Dans son dernier ouvrage «A l’Aube de la 6e extinction. Comment habiter la Terre», le paléontologue Bruno David décrit les menaces fulgurantes qui pèsent sur certaines espèces, un effondrement dont l’homme est la cause principale. Il rappelle que la biodiversité est notre assurance vie, notre meilleure alliée contre les pathogènes.
« En éradiquant nombre d’espèces sauvages, les humains deviennent la cible privilégiée des virus » – par Catherine Calvet
publié le 3 février 2021, mis à jour le 26 janvier 2022 (abonnés)
"Président du muséum national d’Histoire naturelle et paléontologue, Bruno David a récemment publié un livre d’une grande clarté sur un sujet multiforme, la biodiversité. Dans A l’Aube de la 6e extinction. Comment habiter la Terre (Grasset, janvier), ce biologiste de formation ne renonce pas devant la complexité du sujet, et parvient à nous faire sentir humbles devant cette innovation permanente, cette imprévisibilité qui n’est autre que le cœur de la vie sur Terre."
Pourquoi parlez-vous de match inégal entre les deux combats qui sont à mener aujourd’hui : la lutte contre le réchauffement climatique et celle contre la disparition de la biodiversité ?
Il faut bien sûr se préoccuper des deux. Le climat est également une urgence. Mais la biodiversité est une notion beaucoup plus difficile à comprendre, à cerner. Bien que ce soit exact, il ne suffit pas de dire que c’est ce qui est vivant sur Terre.
Alors que nous disposons de mesures, de chiffres concernant le réchauffement climatique, il est bien plus difficile de mesurer l’effondrement de la biodiversité. Son déclin se fait de façon presque invisible. Même si l’on constate autour de nous la disparition locale de certaines espèces d’oiseaux ou d’insectes, on ne réalise pas facilement l’énorme chute des effectifs des espèces que nous voyons encore. Car le bon fonctionnement des écosystèmes dépend aussi du nombre d’individus par espèce qui dépend de leur fertilité et des chances de survie des nouvelles générations. L’abondance, c’est-à-dire le nombre d’individus dans une population ou une espèce, est une notion clé, c’est elle qui détermine les relations et les synergies entre les différentes espèces.
Le vivant est-il beaucoup plus complexe que le climat ?
Oui car, contrairement au climat, on ne peut pas modéliser l’ensemble du vivant pour la simple raison qu’il ne répond pas à une logique déterministe ; le vivant est en évolution constante, en perpétuelle innovation depuis 3 800 millions d’années. Souvent on a pensé le contraindre, le diriger, mais il a généralement réagi autrement par rapport à ce que nous attendions et de façon complètement imprévisible. On exerce sans toujours le savoir des pressions de sélection darwinienne qui provoquent souvent d’autres effets que ceux escomptés. Par exemple, l’Australie et la Nouvelle-Zélande étaient envahies par les lapins, les autorités ont donc décidé d’introduire un nouveau prédateur pour contenir l’espèce invasive : le furet qui est la version domestique du putois. Le furet se reproduit très mal dans la nature donc, a priori, il ne risquait pas de devenir invasif. En Nouvelle-Zélande, on a toutefois croisé des furets avec des putois afin qu’ils s’adaptent mieux à un environnement sauvage. Aujourd’hui, on se retrouve avec des furets devenus sauvages qu’il faut éradiquer. Tout cela signifie que l’on ne peut pas prétendre gérer la nature, nous ne sommes pas des démiurges. Il faut renoncer à cette arrogance dans notre rapport à la nature. Nous pouvons agir, mais en restant modestes. La vie ne se gouverne pas. Il faut se défaire de notre déterminisme.
La prise de conscience de l’effondrement de la biodiversité est beaucoup plus récente que celle du réchauffement climatique, pourquoi ?
Oui, on le voit dans les différentes institutions internationales. Le Giec est plus ancien que la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes). Et les rapports du Giec sont aussi beaucoup plus médiatisés. Il est plus rapide et facile de comprendre que l’année 2020 est la plus chaude enregistrée depuis cent cinquante ans que de saisir les implications d’une étude sur les pollinisateurs. Car si l’on peut étudier le climat globalement, on n’appréhende la biodiversité que par petites touches. On peut calculer un indice climatique mondial, mais pas un indice mondial de la biodiversité. Certes, il convient d’être le plus pédagogue possible, mais on ne peut pas réduire la complexité inhérente à la vie en deçà d’un certain seuil. Il faut accepter de se coltiner une part de complexité, même dans les médias."
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[Image] Un consortium international d’une cinquantaine de scientifiques de quinze nationalités différentes s’alarme du déclin accéléré de toutes les espèces d’insectes. Outre l’effondrement des populations d’abeilles domestiques, ils font état, mardi 24 juin, des résultats d’une étude qui sera publiée dans la revue Environnemental Science and Pollution Research, d’une disparition progressive des insectes et des oiseaux des champs.
En cause, les insecticides systémiques dits « néonicotinoïdes », qui représentent 40 % du marché mondial des insecticides agricoles – 2,6 milliards de dollars. Pulvérisés ou appliqués en traitement des sols, ils ne sont pas absorbés en une seule saison végétative. Ils polluent ainsi massivement les cours d’eau, les sols et les plantes.
via La disparition des insectes menace toute la biodiversité
Publié le 25 juin 2014 - Mis à jour le 04 juillet 2019
https://www.lemonde.fr/planete/visuel/2014/06/25/la-disparition-des-insectes-menace-toute-la-biodiversite_4445017_3244.html
Propos recueillis par Guerric Poncet Publié le 25/10/2024