Alors que l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne a annulé cet été un doctorat en droit, retour sur les évolutions du plagiat dans l'environnement numérique actuel.
Par Yoann Bazin et Aude Rychalski, 08.09.2020
"... Pour Deborah Rhode, professeure de Droit à l’Université de Stanford, « la véritable question est de savoir si les lecteurs ont été trompés » (Cheating, Ethics in Everyday Life) – c’est donc une question de déclaration (disclosure). La citation entre guillemets ou la mention des idées accompagnée de la référence (« auteur(s), année, page ») est évidemment le mode idéal de déclaration. Mais quid de l’inspiration pour des étudiants, somme toute novices, sur le sujet de leur mémoire ? Quid des idées venues de cours, de conférences ou de séminaires ?
On le voit bien, si certains cas sont clairs (le copier-coller sans guillemets ni références), le territoire du plagiat est surtout un vaste dégradé de gris. On en tiendra pour preuve par exemple les détails dans lesquels rentre l’Université de Princeton sur la question de l’intégrité académique. Leur fascicule de 40 pages en consacre pas moins de 6 à des exemples détaillés et concrets de plagiat pour bien expliquer aux étudiants de quoi il relève !
Contexte numérique
L’arrivée d’Internet est rapidement devenue un enjeu majeur pour le monde académique, les institutions craignant une intensification des pratiques de triche et de plagiat de la part des étudiants. Comment ces derniers pourraient-ils résister à la tentation quand quelques clics suffisent ? Aujourd’hui, les études effectuées ne permettent pas de trancher de manière formelle sur cette évolution. En revanche, les outils digitaux ont permis de les détecter plus facilement.
Ces études permettent de dresser un « portrait-robot » du plagiaire :
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C’est plutôt un étudiant qu’une étudiante ;
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Il est plutôt en première année qu’en fin d’études ;
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C’est un habitué d’Internet ;
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Il dispose d’un accès personnel direct, et utilise peu les équipements publics (salles informatiques, médiathèques, etc.).
En revanche, on ne trouve pas dans la littérature académique d’institution type dans laquelle le plagiat serait plus pratiqué : en termes de secteur (public ou privé), de taille, de localisation géographique (Finlande, USA, Royaume-Uni, Canada, Turquie, Afrique du Sud, Europe, Europe de l’Est, Chine), ou de la discipline de recherche ou programme.
De plus, en ce qui concerne le « cyberplagiat », il a également été démontré que les pratiques de plagiat avant l’arrivée d’Internet, comparées à celles après l’arrivée d’Internet, ne sont pas significativement différentes. En d’autres termes, Internet n’a pas significativement développé le plagiat.
Recommandations pratiques
Il est primordial aujourd’hui pour les institutions de mettre en place une culture de l’intégrité académique à tous les niveaux et de s’assurer du respect des politiques et procédures en intégrant l’ensemble des parties prenantes (Jones, 2011). Il s’agit d’être pragmatique plutôt que moraliste. Mais comment ?
Voici quelques-unes des pistes que l’on peut tirer des recherches sur le sujet :
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Instaurer un code d’honneur explicite : Des études ont démontré que la mise en place de règlements et de codes réduisent la pratique du plagiat ;
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Formaliser les procédures et les sanctions : Park (2004) va plus loin en préconisant de définir le rôle et la responsabilité de chacune des parties prenantes, et de spécifier les sanctions selon l’ampleur du plagiat ;
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Ne plus se reposer sur des détections « manuelles » et s’équiper de logiciels et d’outils de détection : leur présence (par exemple, Turnitin, CopyCatch, etc.) réduit significativement les pratiques de plagiat si on utilise toutes les fonctionnalités (ce qui demande une formation de toutes les parties prenantes, y compris les étudiants) ;
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Appliquer les sanctions ! Les études montrent que les étudiants sont souvent sceptiques de l’application des procédures de détection et de sanction – malheureusement à raison.
Cependant, tous cadres et règlements ne résolvent pas le problème de fond s’ils sont appliqués de manière mécanique. La sensibilisation et la communication sont donc centrales pour éviter d’instaurer un climat de défiance et de suspicion. L’inclusion des étudiants dans les dispositifs, leur éducation sur ce qu’est le plagiat et la collaboration avec les professeurs doivent être des pratiques quotidiennes."
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[Image] via Princeton University - Academic Integrity | Office of the Dean of the College https://odoc.princeton.edu/curriculum/academic-integrity