Le 11 juin, la commission de la Défense examinera un rapport qui, intitulé « Masse et haute technologie : quels équilibres pour les équipements militaires français », lui sera présenté par les députés Thomas Gassilloud et Damien Girard. Avant d’en connaître les détails, l’hebdomadaire Challenges vient d’en dévoiler les grandes lignes. Et nul doute que certaines des trente mesures qu’il avance feront couler de l’encre…
Ainsi, les deux députés appellent à une « refonte » du modèle d’armée français, devenu « échantillonnaire » à cause des contraintes budgétaires des années 2000/10. D’où, selon eux, la nécessité de gagner de la masse en trouvant un nouvel équilibre entre les équipements technologiquement avancés et les armements à bas coûts, susceptibles de saturer les défenses adverses.
S’agissant de l’armée de Terre, qui a l’objectif d’être en mesure de « projeter » une division [soit deux brigades] avant 2030, le rapport préconise un effort de 5 milliards d’euros pour renforcer les capacités en matière de défense sol-air, de lutte antichar et de feux dans la profondeur.
La Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit de remplacer les neuf Lance-roquettes unitaires [LRU] encore en dotation au sein de l’armée de Terre par au moins vingt-six nouveaux systèmes d’ici 2035.
Pour MM. Gassilloud et Girard, cette « cible » devrait être revue significativement à la hausse puisqu’ils préconisent l’achat de quarante-huit Lance-roquettes multiples [LRM], en privilégiant le système « Foudre », que la PME Turgis & Gaillard dévoilera officiellement lors de la prochaine édition du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget.
Par ailleurs, le rapport parle de créer une troisième division au sein de l’armée de Terre. Dotée de véhicules légers, de drones et d’armes antichars, cette unité serait principalement composée de réservistes et aurait pour principale mission d’assurer la défense du territoire. Son coût serait d’environ 1 milliard d’euros par an.
Quant à l’armée de l’Air & de l’Espace, les deux députés reprennent à leur compte la proposition faite en février dernier par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, qui avait évoqué la nécessité de renforcer l’aviation de chasse avec une « trentaine » de Rafale supplémentaires.
Mais ils estiment qu’il faudrait aller plus loin, avec l’acquisition de chasseurs légers, comme le M346 italien ou le F/A-50 sud-coréen. De tels appareils pourraient être engagés dans la lutte antidrone et / ou effectuer des frappes aériennes dans des environnements permissifs, ce qui permettrait de libérer la flotte de Rafale pour des missions dites du « haut du spectre ». Ce concept de « différenciation des forces » n’est pas nouveau : il avait été avancé par le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale [LBDSN], publié en 2013.
Enfin, pour la Marine, et à l’instar de M. Lecornu, MM. Gassilloud et Girard plaident pour un format à dix-huit frégates de premier rang. Ce qui passera par la commande de trois frégates de défense et d’intervention [FDI] supplémentaires.
Seulement, ces ajustements capacitaires doivent être financés, alors que les comptes publics sont dans le rouge et que le ministère des Armées a accumulé un report de charges et des restes à payer élevés [respectivement 8 et 99 milliards d’euros]. Aussi, les deux députés proposent plusieurs mesures pour trouver des marges de manœuvres.
L’une d’elles vise à mettre un terme à l’opération intérieure Sentinelle, ce qui permettrait d’économiser 250 millions d’euros par an. Il pourrait en être fait de même avec le Service national universel [pour 150 millions/an]. Mais les deux parlementaires appellent surtout à faire des choix capacitaires.
Selon Challenges, le rapport préconise d’abandonner l’EuroDrone, c’est-à-dire le programme de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen, dont il est question depuis… 2013. Pour rappel, sa réalisation a été confiée à Airbus Defence & Space, avec Dassault Aviation et Leonardo comme sous-traitants. La France a commandé six systèmes [composés chacun de trois vecteurs et de deux stations au sol] pour plus de 2 milliards d’euros.
À la place de l’EuroDrone, jugé trop imposant et dont la mise en service est prévue en 2031, au plus tard, les rapporteurs parlent de commander des drones MALE Aarok, auprès de Turgis & Gaillard.
En octobre dernier, M. Lecornu avait semblé remettre en cause l’EuroDrone, lors d’une audition parlementaire. « Il faut s’assurer que l’objet soit toujours conforme aux attentes opérationnelles au moment où il sera livré », avait-il dit. Le 6 juin, à l’antenne de LCI, il a fait savoir qu’il était « en train de faire une revue générale de l’ensemble » des « programmes de drones ».
Mais la proposition qui risque de faire du bruit concerne le porte-avions de nouvelle génération [PANG]. En effet, il est question d’ajourner son lancement, alors que le contrat pour sa réalisation doit être notifié aux industriels d’ici la fin de cette année. Pour M. Gassilloud, rapporte Challenges, un report « permettrait de dégager des moyens pour des projets plus urgents. »
Seulement, cela voudrait dire que la Marine nationale pourrait se retrouver sans porte-avions pendant plusieurs années après 2038, c’est-à-dire quand le Charles de Gaulle aura été retiré du service. À moins que l’état des cuves de ses deux réacteurs nucléaires K15 soit assez bon pour envisager de le prolonger pour quelques années de plus. Mais on ne pourra le savoir qu’à l’issue de son prochain arrêt technique majeur [ATM], prévu en 2027.
L’idée de renvoyer la construction du PANG à plus tard est-elle effectivement dans les tuyaux ? Si tel est le cas, alors cela expliquerait la raison pour laquelle l’amiral Nicolas Vaujour, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM] s’est livré à un vigoureux plaidoyer en faveur du porte-avions, qu’il appelle « plateforme de supériorité aéromaritime », lors d’une récente audition parlementaire.
Un report du PA NG ne serait évidemment pas une bonne nouvelle pour les principaux industriels concernés [Naval Group, Les Chantiers de l’Atlantique et TechnicAtome]. Elle ne le serait pas non plus pour leurs nombreux sous-traitants… D’ailleurs, l’amiral Vaujour avait insisté sur ce point lors de son audition.
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Romain
onto DEFENSE NEWS June 11, 1:30 AM
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