Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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April 18, 2019 2:15 PM
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“Le Voyage de G. Mastorna”, l'adaptation scénique d'un film maudit de Fellini

“Le Voyage de G. Mastorna”, l'adaptation scénique d'un film maudit de Fellini | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Patrick Sourd dans Les Inrocks le 18 avril 2019

 


Sous la direction de Marie Rémond, la troupe de la Comédie-Française redonne vie au tournage interrompu d’un scénario du maestro.


A l’instar de Lewis Carroll propulsant Alice de l’autre côté du miroir, Federico Fellini nous invite avec Le Voyage de G. Mastorna à suivre les tribulations d’un violoncelliste célèbre qui, après avoir survécu au crash d’un avion, prend peu à peu conscience que le monde dans lequel il se réveille n’est plus celui des vivants. Ecrit en 1965 par le réalisateur, le scénario maudit ne deviendra jamais un film.

Il demeurera toutefois une véritable obsession pour le magicien de Rimini, qui va puiser dans son matériau surréaliste pour l’inscrire secrètement au cœur de ses œuvres à venir.

Puzzle d'images

Ainsi, de Satyricon (1969) à Roma (1972) en passant par Répétition d’orchestre (1978), Et vogue le navire (1983), Ginger et Fred (1986) et La Voce della luna (1990), la liste des références au script resté dans les cartons donne la mesure de la volonté de Fellini de surmonter l’échec initial en l’érigeant en clef de son inspiration à travers la construction au long cours d’un puzzle d’images proches du subliminal.

Consciente qu’il serait vain de prétendre rivaliser avec la démesure des visions felliniennes sur grand écran, Marie Rémond abandonne l’idée de représenter le scénario et construit sa pièce à la manière d’un documentaire nous plongeant dans les coulisses du tournage des premières bobines d’essais réalisés en studio.

Disposant de nombreuses sources littéraires et du storyboard de Fellini, devenu une bande dessinée sous le crayon de Milo Manara, la metteure en scène approche son objet d’étude sous l’angle d’un bras de fer entre l’auteur et son inconscient.

Le portrait d'un cinéaste piégé par la fiction

Les spectateurs étant installés sur des gradins répartis de part et d’autre de la scène, l’épique du tournage avorté se découvre en close-up. En écho des gags d’un film de Laurel et Hardy projeté dans la carlingue de l’avion qui n’arrive jamais à bon port, les comiques prises de bec entre le maestro (Serge Bagdassarian) filmant son héros que jouait Marcello Mastroianni (Laurent Lafitte) tiennent des dialogues cruels entre un clown blanc et un auguste.

Derrière l’humble magie de cette piste rectangulaire et sans jamais se départir du ton léger de la comédie, Marie Rémond sonde avec une extrême sensibilité le vague à l’âme qui submerge bientôt le réalisateur, âgé de 45 ans, qui se voyait en éternel abonné de la réussite. Tandis que le décor s’écroule accidentellement et que la puissance créative de Fellini vacille, se dessine le portrait troublant d’humanité d’un homme piégé par une fiction où il avait simplement pensé pouvoir imaginer sans tabou l’existence de rapports complexes entre la vie et la mort.

Le Voyage de G. Mastorna d’après Federico Fellini, mise en scène Marie Rémond, avec la troupe de la Comédie-Française. Jusqu’au 5 mai, Théâtre du Vieux-Colombier, Paris VIe

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April 3, 2019 7:29 PM
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Plus grand que moi – solo anatomique, texte et mise en scène de Nathalie Fillion

Plus grand que moi – solo anatomique, texte et mise en scène de Nathalie Fillion | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 3 avril 2019


Plus grand que moi – solo anatomique, texte (Les Solitaires Intempestifs Editions, 2018) et mise en scène de Nathalie Fillion

 « Le chaos ne me mettra pas K.O », répète, hurlante, Hortense Archambault, interprétée par la comédienne bien trempée, Marion Kneusé, une belle plante radieuse en petite robe d’été, qui n’en finit pas de décliner avec fierté son identité, le temps d’un spectacle au goût de bonbon acidulé, Plus grand que moi, écrit et mis en scène par Nathalie Fillion.

L’auteure a écrit la pièce pour Marion Kneusé. Si quelqu’un d’autre joue un jour Plus grand que moi, il faudra, comme une couturière, en ajuster les mesures avec soin.

« Je m’appelle Cassandre Archambault. Je suis née le 13 mai 1986, Paris XI. Je fais un mètre quatre-vingt-un et mon intestin fait huit mètres. Je trouve ça dingue. »

 Quelque soit la taille de l’actrice, apprend-on, son intestin restera de huit mètres.

 Dans sa quête personnelle, Hortense confond les jours et les nuits ; elle peut ainsi pédaler sur son vélo à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Installée sur son engin – un complice nécessaire dans l’existence -, elle part de nuit pour le Grand Nord, passant par l’Islande, croisant banquises, geysers et ours polaires.

Elle aperçoit même sa grand-mère ressuscitée Emeline, assise au bord d’un volcan.

Cassandre a été conçue en Grèce, dans une crique près de la mer bleue. Elle revient sur l’origine légendaire de son prénom, entre Priam, Hécube, Apollon. Elle naquit lors d’une « délivrance aquatique dernier chic »,à la clinique des Bleuets.

Elle roule de nuit, les yeux fermés, enjambant la Méditerranée jusqu’à l’Afrique et le bord du monde. Récitant l’alphabet grec, elle se secoue et se décide à « agir » :

« Je vais lever une armée. Je vais conquérir la terre. Je vais déclarer la paix. Je vais être la première. La première femme impérialiste. La première femme expansionniste… »

Contre DAESH, Mossoul, Bagdad, Poutine, Trump, particules fines… Comment respirer ?

En pédalant la nuit, Cassandre rêve de mettre de l’ordre dans la folie de nos jours présents, puis revient sur elle-même et ce corps concédé, une vie à soi précieuse.

Elle descend de son vélo, arpente le plateau, danse le sirtaki, parle et commente ses moindres gestes et mouvements de pensée, tout en méditant et s’adonnant à des instants écourtés de pause, puis se déshabille, inventant sa propre performance.

Marion Kneusé – via Cassandre Archambault – ne manque pas d’air : elle en redemande, se déployant dans le sourire et la moquerie, telle une tige diaphane.

Elle se recouvre de fruits rouges, se grime, se déguise, goûte chaque inspiration.

Elle sait expliquer au monde qu’il ne suffit pas d’être soi pour « être » vraiment ; en échange, il faut aller à la rencontre de l’autre et parcourir les espaces qui séparent , pour comprendre sa propre volonté et ses désirs cachés ; puis revenir à soi enfin.

Un éloge du théâtre où la rencontre s’accomplit entre l’interprète et son public – ouverture et échange : « Parce que je suis unique, comme tout le monde ».

Un spectacle réjouissant et régénérant, une vitalité amusée attachée à l’existence.

Véronique Hotte

Théâtre du Rond-Point, 2 avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris, du 2 au 28 avril à 20h30. Tél : 01 44 95 98 21

 

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

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March 30, 2019 5:02 AM
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Marie Rémond, sur les chemins de traverse du théâtre

Marie Rémond, sur les chemins de traverse du théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde 30 mars 2019

 


Les grands yeux d’un bleu intense de Marie Rémond sont comme une eau calme, que troubleraient insensiblement les ondes de choc de remous cachés dans les profondeurs. Lesquels ? On ne le saura pas vraiment. La jeune femme est timide, et secrète. Ce qui ne l’empêche pas, alors qu’elle aborde les rivages de la quarantaine, d’être devenue une des comédiennes et metteuses en scène les plus prisées des scènes françaises.

En cette fin de saison sur les planches, elle a deux créations à l’affiche, dans les deux institutions les plus prestigieuses de France. Au Théâtre du Vieux-Colombier, la deuxième salle de la Comédie-Française, elle monte Le Voyage de G. Mastorna, d’après un scénario inédit de Federico Fellini. A l’Odéon-Théâtre de l’Europe, dans la petite salle des Ateliers Berthier, elle adapte une nouvelle de Jane Bowles, Cataract Valley.

« le théâtre a été un moyen d’expression de sensations, de sentiments obscurs que je n’arrivais pas à sortir »

On l’aura compris, Marie Rémond ne fait rien comme les autres. Son premier succès – fracassant – de metteuse en scène, elle l’a remporté, jeu, set et match, en 2012, avec André, un spectacle créé à partir de l’autobiographie du tennisman André Agassi. Cette liberté, peut-être l’a-t-elle gagnée dans la fréquentation précoce et assidue de l’art et de la littérature, en compagnie de son père, le journaliste (pour Télérama notamment), critique de cinéma et décrypteur d’images Alain Rémond, et de sa mère, bibliothécaire.

Lire la critique : Comment Agassi est devenu "Andre"
« Entre les deux, j’ai trouvé mon endroit à moi : le théâtre, sourit Marie Rémond. J’ai commencé dès l’école primaire et moi qui étais d’une timidité maladive je me suis rendu compte très vite que dans cet endroit de jeu je me sentais plus à l’aise que dans la vie. D’emblée, le théâtre a été un moyen d’expression de sensations, de sentiments obscurs que je n’arrivais pas à sortir. J’ai toujours été sensible à cette idée chère à l’un de mes professeurs, que le théâtre consiste à partir de soi dans les deux sens : on voyage dans un personnage, dans les pensées et l’esprit d’un créateur à partir de soi, et ces pensées et cet esprit vous aident à vous trouver, vous. »

De cette interrogation initiale sur l’identité, sur la création comme moyen d’exploration des mouvements les plus secrets de soi, de « la face cachée de l’iceberg », comme elle le dit joliment, elle a fait son théâtre, en un chemin totalement singulier. Après André, qui a tourné pendant des mois, elle a créé Vers Wanda en 2013, à partir de Supplément à la vie de Barbara Loden, le roman de Nathalie Léger. Barbara Loden était l’épouse du cinéaste Elia Kazan, une de ces femmes, nombreuses, dont le talent créateur est resté dans l’ombre de leur mari. En 1970, elle a signé un seul et unique film culte, Wanda, où elle incarne à travers son héroïne un de ces « combats souterrains » pour la liberté et l’identité qu’aime à sonder Marie Rémond.

Lire la critique (en 2013) : On ne devrait pas rire de Wanda

 


Molière de la révélation féminine


Puis il y a eu, en 2015, Comme une pierre qui… au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, un spectacle qui a fait un tabac en racontant l’aventure de la création de Like a Rolling Stone par Bob Dylan. Pour autant, Marie Rémond n’a jamais cessé d’être actrice, et c’est comme si à travers les rôles elle avait poursuivi la même recherche, la même ligne que dans ses mises en scène, sur des personnages inquiets cherchant leur place dans le monde, leur espace d’expression.

Lire la critique (en 2015): Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-Française


Ce fut le cas notamment avec Yvonne, princesse de Bourgogne, de Witold Gombrowicz : une Yvonne qui est souvent incarnée au premier degré comme une nunuche irrécupérable, et que Marie Rémond a jouée avec une intelligence magistrale, qui lui vaudra le Molière de la révélation féminine en 2015. Et encore avec le personnage de Catherine dans Soudain l’été dernier, de Tennessee Williams, sous la direction de Stéphane Braunschweig, en 2017. Loin, là aussi, d’entrer dans le cliché de la jeune fille folle attaché au rôle, elle a dessiné avec une finesse tranchante cette figure dont l’inadaptation révèle la folie d’un monde étouffé par les non-dits.


Son théâtre échappe à ce « regard biaisé qui impose aux femmes de jouer d’abord le rôle de la féminité »

Marie Rémond a l’art de montrer ce que les personnages border line révèlent du formatage des rôles imposés par la société, singulièrement pour les femmes. Très tôt, dès les cours de théâtre, elle a eu conscience, comme nombre d’actrices d’aujourd’hui, de la « pauvreté des enjeux » dont sont affligés les rôles féminins dans le répertoire théâtral.

« Systématiquement, quand j’étais émue, frappée, bouleversée au théâtre, cela venait d’un texte prononcé par la bouche d’un personnage masculin, constate-t-elle. Je me souviens notamment m’être dit, en entendant le magnifique monologue du personnage d’Antoine dans Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, que c’était cela que j’avais envie de porter sur scène. Mais voilà : cette prise de parole-là est la plupart du temps réservée aux hommes, tandis que les rôles féminins sont des surfaces de projection et tournent éternellement autour de la question du désir. C’est difficile, ce manque de choix, ce sentiment que l’on dénie aux femmes le droit aux questionnements existentiels. »

Une inventivité sans relâche
Alors Marie Rémond a inventé son théâtre, pour échapper à ce « regard biaisé qui impose aux femmes de jouer d’abord le rôle de la féminité ». Elle est partie sur les chemins de traverse qu’elle continue à arpenter avec une inventivité sans relâche. Elle a eu connaissance de l’existence de ce scénario inédit et maudit de Fellini, Le Voyage de G. Mastorna, écrit en 1965, par un ami de son père, le grand critique de cinéma italien Aldo Tassone. Le matériau semblait fait pour elle : Fellini y suit la trace d’un double à peine déguisé, en pleine crise existentielle, qui voit s’effilocher les éléments de son identité.

Le « voyage » inachevé de Fellini
En 1965, Federico Fellini a 45 ans, il vient de réaliser 8 ½ et ­Juliette des esprits. Il s’attaque à l’écriture d’un scénario qui ­explorerait l’idée de la vie après la mort. « Le Voyage de ­G. ­Mastorna est le projet le plus ambitieux, le plus mystérieux, le plus noir que j’aie jamais tenté de réaliser », dira-t-il. Le film ne verra jamais le jour. D’abord à cause du conflit entre le cinéaste et son producteur, Dino De Laurentiis. Puis en raison de la mystérieuse maladie qui frappa l’auteur à la veille du tournage, le 10 avril 1967. Superstitieux, Fellini interpréta ce mal comme une invitation pressante à renoncer au projet. Le Voyage de G. ­Mastorna, dans lequel le protagoniste, double du cinéaste, ­devait être interprété par Marcello Mastroianni, a ainsi rejoint ­la cohorte des projets maudits, des films fantômes de l’histoire du cinéma, propres à nourrir d’autres rêves, d’autres aventures­ ­artistiques.

Même originalité avec Jane Bowles, écrivaine subtile et précieuse, restée elle aussi longtemps cachée derrière son mari, l’auteur américain Paul Bowles. Dans Cataract Valley (nouvelle incluse dans le recueil Plaisirs paisibles, éd. Christian Bourgois), son art des « bouillonnements intérieurs », à peine perceptibles à la surface, atteint des sommets, à travers l’histoire de deux sœurs. « C’est un mélange de profondeur et d’humour, de fêlure et de combativité qui me plaît beaucoup », s’amuse Marie Rémond. Même si la partie immergée de l’iceberg ne se laisse pas dévoiler facilement, c’est bien un portrait d’elle que livre la comédienne et metteuse en scène à travers ses spectacles et ses rôles, tout en douceur inflexible, en fragilité indestructible.

Le Voyage de G. Mastorna, d’après Federico Fellini. Mise en scène : Marie Rémond. Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris 6e. Tél. : 01-44-58-15-15. Mardi à 19 heures, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 heures, du 28 mars au 5 mai. De 12 à 32 €.

Cataract Valley, d’après Jane Bowles. Mise en scène : Marie Rémond. Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, petite salle, 1 rue André-Suarès, Paris 17e. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, du 17 mai au 15 juin. De 8 à 28 €.

Fabienne Darge

 

Légende photo : Au Théâtre du Vieux-Colombier, Marie Rémond pose sur une tortue du décor du « Voyage de G. Mastorna » en mars 2018. ANNABELLE LOURENÇO POUR "LE MONDE"

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March 15, 2019 8:26 PM
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La chauve-souris de Johann Strauss, mise en scène Célie Pauthe

La chauve-souris de Johann Strauss, mise en scène Célie Pauthe | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joshka Schidlow dans son blog Allegro Théâtre 16 mars 2019

 

 

Pour ses débuts dans la mise en scène d'opérette Célie Pauthe ne s'est pas rendue la tâche facile. Hitler n'ignorait évidement pas que Johann Strauss avait des origines juives. Appréciant la gaieté acidulée de ses opérette, il lui offrit un certificat d'aryanisation. Ses oeuvres ne furent de ce fait jamais interdites. Brillamment mis en scène, le début du spectacle est, avec sa foison de quiproquos et ses danses tourbillonnantes, d'une folle allégresse. Les inflexions harmonieuses des voix des chanteurs-acteurs ajoutent à notre plaisir. Mais la maîtresse d'oeuvre a tenu à ce que le regard rapidement se décille. Les interprètes incarnent les artistes juifs qui furent déportés au camps de Térézin. Ils y jouèrent plusieurs spectacles. La chauve -souris y fut montée en 1944, pour abuser les représentants de la croix rouge à qui les nazis, experts en manipulation, firent croire que ceux qui vivaient dans cette ancienne forteresse y menaient joyeuse vie. Kurt Gernon, cinéaste de grand talent se prêta au jeu. Il filma les "habitants" de Terezin vivant dans des conditions idylliques. Le film terminé et les membres de l'organisation humanitaire partis, il fut comme la majorité de ceux qu'il avait montré profitant d'excellentes conditions de vie, envoyé dans les chambres à gaz d'Auschwitz. Le spectacle chatoyant était en fait une danse de spectres. Ce qu'un acteur à l'ouverture du 3e acte dit sur un ton inutilement larmoyant. C'est là la seule réserve qu'inspire cette représentation pour laquelle Anaïs Romand, plus habituée à mettre son remarquable métier au service du cinéma que de la scène, à conçue des costumes d'une exceptionnelle beauté.

 

Jusqu'au 23 mars MC93 Bobigny tél 01 41 60 72 72 En collaboration avec l'Opéra national de Paris.

 

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February 13, 2019 8:19 PM
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Fanny et Alexandre, un conte de Noël pour acteurs enjoués et ogre féroce

Fanny et Alexandre, un conte de Noël pour acteurs enjoués et ogre féroce | Revue de presse théâtre | Scoop.it



Par Armelle Héliot dans Le Figaro  le 13/02/2019 

Julie Deliquet réussit la transposition sur scène du très grand film d'Ingmar Bergman en superposant la troupe de la Comédie-Française et la famille Ekdahl, de joie à cauchemar. Formidable!

Est-ce Oscar Ekdahl qui surgit devant nous, costumé en saint Joseph, et nous demande un peu d'attention? Ou est-ce plutôt Denis Podalydès, l'un des plus prestigieux sociétaires de la Comédie-Française, qui s'adresse à nous, qui nous dit: «Cher public»?

D'entrée la très intelligente Julie Deliquet installe l'ambiguïté sur laquelle elle établit solidement le formidable spectacle dont elle signe l'adaptation. Elle a compris que pour porter à la scène ce chef-d'œuvre de film qu'est Fanny et Alexandre, qu'Ingmar Bergman, rappelons-le, avait pensé comme son œuvre ultime, en 1982, il fallait qu'elle s'appuie sur le fait que les personnages évoqués appartiennent presque tous au monde du théâtre, que le théâtre même est l'un des «personnages» les plus importants du roman-scénario et du film composés par le cinéaste suédois, comme de la version longue construite pour la télévision.

L'épouvantable Vergerus
Et que c'est au cœur de la plus prestigieuse troupe qui soit qu'elle travaille, dans un décor d'Éric Ruf, qui lui-même s'appuie sur une superposition d'éléments d'autres spectacles…

Ce glissement perpétuel d'un monde à l'autre, du passé des Ekdahl au présent des acteurs de la Comédie-Française, comme si deux feuilles glissaient l'une sur l'autre, coïncidant ou donnant des dessins un peu troubles, ne joue plus, évidemment, lorsque l'on se retrouve dans l'antre de l'ogre et de sa sorcière de sœur, l'Évêque Edvard Vergerus et Henrietta, après l'entracte.

Julie Deliquet, Florence Seyvos, Julie André, qui signent la «pièce» construite en trois actes - la fête de Noël, le cauchemar, le retour à la vie, c'est-à-dire au théâtre -, ont dû abandonner le fil le plus important du récit d'Ingmar Bergman: Fanny et Alexandre ne sont pas des enfants. Ce n'est pas exactement par leur regard que l'on suit les événements.

La composition d'Anne Kessler en vieille petite fille aux lunettes sombres est saisissante et glace le sang

Pourtant la grâce de Rebecca Marder et la sincérité vulnérable de Jean Chevalier nous touchent. Fanny est un peu en retrait dans cette version, mais Alexandre est très présent, qu'il subisse l'atroce férocité de son beau-père, qu'il écoute les vivants et les fantômes ou qu'il se tienne dans un coin du plateau, témoin fragile et déchiré.

C'est Thierry Hancisse qui interprète l'épouvantable et torturé Vergerus. On lit sur son visage et dans sa manière de se tenir, de bouger, de parler, les cruelles contradictions de cet être hanté par le mal. Un travail admirable. La composition d'Anne Kessler en vieille petite fille aux lunettes sombres est saisissante et glace le sang.

Pour les autres, la joie, la fête, l'excès, l'effervescence, la vitalité, le chagrin aussi et même le malheur sont le quotidien de vies qui ont, on l'a dit, presque toutes à voir avec le théâtre. Sauf l'antiquaire juif, Isak Jacobi, le fin Gilles David, et son neveu Aron, le très bon Noam Morgensztern, qui possède l'art d'imposer un personnage en très peu de scènes.

Tout commence après la représentation de Noël. Une très longue scène, un premier acte très développé (1h15) par rapport aux deux autres, mais on accepte ce déséquilibre. Une fête joyeuse, bruyante, avec ses cris, ses rires, ses bouchons de champagne qui sautent, une scène d'exposition qui permet aux spectateurs de repérer les protagonistes. Dominique Blanc, somptueuse Helena, ancienne comédienne, mère d'Oscar, le directeur du théâtre - Denis Podalydès, comme toujours remarquable ; mère aussi de Gustav, gourmand et libidineux, qui tient le restaurant - Hervé Pierre, épatant -, et de Carl, professeur sérieux et non dénué de fantaisie - magistral Laurent Stocker. Les épouses, Emilie, la déchirante Elsa Lepoivre, qui après la mort d'Oscar se retrouve dans les griffes de l'ogre, Alma, l'aiguë Florence Viala qui accepte les frasques de Gustav et protège Maj, préceptrice et maîtresse, interprétée par Julie Sicard. Femme de Carl, Lydia, avec son fort accent allemand, chante, accepte d'être maltraitée. Véronique Vella est irrésistible.

Dans les petits rôles, des stars: Anna Cervinka dans l'ambiguïté de Justina et Cécile Brune, Ester, celle qui compte les années qu'elle a passées chez Helena comme si cette belle sociétaire devait désormais compter les années qu'elle aura passées au Français… Le réel rejoint la fiction. Julie Deliquet, magicienne, fait naître la vie même.

Fanny et Alexandre , Comédie-Française, (Paris Ier), en alternance jusqu'au 16 juin. À 20h30 ou 14 heures. Durée: 2h45 entracte compris. Tél.: 01.44.58.15.15.

 

Légende photo : Thierry Hancisse, Elsa Lepoivre, Rebecca Marder et Jean Chevalier dans «Fanny et Alexandre», le 29 janvier, à la Comédie-Française, à Paris. - Crédits photo : Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

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February 8, 2019 10:46 AM
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Centre dramatique national recherche directrice

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Jeanne Ferney dans La Croix  , le 07/02/2019

Plusieurs Centres dramatiques nationaux changent de main en 2019. Le ministère de la culture veut profiter de ce « mercato » pour rajeunir et surtout féminiser les postes de direction.
À la Comédie de l’Est, à Colmar, Émilie Capliez officie en binôme avec Matthieu Cruciani

La féminisation des Centres dramatiques Nationaux (CDN), fleurons de la décentralisation théâtrale, va-t-elle franchir une nouvelle étape en 2019 ? Alors qu’une partie de ces 38 structures de création et de production émaillant le territoire changent de direction cette année, les nominations de femmes se multiplient. Comédiennes, metteuses en scène ou les deux, elles ont aussi la particularité d’être souvent plus jeunes que leurs prédécesseurs.

Le 1er janvier 2019, Chloé Dabert a ainsi pris la suite de Ludovic Lagarde à la Comédie de Reims, quand Lucie Bérélowitsch a succédé à Pauline Sales et Vincent Garanger au CDN de Vire. À la Comédie de l’Est, à Colmar, Émilie Capliez officie en binôme avec Matthieu Cruciani, tout comme Nathalie Garraud, alliée depuis un an à Olivier Saccomano pour piloter le Théâtre des 13 vents, à Montpellier.

Appel aux candidatures féminines pour le TNP

Cinq autres recrutements sont en cours, qui s’achèveront entre la fin du mois de février et le début du mois de mars. Ils concernent le Quai à Angers, le Théâtre National de Nice, le Nest à Thionville, la Comédie de Valence ainsi que l’emblématique Théâtre National Populaire (TNP), à Villeurbanne, dont Christian Schiaretti assure la direction depuis 2002. Bien que cet établissement ait reçu de nombreuses candidatures, le ministère de la culture, en accord avec les tutelles locales, a décidé de prolonger la période de recrutement.

En cause ? Le manque de postulantes, comme l’explique le président de l’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN), Robin Renucci, dans un communiqué publié le mercredi 6 février : « En cette période où les femmes, 13 ans après le premier rapport Reine Prat qui pointait les inégalités effarantes dans tous les secteurs de l’art et de la culture, continuent à subir des injustices et des iniquités liées à leur genre (…), cette prorogation est un geste symboliquement fort qui met en avant le souci premier de la démocratie. »

« Cette décision n’amoindrit en rien la valeur des premières candidatures [...], précise-t-il, mais elle met en évidence le chemin qu’il reste à parcourir pour que celles et ceux qui s’en sentiraient a priori exclu.e.s puissent se permettre d’envisager, en toute légitimité, une candidature à la direction de ces maisons. »
Les théâtres franciliens s’engagent vers la parité hommes/femmes


Un pas vers la parité

Jusqu’en 2014, année d’une série de départs et d’arrivées à la tête des Centres dramatiques nationaux, seulement deux femmes en tenaient les rênes  : Macha Makeïeff à La Criée, à Marseille, et Agnès Sajaloli au Grand Bleu, à Lille. Un pas vers la parité avait alors été fait, avec la nomination de plusieurs directrices : Marie-José Malis à la Commune d’Aubervilliers (en remplacement de Didier Bezace, en place depuis 15 ans), Catherine Marnas au Théâtre national de Bordeaux Aquitaine (après Dominique Pitoiset, aux commandes depuis 1997) ou encore Irina Brook au Théâtre National de Nice (en lieu et place de Daniel Benoin, en poste depuis 2002).

Selon Robin Renucci, la décision d’allonger le délai de candidature pour le TNP de Villeurbanne confirme la volonté des pouvoirs publics de poursuivre « une ligne politique promouvant l’égalité et la représentation de toutes et de tous dans ces outils de la république et de la décentralisation que sont les Centres dramatiques nationaux. »
Jeanne Ferney

 

Légende photo :

À la Comédie de l’Est, à Colmar, Émilie Capliez officie en binôme avec Matthieu Cruciani / Comédie de l’Est

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January 31, 2019 6:41 PM
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Guerre d’Algérie : mettre en scène l’impossible oubli de la mémoire 

Guerre d’Algérie : mettre en scène l’impossible oubli de la mémoire  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan - 30.01.2019

 

Margaux Eskenazi et Alice Carré d’un côté et Julie Bertin et Jade Herbulot de l’autre abordent sur scène le même sujet : la guerre d’Algérie. Là-bas et ici, hier et aujourd’hui. Les unes proposent une riche mosaïque de situations activant les contradictions, les autres restent en surplomb dans la sphère du pouvoir avant d’effleurer leur sujet lors d’un mariage.


« La perception qui se dégage actuellement est celle de la sortie de l’oubli », écrivait Benjamin Stora dans son Histoire de la guerre d’Algérie 1954-1962, ouvrage paru il y a quinze ans aux éditions de la Découverte.
Nées après...

Une « sortie de l’oubli », d’une part par « la recherche de la mémoire » et, d’autre part, par l’arrivée d’une « nouvelle génération de chercheurs, non directement engagés dans les combats de l’époque ». C’est le cas d’historiennes comme Sylvie Thénault ou Raphaëlle Branche qui ont publié des ouvrages sur les tribunaux d’exceptions, les tortures, la violence ordinaire au temps de la colonisation et de la guerre d’Algérie, des ouvrages qui font autorité. Ensemble, elles ont codirigé La France en guerre, 1954-1962 : Expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance algérienne (Autrement, 2008).

Aujourd’hui, ce travail de mémoire se poursuit et le théâtre s’y emploie aussi, fort de ces travaux d’historiens, mais pas seulement. Deux spectacles créés en ce mois de janvier et cependant très éloignés l’un de l’autre, s’appuient sur différents travaux dont ceux de Benjamin Stora et sont écrits et mis en scène par des femmes qui, comme les historiennes citées plus haut, sont trop jeunes pour avoir vécu les « événements » d’Algérie, le terme de « guerre » n’ayant été admis que tardivement, tant cette histoire charrie de refoulés. Deux spectacles, soit :

- J’ai la douleur du peuple effrayante au fond du crâne conçu, monté et écrit par Margaux Eskenazi et Alice Carré et mis en scène par la première (compagnie Nova), c’est le deuxième volet d’un diptyque « Ecrire en pays dominé » après Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre (lire ici).

- Les Oubliés Alger-Paris, écrit et mis en scène par Julie Bertin et Jade Herbulot (Birgit ensemble) poursuivant leur démarche d’un théâtre qui « interroge les liens entre faits historiques et choix politiques » entamé avec Berliner Mauer et poursuivi par Memories of Sarajevo et Dans les ruines d’Athènes .

Le chant profond

Le titre du spectacle mis en scène par Margaux Eskenazi, est emprunté au grand poète et dramaturge algérien écrivant en français, Kateb Yacine : « Persuasif et tremblant/ J’erre au bord de la grotte/ Vers la limpide imploration/ Point de soleil encore/ Mais de légers nuages/ Des oiseaux gémissants/ J’ai la douceur du peuple/ Effrayante/ Au fond du crâne/ Et le cœur fume encore/ L’hiver est pour demain ». L’un des personnages du spectacle connaît par cœur ce poème, comme un baume qui apaise une vieille plaie.

Kateb Yacine est au cœur de la quatrième séquence du spectacle (qui en compte quinze) relatant un moment extraordinaire de tensions : la création à Bruxelles le 25 novembre 1958 de sa pièce Le Cadavre encerclé dans une mise scène de Jean-Marie Serreau. Une lettre anonyme a été glissée sous la porte de ce dernier : « Le premier qui montera sur scène ce soir sera descendu. » Kateb Yacine dit avoir commencé cette pièce au lendemain des massacres de Sétif (par l’armée française), épisode évoqué dans la première pièce de Lazare, Passé – je ne sais où, qui revient (lire ici).

C’est Edouard Glissant qui doit le premier entrer sur la scène pour présenter la pièce et son auteur. Il entrera sur scène et, non sans émotion sans doute, lira le texte qu’il tient entre les mains. Premiers mots : « Il y a des œuvres qui vont proprement au fond de notre époque, qui en constituent les racines inéluctables et qui, à la lettre, en dégagent le chant profond. » Magnifique texte que le spectacle reprend dans son entièreté. Personne ne tirera, la représentation aura lieu et le lendemain Kateb Yacine dédiera sa pièce à Edouard Glissant.

Auparavant, les trois premières séquences nous avaient emmenés successivement un soir de Noël 1955 à Blida avec des soldats du contingent et un de leurs officiers ; puis à Alger le 9 juin 1957, jour de l’attentat perpétré par le FLN au casino de la Corniche à Alger en plein concert (une autre séquence reviendra sur cet événement), sous la forme d’une séquence vidéo avec dialogue off d’une séduction d’approche entre deux hommes (l’un blanc, l’autre arabe) qui sortent juste avant l’explosion ; la troisième séquence nous transporte dans le quartier de la Goutte d’or à Paris en novembre 1958 où l’on assiste au recrutement d’un nouveau militant, Brahim, par deux membres du FLN.

Du porteur de valises au harki

Ces séquences et celles qui suivront (camp de harkis, porteuse de valises pour le FLN, match France-Algérie au Stade de France en 2001, tournage du film de Pontecorvo La Bataille d’Alger en 1965, procès intenté en décembre 1961 à Jérôme Lindon, le directeur des Editions de Minuit pour avoir publié Le Déserteur, ouvrage vite interdit, etc.) constituent un spectacle mosaïque qui traverse la guerre d’Algérie, en France et en Algérie, depuis les événements et jusqu’aujourd’hui. Un énorme travail de préparation a été nécessaire, assorti d’une collecte de témoignages sur plusieurs générations dans des familles de militants du FLN algériens ou français, de harkis, de pieds-noirs, etc. Et ensuite un travail au plateau, tressage des séquences écrites. On retrouvera Brahim plusieurs fois, en particulier dans un bar à Oran en 1972 où il est retourné après l’indépendance après avoir milité en France et protégé Kateb Yacine à Bruxelles. Il boit, il est désabusé. « Il n’y a plus d’idéaux, il n’y a plus de communisme, tous les militants sincères se sont fait buter ou torturer. » Cette scène, on peut penser que c’est le fils de Brahim qui l’a racontée à Margaux Eskenazi et Alice Carré. Lui a toujours vécu en France « avec la rage contre la France » et il découvre que sa famille « avait la rage contre l’Algérie ».




En écho à la première séquence du spectacle, la dixième séquence se passe à Saint-Etienne en avril 1992, les ex-soldats de Blida se retrouvent pour fêter les trente ans de la fin de la guerre d’Algérie. L’un de ces hommes est une femme : la veuve de l’un des leurs, tué là-bas. Affrontement de points de vue. Gérard voudrait que chacun reverse sa pension d’ancien combattant pour construire une école à Annaba, il est resté en lien avec le directeur de l’école. Francis proteste : « Mais on l’a méritée, notre pension ! Pourquoi on ferait ça ? Ils l’ont eue, leur indépendance, maintenant qu’on les laisse ! »
Autre affrontement : celui qui oppose le père et le fils au soir du fameux match France-Algérie au stade de France en 2001. Le fils né en France qui n’est jamais allé en Algérie est descendu sur le terrain comme d’autres, a crié « Nique la France » et s’est dit « fier d’être algérien ». Son père Amine le rabroue, lui donne en exemple ses sœurs. Le fils se rebiffe : « Mes sœurs, elles parlent arabe, tu leur as appris. Et moi, je répète des mots que je ne comprends même pas. Tu m’as coupé de tout. » Jusqu’à lui donner un prénom français, Olivier, qui fait rire les copains de la cité.

On le voit, ce spectacle va loin et finement par son jeu d’introspections multiples. Il ne verse jamais dans la simplification, ni la démonstration. Même s’il restait encore quelques scories explicatives ici et là le soir de la première, la plupart des scènes sont d’une grande force scénique. C’est aussi que les acteurs ont été partie prenante de l’aventure depuis le début. Ils savent de quoi ils parlent, ils ont beaucoup enquêté, lu, discuté, improvisé, ils ont beaucoup interrogé leurs amis, leurs proches ; cette histoire, c’est souvent la leur. Il faut tous les citer : Armelle Abibou, Elissa Alloula, Malek Lamraoui, Yannick Morzelle, Raphael Naasz, Christophe Ntakabanyura et Eva Rami.

Pour finir, je m’en voudrais de ne pas évoquer une séquence qui résume bien l’esprit noueux du spectacle. Cela se passe sur un banc à Mantes-la-Jolie en 1997 – le spectacle a été répété et créé au Collectif 12 et la ville a été l’un des terrains d’enquête (individus, associations). Amine (le père d’Olivier) discute avec Ahmed sur un banc. Le premier a fait le maquis, le second a été harki. Ils sont venus en France l’un et l’autre, ont travaillé toute leur vie en usine. Amine pourrait retourner en Algérie, contrairement au harki Ahmed qui dit se sentir apatride. Ils sont vieux, un peu tristes. « Au fond, pour tous les deux, le pays nous manque », dit Amine. « Ah ça », réplique Ahmed. Mais ils ne bougent pas. Comme des héros de Beckett.

Le bureau de De Gaulle

Tout autre ambiance au Théâtre du Vieux Colombier où Julie Bertin et Jade Herbulot dirigent les acteurs de la Comédie-Française. Le public est dans un dispositif bi-frontal déjà utilisé avec efficacité et succès par Julie Deliquet et quelques autres. Leur spectacle Les Oubliés Alger-Paris est lui aussi construit à partir de deux pôles. D’une part, le bureau du Général de Gaulle, revenu au pouvoir en 1958 après avoir imposé une nouvelle constitution (celle de la Ve république), quatre ans après les débuts de la guerre en Algérie. Et d’autre part, une salle de mariage de la mairie du XVIIe arrondissement de Paris aujourd’hui où vont se marier Alice Legendre et Karim Bakri.

Les faits historiques évoqués dans le bureau du Général de Gaulle sont connus, ce dernier (première bête politique télévisuelle) s’est adressé aux Français à la télévision, et les faits ont été maintes fois commentés, tel le « Je vous ai compris » prononcé à Alger puis l’intrusion de la notion d’autodétermination conduisant à l’indépendance, le sentiment de trahison de l’armée et des pieds-noirs, les barricades, le putsch des généraux en 1961 et ce qui s’ensuivra. Pas simple d’incarner non seulement De Gaulle mais son corps, sa voix. Avec son coffre et sa prestance, Bruno Raffaelli fait ce qu’il peut mais c’est mission impossible. L’Histoire s’éloigne devant la réduction forcément sommaire, voire la caricature, sans compter des effets de théâtre faciles : Yvonne de Gaulle venant faire un rapide tour de piste. A quoi bon ?

Les acteurs qui avaient joués ces scènes reviennent en incarnant d’autres personnages soixante-dix ans plus tard. Bruno Raffaelli devient le père de la mariée, celui qui, après la cérémonie, va demander à son gendre s’il s’apprête à « retourner » dans « son pays ». Sauf que le pays du gendre que vient d’épouser une Legendre, c’est la France. Sa mère, ancienne porteuse de valises (Françoise Lebrun), a épousé un Algérien nommé Bakri, son fils Karim est né français et a toujours vécu en France. Les deux metteuses en scène disent avoir été inspirées par « le vécu » de l’acteur Nâzim Boudjenah qui interprète le rôle de Karim. Son père, membre du Parti communiste algérien, a dû quitter son pays après l’indépendance, à l’instar du Brahim de l’autre spectacle.Tout cela reste trop en filigrane. Peu à peu, des pans enfouis vont resurgir, mais c’est bien trop poussif ou téléphoné. On comprend, évidemment, que du côté du père de la mariée, on était partisan de l’Algérie française et qu’on a sans doute fricoté avec l’OAS. Placée dans cette contradiction, entre son père et son mari, la jeune mariée (Pauline Clément) préfère fuir le repas de mariage. Elle reviendra. Cette partie tient un peu mieux la route mais la timide introspection s’efface devant des numéros d’acteurs. A force de danser d’un pied sur l’autre, ce spectacle reste bancal et par trop simpliste. Qu’en aurait pensé Kateb Yacine ?

J’ai la douceur du peuple effrayante au fond du crâne, ce soir au Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas ; le 7 fév au Théâtre de Longjumeau ; le 15 fév au Studio-Théâtre de Stains ; en juin au Festival Onze Bouge à Paris ; en juillet au festival Off d’Avignon. Suite en automne.

La première partie du diptyque continue de tourner : le 5 avril au Théâtre de Yerres, le 12 avril au Studio-Théâtre de Stains, le 18 avril au Théâtre du Blanc-Mesnil, le 10 mai à la Grange Dimière à Fresnes, les 23 et 24 au Théâtre Roublot à Fontenay-sous-bois, en juillet au festival Off d’Avignon.

Les Oubliés Alger-Paris, au Théâtre du Vieux Colombier jusqu’au 10 mars.

 

Légende photo Scène de "J'ai la douleur du peuple effrayante au fond du crâne" © Loïc Nys

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January 11, 2019 11:04 AM
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Fanny et Alexandre en février 2019 : Bergman entre au répertoire de la Comédie-Française

Fanny et Alexandre en février 2019 : Bergman entre au répertoire de la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Entretien avec Julie Deliquet, propos recueillis par Laurent Mulheisen pour le site de la Comédie-Française  janvier 2019

Photo © Brigitte Enguérand

À l’ évocation du nom Fanny et Alexandre, le public français pense immédiatement au film testament d’Ingmar Bergman. Cependant, votre adaptation ne se base pas uniquement sur ce dernier…

Julie Deliquet. Comme pour beaucoup de monde, Fanny et Alexandre a d’ abord été pour moi, effectivement, un film, avant que j’ apprenne que celui-ci avait été précédé par une série télévisée, elle-même basée sur un roman de Bergman. En me plongeant dans ce roman, j’ ai découvert toute une matière textuelle dans les dialogues qui n’ existait pas dans le film ; elle avait même été enrichie pour les besoins de la série. Il nous a alors semblé pertinent, à Florence Seyvos, Julie André et moi-même, de partir de ces trois matériaux pour établir notre version scénique. Dans le roman on trouve de longues descriptions devenues de longs plans-séquences dans le film ; les dialogues en sont quasiment absents. Dans ces moments-là nous avons emprunté aux dialogues inédits à la série télévisée qui étaient destinés à des scènes au développement plus lent que dans le film.

Votre adaptation souhaitait aussi tenir compte du lieu qui accueille votre spectacle…

Les lieux, dans le film et plus encore dans le roman, sont multiples. En décidant de faire une adaptation scénique, il nous fallait trouver un fil pour que cette histoire puisse être racontée sur une scène de théâtre.

Il n’ était pas question de rivaliser avec la beauté des images de cinéma ou des descriptions du roman en signant une transposition de plus ; il nous fallait donc trouver un autre biais, un autre abri pour notre adaptation. Or, il y a ce théâtre des Ekdahl et ce théâtre de la Comédie-Française avec, dans un cas comme dans l’autre, une troupe permanente ; c ’est donc ce fil que nous avons choisi. Ce faisant, il nous a fallu renoncer à certaines scènes que nous aimions beaucoup, car elles ne « rentraient plus » dans le théâtre. En revanche, nous avons pu en garder certaines autres que Bergman avait coupées en transformant la série télévisée en film.


Votre fil met ainsi en avant ce que Bergman raconte du théâtre, d’une famille de théâtre.

Fanny et Alexandre est l ’œuvre d’un vieux monsieur qui s’ exprime à travers les yeux d’un enfant, Alexandre. Comme je ne suis pas un vieux monsieur, ni un garçon, il me fallait trouver comment, à partir des mêmes problématiques, j’allais pouvoir être une « sorte d’ Alexandre ». J'ai choisi de faire du frère et de la sœur des adolescents, porteurs de cette révolte et de cette insolence qui a, entre autres, permis à de jeunes gens de bousculer les codes théâtraux au sein de l’institution ces dernières années. Alexandre et Fanny représentent pour moi cette nouvelle génération entrée récemment dans la troupe de la Comédie-Française, que je confronte à des acteurs à la carrière plus affirmée, plus puissante, soit au sein-même de cette institution, soit ailleurs, à d’autres moments. J’ observe alors comment ces acteurs « font ensemble », consciente de voir ce théâtre à l’italienne qu’ est la Salle Richelieu avec le regard neuf d’une Fanny ou d’un Alexandre, puisque c’ est la première fois que je travaille dans un tel contexte.

Je m’amuse du fait de scruter la Troupe « de l’intérieur » tout en la fantasmant. J’ai envie de parler de cela, de mon expérience à moi ; mon regard ne peut évidemment pas être celui de Bergman – de l ’enfant sous la table.



Il y a donc superposition entre la troupe des Ekdahl et celle de la Comédie-Française, mais aussi entre 1907 et aujourd’hui. Ces pôles sont en regard les uns des autres. Si l’histoire racontée est celle des Ekdahl en 1907, nous serons cependant, au début du spectacle, en 2019, avec les acteurs de la distribution, dans la Salle Richelieu. Sans volonté marquée d’anachronisme, un doute planera : ces acteurs qu’ on verra sur scène sont-ils déjà les personnages ou sont-ils les membres du Français, en proie à des doutes de théâtre ? Pensent-ils vraiment ce qu’ils sont train de dire sur leur métier ?

Le spectacle s’ organise en deux parties selon un procédé que l'on pourrait qualifier de « miroir inversé » : dans la première partie, on est au théâtre – dans le monde de l’illusion – mais l’action se déroule sur le « vrai » plateau de la Salle Richelieu. Mais dès l’instant où Emilie Ekdahl renonce au théâtre pour entrer dans la vie « réelle », on se retrouve dans un décor, c'est-à-dire dans du « faux »…

Le projet est véritablement construit dans ce va-et-vient entre ce réel et la fiction.

Dans mon travail d’investigation lors des répétitions, je suis tout autant obsédée par les acteurs de la Comédie-Française que par ceux du clan Ekdahl. De la même façon, je suis obsédée par la fiction que représente la deuxième partie – le passage à l’ évêché : les acteurs doivent y trouver la puissance de raconter une deuxième histoire, de « faire dans du faux » tout en veillant à ce que le public y croie totalement, alors qu’ils ont passé toute la première partie à lui expliquer, justement, qu’ on était au théâtre, avec tous ses codes et sa panoplie de décors à disposition. Il y a là une sorte de mise en abyme de la puissance du théâtre, mais c’ est bien ce dont parle Bergman : ce petit monde reflète-t-il le grand monde ? Les acteurs qui y travaillent œuvrent-ils pour le grand monde ou ne font-ils que s’ en protéger, ne le servant que lorsqu’il concerne leur personnage, leur rôle ? C’est toute la problématique d’Emilie qui, en voulant arrêter le théâtre, vit l’un de ses plus grands rôles de tragédienne, au sein même d’une nouvelle vie de fiction. Il était important pour moi que le parallèle entre la Comédie-Française et le théâtre des Ekdahl ne reste pas de l’ ordre de l’idée, et que l’arrivée du décor, dans la deuxième partie, rende compte de cette mise en abyme. Et puisqu’ on a dévoilé toutes les ficelles, tous les rouages, tous les artifices du théâtre dans la première partie, je n'ai pas l'impression de passer dans la deuxième, à un mode de représentation « classique » mais plutôt à l’ exploration d’un théâtre inédit pour moi. Ce que je veux montrer c’ est qu’à un moment donné, on a quand même besoin de « raconter une histoire », que c’ est pour cela aussi que l'on fait du théâtre. La matière de Bergman – par sa dimension psychanalytique et surréaliste parfois – autorise à aller jusqu’au bout d’une telle démarche artistique. Elle interroge la place des acteurs en tant qu’acteurs, et celle des metteurs en scène en tant que metteurs en scène. On peut passer par le costume d’ époque en prétendant que les acteurs sur scène sont en train de jouer une pièce, puis reculer dans le temps et situer l’action au début du vingtième siècle. C’est ce trajet-là qui fait que, contrairement à ce que l’ on pourrait penser, l’histoire est aussi jouissive et hypnotique même quand, à partir de la scène de l’ évêché, elle se « gâte ».

L’ histoire qui est racontée convoque des phénomènes magiques, paranormaux – au moment du sauvetage des enfants par exemple – ; des enfants qui croient aux fantômes tout en assistant au spectacle de la tragédie et du sauvetage de leur mère…

Les fantômes sont omniprésents au théâtre. En faire apparaître un n ’a rien de particulièrement surnaturel.

Oscar, fantôme dans la deuxième partie, interprète, dans la première, le spectre du père dans Hamlet ; il est d’ emblée un fantôme de théâtre. Notre difficulté était d’arriver à faire entrer dans le spectacle la magie et le surnaturel avec une puissance aussi moderne et folle que celle manifestées dans le roman et le film. Il s’agit bien d’une histoire de poupées russes : dans la première partie, les personnages jouent avec des fantômes de théâtre qui ne sont pas dangereux ; lorsqu’ils sont confrontés à de vrais fantômes, ils peuvent, à tout moment, pour s’ en émanciper, se dire qu’ au fond tout cela « n’ est que du théâtre ». Au bout d’un moment, on croit à tout, on ne sait plus si on est revenu au théâtre, si les personnages jouent une pièce, si l’ on est toujours dans la fiction. Le seul choix, alors, est d’ « y croire » et de rejoindre l’ œuvre sans plus se demander « comment tout cela est arrivé », car on ne le sait pas. C’est une plongée dans la perte des repères ; on ne sait plus ce qui est vrai ni ce qui est faux.

Vos mises en scène reposent sur la force du collectif, elles laissent aux acteurs une part d’improvisation. Comment ces deux aspects de votre travail s’ expriment-il ici ?

Le spectacle comporte des parties improvisées dans lesquelles j’ essaie de dégager certains parallèles, certaines provenances, certaines similitudes dans les doutes et les questionnements que peuvent avoir des acteurs du Français sur leur propre carrière.

Cette part d’improvisation ne se situe pas dans la partie « fictionnelle » de l’œuvre, celle de l’ évêché ; la matière y est telle qu ’elle leur donne déjà pas mal de travail. Elle se situe là où l’action flirte avec le réel. J’ai d’abord demandé aux acteurs de tourner de petits films dans « leur » Comédie-Française, dans des endroits que je ne connais pas, où je reste « spectatrice ». Je voulais voir comment ils allaient passer – eux qui sont tous compagnons de route depuis un temps plus ou moins long – d’un dialogue amical (dans une loge, sur le plateau vide, dans les coulisses ou encore à l’atelier costumes…) à un rapport de frères ou de partenaires dans Fanny et Alexandre, tel que Bergman le décrit.

Ce qui m’intéresse, au fond, c’ est de voir comment Bergman et la troupe de la Comédie-Française se rejoignent.

Et je ne veux pas que ce lien reste de l’ordre de l’ expérience de répétition, je souhaite qu’ on en retrouve les marqueurs dans le spectacle ; le public doit pouvoir s ’émouvoir de certaines paroles prononcées sans avoir à se demander si, à tel moment, l’ acteur s’ abrite derrière son rôle. Ce faisant, j’aimerais qu’il questionne sa démarche quand il va au théâtre. En demandant aux acteurs de dialoguer entre eux en puisant dans leurs « ressources naturelles », je cherche à provoquer une « vérité » du dialogue, et je ne veux rien abîmer, dans ces moments-là, du travail sur le théâtre, parce qu’il est au cœur de notre tâche dans Fanny et Alexandre. Si nous « singions » notre métier en « jouant » une répétition sur le plateau – laquelle serait forcément à mille lieues de ce qu’ est vraiment une répétition – tout le projet serait raté. L’hyper-matière du texte né des improvisations nous sert à aller vers Bergman.

Quand le réel rencontre la fiction, j’ éprouve comme une sensation de puissance et je me dis que tout ce que nous cherchons dans ce spectacle peut se continuer derrière le rideau avec de vraies personnes rejoignant notre décor, que la table du spectacle peut aussi servir de « vraie table » de festin. Cette sensation-là me trouble.

J ’ai envie que les spectateurs se disent qu’ils sont les premiers fantômes de la fiction, que nous leur offrons l’ envers du décor, exactement comme quand Fellini fait basculer sa caméra et donne à voir toute la machinerie de Cinecitta, avant de la faire repartir sur le plateau. Et quand elle repart, on y croit encore plus. À ce moment-là surgit quelque chose de l’ enfance, non pas d’une enfance nostalgique, mais d’une enfance qui aime jouer. Mon souhait est que le spectateur ait la sensation de vivre un moment privilégié, d ’ être voyeur, de voler quelque chose, comme Alexandre sous la table a le sentiment de voler un moment d’intimité de sa grand-mère, de fantasmer ce monde des Ekdahl qui gravite autour de lui.


À la fin de l’histoire, lorsque Emilie cesse d’être « prisonnière de sa fiction dans le monde réel » en échappant aux griffes de l’ évêque et qu’elle retourne au sein de la troupe de théâtre, on a l’impression que la boucle se boucle …

Tout au long de la pièce, quand on parle du théâtre, ce sont des acteurs de la Comédie-Française jouant des acteurs du clan Ekdahl qui le font. Or, dans la dernière allocution de la pièce, le « retour au théâtre d’Emilie » est évoqué par Gustav Adolf, un membre du clan Ekdahl qui n’ est pas acteur. On voit alors Hervé Pierre, acteur de la Comédie-Française, dire « Je vous parle de théâtre mais je ne suis pas acteur », et soudain c’est comme si la fiction avait gagné sur le plateau de la Salle Richelieu, comme si elle nous avait tellement avalés qu’un personnage pourrait dire « de toute façon, moi, je n ’en fais pas, du théâtre » et qu’ on y croie. Hervé Pierre est passé derrière Gustav Adolf.
L’ œuvre de Bergman et notre adaptation restent un hommage à la fiction, et non pas au réel.

La fiction en tant qu’elle augmente le réel.

Sans le réel, de toute façon, la fiction ne m’intéresse pas.
Julie Deliquet

Au clan des Ekdahl est opposé celui des Vergerus, champions du « monde tel qu’il est ». Or n’ y a-t-il pas, dans toute la perversité du comportement de l’ évêque, une grande part de représentation ?

Je pense que dans Fanny et Alexandre, le « théâtre » est bien plus fort chez les Vergerus que chez les Ekdahl, ne serait-ce que parce que leur espace est contraint. On a réduit la cage de scène, ils n’ ont plus que quelques accessoires à disposition là où les Ekdahl avaient une « boîte à jeu » énorme, et ils doivent jouer une fiction d’un bout à l’autre tout en passant en « deuxième partie ». Dès lors, tout est forcément exacerbé. Il y a soudain une puissance de vie qui décuple tous les sentiments ; on se retrouve dans une tragédie grecque à la suédoise, avec son rapport à la religion, au désir, à la création ; cette tragédie naît de toutes les contraintes qui vont peser sur Fanny et sur Alexandre – sur leurs corps d’adolescents. Face à l’interdit, l’insolence, la révolte et la sexualité poussent… Tout va être bien plus « osé » à l ’évêché. Le rapport de séduction et d’hypnose doit être tel, au début de cette histoire entre Emilie et l’ évêque, qu’au moment de sa chute on ait le sentiment de s ’être fait complètement avoir, tant le niveau de perversité atteint devient insoutenable. Mais pour cela, il ne faut pas annoncer la couleur immédiatement ; je construis ce début de deuxième partie de manière presque similaire à celui de la nuit de Noël pour que le spectateur se dise : « cela repart, on va avoir une nouvelle histoire. » La perversion à l’ œuvre dans cette partie tiendra davantage à la façon dont sera menée la chute qu’au jeu de Thierry Hancisse par exemple, qui restera attirant tout au long de son rôle d’Edvard. C’est lui qui détermine les règles du jeu et pour rien au monde il n’ arrêterait le spectacle. Il continue, même lorsqu’Emilie est partie. Il joue jusqu’au bout, jusqu’à sa perte. Il est comme un fou refusant de sortir de sa fiction. Il tient les ficelles de l’histoire, comme s’il jouait et mettait en scène sa propre forme. Edvard ne fait que provoquer du théâtre, mais pas celui qu’il aimerait voir représenté.

Au fond, je n’ ai pas l’impression que dans la deuxième partie, le théâtre s’arrête et qu’ on commence à « jouer une histoire ». C est presque encore plus fou de se dire qu’on va recommencer le théâtre.

Dans Fanny et Alexandre, le théâtre est partout : les Vergerus sont tout autant acteurs que les Ekdahl.


Dessin de répétitions © Anne Kessler
Photographie de répétitions © Brigitte Enguérand
Julie Deliquet © Samuel Kirszenbaum

Propos recueillis par Laurent Muhleisen, conseiller littéraire de la Comédie-Française, décembre 2018.

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January 8, 2019 7:45 PM
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La programmation de Théâtre en Mai 2019 à Dijon

La programmation de Théâtre en Mai 2019 à Dijon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Sceneweb le 8 janvier 2019

 

 

La programmation de Théâtre en Mai 2019 à Dijon


Temps fort dédié à la jeune création, rendez-vous essentiel dans le paysage théâtral français, Théâtre en mai fête sa 30e édition cette année. Aujourd’hui encore, son intuition originaire de la nécessité d’un temps et d’un lieu où puissent se produire, se rassembler et échanger les jeunes créateur.rice.s, en dehors de toute logique de compétition, fait sa force et sa singularité. Nombreuses sont les personnalités marquantes de notre paysage théâtral à être passées par Théâtre en mai au cours de ces trente ans. Pour cet anniversaire, Stéphane Braunschweig parrainera le festival. Présent lors de la première édition de Théâtre en mai en 1990 avec l’un de ses premiers spectacles, Tambours dans la nuit de Bertolt Brecht, Stéphane Braunschweig est depuis devenu un artiste majeur de la mise en scène française et européenne. Metteur en scène et scénographe au théâtre et à l’opéra, il a également dirigé les plus grandes institutions théâtrales, comme le Théâtre National de Strasbourg, La Colline – théâtre national ou l’Odéon-Théâtre de l’Europe, qu’il dirige depuis janvier 2016. À Dijon, il présentera sa dernière création L’École des femmes de Molière, dans une 30e édition qui accueillera notamment les créations de Sans Origines (titre provisoire) de Maëlle Poésy et Dernière ascension avant la plaine de Pauline Laidet.

L’ÉCOLE DES FEMMES [CRÉATION NOV 18] De Molière / Stéphane Braunschweig – Odéon – Théâtre de l’Europe
Du 23 au 26 mai 19

SANS ORIGINES (TITRE PROVISOIRE) [CRÉATION TEM 19] D’après Virgile / Maëlle Poésy – Cie Crossroad, associée au TDB
Du 31 mai au 2 juin 2019

DERNIÈRE ASCENSION AVANT LA PLAINE [CRÉATION TEM 19] De Myriam Boudenia / Pauline Laidet – Cie La Seconde Tigre
Du 25 au 27 mai 2019

QUE VIENNENT LES BARBARES [CRÉATION MARS 19] Myriam Marzouki / Cie du Dernier Soir
Du 27 au 29 mai 2019

A PARTÉ [CRÉATION JAN 19] Françoise Dô / Cie Bleus et Ardoise
Du 24 au 26 mai 2019

OÙ LA CHÈVRE EST ATTACHÉE, IL FAUT QU’ELLE BROUTE [CRÉATION NOV 18] Rebecca Chaillon
Du 30 mai au 1er juin

PERDU CONNAISSANCE [CRÉATION OCT 18] Adrien Béal, Fanny Descazeaux – Théâtre Déplié, associés au TDB
Les 1er et 2 juin 2019

LA BIBLE, VASTE ENTREPRISE DE COLONISATION D’UNE PLANÈTE HABITABLE [CRÉATION TEM 18] Céline Champinot – groupe LA gALERIE, associée au TDB
Les 24 et 25 mai

ATOMIC MAN De Julie Rosselo-Rochet / Lucie Rébéré / Cie La Maison
Du 30 mai au 1er juin 2019

HARLEM QUARTET D’après Just above my head de James Baldwin / Elise Vigier – Les Lucioles – Rennes
Du 28 au 30 mai 2019

BIJOUX DE PACOTILLLE Pauline Bureau / Cie La Part des Anges
Du 31 mai au 2 juin 2019

EN RÉALITÉS Alice Vannier / Cie Courir à la Catastrophe
Du 25 au 27 mai 2019

PRETO Marcio Abreu / Companhia Brasileira do Teatro
Les 28 et 29 mai 2019

FANTAISIES Carole Thibaut
(dates à déterminer) > Théâtre en mai – TDB, CDN

TRAVERSES [Maquette] Leyla-Claire Rabih
Le 1er juin

DIRE L’EXIL [Lecture de textes] Ousmane Doumbouya (Guinée), Farzaneh Haschemi (Iran-Afghanistan), Fabrice Kolonji Mbikayi (République démocratique du Congo), Mohamed Nour Wana (Soudan-Tchad-Lybie), Omar Haydar (Damas – Syrie)
Le 1er juin

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January 2, 2019 5:39 PM
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Isabelle Lafon s’attaque pour la première fois à Bérénice de Racine 

Isabelle Lafon s’attaque pour la première fois à Bérénice de Racine  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Isabelle Stibbe, publié dans La Terrasse le 19 décembre 2018 - N° 272

Après sa trilogie remarquée Les Insoumises, Isabelle Lafon s’attaque pour la première fois à un classique français. Sa création de Bérénice de Racine se distingue par une distribution atypique : un homme et quatre femmes.

Pourquoi avoir choisi Bérénice parmi toutes les pièces de Racine ?

Isabelle Lafon : Tout simplement parce que je l’aime beaucoup. Il y a dans cette pièce une simplicité d’action qui fait que le conflit, c’est la langue : se parler, faire dire quelque chose à quelqu’un… A ceux qui lui reprochent ce peu d’action, Racine écrit dans sa préface qu’« au contraire, toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien ». Et ce « rien » c’est quand même l’amour ! Je ne suis pas une spécialiste de Racine, je n’ai jamais monté un classique français, je suis même un peu intimidée car beaucoup ont dit de très belles choses sur ses pièces. Mais ce qui m’a déterminée, c’est la distribution. Je n’ai pas pensé : tel acteur va jouer Bérénice, tel autre Titus, etc. Il se trouve qu’avec Karyll Elgrichi, Pierre-Félix Gravière, Johanna Korthals Altes, Judith Périllat, nous formons une bande qui a longuement improvisé pour un spectacle qui sera joué en mai à La Colline : Vues lumière. J’ai pensé que ce serait faire justice à ce groupe que de se retrouver ensemble pour Bérénice. Je crois que partir ensemble sans savoir qui on allait jouer, c’était possible seulement avec cette pièce.

Pourquoi pensez-vous qu’une distribution classique n’aurait pas fonctionné pour vous ? C’était trop intimidant ? Il fallait trouver une autre forme de jeu ?

I.L. : J’ai vu la pièce montée par Grüber, Vitez, Célie Pauthe. Je ne dis pas que j’ai envie exprès de faire autre chose mais je ne serais pas à l’aise, intimement, dans une distribution dite classique. Que ce serait-il passé si nous avions été par exemple 4 hommes et 2 femmes ? Je ne sais pas. L’important, c’était plus le désir commun de cette pièce que la distribution. Mais c’est vrai que quand vous entendez une femme jouer Titus, forcément, tout à coup apparaît quelque chose d’autre sur le sens du texte. Je ne dirais pas que s’entend quelque chose de différent – ce serait trop pompeux – mais de plus complexe.

« CETTE PIÈCE EST DE LA PENSÉE OUVERTE. »


Comment avez-vous défini les rôles ?

I.L. : Ils se sont définis seulement récemment, au cours des répétitions. L’homme prend finalement le rôle d’Antiochus, celui qui s’infiltre partout, qui parle à la place des autres. Il y aura peut-être une deuxième Bérénice. J’ai dans l’idée que cette pièce, ce langage sont tellement puissants, qu’il faudra peut-être à un moment demander un relais. Il n’est pas possible de dire tout cela en allant jusqu’au bout.

Quel est pour vous le sens de la pièce ? Vous avez parlé du langage, de l’amour, mais la politique est aussi très présente. Peut-on isoler un élément ?

I.L. : C’est exactement cela : « est-ce qu’on peut isoler un élément ? » Tout se mêle. J’ai du mal à me dire : « Titus veut le pouvoir et décide de renoncer à Bérénice. » Il y a quelque chose de plus subtil que cela. Qu’est-ce qui se passe avec ces alexandrins ? Qui parle ? A qui ose-t-on parler ? A qui ne parle-t-on pas ? Qui pousse la parole ? C’est quand même l’histoire de quelqu’un (Antiochus) qui est amoureux de Bérénice, elle-même amoureuse de Titus. Et Titus, qui est amoureux de Bérénice, doit régner et ne peut pas le dire donc il va demander à Antiochus de le dire. Je pars de cela. Que pensent tous ces gens ? La pièce est de la pensée ouverte, exposée. J’espère qu’on entendra cela : la puissance et la fragilité du langage, le langage du pouvoir, le langage d’amour, le rien de la parole et le tout.

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe



A PROPOS DE L'ÉVÉNEMENT
Bérénice de Racine
du Jeudi 17 janvier 2019 au Dimanche 3 février 2019
Théâtre Gérard Philipe
59 boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint-Denis
Du lundi au samedi à 20h, sauf samedi 2 février à 18h, dimanche à 15h30, relâche le mardi. Tél. : 01 48 13 70 00. Durée estimée : 1h30.


Tournée : MC2 Grenoble, du 8 au 14 février 2019 ; Théâtre Firmin-Gémier/La Piscine, Châtenay-Malabry, du 20 au 21 février 2019.

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December 13, 2018 3:38 PM
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« Ce sera la justice fiscale, la justice sociale, la justice territoriale qui... » 

« Ce sera la justice fiscale, la justice sociale, la justice territoriale qui... »  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

ParJean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan  13.12.2018


Qui a dit ça ? Quel candidat à l’élection présidentielle lors d’un débat en tête-à-tête du second tour ? Emilie Rousset et Louise Hémon accompagnées par Emmanuelle Lafon et Laurent Poitrenaux signent un formidable spectacle explorant ce rituel télévisé de la Ve République.

Il est des jours où le calendrier ne manque pas d’ironie : alors que le Président Macron finissait à peine de parler lundi soir sur les chaînes de télévision, sur la grande scène du Théâtre de la Cité internationale, Rituel 4 : Le Grand Débat s’apprêtait à commencer.
« Je serai le Président de la justice »

Un spectacle filmé en direct qui allait se dérouler sur la grande scène du théâtre, entre deux acteurs, au sens large et précis du terme, de part et d’autre d’une table longue de trois mètres. Pas n’importe quel débat, ni n’importe quel rituel. Mais celui opposant les deux candidat.e.s étant arrivé.e.s en tête au premier tour des élections présidentielles, de 1974 (Giscard contre François Mitterrand) à 2017 (Emmanuel Macron contre Marine Le Pen), soit sept débats. C’est un rite télévisé relativement jeune, avec des règles voulues strictes en ces temps de contrôle (d’images, mais pas seulement) que le public du théâtre de la Cité internationale observe sur un écran et de visu depuis la grande salle.

Sur le plateau, les deux candidats à l’élection présidentielle. Seuls. Sans conseillers, sans journalistes. Face à face. En retrait, les cadreurs habillés de noir (un homme et une femme) et leurs caméras les filment selon un code, des cadrages établis à l’avance comme il est dit par la « directrice de la chaîne nationale » qui parle en voix off. Le tirage a voulu que ce soit le candidat assis au bout de la table à gauche qui parle en premier. Que dit-il ?

« Dimanche, les Français vont choisir leur prochain Président de la République – c’est une décision importante, grave – pour cinq ans. Et donc je dois dire ce soir quel président je serai si les Français m’accordent leur confiance. Je serai le président de la justice parce que nous traversons une crise grave, dure, qui frappe notamment les plus modestes, les plus travailleurs, ceux qui sont les plus exposés. Et donc je veux que la justice soit au cœur de toutes les décisions publiques. Les privilégiés auront été trop protégés, et donc ce sera la justice fiscale, la justice sociale, la justice territoriale qui inspirera mon action. Je serai aussi le président du redressement. La France a décroché. Le chômage est à un niveau historique. La compétitivité s’est dégradée. Et donc je veux être le président qui redressera la production, l’emploi, la croissance. Ce sera un effort très long et qui appellera la mobilisation de tous, de tous les acteurs, et c’est pourquoi je veux être aussi le président du rassemblement… »

Qui parle ? On a très vite envie de dire : peu importe. Car tous utilisent les mêmes formules, les mêmes mots de « justice », de « rassemblement », de « confiance », de « crise », de « chômage » ayant atteint « un niveau historique ». Quel candidat à la présidentielle n’a pas usé et abusé de ces mots censés être magiques mais qui nous apparaissent de plus en plus creux, fatigués, vidés de leur substance ? Et ce n’est certes pas Macron qui, quoi qu’il en ait dit, les rafraîchit.

Une joute entre deux corps, deux voix

Hormis le fameux « vous n’avez pas le monopole du cœur », avec intelligence, Emilie Rousset et Louise Hémon qui cosignent la conception et la mise en scène, n’ont pas cherché à produire un best of des moments croustillants qui ont émaillé les débats en tête-à-tête du second tour depuis qu’ils sont télévisés, ni à personnifier les face-à-face. N’ayant que partiellement des informations quant aux identités des débatteurs, au début on cherche à reconnaître qui parle (Giscard ? Sarkozy ? Mitterrand ? Marine Le Pen , Ségolène Royal ?) mais très vite, dans le tournis de la parole tournante, et des noms qui vont avec, on se perd, on se sait plus.

La joute entre deux corps, deux voix prend le dessus, comme un match de mots boxés. Esquives, uppercut, direct au foie, feintes. Les deux acteurs, ou plutôt : l’acteur et l’actrice interprétant les candidats, changeant de sexe comme d’arguments, n’imitant nullement les voix de leurs personnages, sont des experts en matière de jeu, et la soirée leur doit beaucoup. Elle, Emmanuelle Lafon, qui nous arrive lestée de sa fréquentation de l’Encyclopédie de la parole où elle est souvent en première ligne (ah, son Parlement, lire ici) et de ses travaux avec ses amies du collectif 71 dont elle est cofondatrice. Lui, Laurent Poitrenaux qui parle couramment l’Olivier Cadiot et qui a su comme personne faire vivre des pages du Journal de Jean-Luc Lagarce.

Le texte leur arrive dans des oreillettes et c’est un festin. Ils nous offrent à vue comme un strip-tease du langage et du corps politique propre à ce moment dramatique (puisque l’un des deux vaincra et l’autre sera terrassé par la défaite). Lafon et Poitrenaux mettent au jour les bêtes de scène que recèlent ces animaux politiques. Tous les moyens sont bons pour foudroyer l’adversaire, le déstabiliser et convaincre ceux qui écoutent, la ruse comme le mensonge, la saillie improvisée comme le coup bas préparé.

A la première intervention du « candidat », la « candidate » répond : « J’ai écouté, c’est assez classique, ce qu’il a dit. Moi, ce que j’attends du débat, c’est que tous ceux qui nous regardent puissent se faire une idée à la fin du débat. Il a dit qu’il serait un président extraordinaire si les Français le choisissaient et que par conséquent son prédécesseur, naturellement, n’était pas un bon président. C’est classique, c’est ce que l’on dit à chaque débat. Moi, je veux autre chose. Je veux que ce soir, ce soit un moment d’authenticité où chacun donne sa vérité et que les Français en liberté choisissent... »

Comme le mot « authenticité » sonne étrangement dans ce ring du faux-semblant, de l’effet, de la posture, de la fausse indignation, autant de mots et de techniques que le théâtre connaît par cœur. Astucieusement, le théâtre va petit à petit s’imposer. Les règles se dérèglent, les corps se laissent aller, la fin du spectacle – c’en est un, et de plus en plus – verse dans un succulent onirisme.

Ce Rituel 4 d’Emilie Rousset et Louise Hémon donne envie de voir les trois précédents qu’elles ont signés et qui portaient sur les rituels de l’anniversaire, du vote et du baptême de mer... A quand une rétrospective ?

Rituel 4 : Le Grand Débat, Théâtre de la Cité internationale dans le cadre du Festival d’automne, jeu et sam 19h, lun, mar, ven 21h, jusqu’au 15 décembre.

 

photo :  extrait de "Rtiuel 4: le grand débat" © Philippe Lebruman

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November 24, 2018 4:33 AM
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Louise Vignaud, le théâtre sans compromis

Louise Vignaud, le théâtre sans compromis | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Vincent Bouquet dans Sceneweb  23.11.2018

Photo Lorenzo Chiandotto

Après le succès rencontré par son « Phèdre », il y a quelques mois, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, la jeune metteuse en scène continue de creuser son sillon théâtral singulier avec « Rebbibia », récemment créé au TNP de Villeurbanne. Portrait d’une artiste déterminée qui, à bas bruit, construit sa place dans le paysage scénique français.

« Radicalité ». Le mot est lâché. Lorsqu’on l’interroge sur son leitmotiv théâtral, la voix de Louise Vignaud se fait soudain plus affirmée : « Le langage scénique que je développe repose sur une certaine radicalité, une absence de compromis intellectuel et un refus de toute mollesse mentale. Quand vous montez un spectacle, il ne faut jamais rien lâcher et aller au bout de ce que le texte et le plateau peuvent vous apporter. » Cette détermination, les spectateurs avaient pu l’apercevoir lors du « Phèdre » de Sénèque qu’elle avait donné la saison passée au Studio-Théâtre de la Comédie-Française. Armée d’un parti-pris tranché, la jeune metteuse en scène en avait aiguisé les arêtes les plus coupantes et livré un drame familial à cru.

Adepte du grand écart théâtral qui lui permet « de ne pas se figer dans un répertoire » – elle s’est déjà aventurée du côté de Feydeau (« Tailleur pour dames ») et de Pasolini (« Calderón »), de Molière (« Le Misanthrope ») et de Florence Aubenas (« Le Quai de Ouistreham »), de Koltès (« La Nuit juste avant les forêts ») et bientôt de Duras (« Agatha ») – cette jeune normalienne, de 29 ans à peine, avance au gré de ces coups de cœur qui, à la lecture, lui donnent des envies de plateau. « A posteriori, je me rends compte que tous les textes que j’ai choisis abordent, d’une façon ou d’une autre, la quête de liberté ou la quête de soi dans un monde social qui ne nous convient pas, détaille-t-elle. Dans « Calderón », Pasolini est à la recherche d’un espace de liberté au cœur de l’Espagne franquiste, les personnages de Feydeau veulent échapper à la mort grâce à un divertissement étourdissant, quand, dans « Le Misanthrope », Alceste se révolte contre le monde de la représentation dans lequel il vit. »

Un désir de liberté qu’elle a retrouvé dans « L’Université de Rebibbia », le roman autobiographique de Goliarda Sapienza qu’elle a récemment adapté au TNP de Villeurbanne. Récit des huit jours que l’autrice italienne a passés entre les murs de cette prison romaine à la suite d’un vol de bijoux, il révèle l’espace de liberté qui peut se créer au sein d’une société carcérale où, derrière la dureté du système, se cache une part d’humanité. Incarnée par cinq artistes de talent – Prune Beuchat, Magali Bonat, Nine de Montal, Pauline Vaubaillon, et Charlotte Villalonga – cette galerie de portraits de détenues hautes en couleur démontre, dans le droite lignée de son travail avec les « Stradivarius » de la Comédie-Française, toute la finesse de la direction d’acteurs de Louise Vignaud, capable d’emmener ses comédiens vers un naturalisme confondant de réalisme. « J’aime bien que les acteurs trouvent leur chemin pour parvenir à l’objectif commun que nous nous sommes fixés, explique-t-elle. Plus que des directives, je leur pose souvent beaucoup de questions. A eux, ensuite, d’y répondre avec leur corps et leur vie. Pour avoir des acteurs vivants, il est très important qu’ils puissent répondre par eux-mêmes. »

Cette méthode, qui mêle séances de lecture à la table, de plus en plus courtes, et expérimentations au plateau, de plus en plus longues, la directrice du Théâtre des Clochards Célestes l’a forgée en plusieurs étapes : en tant que spectatrice, d’abord, dans ces théâtres où elle se rendait souvent avec sa grand-mère et où elle a vécu de « grands chocs », comme le « Phèdre » mythique de Patrice Chéreau ou « La Rose et la hache » monté par Georges Lauvaudant au Théâtre de l’Odéon ; au lycée Louis-le-Grand, où, pendant six ans, prépa littéraire comprise, elle a monté une pièce chaque année au sein d’un club théâtre autogéré ; et, surtout, auprès de ces metteurs en scène qui, après ses études à l’ENSATT, ont pu lui transmettre leur savoir-faire au cours de multiples missions d’assistanat. « De Christian Schiaretti, je retiens l’art du travail à la table, de Richard Brunel, les variations de jeu qu’il propose à ses comédiens, de Michel Raskine, cette recherche constante d’efficacité, analyse-t-elle. Chez chacun d’eux, j’ai puisé les armes qui me servent aujourd’hui à développer mon propre langage. » Au vu de ses dernières créations, on peut affirmer, sans trop se risquer, qu’elle est sur la bonne voie.

Vincent BOUQUET – www.sceneweb.fr

Rebibbia
d’après L’Université de Rebibbia de Goliarda Sapienza
mise en scène Louise Vignaud
adaptation Louise Vignaud et Alison Cosson
écriture Alison Cosson

avec Prune Beuchat, Magali Bonat, Nine de Montal, Pauline Vaubaillon, Charlotte Villalonga

scénographie Irène Vignaud
vidéo Rohan Thomas
son Clément Rousseaux
costumes Cindy Lombardi
lumières Luc Michel

production Compagnie la Résolue
coproduction Théâtre National Populaire
Théâtre du Vellein, Villefontaine
Le Grand Angle, Voiron

Ce projet bénéficie de l’aide à la création de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes.
L’Université de Rebibbia est paru dans la traduction de Nathalie Castagné aux éditions Le Tripode.
Rebibbia se veut une adaptation libre de ce récit, elle n’engage que ses auteurs.

Avec le soutien de la SPEDIDAM
(La SPEDIDAM est une société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrées.)

Durée : 1h40 — Résidence de création
Petit théâtre, salle Jean-Bouise

TNP Villeurbanne
14 – 30 novembre 2018

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November 19, 2018 6:58 PM
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J’ai bien fait ? texte et mise en scène de Pauline Sales

J’ai bien fait ? texte et mise en scène de Pauline Sales | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Mireille Davidovici dans Théâtre du blog 19.11.2018

 

J’ai bien fait ? texte et mise en scène de Pauline Sales

Oui, Pauline Sales a bien fait d’interroger notre société à travers Valentine, une enseignante modèle aux prises avec son métier, son couple et ses enfants, un frère artiste, et des parents vieillissants. Et bien d’autres questions traitées ici avec humour et profondeur. Son écriture, aux aguets du monde tente « d’attraper quelque chose de notre temps.» «J’ai essayé, dit-elle, de partir d’un sentiment diffus que je pouvais ressentir aussi bien dans des rencontres de tous les jours, dans les lieux publics  où on laisse l’oreille ouverte, dans les journaux, à la radio … »

Valentine, venue de Normandie, fait donc irruption chez son frère, dans un appartement envahi par une installation artistique en cours. Désemparée, submergée par la complexité du monde, elle a abandonné ses élèves lors d’une sortie scolaire à Paris. On apprendra pourquoi à la fin du spectacle. Elle s’interroge : comment agir aujourd’hui face la crise économique et morale de notre société? En écho à ses doutes, on entend son frère, devenu à quarante ans, un artiste qui prend de l’âge, et donc  bouté hors du système mercantile de l’art contemporain. Puis Manhattan, une ancienne élève surdouée mais en rupture de ban cherchant sa voix dans une attitude zen et son mari généticien un peu allumé qui nous délivre une conférence sur l’ADN*. Selon lui, l’homme moderne (venu d’Afrique) a rencontré l’homme de Néanderthal, il y a deux mille ans et que nous sommes issus de ce mélange, portant à peu près 2,5 % des gènes de cette lignée disparue : « A mesure que nous voyageons dans l’espace et le temps, nous découvrons que les rameaux qui nous ont donné naissance se sont séparés, éloignés les uns  des autres(…) , se bouturant, fusionnant avant de se séparer à nouveau, et peut-être de se rejoindre encore, plus tard, ailleurs »…. Arguments imparables contre le racisme…

J’ai bien fait ?, outre la voix  des quatre protagonistes, interprétés avec justesse et distance par les  comédiens, fait aussi entendre celle des jeunes générations. Valentine nous rapporte le désarroi de ses élèves, et  la colère à fleur de peau de sa propre fille au soir des attentats du 13 novembre 2015 :  « «Elle m’a hurlé dessus : Moi, je risque de me faire tirer dessus à ma première bière ? Alors que je n’ai rien vécu de ce qui vaut la peine ? (…) Ils n’auraient pas pu choisir des vieux? Ils n’auraient pas pu vous choisir ? Vous avez eu de la chance. Vous avez eu beaucoup trop de chance, ta génération(… ). Vous n’avez connu aucune guerre. Vous avez vécu tranquilles …» J’ai bien fait ?  C’est le doute de Pauline Sales : «Et moi je ferais quoi, ça me ramène à quoi ?… un théâtre comme un outil immédiat de confrontation à soi-même» . Mais elle sait aussi nous faire rire de ça.

On ne peut rester insensible à ces préoccupations qui constituent l’ADN du XXI ème  siècle et que l’autrice partage avec un quatuor d’acteurs hors pair. Sa seconde mise en scène, après En Travaux est une réussite. Une heure quarante de plaisir théâtral. Ne perdons pas de vue Pauline Sales: en janvier prochain, elle  commence une résidence de six mois au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, pour écrire Quand tu es là, rien d’autre ne compte, un spectacle qui verra le jour en mai. Interprété  par la troupe éphémère dans une mise en scène de Jean Bellorini. Elle mettra en scène sa pièce jeune public Normalito, à l’invitation d’AM STRAM GRAM, théâtre pour l’enfance et la jeunesse, à Genève début 2020.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 16 décembre, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route de Champ de manœuvre.  T. : 01 43 28 36 36.

Le 8 janvier, Scènes du Jura, Dôle (Jura); le 11 janvier, Le Granit  à Belfort (Territoire de Belfort); le 15 janvier Théâtre Edwige Feuillère,Vesoul (Haute-Saône); le 18 janvier Quai des rêves, Lamballe (Côtes d’Armor);  22 janvier, Le Grand Logis, Bruz (Ile-et-Vilaine) ; le 24 janvier, Le Canal,  Redon  (Ile-et-Vilaine) ; le 29 janvier, Espace culturel Capellia, La Chapelle-sur-Erdre (Loire Atlantique). Le 5 février, Le Carré magique, Lanion (Côtes d’Armor) ; le 7 février, Centre culturel de Vitré (Ile-et-Vilaine) ; le 14 février, Scène nationale de l’Essone, Evry ; le 16 février, Maison du Théâtre et de la Danse, Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis); le 22 février ,Espace culturel Boris Vian, Les Ulis (Seine-Saint-Denis) . Le 7 mars, Théâtre du Cloître, Bellac (Haute-Vienne) ; du 12 au 14 mars, T.A.P.S., Strasbourg (Bas-Rhin); du 19 au 21 mars, le NEST-Centre Dramatique National transfrontalier de Thionville-Grand-Est (Moselle) ;le  22 mars, ACB-Scène nationale de Bar-le-Duc (Meuse); le 26 mars, Maison de la Culture de Nevers (Nièvre); les 28 et 29 mars, Théâtre  de Cesson-Sévigné (Ile-et-Vilaine) ; le 30 avril, Théâtre de l’Hôtel de Ville, Saint-Barthélemy-d’Anjou (Maine-et-Loire). Les 23 et 24 mai, Comédie de l’Est-Centre Dramatique National de Colmar (Haut-Rhin).

 

*Le texte de la conférence est tiré d’une intervention de Svante Pääbo, spécialiste de génétique évolutionniste , Les traces du Néanderthal qui est en nous,  à la conférence TED 2011. La pièce est publiée aux éditions des Solitaires Intempestifs

 

Photo :  Tristan Jeanne-Valès

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April 4, 2019 6:21 PM
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Fellini au Français, séance on tourne 

Fellini au Français, séance on tourne  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération du 5 avril 2019



A la Comédie-Française, la metteuse en scène Marie Rémond s’inspire d’un scénario mort-né du cinéaste italien. Et livre une création en forme de making-of, très ambitieuse quoique un peu fourre-tout.


Ces dernières années, les adaptations de films au théâtre se sont multipliées, laissant souvent un sentiment perplexe. L’avantage du Voyage de G. Mastorna est qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre de Fellini qui n’existe pas, qu’on ne connaît donc pas par cœur, et qu’on est heureux de découvrir ici, sous l’œil de Marie Rémond pour la troupe de la Comédie-Française. La metteuse en scène et actrice, qui créera aussi à l’Odéon en mai Cataract Valley, a un goût pour les spectacles qui montrent le travail en train de se faire, les doutes et les errements, l’attente, la peur du crash, le fiasco ou le miracle.

Il y a deux ans, elle avait monté avec Sébastien Pouderoux, jeune sociétaire à la Comédie-Française, Comme une pierre qui roule d’après la genèse de la chanson Like a Rolling Stone, et centrée sur le mythe de Dylan d’il y a cinquante-quatre ans, quand il commençait à s’électrifier.

Préparatifs.
Le Voyage de G. Mastorna s’attaque à un mythe en action ou plutôt en désaction, si le néologisme est autorisé. Un mythe non pas inerte, mais entravé par la perte du désir d’entreprendre son film et la difficulté d’interrompre un projet enclenché même si tout laisse présager que l’issue sera désastreuse. Ce mythe, c’est Fellini, dit ici «Féfé», interprété par Serge Bagdassarian. Lorsqu’il s’apprête à tourner le Voyage de G. Mastorna, Fellini a 45 ans. Huit et demi est sorti l’année d’avant et a été salué comme un chef-d’œuvre indépassable sur les tréfonds de la création. Fellini ne sait pas encore combien son film annonce le désastre du Voyage de G. Mastorna, dont il entame enfin les préparatifs, et qu’il interrompra la veille du premier jour de tournage pour cause de maladie mystérieuse. Le sujet du Voyage… ? Rien de moins que de rivaliser avec Dante en proposant une autre vision de l’enfer. On y voit un violoncelliste de réputation internationale qu’aurait interprété Marcello Mastroianni errer avec d’autres passagers après un accident d’avion, dans des limbes. Le personnage célèbre est dans l’incapacité de démontrer son identité.

Avec ce dernier spectacle, Marie Rémond, qui cosigne cette adaptation avec Thomas Quillardet et Aurélien Hamard-Padis, se charge donc d’une mission ultra-ambitieuse : endosser le projet fellinien, en montrant sur une scène de théâtre la spécificité du maître en train de travailler avec son acteur star, Marcello Mastroianni, mais aussi l’équipe appréhendant un film qui se dérobe et construisant des bribes de sa fiction. Ainsi voit-on la catastrophe aérienne, l’antichambre de l’enfer dans un motel, des passagers qui ne savent plus dans quel état ils sont - vivants ou morts - et dont témoigne le chaos dans lequel on plonge à la fin. A moins de disposer d’un an de répétitions et de réflexions, ou de choisir un contre-pied minimaliste, l’entreprise est risquée.

Tout se passe comme si Marie Rémond n’avait pas complètement décidé de l’angle de son spectacle, et qu’elle préférait tout embrasser. On est donc face à un millefeuilles qui multiplie les mises en abyme. La metteuse en scène a opté pour une disposition scénique bifrontale, où les spectateurs se voient en miroir, des deux côtés de la scène. Pourquoi pas, puisque l’une des définitions de l’enfer est l’impossibilité d’échapper au point de vue panoptique. Le bifrontal est d’autant plus pertinent lors des séquences qui exigent des figurants au fond du plateau. Les spectateurs les jouent malgré eux avec plaisir. La troupe du Français reconstitue à la perfection tous les gestes qui signent l’atmosphère d’un tournage - «Féfé», qui a tous les moyens pour son film pharaonique, a décidé de filmer les répétitions.

On rit aux plaisanteries fines du cinéaste, à ses caprices ou aux vexations qu’il distille lorsqu’il prétend par exemple que son film ne peut pas être en couleur parce que son acteur principal a les yeux rouges. On saisit la solitude du maître qui doit constamment trancher entre des propositions d’accessoires, et comment les membres de l’équipe entrent en rivalité pour lui plaire. L’assistante Liliana (Jennifer Decker) fait ce qu’elle peut pour lui obéir au doigt et à l’œil, tandis que la jeune actrice Giovanna (Georgia Scalliet) aimerait jouer «un être vivant» plutôt «qu’une surface de projection». Vraiment, tout est bien croqué et les deux actrices - l’une qui ne cesse de courir, et l’autre de ralentir dans l’espoir d’être bien en vue - sont formidables. On comprend que Marie Rémond a probablement demandé à Laurent Lafitte de ne pas se lancer dans une imitation de Mastroianni - qui, ici, a l’air d’un abruti. Et on perçoit tout à fait le problème quand l’un des techniciens (impeccable Yoann Gasiorowski) pique la vedette à la star pour lui montrer comment on tient un archet de violoncelle, devant le maestro qui le filme.

Sexistes.
Marie Rémond tire pédagogiquement les fils de sa brochure, si bien qu’on ne s’emmêle pas entre les différents niveaux de récit. Les petites remarques sexistes pleuvent comme il se doit dans les années 60 sur un tournage, et on regarde avec plaisir les préparatifs s’embourber, en dépit de la très belle tortue géante du décor, unique fantaisie qui signale qu’on est bien dans un film de Fellini. Tout va bien ? Pas tout à fait. Quelque chose tracasse le regard. De même que «Féfé» se plaint d’avoir perdu son personnage principal et de ne pas le dénicher dans le corps de Mastroianni, on peut avoir le sentiment d’avoir perdu Fellini - Serge Bagdassarian, qui joue le personnage de Féfé, n’est pas en cause. Qu’on soit familier ou pas de son univers, une folie manque qui emporterait le spectacle vers sa nécessité scénique.

Anne Diatkine


Le voyage de G. Mastorna d’après Federico Fellini mise en scène de Marie Rémond, au théâtre du Vieux-Colombier, 75006, jusqu’au 5 mai.

 

Légende photo : Federico Fellini (Serge Bagdassarian, au centre) filme la jeune actrice Giovanna (Georgia Scalliet) et Marcello Mastroianni (Laurent Lafitte, à droite). Photo Vincent Pontet 

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April 1, 2019 7:15 PM
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L’impossible « Voyage de G. Mastorna » suivi par Marie Rémond 

L’impossible « Voyage de G. Mastorna » suivi par Marie Rémond  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 01.04.2019

 

Cela devait être un film immense, extravagant, cosmique. Federico Fellini n'a jamais tourné "Le voyage de G. Mastorna", mais son scénario allait innerver ses films. Publié après sa mort, il nous sidère dès la lecture. Marie Rémond s’en inspire pour mettre en scène un metteur en scène qui doute, angoisse, fabule, entre dans sa fiction...Marie Rémond doute, elle aussi.

Rares sont les artistes de la scène qui, comme Marie Rémond, auraient eu l’idée et l’audace d’élaborer un spectacle fondé sur Le Voyage de G. Mastorna, un scénario monstrueux de Federico Fellini ; tout ce qui reste, et ce n’est pas rien, d’un film jamais tourné. On le sait, cette jeune actrice et metteuse en scène chérit les projets inattendus.
D’Agassi à Fellini

Je me rappelle l’avoir vue pour la première fois au Jeune théâtre national. Elle sortait du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris et signait une maquette très accomplie qui deviendrait son spectacle, André. Non une adaptation d’un roman ou d’un film mais une traversée d’Open, les mémoires du tennisman André Agassi. Elle jouait le rôle du champion, enfant, ado, adulte, les autres rôles (frère aîné, père, etc.) étaient tenus par deux de ses comparses, Sébastien Pouderoux et Clément Bresson. Souvenir mémorable que celui de cette découverte (lire ici).

En discutant dans les couloirs du JTN, elle m’avait expliqué avoir d’abord songé à travailler sur une pièce de Marivaux mais la découverte de ces mémoires d’Agassi avait tout bouleversé. André allait, par son succès, accélérer le cours de sa vie. Auparavant, elle avait déjà monté des pièces peu normatives comme Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce. Elle allait poursuivre dans cette veine avec Vers Wanda d’après le film de Barbara Loden (lire ici) menant parallèlement une belle carrière de comédienne auprès de metteurs en scène comme Jacques Vincey ou Thomas Quillardet.

A l’invitation d’Eric Ruf, elle est entrée à la Comédie-Française par la petite porte du Studio où elle signa Comme une pierre qui roule... avec la complicité de Sébastien Pouderoux, devenu entre-temps pensionnaire de la Comédie-Française. Un spectacle consacré à Bob Dylan, focalisé sur l’enregistrement d’un de ses titres phares (lire ici). Gros succès. Et la voici donc dans la seconde salle de la Comédie-Française, au Théâtre du Vieux Colombier où elle retrouve Thomas Quillardet qui cosigne avec elle et Aurélien Camard-Padis l’adaptation du scénario de Fellini. Mémoires d’un sportif, chroniques cinématographiques ou studio d’enregistrement musical, Marie Rémond aime prendre le théâtre de biais pour mieux en creuser la face.

De Mastorna à Mastroiani

Ecrit par Fellini en collaboration avec Dino Buzzati dit Brunello Rondi, Le Voyage de G. Mastorna a été traduit en français après sa publication en Italie. Fellini avait refusé que ce scénario soit publié de son vivant. Il n’est d’ailleurs pas tout à fait achevé : « que se passe-t-il ensuite ? Sincèrement, je ne le sais pas encore. », note Fellini dans les dernières pages. Des grands décors ont été construits, des acteurs recrutés, mais à la veille du tournage Fellini tombe mystérieusement malade. Superstitieux, il y voit un signe (vers la fin de sa vie, il consultait un mage, le spectacle en fait l’écho). Le film ne se fera pas mais des séquences du scénario ressurgiront, plus ou moins transformées, dans ses films futurs.

Comme le dit très justement Aldo Tassone en préfaçant l’édition du scénario : « Dès l’ouverture, le voyage est entièrement structuré comme un cauchemar fébrile, interminable. » L’ouverture, c’est celle de la chute d’un avion avec à son bord G. Mastorna, scène qui s’inspire d’un souvenir personnel de Fellini. Mastorna devait être joué par Marcello Mastroianni et le jeu à trois bandes entre le personnage, le réalisateur et son acteur est constant dans le scénario, comme il l’est dans son film 8 1/2. Très vite, on entre dans une ambiance kafkaïenne (Fellini adorait L’Amérique) : tracas de l’administration disant à Mastorna que son passeport n’est plus valable, rêves qui s’immiscent dans le réel. Le Latin Fellini pousse le bouchon plus loin : des morts s’accoquinent aux vivants, oui il y a une vie après la mort, etc. Un scénario cosmique et comique, démesuré. Fellini est comme dépassé lui-même par son extravagance, la puissance de ses visions.

Marie Rémond pioche des éléments du scénario et parfois des séquences entières. Elle les utilise pour mettre en scène le tournage de ces scènes par Fellini tenant une petite caméra, assis sur un fauteuil à roulettes poussée par le régisseur. Des travaux d’essai pour le film futur. Le résultat est double : d’un côté, le spectacle est une collection de petits moments plus ou moins réussis mais qui ont du mal à faire corps ; de l’autre, le scénario ronge et envahit le plateau trop petit, trop terre-à-terre pour le suivre dans sa folie.

Alors, faute de pièce, on s’attache aux personnages et aux acteurs qui les interprètent. Serge Bagdassarian, omniprésent, est un troublant Federico, plein de tourments et de visions. Il est bien entouré par Jennifer Decker (l’assistante de Federico), Jérémy Lopez (Rino, le régisseur, toujours la clope au bec, que l’on croirait sorti de Cineccitta des années 60), Laurent Lafitte comme ailleurs (Marcello Mastroianni auquel Federico reproche de ne pas faire corps avec son personnage de Mastorna). D’autres acteurs et actrices interprètent plusieurs personnages, telle Georgia Scalliet qui s’amuse beaucoup à passer d’une accorte hôtesse de l’air à une dindonne avec gros nibards et gros cul rose. C’est riche, plein d’idées et pourtant cela s’échappe tout le temps. Marie Rémond met au centre de son propos le doute qui assaille Fellini, son tourment à l’heure de mettre en scène un projet gigantesque. Montre comment un metteur en scène qui doute et passe de l’intuition à la dépression, de l’autorité à la fuite, de l’homme à l’enfant. Il se peut que Marie Rémond ait elle-même douté de son propre projet. Le soir de la première – c’est toujours fragile une première –, on doutait que son pari soit pleinement réussi.

De Yacine à Gabily

Par les temps qui courent, à la Comédie-Française comme ailleurs, les spectacles conçus à partir de films se multiplient. On ne compte plus ceux faits d’après Bergman, Lars Von Trier, Visconti, mais aussi, Renoir, Rohmer, Eustache, Godard et bien d’autres. Un symptôme, sans doute, mais de quoi ? Eric Ruf, soucieux avec raison de la parité des sexes quant au choix des metteurs en scène, semble aussi vouloir œuvrer à une pluralité des formes : adaptations de romans, de films, de documents, écriture de plateau, pièces anciennes ou nouvelles.

La notion d’auteur s’est justement étoilée, les travailleurs du texte sont plus que jamais à la manœuvre mais la Comédie-Française, ce temple du répertoire, semble les négliger. Au lieu de présenter un embrouillamini sur la guerre d’Algérie, n’aurait-il pas été plus judicieux de faire ressurgir une pièce comme Le Cadavre encerclé de Kateb Yacine ? Pourquoi la Comédie-Française ne commande-t-elle plus de pièces ? Pourquoi des auteurs, disons de Didier-Georges Gabily à Jean-René Lemoine n’y sont pas montés ? Mais assez bavardé, revenons à Fellini et à son scénario.

Evoquons, quasiment au hasard, une des folles séquences du scénario Le Voyage de G. Mastrona. Une séquence démentielle que Marie Rémond ne peut que mettre sous le tapis de son adaptation. Trop dingue, impossible. Mastorna et son ami Armandino sautent d’un train en marche et se retrouvent au plan suivant dans une rue où les enseignes lumineuses « forment des silhouettes de femmes nues, dansantes, des faces de clowns, d’animaux, de mages et de diables ». Dans la cohue de la boîte, Armandino entraîne Mastrona vers un type qui, à l’aide d’une étrange machine, convoque les absents et les disparus. A sa demande, Mastrona appelle Luisa, sa femme : « Luisa, je t’aime ». Bientôt, c’est tout le personnel et tous les clients de la boîte de nuit qui clament « Luisa, je t’aime » et entament un strip-tease général. « Des hommes gros, chauves et simiesques, avec des ventres énormes, des femmes velues de tous les âges, y compris des vieilles aux seins flasques et recouvertes de rides », tous nus, répètent : « Luisa, je t’aime ».

Mastorna s’éloigne, un jeune homme exalté l’interpelle en braillant qu’il ne faut plus avoir peur de rien, ni de la vie, ni de la mort. Il entraîne Mastorna sur un balcon et sans attendre saute par-dessus la balustrade et se fracasse en bas. « Le corps reste immobile, écrit Fellini, tordu de façon atroce, dans un lac de sang et de matière cérébrale. Il reste ainsi pendant quelques secondes, puis saute sur ses pieds, comme un ressort, vivant, plus gaillard encore qu’auparavant. » Le jeune homme interpelle Mastorna : « Vous aussi, vous aussi ! Jetez-vous en bas !! On ne meurt plus ! » Toute la boîte de nuit saute dans le vide, et bientôt tout le monde saute des fenêtres de la ville qui « se lance dans un impossible suicide ». Finalement, entraîné par une « belle fille », Mastorna saute aussi. Comment filmer une telle séquence ? Fellini doute, s’angoisse, cherche des dérivatifs. C’est cela que Marie Rémond a voulu mettre en scène sans toujours y parvenir. Comme Fellini.

Le Voyage de G. Mastorna au Théâtre du Vieux Colombier, jusqu’au 5 mai. Le scénario traduit de l’italien par Françoise Pieri avec la collaboration de Michèle Berni Canani est paru aux éditions Sonatine, 208 p., 18€.

 

 

Légende photo : 
Scène du "Voyage de G. Mastorna" © Vincent Pontet. coll.CF

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March 19, 2019 11:42 AM
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Que viennent les barbares de Sébastien Lepotvin et Myriam Marzouki

Que viennent les barbares de Sébastien Lepotvin et Myriam Marzouki | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Vincent Bouquet dans Sceneweb le 19 mars 2019

Photo Christophe Raynaud de Lage

L’autrice et metteuse en scène fouille dans l’histoire, les lois et les représentations, à la recherche de ces éléments qui pourraient expliquer pourquoi certains citoyens ne sont pas perçus comme français. Un spectacle d’une remarquable subtilité, loin, très loin des clichés.

« Et maintenant, qu’allons-nous devenir, sans barbares. Ces gens-là, en un sens, apportaient une solution. » Par ces mots du poète grec Constantin Cavafis, ultimes vers d’En attendant les barbares, tout commence et tout finit pour Myriam Marzouki. Alors qu’elle travaillait sur son précédent spectacle, Ce qui nous regarde, consacré aux regards portés sur les femmes voilées, l’autrice et metteuse en scène se heurte à une problématique plus large, celle de la citoyenneté. « Toutes les femmes interrogées m’avaient répondu : on ne me regarde pas comme française. Alors qu’elles l’étaient toutes », explique-t-elle. De ce constat, est né Que viennent les barbares, sorte de patchwork textuel qui veut comprendre pourquoi, et surtout comment, certains citoyens, en raison de leur nom, leur couleur de peau ou leur religion, ne sont pas perçus comme français.

En compagnie de Sébastien Lepotvin, Myriam Marzouki est allée fouiller dans l’histoire et les lois pour remonter le fil des représentations. Par les temps grossiers qui courent, il eût été aisé de sombrer dans les clichés et le manichéisme. Adepte d’un théâtre de la pensée, en lien, toujours, avec l’actualité la plus brûlante, la metteuse en scène évite ces écueils mortifères et décale subtilement le débat. A l’heure où beaucoup d’éditorialistes et d’intellectuels plus ou moins éclairés jugent et assènent sur cette thématique de l’identité, elle préfère explorer et ouvrir le champ des possibles, de la façon la plus fertile qui soit.

De ces recherches, Myriam Marzouki est revenue avec une cohorte de fantômes, qui sont tous le « barbare » d’un autre, selon l’acception antique du terme. Par le truchement de la fiction, directement extraite de la correspondance de Jean Sénac avec Albert Camus, de l’oeuvre de Constantin Cavafis, ou librement inspirée d’entretiens ou de récits de Mohamed Ali, James Baldwin et Claude Lévi-Strauss, elle les convoque, tous et d’autres comme le député révolutionnaire de Saint-Domingue Jean-Baptiste Belley, et leur demande de répondre à nos interrogations actuelles.

Dans leur attitude et leurs mots, les deux journalistes qui interrogent James Baldwin et Mohamed Ali, tout comme l’employée de l’ONFUIT – pour Office national français universel de l’intégration totale – aux prises avec Jean-Baptiste Belley et Claude Lévi-Strauss, ne sont pas, en eux-mêmes, racistes. Tout juste sont-ils les porte-voix d’un universalisme à la française qui, au nom de l’intégration républicaine, veut gommer les différences et ne comprend pas la puissance intime, et parfois politique, des revendications identitaires. Emergent, alors, des éléments de réponse à cette perception, souvent inconsciente, de l’autre comme étranger : son absence calculée de l’Histoire, une législation aux effets pervers, une égalité légale, mais pas réelle.

Dans cette quête intellectuelle, où rien n’est présenté comme définitif, mais où tout donne matière à penser, l’ensemble impeccablement dirigé des comédiens, et tout particulièrement Louise Belmas et Maxime Tshibangu, se comportent tels des passeurs de mots et d’analyse. Non sans quelques pointes d’humour, disséminées ça et là, ils se laissent guider par la remarquable subtilité de Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin, et profitent du travail chorégraphique de Magali Caillet-Gajan et scénographique de Marie Szersnovicz. Tour à tour ring de boxe ou hall d’accueil, salle de bar ou salle de danse, la scène, dans les dernières encablures du spectacle, devient glaçante, et renversante, lorsqu’elle prend les allures d’une exposition universelle, où les femmes et les hommes sont réduits au rang de bêtes de foire. Il y a quelque chose, dans cette image, de l’Exhibit B de Brett Bailey. La polémique en moins.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Que viennent les barbares
Mise en scène Myriam Marzouki
Texte et dramaturgie Sébastien Lepotvin et Myriam Marzouki, avec des extraits de Constantin Cavafis et Jean Sénac, et des passages librement inspirés des interviews et récits de Mohamed Ali, James Baldwin et Claude Lévi-Strauss
Avec Louise Belmas, Marc Berman, Yassine Harrada, Claire Lapeyre Mazérat, Samira Sedira, Maxime Tshibangu
Scénographie Marie Szersnovicz
Lumière Christian Dubet
Son Jean-Damien Ratel
Costumes Laure Maheo
Assistante à la mise en scène et regard chorégraphique Magali Caillet-Gajan
Stagiaire assistant à la mise en scène Timothée Israël
Construction décor Ateliers de la MC93

Production MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
Coproduction Comédie de Béthune — CDN Hauts-de-France, Comédie de Reims — CDN, La Passerelle — Scène nationale de Saint-Brieuc, Compagnie du dernier soir
Avec le financement de la Région Île-de-France, le soutien de la SPEDIDAM, société de perception et de distribution gérant les droits des artistes interprètes, et du théâtre L’Echangeur — Bagnolet. Avec l’aimable autorisation de France Musique.


Ce texte est lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques – ARTCENA.

Durée : 1h40

MC93 — Maison de la Culture de Seine Saint-Denis, Bobigny
Du 13 au 23 mars 2019

La Comédie de Reims — Centre dramatique national
Du 26 au 29 mars

La Passerelle — Scène nationale de Saint-Brieuc
Le 4 avril

MC2 : Grenoble
Du 9 au 11 avril

La Comédie de Béthune — CDN Hauts-de-France
Du 23 au 26 avril

Théâtre Dijon-Bourgogne, CDN, dans le cadre du festival Théâtre en mai
Du 27 au 29 mai

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March 10, 2019 7:19 AM
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«Les metteures en scène ne veulent pas servir d’alibi pour justifier une parité de façade» Entretien avec Lucie Bérélowitsch

«Les metteures en scène ne veulent pas servir d’alibi pour justifier une parité de façade» Entretien avec Lucie Bérélowitsch | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération — 7 mars 2019
Nommée à 40 ans à la tête du Préau, Lucie Berelowitsch évoque ses ambitions pour le petit Centre dramatique national de Vire, en Normandie.


Lucie Berelowitsch vient d’être nommée directrice du Préau, à Vire, une petite ville du Calvados à mi-chemin entre le Mont-Saint-Michel et Caen. Elle a 40 ans, elle a fondé la compagnie les 3 Sentiers, elle est metteure en scène et actrice, et elle monte actuellement un spectacle musical sur un texte du jeune Kevin Keiss, Rien ne se passe jamais comme prévu, avec (entre autres) les acteurs Niels Schneider et Camélia Jordana. La pièce se jouera notamment à Vire et dans les villes normandes avoisinantes. Rencontre avec une toute nouvelle directrice qui, pour son premier poste, a choisi d’être à la tête du plus «petit» Centre dramatique national (CDN) de France.

Pourquoi avez-vous choisi de candidater spécifiquement pour diriger le Centre dramatique national de Normandie-Vire, qui regroupe huit petites communes ?
Ma compagnie est implantée depuis sa création en Normandie, où nous avions commencé un partenariat avec le Trident, Scène nationale de Cherbourg. Le compagnonnage avec Mona Guichard nous a permis de bien connaître le pays en jouant dans toutes sortes de lieux, en pratiquant ce qu’on nomme l’hyperdécentralisation, en allant quasiment chez les gens. L’autre raison est que j’aime ce théâtre, son rapport scène-salle, sa situation particulière à Vire. Les adolescents ont transformé le hall et le bar du théâtre en point de ralliement. Ce qui ne signifie pas qu’ils entrent dans la salle spontanément. Mais on ne peut qu’être réjoui par cette nuée qui donne le sentiment, quand on arrive au théâtre, qu’on est chez eux, et pas l’inverse. Le théâtre jouxte un cinéma d’art et d’essai dont la programmation ne démérite pas. Je souhaite ouvrir encore davantage le théâtre à d’autres publics.

On a le sentiment que cette question de l’ouverture à de nouveaux publics est redécouverte à chaque génération. Or elle est aussi vieille que les CDN…
C’est vrai. Mais elle se pose de manière un peu différente qu’à l’époque de Jean Vilar - qui plaçait des autocars à la sortie des usines en direction du Théâtre de Chaillot - et qu’à Vire, où tout le monde passe devant le bâtiment transparent du théâtre plusieurs fois par jour. L’équipe précédente a créé un festival ado. Je souhaite poursuivre dans cette voie, mais en décloisonnant le festival. Un spectacle réussi l’est pour tout le monde même si on n’y puise pas les mêmes plaisirs selon son âge, et il faudrait que les ados et les enfants puissent amener leurs parents au théâtre, et qu’eux-mêmes aient envie de voir des spectacles qui ne leur sont pas spécifiquement destinés.

Pourquoi a-t-on si peur de s’ennuyer au théâtre au point de ne pas pouvoir y entrer ?
C’est un ennui insupportable, car on est face à des gens qui bougent devant nous, respirent, donnent tout, alors qu’on ne rêve que de quitter la salle. C’est très culpabilisant. Au cinéma, on n’a pas le sentiment de mettre en péril les acteurs lorsqu’on déteste ce qu’on voit.

Quelle est la spécificité de votre projet ?
De par mon bilinguisme, ma formation théâtrale au Conservatoire de Moscou, mais aussi la situation géographique de Vire, très enclavée, j’estime qu’il est de notre devoir politique d’ouvrir ce théâtre à l’international pour permettre aux publics de réfléchir très concrètement à la construction de l’Europe et à comment s’y inscrire. Dès la saison prochaine, il y aura un projet participatif du collectif la Cavale en langue étrangère, qui emmènera des ados en voyage, et le théâtre accueillera de jeunes étrangers. Il y a quelques années, J’ai créé Antigone en Ukraine, avec Dakh Daughters, un groupe de cabaret punk - il s’agissait de voir comment résonnait Antigone et sa capacité de dire «non» en Ukraine. Je souhaite construire une programmation à la fois très attentive aux artistes de la région normande, et internationale. Les liens seront renforcés avec les lieux patrimoniaux, les abbayes, dans les Vaux-de-Vire, les berges du fleuve, afin de permettre aux habitants d’y découvrir des propositions artistiques. Il y a aussi un laboratoire d’artistes pluridisciplinaires associés au Préau. On a envie de partager cet outil. Je suis très intéressée par la démarche de certains directeurs en Belgique qui donnent les clés de la programmation à une jeune compagnie pour une saison. De même, Jacques Vincey à Tours confie la programmation du festival Wet° aux jeunes comédiens permanents du CDN. C’est un partage du pouvoir passionnant, car il évite de s’enfermer.

Vous aussi, vous associez à l’équipe trois comédiens permanents, qui sont une sorte de mini-troupe. D’où viennent-ils ?
Deux d’entre eux - Josué Ndofusu et Bachir Tlili - viennent du Conservatoire de Paris, et Ella Benoit a un parcours plus atypique. Je l’ai rencontrée grâce au metteur en scène Lazare.

On constate qu’à part Macha Makeïeff à la tête de la Criée à Marseille, les «petits» lieux sont confiés à des femmes. Pourquoi, à votre avis, manque-t-on cruellement de candidatures féminines pour le poste de direction du Théâtre national populaire de Villeurbanne (1) ?
Chloé Dabert vient d’être nommée à la Comédie de Reims, qui est bien dotée. Est-ce que les femmes dirigent de plus petits CDN parce qu’elles refusent de s’occuper de lieux qui ont plus de moyens, ou parce qu’elles savent d’avance qu’elles ne seront pas choisies ? J’ai entendu des metteures en scène dire qu’elles ne voulaient pas servir d’alibi pour justifier une parité de façade.

Le Préau a-t-il les moyens suffisants pour coproduire des spectacles ?
Ils sont limités. Ce qui est intéressant, c’est que cela nous oblige à réfléchir à d’autres manières de soutenir les artistes. On a peu de possibilités pour accueillir des spectacles chers car ils ont un impact sur le reste de la programmation. Je souhaiterais le plus souvent possible faire connaître un artiste non pas avec un seul spectacle, mais en l’invitant une semaine ou plus, afin de révéler son univers, ses goûts. Et qu’il prenne le temps, lui aussi, de découvrir ce territoire.

(1) Faute d’un nombre suffisant de candidatures féminines, le ministère de la Culture et les collectivités ont reporté la date de dépôt des dossiers pour le poste de directeur du TNP de Villeurbanne.

Rien ne se passe jamais comme prévu de Kevin Keiss m.s. Lucie Berelowitsch. Tournée en Normandie en mars, et aux Bouffes du Nord à Paris, du 15 au 27 octobre.

 

Légende photo Lucie Berelowitsch, lundi à Paris. Photo Frédéric Stucin pour Libération 

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February 10, 2019 4:01 PM
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Julie Deliquet, coup de théâtre avec Bergman

Julie Deliquet, coup de théâtre avec Bergman | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans le Figaro - 08.02.2019

 

Après Vania, la jeune femme met en scène Fanny et Alexandre pour la troupe de la Comédie-Française, s'inspirant notamment du roman originel. Première ce soir Salle Richelieu avec une distribution sans faille.

Le ciel est gris, au-dessus des colonnes de Buren, ce jour-là et les yeux de Julie Deliquet se moirent de nuances de vert… Mais ils sont plutôt bleus, sous l'azur, ces yeux d'eau calme. Ce regard profond est empreint de gravité. Le visage, d'un modelé doux et classique, avec un nez petit au-dessus d'une bouche bien dessinée, respire l'intelligence et une certaine sérénité. Elle est très jolie, Julie Deliquet. Et sage, et travailleuse. Il n'est pas 9 heures qu'elle est déjà là, à la cantine de la Comédie-Française, travaillant sur son ordinateur en sirotant un café. On dit «une certaine sérénité», car on ressent en lui parlant, en l'écoutant, quelque chose de la sourde excitation des appareillages. Une excitation non dénuée d'inquiétude, à quelques jours de la première du spectacle qu'elle met en scène Salle Richelieu, d'après Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman.

«J'ai eu le privilège de choisir les comédiens et de travailler avec Florence Seyvos et Julie André. Autre grande chance, Éric Ruf a accepté d'imaginer la scénographie avec moi»
Julie Deliquet

 


En quelques saisons, cette jeune femme, trentenaire affirmée, passée par le Conservatoire de Montpellier, le Studio d'Asnières, l'École Jacques-Lecoq, s'est imposée comme une personnalité forte, une artiste avec laquelle il fallait compter. Dès 2009, elle a créé le collectif In Vitro et entraîné sa constellation d'aventure en aventure. Cela passe par Jean-Luc Lagarce et Bertolt Brecht, mais aussi par des créations de groupe. En 2016, Éric Ruf lui ouvre les portes: elle monte Vania d'après Anton Tchekhov au Vieux-Colombier. On retrouve un dispositif qu'elle a souvent préféré: une installation bifrontale qui enserre les interprètes, les personnages, sous le feu des regards croisés des spectateurs. Un grand succès, ce Vania, un succès galvanisant avec tournée, reprise. Élargissement du cercle de ceux qui apprécient sa manière.

» LIRE AUSSI - Les âmes en souffrance du théâtre de Bergman

Elle saute un pas ce soir: c'est Salle Richelieu qu'elle met en scène Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman. Le film? Non. Le roman qui avait nourri la première version, pour la télévision, de cette grande histoire de théâtre. Elle a travaillé avec deux indissociables, Florence Seyvos, romancière et scénariste et Julie André, comédienne, membre d'In Vitro, collaboratrice essentielle. Choisir Fanny et Alexandre n'est pas aller vers la facilité. «Lorsque Éric Ruf m'a sollicitée pour la Salle Richelieu, j'ai souhaité aller vers quelque chose d'inédit. Je souhaitais un texte qui appelle beaucoup de monde sur le plateau et qui me permette de parler de théâtre. J'ai eu l'idée de Fanny et Alexandre et il a accepté le projet.»

Toutes les générations
Julie Deliquet a pu asseoir son projet sur des bases solides: «J'ai eu le privilège de choisir les comédiens et de travailler avec Florence Seyvos et Julie André. Autre grande chance, Éric Ruf a accepté d'imaginer la scénographie avec moi.» Un point essentiel dans cette histoire complexe qui commence par une représentation théâtrale. Ou, plus exactement, qui s'ouvre à la fin d'une représentation théâtrale, chez les Ekdahl. Membres de la famille, une famille de théâtre, et employés de la maison, mêlés.

L'établissement de la version scénique a été complexe. «À la vérité, je pense qu'elle ne se stabilisera qu'au moment des premières représentations. Je suis très admirative devant la disponibilité des comédiens qui travaillent tant et qui sont toujours partants pour suivre la lente maturation d'un spectacle.»

Ces comédiens, exactement comme chez Bergman, représentent toutes les générations

Ces comédiens, exactement comme chez Bergman, représentent toutes les générations. Les plus jeunes, les derniers engagés: Rebecca Marder est Fanny, Jean Chevalier est Alexandre. Et les étoiles de la troupe: Dominique Blanc, Helena, qui fut comédienne et qui a trois fils. L'un Oscar, est incarné par Denis Podalydès. Il est directeur de théâtre et sa femme est comédienne. C'est Elsa Lepoivre. Autre fils, professeur, Laurent Stocker et sa femme, Véronique Vella. Hervé Pierre enfin, le restaurateur, et son épouse, Florence Viala. Ils ont un fils, Gaël Kamilindi. N'oublions pas l'Évêque, Thierry Hancisse, sa sœur, Anne Kessler et l'antiquaire, Gilles David, son neveu, Noam Morgensztern et les employées, comédiennes de haut talent: Cécile Brune, Julie Sicard, Anne Cervinka. Personnages familiers pour qui a aimé ce film inoubliable et distribution magnifique pour une célébration d'amour du théâtre.

Julie Deliquet n'a pas lâché les autres fils de sa vie: associée au Théâtre de Saint-Étienne, elle veille sur l'école. Elle tourne un court-métrage inspiré de Traviata pour l'Opéra de Paris et, enfin, elle met en chantier bientôt, pour le Festival d'Automne 2019 l'adaptation d'un film d'Arnaud Desplechin, Un conte de Noël. Quoi d'autre? Ses garçons, 12 et 6 ans! Et elle trouve même le temps de chiner et de bricoler…

Comédie-Française (Paris Ier), Salle Richelieu, en alternance jusqu'au 19 juin. Durée: 2h45. Tél.: 01.44.58.15.15. La version roman de  Fanny et Alexandre est publiée en «Folio» Gallimard. Traduction de C.G. Bjurström et Lucie Albertini.

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February 7, 2019 6:05 PM
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Théâtre : difficile retour sur la guerre d’Algérie

Théâtre : difficile retour sur la guerre d’Algérie | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Brigitte Salino dans Le Monde - Publié le  07.02.2019

Au Vieux-Colombier, à Paris, Julie Bertin et Jade Herbulot peinent à raconter les multiples retombées du conflit.

 


Il est difficile de faire un spectacle sur la guerre d’Algérie. Même si on travaille sérieusement, comme Julie Bertin et Jade Herbulot, qui mettent en scène Les Oubliés, Alger-Paris, au Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris, on bute sur une histoire dont la mémoire resta longtemps « tapie », pour reprendre l’adjectif de l’historien Benjamin Stora. Et dont les retombées se font aujourd’hui encore sentir dans la société française, d’une manière plus ou moins souterraine. Autrement dit : le sujet reste délicat et complexe. Tenter de l’approcher, sinon de le rationaliser sur le plateau d’un théâtre, met nécessairement dans l’embarras ceux qui s’y attellent.

Julie Bertin et Jade Herbulot ne sont pourtant pas des novices en matière d’histoire. Berliner Mauer : vestiges, le premier spectacle qu’elles ont créé, quand elles étaient au Conservatoire, à Paris, en 2013, traitait de la question du mur de Berlin, en remontant aux prémices, la fin de la seconde guerre mondiale et les accords de Yalta. Elles qui n’ont pas connu la guerre froide voulaient comprendre l’Europe dans laquelle elles ont grandi. Elles l’ont fait en se documentant beaucoup, en voyageant et en recueillant des témoignages. Et c’était réussi.

Lire la critique de « Berliner Mauer : vestiges » : L’Histoire au pied du mur

 

Ensuite, avec la compagnie qu’elles ont fondée, le Birgit Ensemble, elles se sont penchées sur deux autres moments-clés de l’Europe : la guerre en ex-Yougoslavie, dans les années 1990, et la crise de la dette grecque, dans les années 2010. Les deux spectacles, Memories of Sarajevo et Dans les ruines d’Athènes, ont été créés au Festival d’Avignon en 2017. Si la mise en question de la dette grecque, caricaturale, ne passait pas la rampe, on retrouvait, dans Memories of Sarajevo, la patte des deux metteuses en scène : un regard acéré mais sans complexe sur les acteurs de l’histoire, dont les enjeux étaient présentés d’une manière fine et enlevée.

Lire le reportage : Le Festival d’Avignon dans les ruines de Sarajevo

 


Anecdotique
Le Birgit Ensemble montrait ainsi très bien la comédie du ballet diplomatique autour de Sarajevo. Dans Les Oubliés, la mise en scène d’un autre « ballet » – la préparation de la Constitution de 1958 – tombe à plat. Elle est anecdotique, comme tout le spectacle, qui repose sur un va-et-vient entre la « grande » politique et les « petites » vies. Au Théâtre du Vieux-Colombier, les spectateurs sont assis sur des gradins qui se font face. Au milieu, un espace qui devient tour à tour le bureau de la maire du 18e arrondissement de Paris, en 2019, et le bureau du général de Gaulle à l’Elysée, entre 1958 et 1961.

Une maire juive dont la famille a quitté l’Algérie en 1962, un marié de parents franco-algériens, une mariée française dont on apprendra que la famille soutenait l’OAS (Organisation de l’armée secrète) : rien ne manque, mais l’imbrication du passé et du présent s’arrête à cet énoncé sommaire, qui ne rend pas compte des retombées multiples de la guerre d’Algérie dans la France d’aujourd’hui. Même chose du côté de l’Elysée, qui apparaît bien loin des violents soubresauts de la France de 1958 à 1961. Les comédiens ont beau s’engager avec tout leur talent, ils nous laissent sur notre faim, comme dans une dramatique à thème.

Lire l’enquête : La jeune garde qui bouscule le théâtre public

 


Les Oubliés, Alger-Paris, de et mise en scène par Julie Bertin et Jade Herbulot. Avec Sylvia Bergé, Eric Génovèse, Bruno Raffaelli, Jérôme Pouly, Serge Bagdassarian, Nazim Boudjenah, Danièle Lebrun, Elliot Jenicot, Pauline Clément. Théâtre du Vieux-Colombier, Paris 6e. Jusqu’au 10 mars.

Légende photo 
« Les Oubliés, Alger-Paris », de et mise en scène par Julie Bertin et Jade Herbulot, au Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

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January 13, 2019 3:09 PM
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Phia Ménard : "Le théâtre est une grotte où l’on peut faire tout ce qu’on veut"

Phia Ménard : "Le théâtre est une grotte où l’on peut faire tout ce qu’on veut" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Pour la reprise de son spectacle « Saison Sèche » à la MC93 puis en tournée dans toute la France. Dans cet entretien, la metteuse en scène nous parle de la nécessité de se réapproprier son corps, de lutter contre le patriarcat, mais aussi de l'importance pour l'artiste de créer des espaces d'utopie.

Dans ce spectacle créé au Festival d’Avignon le 17 juillet 2018, Phia Ménard entremêle la danse, les arts plastiques, le théâtre et le cinéma anthropologique. Dans un décor architecturé et changeant, métaphore architecturale du système patriarcal, 7 femmes combattent les normes et luttent pour une identité libre.


"Saison sèche" , mise en scène Phia Ménard• Crédits : @Jean-Luc Beaujault
L’inconfort dans lequel on veut nous maintenir c’est ça la soumission, c’est faire croire qu’on a transformé, qu’on a offert quelque chose. La soumission c’est aussi que, pour condamner une seule personne, on préfère condamner une société.

Quand j’écris "Saison sèche", je me dis : si nous, artistes, on faisait un rituel pour faire tomber le patriarcat .

Il faut essayer de faire vivre quelque chose aux spectateurs, leur raconter des combats, et c’est une belle utopie. J’aime créer des espaces de l’utopie et du combat. 

L’artiste est là pour témoigner de ce qu’il voit du monde. C’est quelqu’un qui passe son temps à essayer de s’extraire de ce que la société lui demande de porter.

J’offre mon corps au spectateur pour qu’il puisse vivre quelque chose qu’il n’oserait pas vivre de lui-même.

Dans le dialogue des femmes, il y a sans arrêt cette expérience de l’intime, de la justification de sa présence, de son corps, de son quotidien et à cet endroit-là, il y a le féminisme. Je ne sais pas comment on fait pour ne pas être féministe.

Extrait
Les Maîtres fous, film de Jean Rouch (1956) 

Archive
Latifa Laâbissi, émission « LSD, la série documentaire », France Culture, 2018

Références musicales
M. Ward, Let's dance

Canada : chants et jeux des Inuits (Unesco collection)

Super Lovers, Tribute To Andy Warhol

 

"Saison sèche" , mise en scène Phia Ménard• Crédits : @Jean-Luc Beaujault

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January 8, 2019 8:15 PM
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La nouvelle génération française du spectacle vivant

La nouvelle génération française du spectacle vivant | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 

Par Stéphane Capron dans Sceneweb - 09.01.2019



Un vent de rajeunissement, de féminisation et de diversité souffle en ce début d’année 2019. Plusieurs institutions publiques (Centre Dramatique National et Centre Chorégraphique National) changent de direction. Un mouvement initié par Françoise Nyssen lorsqu’elle était Ministre de la Culture, suivi également par la Ville de Paris pour ses établissements.

 

 

Souvent décriée lors de son passage rue de Valois, l’éditrice Françoise Nyssen aura néanmoins marqué sa patte dans ses choix de nominations dans les institutions décentralisées. En ce mois de janvier, de nouvelles équipes intègrent Colmar, Ivry, Reims, Rennes. Françoise Nyssen avait surpris tout le monde en nommant en mai 2018 le collectif FAIR[E] pour succéder à Boris Charmatz à la tête du Centre Chorégraphique de Rennes, faisant grincer quelques dents dans le milieu de la danse contemporaine. Le collectif FAIR[E] composé de Bouside Aït-Atmane, Iffra Dia, Johanna Faye, Céline Gallet, Linda Hayford, Saïdo Lehlouh, Marion Poupinet et Ousmane Sy vient du hip-hop.

 

Françoise Nyssen, attachée à la parité avait fait le choix de femmes pour diriger Reims et Vire. Chloé Dabert, 42 ans, a été choisie pour succéder à Ludovic Lagarde à la tête de la Comédie de Reims. C’est la première femme à diriger ce CDN, après Jean-Pierre Miquel, Jean-Claude Drouot, Denis Guénoun, Christian Schiaretti et Emmanuel Demarcy-Mota. A Vire, Lucie Berelowitsch succède à Pauline Sales et à Vincent Garanger. A Colmar, le tandem Emilie Capliez et Matthieu Crucianisuccède à Guy-Pierre Couleau. A Ivry, Jean-Pierre Baro succède au tandem qui a porté à bout de bras l’installation du CDN dans la Manufacture des œillets : Elisabeth Chailloux et le regretté Adel Hakim.

 

Tous viennent avec la volonté d’ouvrir les théâtres à un public plus large encore en s’appuyant sur la continuité des lieux. “La transmission sera une part importante de mon projet” explique Chloé Dabert, nouvelle directrice de la Comédie de Reims. “Je ne viens pas pour tout casser. Je viens avec une nouvelle énergie, la mienne. Les choses évolueront avec les équipes en place. Je viens avec beaucoup d’artistes associés dont Christophe Honoré et Caroline Guiela Nguyen. J’ai cette culture de la maison d’artistes.

La succession au TNP est ouverte

Ce changement de cap devrait se poursuivre cette année avec les nominations attendues à Angers, Thionville, Nice, Valence, mais aussi pour la direction du Centre National de la Danse après l’annonce du départ de Mathilde Monnier. La consultation qui sera la plus observée sera celle de la succession de Christian Schiaretti au Théâtre National Populaire de Villeurbanne. 19 candidatures ont été reçues, visiblement assez peu de femmes. Le Ministère souhaite se pencher sur la crise des vocations, beaucoup de metteur.e.s en scène qui pourraient prétendre à diriger des CDN préfèrent rester en compagnie. C’est le cas de Pauline BureauCyril TesteJoël Pommerat ou Jean-François Sivadier.

 

Diriger une structure publique n’est pas une évidence pour beaucoup d’artistes. On a pu le constater cet automne avec le départ anticipé d’Irina Brook du Théâtre National de Nice. “Pendant ces années, on m’a répété que le CDN devait être un outil pour moi. D’autres y trouvent leur compte et je ne veux pas entrer dans les polémiques autour de cette question. Il s’agit d’une expérience personnelle et subjective. Mais, pour moi, j’insiste bien, être directrice, ça ne se marie pas avec artiste. D’aller tous les jours au même endroit par exemple, moi qui ne suis jamais restée deux ans dans un même lieu. Et d’avoir un travail qui me place au-dessus des autres, alors que comme artiste, j’ai besoin de me fondre avec les autres dans une relation d’égalité. C’est sûr que je ne serai plus jamais directrice de quoi que ce soit.

 

Le Ministère souhaite mieux accompagner les nouvelles équipes dans leur prise de fonction, c’est aussi l’idée défendue à la tête de l’Association des CDN et de son nouveau bureau composé de Robin RenucciCarole Thibaut et Joris Mathieu qui mettent en place des outils pour ne pas laisser les nouvelles équipes dans l’inconnu, et leur faire profiter de l’expérience des anciens.

Ce mouvement de rajeunissement se constate aussi pour les établissements culturels de la ville de Paris. Le Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie a sauvé sa peau après une longue période d’inquiétude. Le Ministère et la ville de Paris ont choisi Samuel Achache et Jeanne Candel pour succéder à François Rancillac en de cébut d’année. Même choix de la jeunesse pour le Théâtre 14, théâtre d’arrondissement vieillissant qui sera dirigé à l’automne par Mathieu Touzé, directeur du Collectif Rêve Concret et Édouard Chapot, administrateur du CDN de Béthune.

 

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr

 

 

Légende photo : de gauche à droite: le collectif Faire, Samuel Achache et Jeanne Candel, Emilie Capliez et Matthieu Cruciani , Jean-Pierre Baro, Lucie Berelowitsch, Chloé Dabert et Mathieu Touzé

 

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January 6, 2019 3:55 PM
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20 têtes d'affiche pour une rentrée 2019 !

20 têtes d'affiche pour une rentrée 2019 ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Stéphane Capron dans Sceneweb - 2 janvier 2019

 

20 têtes d’affiche pour 20 parcours d’artistes en ce début d’année 2019 dans le théâtre, la danse, l’opéra et le cirque. Éclectisme, diversité, découverte, curiosité seront cette année encore les mots d’ordre de la ligne éditoriale de sceneweb. Nous vous présentons nos meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

 

Isabelle Adjani dans Opening Night, mise en scène de Cyril Teste

Librement inspiré de la pièce de John Cromwell et du scénario du film de John Cassavetes, Opening Night représente le soir de la première d’un spectacle. C’est l’instant magique de la “nuit” où tout va “s’ouvrir”, où les acteurs et le public vont se rencontrer pour la première fois.

Après le succès de sa lecture de la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès l’été dernier, partagée avec Lambert Wilson, Isabelle Adjani est de retour sur scène. Création le 22 février 2019 au Théâtre de Namur puis une grande tournée en France.

Emmanuelle Bercot dans Face à Face de Bergman, mise en scène de Léonard Matton


Après Dîner en ville de Christine Angot dans la mise en scène Richard Brunel, la comédienne et réalisatrice de cinéma Emmanuelle Bercot incarne une psychiatre dans cette pièce d’Ingmar Bergman mise en scène par Léonard Matton. Elle est créée aux Plateaux Sauvages à partir du 7 janvier pour quelques représentations avant une série plus longue au Théâtre de l’Atelier dès le 16 janvier .

Rachida Brakni dans J’ai pris mon père sur mes épaules, mise en scène d’Arnaud Meunier

Librement inspiré de L’Enéide de Virgile, J’ai pris mon père sur mes épaules conte le périple désespéré et comique d’un père mourant d’un cancer accompagné de son fils vers le Far West européen, le Portugal.

Rachida Brakni retrouve Arnaud Meunier, le directeur de la Comédie de Saint-Etienne qui l’avait mise en scène dans Je crois en un seul Dieu de Stefano Massini. Ici elle partage l’affiche avec Philippe Torreton, Vincent Garanger, Maurin Ollès… Une commande d’écriture passée par la Comédie de Saint-Etienne à Fabrice Melquiot, l’un des auteurs français contemporains les plus joués et traduits dans le monde.

 

Stéphanie d’Oustrac dans Les Troyens, mise en scène de Dmitri Tcherniakov


En 2017, elle a été Carmen au Festival d’Aix dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov. Elle retrouve le metteur en russe pour une nouvelle version des Troyens à l’Opéra Bastille, dans le rôle de Cassandre pour cette nouvelle version de l’opéra de Berlioz qui marque les 30 ans de l’ouverture de la salle.

Un spectacle de plus de 5 heures, sous la direction musicale de Philippe Jordan avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris.

 

Gerty Dambury dans La Radio des bonnes nouvelles au Tarmac


L’été dernier au Festival d’Avignon dans le cadre de un feuilleton de l’été, Mesdames, messieurs et le reste du monde, présenté tous les midis dans les jardins Cecanno au Festival d’Avignon, David Bobée a consacré un épisode à la cérémonie des Molières. On se souvient du discours de Gerty Dambury pour une cérémonie des Molières non genrée et non raciste.

Elle présente au Tarmac, La Radio des bonnes nouvelles les 22 et 23 janvier. Gerty Dambury se joue des temps et des lieux, mêle les citations historiques et les blagues potaches, les spots publicitaires et les discours politiques et convoque sur scène Théroigne de Méricourt, Louise Michel, Angela Davis, Gerty Archimède, Ida Wells-Barnett, Claudia Jones…

 

 

Anne Teresa De Keersmaeker chorégraphie Les Concertos Brandebourgeois de Bach

Le Festival d’Automne 2018 lui a consacré un long portrait, en présentant ses chorégraphies les plus marquantes de sa carrière. L’Opéra national de Paris programme la création de l’année de la chorégraphe belge, Les Six concertos brandebourgeois, à Garnier à partir du 8 mars.

« Pour moi, la musique de Bach porte en elle comme nulle autre le mouvement, la danse, et parvient à associer l’abstraction extrême avec une dimension concrète, physique et même transcendante, peut‑être précisément pour cette raison. »

 

Julie Deliquet met en scène Fanny et Alexandre à la Comédie-Française

Son Vania d’après Oncle Vania d’Anton Tchekhov au Vieux-Colombier avec la troupe de la Comédie-Française en 2016 a été un véritable succès.

Eric Ruf, l’Administrateur du Français confie à la metteuse en scène la scène de la salle Richelieu pour y mettre en scène le scénario de Ingmar Bergman, Fanny et Alexandre dès le 9 février.

« Je peux exister sans faire de films, mais je ne peux pas exister sans faire de théâtre », disait Ingmar Bergman qui entre aujourd’hui au Répertoire, l’année du centième anniversaire de sa naissance. Si on connaît le cinéaste, on sait moins qu’il fut aussi un immense homme de théâtre.

 

Marina Foïs dans Mes Idoles de Christophe Honoré


Jean-Luc Lagarce, Bernard-Marie Koltès, Serge Daney, Cyril Collard, Jacques Demy sont réunis sur scène grâce à Christophe Honoré. Et pour interpréter Hervé Guibert, Christophe Honoré a choisi Marina Foïs. Elle est incisive et drôle, comme l’était le romancier. Elle est remarquable dans un monologue sur la mort de Michel Foucault, un texte magnifique sur l’agonie.

Christophe Honoré convoque ces fantômes dans un lieu interlope, une station de RER désaffectée, lieu propice à la drague et à la pratique du sexe en plein air, comme dans les années 80 pour cette génération d’homosexuels avant que ne fleurissent les établissements gay à Paris. La pièce créée à Vidy-Lausanne en septembre, après une première tournée en France arrive à l’Odéon le 11 janvier.

 

Véronique Gens dans Les Troyens, mise en scène de Dmitri Tcherniakov

La soprano française s’est faite connaitre sur la scène baroque pendant plus d’une décennie, et si elle est aujourd’hui considérée comme l’une des meilleures interprètes de Mozart, elle participe au retour des Troyens de Belioz à l’Opéra Bastille pour le 30e anniversaire de l’inauguration du bâtiment à partir du 25 janvier.

Elle interprétera le rôle d’Hécube dans l’épisode de La guerre de Troie.

 
Marco Goecke pour une création pour le Ballet de l’Opéra de Paris
Une création de Marco Goecke figure au cœur du premier spectacle de l’année du Ballet de l’Opéra de Paris (avec Faun de Sidi Larbi Cherkaoui et The Rain de Pontus Lidberg) à partir du 5 février à Garnier.

Chorégraphe résident au Ballet de Stuttgart puis au Nederlands Dans Theater, l’Allemand Marco Goecke définit son travail comme un rêve éveillé. Son langage chorégraphique se distingue par son avant‑gardisme et son inventivité.

 
Jiri Kylian crée Under a Day pour le Ballet de l’Opéra de Lyon


Jiri Kylian, le chorégraphe suédois fait mouche. Under a Day créé pour le Ballet de l’Opéra de Lyon est une réussite.

Inger est parti d’une chanson interprétée par Nina Simone Be my husband. A partir de là il tresse des histoires de couple -et autant de pas de deux. Surtout il déploie un sens de l’espace en occupant le plateau recourbé et en multipliant les entrées et sorties. Le ballet a été créé en avril à Lyon, il est présenté les 31 janvier, 1 et 2 février à l’Opéra de Lille.

 
Angélica Liddell met en scène The Scarlet letter


Avec la liberté de ton et la folle provocation dont elle est coutumière, Angélica Liddell impose dans The scarlet letter un propos qui prend à rebrousse-poil le combat féministe qui agite notre époque post-Weinstein dont elle conteste fermement le néopuritanisme.

La pièce a été donnée en première française au CDN d’Orléans et arrive à La Colline à partir du 10 janvier.


Chantal Loïal ouvre Suresnes cités danse avec Cercle égal demi cercle au carré


La chorégraphe qui dirige la compagnie Difé Kako et le Festival Le mois Kreyol qui met à l’honneur les langues et cultures créoles ouvre l’édition 2019 de Suresnes cités danse.

Avec cette production ambitieuse pour dix danseurs et cinq musiciens, la chorégraphe d’origine guadeloupéenne entend revisiter à sa façon le quadrille, danse de cour importée au XVIIIe siècle par les colons aux Antilles et en Guyane, qui fut à l’origine des danses créoles. Elle met en miroir leurs déplacements en rond et en carré avec ceux de danseurs hip hop.

 


Déborah Lukumuena dans Anguille sous roche d’après le roman d’Ali Zamir


Déborah Lukumuena, jeune comédienne dont le talent tout neuf lui a valu en 2017 le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour le film Divines incarne la vibrante Anguille dans cette mise en scène de Guillaume Bardot à partir du 10 janvier au TGP à Saint-Denis.

Anguille sous roche est un miracle littéraire : son auteur, Ali Zamir, jeune écrivain comorien inconnu, reçoit, pour cet ouvrage, le Prix Senghor du premier roman francophone et francophile 2016 et la Mention Spéciale du jury du Prix Wepler 2016.

 
Benjamin Millepied et Bach Studies (Part 2) en première mondiale


Le chorégraphe est de retour en France pour une création au Théâtre des Champs-Elysées à partir du 29 janvier. Il associe des mouvements issus de sa pièce Bach Studies (Part 1) et juxtapose la musique du célèbre compositeur avec celle de David Lang, pour creuser davantage la technique des contrepoints, fugues et canons, qu’il applique à sa chorégraphie.

Avec des costumes imaginés par un collaborateur de longue date, Alessandro Sartori, Bach Studies traduit magistralement la musique du célèbre compositeur par le mouvement.

 
Thomas Ostermeier, livre sa version française de Retour à Reims


Thomas Ostermeier livre, en français, sa version de Retour à Reims, 10 ans après la parution du célèbre essai de Didier Eribon à l’Espace Cardin du Théâtre de la Ville à partir du 11 janvier. Dans un studio, une actrice enregistre le commentaire d’un documentaire, qui se déroule en direct. Jeu et film se superposent pour révéler au mieux les angles sombres de la société d’aujourd’hui, comme les mécanismes d’exclusion, la disparition de la classe ouvrière.

Irène Jacob joue le rôle d’une comédienne engagée pour en enregistrer la voix off et apporte aussi ses interrogations réagissant aux questions posées par Didier Eribon.

 
Alban Richard et Fix Me sur la musique d’Arnaud Rebotini


Changement total de registre pour Alban Richard. Après les ballades médiévales de Nombrer les étoiles, voilà qu’avec Fix Me le chorégraphe à la tête du CCN de Caen en Normandie s’intéresse à une tout autre énergie sonore, celle de prêches d’évangélistes américaines, de discours politiques et de chansons de hip hop féministes.

Construite sur la structure d’une symphonie classique, cette création pour quatre danseurs interroge à nouveau les rapports structurels entre musique et danse mais cette fois en dialogue avec les synthés vibrants et les boites à rythme énergiques d’Arnaud Rebotini, figure emblématique de la scène électro française (créateur de la BO du film 120 battements par minute). Le spectacle créé en octobre à Caen est en tournée et passe par Chaillot.

 
Falk Richter et I am Europe


L’auteur et metteur en scène allemand est artiste associé au Théâtre de National de Strasbourg. Il y crée à partir du 15 janvier, I an Europe et réunit huit femmes et hommes européens – performeurs, acteurs, danseurs – qui proviennent de différents pays.

Il interroge l’état émotionnel dans lequel se trouve l’Europe aujourd’hui par le prisme du vécu des interprètes, leurs expériences, mais aussi les histoires de leurs parents. Dans ce spectacle qui mêle théâtre, danse, vidéo et musique, une génération s’interroge sur les bouleversements politiques et idéologiques qui secouent l’Union européenne. De quel monde venons-nous et dans quel état voulons-nous le transmettre ?

En février, il présentera à l’Odéon, Am Königsweg [Sur la voie royale], la pièce de la Prix Nobel de littérature Elfriede Jelinek sur Donald Trump. Cette mise en scène lui a valu le titre de metteur en scène de l’année 2018 décerné par un jury de 43 critiques de théâtre issus d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse.


Emmanuelle Vo-Dinh et Cocagne

Cocagne est la nouvelle création d’Emmanuelle Vo-Dinh, directrice du Phare, Centre Chorégraphique National du Havre. La pièce créée en novembre à Dieppe sera présentée à partir du 14 février à Chaillot.

Neuf hommes et femmes composent et recomposent de grandes fresques vivantes, dans une frontalité qui appelle notre regard.
Traversée par une succession de paysages où l’émotion est maîtresse, cette communauté dansante nous renvoie des «images», devenues étrangement familières dans notre quotidien.

En posant un regard sur leurs natures, nous tentons un acte poétique de mise à distance, sans occulter la dimension politique que ces images soulèvent. Avec Cocagne, le «réel» d’une situation bascule vers un espace fantasmé. Les larmes se fondent en rire et la joie succède à la colère…

 

Mélissa Von Vepy et Noir M1


Mélissa Von Vepy est une artiste multiple et inclassable. Noir M1 est un hommage aérien à la pièce maudite de Shakespeare Macbeth, à sa folie, à sa passion, au théâtre, à ses superstitions, à ses mystères et à ses croyances. La pièce sera créée à Aix au Théâtre du Bois de l’Aune, puis présentée au 104 à Paris.

Une mise en lumière des métiers de l’ombre, de cette « boîte noire » qui contient une densité d’air singulière, suspendue, où se déploie la création et l’imaginaire.

 


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December 13, 2018 4:40 PM
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Le festival Impatience consacre les femmes de théâtre

Le festival Impatience consacre les femmes de théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Pour la première fois de ses dix années d’existence, le palmarès du festival Impatience aura été exclusivement féminin, décernant ses prix à trois jeunes artistes graves, drôles et singulières tout ensemble : Tamara Al Saadi, Justine Lequette et Anne Sibran.

Quelques années, déjà, qu’on remarque avec joie combien les talentueuses metteuses en scène se font de plus en plus nombreuses et commencent avantageusement à conquérir la direction de Centres dramatiques nationaux ; hommage soit rendu à l’action de l’ex-ministre de la culture Aurélie Filippetti… Mais voilà que, pour la première fois de ses dix années d’existence, le palmarès du festival Impatience aura été exclusivement féminin, décernant son grand prix, le prix des lycéens, le prix du public, et le nouveau prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques à trois jeunes artistes graves, drôles et singulières tout ensemble : Tamara Al Saadi (pour Place ), Justine Lequette (pour J’abandonne une partie de moi que j’adapte ), Anne Sibran (pour Je suis la bête). Signe des temps que cette émergence et reconnaissance de créatrices qui jusqu’alors avaient tant de mal à faire entendre leur voix, Ariane Mnouchkine, Macha Makeïeff exceptées ? Elles sont là désormais, fortes et exigeantes, qui nous racontent l’exil, l’identité, la mémoire, la société française ou l’animalité. Avec poésie, lucidité, émotion et humour. 

Chaque édition révèle un état de la scène et du monde d’aujourd’hui


Imaginé en 2009 par Olivier Py — alors patron de l’Odéon Théâtre de l’Europe — et Télérama, aujourd’hui porté par José-Manuel Gonçalvès et son équipe du Centquatre — auxquels se sont joints le Théâtre de Gennevilliers et le Jeune Théâtre National — Impatience aura successivement mis en lumière (entre autres) Thomas Jolly, Chloé Dabert, Fabrice Murgia, Julie Deliquet, Guillaume Barbot ou le Raoul Collectif. Et chaque édition de cet effervescent festival de la jeune création théâtrale d’expression française est révélatrice d’un état de la scène et du monde d’aujourd’hui, des préoccupations, des angoisses et des désirs qui s’y nouent et dénouent. L’interrogation sur la place du sauvage en nous aura eu ainsi la part belle, traitée avec humour ou ambition. Ou poésie, comme dans le magique et sophistiqué Je suis la bête d’Anne Sibran (Prix SACD), monté et incarné par Julie Delille. Un conte au parfum symboliste et gothique que n’auraient renié ni Maeterlinck ni Edgar Poe, et que met en scène avec une rare perfection formelle — dans les noirs éclairages comme dans le très mystérieux travail sonore — son unique interprète. Elle y joue une enfant abandonnée dans un placard, recueillie par une chatte et devenue chasseuse au fond des bois… Julie Delille donne étrangement corps au verbe indocile et fou d’Anne Sibran, revendique le noir de la salle, le silence et le cri des forêts. Et son obscure plongée en terre animale renvoie à de sorciers territoires enfouis en chacun… 

Diversité de formes, d’ambitions, de regards


Réveiller et affronter nos zones d’ombre, historiques, sociales, identitaires, tel est aussi le défi qu’ont tenté et réussi Justine Lequette dans J’abandonne une partie de moi que j’adapte (Prix du public), et Tamara Al Saadi, auteure et metteuse en scène de Place, prix du jury Impatience, présidé cette année par Charles Berling. La première ausculte la société française des années 1960 à aujourd’hui en s’inspirant des travaux de Jean Rouch et Edgar Morin dans Chronique d’un été. Reconstitution virtuose et hilarante des voix, des corps et des décors de ces années gaulliennes, réflexion ironique sur le malaise et le désarroi actuel, ce qui continue de ne pas changer : le travail, en légèreté comme en profondeur, de cette formidable équipe belge est délicieux de drôlerie et ravageur de lucidité triste. A la fin du spectacle, les comédiens sortent en file indienne du plateau, nus et démunis. Pas dans w, qui scelle au contraire une sorte de réconciliation chez une jeune Irakienne, exilée avec sa famille en France et tiraillée entre la fidélité à ses origines et sa volonté de s’assimiler. En dédoublant son personnage principal — sa part irakienne, sa part française — Tamara Al Saadi a su incarner avec tendresse les regrets, remords et désirs que porte toute tentative d’intégration à une autre culture que la sienne. Et elle parle aussi des pères, des mères, des pesanteurs familiales, sociales. De la difficulté de se faire naturaliser comme accepter par la famille occidentale libérale de son fiancé… Simple, clair, lumineux, monté avec une pauvreté et une radicalité de moyens assumées, joué avec liberté, Place empoigne l’aujourd’hui de nombre de réfugiés, nous y intègre avec pudeur, sans esbroufe. La plus forte émotion d’un festival 2018 d’une grande diversité de formes, d’ambitions, de regards. Ce dixième anniversaire était bel et bon .

Arts & Sc

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November 24, 2018 7:17 AM
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Tombeau pour la défunte jungle de Calais : "No Border"

Tombeau pour la défunte jungle de Calais : "No Border" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 24.11.2018

 

Basés dans le Nord, à Loos-en-Gohelle, Guy Alloucherie et sa compagnie HVDZ ont passé commande d’une pièce à Nadège Prugnard, une habituée du festival d’Aurillac, ville où elle habite. Sujet : les migrants de la jungle de Calais. Deux ans durant, elle y a fait plusieurs séjours. Au bout : « No border », un chant de mots et de morts. Mis en scène par Alloucherie avec des circassiens. Secouant.

Nadège Prugnard et Guy Alloucherie travaillent le plus souvent en marge des autoroutes et des grands axes du paysage théâtral.

Une commande d'écriture faite par une compagnie

On a vu souvent des pièces de Nadège Prugnard au Festival de rue d’Aurillac, ville qu’elle a fini par habiter. Quand il lui arrive de se produire à Paris c’est plutôt dans des lieux périphériques comme l’Echangeur de Bagnolet ou le défunt Confluences. Quand elle vient au Théâtre de la Bastille avec Sexamor (lire ici) c’est sous l’aile de Pierre Meunier. Quand elle est associée à un théâtre c'est parce qu'une femme le dirige comme le théâtre des Ilets à Montluçon où, sous la direction de Carole Thibaut  sera créé  prochainement (le 4 décembre) Les bouillonnantes écrit en, collaboration avec Koffi Kwahulé à partit de témoignages de femmes.

Guy Alloucherie a longtemps fait tandem avec Eric Lacascade quand ils animaient ensemble le théâtre Ballatum basé à Liévin où ils ont créé ensemble des merveilles de jeunesse comme Si tu me quittes est-ce que je peux venir aussi ?  ou On s’aimait trop pour se voir tous les jours. Ils se sont séparés. Eric est parti à Caen, à Rennes, ces jours-ci à Moscou  avec Les bas-fonds. Guy est resté dans le nord, sa région, sa source de vie et d’inspiration comme en témoigne son monologue La brique (lire ici) qui est comme une carte de visite. Sa compagnie HVDZ (Hendrick Van Der Zee), entre théâtre et cirque, est basée à Culture commune, scène nationale du bassin minier du Pas-de-Calais, installée sur l’ancien site minier du 11/19.

C’est en lisant un article sur MAMAE (Meurtre Artistique Munitions Action Explosion), une pièce de Nadège Prugnard, interprétée par six comédiennes, au festival d’Aurillac (lire ici) qu’il a eu l’intuition qu’elle était l’auteur qu’il cherchait pour parler de la jungle des migrants à Calais. Il lui a passé commande d’un texte. Elle y est allé plusieurs fois pour des séjours plus ou moins longs. Elle a rencontré des migrants, des bénévoles, des calaisiens, des policiers aimables et d’autres sans états d’âme. Elle a vu la jungle devenir une enclave de vie en sursis avec ses boutiques, son restaurant, son église, sa mosquée, ses braseros, ses trafics, des zones d’ombre.

Une litanie de noms

Elle a ri, pleuré, elle a eu peur, elle a eu chaud et froid. Elle n’a pas pris de notes sur le vif, elle a emmagasiné des sensations, des conversations, des visages, des bribes de vie. Elle a relu Heiner Müller, Rainer Maria Rilke. Elle a bu, elle a fumé, elle a tout partagé, les rires comme les larmes Elle les a tous aimés. Morts, vivants, survivants, ceux qui sont passés de l’autre côté, ceux qui sont revenus, ceux qui ont disparu dans la nuit, ceux qui ont été emmenés dans des bus, ceux dont le téléphone portable ne répond plus. Et puis elle a écrit No border, un titre en anglais car dans la jungle le « I speak english just a little » était comme un début d’espéranto. Un tombereau de mots qui, aujourd’hui que la jungle a été démantelée, rasée, effacée comme un mauvais rêve, est devenu un tombeau. Pavane pour une jungle défunte.

Une litanie de noms s’affiche sur l’écran au fond du plateau quand n’y coule pas une mer noircie par le deuil, quand des chemins d’exil n’y serpentent pas à travers des montagnes ocres ou des déserts aveuglés de lumière. Rythmant la parole de Nadège Prugnard, l’encadrant, la prolongeant, Bianca Franco et Sébastien Davis Vangelder se dressent l’un sur l’autre pour tutoyer les étoiles, Hervé Hassida se roule par terre de solitude, Mourad Bouhlali, as de la percussion corporelle, entraîne tout le monde tandis que Forban N’Zakimuena improvise en direct. Cirque, danse, musique, mots proférés, frontières abolies, avancent de front.

"Je suis Zahar je viens du Darfour"

« J’archive l’hémorragie de la Calaisie » écrit Prugnard. Son long poème qu’elle déverse comme un tombereau est comme un journal de bord intime d’une écrivaine publique, d’une femme qui offre des des jonquilles, des roses et des « gros tournesols comme des médailles utopiques » à tous ceux qu’elle rencontre les pieds dans la boue.

« Je m'appelle Houmed je viens d’Afghanistan je n’ai pas de nouvelles de ma femme depuis huit mois mais maintenant je sais qu’elle pense à moi SHE LOVES ME SHE LOVES ME ta fleur l’a dit … ». « Je m’appelle Youssef merci pour la fleur j’aime la nature avant j’étais gardien de chèvres au Kurdistan. Youssef me montre comment faire pousser de la menthe sur un sac de petites pierres et de la coriandre sur une patate.. ». « Je suis Zahar je viens du Darfour est-ce qu’elle se mange la fleur ?/ Je suis Nazari je viens de Téhéran j’ai mis un an et un mois pour arriver. The beauty is dead La beauté est morte ils ferment la réalité où aller ? /Je m’appelle Antoine je vais exploser ce putain de mur NO BORDER go ! / Je suis perdue/ entre une route et une autoroute/ Entre les grillages et les grilles/ Entre mes ranjos et mes jonquilles. ». Porteuse de voix comme d’autres, dans des pays lointains d’où certains viennent, sont porteuses d’eau.

Ou encore : « Ta gueule je suis Farzaneh nous sommes en route pour le peloton d’exécution alors ta gueule alors fous nous la paix ta gueule avec tes fleurs ta gueule ici à Savine. En Iran ils nous pendent aux arbres ces fleurs sous les arbres ont poussé avec notre sang regarde La beauté est morte Donne-nous des ailes donne-nous des ailes ». Elle et eux. Perdus, paumés. « Je cherche un paradis dans le cratère humain je cherche là perdue à Calais dans mon combat je ne sais pas je ne sais plus à l’envers à l’endroit et même quand je tombe je cherche des morceaux de moi pour faire un feu. ». Elle la femme, la blonde, eux les hommes, les ombres. « Qu'est-ce que tu es belle, tu as les yeux de ma mère » lui dit Farid. « Tu n’as rien à faire là regarde moi je tue des yeux la femme doit se couvrir et se soumettre » lui dit Samam.

On la soulève «  comme une rock star », on l’insulte, « ceux d’ici » lui disent qu’elle est « un cul à migrants » tout « comme on insultait ma grand-mère qui travaillait dans les mines du nord de la France et qu ‘on traitait de cul à gaillette ». Alors elle enlève sa culotte et se met à « hurler tout un tas de trucs que je savais pas d’où ça me venait ». Elle aussi a perdu Venus « la première étoile qui éclaire la nuit ».

La voix de Nadège Prugnard nous parvient via une petite boule disposée près de sa bouche : un micro hf. Cette voix ainsi filtrée perd ses nuances, s’atrophie dans le neutre. C’est d’autant plus dommage que la voix naturelle de l’actrice porte loin. La voix sans artifice serait plus en accord avec l’écriture cash et justifierait d’autant mieux les moments où elle parle dans un micro sur pied. On peut également regretter que l’actrice ne rejoigne pas, ne serait-ce qu’un instant , la furieuse danse des bottes finale du spectacle No Border après l’évocation du départ de 170 cars qui vont conduire les migrants vers les 387 CAQ, prélude à la destruction du camp, mettant fin à ce qui « était en train de s’inventer dans ce bidonville, cette ville-monde au bord de tout ».

No Border a été créé du 19 au 23 nov à Culture Commune, scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais, Loos-en-Gohelle. Tournée : le 24 janv à L’Agora, scène nationale d’Evry et de l’Essonne ; le12 fév au Pôle national des arts du cirque, Auch ; le 14 fév au Centre Culturel Agora PNC Boulazac Aquitaine ; le 27 fév au Vivat, scène conventionnée d’Armentières ; les
12 & 13 mars au Bateau Feu ,scène nationale de Dunkerque ; les 22 & 23 mai à La Comédie de Clermont-Ferrand.

Le texte de No Border n’est pas encore édité mais on peut se procurer MAMAE et autres textes chez Al Dante, 260p, 20€ .

 

Légende photo : 
Scène de "No Border" © Antoine Repessé

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November 21, 2018 7:38 AM
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Théâtre : la prison, paradoxale école de vie

Théâtre : la prison, paradoxale école de vie | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde   le 21.11.2018



Théâtre : la prison, paradoxale école de vie

A Villeurbanne, Louise Vignaud met en scène une adaptation inspirée de « L’Université de Rebibbia », de Goliarda ­Sapienza.




Une déflagration. Voilà ce que fut, en 2005, la sortie en France de L’Art de la joie (éd. Viviane Hamy), de Goliarda ­Sapienza. Le livre n’était pas seulement un chef-d’œuvre : il était de ceux qui changent une vie, et faisait connaître une écrivaine ­totalement inconnue, dont tous les éditeurs italiens avaient d’abord refusé les écrits. Peut-être parce que Goliarda Sapienza – disparue en 1996, à l’âge de 72 ans – était une de ces insoumises ­irréductibles qui ne se laissent ­enfermer dans aucun des rôles écrits pour les femmes.

Dans la foulée, on a découvert les autres livres de l’auteure ­sicilienne, tous empreints d’une force, d’une liberté et d’un ­lyrisme hors du commun. Parmi eux, L’Université de Rebibbia ­ (Attila, 2013), qu’adapte aujourd’hui au théâtre une jeune metteuse en scène qui ­commence à faire parler d’elle, Louise Vignaud. Artiste associée au Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne, où elle présente cette création, elle dirige aussi, à Lyon, le Théâtre des Clochards célestes, où elle mettra en scène, au printemps, Agatha, de Marguerite Duras.

La prison signifie pour Goliarda Sapienza une véritable renaissance spirituelle, au contact de ses codétenues

A la fin des années 1970, ­Goliarda Sapienza, qui fut comédienne avec Luigi Comencini et collaboratrice de Luchino ­Visconti, traverse une crise. Elle vole, dans l’appartement d’une amie, des bijoux de prix, et se retrouve, pour quelques jours, incarcérée à la prison de Rebibbia, dans la banlieue de Rome. De cette expérience qui aurait pu être aliénante, Goliarda Sapienza tire un livre gorgé d’une énergie de vie exceptionnelle.

La prison signifie pour elle une véritable renaissance spirituelle, au contact de ses codétenues, marginales, droguées, filles liées au grand banditisme ou militantes radicales – l’Italie est alors engluée dans les « années de plomb », qui voient s’affronter la violence politique de l’extrême gauche et celle de l’extrême droite. Le titre original du livre, L’Université de Rebibbia, dit bien que pour Goliarda Sapienza la prison fut une école de liberté.

C’est cette énergie de vie qui éclate sur le plateau de la petite salle du TNP, grâce aux cinq actrices qui s’emparent de cette histoire : Prune Beuchat (qui donne à Goliarda sa dimension terrienne et charnelle), Magali Bonat, Nine de Montal, Pauline Vaubaillon et Charlotte Villalonga, qui incarnent tous les autres personnages. C’est par la perception que Louise Vignaud fait ressentir l’univers carcéral, et notamment par le travail sur le son (signé par Clément Rousseaux) : son des multiples portails qui se ferment, son des pas qui claquent indéfiniment dans les longs couloirs vides, silencieux comme des tombeaux.


Phalanstère féminin

La scénographie, simple, efficace, non illustrative, permet à la metteuse en scène de dérouler une galerie de portraits de femmes. Qu’il s’agisse de celles qui sont – fortement – incarnées sur le plateau, ou de celles qui apparaissent en vidéo grâce au beau travail de Rohan Thomas. Celui-ci renforce la dimension intime et sensible de cette plongée dans ce phalanstère féminin où tout semble possible, la chute comme la réinvention de nouveaux modes de vie hors des normes imposées par la société.

Il y a quelque chose qui évoque l’univers de l’auteure-metteuse en scène sicilienne Emma Dante dans ce théâtre-là, qui travaille avec des corps non normés, criants de vérité, et une forme d’économie où le moindre signe claque et fait sens. C’est la belle réussite de ce spectacle, qui par ailleurs adapte intelligemment le récit de l’auteure italienne, que de tenir ensemble la dimension ­concrète et la dimension allégorique du texte. Et de jouer sur une forme de beauté brute, qui va bien à Goliarda Sapienza. Laquelle disait : « Qu’est-ce que la beauté, sinon de la cohérence ? »

Rebibbia, d’après L’Université de Rebibbia, de Goliarda Sapienza. Mise en scène : Louise Vignaud. Théâtre national populaire (TNP), 8, place Lazare-Goujon, Villeurbanne (Rhône). Tél. : 04-78-03-30-00. Jusqu’au 30 novembre.

Fabienne Darge (Villeurbanne (Rhône), envoyée spéciale)

 

Légende photo : Réjane Bajard qui joue le personnage de Suzie Wong (dans la vidéo de Rohan Thomas) et Prune Beuchat qui joue le rôle de Goliarda Sapienza (sur le plateau). REMI BLASQUEZ 

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