Deux ONG révèlent dans un rapport que plus de 40 pesticides autorisés en Europe appartiennent à la famille des polluants dits éternels. Elles demandent leur interdiction.
par Olivier Monod
"Peut-on continuer d’autoriser des pesticides qui polluent durablement les sols et les eaux ? Générations futures (GF) s’y oppose fermement. L’association écologiste et le Pesticide Action Network Europe (PAN) ont rendu public jeudi 9 novembre un rapport qui identifie certains pesticides comme appartenant à la famille des per- et polyfluoroalkylées (plus connus sous le nom de Pfas), aussi appelés «polluants éternels». Ce rapport non seulement désigne ces substances mais détaille également en quelle quantité elles sont utilisées. «Trente substances actives autorisées en France comme pesticides sont des Pfas», dénonce ainsi Générations futures. En outre, «leur vente a triplé entre 2008 et 2021, pour monter à 2 332 tonnes», alerte, graphique à l’appui, Pauline Cervan, toxicologue, chargée de mission scientifique et réglementaire au sein de l’association.
Les substances décriées par les ONG sont variées (insecticides, fongicides…). Les deux les plus vendues sont des herbicides utilisés dans les cultures de céréales ou de pommes de terre, précise la toxicologue. Contrairement aux pollutions dues à des fuites ou à des accidents industriels, «on a affaire à une émission directe dans l’environnement et délibérée de ces produits», martèle-t-elle.
Les Pfas sont caractérisés, dans leur structure moléculaire, par des liaisons entre un atome de carbone et des atomes de fluor – très stables, elles confèrent des propriétés antiadhésive ou imperméable qui intéressent les industriels. Ainsi on parle souvent des Pfas dans les rejets d’usine ou dans les emballages alimentaires. Certains Pfas sont composés de jusqu’à 18 atomes de carbone liés à des fluors, des chaînes longues que l’on ne retrouve pas dans les pesticides incriminés. «On a beaucoup moins d’éléments de connaissance sur les Pfas à chaînes très courtes, explique Pierre Labadie, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de chimie de l’environnement. Ce qui est sûr, c’est que le plus petit d’entre eux, le TFA [acide trifluoroacétique, ndlr], est extrêmement persistant dans l’environnement.»
Les pesticides, nouveau champ d’exploration des Pfas
"La présence de Pfas parmi les pesticides était souvent mentionnée, mais sans jamais beaucoup de précision. Un rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, publié en décembre 2022, déplorait ainsi cette absence : «Le sujet des pesticides potentiellement concernés est très mal documenté, ce qui justifierait la mise en place d’une enquête auprès des fabricants.» Selon Générations futures, ces pesticides sont des molécules dans lesquelles le fabricant a délibérément introduit des liaisons carbone-fluor pour améliorer leur efficacité.
Ce travail a finalement été commencé au niveau européen dans le cadre de la réglementation Reach, qui se propose d’interdire les Pfas à la fin de la décennie en cours. L’Agence européenne des produits chimiques a produit une liste – non exhaustive – de 37 pesticides appartenant à la famille des Pfas. Cette liste a servi de base de travail à GF et au PAN. Mais d’après GF, «les autorités compétentes» au niveau européen proposent d’exclure ces pesticides Pfas de la réglementation à venir sur cette famille de molécules car la réglementation spécifique aux pesticides suffirait. Or celle-ci souffre de nombreuses failles."
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[Image] Les «Scientifiques en rébellion» dénoncent les ravages des pesticides lors d'une action à Paris, le 4 mars. (Mathieu Genon/Hans Lucas)
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