Jérôme Prieur, écrivain et réalisateur, Lise Saladain, directrice déléguée, La Manufacture CDCN Bordeaux La Rochelle, Maia Sandoz, metteuse en scène, Christian Benedetti, acteur /metteur en scène /directeur du Théâtre-Studio à Alfortville, Kevin Keiss, auteur, dramaturge, maître de conférence associé à l’université BordeauxMontaigne, Daniel Jeanneteau, directeur du T2G - théâtre de Gennevilliers, Nelson-Rafaell Madel, comédien, metteur en scène, Astrid Bayiha, autrice, comédienne et metteuse en scène, Adrien Bernard-Brunel, artiste-interprète, Jonathan Prigent, régisseur général, Jeanne Benameur, écrivaine, Xavier Deranlot, acteur /metteur en scène, Julie Bardin, régisseuse lumière, Arlette Farge, historienne, Lise Facchin, auteure, metteure en scène, Le Ring, Maud Le pladec, directrice Centre Chorégraphique National d’Orléans, Irina Solano, actrice, Anne Barbot, metteuse en scène et comédienne, Paul Moulin, comédien /metteur en scène - Théâtre de l’Argument, Pierre Tanguy, musicien, Claire Pouderoux, comédienne, Maëlle Dequiedt, metteuse en scène - Cie La Phenomena, Kristina Chaumont, comédienne, Alexandre Dain, directeur adjoint le quai CDN Angers pays de la Loire, Christophe Rauck, metteur en scène directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers, Beatrice Venet, metteuse en scène de la cie Rêve Mobile, Camille Davin, directrice /compagnie ia, Sarah Horoks, Comédienne /metteuse en scène /La C.T.C, Élie Triffault, metteur en scène- Auteur- Comédien -Compagnie 55, Yannick Thebault, Rêve Mobile, Sophie Chesne, directrice adjointe La Comédie de Saint-Etienne, Michel Chaumont, Débats et rencontres, théâtre des Amandiers, aujourd’hui retraité, Anne-Marie Peigné, directrice adjointe déléguée au développement Théâtre Nanterre-Amandiers, Bruno Cochet, directeur du Théâtre de Rungis, Tatiana Breidi, directrice Le studio d’Asnières, Bruno Brinas, concepteur lumière, Jenny Macquart, metteuse en scène, Lucie Joliot, éclairagiste et scénographe, Christophe Marquis, directeur L’échangeur-CDCN Hauts-de-France, Dominique Fabre, auteur, Clara Benoit-Casanova, autrice, comédienne, Sonia Kechichian, directrice, Théâtre d’Angoulême, scène nationale, Camille Claris, comédienne, Olivier Faliez, comédien, Frédéric Danos, poète, Eric Massé, co-directeur du Théâtre du Point du Jour, Angélique Clairand, co-directrice du Théâtre du Point du Jour, Xavier Deranlot, acteur /metteur en scène, Thomas Jolly, artiste-directeur Le Quai CDN - Angers /Pays de la Loire, Emmanuelle Vo Dinh, chorégraphe-directrice, Nasser Djemaï, auteur, metteur en scène, directeur du Théâtre des quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne, Philippe Triboit, scénariste-réalisateur, Mexianu Medenou, comédien, Leïla Anis, autrice associée /TGP-CDN de Saint-Denis, Laurence De Magalhaes, directrice Le Monfort /Festival Paris l’été, Stephane Ricordel, directeur du Théâtre le Monfort et festival Paris L’été, Roland Auzet, metteur en scène compositeur, Christine Citti, comédienne, autrice, Laurent Vacher, metteur en scène, Aurélien Recoing, acteur - metteur en scène - réalisateur, Sylvain Maurice, directeur CDN Sartrouville, Pierre-Yves Lenoir, directeur des Célestins, Théâtre de Lyon, Emmanuel Meirieu, metteur en scène /auteur de théâtre, Benoît André, directeur de La Filature - Scène nationale de Mulhouse, Pierre Maillet, acteur /metteur en scène /Les Lucioles, Stéphane Malfettes, directeur des SUBS, Lyon, José-Manuel Gonçalves, directeur /CENTQUATREPARIS, Severine Chavrier, directrice CDNO, Hélène Joly, directrice déléguée terrain I Boris Charmatz, Claudia Stavisky, directrice Célestins Théâtre de Lyon, Mehdi Guellati, administrateur adjoint d’un CDN, Paul Desveaux, metteur en scène, Vincent Garanger, comédien, Pauline Sales, autrice, Céline Le Roux, directrice adjointe Théâtre Nouvelle Génération- CDN de Lyon, David Lescot, auteur, metteur en scène, Dominique Hervieu, directrice de la Maison de la danse, Mathurin Bolze, directeur artistique Cie MPTA /festival Utopistes, Anne Theron, Compagnie nationale Les Productions Merlin, Sinan Bertrand, acteur, Luc Rosello, directeur CDNOI, Anne-Laure Liégeois, metteuse en scène, Olivier Dutilloy, comédien, Franck Manzoni, comédien, Théâtre National Bordeaux Aquitaine, Isabelle Bridot, directrice Les Hivernales - CDCN Avignon, Pierre Cattan, producteur et fondateur du studio Small Bang, Adrien De Van, directeur Théâtre Paris /Villette, Lydie Salvayre, autrice, Jeanne Balibar, actrice, Catherine Corsini, cinéaste, Marina Foïs, actrice, Michel Hazanavicius, cinéaste, Pascale Ferran, cinéaste.
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Le spectateur de Belleville
April 17, 2016 4:02 AM
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Par Camille Bordenet dans Le Monde
« Le Coran ne parle que d’amour (…), pas de guerre, pas de sang. (…) On a été manipulés mon frère, mais pas seulement par le système, par les nôtres aussi. » Dernière scène de « Djihad », la pièce du metteur en scène belge Ismaël Saïdi, 39 ans. Rideau. Les lycéens de Trappes (Yvelines) applaudissent à tout rompre. Pendant plus d’une heure, vendredi 15 avril, ils ont suivi avec passion et éclats de rires les aventures tragi-comiques de Reda, Ben et Ismaël, trois jeunes belges musulmans un peu paumés qui décident de partir faire le djihad en Syrie, sans qu’aucun d’eux n’ait lu le Coran.
Dans la salle encore plongée dans la pénombre, Anissa*, 17 ans, tunique colorée et Nike aux pieds, a les larmes aux yeux. « Quand Reda il meurt, tué par un drone… Et ce qu’il dit à la fin sur l’islam, c’est tellement la vérité, l’islam c’est une religion de paix. Et pour vraiment la connaître, il faut toujours se poser des questions. » C’est aussi la fin de la pièce qui a le plus marqué Amir*, 16 ans, parce qu’elle « raconte ce qu’on vit, nous les Musulmans, et la façon dont on nous traite ».
« Libérer la parole »
Après un succès inespéré en Belgique depuis sa première en décembre 2014, c’est la première fois depuis les attentats de Paris et Bruxelles que la pièce d’Ismaël Saïdi était proposée à des scolaires en France.
Les 300 élèves du lycée général de la Plaine de Neauphle, classé en Réseau d’éducation prioritaire – comme l’ensemble de la ville de Trappes –, semblent conquis. Les comédiens reviennent sur scène pour un débat, accompagné de l’islamologue Rachid Benzine, à l’origine du projet. Un moment de dialogue précieux qui suit chacune des représentations et vise à « libérer la parole » sur des sujets pas toujours faciles à aborder : la radicalisation, la rupture identitaire, la perte de repères, mais aussi « la pression que peuvent mettre les communautés musulmanes sur leurs propres adeptes », thème que tenait à aborder Ismaël Saïdi dans sa pièce.
Aucune question n’est taboue, insiste le metteur en scène. « L’idée est de permettre aux jeunes de dire ce qu’ils ont sur le cœur, dans la foulée de la pièce, même si c’est parfois choquant. Après, à nous de déconstruire les préjugés. » Déjà, les bras se bousculent pour réclamer le micro : « Finalement vous savez vraiment ce que c’est le djihad ? », demande Marwa, 16 ans, large survêtement Adidas. Une autre : « Les personnages disent que dessiner et écouter de la musique c’est mal, c’est vrai ? » Un garçon : « Est-ce que pour votre pièce vous avez utilisé les témoignages de djihadistes qui sont revenus ? Que pensez-vous de ceux qui partent faire le djihad ? »
Aucune question provocante, le débat reste apaisé et consensuel. Il faut dire qu’Ismaël Saïdi, sait se faire apprécier. Et il n’hésite pas à se dévoiler : il se présente d’emblée comme musulman pratiquant, confie qu’il a lui-même failli se radicaliser quand il était jeune et en perte de repères. Plusieurs de ses camarades d’école sont d’ailleurs partis.
« On connaît tous ici des gens qui sont partis »
Anissa pose une question qui lui tient à cœur : « Est-ce que vous êtes venu à Trappes parce qu’on dit qu’ici on est un Molenbeek français ? » La question reviendra plusieurs fois : à force d’entendre la comparaison, les lycéens ont fini par l’intégrer. Ismaël Saïdi tient à dissiper tout malentendu : non il n’est pas venu parce que Trappes est comparée à Molenbeek – « utiliser cette commune comme un adjectif et un label d’insulte est scandaleux », s’indigne d’ailleurs celui qui a grandi à Schaerbeek, commune voisine. Ni parce que Trappes, 30 000 habitants, a vu plusieurs de ses jeunes partir faire le djihad ces dernières années – une trentaine, selon le maire –, ce qu’il a appris seulement en arrivant.
Anissa déteste que les médias comparent Molenbeek et Trappes et ne se déplacent que pour raconter « ce qui ne va pas », alors qu’il se passe « plein de choses bien ici ». Mais elle a conscience que si la pièce l’a touchée, c’est aussi parce qu’elle fait écho à une réalité qu’elle côtoie. Et dont elle entend parler malgré elle. « On connaît tous ici des gens qui sont partis. »
Une connaissance d’Anissa est revenue quelques jours après son départ, avant même d’avoir franchi la frontière turco-syrienne. « Dès que j’ai appris son départ, je n’ai pas pu m’empêcher de lui écrire sur Facebook pour lui dire qu’il faisait n’importe quoi, que notre religion c’était pas ça, que le djihad ça sert à rien », raconte l’adolescente, encore bouleversée. Elle a vu des familles « détruites » par ses départs. Et ici, les questions identitaires se posent d’autant plus fortement. « A la mosquée, l’imam insiste sur le fait que ceux qui partent n’ont rien compris. Et il dit “plutôt que d’aller tuer des femmes et des enfants, occupez-vous ici de vos femmes et vos enfants”. » La jeune fille assure n’avoir jamais été elle-même approchée par des recruteurs. « Dès que je vois des gens qui partagent des vidéos ou des messages suspects sur Facebook, je bloque direct ! »
Malgré les résonances quelquefois douloureuses avec son quotidien, « Djihad » a fait rire la lycéenne. « Quand le prof nous a dit qu’on allait voir une pièce qui s’appelait comme ça, j’me suis dit merde, qu’est ce qu’ils vont encore nous raconter ». Finalement, ça lui a fait du bien. « C’est à la fois drôle et tragique. » Tragique quand on sait que la réalité dépasse la fiction, explique-t-elle avec ses mots. « Et ça pose les bonnes questions. » La pièce ne lui a pas appris grand-chose toutefois : « Ça a juste renforcé ce que je savais déjà », affirme-t-elle. Le terme djihad, par exemple, pas besoin des explications de l’islamologue, elle sait ce qu’il veut dire : « Le Coran nous dit que le premier djihad c’est envers soi-même, c’est-à-dire combattre notre colère et notre haine et être quelqu’un de meilleur. » Elle soupire : ça la « met mal » qu’on ait assimilé ce terme à ce que certains font en Syrie en son nom.
En Belgique, la pièce d’Ismaël Saïdi est devenue un véritable outil pédagogique et a été déclarée « d’utilité publique » par le ministère de l’éducation francophone, permettant son accès gratuit aux scolaires. A ce jour, quelque 50 000 personnes l’ont vu, dont 27 000 collégiens et lycéens. Après les attentats du 13 novembre, certains enseignants ont proposé à l’auteur d’écrire un livret pédagogique pour accompagner la pièce. « Il y a un dialogue avec les élèves mais aussi avec les enseignants, qui sont en train de se l’approprier », se félicite Ismaël Saïdi, qui espère que « Djihad » pourra continuer à essaimer en France.
Si la pièce peut aussi être vue comme un outil de prévention à la radicalisation, Ismaël Saïdi explique ne pas l’avoir pensée dans ce but. « Pour moi, c’est plutôt un objet exutoire qui permet de parler d’un sujet tabou et sert à libérer la parole. »
Lire le portrait d’Ismaël Saïdi : Le djihad mis en pièce : http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/12/29/le-djihad-mis-en-piece_4838932_3224.html
Et aussi : http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/04/01/ismael-saidi-pour-notre-societe-l-art-coute-moins-cher-qu-un-f16_4894261_3224.html
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Le spectateur de Belleville
February 9, 6:54 PM
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Article de Romain Boulho, pour Libération - 7 fév. 2025 Quatorze jeunes habitants seront sur la scène des Amandiers, à Nanterre, les samedi 8 et dimanche 9 février, pour jouer «Nemetodorum», une pièce qui raconte l’attachement à leur ville, encore traumatisée par le drame et les émeutes de l’été 2023. Un témoignage intime et politique. Il dit «j’y étais», sans détour ni prétention, comme un secret qu’il partagerait avec beaucoup de monde. Il parle des émeutes. Aussi : «Nahel était mon ami.» Est-il possible de transcrire la «haine» qui l’a saisi cet été-là sur une scène de théâtre, de ne pas la pervertir en simple «colère» ? Aymen s’interroge. Il tente de jouer avec «de l’émotion» mais il ne veut pas qu’on confonde tout. Il se réprime. «De base», le théâtre, il est loin de ça. Aymen, la majorité franchie de peu, est un technicien fibre optique pour un opérateur télécoms. Quelques mois après l’été 2023, un «grand du quartier» organise un concours d’éloquence. Il hésite, s’inscrit, gagne, poursuit jusqu’à faire dorénavant partie d’une asso locale. Il discourt en général sur «les injustices policières et le train de vie d’un banlieusard qui n’est pas un bandit ou une personne mal intentionnée». Il rit parce que ça lui semble incohérent. Avec sa dégaine, survêt gris, chaussé de Nike Requin, le cheveu lustré de gel, son crâne liseré d’un trait de rasoir. Mais, surtout, avec ce qu’il se figurait jadis de lui-même. Il dit que, aussi surprenant qu’un crachin une journée azur, le théâtre lui est «tombé dessus». Aymen est l’un des quatorze comédiens sur la scène des Amandiers pour deux représentations de Nemetodorum, ces 8 et 9 février. Des jeunes amateurs de la ville, dans un théâtre de la ville, avec des spectateurs de la ville (les deux dates sont complètes), sur le trauma de la ville, la mort d’un jeune de 17 ans abattu par le tir à bout portant d’un policier, et ses répercussions. Depuis l’espace jeunesse du quartier du Parc, planté tout près des tours Nuages, qui se confondent dans la vapeur glacée du soir avec celles de La Défense, Nicolas Sene se place en retrait des comédiens qui répètent. «Les habitants restaient silencieux, et moi, je voulais trouver une forme pour parler des événements qu’on a vécus, donner la parole aux jeunes avec quelque chose d’artistique», retrace celui qui est à l’origine du projet. Vidéaste en plus d’être coordinateur jeunesse du quartier, il se rapproche des Amandiers, prospecte, allume la mèche chez certains jeunes, mène des auditions. «Une trentaine sont venus. Ils me racontaient leur vie, leurs passions, leur rapport à Nanterre. Je les ai emmenés sur les derniers événements qui les ont marqués. Bien sûr, ils ont très vite évoqué la mort de Nahel.» Une pièce «poétique et intime» La pièce commence par quelque chose d’impossible à dire. Deux mots, «d’abord, rien», c’est-à-dire l’émotion de Noah sur ce qui a déclenché l’embrasement des quartiers partout en France. Le «rien» de Noah et la «haine» d’Aymen. Certaines formules du texte heurtent en douceur. Sur l’éclat de la révolte : «Depuis ma fenêtre, au-dessus de l’avenue Pablo-Picasso, je reçois en continu cette onde sonore, qui me traverse.» Ses dégâts : «Ce soir, la ville s’automutile.» Ces phrases sont l’œuvre de tous, converties en répliques par Noham Selcer après plusieurs séances d’écriture collective, avec à la mise en scène Jade Herbulot et Julie Bertin, du Birgit Ensemble. Noham Selcer n’y voit pas une pièce «uniquement politique mais aussi poétique et intime. Elle fait voir qui sont ces jeunes-là, quels sont les lieux qu’ils arpentent et qu’ils aiment». Elle vit sur les histoires des comédiens qui la composent, autant que leurs rejets et leurs rêves – de Pascal Praud au Dakota, le grec du coin où «c’est pas l’Amérique mais c’est encore plus». Marija, 21 ans, travaille à l’hôpital Foch, à Suresnes, elle y est agent d’administration. Elle suit des cours au conservatoire de Nanterre depuis trois ans. Longue robe de laine cordelée à la taille, haute posture. A la simplicité d’une brève discussion, elle préfère vider en un éclair : «Toute ma vie j’ai été effacée. Je passe inaperçue. Je ne parle pas. Là, je voulais montrer de quoi je suis capable. Qui je suis, pour pas qu’on m’oublie. Je n’ai ni rêve ni mission ni but, comme je dis dans un monologue. Je l’ai écrit comme ça, d’un trait, pendant une soirée, et ce monologue représente toute ma vie. Je veux juste le livrer.» Marija raconte tout autant l’insouciance, ce qui la rattache à Nanterre, sa chambre de jeune fille ou cette colline de la ville par exemple, une colline de rien, sans même de nom, juste un endroit où, enfant, les jours de neige, elle dégringolait enfouie dans un sac-poubelle, «trop pauvre» pour acheter une luge. Pour Simon, c’est le parc des Anciennes Mairies, un lieu qu’il fréquente depuis môme, où il se pose pour écrire parce que ça l’apaise. Il dit qu’il se sent connecté à l’endroit, qu’il y a accumulé des souvenirs qui affleurent au seuil de sa mémoire en images, «spectacle de trapèze, concert de rap, ex quittée, combat SDF contre crackhead». Le titre, Nemetodorum, c’est lui. «Je suis passionné par l’histoire de Nanterre. C’est le nom de la ville, donné par les Celtes : le bourg sacré.» Le jeune homme, école, collège, lycée, même prépa à Nanterre, poursuit avec des noms venus des temps anciens, qui s’achèvent en -um. Lui est «ému». Parce qu’il est ouvreur aux Amandiers d’habitude, qu’il va fouler cette fois la scène, qu’il écrivait voilà un an des textes, seul dans sa chambre, dont des pans sont utilisés dans la pièce, gribouillis dans la section «notes» de son téléphone. Qu’il voit tout cela comme une sorte de revanche. «Je me souviens d’un des premiers trucs que Nicolas Sene m’a dit : “Cette pièce, c’est comment retrouver l’espoir après, appelons un chat un chat, le meurtre de Nahel”. Je la vois presque, pas comme un hommage, mais une façon de faire honneur, à Nahel et à la ville.» Puis, voix claire et fierté rentrée : «Ça m’émeut. Ce sont nos textes, notre parole, sur un endroit qui est le nôtre.» «Se réunir autour d’une émotion commune» «C’était délicat, donc je crois qu’on l’a été aussi, reconstitue François Lecours, responsable des actions culturelles des Amandiers. Parce qu’il s’agit de la mort de quelqu’un de proche, parfois d’intime. L’événement reste présent dans l’esprit de tout le monde et je crois que ça va être quelque chose pour la ville, une façon de se retrouver, de se réunir autour d’une émotion commune.» Nicolas Sene voudrait l’y voir sur la grande scène du théâtre, à la fin de la rénovation en cours. Déjà, Aymen, lui, dit qu’il est «content à mort». Dans la pièce, le garçon parle du PSG et du Collectif ultra Paris, qui constitue une partie de son identité. Et phosphore sur les émeutes. Là, posé sur une chaise haute tandis que les répétitions se poursuivent, yeux et barbelette noirs, il se retourne sur la fin du mois de juin 2023, songe à cette révolte «à notre façon». «On a peut-être dégradé mais c’était nécessaire. On est dans une société qui marche comme ça, par la violence. Regarde les gilets jaunes, comment ont-ils obtenu gain de cause ? On nous apprend ça, à réagir comme ça. Notre seul moyen de s’exprimer, ce sont les révoltes. On ne porte pas plainte, puisque les policiers ne sont jamais inquiétés. On n’a pas les médias avec nous. On va peut-être casser notre quartier mais on va montrer ce qui est toléré par le gouvernement et même une partie de la France. Sans les émeutes, Nahel est un parmi tant d’autres. On n’a que ça. Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ?» Désormais, et aussi insensé que ça puisse lui sembler, Aymen a le théâtre. Romain Boulho / Libération Légende photo : Lors des répétitions de «Nemetodorum» à Nanterre, le 1er février 2025. Simon, avec les lunettes, a trouvé le titre : «C’est le nom de la ville, donné par les Celtes : le bourg sacré.» (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
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Le spectateur de Belleville
May 16, 2023 10:55 AM
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Tribune publiée dans Libération le 16 mai 2023 En déroulant le tapis rouge aux hommes et aux femmes qui agressent, le festival démontre que les violences dans les milieux de création peuvent s’exercer en toute impunité. Plus d’une centaine d’actrices et acteurs saluent la décision d’Adèle Haenel d’arrêter le cinéma et ne veulent plus se taire. L'actrice Adèle Haenel lors d'une action dénonçant le sexisme dans le monde du théâtre, lors de la Nuit des molières, le 30 mai 2022, à Paris. (Karim Daher/Hans Lucas) par Un collectif d'actrices et d'acteurs publié aujourd'hui à 13h15 Le cinéma français a intégré un système dysfonctionnel qui broie et anéantit. Nous le savons depuis longtemps, nous en sommes les victimes et les témoins quotidiens. C’est parce que nous aimons passionnément notre métier que nous prenons la parole aujourd’hui. Nous subissons bien trop souvent des agressions sexuelles, du harcèlement moral et du racisme au sein même de nos lieux de travail. Lorsque nous avons le courage de parler ou demander de l’aide nous nous entendons trop souvent dire : «Tais-toi s’il te plaît, pour la vie du film.» Il arrive même que des producteur·ices soient prêt·es à acheter notre silence. Ces formes de violences font partie de notre quotidien, on a même tenté de nous faire croire que cela faisait partie du métier. Il est temps que cela change, et cela ne peut se faire que si nous sommes entendues aux plus hautes places du pouvoir du cinéma français. Nous ne pouvons pas dire que ce soit le cas pour l’instant. La peur comme verrou Nous sommes profondément indigné·es et refusons de garder le silence face aux positionnements politiques affichés par le Festival de Cannes. Nous refusons d’être associées aux décisions prises ces dernières semaines. En déroulant le tapis rouge aux hommes et aux femmes qui agressent, le festival envoie le message que dans notre pays nous pouvons continuer d’exercer des violences en toute impunité, que la violence est acceptable dans les lieux de création. Il est temps que le cinéma français cesse d’apporter son soutien aux personnes qui abusent de leurs positions de pouvoir. Evidemment, la place que l’on offre aux personnes qui abusent, harcèlent, violentent, sur le tapis rouge de ce festival ne vient pas de nulle part. C’est symptomatique d’un système global mis en place depuis des générations. C’est un système basé sur les principes de domination et de silenciation. La silenciation de toutes celles et ceux qui travaillent dans le milieu du cinéma et qui n’osent prendre la parole par peur des impacts sur leur carrière, leurs productions, leurs postes. Cette peur est un verrou puissant. Faire entendre une autre voix Nous voulons faire entendre une autre voix, celles de femmes et d’hommes qui soutiennent les techniciens et techniciennes, les acteurs et les actrices qui dénoncent les violences, les journalistes qui publient ces enquêtes. Nous connaissons le milieu du cinéma, nous vous croyons, nous ne voulons plus nous taire, nous vous soutenons. Adèle Haenel a récemment rappelé qu’elle a «décidé de politiser son arrêt du cinéma». C’est une décision que nous comprenons et soutenons. Nous ne pouvons que déplorer le fait que ce milieu soit toxique au point de vouloir le quitter totalement. Nous profitons de cette tribune pour dire avec elle : «la HONTE». Nous savons qu’une autre façon de fonctionner est possible, que les avancées qu’apportent un mouvement comme celui de #MeToo offrent la perspective d’un monde dans lequel nous pourrons enfin tous et toutes travailler sans peur et offrir des films qui porteront l’enthousiasme d’une génération qui refuse les rapports de domination. Notre voix ne fait que naître. Les 123 signataires : Ariane Labed, Clotilde Hesme, Louise Chevillotte, Daphné Patakia, Megan Northam, Mara Taquin, Luna Ribeiro, Luana Duchemin, Maud Wyler, Alma Jodorowsky, Noée Abita, Ji-Min Park, Louise Orry Diquero, Julia Faure, Marie Denarnaud, Felix Maritaud, Solène Rigot, Bastien Bouillon, Anthony Bajon, Florence Loiret Caille, Maximilien Seweryn, Liv Henneguier, Estelle Meyer, Olivia Ross, Jérémie Renier, Caroline Ducey, Valerie Crouzet, Judith Davis, Alice Issaz, Muriel Combeau, Guslagie Malanda, Valentine Cadic, Bérénice Coudy, Christine Citti, Corentin Fila, Nejma Ben Armor, Emmanuel Noblet, Nahuel Perez Biscayart, Alice de Lencquesaing, Camille Chamoux, Lola Bessis, Agathe Bonitzer, Clément Métayer, Timothée Robart, Swann Arlaud, Anna Mouglalis, Marie Papillon, Pauline Etienne, Julie Gayet, Romane Bohringer, Jonathan Couzinié, Camille Claris, Eurydice El-Etr, Manda Touré, Stanley Weber, Galatéa Bellugi, Alba Gaïa Bellugi, Vahina Giocante, Clara Ponsot, Sabrina Seyvecou, Louise Coldefy, Lina El Arabi, Constance Rousseau, Adeline Moreau, Caroline Proust, Marianne Denicourt, Assa Sylla, Victor Bonnel, Leo Chalié, Finnegan Oldfield, Arnaud Valois, Géraldine Nakache, Laika Blanc Francard, Dimitri Doré, Sigrid Bouaziz, Bérangère Mc Neese, Arthur Choisnet, Eliam Mohammad, Matthieu Rano, Marie Colomb, Tobias Nuytten, Matthieu Lucci, Melvin Boomer, Tracy Gotoas, Anne Benoit, Laura Sepul, Karina Testa, Félix Kyssyl, Manuel Severi, Fantine Harduin, Zita Hanrot, Lilith Grasmug, Axel Auriant, Léna Garrel, Makita Samba, Grace Seri, Sophie Cattani, Naidra Ayadi, Stéphanie Cléau, Zinedine Soualem, Jonas Bachan, Victoire Du Bois, Jenna Thiam, Massimo Riggi, Gerard Watkins, Ophélie Bau, Naëlle Dariya, Melissa Guers, Anne Azoulay, Laure Calamy, Clémentine Poidatz, Ornella Fleury, Adama Diop, Annabelle Lengronne, Laurence Cordier, Claire Dumas, Sophie Duez, Delia Espinat Dief, Giorgia Sinicorni, Lola Naymark, Agathe Drone, Lena Paugam, Ava Baya. Pour signer la pétition c’est ici Vous souhaitez publier une tribune dans Libération ? Pour connaître nos conseils et la marche à suivre, ainsi que l’adresse à laquelle nous envoyer vos propositions, rendez-vous dans la section «Proposer une tribune» en bas de cette page.
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Le spectateur de Belleville
March 24, 2023 10:45 AM
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Par Joëlle Gayot dans le Monde 24/03/23 Ariane Mnouchkine organise un stage de théâtre, l’Ecole nomade, à Kiev, tandis que la Cartoucherie accueille les actrices de Dakh Daughters à Vincennes.
Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/03/24/le-theatre-du-soleil-cree-une-passerelle-avec-l-ukraine_6166806_3246.html
Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil, a pris le large. Direction Kiev. Une partie de sa troupe est restée à Paris pour accueillir Danse macabre, un spectacle ukrainien proposé par Vladislav Troïtskyi et le groupe Dakh Daughters. Une passerelle vient de se dresser de pays à pays. La metteuse en scène française dirige un stage de théâtre (l’Ecole nomade) dans une capitale sous tension pendant que les actrices de Dakh Daughters chantent au bois de Vincennes leurs vies bouleversées par l’agresseur russe. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés A Paris, le Théâtre du soleil, une utopie politique au service de l’art Cette permutation géographique est hautement symbolique. Elle permet à l’art de se déployer au-delà des frontières. Vladimir Poutine « n’empêchera pas les artistes d’aller rejoindre leurs camarades là où ils se trouvent », affirme Ariane Mnouchkine, jointe à Kiev. A la guerre culturelle que livre le président de la Fédération de Russie, cette même culture répond en refusant de déserter ses territoires légitimes. Elle occupe les plateaux, creusets d’utopies et d’imaginaires. Dans la ville ukrainienne où ont convergé, depuis le 23 mars, une centaine d’élèves acteurs et de jeunes professionnels, la troupe du Soleil a investi « une sorte de petit opéra avec un foyer arrondi ». Les acteurs ont tendu des tissus colorés, récupéré çà et là tables, chaises, accessoires et ils se sont mis au travail. Pour leur patronne, agir était une évidence : « Je n’en pouvais plus de rester, bras ballants, à écouter les informations. Récolter de l’argent pour l’Ukraine ne suffisait plus. Nous étions tous dans un état d’impuissance, de frustration et de désolation. Il y a environ un mois, j’ai proposé à l’équipe de venir faire, sur place, ce que nous savons faire : une Ecole nomade. » « Le poids d’une plume » Sa tribu est rompue à l’exercice. L’Ecole a déjà vogué jusqu’au Chili, au Royaume-Uni, en Suède ou en Inde. En 2005, une compagnie afghane (le Théâtre Aftaab) est même née dans la foulée d’une session effectuée à Kaboul. Mais le séjour à Kiev, au cœur d’un pays assailli par les bombes, sort de l’ordinaire. « Nous ne sommes pas sur le front et je ne vais pas, à mon âge, 84 ans, apprendre à manier un fusil pour me transformer en soldat, relativise notre interlocutrice. Bien d’autres gens agissent ici sans que personne ne le sache. » La présence du Soleil (et à travers lui celle de l’art) pèse, dit-elle, « le poids d’une plume ». Mais cette plume sert à écrire et elle aide à penser. Etre là, rappelle l’artiste, c’est le « b.a.-ba de la résistance ». Lire la revue de presse Théâtre du soleil : retour sur 50 ans de créations Pendant quinze jours, les participants de l’Ecole nomade vivront au rythme des improvisations, des chœurs et des masques : « Si on arrive à leur donner deux semaines de fête et de ravissement, ce sera déjà ça. » Dans un discours prononcé le 24 février lors d’un Forum Europe-Ukraine, Ariane Mnouckhine concluait son allocution par cet appel tranchant : « Pour gagner cette guerre culturelle que nous livre la Russie, il faut d’abord gagner la guerre. Tout court. Que cela nous plaise ou non. » Ce n’est pas demain que cette combattante abdiquera devant les ennemis de la liberté. Ses armes sont la fiction, le jeu, la beauté. Elle les utilise plus et mieux que beaucoup. Faute de pouvoir se trouver ici et ailleurs en même temps, elle avoue un regret : ne pas assister à la Cartoucherie de Vincennes au spectacle des Dakh Daughters et au concert exceptionnel que donneront, le 26 mars à 17 h 30, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton et son alter ego ukrainien, Aleksey Shadrin. Danse macabre, de Vladislav Troïtskyi et les Dakh Daughters, du 24 mars au 2 avril. Ensemble. Concert de Sonia Wieder-Atherton & Aleksey Shadrin, le 26 mars à 17 h 30. Théâtre du Soleil, la Cartoucherie, Paris 12e. Joëlle Gayot / Le Monde Légende photo : Ariane Mnouchkine à Kyoto (Japon), le 12 novembre 2019. CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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Le spectateur de Belleville
November 21, 2021 11:33 AM
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Par Cristina Marino dans Le Monde - 20 nov. 2021 La compagnie La Mue/tte s’est librement inspirée de l’histoire vraie des sœurs Mirabal, assassinées en 1960 par le dictateur dominicain Rafael Trujillo, pour explorer les rapports de pouvoir entre les sexes. Pourquoi la date du 25 novembre a-t-elle été choisie par les Nations unies pour devenir la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes ? Parce que c’est le 25 novembre 1960 que trois sœurs Mirabal, Patria (née en 1924), Minerva (1926) et Maria Teresa (1936), ont été assassinées sur ordre du dictateur Rafael Trujillo, qui régnait d’une main de fer sur la République dominicaine depuis un coup d’Etat, en 1930. Surnommées les Hermanas Mariposas (« sœurs papillons »), elles furent des figures de la lutte contre la dictature et l’oppression. Leur mort a indigné la population, renforçant le mouvement de contestation envers Rafael Trujillo, qui finira lui-même assassiné en mai 1961. C’est de ce tragique assassinat politique des sœurs Mirabal que s’est librement inspirée la compagnie franco-argentine La Mue/tte, créée en 2014 et codirigée par Delphine Bardot et Santiago Moreno, pour sa nouvelle création : Battre encore. Elle y poursuit ainsi une réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes, sur la lutte des femmes contre la domination masculine, déjà abordée dans ses précédents spectacles L’Un dans l’autre (2015), Les Folles (2017) et Fais-moi mâle (un solo de 15 minutes, 2018). Battre encore se donne à voir comme un anti-conte de fées, pratiquement sans paroles (mis à part une voix off qui intervient par moments pour fournir quelques repères narratifs), dans lequel trois jeunes femmes tentent de lutter, en vain, contre l’ogre-tyran qui les terrorise. Tout commence pourtant de façon quasi idyllique, par le classique « il était une fois… » : trois jolies roses, représentées par de petites marionnettes avec une tête de fleur et un corps de poupée, éclosent dans le jardin familial, entourées de papillons et protégées des dangers de l’extérieur par un père aimant, symbolisé par une tête et deux grandes mains. Les petites roses grandissent à l’abri des regards et au milieu des livres, avant de devenir trois belles jeunes femmes. Théâtre d’ombres Les trois comédiennes et marionnettistes, Delphine Bardot, Bernadette Ladener et Amélie Patard, leur donnent corps, silhouettes tout de noir vêtues. Leurs longues chevelures masquent d’abord leurs visages, avant d’être nattées, afin de les dévoiler. Cet envoûtant trio mène le bal sur fond de musiques d’Amérique latine, orchestrées par Santiago Moreno, et d’accords de violoncelle, interprétés par Bernadette Ladener. Des solos les montrent au corps à corps avec des figures masculines, représentées tour à tour par une marionnette miniature, un pantin désarticulé, une peau de bête au visage humain. Les corps féminins donnent vie aux bustes inertes de leurs bourreaux, qui finissent par les agresser puis les tuer Vient ensuite le tournant tragique de l’histoire des trois sœurs : leur rencontre au cours d’un bal avec l’ogre-tyran, le dictateur Trujillo, symbole de l’oppression masculine, avec sa taille démesurée et son filet de chasse aux papillons. Le trio de comédiennes se lance alors dans un impressionnant ballet mortifère avec les marionnettes qui représentent le despote et ses sbires. Les corps féminins donnent vie aux bustes inertes de leurs bourreaux, qui finissent par les agresser puis les tuer. La mort particulièrement cruelle des sœurs Mirabal (après que Minerva eut repoussé les avances du dictateur, les trois femmes furent battues et achevées à la machette, puis leurs corps furent jetés dans un ravin à bord de leur voiture avec celui de leur chauffeur, pour faire croire à un accident de la route) est subtilement évoquée en un théâtre d’ombres final, à l’aide de silhouettes en papier derrière un paravent. Un spectacle puissant et émouvant, à voir pour ne jamais oublier toutes les femmes, militantes, résistantes, célèbres ou anonymes, qui ont payé de leur vie leur engagement. "Battre encore" : la vidéo de présentation Battre encore, par la compagnie La Mue/tte. Avec Delphine Bardot, Bernadette Ladener et Amélie Patard. Mise en scène : Delphine Bardot et Pierre Tual. Texte : Pauline Thimonnier. Création musicale : Santiago Moreno. Au Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette, Paris 5e. Jusqu’au 25 novembre, du mardi au vendredi à 20 heures, le samedi à 18 heures et le dimanche à 17 heures. Puis en tournée à travers la France en 2022, notamment samedi 26 mars au Théâtre Victor-Hugo de Bagneux (Hauts-de-Seine) dans le cadre du festival Marto. Cristina Marino Légende photo : De gauche à droite : Amélie Patard, Bernadette Ladener et Delphine Bardot dans « Battre encore », par la compagnie La Mue/tte au Mouffetard (Paris 5e). FRÉDÉRIC ALLEGRINI
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Le spectateur de Belleville
April 13, 2021 4:10 PM
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Tribune signée par les occupant.e.s du TNS, et publiée par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 13 avril 2021 Il y a plus d’un mois, dans la foulée de l’Odéon, les élèves de l’école du TNS et d’ailleurs occupaient le Théâtre National de Strasbourg. Aujourd’hui plus d’une centaine de lieux culturels sont occupés. En marge des revendications professionnelles et sociales dûment répertoriées par toutes et tous, les occupant.e.s du TNS écrivent aujourd’hui cette tribune. Un cri d’alarme, une arme de lutte. « Nous avons 22 ans, 25 ans, 23 ans, 19 ans, 27 ans, 18 ans, 21, 24 et 26. L’une de nous a eu 20 ans la semaine dernière, derrière les portes closes de ce théâtre. Et combien d’autres ont fêté et fêteront leurs 20 ans seul-e-s? Nous avions des rêves pour chaque anniversaire à venir. Des objectifs, des projets, des promesses. Nous devions grandir, encore, chercher, saisir, sentir, construire, ensemble et dans toutes les langues, le monde de demain. Étendre nos bras, nos jambes, enjamber, courir. La pandémie nous a coupé nos membres. A nous, jeunesse amputée, mutilée, vous avez répondu «courage», «espoir», «patience». Alors nous nous sommes armé-e-s, oui, de patience, nous avons espéré, attendu, prié, nous nous sommes confinés, nous nous sommes masqués, nous avons accepté, d’annuler, d’arrêter, d’interrompre. On s’est résigné à nos écrans. On s’est stoppé en pleine route sur des longs chemins. Figé dans l’élan. En équilibre. Les amitiés naissantes, empêchées, les rencontres, empêchées, l’apprentissage, empêché, l’expérience, empêchée. La pensée, confinée. Empêchée. Vous nous aviez dit que nous étions les forces du rêve. Mais l’espoir ne tient pas «coûte que coûte». Et le rêve s’abîme. Et le courage s’épuise. Et ça ne suffit tout simplement plus, car ça fait déjà trop longtemps qu’on espère, et nos réserves ne sont pas infinies, elles s’amenuisent, se réduisent en peau de chagrin. NON, NOUS NE DANSERONS PAS TOUJOURS, NON, NOUS NE RÊVERONS PAS TOUJOURS, NON, NOUS NE SURVIVRONS PAS QUOI QU’IL ARRIVE, OUI, DES DESTINS SERONT BRISÉS, OUI, DES EXISTENCES SERONT CONDAMNÉES, OUI, UNE GÉNÉRATION EST SACRIFIÉE. Nous ne vivons pas dans le déni de la pandémie. Nous voulons apprendre à vivre avec elle là où le gouvernement nous exhorte à attendre des jours meilleurs. Nous ne pouvons plus attendre un futur sans cesse mort-né. Un jour viendra où nous nous ne pourrons plus espérer, croire, attendre. Et qui prendra la relève ? Les plus jeunes d’entre nous, les adolescents et les enfants seront-ils encore capables de rêver à un autre état du monde ? À 14 ou 15 ans, quand on s’est déjà habitué à ne pas connaître le visage des autres, comment peut-on imaginer un monde solidaire ? À moins que ce ne soit cela finalement l'objectif des arbitrages: enterrer pour toujours l'idée que l'on peut vivre dans la pluralité. L'idée que l'autre peut nous aider. Qu'est-ce qu’il restera alors ? Une société où l'on étudie seul-e, où l'on travaille seul-e, où l'on jouit seul-e, où l'on meurt seul-e. Oui, cette société-là entretient et garantit un fonctionnement économique effréné, au détriment de toute logique humaine. Nous savons que l'argent ne fait plus le bonheur de notre génération : nous apprenons chaque jour le goût amer de sacrifices et de solitudes qu'il a désormais. Et nous ne pouvons même pas vomir : nos ventres sont vides. Notre seule nourriture est une colère immense. Et cette colère sera notre puissance d’être. La mort lente qui rampe sur nos corps, mort sociale, mort physique à laquelle nous condamne le gouvernement, nous allons nous en défendre, nous aussi « coûte que coûte », avec les dents, les ongles. Avec les pavés, avec le feu. Ici, à l’intérieur des théâtres où nous nous sommes enfermés, plus les jours passent, plus nous sommes inquiets. Ne croyez pas que nous dormons. Ne croyez pas que nous rêvons. Nous avons les yeux grands ouverts. Plus les jours passent, plus nos mains sont serrées. Plus les jours passent, et plus nous sommes dangereux. Nos révoltes ne sont pas culturelles. Notre révolution est humaine. Entendez-nous, chaque jour qui passe, nous sommes affamés mais pas affaiblis. La peur qui grandit nous fait vivre. Nous sommes décidés à en découdre avec la marche inacceptable du monde. Nous ne refusons pas la peur, parce qu’elle est dans nos mains, dans nos poings serrés. Parce que sans elle, sans cette force qui nous pousse encore, encore, encore, encore, nous serons définitivement sans avenir. Il n’y a pas de porte de sortie pour nous. Entendez-nous bien: pour nous, il n’y aura pas d’autre possibilité que de lutter. Pas d’autre poésie que l’action réelle. Que peut-on perdre de plus? Nos lieux de pensée, de création, nos lieux de recherche, de travail nous ont été enlevés. Nous avons été laissés de côté, perdants dans tous les arbitrages, inlassablement condamnés, nous avons été, tout le long de cette crise, depuis plus d’un an, vos prêts-à-sacrifier Nous ne sommes pas votre priorité, nous l’avons compris. Un pays qui oublie sa jeunesse, qui sacrifie sa jeunesse, qui néglige sa jeunesse, un pays qui assassine sa jeunesse –est-il viable? Vous nous laissez tomber, et il faudra que vous l’assumiez. Nous ne sommes pas vos actifs marchands et productifs, nous sommes la génération du futur, nous sommes vos suicidé-e-s. Nous vous avons appelé. Nous avons habité, occupé, crié à nos fenêtres. Vous avez mis en balance les existences humaines, vous les avez catégorisées en valeurs marchandes par les termes «essentiel» et «non-essentiel». Nous sommes vos suicidé-e-s. Vous avez gardé nos lieux de vie fermés. Et quand nous avons protesté, votre seule réponse a été, encore, de clamer notre inutilité. Vous nous laissez crever. Nous sommes vos suicidé-e-s. Vous avez frotté l’injustice jusque dans nos visages. Qu’est ce qui ressemble plus à une salle de spectacle, de concert, qu’une église? Qu’est ce qui ressemble plus à un amphithéâtre d’université qu’une assemblée parlementaire? Pourquoi les émissions télévisées peuvent-elles accueillir du public pendant que nous sommes réduits, sans cesse, au distanciel? Pourquoi peut-on acheter mais pas apprendre, pas penser? Nous sommes vos suicidé-e-s. Vous nous avez refusé des aides à l’emploi et à l’insertion. Nous, étudiant-e-s qui allons faire notre entrée dans un monde professionnel sinistré, profondément fragilisé par la crise, embouteillé, miné par une concurrence accrue, vous nous avez refusé cet accompagnement. Vous nous refusez une place, des créneaux pour la jeunesse dans le monde futur. Vous refusez l’abaissement du seuil d’heures pour les primo-entrants. Vous nous refusez un avenir.Nous sommes vos suicidé-e-s. Vous nous laissez démuni-e-s. Vous nous laissez disparaître.Vous n’avez pas fini de compter vos morts. Nous sommes vos suicidé-e-s. Nous avons vingt ans. Et nous sommes vos suicidé-e-s. Nous ne laisserons personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Les élèves-occupant-e-s du Théâtre National de Strasbourg Légende photo : Le théâtre National de Strasbourg occupé les élèves de son école © Gulliver
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Le spectateur de Belleville
January 9, 2015 12:12 PM
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A l'initiative de Laurence de Magalhaes et de Stéphane Ricordel, les directeurs du théâtre Le Monfort, à Paris, une vaste opération de solidarité lancée hier, en fin d'après-midi prend une ampleur remarquable.
Il suffisait d'avoir l'idée et la volonté. Au-delà du deuil, du chagrin, des hommages, des paroles, il faut maintenant que Charlie Hebdo vive.
Au travail dans les locaux de notre confrère Libération, les journalistes, d'écriture et de dessin, sont au travail pour un numéro qui paraîtra mercredi prochain. Il fera 8 pages au lieu des 16 habituelles et on sait que les citoyens l'achèteront. Hier, à l'initiative de Laurence de Magalhaès et de Stéphane Ricordel, les directeurs du Monfort à Paris, des milliers d'exemplaires de ce numéro du 14 janvier 2015.
Chaque institution qui a rejoint le cercle s'engage à acheter mille exemplaires -pour les grandes salles, style Théâtre de la Ville ou Odéon- et à les remettre aux spectateurs.
Si la circulaire demande à chaque lieu d'acheter 1000 exemplaires, on peut penser que les plus petites institutions en prendront moins en charge car le geste n'a de sens que si les exemplaires de Charlie Hebdo sont distribués aux spectateurs....
Dans le cercle, notons dans le désordre -et sans que la liste soit fermée : La Grande Halle de la Villette, Théâtre de Chaillot, le Rond-Point, les Bouffes du Nord, le Carreau du Temple, le Nouveau Théâtre de Montreuil, le Forum des Images, le Théâtre du Soleil, la Colline, l’Odéon, les 3 baudets, le 104, la Maison des métallos, le Théâtre de la Ville, le Théâtre de la Cité Internationale, Nanterre-Amandiers, la Maison de la Poésie, MPPA, le Théâtre de Paris-Villette, 2R2C, la Loge, le Théâtre Paul-Eluard de Choisy, le Théâtre de Sartrouville, le Théâtre 13, le Théâtre de la Bastille, l'Etoile du Nord, le Point Ephémère, le Tarmac, l'Onde à Vélizy.
Notons qu'un théâtre privé, La Pépinière théâtre, vient d'annoncer que la recette de la représentation du vendredi 16 janvier de Voyage avec ma tante, sera donnée à Charlie Hebdo
Voici le texte envoyé aux différentes institutions hier en fin d'après-midi
"Bonjour à tous Nous sommes tous ébranlés par cet acte barbare et dangereux, chacun de nous trouvera sa façon de communiquer selon les personnalités de nos lieux, mais nous pensons qu’une action commune est nécessaire pour montrer notre détermination notre force et surtout notre soutien. Aujourd’hui c’est un journal demain ce seront nos lieux, qui ont déjà connu pour certains des actes de violences. … Nous vous proposons une action commune pour tous les acteurs culturels de la Ville de Paris et au-delà : acheter chacun 1000 exemplaires pour la prochaine sortie de Charlie Hebdo, et les offrir à nos publics … Concernant la logistique nous avons déjà pris contact avec le distributeur. Les exemplaires pourraient être mis à disposition à la Direction des Affaires Culturelles qui est centrale pour nous tous. Merci de nous répondre rapidement sur cette initiative commune avant demain 14h et à diffuser largement cette information, nous nous occupons du reste… Tous les théâtres parisiens unis et solidaires pour la liberté de la parole. Lisons Charlie Hebdo, encore et encore, soutenons ceux qui rient, osent, se moquent de tout et surtout des extrémismes de tout poil ! Merci à tous ! A très vite
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