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April 24, 4:52 AM
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« Il s’en va », le grand retour de Raoul Fernandez

« Il s’en va », le grand retour de Raoul Fernandez | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anaïs Héluin dans Sceneweb - 24 avril 2025

 

En ouverture de la première édition du festival « Écritures en acte » porté par Le Quai – Centre Dramatique National d’Angers du 22 avril au 7 mai 2025, est né Il s’en va. Suite du Portrait de Raoul écrit par Philippe Minyana pour Raoul Fernandez et mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo, ce seul en scène d’une très grande délicatesse nous parle autant de la vie romanesque du comédien que de la beauté du théâtre lorsque ses différents métiers sont unis par l’amitié.

 

Allongé derrière un voile noir, vêtu lui aussi de sombre, Raoul Fernandez nous apparaît allongé auprès d’une majestueuse couronne de fleurs blanches. La situation est claire, et le titre du spectacle qui commence ainsi, Il s’en va – Portrait de Raoul (suite), en confirme la funeste nature : c’est depuis la mort que va nous parler le comédien Raoul Fernandez. Ou plutôt son double théâtral très proche de l’original, s’autorisant seulement quelques libertés avec une biographie déjà fort émancipée de tout type de convention. Né de la rencontre entre le vrai Raoul, l’auteur Philippe Minyana et le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo, ce personnage ne meurt pas à peine né : il a déjà une belle vie derrière lui, Portrait de Raoul – Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte entrouverte ayant visité bien des villes de France et d’Amérique latine depuis sa création en 2018. Dans ce premier seul en scène, créé dans le cadre des « Portraits d’artistes », spectacles itinérants dédiés à une figure artistique et initiés par Marcial Di Fonzo Bo alors à la tête de la Comédie de Caen – il dirige maintenant Le Quai, producteur de cette nouvelle création –, les grandes lignes de l’existence aux ramifications multiples de Raoul Fernandez nous étaient contées de façon relativement linéaire et avec force couleurs. En la plongeant cette fois dans le noir, en l’orientant vers une parole plus fragmentaire et moins chronologique, auteur et metteur en scène révèlent de nouvelles facettes de leur « Figure » – l’expression est de Philippe Minyana – et continuent d’en explorer d’autres qu’ils avaient déjà mises à jour.

Faire causer Raoul Fernandez depuis l’au-delà est beaucoup plus qu’un simple principe d’écriture justifiant le retour de l’acteur vers son foisonnant passé. Qui a vu la première partie du triptyque consacré par l’auteur et le metteur en scène au comédien – en janvier 2025 a aussi été créée une forme de récital où l’acteur prouve qu’il chante également très bien (Maria Casarès le lui aurait dit après l’avoir entendu dans une mise en scène de Marianik Revillon, apprend-on dans la préface à Il s’en va signée par le journaliste Hugues le Tanneur) – sait à quel point celui-ci est un passe-frontières de génie. Les limites, les séparations dont se joue Raoul Fernandez, et avec lesquelles l’aident à jouer ses deux complices depuis leurs ombres respectives, sont d’abord géographiques. Raoul Fernandez est né à El Tránsito, au Salvador, et il a beau avoir quitté l’Amérique latine pour la France à l’âge de vingt ans pour se former au théâtre, il n’a de cesse dans son triptyque que de convoquer ses racines. Dans Il s’en va comme dans Portrait de Raoul, ce retour aux sources passe bien sûr par les histoires qu’il raconte, en particulier celles – nombreuses – dont sa mamá Betty est la protagoniste principale, mais aussi par la manière dont il les livre. Loin de lui mettre dans la bouche un français standard qui ne lui ressemblerait pas, c’est en effet une langue très orale, où l’on devine l’espagnol à chaque instant, que Philippe Minyana confie au comédien. Proche du parler quotidien de Raoul Fernandez, l’écriture du spectacle est un formidable geste d’humilité de la part de son auteur, qui disparaît presque entièrement derrière son sujet.

 

 

Le metteur en scène fait preuve de la même discrétion, qui est aussi parlante dans ce spectacle que Raoul Fernandez lui-même, prolixe en anecdotes où l’art se mêle si étroitement à diverses choses intimes – souvent sexuelles – de la vie qu’il finit par s’y confondre tout à fait. C’est là une autre des frontières sur laquelle Raoul pratique son funambulisme avec une grâce qui n’appartient qu’à lui, soulignée avec la plus grande élégance par les quelques perruques et accessoires mis à sa disposition par Marcial Di Fonzo Bo. Dans Il s’en va, la mort abordée dans un esprit très latino-américain permet au trio de se passer des transitions qui reliaient un minimum dans son solo précédent les explorations multiples de Raoul Fernandez. Celui-ci peut ainsi exprimer son admiration pour les chorégraphies de Bob Fosse, avant d’évoquer un amour déçu pour un garçon alors qu’il réalisait des costumes pour Jean-Pierre Vincent – comme il le raconte dans Portrait de Raoul, il est entré dans le milieu du théâtre grâce à sa faculté à travailler le tissu, héritée de sa mamá – et d’affirmer : « Raoul, il faut que tu arrêtes toutes ces cochonneries qu’on fait avec les hommes ; sauf que l’année suivante j’étais à nouveau amoureux d’un acteur beau comme un dieu, mais l’acteur aime les dames et moi j’ai beaucoup souffert »Ici, comme souvent dans le spectacle, le passé redevient présent sans pour autant effacer l’homme d’âge mûr qu’est désormais l’artiste. Le Raoul Fernandez d’aujourd’hui est fait de tous ceux qu’il a été. Et il s’amuse visiblement beaucoup à les faire apparaître les uns après les autres devant le public, à qui il s’adresse sans détour et avec toute la douceur qui le caractérise.

Qui a vu Portrait de Raoul – Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte entrouverte peut remettre dans l’ordre les différentes bribes de l’histoire que livre Raoul Fernandez dans Il s’en va. Ce spectateur aguerri pourra facilement situer les unes par rapport aux autres les grandes étapes de sa vie, que Raoul déplie ici par la bande, par le détail souvent croustillant. Ce même spectateur pourra aussi combler certains des nombreux trous de la narration, en y ajoutant quelques épisodes centraux dans le premier volet de la trilogie, comme la rencontre de notre héros avec Copi – sa « fée n°2 », comme il dit, la première créature magique à s’être penchée sur son berceau étant bien sûr mamá Betty – dès son arrivée à Paris ou celle avec Noureev, qui fait de lui une habilleuse d’opéra. Mais cette connaissance biographique n’est pas nécessaire pour goûter la proposition. Naviguant entre les genres avec le mélange de gravité et d’allégresse qu’il met en tout, le délicieux Raoul Fernandez s’attarde ici davantage sur les inconnus, sur les anonymes qui ont fait son existence, que sur les célébrités qui lui ont permis de se creuser un sillage très particulier dans le théâtre français, dont Il s’en va est alors forcément une traversée. En faisant auprès de Stanislas Nordey, avec qui il a beaucoup travaillé, ou de Marcel Maréchal une place au travelo dit « Madame X », dont les pilules magiques lui ont fait mal aux jambes au lieu de lui faire pousser les seins, ou encore à quelques-uns des hommes qui firent fondre son cœur d’artichaut, Raoul Fernandez relie le théâtre au monde comme il est rare que cela soit fait. L’un des grands talents de cet artiste est sa capacité à la rencontre et à l’amitié. C’est grâce à elle qu’existe ce spectacle, qui nous fait percevoir avec une acuité particulière l’alerte ainsi très simplement formulée : « Sans le théâtre, une société meurt ».

 

 

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Il s’en va – Portrait de Raoul (suite)
Texte Philippe Minyana
Mise en scène Marcial Di Fonzo Bo
Avec Raoul Fernandez
Piano Nicolas Olivier
Guitare Pierre Fruchard
Arrangements Étienne Bonhomme
Régie générale Arthur Beuvier
Régie plateau Astrid Rossignol
Régie lumière Simon Léchappé
Régie son Tristan Moreau
Couture, habillage Anne Poupelin

Production Le Quai CDN Angers Pays de la Loire

Le texte est édité aux Solitaires Intempestifs.

Durée : 1h

 

 

Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire
du 22 au 24 avril 2025

 

 

Les Plateaux Sauvages, Paris
du 6 au 18 octobre

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October 2, 2024 11:16 AM
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Dolorosa, trois anniversaires ratés, un spectacle réussi

Dolorosa, trois anniversaires ratés, un spectacle réussi | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Marie-Céline Nivière dans L'Oeil d'Olivier - 2 oct. 2024

 

Le nouveau directeur du Quai à Angers, Marcial Di Fonzo Bo met en scène remarquablement la pièce de Rebekka Kricheldorf, une magnifique variation contemporaine autour des Trois sœurs de Tchekhov.

 

Avec Dolorosa, trois anniversaires ratés, la dramaturge allemande,  Rebekka Kricheldorf et le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo dépassent le simple exercice de style. En s’appuyant sur l’œuvre du dramaturge russe, et en la transposant à notre époque, ils les font brillamment dialoguer pour explorer ce qui ne change pas : l’espoir ! L’être humain est-il capable de trouver sa place dans un monde qu’il rêve de voir un jour, meilleur, sans toutefois agir  pour cela ?

« Un temps viendra, tout le monde comprendra à quoi ça sert, tout ça… mais, pour l’instant, il faut vivre… »

La pièce de Tchekhov s’ouvrait sur la fête de l’anniversaire d’Irina. La petite dernière de la famille Prozorov. Celle de Rebekka Kricheldorf démarre de même. Pour inscrire le temps qui passe et dérègle cette famille dominée par l’ennui, le Russe faisait défiler les militaires. L’Allemande va, elle, enchaîner trois anniversaires d’Irina, ses 28, 29 et 30 ans. Trois fêtes qui sont immanquablement et prodigieusement ratées. L’idée est ingénieuse, car ces périodes charnières dans une vie permettent de bien marquer le temps qui file et les rêves qui s’effilochent. D’autant plus qu’Irina ne semble pas très motivée pour entrer enfin de plain-pied dans la vie active. Car pour cela il faut travailler et aimer ses congénères !

Olga, Irina, Macha et Andreï Freudenbach sont des gosses de riches qui vivent dans « une ville,…, grossière et arriérée » d’Allemagne. Ils portent ces prénoms parce que leurs parents « étaient des snobs cultureux » ! Ces derniers sont morts dans un accident de voiture, leur laissant, non pas un « tas de pièces d’or comme Picsou », mais uniquement une maison qui tombe en ruine, la villa Dolorosa. Comment peut-on vivre heureux dans un lieu baptisé Douleur ?

« D’ici à deux cents, trois cents ans, la vie sur terre sera incroyablement belle, éblouissante. »

Comme chez Tchekhov, l’éternelle célibataire Olga (éblouissante  Marie-Sophie Ferdane) travaille dans l’enseignement et s’étiole au fil des ans. L’autrice opère un petit changementavec les deux autres sœurs. Macha (incroyable Elsa Guedj) devient la benjamine qui, par peur de la solitude, a épousé un homme qu’elle n’aime pas et que l’on ne verra jamais. Irina (étonnante Camille Rutherford) devenue la cadette, est une éternelle adolescente qui ne parvient pas à achever ses études. Quant à Andreï (truculent Alexandre Steiger), l’aîné choyé par ses sœurs, il a juste tronqué son violon pour l’écriture.

 

 

De tout le petit monde qui traînait dans la maison des Prozorov, il n’en restent que les avatars de Natacha et d’Alexandre Ignatievitch Verchinine. La première apparaît sous les traits de Janine (cocasse Juliet Doucet) la fille du coin, timide et vulgaire, qui en épousant Andreï change de condition sociale. Et le second revient dans le fidèle ami Georges (émouvant Jean-Christophe Folly) qui se pointe à chaque anniversaire. Dispensant ses visions de l’avenir, il aime philosopher sur l’avenir et tombe amoureux de Macha qui sait l’écouter.

Une belle célébration

Marcial Di Fonzo Bo s’est emparé avec maestria de l’œuvre de Rebekka Kricheldorf. Cet héritier des « Argentins de Paris » (CopiJorge LavelliAlfredo AriasMarilù Marini) possède un sacré sens d’analyse des relations humaines et de leurs dysfonctionnements. En plaçant l’action dans l’immense pièce principale, qui se vide un peu plus chaque année, pour finir en salle de jeu pour les enfants, le metteur en scène inscrit bien cet « incendie » qui a consumé les espérances des personnages.

En ouvrant et en refermant la pièce, avec des passages de la pièce originale, Di Fonzo Bo fait ressortir toute la puissance de l’univers de la dramaturge. Il laisse aussi aux spectateurs, le plaisir exquis de jouer avec ce vertigineux jeu de miroirs ! Sa direction d’acteurs fait vraiment feu de tout bois. Tel un chef d’orchestre, il s’est servi des corps et des voix bien particulières de ces comédiennes et comédiens. Ces formidables instruments qui forment un ensemble choral font vibrer la partition de cette œuvre magnifique. Après Angers (Le Quai), où il reviendra, le spectacle passe par Bordeaux (TnBA), Paris (Le Rond-Point) et Rennes (TNB). À vos agendas !

Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Angers

Dolorosa, trois anniversaires ratés de Rebekka Kricheldorf
Le Quai – CDN Angers Pays de la Loire
Cale de la savatte
49100 Angers

création du 1er au 4 octobre 2024
durée 2h environ

Tournée
6 au 8 novembre 2024 au TnBA – Théâtre national Bordeaux Aquitaine

25 au 28 février 2025 au Quai CDN Angers Pays de la Loire
5 au 15 mars 2025 au Théâtre du Rond-Point, Paris

19 au 27 mars 2025 au Théâtre National de Bretagne, Rennes


Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo assisté de Margot Madec
avec Juliet Doucet, Marie-Sophie Ferdane, Jean-Christophe Folly, Elsa Guedj, Camille Rutherford, Alexandre Steiger
Traduction de Leyla-Claire Rabih, Frank Weigand, et André Markowicz, Françoise Morvan pour les passages d’Anton Tchekhov
Scénographie de Catherine Rankl
Dramaturgie de Guillermo Pisani
Musique d’Étienne Bonhomme
Costumes de Fanny Brouste
Lumières de Bruno Marsol
Conseil à la distribution – Richard Rousseau
Régie technique – Olivier Blouineau, Rachel Brossier, Jean-Philippe Geindreau, François Mussillon
Réalisation du décor – Ateliers de décors de la Ville d’Angers

 



Crédit photo : © Pascal Gély

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July 28, 2022 6:55 PM
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Portrait de Raoul, toute la force de vie d’un artiste hors du commun, dans la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo et le texte de Philippe Minyana

Portrait de Raoul, toute la force de vie d’un artiste hors du commun, dans la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo et le texte de Philippe Minyana | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Manuel Piolat Soleymat dans La Terrasse - 11 juillet 2022

 

 

C’est l’un des grands moments de ce festival 2022. Raoul Fernandez, seul sur scène, sous la direction de Marcial Di Fonzo Bo. Le comédien d’origine salvadorienne se raconte à travers les mots de Philippe Minyana. Une proposition d’une sincérité et d’une vérité absolues. Et d’une infinie tendresse.

 

C’est un véritable choc. De ceux que nous réserve le théâtre lorsqu’il est au plus beau. Au plus ardent. Au plus juste et au plus généreux. De ces chocs qui adviennent lorsque le miracle de la scène opère. Dans Portrait de Raoul (texte publié aux Editions Les Solitaires Intempestifs, le spectacle a été créé le 15 octobre 2018 à La Comédie de Caen – CDN de Normandie), il est d’ailleurs question de ce genre de miracles. Car en s’emparant des mots d’une finesse et d’une sensibilité saisissantes de Philippe Minyana (le dramaturge a écrit ce monologue à la suite d’une série d’entretiens avec Raoul Fernandez), en nous disant qui il est, d’où il vient, en dévoilant les envies et les passions qui l’ont constitué, les évidences qui l’ont amené à voyager, à se transformer, à vouloir que son corps devienne celui d’une femme, à revenir à son apparence d’homme, le comédien fait aussi une déclaration d’amour au théâtre. Et à Paris, qu’il a choisie comme terre d’exil pour apprendre l’histoire du costume à l’université. 

 

Un maelström d’émotions

 

Il est ensuite devenu habilleuse pour un autre Raúl : Raúl Damonte Botana, alias Copi, qui jouait alors sa pièce Le Frigo. Puis, il a été engagé comme costumière pour Rudolf Noureev à l’Opéra de Paris, est devenu comédien pour Stanislas Nordey, a travaillé à la Comédie-Française avec Marcial Di Fonzo Bo… Tout cela, Raoul Fernandez nous le raconte les yeux dans les yeux, le regard espiègle, délicat, complice, le visage illuminé par son inclassable sourire, qu’il soit sur le point de rire ou avec des larmes qui montent. Il enfile une perruque, change de robe, nous parle de sa famille, étend sur le plateau des bandes de tissus bigarrés (la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo est un modèle de netteté et de lucidité). Et puis il chante. En espagnol. Des chansons qui sont comme des respirations, comme des secrets qui soulèvent l’âme. Raoul Fernandez ne fait jamais semblant. Il est d’une droiture pleine de souplesse. « Je vis comme un homme et je pense comme une femme », nous dit-il, à la fin de ce spectacle coup de poing de 55 minutes. Il est tout simplement un être unique. Un artiste bouleversant.

 

 

Manuel Piolat Soleymat

 
Portrait de Raoul
du jeudi 7 juillet 2022 au vendredi 29 juillet 2022
Avignon Off. Le 11 · Avignon
11 boulevard Raspail

à 14h05. Relâche les 12, 19 et 26 juillet. www.11avignon.com. Durée : 55 minutes

 
 
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March 1, 2022 1:14 PM
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Marcial Di Fonzo Bo : "C'est toujours d'actualité de monter Richard III malheureusement"

Marcial Di Fonzo Bo : "C'est toujours d'actualité de monter Richard III malheureusement" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Sur le site de l'émission d'Arnaud Laporte sur France Culture, "Affaires culturelles" -  28 février 2022

 

Comédien et metteur en scène incontournable du théâtre contemporain, Marcial Di Fonzo Bo est au micro d'Arnaud Laporte. Le temps d'un entretien au long cours, il nous raconte son apprentissage auprès de Claude Régy et Matthias Langhoff, son goût pour le théâtre de Copi, et son processus créatif.

 

Ecouter l'entretien (55 mn)

 

 

Légende photo :  Marcial Di Fonzo Bo   Crédits : Julien Prebel

 

 

Comédien argentin révélé sur les planches par Claude Régy et Matthias Langhoff, mais aussi metteur en scène qui s’est distingué pour son cycle de spectacles consacrés à Copi, Marcial Di Fonzo Bo a la part belle dans le paysage théâtral contemporain. Il retrouve le temps d'une tournée le Richard III de Shakespeare mis en scène par Matthias Langhoff, et est également à l’affiche de la pièce Portrait Avedon-Baldwin : Entretiens imaginaires qui se tient de 29 mars au 17 avril au Théâtre du Rond-Point à Paris. Deux occasions toutes trouvées pour découvrir les coulisses de son art et de son processus créatif.

 

« On a réactivé cette mise en scène de Richard III un peu comme cela peut se faire dans le milieu de la danse, où ce sont les interprètes qui prennent en charge certaines pièces. » Marcial Di Fonzo Bo

Sur les planches et les plateaux

Formé et révélé sur les planches par Claude Régy et Matthias Langhoff - avec l’un dans Paroles du sage en 1993 au TNB, avec l’autre dans un Richard III glamour en 1995 au Festival d'Avignon - c’est par la très grande porte que Marcial Di Fonzo Bo a fait son apparition dans le paysage théâtral. Le comédien, venu tout droit de Buenos Aires à la fin de l’adolescence, a fait de sa carrière d’interprète une suite de rencontres et un enchaînement de coups de cœur. Il a été dirigé aussi bien par Olivier Py et Rodrigo Garcia que Luc Bondy et Christophe Honoré.

 

« Ce que j'admire chez Matthias, c'est sa capacité à superposer des plans, à faire que le sens soit fracturé et qu'il passe par tout : l'amour du décor, des objets, des musiques, tout ça se superpose. J'ai l'impression que c'est ça, pour moi, le plus intéressant dans la mise en scène, à la fois d'avoir des objets qui soient absolument pleins et baroques et à la fois avoir une liberté d'interprétation. » Marcial Di Fonzo Bo

 

Côté cinéma, Marcial Di Fonzo Bo a joué pour la première fois devant la caméra dans Tango Nuestro de Jorge Zanada en 1987, avant de revenir dix ans plus tard en doux dingue passionné de pelleteuses dans Peau neuve, le premier long métrage d’Emilie Deleuze qui l’a réconcilié avec le cinéma.  Depuis, il a joué dans une quinzaine de films, notamment Non ma fille tu n'iras pas danser de Christophe Honoré, Minuit à Paris de Woody Allen, La Ligne blanche d'Olivier Torres, Polisse de Maïwenn, et Lost in Munich d’Édouard Daladier.

Le Théâtre des Lucioles

Le Théâtre des Lucioles, fondé en 1994 par Marcial Di Fonzo Bo aux côtés d’anciens élèves de l’école de Rennes dont Elise Vigier et Pierre Maillet, n’est ni une troupe ni une compagnie au sens classique du terme. Il s’agit plutôt d’une plate-forme qui replace le comédien au centre du théâtre. En tant que metteur en scène, Marcial Di Fonzo Bo s’est emparé de nombreuses écritures contemporaines parmi lesquelles celles de Rafael Spregelburd, Philippe Minyana, ou encore Lars Norén.

 

« Ça a l'air assez idyllique et utopique quand je le raconte, mais c'est beaucoup plus compliqué de se constituer en communauté, de vivre pas mal les uns sur les autres. Mais on a appris à vivre ensemble, à faire ensemble. Cette idée du commun a toujours été au cœur des projets. » Marcial Di Fonzo Bo

 

 


Réécouter La troupe des Lucioles, une famille d'acteurs   1H15

Copi, le dramaturge et dessinateur de la célèbre Femme assise, occupe une place singulière dans son parcours. Comme lui, une partie de la famille de Marcial Di Fonzo Bo s’est installée à Paris pour fuir la dictature en Argentine. C’est d’ailleurs auprès de ses oncle et tante Facundo et Marucha Bo qui avaient créé avec Alfredo Arias le groupe TSE et fait découvrir au public parisien les textes d’un Copi alors inconnu, que Marcial Di Fonzo Bo s’est formé à toutes les ficelles du métier. Au tournant des années 2000, engagé dans un travail de mémoire pour mieux comprendre celui qui a marqué l’histoire des siens, Marcial Di Fonzo Bo s’est entouré des Lucioles pour monter à son tour les œuvres de l’auteur, de Copi, un portrait à Eva Peron / L'homosexuel ou la difficulté de s'exprimer .

 

 

« En lisant L'Uruguayen, il y a une telle liberté. On y trouve cette phrase assez incroyable qui dit que " l'exil est une période de la vie où l'homme s'ouvre à la liberté ". Et pour moi, Copi a toujours été ça, une porte ouverte à l'imaginaire. Avec humour, avec culot. Une sorte de "terroriste" encore, comme Claude Régy à un autre endroit. » Marcial Di Fonzo Bo

 

Ses actualités :

  • Spectacle : « Glouster Time Matériau Shakespeare – Richard III » d’après la mise en scène de Matthias Langhoff par Frédérique Loliée et Marcial Di Fonzo Bo dans une nouvelle traduction d’Olivier Cadiot, en tournée : 8 et 9 mars, Le tangram, Scène nationale d’Évreux // 27 au 30 avril, La Comédie de Genève // 4 au 6 mai, La Comédie de Reims // 12 au 15 mai, La Villette, Paris.
  • Spectacle : « Portrait Avedon-Baldwin : entretiens imaginaires » - Texte : Kevin Keiss, Élise Vigier - Mise en scène : Élise Vigier - Avec : Marcial Di Fonzo Bo, Jean-Christophe Folly du 29 mars au 3 avril à 20h30 puis du 6 au 17 avril à 21h au Théâtre du Rond Point à Paris.

 

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Archive de Claude Régy extraite de l’émission Surpris par la nuit, diffusée la première fois sur France Culture le 01/10/2007.
  • Archive d’Alfredo Arias extraite de l’émission Affaires Culturelles, diffusée la première fois sur France Culture le 22/09/2021.
  • « Las simplas cosas » de Chavela Vargas sur l’album « Macorina » (1994) | Label WEA International
  • Archive de Matthias Langhoff extraite de l’émission Le Bon Plaisir, diffusée la première fois sur France Culture le 16/06/1990.
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October 30, 2021 10:31 AM
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« Si l’enfant naît mort, est né mort, il faut quand même, tout de même.. » 

« Si l’enfant naît mort, est né mort, il faut quand même, tout de même.. »  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Jean-Pierre Thibaudat  dans son blog Balagan - 29/10/21

 

Ce sont là les premiers mots de la pièce de Jean-Luc Lagarce « Les règles du savoir vivre dans la société moderne ». L’auteur l’avait créée avec Mireille Herbstmeyer. Marcial di Fonzo Bo reprend le flambeau avec Catherine Hiegel. Un régal d’impertinence.

 

« (Idée d’un spectacle, j’en reparlerai )» note, entre parenthèses, Jean-Luc Lagarce, dans son Journal, le 13 janvier 1988. Il vient de lire (c’est un gros lecteur, un insatiable, un curieux) un ouvrage réédité mainte fois depuis sa première édition à la fin du XIXe siècle, signé par une prétendue baronne Staffe : Les règles du savoir-vivre dans la société moderne. On y énonce, par le menu, toutes les règles à suivre aux différentes étapes de la vie  et bien d’autres choses. Le fils d’ouvrier protestant Lagarce se plaît à lire ces règles vouées à être lues en priorité par la bourgeoisie catholique française. Il n’en  reparle  pas tout de suite mais quelques années plus tard.

 

 

Henri Taquet (disparu en mai 2019 à l’âge de 87 ans) était alors le dynamique directeur du Granit de Belfort. Il aimait bien le régional Jean-Luc (basé à Besançon) et lui avait proposé d’écrire chaque années librement les éditos de la plaquette de saison plutôt que de s’adonner lui même à cet exercice souvent fastidieux. Lagarce écrit donc des éditos qui n’en sont pas, ne parlent pas des spectacles de la saison mais de la vie, du théâtre, de l’écriture, ce qui lui passe par la tête. Ces textes exquis figurent aujourd’hui dans le recueil Du luxe et de l’impuissance.

 

 

Taquet lui fait d’autres propositions, des stages par exemple. Et un jour il lui demande si cela lui dirait d’écrire une pièce qui se jouerait en appartement. Une mode, alors naissante, lancée par Pierre Ascaride. Le pudique Jean-Luc n’est pas très chaud pour ce genre d’intrusion, mais n’ose dire non à cet homme aimable et attentionnée. Il se souvient alors de cette « idée » qui lui est venue quelques années plus tôt. Un contrat est signé en mars 1992, et c’est ainsi que nous arrivent en janvier 1993 Les règles du savoir vivre dans la société moderne. Comme on s’en doute, les phrases de la baronne sont revues, augmentés et corrigées par Lagarce qui aime de temps à autre, écrire dans les mots d’un autre comme il l’avait fait et le fera encore avec Kafka.

 

Il coupe, ajoute, insiste, fait des détours, réitère, travaille le rythme, les modulations. Du pur Lagarce. Il jubile, on le devin , en réécrivant la dite baronne. Et c’est parti : naissance, baptême, fiançailles, mariage… des règle s de plus en plus surannées et ce n’en est que plus drôle., Tout finit par la mort écrit celui qui est atteint par le sida et sait qu’il ne vivra pas « éternellement ». C’est une pièce à la fois extravagante et on ne peut plus simple : la « dame », unique personnage, s’adresse au public.

 

Taquet est satisfait mais cherche en vain un metteur en scène pour présenter la chose en appartement. Lagarce décide finalement de monter la pièce lui-même mais dans un théâtre, avec l’actrice toute désignée, celle qui est à ses côtés depuis le début : Mireille Herbstmeyer. La première a lieu au Granit de Belfort.

 

Le spectacle va beaucoup tourner. Après la mort de Jean-Luc Lagarce, son héritier littéraire, son ami de longue date, François Berreur la mettra par deux fois en scène, avec, toujours, « la Herbstmeyer » comme l’appelait Jean-Luc. Je me souviens, un soir à Montbéliard, avoir vu ce spectacle avec, à mes côtés, les parents de Lagarce.

 

Tout cela est loin. Berreur et « la Herbstmeyer » ont fait du chemin, et quels chemins !.Lui comme éditeur et à ses heures metteur en scène. Elle comme actrice, actuellement dans Le condor (lire  ici). La pièce, elle, vit sa vie, chérie par les cours de théâtre et les troupes amateures, traduite en plusieurs langues, etc.

 

Et voici que Martial di Fonzo Bo, le directeur de la Comédie de Caen, et l’actrice Catherine Hiegel (ex doyenne de la Comédie-Française ) qui se connaissent bien, s’associent pour offrir un nouveau tour de piste à cette pièce aussi simple qu’invraisemblable. Du pain béni (restons dans le registre catho) pour l’actrice qui se régale de la moindre phrase et du metteur en scène qui, l’ayant bien coachée pour bien la connaître, n’a plus qu’a organiser la soirée en trois mouvements.

 

La folie de la Herbstmeyer était aussi intérieure qu’inquiétante. Tout à l’inverse, Catherine Hiegel apparaît faussement sage (robe noire, col blanc), mais très vite diablement bouffonne, foldingue, laissant la folie douce du personnage s’installer par paliers. Autant de façons de propager le rire corrosif de Lagarce. Les deux actrices évitent le piège de la conférencière. Mireille Herbstmeyer, cheveux tirés, martiale dans des regards assassins, Catherine Hiegel, cheveux en bataille, toujours en mouvement avec des changements de voix et de regards  sidérants, des reconfigurations multiples avec ou sans bouquets de fleurs, cahier de texte et, basse continue : une ironie dévoratrice. Elle bondit dans chaque mot. Assis dans le fond de la salle, le fantôme de Jean-Luc Lagarce applaudit.

 

 

Théâtre du Petit Saint-Martin, 19h ou 21h en alternance, du mardi au samedi.

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May 30, 2020 1:06 PM
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Réouverture des théâtres : Comment T. Jolly, L. Berelowitsch et M. Di Fonzo Bo imaginent le spectacle avec le covid

Réouverture des théâtres : Comment T. Jolly, L. Berelowitsch et M. Di Fonzo Bo imaginent le spectacle avec le covid | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Pauline Latrouitte, publié le 30/05/2020 sur le site de France 3 

Ces metteurs en scène sont réputés pour leur créativité. Cela tombe bien, il en faudra pour réinventer le lien avec le public. Le covid les met à l'épreuve, mais la fine fleur de la scène normande, Thomas Jolly, Lucie Berelowitsch et Marcial Di Fonzo Bo n'ont absolument pas dit leur dernier mot.



Voir sur le site de France 3 avec les vidéos et les photos illustrant cet article

 
 
 

Thomas Jolly : "Cette période est violente pour le spectacle vivant mais c'est très excitant !"

Thomas Jolly aime les défis. Le rouennais, adepte de la résilience, ne jure que par le théâtre. Et comme lui, il se relève toujours, quoiqu'il advienne. Le lendemain des attentats du Bataclan, il avait tenu à jouer, à Caen, Henry VI, sa formidable fresque de 18 heures.
 

A chaque création, ce prodige de 38 ans détonne et parvient à faire lever et applaudir un ado, accompagné de son grand-père, grâce à son univers, toujours inventif. A Avignon, son "Thyeste" avait ébloui la Cour d'honneur, malgré toute la noirceur de la tragédie de Sénèque.
 

A peine nommé directeur du Quai, à Angers, Thomas Jolly a dû se résoudre à faire vivre un théâtre .... fermé. Le châtiment absolu. Le metteur en scène volubile se voit alors confiné dans son appartement.

Qu'à cela ne tienne, ce fils spirituel de Shakespeare improvise une scène .... sur son balcon. Avec son conjoint, " qui n'est pas acteur," ils déclament ensemble Roméo et Juliette. Lorsque vous lui ouvrez la porte, la magie est partout.
Thomas Jolly au balcon : 


"J’ai vu les gens apparaître à leurs fenêtres, mes voisins que je ne connaissais pas. Les livreurs se sont arrêtés au coin de la rue pour regarder. C’était très beau, ça nous a permis de se parler de balcon à balcon."
 

C’était de la culture vivante partagée. Et c’est l’essence même de ce métier. Cet art nous rappelle que nous sommes tous vivants au même endroit, en même temps et ça nous permet de partager une réalité imaginaire. Et c’est le propre de notre espèce. Thomas Jolly, metteur en scène et directeur du Quai à Angers.


C'est le déclic. Thomas Jolly réfléchit et soumet alors à son équipe une édition « corona-compatible ». Je vous invite à lire son texte.
 


Le pari de Thomas Jolly : une saison "corona-compatible"


Au lieu de commencer en septembre, comme d’habitude, le normand casse les codes et lance dès cet été sa saison avec une toute nouvelle pièce, créée dans l’urgence de l'instant.

Il cherche encore le titre, mais les répétitions doivent bientôt commencer. Le metteur en scène a trouvé dans le répertoire des textes dont l’histoire se passe dans un théâtre … vide. De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !!

« C’est le moment de parier. Cela me plaît beaucoup de sortir du ronron habituel et de se réinventer. Le théâtre, c’est quand même l’art de l’ici et maintenant et si on ne peut pas le faire, ça pose question. C’est très exaltant », rigole-t-il.
 
 
 
Thomas Jolly est joueur. Alors en juillet, les spectateurs retrouveront le plateau. Ils seront même installés dessus pour ne pas sentir l’absence du public avec un gradin à moitié vide. La salle deviendra l’espace de jeu. Le tout en respectant les 4M2 par personne.

« La sécurité, c’est la condition sine qua none pour que le public revienne. Donc bien sûr, nous serons très vigilants ». La jauge va être réduite à 80/90 personnes par soir et la pièce se jouera tout l’été.

A partir de juillet, les artistes du Quai vont investir l’espace public, les décors patrimoniaux, les corps de ferme, les cours d’immeuble, les parcs et les jardins.

« Alors que tous les festivals ont été annulés, je ne pouvais pas me résoudre à laisser tout un territoire sans œuvres culturelles. C’est très intéressant de retrouver de la spontanéité. »


L’enfant terrible du répertoire classique, façon rock’n roll, réinvente et espère ne pas se tromper. Attention, son enthousiasme est contagieux, à tel point qu’on se voit très bien s’offrir un petit week-end angevin entre théâtre et chenin. (le cépage caractéristique de la région).

Une programmation au fil de l'eau

A partir de septembre, il prévoit entre cinq à dix représentations pour chaque spectacle. La programmation sera dévoilée mois par mois mais déjà, le tout nouveau directeur du Quai a passé commande auprès de compagnies pour inventer des « impromptus. Ce seront des petites scènes qui peuvent jaillir dans toute la ville, sans que l’on s’y attende ».

Un peu à la manière de sa saynète sur son balcon ou de « H6M2 », la version théâtre de rue et miniature de Henry VI.
 

Il reconnaît la violence de la crise, « une déflagration » mais la contrainte a toujours nourri sa création et il en tire aujourd’hui une certaine jubilation.  

« Ce qui m’intéresse follement dans mon travail, c’est la création. Dès que je sais comment faire, je n’ai plus envie de le faire, 
s’amuse-t-il.


J’aime les lieux et les auteurs qui me posent des colles, comme la Cour d’honneur, Sénèque et Shakespeare. Là, je ne peux pas accueillir tous les spectateurs dans tous les sièges, et bien je vais m’en servir pour proposer une pièce qui prend place dans un théâtre vide. Cet épisode est peut-être, pour nous, artistes, l’occasion de repenser nos maisons de fond en comble, vraiment. »

 H6m2 par Thomas Jolly : Henry VI : tout le Cycle 1 d'Henry VI en 45 minutes et sur 6m2 (vidéo)


Lucie Berelowitsch : « Vous nous manquez, me disent les spectateurs de Vire »

En pleine campagne, sur le territoire de Vire, l'équipe du Préau, menée par Lucie Berelowitsch, a dû improviser, elle aussi, pour ne pas perdre le lien avec le public. Ce sont ses « échappées intérieures ». Les mots ont continué à résonner, la vie ne s'est pas arrêtée.

Tous les samedis, les tout-petits avaient rendez-vous avec « la vie des bruits », l’histoire d’une petite fille confinée chez elle, qui dure à chaque fois entre 3 et 8 minutes. C’est une proposition numérique de Najda Bourgeois, comédienne permanente du Préau, à suivre sur ce site et les réseaux sociaux.
 
 
Jean-Yves Ruf lit Cioran (vidéo)

Pour les réfractaires du 2.0, l’équipe a lancé « au bout du fil ».  Les comédiens lisaient des textes par téléphone. Neuf mille personnes se sont inscrits pour écouter un poème, un extrait de théâtre, un conte ou un texte, comme celui-ci de Cioran, lu par Jean-Yves Ruf … Le Préau, qui soigne particulièrement les ados, a quand même eu la bonne idée de les poster sur viméo.
 
 
 
 
 
Depuis la réouverture des écoles, les comédiens ont repris le chemin de la cour, pour partager "la vie des bruits", avec les élèves de maternelle et primaire. Des petites "capsules théâtrales" vont également jaillir, en juin, dans le monde des ados, privés de leur festival, initialement prévu en mai.

Rassurez-vous, il aura lieu. Ce sera "La journée des possibles", une grande fête de "rencontres, de partage et de retrouvailles", programmée cet automne.



En attendant la réouverture du Préau, en septembre, les comédiens sillonneront le territoire en juillet pour proposer, en partenariat avec Vire-Normandie "du théâtre musical et garder le lien et la proximité avec le public. Nous allons accueillir des résidences pour soutenir la création artistique et participer à l'opération l'été apprenant." explique Lucie Berelowitsch, qui veut, coûte que coûte, offrir une bulle théâtrale en investissant la période estivale.

A la rentrée, la saison sera légèrement modifiée, mais pas tant que ça. "On a voulu privilégié les reports (72%) des spectacles pour ne pas pénaliser les compagnies. Nous aurons des petites jauges. Un spectacle pourra être diffusé trois soirs de suite, s'il le faut. Ce sera du cas par cas. On s'adaptera".



Les artistes et directions de scènes nationales font tout pour redémarrer dans de bonnes conditions mais la clé, c'est la confiance. Le public viendra s'il est rassuré, si les protocoles sanitaires sont respectés. C'est tout l'enjeu mais c'est à eux d'inventer un juste milieu.

Si on met trop de contraintes, ça peut être douloureux pour tout le monde. Si on aseptise tout, il n'y aura plus de vie et de retrouvailles possibles, mais nous nous devons de protéger les spectateurs et les artistes. On y réfléchit beaucoup en ce moment, mais rien n'est encore vraiment arrêté". 

Lucie Berelowitsch, directrice du Préau, Centre Dramatique National de Normandie-Vire


Les spectateurs sont très attachés à leur Préau, qui abrite la culture, rapproche les uns des autres, en diffusant ... de la vie tout simplement. "J'ai croisé un spectateur, l'autre jour, et il m'a dit "Vous nous manquez" j'ai trouvé ça très beau car ça définit bien ce qu'un CDN peut apporter sur un territoire rural".
 


 

Marcial Di Fonzo Bo : "Avec le dispositif "Rue de Bretagne", on va réinventer le lien avec le public"


Ne comptez pas sur Marcial Di Fonzo Bo pour se plaindre. Le metteur en scène, à la tête de la Comédie de Caen - Centre Dramatique National de Normandie - prend très à coeur son rôle de directeur d'une scène publique, engagée dans la vie sociale et artistique.

C'est son obsession. A la fois soutenir les artistes et la création, durement fragilisés, mais aussi tendre la main aux spectateurs. Les inviter à partager les coulisses et la naissance d'un spectacle.
 

C'est jouissif pour le public de se sentir complice, de voir comment tout cela se fabrique.  Je l'ai vu et vécu. C'est très fort et c'est génial de partager ces momentsMarcial Di Fonzo Bo, metteur en scène et directeur de la comédie de Caen - CDN de Normandie 

   

Alors son équipe et ses tutelles (Etat, Région, Département, Ville) ont une superbe idée : investir pendant toute une année, l'ancien Panta Théâtre, qui venait de fermer ses portes rue de Bretagne, à Caen. Elles rouvriront plus tôt que prévu pour accueillir en résidence trente compagnies de la région et d'ailleurs.


"On a demandé à tous ces artistes de réfléchir et de travailler pour renouer le lien avec le public. Chaque compagnie doit inventer et cela pourra donc prendre différentes formes : répétitions ouvertes, ateliers d'écritures, représentations en jauge réduite, créations avec des enfants et des familles, à l'hôpital, dans la rue, en bas des tours des quartiers, dans les cours des collèges et lycées ...

C'est une saison d'intérim et je tiens à saluer l'investissement des collectivités, nos tutelles, qui se sont montrées très à l'écoute et veulent vraiment soutenir la création artistique."


Ce dispositif baptisé "Rue de Bretagne" va faire des propositions tout au long de la saison. Et de votre ordinateur, vous pourrez même admirer leurs évolutions, puisqu' une "fenêtre en live" sera ouverte sur ces compagnies.
 
Comédie de Caen - CDN de Normandie@ComedieCaen

[Saison en ligne #3] « Avec le cinématographe, plus de limites, plus de frontières ». Redécouvrez M comme Méliès mis en scène par Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo. https://bit.ly/2QMzZWk    @ComedieCaen#Culturecheznous

 

Le rideau numérique reste ouvert

Pendant tout le confinement, les amateurs de planches ont pu savourer les dernières créations et coups de coeur de la Comédie, à travers leur écran. Rassurez-vous, la saison en ligne continue et reste gratuite.

Vous pourrez ainsi revoir avec vos enfants M comme Méliès, qui avait remporté le Molière jeune public l'an dernier ou "le bonheur (n'est pas toujours drôle)", ou encore "Véra" que le duo Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier ont crée avec leurs actrices fétiches Karin Viard et Helena Noguerra.
 
 

Une saison en ligne - Comédie de Caen



Helena Noguerra va d'ailleurs passer le début de l'été sur la scène d'Hérouville-Saint-Clair pour répéter sa pièce "La reine de la piste", qu'elle met en scène. Avant de la présenter en septembre, la Comédie de Caen organisera le 9 juillet - la veille de la fermeture théorique - un apéro dans le jardin, théâtre de jeu d' "Interstice paysager" de l'artiste Léonard Nguyen.

"C'est une façon d'inviter le public dehors, dans le décor de ces "interstices" et d'écouter les prémisses de la "Reine de la piste" d'Helena Noguerra, qui est plein de vie. On en profitera pour parler de la saison prochaine", précise Marcial Di Fonzo Bo, impatient de revoir les spectateurs et de partager un moment joyeux.
 
 

Une programmation revue et amplifiée 

La saison prochaine, parlons-en. Marcial Di Fonzo Bo a dû refaire toute sa programmation, qui devait accueillir de nombreux spectacles étrangers. Tout a été chamboulé et grâce au dispositif "Rue de Bretagne", les spectateurs n'auront plus le droit à quarante propositions mais ... à soixante trois.

"On va garder et développer la plateforme numérique mais sur l'installation du public dans la salle, c'est encore un peu flou, note le directeur de la comédie.

L'équation n'est pas facile à résoudre, il en convient.

 

 

Chez nous, le prix du fauteuil est en partie subventionné grâce à de l'argent public. C'est difficile de demander à des collectivités de le payer quatre fois plus cher, si on diminue le nombre de spectateurs. Personnellement, ça me gêne beaucoup. Marcial Di Fonzo Bo, metteur en scène et directeur de la comédie de Caen


Si tout n'est pas précisément défini. Les pistes de travail cheminent vers une diffusion en salle et simultanément en ligne.

"On pourrait accueillir 250 personnes, au lieu des 700 habituellement. Par exemple, le spectacle d'Helena Noguerra se jouera dans le théâtre en septembre et nous le proposerons à la VOD, gratuitement".
 


Sa création, le farfelu "Royaume des animaux" sera reprise et plusieurs représentations "quatre au lieu de deux" pourront avoir lieu, dans une jauge réduite.

"On peut proposer différentes heures aussi : 10h, à 14h, etc ... Les acteurs adorent jouer. Ils sont ravis et enthousiastes d'interpréter plusieurs fois dans la même journée un spectacle comme le "Royaume", car c'est joyeux."

Face à cette crise, les metteurs en scène naviguent tous dans un bateau un peu ivre, secoué par les aléas du virus. Un jour, peut-être, les artistes s'en empareront pour exorciser cette crise, qui agit "comme le liquide révélateur en photo", note Marcial Di Fonzo Bo.

Mais pour l'instant, cet admirateur de Méliès préfère s'octroyer un tête à tête avec le génie du burlesque, Buster Keaton, sujet de sa prochaine création. L'histoire d'un homme qui "ne rit jamais", mais nul ne l’a jamais vu pleurer.


 
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May 19, 2019 6:45 AM
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Vols en piqué…, d’après Karl Valentin mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau.

Vols en piqué…, d’après Karl Valentin mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau. | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello - 16 mai 2019

 

Vols en piqué…, d’après Karl Valentin, texte français de Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil, mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau.

Karl Valentin (1882-1946) a toujours voulu monter sur les planches – comédien, clown musicien ou humoriste. Au plus près de l’époque des cabarets munichois – plus d’une centaine -, il invente couplets, monologues, jeux de mots et humour.

Il rencontre en 1911 Liesl Karlstadt, compagne dans la vie et partenaire sur scène jusqu’en 1940, et pour une courte période, après la Deuxième Guerre mondiale.

Même s’il n’est pas facile, raconte Jean-Louis Besson dans sa préface de Le Bastringue et autres sketches de Karl Valentin (Editions Théâtrales), de distinguer quelle est la part de sa compagne dans la composition des textes, celle-ci a fortement contribué à l’invention des situations burlesques et des jeux de langage.

Tous deux jouent dans les grands cabarets munichois dont Vols en piqué dans la salle (1916), sketch qui débute le spectacle de Sylvie Orcier et de Patrick Pineau.

Machine étrange, avion de métal, mécanique absurde et fumigènes en cadeau.

Le public des cabarets plaît à Karl Valentin – un peuple modeste qui, assis à des tables, parle, mange, fume et boit de la bière : les sketches sont écrits pour lui.

Et dans la mise en scène de Vols en piqué…, on redécouvre la même installation scénique du cabaret ludique et festif, avec tables de bistrot, chaises et boissons.

Seul le langage compte, le jeu avec les mots, l’obstination à aller au fond de l’absurdité qui fait avancer ou stagner la situation comique ou l’action inexistante.

Ces instants valent pour eux-mêmes, sans dénouement, des sketches à tiroirs.

Sylvie Orcier et Fabien Orcier sont inénarrables dans leur duo grotesque de La Sortie au théâtre, entre plaisanterie, dégaine loufoque d’apparat, désir ou réticence de se rendre au théâtre avant de découvrir l’erreur de date qui n’est pas celle du jour.

On retrouve Fabien Orcier en pompeur d’égouts, avec sa pompe et son air hagard, prenant silencieusement le public à partie, et, déclinant en clown, les moindres gestes qui provoquent les rires francs des spectateurs, offusqués par tant de saleté.

Les spectateurs amusés rient aussi du dialogue absurde de Père et fils au sujet de la guerre, qui ne trouve jamais de dénouement raisonné ni logique. Et le personnage du Relieur Wanninger, faute d’interlocuteur dans l’entreprise, ne livre pas ses livres.

En artisans de la petite scène de théâtre de cabaret, les interprètes, déguisés outrancièrement mais avec élégance composent une musique joyeuse, à l’aide d’accessoires truqués – objets en métal ou en bois – et gâteaux secs à grignoter.

Chacun est à son instrument ou à son accessoire sonore – Nicolas Bonnefoy, Nicolas Daussy, Philippe Evrard, Nicolas Gerbaud, Frank Seguy…-, jouant en chœur et dans le plaisir enjoué, la verve à la fois comique et un rien mélancolique. Aline Le Berre chante merveilleusement, entre autres, en italien, et joue du piano avec talent.

Le rire est jaune parfois ; Karl Valentin ne monte plus sur des planches, de 1941 à 1946. Amertume et rancœur, il regrette le passé : « Jadis l’avenir était plus rose qu’aujourd’hui. »

Ou bien encore, « si j’étais Dieu le père, écrit-il, j’enverrais un déluge pour qu’ils se noient tous. »

Les artistes sur scène ont des qualités de clown et de musicien, de cirque et de cabaret, et la jeune Lauren Pineau Orcier est une jolie ballerine de boîte à musique.

Quant à Eliott Orcier, c’est un acrobate, danseur et contorsionniste expert, qui multiplie ses arabesques sur la scène et jusque dans la salle, éblouissant le public.

La scénographie de Sophie Orcier semble un jeu d’enfant – parois de bois, ouvertures et fermetures sonores -, claquements secs de porte – façon chaplinesque.

Un spectacle plaisant, entre prestidigitation visuelle, art du verbe et des possibilités infinies des jeux de mots, art du chant et de la musique, cirque, comédie, cabaret.

Aujourd’hui Karl Valentin et Liesl Karlstdat ont leur statue à Munich sur la place du Marché aux Victuailles, le couple et sa tradition artistique facétieuse ont trouvé en Patrick Pineau et Sylvie Orcier des descendants de grand talent qui ne cessent de fabriquer, sourire éclairé au coin des lèvres, un théâtre populaire enjoué qui distrait.

Véronique Hotte

Théâtre de La Tempête, Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre 75012 – Paris, du 9 mai au 9 juin, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h. Tél : 01 43 28 36 36

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August 10, 2015 6:23 PM
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Je suis la pire, tu es le meilleur / Démons

Démons 9 septembre – 11 octobre, 21h http://2015-2016.theatredurondpoint.fr/saison/fiche_spectacle.cfm/213427-demons.html de Lars Norén mise en scène Marcial Di Fonzo Bo avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Marina Foïs, Gaspard Ulliel .

 

Romain Duris et Marina Foïs incarnent le couple mythique de Lars Norén, grandiose combat conjugal. Une lutte à la vie et à la mort quand ils prennent à témoin de leur jeu démoniaque leurs voisins, Anaïs Demoustier et Gaspard Ulliel.

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December 31, 2014 4:42 AM
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Marcial Di Fonzo Bo, prochain directeur de la Comédie de Caen

Marcial Di Fonzo Bo, prochain directeur de la Comédie de Caen | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié sur le blog WebThéâtre :

 

Madame Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, en accord avec les collectivités locales concernées, a nommé Marcial Di Fonzo Bo directeur de la Comédie de Caen, Centre dramatique National de Normandie. Comédien, metteur en scène né à Buenos Aires en 1968, il s’est installé à Paris en 1987. Il y retrouva sa mère Lucia Bo costumière et habilleuse, sa tante et son oncle Marucha et Facundo Bo, une prestigieuse famille d’artistes dont le talent contribua à la gloire du Groupe TSE d’Alfredo Arias. Tout naturellement il sera, à son arrivée, assistant d’Alfredo Arias ( Les Escaliers du Sacré cœur , Les Indes Galantes ) avant d’intégrer l’école de comédiens du TNB et de forger son propre destin de créateur attentif au vif des écritures porteuses d’alerte.

De son propre aveu, son parcours de comédien qui a joué aussi bien avec Rodrigo Garcia, Olivier Py, Luc Bondy… aura été particulièrement marqué par deux fécondes rencontres : celles de Claude Régy (Parole de sage , La Terrible voix de Satan de Grégory Motton, Quelqu’un va venir de Jon Fosse) et de Matthias Langhoff avec qui il fut un remarquable Richard III couronné du Prix de la révélation par le Syndicat de la critique.

En 1994, à sa sortie de l’école du TNB, avec des élèves de sa promotion, dont Elise Vigier et Pierre Maillet, il crée un « collectif d’acteurs » le Théâtre des Lucioles, avec lequel il joue et met en scène et met l’accent sur les auteurs d’aujourd’hui : Copi, Leslie Kaplan, Rodrigo Garcia, Philippe Minyana, Rafael Spregelburd de qui, avec Elise Vigier, il met en scène La Connerie , La Paranoïa , L’Entêtement .

Théâtre, opéra, cinéma, metteur en scène ou comédien, voire les deux à la fois, le parcours de Marcial Di Fonzo Bo est celui d’un artiste sans œillères, boulimique et qui aime à travailler en bande. Normal dès lors que son projet pour la Comédie de Caen soit fondé sur le partage et la mutualisation et soit marqué par une attention particulière aux auteurs vivants. Il aura pour moteur un collectif de six artistes, auteurs, metteurs en scène, comédiens associés : Elise Vigier, David Lescot, Lucie Berelowitsch, Guillermo Pisani, Pierre Maillet, Laëtitia Guédon.

Ce collectif aura à créer des liens avec les différentes instances culturelles de la Région, à travailler avec l’université de Caen et à mettre en œuvre, « de nouvelles modalités d’accompagnement de jeunes compagnies comme de nouvelles dynamiques de coproduction et de production ».
Profondément ancrée sur son territoire, la Comédie de Caen n’en cultivera pas moins des ambitions européennes et internationales.

Marcial Di Fonzo Bo qui succède à Jean Lambert-Wild nommé au CDN de Limoges prendra ses fonctions le 1er janvier 2015.

En attendant d’aller voir son travail à Caen, il est possible de s’en faire une idée actuellement au Théâtre Hébertot qui présente La Mère , de Florian Zeller avec Catherine Hiegel, spectacle qu’il a mis en scène.

Dominique Darzacq pour le blog Webthéâtre 

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November 28, 2014 7:07 PM
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Plus théâtre anglais, tu meurs : le bonheur pousse au Crimp

Plus théâtre anglais, tu meurs : le bonheur pousse au Crimp | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Chronique de Jean-Pierre Thibaudat pour son blog "Théâtre et Balagan" :

 

Ce qui est sûr dans le théâtre de l’anglais Martin Crimp, c’est que rien ne l’est. Excepté le pire, puisqu’il l’est toujours (sûr). Les proverbes n’ont pas de frontières pour cet auteur (né en 1956) souvent joué en France, actuellement à l’affiche du Théâtre de Chaillot et du Théâtre de la Colline."Est-ce que tu te sens bien?"Au départ, le temps d’une scène, voire d’un acte, tout semble couler de source. On vit des jours tranquilles ou normalement agités (querelle de famille, bisbilles de couple) à London ou ailleurs, plutôt dans un quartier huppé, bourge ou branché, assurément loin des rues lumpen-prolétarisées des faubourgs de la ville.

Du mobilier au temps qu’il fait, ça ronronne gentiment, ça pose des questions aimables du genre : « Est-ce que tu te sens bien  ?  » («  La Pièce  » et autres morceaux, Editions l’Arche, éditeur attitré), on nage dans le train-train du bonheur de vivre.

Mais très vite, ça se fissure, une digue lâche, une gorge se serre. On n’est pas bien là où l’on est  ? Si, mais… On a tout ce qu’il faut, mais justement, c’est cela qui devient angoissant. Cet autre, là devant moi, est-ce qu’il ne me regarde pas bizarrement  ? L’étrange est entré dans la pièce, il ne la quittera plus.

Toutes les pièces de Crimp sont faites de déraillements, tout personnage en cache au fond de lui un autre. Il y a chez cet auteur anglais un cousin germain d’Harold Pinter qui mettrait en vrille la façon d’écrire du tonton en invitant Kafka et Buñuel dans le tourbillon d’une autre époque (la sienne) où l’idée du bonheur n’est plus depuis belle lurette une idée neuve en Europe, mais une vieille tarte à la crème, un mot-slogan que les publicitaires ont disputé longtemps aux poètes avant que ces derniers ne baissent les bras devant la puissance de l’adversaire. Un monde où le désir, le sexe se gèrent comme une petite entreprise, où le baiser sur la bouche s’apparente au permis à points.

 

CLIQUER SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ARTICLE ENTIER DANS SON SITE D'ORIGINE

 

"Dans la république du Bonheur" et "La Ville"   Deux pièces de Martin Crimp

Mises en scène l'une par Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo, l'autre par Rémy Barché.

«  Dans la République du bonheur  », Théâtre de Chaillot jusqu'au 30 nov, 20h30 du mar au sam (sf sam 29 à 14h30), dim 15h30, puis du 4 au 6 déc au Nouveau théâtre d'Angers et du 9 au 11 déc à la Comédie de Saint Etienne ;«  La Ville  » Théâtre de la Colline du 27 nov au 20 déc, du mer au sam 21h, mar 19h, dim 16h, représentations supplémentaires les sam 13 et 20 déc à 16h, puis du 7 au 10 janvier au théâtre national de Toulouse.

Les pièces de Martin Crimp sont publiées à l'Arche.

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November 21, 2014 3:25 AM
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Théâtre : la mater dolorosa de Florian Zeller

Théâtre : la mater dolorosa de Florian Zeller | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Le Point :

 

Pièce après pièce, Florian Zeller construit un ensemble qui n'a rien d'une construction massive mais qui évoquerait plutôt une architecture à la Jean Nouvel : des ramifications élégantes et mystérieuses, une clarté de surface qui permet d'entrer dans l'opacité d'ombres familières et profondes. Ses textes se répondent en semblant s'ignorer l'un l'autre, mais après avoir écrit Le Père (2012), que jouait Robert Hirsch et qui vient d'obtenir un grand succès à Londres dans la version anglaise de Christopher Hampton, il fait aujourd'hui jouer La Mère (2010), et ce n'est pas innocent.

Zeller se promène d'une manière obsessionnelle dans les méandres de l'âge, de la mémoire, du couple et de la famille. Mais son écriture ne se répète pas. L'angle n'est pas le même, alors que le style et la forme gardent le même dessin arachnéen. Aujourd'hui, c'est La Mère qu'on peut revoir. Créé au Petit Théâtre de Paris en 2010, le spectacle est repris à Hébertot, dans la mise en scène d'origine de Marcial Di Fonzo Bo. Catherine Hiegel en est toujours l'interprète principale, mais Éric Caravaca a remplacé Clément Sibony dans le rôle du fils.

L'obsession d'une mère doublement abandonnée

Premiers plans et arrière-plans : c'est dans une double vision rapprochée et éloignée que Di Fonzo Bo a orchestré la représentation avec le décorateur Yves Bernard. Les premières séquences se jouent à l'avant-scène, une cloison de bois et un rideau translucide cachant ou révélant un deuxième espace, plus vaste mais que, sous l'effet du tulle ou des lumières, l'oeil perçoit de façon moins nette. C'est une traduction plastique très fidèle à l'esprit de Zeller. Tout est gros plans et plans éloignés. Près de la rampe qui sépare le plateau du public, la mère est là qui parle à son mari. C'est une discussion en parallèle.

Ils ne s'écoutent guère, chacun étant dans ses pensées, lui étant plus stratégique et elle plus monomaniaque. Elle sait que son mari la trompe et ne lui envoie pas dire qu'elle ne croit pas à ses voyages d'affaires et qu'elle sait qu'il a quelques jeunes filles dans son bagage. Mais l'obsession de la mère, c'est leur fils unique, dont elle est sans nouvelles. Or voilà que le fils, qui a largement l'âge de mener et de gagner sa vie, est de nouveau présent. Il traverse un moment de désaccord avec son amie et il a décidé de se réfugier au domicile familial. La mère croit alors que son fils revient vers elle, alors qu'il revient vers lui-même pour prendre le temps de la réflexion. Elle tente de faire de lui l'enfant obéissant qu'il était autrefois. Mais son fils, son mari, le monde lui échappent.

Une nouvelle manière d'éclairer une histoire

Le sujet de la génitrice qui n'est pas exactement castratrice mais tente d'être le seul amour de son fils ou de sa fille est l'un des grands thèmes de la tragédie, depuis les Grecs jusqu'à Cocteau. Mais le traitement du sujet par Zeller n'a que de lointains rapports avec ce qu'ont écrit nos classiques ou nos modernes nourris de littérature classique. Car, dans sa création d'une mater dolorosa sans contexte religieux, il n'y a pas ici l'affirmation d'une vérité unique. À chaque moment, il y a plusieurs vérités. Bien que la succession des scènes fasse avancer l'histoire racontée, l'incertitude de ce qui nous a été montré surgit toujours à travers la répétition de scènes légèrement différentes, la succession de plusieurs versions d'un même dialogue. L'auteur donne la même intensité à des scènes qu'on peut supposer réelles et à des scènes imaginaires ou contradictoires.

Est-on dans le passé, le présent, le futur ? Dans la minute d'avant ? Dans le jour d'après ? Dans une action véritable, dans un rêve, dans un fantasme ? L'on est dans toutes ces dimensions à la fois et successivement. Cela pourra passer pour un jeu intellectuel qui semblera difficile ou artificiel à certains spectateurs, mais c'est, en fait, une vision personnelle du monde et une manière de renouveler le langage théâtral. Pour cette nouveauté - créer un récit scénique où les faits sont contés et aussitôt mis en cause par une scène qui en donne un nouvel éclairage, laissant au spectateur la possibilité d'explorer plusieurs pistes et de tirer une conclusion qui ne lui est pas donnée -, Florian s'inscrit dans la continuité d'auteurs comme Harold Pinter, Tom Stoppard ou Jon Fosse. Mais sa patte est très personnelle, aussi cruelle que tendre, sans cynisme (comme chez Pinter) ni complainte (comme chez Fosse).

De nouvelles tonalités par rapport à la création

Marcial Di Fonzo Bo est un metteur en scène qui a le sens de l'énigme du récit et du secret des êtres humains. Il sait trouver le rythme en passant du temps suspendu au temps qui file à vive allure. Il renouvelle là le spectacle par rapport à ce qu'il fut il y a quatre ans. Catherine Hiegel y est de nouveau exceptionnellement troublante, sachant être à la fois une femme âgée opiniâtre et une petite fille perdue. À présent, elle donne plus de dureté à cette mère abandonnée par son fils et son mari. Et c'est passionnant de voir le personnage prendre ainsi de nouvelles tonalités en développant son angoisse et son désespoir sous un voile d'étrangeté.

Éric Caravaca évite de jouer la séduction et crée, par rapport à ce qu'avait fait auparavant Clément Sibony, un être davantage plongé dans son monde intérieur, fermé, largement absent. Olivia Bonamy a une partition de personnage plus lointain et présent par à-coups, ce qu'elle fait dans l'élégance. Enfin, Jean-Yves Chatelais, qu'on a souvent connu dans des rôles allègres et dévastateurs, est admirable dans l'ambiguïté, le détachement et la culpabilité légère. Ce beau théâtre feutré traduit dans une grande originalité l'implosion de l'être humain.

 

Par Gilles Costaz pour Le Point

 

VOIR L'ENTRETIEN VIDEO EN SUIVANT LE LIEN http://www.lepoint.fr/culture/coups-de-coeur/theatre-la-mater-dolorosa-de-florian-zeller-15-11-2014-1881363_792.php

 


La Mère, de Florian Zeller, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo. Théâtre Hébertot, 19 heures, tél. : 01 48 87 23 23. Texte à L'Avant-Scène Théâtre.

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November 19, 2014 8:21 AM
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Dans la République du bonheur - Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier (Extraits)

Du 21 au 30 novembre 2014 Au Théâtre National de Chaillot Plus d'infos : http://theatre-chaillot.fr/theatre/marcial-di-fonzo-bo/dans-la-republique-du-bonheur Une réunion familiale qui vire au jeu de massacre est l’occasion pour Martin Crimp de livrer une réflexion aussi désabusée que féroce sur la société contemporaine. L’humour caustique du dramaturge britannique trouve en Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier des maîtres d’œuvre à sa mesure.
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November 12, 2014 7:13 PM
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Catherine Hiegel, une mère-monstre bouleversante d'humanité

Catherine Hiegel, une mère-monstre bouleversante d'humanité | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Paru dans le blog "Hier au Théâtre"

 

Décidément, Florian Zeller semble obsédé par la famille et ses complications. Avant Le Père, l’écrivain avait déjà signé La Mère en 2010, avec une Catherine Hiegel toujours aussi épatante. La pièce revient au Théâtre Hébertot pour l’automne. Zeller y explore subtilement les tourments d’une mère abandonnée par son fils adoré et les dérives d’un amour étouffant voire incestueux. La partition zellerienne joue habilement sur le flou fantastique entourant son texte. Marcial di Fonzo Bo est parvenu à saisir ces zones brouillées dans une mise en scène chirurgicale. À voir de toute urgence !



CLIQUEZ SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ARTICLE ENTIER DANS SON SITE D'ORIGINE


La Mère, de Florian Zeller, mise en scène Marcial di Fonzo Bo, avec Catherine Hiegel

au Théâtre Hébertot

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November 22, 2024 12:27 PM
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Marcial Di Fonzo Bo, vif Argentin 

Marcial Di Fonzo Bo, vif Argentin  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Rencontre avec l’acteur et metteur en scène, qui convoque les fantômes de la dictature dans «Portait de l’artiste après sa mort» au théâtre de la Bastille et observe depuis la France, entre colère et inquiétude, la présidence de Javier Milei.

 

«Je m’appelle Marcial Di Fonzo Bo ; je suis acteur, metteur en scène et directeur du Quai, Centre dramatique national d’Angers. Je suis né à Buenos Aires le 19 décembre 1968…» Ça commence comme ça : seul en scène au théâtre de la Bastille à Paris, Marcial Di Fonzo Bo décline son identité devenue texte pour la pièce Portrait de l’artiste après sa mort de Davide Carnevali. Le reste se joue dans une histoire à tiroirs à la Borges, retour sur les années de dictature en Argentine, les enlèvements, les desaparecidos, avec cette idée que le théâtre peut mener l’enquête, faire parler les fantômes, au moins leur donner une identité. Bien sûr que ce que raconte Marcial ne lui appartient pas, quand bien même il est dans le texte comme dans la vie «Argentin mais Français d’adoption […] arrivé à Paris à la fin des années 80». Carnevali s’appuie sur les codes du théâtre documentaire pour mieux les détourner, créer des effets de réel qui embarquent même les spectateurs invités à monter sur scène, entrer dans le décor, à ne plus savoir ce qui est vrai.

«Car il y a une vérité historique, celle de la dictature, qu’on enterre aujourd’hui sous des tonnes de mensonges», embraye immédiatement Marcial Di Fonzo Bo, rencontré dans un café parisien, qui, plutôt que de parler de lui, fonce sur la situation de son pays d’origine, l’Argentine de Javier Milei, élu président il y a un an. «Un monstre de fiction inventé par le capitalisme ultraviolent, un Joker avec mèches folles et tronçonneuse, tout y est, un type délirant qui communique avec son chien mort, censé lui donner des ordres depuis l’au-delà.»

«Une société qui explose à tous les niveaux»

Bienvenue dans l’ère de l’ultrafiction au service d’un programme concret : destruction définitive de l’Etat, discours négationniste de la vice-présidente, fille de militaire, qui fait des selfies avec les tortionnaires en prison et raconte qu’il y aurait moins de 3 000 disparus pendant la dictature alors qu’on estime qu’ils étaient plus de 30 000, enrage Di Fonzo Bo. «Ce type est en train de vendre son pays à des entreprises étrangères qui auront le droit de puiser le pétrole argentin sans employer la population locale, le dollar va remplacer la monnaie nationale… Ça produit une société qui explose à tous les niveaux : mes sœurs restées en Argentine appartiennent à des camps totalement opposés et les voisins commentent nos origines italiennes, ça, je ne l’avais jamais vu.»

 

Marcial Di Fonzo Bo reprend son souffle, la colère ne retombe pas, cette colère qui l’anime depuis son adolescence sous la dictature militaire, à grandir et traîner dans la rue, les bars homos. Mais à l’époque, la colère était joyeuse «dans un mouvement de contestation génial qui passait par la scène rock. J’y ai appris qu’on pouvait dire une chose tout en faisant croire qu’on en disait une autre ; j’ai choisi de le faire au théâtre». Marcial a 18 ans, il commence le Conservatoire, et puis c’est l’exil, comme son oncle et sa tante Facundo et Marucha Bo, comédiens de la bande des Argentins de Paris, celle d’Alfredo Arias ou de Copi, l’avaient fait à la fin des années 60. Il lui faut deux ans pour apprendre le français, avant d’intégrer l’école du Théâtre national de Bretagne de Rennes à 22 ans. L’élève va vite, surdoué. Le conteur extraordinaire au phrasé envoûtant – il hypnotise chaque soir les spectateurs du théâtre de la Bastille – se révèle metteur en scène inventif au sein du Collectif des Lucioles. On est en 1994, il vient de rencontrer Claude Régy, enchaîne avec Matthias Langhoff et devient ce héros baroque du théâtre des années 90, installé trente ans plus tard à la direction du Quai, Centre dramatique national d’Angers, en successeur de Thomas Jolly.

 

 

«Aujourd’hui j’ai 55 ans et je suis très inquiet sur l’avenir des jeunes qui choisissent le théâtre, ici en France, plus encore en Argentine. Comment vont-ils résister ? Javier Milei a braqué la presse qu’il a rachetée, puis les artistes en coupant toutes les subventions. Maintenant il s’attaque aux universités, donc à la jeunesse. Mais il y a des signes qui me rassurent. En octobre dernier, pour la deuxième fois, des milliers d’étudiants étaient dans la rue. La prochaine fois, il faut espérer qu’ils vont tout casser.»

 

 

Portrait de l’artiste après sa mort de Davide Carnevali au théâtre de la Bastille (75011), du 25 au 27 novembre. Puis en tournée à Montluçon, Liège, Angers. Reprise de Dolorosa de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo du 24 au 28 février au Quai CDN Angers-Pays de la Loire puis au théâtre du Rond-Point, à Paris ; et au TNB à Rennes.

 

 

 
Légende photo : Marcial Di Fonzo Bo décline son identité devenue texte pour la pièce «Portrait de l’artiste après sa mort» de Davide Carnevali. (Victor Tonelli/Victor Tonelli)
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February 1, 2023 6:51 PM
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Rivage à l’abandon, Médée-Matériau, Paysage avec Argonautes de Heiner Müller mise en scène Matthias Langhoff

Rivage à l’abandon, Médée-Matériau, Paysage avec Argonautes de Heiner Müller mise en scène Matthias Langhoff | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello - 1/02/23

 

2 – Rivage à l’abandon, Médée-Matériau, Paysage avec Argonautes de Heiner Müller, traduction Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger (édit. Minuit), mise en scène Matthias Langhoff, en collaboration avec Véronique Appel, scénographie et création costumes Catherine Rankl, peinture Catherine Rankl, Eric Gazille, création perruques-maquillages Cécile Kretschmar, création lumière et régie lumière Laurent Bénard, Olivier Allemagne. Avec Claudio Codemo, Marcial Di Fonzo Bo, Laura Lemaitre, Frédérique Loliée.

1 – La Galerie – Paysages du temps Catherine Rankl, Verkommenes Ufer une pièce radiophonique Heiner Goebbels, Traces de lumière d’un pays disparu ou une esthétique de la résistance superpeintures cinématographiques Matthias Langhoff.

 

Qui est Médée ? Elle révèle notre temps, notre histoire. Durant près de trente ans, la figure de celle qui obtient sa liberté par l’éradication des liens familiaux a hanté Heiner Müller : il écrit Rivage à l’abandon, Matériau-Médée, Paysage avec Argonautes. Lorsqu’en 1983, Matthias Langhoff monte avec la complicité du dramaturge allemand ce triptyque énigmatique au théâtre de Bochum, il met au jour non pas un texte, mais, selon les propres mots de Müller, une « étoile à trou noir ». 

 

Une matière compacte, un récit d’événements et d’expériences d’un présent qui renferme des siècles. Alors, les années de plomb hantaient l’Allemagne, mais aujourd’hui les questions relatives au néocolonialisme, à la prospérité mal acquise et à l’oppression des femmes, se posent avec une acuité renouvelée. Aux côtés de Marcial Di Fonzo Bo, Frédérique Loliée et Catherine Rankl – compagnons de route pour la création de Richard III –, Matthias Langhoff compose une galerie à plusieurs entrées, une exposition de combattants dans des temps obscurs : le monde a besoin de ces textes, anciens, nouveaux, qui restent en mouvement entre passé et présent pour dire l’inouï.

 

Matthias Langhoff a dirigé le Berliner Ensemble, puis le Théâtre de Vidy-Lausanne. Héritier de Bertolt Brecht, du grotesque allemand et d’Heiner Müller – tel un collaborateur irrévérencieux -, il oeuvre sur les textes, multipliant les références, reliant les classiques à l’actualité, cherchant la controverse. Le plateau, est construit par l’orchestration politique des voix, des corps, des costumes, de la musique, de la lumière et du montage de textes. Son œuvre a été accueillie pour la première fois en France par le Théâtre de la Commune avec Commerce de pain de Brecht.

 

Pour Rivage à l’abandon, Matériau-Médée, Paysage avec Argonautes, le public entre dans une première salle avec, pour décor, des panneaux immenses qui se déplaceront plus tard, des paysages de bord de mer industriel abandonné, d’usine désaffectée : Paysages du temps de Catherine Rankl. Et en contemplant ces fresques, on a droit à l’écoute concomitante d’une pièce radiophonique significative, Verkommenes Ufer (Rive délabrée) de Heiner Goebbels. 

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Heiner Müller décrit ce qu’il voit autour de lui – les observations acérées d’un « paysage d’après-guerre » et de ses survivants : « le quotidien délabré d’argonautes au front bas dans une nature détruite ». Heiner Goebbels a demandé aux passants de rues de Berlin de lire ce texte dans différents bars, des salles de flipper, à la station Bahnhof Zoo, dans le métro et les trains de banlieue. Une pièce radiophonique – une sculpture sociale -, dans la polyphonie de la sous-culture berlinoise des années 80, associée à des bruits quotidiens.

 

Puis, la déambulation du public avance dans une seconde salle, une scène foulée obligatoirement pour atteindre son siège, traversée par un rail de chemin de fer, image mémorielle et rappel du dernier Richard III remonté par Langhoff et Di Fonzo Bo en 2022. Ici est accueilli Matériau-Médée à jouer près d’un lac, ou piscine de Beverly Hills, ou salle de bains d’une clinique psychiatrique.

 

Dans Médée-Matériau, l’héroïne maudite est l’étrangère venue de Colchide et abandonnée à Corinthe, « Médée la barbare/ Maintenant dédaignée par son mari qui lui préfère une autre », l’épisode de Jason pour Müller étant « le plus ancien mythe d’une colonisation ». Frédérique Loliée est une figure tragique atemporelle, à la fois classique et post-moderne, qui déclame crûment sa douleur – celle d’avoir été trahie par celui pour qui elle a tout sacrifié – son frère, ses enfants représentés par deux boites alimentaires pour chiens ou chats – vile société de consommation.

 

Une scène plus tard, avec une barque en son centre, le roi Jason, ou tout homme, dans Paysage avec Argonautes, fait à la fois le bilan et anticipe les catastrophes auxquelles oeuvre l’humanité. Le « je » est collectif : « Moi mon périple/ Moi mon évasion Ma colonisation… » Et Jason – Marcial Di Fonzo Bo – déclame du fond de son esquif toute l’amertume d’être soi – homme si bas, si grand.

L’installation plastique est un théâtre-performance qui invite le spectateur à déambuler entre les objets et visions d’une époque datée, mais qui résonne si étrangement avec la nôtre – même inhumanité et même barbarie provoquant de nouvelles victimes de guerres immondes qui ne cessent de s’accumuler dans l’indifférence passive des pays autres, concernés si peu et de loin.

Une promenade – couleurs, ambiance et sensations – dans l’Histoire, de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale, des années 1980 aux années 2020 et plus, une traversée des horreurs et infamies qui disent la souffrance existentielle – l’insuccès, la déraison, l’indignité et l’insensibilité.

 

A l’écran, les balades venteuses des personnages au bord des rivages maritimes diffusent la vie.

 

Avec pour guides officiels et facétieux de ce musée d’époque, Claudio Codemo, Marcial Di Fonzo Bo, Laura Lemaitre, Frédérique Loliée. Beau réveil des couleurs d’une Histoire qui nous concerne.

 

Véronique Hotte

Jusqu’au jeudi 2 février 2023 à 19h  et 21h  au Théâtre de La Commune – CDN Aubervilliers, 2 rue Edouard-Poisson 93300. – Aubervilliers. Tél : 01 48 33 16 16

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April 2, 2022 9:11 AM
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Théâtre : le pas de deux américain de Richard Avedon et James Baldwin

Théâtre : le pas de deux américain de Richard Avedon et James Baldwin | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde - 2 avril 2022

 

 Portrait Avedon-Baldwyn : entretiens imaginaires », au Théâtre du Rond-Point. GIOVANNI CITTADINI CESI

 

 

Au Rond-point, à Paris, un beau portrait croisé de l’écrivain et du photographe, auteurs du livre « Nothing Personal », en 1964.

Richard Avedon et James Baldwin sont sur scène, au Théâtre du Rond-Point, dans un spectacle enthousiasmant : un portrait croisé du photographe et de l’écrivain américains, qui, chacun à leur manière, ont marqué le XXe siècle. L’idée vient de la Comédie de Caen, qui pratique depuis plusieurs années l’exercice du portrait, sous la forme de spectacles légers, destinés à voyager facilement, comme celui de Ludmilla Dabo en Nina Simone, écrit par David Lescot, ou celui d’Hannah Arendt, signé Jean-Luc Charlot. Pour Richard Avedon (1923-2004) et James Baldwin (1924-1987), Kevin Keiss et Elise Vigier, qui assure aussi la mise en scène, ont établi leur texte à partir d’entretiens et d’essais des deux artistes.

 

Lire aussi le portrait dans « M » : Article réservé à nos abonnés Richard Avedon, démiurge et photographe

Le principe est simple. Avedon et Baldwin se retrouvent dans le studio du photographe, à New York, en 1963. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps. Baldwin est de retour aux Etats-Unis, après avoir vécu en France, où il s’installera en 1970, à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes). Il est célèbre depuis la publication de Personne ne sait mon nom (1961) et surtout de La Prochaine fois, le feu (1963), ses recueils sur la situation explosive des Noirs dans la société américaine. Avedon s’est détourné de la mode qui l’a rendu célèbre pour photographier des militants des droits de l’homme ou patients psychiatriques. Les deux hommes ont en projet un livre sur l’Amérique telle qu’ils la voient, l’un avec ses images, l’autre avec ses mots. Ce sera Nothing Personal, un chef-d’œuvre, publié en 1964.

Heureuse complicité

Avedon et Balwin fréquentaient le même collège d’Harlem, à New York, dans les années 1930. L’un juif, blanc, fils d’un émigré d’origine russe qui tenait un magasin de vêtements, l’autre chrétien, noir, fils reconnu (mais non biologique) d’un père pasteur, et aîné de neuf enfants. Ils sont devenus amis. Déjà, Avedon faisait des photos, et Balwin écrivait. Quand ils se retrouvent, ils ont une quarantaine d’années. Au Rond-Point, les comédiens qui les interprètent ne cherchent pas à leur ressembler. Ils arrivent avec leur histoire : Marcial Di Fonzo Bo a été un enfant blanc dans le Buenos Aires de la dictature militaire, Jean-Christophe Folly un enfant noir dans le XXe arrondissement de Paris. Ils échangent des photos et des souvenirs, en écho à ceux d’Avedon et Baldwin.

 

 

Lire aussi  Article réservé à nos abonnés Sur les traces de James Baldwin à Saint-Paul-de-Vence, où l’écrivain afro-américain vécut ses dernières années

Entre eux, il y a une heureuse complicité d’acteurs (en matière de jeu, Marcial Di Fonzo Bo est un stradivarius), et, surtout, ils font passer l’essentiel : un sentiment de la vie, celui-là même qui irrigue le dialogue de Richard Avedon et James Baldwin. Pudique et profond, ce dialogue témoigne d’une amitié et d’un engagement, dans l’art et la société, qui se clôt par la visite d’Avedon à Jean Renoir. Un dimanche à Beverly Hills, inoubliable, où tout est dit.

 

 

Portrait Avedon-Baldwyn : entretiens imaginaires, au Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin-D. Roosevelt, Paris 8e. Texte de Kevin Keiss et Elise Vigier. Mise en scène Elise Vigier. Avec Marcial Di Fonzo Bo et Jean-Christophe Folly. Jusqu’au 17 avril. De 8 € à 31 €. Durée : 1 heure.

 

Brigitte Salino

 

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February 6, 2022 5:48 PM
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Marcial Di Fonzo Bo, l'homme-théâtre

Marcial Di Fonzo Bo, l'homme-théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 1er février 2022

 

 

Il est en tournée avec « Gloucester Time/Matériau Shakespeare », version de « Richard III » selon Matthias Langhoff, qu’il joua en 1995. Ce soir à Bordeaux. Il rayonne depuis Caen, multipliant les initiatives vers les publics et les mises en scène d’inspirations différentes.

 

Rien de tel avec la mémorable version de Matthias Langhoff de Richard III. Au festival d’Avignon, en 1995, cela avait été de l’ordre de la déflagration : chacun était littéralement soufflé par cette adaptation, sur une traduction de Jean-Michel Déprats, d’une tragédie effrayante. L’instabilité aussi fascinante qu’effrayante de Richard, était métaphorisée par un décor de bois, brinquebalant sous les poussées du vent furieux de la férocité. « Ores voici l’hiver de notre déplaisir / Changé en glorieux été par ce soleil d’York. »

Ces jours-ci, on entend : « C’est maintenant. Voici l’hiver de nos mécontentements transformé en été glorieux par le soleil familier – York. » Olivier Cadiot, à son tour, propose un texte. Il règne dans le monde du théâtre la certitude qu’il faut, régulièrement retraduire. C’est la conviction de Marcial Di Fonzo Bo et l’on imagine la difficulté, pour lui, comme pour Frédérique Loliée, la formidable co-metteuse en scène de cette reverdie, et interprète de la Reine Margaret et de quatre autres personnages, secondaires, eux, de se mettre dans la tête et l’articulation ce texte, quand celui de 1995, naturellement, revenait…

 

C’est un beau geste car c’est une manière de vivifier la présence de Matthias Langhoff. Il n’a pas voulu « reprendre », mais il a été présent, auprès de Marcial Di Fonzo Bo et de Frédérique Lolliée, auprès de la toute nouvelle troupe, engagée et puissante. Le grand Langhoff dit qu’il a « supervisé », mais il avait aussi, pour accepter, la confiance qu’il a en Catherine Rankl, scénographie et costumes, auteure de cette « machine à jouer », une « machine biomécanique à la Meyerhold ».

 

 

Le soir où nous avons vu le spectacle, à Béthune, le covid empêchait un comédien, mais le flambeau était relevé par l’assistant à la mise en scène, en deux partitions, brochure à la main. A l’exception de l’interprète du rôle-titre, assez occupé, peut-on dire, chacun ici endosse en effet plusieurs costumes et cette souplesse ajoute au caractère de tréteaux de la représentation, tréteaux diaboliques, avec trappes et poulies, sol instable de la violence à l’œuvre.

 

 

Marcial Di Fonzo Bo a donc vingt-cinq ans de plus. En 1995, on ne le connaissait pas encore très bien. On l’avait aperçu dans les pénombres de Claude Régy. En « crapaud du diable », il flamboyait. Ce personnage odieux, porté par des scènes époustouflantes imaginées par William Shakespeare, forçait l’empathie…Mais surtout, chacun « découvrait » un très grand caractère, un comédien jeune et hallucinant de présence, de force, de subtilité.

 

Il n’a pas tant changé. La silhouette est proche de celle du tout jeune homme. On s’étoffe toujours un peu. Mais ici, personne n’a perdu le goût du risque et Frédérique Loliée est magistrale. Le grincement des machines torturantes –ce décor qui menace et laisse espérer, comme le pont d’un navire, un départ en haute mer- inquiète, mais laisse la place au rire. Et pas seulement aux éclats sardoniques de la cruauté. On rit aussi de bon cœur, ici.

C’est Brecht qui le disait :  Shakespeare « un matériau absolu ». Le spectacle est rythmé, assez sauvage. Il secoue. Rien d’une tentation de bande-dessinée, ici. Ne vous y trompez pas ! On va au cœur du sens et chacun est à louer qui sait être sur le fil tranchant de son personnage.

 

Dans cette résurrection d’un « spectacle » que l’on retrouve –sans avoir en mémoire l’ensemble : on se souvenait d’abord du jeune interprète et du plateau se disloquant- dans cette apparition, réside le rapport de Marcial Di Fonzo Bo à l’histoire du théâtre. Il est actif, il édifie, il innove. Mais il n’a jamais brisé les liens avec l’histoire même du théâtre. Personnellement, il est un être de mémoire. Il connaît ceux qui l’ont précédé. S’il est venu d’Argentine, comme son oncle et sa tante, les regrettés Marucha Bo et Facundo Bo, étoiles du groupe TSE d’Alfredo Arias, il s’est passionné pour l’histoire du théâtre européen, français en particulier.

 

Il agit. Sans aller jusqu’à Caen, lieu vivant, public nombreux et éveillé, on peut suivre son travail conduit avec Elise Vigier. A Paris, au Monfort, il a ses haltes. Metteur en scène, il aime ses contemporains, ses aînés : Copi, Noren, Zelenka, Minyana, Spregelburd. Il lance des ponts du public au privé. Il exploite longuement les productions du centre dramatique. Il façonne des spectacles que l’on déguste avec émerveillement, mais qui peuvent séduire jusqu’aux plus petits, ainsi les très sophistiqués et magiques Georges Méliès ou le formidable Buster Keaton.

 

 

 Actuellement, du 01/02/2022 au 05/02/2022 TNBA, Bordeaux

 

 

Dates suivantes de la tournée :

  • du 25/02/2022 au 26/02/2022  Le Volcan, Le Havre
  • du 08/03/2022 au 09/03/2022 Le Tangram, Evreux
  • du 27/04/2022 au 30/04/2022   Comédie de Genève
  • du 04/05/2022 au 06/05/2022   Comédie de Reims
  • du 12/05/2022 au 15/05/2022   La Villette, Paris

 

Légende photo : Portrait de l’artiste : un esprit d’imagination, un homme de théâtre et d’action. DR. Agence artistique.

 

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April 8, 2021 7:10 PM
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Buster Keaton, conception et mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier

Buster Keaton, conception et mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe du Vignal dans Théâtre du blog - 8 avril 2021

 

Buster Keaton  conception et mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier, textes d’Agnès Desarthe, Leslie Kaplan, Federico Garcia Lorca, Florence Seyvos, Yoann Thommerel, Tanguy Viel et Steven Wallace

 

Les metteurs en scène avaient obtenu M comme Méliès le Molière de la meilleure création Jeune Public il y a deux ans. Ils réitèrent avec ce Buster Keaton où ils veulent nous faire découvrir l’univers de cet immense artiste du cinéma muet d’il y a un siècle. Il fut à la fois acteur et aussi scénariste pour ses nombreux courts, moyens et longs-métrages et pour ceux d’autres réalisateurs comme Samuel Beckett. Merveilleux athlète-acrobate virtuose d’abord rompu encore très jeune enfant à la scène de cabaret par des parents qui se servaient de lui pour des cascades. “ J’ai appris à tomber quand j’étais petit. J’ai aussi appris quelques trucs acrobatiques comme le saut périlleux arrière et d’autres trucs simples.(…) Ce que je sais, c’est contrôler mes muscles. Quand vous vous trouvez en train de voler dans les airs, votre tête est votre gouvernail, c’est elle qui indique la direction que vous allez prendre. »

 

 

Ce merveilleux clown triste et burlesque à la fois, en costume trois-pièces gris, aux chaussures vernies et canotier vissé sur le tête ne sourit jamais. Maladroit souvent empêtré dans le temps et l’espace d’une machinerie industrielle contemporain, il a un rapport difficile avec les objets et a le plus grand mal à maîtriser un environnement hostile, que ce soit celui de la Nature ou celui de la mécanique industrielle imaginée par ses contemporains. Mais impassible et toujours solitaire, il arrive pourtant à faire face à des situations absurdes et/ou des catastrophes. Malgré une succession d’échecs, il réussit à s’adapter tant bien que mal à un monde violent qui le rejette. Grâce à son imagination, à sa persévérance et à un corps d’une résistance exceptionnelle.Un fondamental chez lui comme chez d’autres comiques: la course-poursuite où Buster Keaton se révèle magistral…

 

La réalisation sur une scène de théâtre d’un film muet avait aussi été le thème de M comme Méliès et des Naufragés du Fol-Espoir, mise en scène d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil (2010) et de nombreux spectacles où on montre le déplacement de la caméra et la réalisation d’effets et de gags. Spectacle ou pseudo-tournage d’un film ? Les deux avec le plaisir de voir le travail de dizaines de collaborateurs sur un plateau et la naissance d’une vraie scène de film…

 

Ici, de nombreux éléments de décor -ce qui devient rare par les temps qui courent, comme une petite scène dans le fond, des façades de gratte-ciels de New York remarquablement dessinés et peints par Catherine Rankl. Et un travail d’interprétation au cordeau par Louis Benmokhtar, Pierre Bidard, Samy Caffonnette, Michèle Colson et May Hilaire, issus du Jeune Théâtre National Mais aussi une direction d’acteurs scrupuleuse, des perruques et masques remarquables signés Cécile Kretschmar. Bref, il y a tout pour que ce soit dans l’axe mais ce travail honnête et soigné avec de belles images est un peu sec et ne fonctionne pas bien. D’abord à cause d’une dramaturgie approximative et d’un manque de rythme évident: on a du mal à comprendre ce qu’ont voulu nous raconter Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier. Réaliser une mise en abyme  d’une scène comique de film muet sur un plateau de théâtre est assez casse-gueule, alors que nous avons tous en mémoire de magnifiques  moments de théâtre… au cinéma. Les concepteurs de ce Buster Keaton ont-ils voulu rendre un hommage au grand acteur et réalisateur avec de courtes scènes  de tournage d’un film, avec aussi de temps à autre, des projections de films de Fatty Arbuckle, Buster Keaton, Bob Fosse, Friedrich Murneau, Sergueï Eisenstein, Jean Epstein… Fritz Lang.

 

Il y a ainsi le wagon de tête avec les acteurs debout de métro aérien sur la scène, alors que défile sur l’écran, une vue panoramique prise dans la cabine du conducteur d’un métro filant entre les buildings dans New York (dont parle avec terreur Charles Bukowski quand il avait été embauché sans protection pour réparer des traverses à quelque quinze mètres de hauteur… Cela pourrait être réussi, si on avait monté cette tête de wagon sur un pivot pour donner l’illusion qu’il suive les sinuosités des rails.
Et les meilleurs moments sont paradoxalement ces extraits de films mythiques projetés où on voit notamment ce grand comique résistant à une violente tempête ou en équilibre sur une échelle posée elle-même en équilibre sur un mur. Comme cette très belle scène finale où les jeunes acteurs, tous costumés en Buster Keaton, réussissent à être tous les  cinq debout sur une planche. Mais c’est bien tout et à l’impossible, nul n’est tenu… Réalisé avec des moyens corrects mais fondé sur un pari impossible, ce spectacle honnête mais sans véritable unité nous a paru bien longuet et pas vraiment drôle. Même s’il était joué devant une centaine de spectateurs (dont des enfants) soit un public limité mais un vrai public… plaisir rarissime en ces temps de pandémie!

Philippe du Vignal

 

Représentation pour les professionnels vue le 27 mars, au Montfort Théâtre, 106 rue Brancion, Paris (XVème)

Sous réserves:

Du 18 au 21 mai, Théâtre National de Bretagne, Rennes.

Les 2 et 3 juin, Grand Théâtre de Lorient.

Les 8, 9 et 10 juin, Comédie de Caen-Centre Dramatique National de Normandie (Calvados)

 

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May 21, 2019 7:50 PM
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Portrait de Raoul – Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte ?, de Philippe Minyana, mise en scène de Marcial di Fonzo Bo.

Portrait de Raoul – Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte ?, de Philippe Minyana, mise en scène de Marcial di Fonzo Bo. | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello - 21 mai 2019

 

 

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez

Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte entrouverte ? – Portrait de Raoul – de Philippe Minyana, mise en scène de Marcial di Fonzo Bo.

Ils proposent, à un ou deux, un regard sur les êtres de la vie courante des villes, des campagnes, des théâtres – le portrait d’existences particulières du quotidien.

Dans le cadre du festival Zoom 5, du réel au poétique, à Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines – , le Portrait de Raoul avait sa place.

«La musique des mots. Hein la musique des mots ? La beauté de la langue. Je suis amoureux de la belle langue Je suis tombé dans la langue française et je commençais à oublier celle de mon enfance. »

Raoul, qu’incarne Raoul Fernandez – narrateur autobiographique et personnage – est un comédien extraordinaire – les mots veulent ici dire quelque chose – dont la particularité est d’être aussi couturier ou couturière, costumier ou costumière – à l’Opéra de Paris, à la Comédie-Française, au Théâtre Gérard Philipe du temps de Stanislas Nordey, metteur en scène qu’il a suivi au Théâtre National de Strasbourg.

Né au Salvador à El Transito, Raoul raconte sa vie, à travers les mots de Philippe Minyana, tel un conte de fées où celles-ci se pencheraient sur le berceau de Raoul.

Betty, sa mère, est la première d’entre elles, couturière qui donne à l’enfant le goût des costumes, l’habillant en petite fille, souvenir dont il s’émeut encore quand il déplie sur la scène, face au public, la petite robe blanche enfantine en organza.

Quand on aime l’art des costumes, il faut aller à Paris voir les créations somptueuses, ainsi celles de M. Dior. Tout en poursuivant des études théâtrales, Raoul répond par hasard à des annonces de recherche de couturier/couturière.

Le voilà qui travaille par bonheur dans la loge de Copi, auteur, metteur en scène et comédien, fou génial dont Raoul fait, au téléphone, un portrait élogieux à sa mère.

Histoires de portraits et de figures symboliques, de références et de mythes.

Pour décor, l’artiste déplie et étend sur la scène des lais de tissus colorés et soyeux, un festival visuel de nuances joyeuses, de touches pétillantes, un patchwork d’impressions esthétiques scintillantes, venues d’un Salvador ensoleillé et mythique.

Raoul coud et coud, le doigt et l’aiguille levés, d’un angle de la scène à l’autre, assis, et racontant qu’il sait son Molière par cœur, puis se lève pour une chanson d’amour.

Entre aveux et confidences, il s’émeut au souvenir de sa mère, se dévêt et se revêt, révélant son identité d’homme, puis celle de femme pour revenir encore à l’apparence masculine première :  » Je suis une actrice française et je suis heureux ».

Raoul reste lui-même, en même temps qu’acteur de sa vie, comédien et tragédien.

Le spectateur, touché par tant de grâce naturelle et étudiée, reste sous le charme d’une vérité changeante et pourtant une, pierre bondissante sur la cascade de la vie.

Véronique Hotte

Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies contemporaines –, 4 cité Véron 75018 – Paris, les 20 et 21 mai à 20h30. Tél : 01 42 55 74 40.

FIDAE à Montevideo – Uruguay -,les 19 et 20 août. Scène nationale d’Alençon 61 – Alençon – Flers, du 12 au 14 novembre. Comédie de Caen – CDN de Normandie, le 3 février 2020. Théâtre de Lisieux, du 4 au 6 février 2020. Le Monfort à Paris, du 3 au 5 avril 2020. CDN de Sartrouville, du 22 au 24 avril 2020.

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September 13, 2015 9:44 AM
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Démons de Lars Norén, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

Démons de Lars Norén, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte pour son blog Hottellotheatre :

 

Démons de Lars Norén, texte français de Louis-Charles Sirjacq en collaboration avec Per Nygren (L’Arche Éditeur), mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

 

Une structure de panneaux transparents qui délimitent les espaces divers et clairs d’un appartement chic et bobo, installée sur une vaste tournette, tel est le décor somptueux, une manière de lent manège que propose Yves Bernard pour la pièce Démons (1981) de Lars Norén par Marcial Di Fonzo Bo, comédien, metteur en scène et directeur de la Comédie de Caen, Centre Dramatique National de Normandie.

Dans la vacuité de cet espace design, évoluent Katarina (Marina Foïs) et Frank (Romain Duris), les protagonistes du drame rejoints par Jenna (Anaïs Demoustier) et Thomas (Gaspard Ulliel), voisins avec enfant plus modestes de l’étage du dessous.

La soirée correspond à la veille de l’incinération de la mère de Frank, une présence absence obscure, dont les cendres contenues dans un sac plastique ornent le salon.

Il va falloir à tout prix occuper cette soirée particulière, d’autant que le frère de Franck et son épouse, invités « naturels » attendus, ont déclaré forfait.

Pour les remplacer, Frank a recours à l’anonymat de ses voisins immédiats.           Ces intrus innocents, appelés en renfort, sont le premier public de ce duo toxique, mis à l’épreuve eux-mêmes par la crise conjugale à laquelle ils assistent malgré eux.

La soirée est tendue à l’extrême, et les personnages amers de Katarina et de Frank, lassés du partage d’une existence commune, n’expriment que haine, hargne et rejet.

L’agresseur jette à la femme résistante des propos infâmes et injurieux :

« Tu vois… j’ai finalement découvert qu’on pouvait baiser par amour et qu’on pouvait baiser sans amour… je veux dire, baiser avec toi sans amour, ce que j’ai fait ces dernières semaines…C’est une expérience terrifiante … comme d’arriver au crépuscule dans un endroit qui vient d’être ravagé par la guerre, et on compte les cadavres, c’est comme de coucher avec un cadavre. »

Cendres maternelles tout juste déposées dans l’appartement et images macabres des discours, les forces de la mort sont douloureusement à l’œuvre dans l’évidence banale de cette guerre intime – volonté de destruction de l’autre et de sa disparition.

Tourmenter, abuser, meurtrir et harceler physiquement et moralement le conjoint, tel est le programme de la perdition orchestrée par le maître d’une cérémonie infernale.

Corps subtil et énergique, Romain Duris est ce prince dans la ronde des Démons, ange rebelle animé de passions qui voudrait entraîner les autres à sa suite, en déniaisant par exemple, Jenna et Thomas qu’il tente de séduire, respectivement et alternativement, à ses propres fins.

Dans la quête d’un accomplissement âprement recherché à travers les relations sexuelles et amoureuses, l’apprenti sorcier s’égare, esprit légendaire écartelé entre l’homme et la bête, qui prépare sa chute.

Or, pour tenter de le rejoindre, Katarina se fait la complice du diable, sorte de fée sensuelle et provocatrice, partageant lascivité et goût de la chair avec ce compagnon maudit.

Si elle n’est pas légèrement vêtue, Marina Foïs, à la voix rauque et blessée, porte talons hauts et robes canailles découvertes, savamment choisies par Anne Schotte.

Gaspard Ulliel, dégaine nonchalante et étonnée, joue sa partition avec justesse, aux côtés d’Anaïs Demoustier, silhouette joyeuse de fraîcheur et chanteuse subtile.

Véronique Hotte

Théâtre du Rond-Point, du 9 septembre au 11 octobre. Tél : 01 44 95 98 21

 

« Démons » : avec Romain Duris, Anaïs Demoustier, Marina Foïs et Gaspard Ulliel - © Tristan Jeanne Valès

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June 18, 2015 3:51 PM
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«Descendre le théâtre de son piédestal»

«Descendre le théâtre de son piédestal» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Hugues Le Tanneur pour Libération :

 

Quatre metteurs en scènes arrivés à la tête de centres dramatiques relatent les affres d’une première saison. Avec, en commun, l’ambition d’inscrire des projets anticonformistes dans un échange avec la réalité locale.
Après de longues années passées au sein d’une compagnie ou d’un collectif, prendre la direction d’un théâtre constitue presque un virage à 180 degrés. «C’est mélancolique, l’arrivée dans un théâtre», note Marie-José Malis, à la tête du théâtre de la Commune à Aubervilliers depuis un an et demi. Comme elle, Philippe Quesne aux Amandiers de Nanterre et Marcial Di Fonzo Bo à la Comédie de Caen sont passés de l’autre côté. Aux commandes du théâtre Humain trop humain de Montpellier, Rodrigo García avait pour sa part déjà dirigé la Cuarta Pared à Madrid, mais c’est sa première expérience en France en tant que directeur de Centre dramatique national (CDN).
Personnalités fortes aux esthétiques affirmées, tous gèrent non seulement leurs créations, mais ils contribuent aussi à donner forme, par leurs choix de programmation et d’accompagnement, au paysage artistique en s’appuyant sur la singularité de leurs parcours. Ce nouveau métier, chacun l’envisage et le vit à sa façon : dans un contexte par ailleurs morose, marqué par les nombreuses fermetures et baisses de subventions, les uns et les autres apportent leur façon d’envisager la scène en liaison avec d’autres disciplines, qu’il s’agisse du cinéma, des arts plastiques ou des sciences et de la philosophie.

Rodrigo García «La nouveauté du projet justifiait un changement de nom»

«J’ai depuis longtemps l’habitude des théâtres français où j’ai presque exclusivement travaillé ces dernières années. Ce qui a changé avec mon arrivée à Montpellier, c’est surtout la vie quotidienne. J’avais déjà connu l’exil en quittant l’Argentine pour l’Espagne. Entamer un second exil des Asturies à Montpellier était du coup loin d’être évident, mais le projet en valait la peine. De toute façon, le travail ici est tellement prenant et intense que cela ne laisse pas le temps de penser à autre chose.

«Dès mon arrivée, j’ai rebaptisé le théâtre Humain trop humain, pour montrer que, même si les équipes n’ont pas changé, c’est un théâtre différent, dédié à la scène contemporaine au sens large. On a organisé des spoken word, des festivals autour de la sexualité, des nuits electro avec des groupes comme Mouse on Mars, et puis, évidemment, on a fait du théâtre. La nouveauté du projet justifiait un changement de nom. Cette citation de Nietzsche est une façon de dire que ce lieu est ouvert à la pensée et à la réflexion active, non conformiste, mais aussi que j’aime cette idée d’être «trop humain», c’est-à-dire souvent victime de nos passions et de nos désirs. Je ne crois pas qu’il existe quelque chose qui s’appelle «un public». Il y a des individus avec leur curiosité, leurs inquiétudes, leurs problèmes qui se rassemblent pour voir du théâtre.

«Il est normal, avec un changement de programmation aussi radical, que tout le monde ne s’y retrouve pas. J’ai expliqué aux fidèles du théâtre que c’était l’occasion de découvrir de nouvelles formes d’art, qu’il ne fallait pas avoir peur d’être surpris. Les artistes changent parce qu’ils participent de l’évolution de la société. Reproduire à l’identique les œuvres du passé n’a rien à voir avec l’art. Le but, c’est de faire descendre le CDN de Montpellier de son piédestal, de sa montagne magique. De faire de ce lieu non seulement un centre de création et de production, mais aussi de pensée, de débats et d’expérimentation. Cela se passe bien, mais c’est difficile, parce que nous sommes un des CDN les plus pauvres de France.»

Marie-José Malis «Je mène une enquête»

«Il est impossible à Aubervilliers de ne pas prendre en compte la spécificité de la ville, où une bonne partie de la population est en déshérence. C’est dans cet esprit que nous avons lancé les pièces d’actualité en prise sur la réalité locale. Ainsi est né 81, avenue Victor-Hugo, spectacle créé par Olivier Coulon-Jablonka avec des sans-papiers dans un squat ; une pièce portée par des gens qui croient infiniment plus que nous aux vertus du théâtre. Ils pensaient que cela allait changer leur vie. De fait, le préfet a décidé de les régulariser.

«Mes débuts au théâtre de la Commune ont été marqués par la remise en question de ma légitimité après la violence des attaques dont avait fait l’objet ma mise en scène de Hypérion de Hölderlin à Avignon. Du coup, je n’avais plus rien à perdre, ce qui m’a donné du courage. Très tôt, des gens m’ont contactée pour me dire les espoirs qu’ils plaçaient en moi et leurs attentes pour l’avenir de ce lieu. Je les ai réunis pour que nous réfléchissions ensemble. Ils viennent deux dimanches par mois pour examiner des questions sur le rôle de la création artistique dans la société. C’est un travail méthodique, rigoureux, où il s’agit de mettre en acte des hypothèses concrètes. On envisage, par exemple, des premières parties qui seraient comme les courts métrages diffusés autrefois au cinéma avant les films. On se demande comment il est possible de faire évoluer l’institution en cherchant de nouveaux modèles. Pour moi, diriger ce théâtre, c’est un peu comme mener une enquête. Voir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.

«Il y a eu ce moment très fort où Jérôme Bel [chorégraphe, ndlr] montrait des étapes de travail de son spectacle Gala, suivi d’une rencontre où il demandait au public de contribuer à l’amélioration de son œuvre. Cela a très bien fonctionné, les gens revenaient, soir après soir, pour voir s’il avait pris en compte leurs propositions. C’était très beau, cet échange, très humain. Avec beaucoup d’honnêteté, Jérôme se mettait à nu, soumettant au public ses propres interrogations anxieuses.»

Marcial Di Fonzo Bo «Adapter le scénario à la situation»

«Après vingt ans en collectif avec les Lucioles, prendre la tête d’un théâtre pose pas mal de questions. La Comédie de Caen s’inscrit dans le mouvement de la décentralisation dont l’esprit reste très vivant dans les équipes, mais aussi dans les murs avec les archives. C’est émouvant pour moi de se confronter à cette histoire du théâtre. Je ne crois pas aux ruptures radicales. Avec Elise Vigier, qui codirige avec moi la Comédie, nous préférons nous appuyer sur ce qui a été fait ici pour réfléchir à l’évolution du projet en l’adaptant à la situation locale. Avant de prendre la direction d’un lieu, on conçoit un projet, mais une fois sur place, on se rend compte que c’est un peu comme l’écriture d’un scénario qu’il faut ajuster, voire modifier, lors du tournage.

«Diriger un CDN, c’est se mettre en réseau avec d’autres lieux au niveau national et européen. Nous nous sommes par exemple associés avec le Teatro Stabile de Gênes. L’Europe est un sujet qu’on va aborder largement dans les mois à venir avec Fin de l’Europe, un texte de Rafael Spregelburd sur la crise actuelle dont le thème sera repris par d’autres auteurs. L’idée étant de réunir écrivains et comédiens autour d’une réflexion commune sur ce sujet.»

Philippe Quesne «Un "Swamp Club" géant»

«J’avais eu l’occasion de travailler aux Amandiers comme jeune scénographe en 1990. Ce qui m’a convaincu de prendre la codirection avec Nathalie Vimeux, c’est qu’il y avait un atelier de construction de décors. Et puis il y a aussi sa situation, le fait qu’il soit adossé à un jardin. On a inauguré un chemin qui permet d’entrer par le parc André-Malraux. Ce théâtre, dès sa création par Pierre Debauche à la fin des années 60, est une utopie. Aujourd’hui je le vois comme un gigantesque Swamp Club, du nom du spectacle que j’avais présenté au festival d’Avignon en 2013. Un lieu de fabrique et de création où l’on invite les gens à réfléchir, où l’on construit une ligne artistique en invitant des metteurs en scène auteurs comme Milo Rau ou Stefan Kaegi du Rimini Protokoll et où l’on fait découvrir des esthétiques comme ce fut le cas avec Thyestes, d’après Sénèque, mis en scène par Simon Stone.

«En arrivant ici, j’ai transformé l’espace du hall que j’ai conçu comme une création à part entière. On a aussi réouvert le théâtre de verdure qui est un espace idéal pour inventer des œuvres à la croisée des chemins. Le mélange des arts est essentiel pour moi. Récemment, dans le cadre du Théâtre des négociations, sous l’égide du sociologue Bruno Latour, des étudiants se sont réunis pour une conférence sur le climat, se proposant d’élaborer un modèle pour la COP 21, organisée en France en décembre. L’ensemble a pris l’allure d’une création opératique. C’était extraordinaire. La question du climat et de l’environnement me préoccupe depuis longtemps et ce sera le thème d’un spectacle à venir. Je constate que les artistes sont de plus en plus isolés et manquent de moyens. Beaucoup de lieux disparaissent dans l’indifférence générale, notamment à Paris et en région parisienne. Du coup je sens que, face à tant de fragilité, les Amandiers vont bientôt devenir un refuge.

Par Hugues Le Tanneur

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December 10, 2014 12:16 PM
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Nomination de Marcial Di Fonzo Bo à la direction du CDN La Comédie de Caen - Ministère de la Culture et de la Communication

Nomination de Marcial Di Fonzo Bo à la direction du CDN La Comédie de Caen - Ministère de la Culture et de la Communication | Revue de presse théâtre | Scoop.it

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

 

Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, en plein accord avec Joël Bruneau, maire de Caen, Rodolphe Thomas, maire d’Hérouville-Saint-Clair, Laurent Beauvais, président du Conseil régional de Basse-Normandie et Jean-Léonce Dupont, président du Conseil général du Calvados, a nommé Marcial Di Fonzo Bo au poste de directeur de La Comédie de Caen, Centre dramatique national de Normandie. 

 

Membre fondateur de la compagnie Le Théâtre des Lucioles à sa sortie de l’école du Théâtre national de Bretagne à Rennes, Marcial Di Fonzo Bo a mené avec ce collectif une aventure théâtrale rare en travaillant en tant que comédien ou metteur en scène sur les écritures contemporaines et notamment dans le dialogue direct avec des auteurs ; en parallèle, son parcours s’est diversifié avec le cinéma et l’opéra.


Son projet pour la Comédie de Caen – Hérouville-Saint-Clair, Centre dramatique national est notamment marqué par la présence d’un « collectif d’artistes » réunissant six auteurs, metteurs en scène et comédiens associés : Elise Vigier, David Lescot, Lucie Berelowitsch, Guillermo Pisani, Pierre Maillet et Laëtitia Guédon. Les textes contemporains d’auteurs vivants seront particulièrement à l’honneur avec l’invitation, entre autres, de Léonora Miano et Leslie Kaplan.
Cet ensemble artistique travaillera sur toutes les dimensions du projet en lien avec les différents partenaires et devrait permettre une présence étendue sur toute la région, ainsi que la mise en œuvre de nouvelles modalités d'accompagnement de jeunes compagnies comme de nouvelles dynamiques de coproduction et de production.
L'ambition européenne et internationale est à la mesure de ce bel outil de création, l’association avec l’université de Caen sera développée fortement et l'implication du CDN sur la formation mais aussi sur la recherche sera mise en exergue.


Porteur d'un projet innovant et fondé sur le partage et la mutualisation, il succédera le 1er janvier 2015 à Jean Lambert-Wild, qui prendra ses fonctions au centre dramatique national de Limoges à compter de cette même date.

 

Publié par Télérama en 2011, un portrait de Marcial du Fonzo Bo : http://www.telerama.fr/scenes/marcial-di-fonzo-bo-l-insatiable,70689.php

 

Vidéo reportage avec Else Vigier et Marcial di Fonzo Bo au moment de la Panique de Spregelburd : http://spectacles.premiere.fr/Exclusivites-spectacle/Videos/Interview-de-Marcial-di-Fonzo-Bo-et-Elise-Vigier-pour-la-Paranoia

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November 24, 2014 2:43 PM
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Dans la République du bonheur, de Martin Crimp, mise en scène Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier

Dans la République du bonheur, de Martin Crimp, mise en scène Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Les Inrocks  :  Martin Crimp : mon idée du bonheur

 

Comment un simple baiser, accordé ou refusé, peut faire la différence. S’il existe un point commun – qui est aussi un point de rupture – entre Dans la République du bonheur et La Ville, deux pièces de Martin Crimp présentées en ce moment à Paris, c’est dans l’intonation sensiblement distincte donnée à ce geste évocateur. Dans La Ville, Claire refuse catégoriquement d’accorder le baiser quémandé par son époux Christopher. En revanche quand Madeleine ordonne à Oncle Bob“Embrasse Robbie. J’ai dit embrasse”, l’affaire prend une autre tournure révélatrice de la dérision au cœur de Dans la République du bonheur.

Le magnétisme qui fait se rapprocher irrésistiblement les lèvres des amants s’avère l’enjeu d’un paradoxal rapport de pouvoir. Malade de son économie, la société contemporaine désorganise le désir. D’une pièce à l’autre, l’expression de ce désordre oscille de l’intime à une dimension plus générale même si toujours parasitée par un besoin irrépressible d’autosatisfaction narcissique.

Un monde  sans autres points de repère que les indices boursiers n’est-il pas nécessairement voué à flatter les bas instincts, devenus son unique boussole ? Tel est le constat ironique de Martin Crimp dans ce brûlot implacable qu’est Dans la République du bonheur. Abordant pour la première fois l’œuvre du dramaturge, Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigiée donnent une version aussi méchante que désopilante de cette pièce encore jamais créée en français. Mêlant dialogues et chansons sur un mode quelque peu déjanté, le texte gravite autour de la notion de “bonheur”.

L’écriture minutieuse de Crimp est servie au mieux dans cette mise en scène incisive. Entre exultation et dérision, on baigne dans une atmosphère chavirée au bord de l’effondrement. Traduire cette virtuosité stylistique sur le fil du rasoir constitue un exploit auquel contribuent amplement les comédiens du spectacle, Marcial Di Fonzo Bo lui-même, mais aussi Pierre Maillet – avec notamment une version à mourir de rire de Space Oddity de David Bowie – ou encore Claude Degliame, pour n’en citer que quelques-uns.

 

Hugues Le Tanneur pour Les Inrocks

 

CLIQUER SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ARTICLE ENTIER DANS SON SITE D'ORIGINE

 

 

Autres critiques : Joshka Schidlow pour son blog Allegro Théâtre :

http://www.allegrotheatre.blogspot.fr/2014/11/dans-la-republique-du-bonheur-de-martin.html

 

Marie Chenieux pour le JDD : http://www.lejdd.fr/Culture/Theatre/La-comedie-du-bonheur-de-Martin-Crimp-702464

 

le blog Hier au Théâtre :  http://hierautheatre.wordpress.com/2014/11/23/crimpdi-fonzo-bo-un-bonheur-remis-en-question-dans-une-fantaisie-folle/

 

Critique de Corinne Denailles pour WebThéâtre : http://www.webtheatre.fr/La-Republique-du-bonheur-de-Martin?var_mode=calcul

 

 

 

Dans la République du bonheur, de Martin Crimp, mise en scène Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier, avec Katell Daunis, Claude degliame, Marcial Di Fonzo Bo, Katleen Dol, Frédérique loliée, Pierre maillet, Jean-François perrier, Julie Teuf et les musiciens Etienne Bonhomme, Baptiste Germser, Antoine Kogut, jusqu’au 30 novembre au théâtre national de Chaillot, Paris XVIe. www.theatre-chaillot.fr

 

 

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November 21, 2014 3:15 AM
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A Chaillot : le bonheur, une idée neuve ?

A Chaillot : le bonheur, une idée neuve ? | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans le blog de Sophie Dufau sur Mediapart :

 

L'affiche pourrait être celle d'un live de Mediapart. Au théâtre national de Chaillot à Paris ce samedi 22 novembre, une rencontre sur les “Politiques du bonheur” rassemblera quelques abonnés et habitués de nos colonnes autour de la pièce de Martin Crimp Dans la République du bonheur.

Cette pièce (mise en scène par Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier et dont le textre français est de Philippe Djian) s'articule autour d'une réunion familiale comme métaphore féroce et loufoque des jeux en société. Le théâtre de Chaillot la décrit ainsi : « Construite en trois parties, à la fois jouées et chantées, la pièce est une satire impitoyable des contradictions de l’individu contemporain tiraillé entre sa volonté de s’émanciper du collectif et son besoin de faire comme les autres, par mimétisme, pour se sentir protégé en s’identifiant à un groupe. »


Les représentations (qui commencent demain 21 novembre et s'achèveront le 30, voir tous les renseignements ici) sont l'occasion d'organiser samedi une rencontre entre artistes, chercheurs et écrivains autour de la représentation du bonheur aujourd'hui.

Leslie Kaplan (écrivain dont on a pu lire un billet sur Mediapart), qui coordonne cette rencontre, a invité Pierre Dardot et Christian Laval (philosophes et sociologues, dont Mediapart a largement rendu compte des réflexions, ici ou là), Éric Hazan (éditeur et écrivain, qui fut l'invité d'une de nos émissions, en direct de Mediapart, lors de la sortie de son livre Une histoire de la Révolution française), le psychiatre Mathieu Bellahsen (interviewé en juin dernier lors de la sortie de son livre La Santé mentale – Vers un bonheur sous contrôle), et le psychanalyste Heitor O’Dwyer de Macedo, ami et abonné de la première heure de Mediapart qui nous a offert en juin 2013, un formidable entretien inédit avec Jean-Paul Sartre : L'amitié est un outil politique, réalisé en 1978. Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier (metteurs en scène de la pièce de Martin Crimp) complètent ce tableau. Ensemble, ils verront comment « l’individu se déploie dans le cadre du capitalisme néolibéral » ce qui pose en creux la « question urgente de comment vivre ensemble ».

Samedi 22 novembre 2014, de 11 h à 13h et de 14h30 à 17h30, Théâtre national de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris XVIe.

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November 19, 2014 2:52 AM
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« Dans la république du bonheur », de Martin Crimp, mise en scène Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier

« Dans la république du bonheur », de Martin Crimp, mise en scène Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Martin Crimp était aux Subsistances mardi soir pour assister à la première mondiale de sa dernière pièce, « Dans la République du bonheur », dans une mise en scène d’Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo aussi dérangeante que le texte.

 

Inutile, évidemment, d’attendre un propos lénifiant de l’auteur anglais sur le bonheur, pas plus que sur la démocratie, les deux thèmes évoqués par le titre. Celui-ci serait plutôt acide, désabusé, caustique et un rien désespéré. Et plutôt désespérant.

Car si la pièce parle bien du bonheur, et de la place de l’individu dans le groupe, tout cela fort joyeusement, avec paillettes, musiques, danses et éclats de rire, l’auteur s’ingénie à fermer chaque ouverture, à clore toute velléité de sincérité, à dupliquer répliques et gestes à l’infini. Comme pour bien montrer que, derrière la rutilante façade de notre république universelle, mondialisée et consommatrice, restent tapis inquiétude, désarroi, solitude, mensonge et surtout incapacité à être soi-même et à ne pas se laisser dissoudre dans le groupe, ses tentacules, son confort. Le contraste entre la forme, joyeuse, exubérante, novatrice, et le fond, plutôt austère et sombre, est extrêmement percutant. Partis pour le jardin des délices, nous voici dans 1984. La république ? Quelle farce ! Le bonheur ? Quel bonheur ?

La forme de Dans la république du bonheur déroute. Les trois parties qui composent la pièce, très distinctes, semblent ne rien avoir en commun et donnent lieu à des exercices de style passionnants pour les comédiens.

 

Tous libres, tous pareils

Le premier « acte » nous place face à un repas de Noël dans une famille bourgeoise bien décidée (au moins pour certains de ses membres) à sauver le consensus à tout prix, c’est-à-dire à éviter les sujets qui fâchent. Mais ces derniers s’invitent à table en la personne des représentantes de la jeunesse, de la vieillesse, du handicap et de l’oncle qui surgit à l’improviste sans avoir été invité. Avec eux s’invitent eux aussi le sexe (l’une des filles est enceinte on ne sait de qui et le grand-père qui divague revendique haut et fort son goût pour les magazines porno) et tous les secrets de famille. L’oncle qui surgit règle ses comptes avec toute la famille, mais pas en son nom propre, au nom de sa compagne restée en bas dans la voiture. Parti dans un monologue interminable, il n’est interrompu que par ladite compagne qui finit par débouler dans une robe bleu pétrole à paillettes qui moule des formes elles aussi hors des normes. On est dans une comédie de boulevard extrêmement cruelle, très enlevée et très drôle (les passages, par exemple, où la maîtresse de maison essaie de régler en douce le Sonotone de son mari sont particulièrement réussis). Mais malgré tout très classique.

Ce sont les mêmes personnages qu’on retrouve dans l’acte II, même si les liens qui les unissent se sont dissous avec le décor classique. En fond de scène, de grands miroirs qui vont refléter les différents pas de deux des acteurs (ou de trois, ou de quatre) comme dans une salle de répétition de danse. Impression renforcée par la présence sur scène d’un trio qui va mettre en musique cette comédie musicale qui ne dit pas son nom. L’un après l’autre, chaque acteur va proclamer en chansons sa différence irréductible, son identité propre, ses libertés absolues et essentielles (elles sont au nombre de cinq : celle d’écarter les jambes, celle d’échapper à un horrible trauma, celle de tourner la page…). Autant de propositions farfelues et sans rapport avec une quelconque déclinaison des droits et des libertés de l’individu. Mais même celles-ci ne sont pas atteintes : l’un des comédiens glisse-t-il de gauche à droite en esquissant un petit saut que son double, son ombre, ou son marionnettiste, l’exécute à son tour. Les chorégraphies sont rythmées à la perfection, chacune étant un régal pour les yeux et une gourmandise pour l’esprit.

Ainsi, au nom de l’individu, des groupes qui sont plus des agrégats se forment-ils. Parfois, l’un d’entre eux essaie de s’échapper, de marquer ainsi qu’il est unique, sans y réussir… Chacun de ces comédiens-chanteurs-danseurs est formidable : ils savent tout faire avec beaucoup de grâce, de subtilité, d’humour. Et la présence parmi eux de Marcial Di Fonzo Bo, tel un maître de ballet pris dans l’engrenage, renforce encore l’impression d’être devant un chœur.

La dernière partie est encore plus énigmatique, plus abstraite : tout est à réinventer, et les sentiments qui animent les personnages demeurent flous, équivoques. Ainsi, d’acte en acte, ce spectacle évolue-t-il du réalisme le plus traditionnel à quelque chose de très contemporain, très fluide, aux images glacées, comme son propos. Un objet théâtral passionnant et jubilatoire malgré l’acidité et la lucidité cruelle de son regard sur notre époque et sur nous-mêmes. ¶

 

Trina Mounier pour le blog Les Trois coups (juin 2014)

 

 

Le spectateur de Belleville's insight:

– Du 21 au 30 novembre 2014 : Théâtre national de Chaillot à Paris

– Du 3 au 5 décembre 2014 : Nouveau Théâtre d’Angers-C.D.N. Pays de Loire

– Du 9 au 12 décembre 2014 : Comédie de Saint-étienne-C.D.N.

   
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