Dès les années soixante-dix, les pétroliers avaient connaissance des conséquences néfastes sur le climat de leurs activités.
Face aux révélations sur le rôle joué par Total et l’industrie pétrolière pour minimiser le réchauffement climatique et l’impact de son activité, des associations réclament une commission d’enquête. Mais que risquent vraiment les entreprises sur le plan juridique ? Entretien avec Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l’Environnement.
Mercredi 20 octobre, trois chercheurs ont révélé, archives de Total à l’appui, dans un article publié dans une revue académique que le groupe pétrolier français avait connaissance des conséquences néfastes sur le climat de ses activités dès 1971. Ils démontrent comment le géant de l’énergie a entretenu le doute à la fin des années 1980 puis tenté de freiner la régulation de l’exploitation des énergies fossiles.
En réaction, les associations Notre Affaire à Tous et 350.org réclament une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur la responsabilité climatique passée et présente de l’entreprise, rebaptisée depuis peu TotalEnergies. Elles entendent aussi l’obliger à financer des fonds de dédommagement des dommages liés au changement climatique et à abandonner tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles. Enfin, elles appellent à garantir l’application effective de la loi française sur le devoir de vigilance des multinationales et à l’internationaliser.
Que risquent vraiment TotalEnergies, et plus globalement les entreprises, sur le plan juridique face au réchauffement climatique ?
Décryptage avec l’avocate et ex-ministre de l’Environnement Corinne Lepage.
Le rôle joué par les groupes pétroliers face au réchauffement climatique était-il méconnu ?
En réalité, la question n’est pas nouvelle, elle avait été décrite par Nathaniel Rich [journaliste au New-York Times, ndlr] dans le livre Perdre la Terre, paru en 2019. Il montrait que juste avant les années 1980, tout était prêt pour conclure l’accord qui a finalement été entériné trente ans plus tard à Paris [via l’accord international sur le climat signé en 2015]. Là-dessus, arrivent Ronald Reagan à la présidence des États-Unis et la prise de pouvoir par les pétroliers. C’est là que débute le travail de désinformation par cette industrie – ce qui stoppe les discussions en cours -, qui monte également une série de think tanks pour s’opposer au sujet climat qui commençait à monter. Ce qui est horrible, c’est que si on avait fait en 1980 ce qu’on avait prévu de faire, on aurait pu résoudre le problème.
Le lobbying pétrolier a-t-il utilisé les mêmes méthodes que les cigarettiers ?
C’est exactement la même : nier d’abord l’existence du problème, c’est d’ailleurs tout le mouvement climato sceptique. Une première étape qui s’est poursuivie très tard, puisque le sommet de Copenhague a échoué en 2009 notamment à cause de la campagne menée par les industriels pour déconsidérer le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ndlr] et remettre en cause la base scientifique sur laquelle il établit ses rapports.
La deuxième étape, c’est de dire : peut-être que le dérèglement climatique - ils ne parlent pas de réchauffement climatique, notez la sémantique – existe, mais c’est multifactoriel et la part industrielle est finalement modeste, ce n’est pas le sujet principal. Maintenant, on arrive au sixième rapport du Giec : la situation est totalement accablante pour le CO2. Alors qu’il leur devient impossible de nier l’évidence, la posture des pétroliers est de dire : laissez-nous du temps pour faire la transition. Ce, alors que l’Agence internationale de l’énergie elle-même dit qu’il ne faut plus forer !
Dans quelle mesure leur responsabilité peut-elle être mise en cause sur le plan juridique ?
Il y a déjà la responsabilité des pétroliers en tant qu’émetteurs de gaz à effet de serre, qui a été reconnue dans quelques décisions de justice aux États-Unis. Par ailleurs, une décision rendue par le tribunal néerlandais en mai 2021 contre Shell, établit clairement que les pétroliers doivent réduire de 45 % leurs émissions de CO2 d’ci 2030 par rapport à 2019. Ce jugement est très intéressant car il dit : c’est vous qui définissez la stratégie de votre groupe, vous êtes donc responsable pour votre groupe et vos clients.
Et dans le cas de Total ?
À mon sens, il y a en plus une faute pour avoir volontairement dissimulé l’information et diffusé de fausses nouvelles, ce qui est une infraction. Ce délit se prescrit au bout de trois ans, mais on peut éventuellement impliquer la responsabilité civile pour faute malgré tout.
Est-ce que cela remet sur le devant de la scène la question de l’écocide ?
Oui la question peut être clairement reposée. En France, s’est seulement considéré comme un délit, et pour qu’il soit constitué il faut que le préjudice dure au moins dix ans. Problème, les faits reprochés à Total ont été commis avant que ce délit n’entre dans la loi.
Croyez-vous que cela peut vraiment avoir des conséquences pour Total et sa stratégie ?
Moteurs thermiques : peut-on relancer l’industrie automobile sans sacrifier les engagements climatiques ?
Je pense que oui. Ce qui s’est passé avec le jugement de la Haye a été un tremblement de terre pour toutes les sociétés pétrolières. Reste à savoir si cela est confirmé par la Cour d’appel aux Pays-Bas, car Shell a fait appel, tout en disant qu’il fallait dans ce cas un changement de réglementation au niveau mondial. Et là-dessus je le comprends : c’est une question planétaire.
C’est avec une grande émotion que nous vous écrivons aujourd’hui. Après 3 ans de procédure, les juges ont tranché : l'État n'a plus le choix, la France doit agir concrètement et rapidement pour le climat !
Ce résultat, nous l’avons obtenu ensemble, après une mobilisation sans précédent pour la justice climatique ! Cette victoire, c’est la vôtre, c’est celle de chacune et chacun d’entre vous. « Pas de Climat, Pas de Mandat ! »
Cette décision marque une nouvelle ère pour les politiques climatiques de la France : plus aucun.e Président.e ne pourra s'exonérer d'agir pour le climat sous peine de mettre l'État hors la loi.
� Á nous d'en faire un sujet incontournable pour les candidat-e-s ! � J'agis sur Twitter Je partage sur Facebook ! Je fais une story ou un post sur Instagram !
Concrètement, qu’est-ce que cette décision va changer ?
L’État est à présent sous le coup d’une double obligation. Désormais, non seulement il a l’obligation de respecter sa trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, mais en plus, tout dépassement de cette trajectoire sera puni et devra être réparé.
Cette décision de justice vient compléter les 3 victoires déjà obtenues devant le Conseil d’État, dans le recours de Grande-Synthe, et au tribunal administratif en février :
Novembre 2020 - Affaire Grande-Synthe : le Conseil d’État juge que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre est contraignant. L’État a désormais une obligation de résultats ! Février 2021 - Affaire du Siècle : L’État est condamné pour son inaction climatique. Pour la première fois en France, un préjudice écologique est reconnu dans une affaire climatique. Juin 2021 - Affaire Grande-Synthe : d’ici le 31 mars 2022, l’État doit faire la preuve que les nouvelles mesures adoptées vont permettre de respecter la trajectoire 2030. Octobre 2021 - Affaire du Siècle : La France est condamnée à réparer les conséquences de son inaction climatique au plus tard le 31 décembre 2022.
C’est la première fois qu’un grand pays comme la France est condamné à réparer son inaction climatique !
Ce jugement ouvre une nouvelle ère pour la politique climatique en France !
� Je partage cette victoire sur les réseaux sociaux
Merci et bravo à toutes les personnes qui se sont mobilisées avec nous depuis 3 ans ! On lâche rien ! ✊�
L'’équipe de l’Affaire du Siècle
PS : Ensemble nous sommes une force immense ! Partagez ce mail à vos proches dès maintenant.
Avec la pandémie, les négociations sur le climat et la biodiversité ont pris du retard.
La pandémie continue à bouleverser l'agenda. Les grands rendez-vous internationaux en matière de climat et biodiversité qui devaient marquer l'année 2020 vont finalement s'échelonner entre 2021 et 2022. Congrès de la nature, COP15 biodiversité, COP26 sur le climat... Novethic fait le point sur les évènements à ne pas manquer.
Congrès de la nature
Marseille - du 3 au 11 septembre 2021
Initialement prévu en 2020, le Congrès de la nature, organisé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a finalement été maintenu cette année malgré les craintes sur la pandémie. Rassemblant la communauté mondiale de la conservation de la nature, comme des acteurs politiques, des scientifiques et des membres de la société civile, c’est une étape importante qui doit permettre de préparer les négociations avant la COP15 biodiversité, reportée en 2022.
COP15 Biodiversité (réunion préparatoire)
Virtuel - du 11 au 15 octobre
Cette année, la COP15 biodiversité s’organisera en deux temps. Alors que les négociations en présentiel ont été de nouveau décalées en raison de la pandémie, un sommet virtuel sera organisé en octobre à la date initialement prévue pour entamer les discussions. Il s'agit de s'entendre sur l'agenda à venir. Des hauts représentants des pays devraient se rassembler du 12 au 13 octobre, pour établir une "déclaration de Kunming" et ainsi marquer une "impulsion politique", a indiqué le secrétariat de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique dans un communiqué.
Climate finance day
Paris- 26 octobre 2021
La septième édition du Climate finance day est organisée au Palais Brongniart à Paris. L’évènement rassemble des acteurs majeurs du secteur de la finance internationale pour trouver des solutions financières pour lutter contre le réchauffement climatique. Le thème de cette année : la finance durable et ses impacts.
COP26 sur le climat
Glasgow Ecosse - du 1er au 12 novembre
Il s’agit de l’évènement le plus attendu de l’année en matière de climat. La vingt-sixième édition de la COP est organisée cette année à Glasgow, en Écosse. C’est un moment clé : pour respecter l’Accord de Paris, et limiter le réchauffement planétaire à 2°C maximum, les Nations-Unies ont sommé les États de fournir des objectifs climatiques plus ambitieux.
COP15 biodiversité
Kumming (Chine) - du 25 avril au 8 mai 2022
Souvent présenté comme la "COP21 de la biodiversité", pour son importance, la COP15 biodiversité, qui aurait dû se tenir en 2020 puis en automne 2021, doit permettre de fixer un cadre pour protéger les écosystèmes. La Convention de l’ONU sur la biodiversité biologique a présenté en juillet un projet de texte devant être finalisé lors des négociations de Kunming et visant à "vivre en harmonie avec la nature" à l'horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires pour 2030. Il fixe 21 cibles pour réduire les menaces qui pèsent sur la biodiversité, comme la mise sous protection d’un tiers des espaces terrestres et maritimes.
Le Sommet de la terre
Rio de Janeiro - 2022
La date exacte n’est pas encore connue, mais l’évènement est prévu l'année prochaine et pour la troisième fois à Rio de Janeiro. Ces rencontres décennales entre dirigeants mondiaux ont notamment permis la naissance du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en 1972 et de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992. D’après le site internet Vie-Publique, l’édition 2022 doit permettre la création d’un Conseil de la Terre et d’un Institut sur les océans et sur le climat.
L’Observatoire de la transition écologique des territoires publie un classement de l’action des régions en la matière. Et les résultats ne sont pas brillants…
Recalées ! L’Observatoire de la transition écologique des territoires vient de publier un palmarès mesurant les actions des 13 régions métropolitaines en matière d’écologie sur la dernière mandature (2016-2021). Et les résultats de cet EnviroScore ne sont pas brillants. Seul le Grand-Est décroche la moyenne, avec un maigre 10,3/20.
Les autres régions obtiennent des notes carrément désastreuses. Les Hauts de France, dernier de la classe, plafonne ainsi à 5,2/20. La Normandie à 5,8/20. L a Corse à 6/20.
Publié à quelques semaines des élections régionales des 20 et 27 juin 2021, ce baromètre entend rappeler le rôle que peuvent jouer les régions en matière de transition. Surtout, il prétend informer des citoyens “submergés par la communication politique” sur les résultats concrets des politiques mises en place. “Chaque citoyen a le droit de savoir.”
Bons scores de la région Grand-Est
Pour établir ce classement, l’Observatoire a fait une moyenne des notes attribuées dans 7 catégories. Celles-ci sont : les énergies, la santé environnementale, la biodiversité, les transports, l’agriculture, les bâtiments et les achats publics responsables.
Dans certains de ces secteurs, des régions tirent leur épingle du jeu. En matière d’énergie, le Grand Est fait figure de bon élève, avec 14,9. Cela grâce à une baisse significative de sa consommation d’énergies, notamment fossiles (-3,3 % annuelle, une trajectoire conforme aux objectifs nationaux) .
Les Pays de la Loire obtiennent 15,8 en matière de santé environnementale, grâce à une réduction de 4,8 % de l’utilisation des pesticides. La Bretagne remporte un 18 en matière d’achats publics responsables.
Pour attribuer ces notes, l’observatoire, qui se dit indépendant, explique avoir utilisé des données mises à disposition par les pouvoirs publics et des organisations professionnelles ou associatives. Il a comparé les objectifs atteints par les régions aux objectifs nationaux ou européens.
L’association reconnaît toutefois que son palmarès comporte des limites. Des thématiques comme la gestion de déchets se sont pas pris en compte par manque de données où car celles-ci ne “reflétaient pas assez l’action des régions”. Sur certains sujets, elle ne dispose que de données jusqu’en 2019. De plus, “sa photographie du mandat”, ne considère pas les actions lancées dont les résultats sont attendus sur le long terme. Pour connaître ces résultats, on suivra la prochaine édition de son EnviroScore.
A l'occasion du dernier colloque d'ETHIC (Entreprises de Taille Humaine Indépendantes et de Croissance) organisé le 6 mai 2021 consacré à la problématique suivante : comment concilier développement économique et écologique, Corinne LEPAGE fut l'invitée d'honneur des conclusions de ce colloque.
Si lorsque vous étiez petit, une date comme 2020 évoquait un monde futuriste avec des voitures volantes, eh bien, ouf, on n’en est pas encore là ! Par contre, un monde régi par la surproduction, la surconsommation, le gaspillage, alors là oui, je suis désolée de vous dire qu’on y est ! Mais à mon avis, je ne vous apprends rien ! Pour ne pas rester les bras croisés, adopter le zéro déchet, c’est non seulement vivre une aventure humaine,mais aussi revendiquer une démarche durable. Mais le zéro déchet en France ou zero waste en anglais, ça vous évoque quoi concrètement ? Un mode de consommation responsable ? Le recyclage seul de vos déchets ? Ou un vrai challenge à relever ? Décodage.
Définition et origine du zero waste
Un mode de vie
Bien plus qu’un concept, le zéro déchet est avant tout un mode de vie qui vise une seule chose : réduire la quantité de déchets que nous produisons et leur impact environnemental. Facile à dire me direz-vous ! Mais facile à faire aussi : il faut en effet simplement changer nos habitudes et repenser nos façons de consommer. S’inscrire dans une démarche globale et responsable, avoir une vision progressive, écologique et économique, presque choisir de mener une vie minimaliste, c’est aussi cela le zéro déchet en France.
Dans une société consumériste à outrance, où le bien est accessible, à moindre coût, et en quantité plus que nécessaire, repensons la notion de besoin avant un achat, revenons à l’essentiel. L’ère de l’ “avoir pour être” semble être révolue, presque indécente. Tendre vers le zéro déchet ne doit être ni contraignant ni moralisateur : cela doit être une action volontaire, un projet commun à mener en famille (éduquer la jeune génération à ces gestes du quotidien, c’est bien aussi au passage), et un projet fédérateur à mener en collectivités.
Béa Johnson, l’initiatrice du mouvement
Si la démarche commence à faire parler d’elle depuis quelques années, c’est réellement en 2013 qu’elle va prendre de l’importance. Béa Johnson, une Américaine d’origine française, prend conscience lors d’un déménagement qu’elle possède des tas d’objets dont elle et sa famille ne se servent pas ou plus. Le désencombrement est salutaire. C’est une vraie révélation, une prise de conscience. Elle se lance dans la rédaction d’un ouvrage qui s’intitule « Zéro déchet » et fait très vite de nombreux adeptes. Elle enchaîne conférences, interviews dans le monde entier. Le mouvement est lancé ! On pourrait les qualifier d’aventuriers, d’explorateurs, presque d’illuminés… ceux qui adhèrent assez tôt à ce nouveau concept du mieux consommer et du mieux-vivre. En tout cas, devenus rapidement très nombreux, ils réussissent à (re)faire émerger cette philosophie de vie. Mais en quoi consiste-t-elle exactement ? Sur quels principes repose-t-elle ?
La règle des 5 R
Le zéro déchet est le concept de transition écologique par excellence en France. « Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas ! ». Alors c’est vrai, ce serait LA solution. Mais comme on en est encore loin, adoptons déjà le zéro déchet avec la mise en place de ces 5 grandes actions et ce, par ordre d’importance :
1- Refuser
Il s’agit ici de refuser tout ce dont on n’a pas besoin : les objets à usage unique, les objets du quotidien non revalorisables. J’entends par là, la vaisselle jetable, les pailles, les cotons-tiges, les bouteilles d’eau… Mais aussi les publicités et prospectus dans la boîte aux lettres, les boîtes en plastique et tant d’autres…Préférez la gourde réutilisable, mettez un stop pub sur votre boîte aux lettres, adoptez le contenant en verre… C’est l’apparition du plastique, au début du 20e siècle, qui va engendrer cette frénésie de production d’objets à usage unique. Saviez-vous que moins d’un tiers à peine des déchets plastiques arrivent à être collectés pour être recyclés ? La lutte contre le « tout-jetable » doit être au centre des préoccupations.
2 – Réduire
Dans notre quotidien, il est urgent de réduire :
sa consommation : n’achetez que ce qui vous est utile ;
son stockage : faites du vide et par la même occasion, faites-en profiter ceux qui en ont le plus besoin ;
ses achats compulsifs : investissez intelligemment ;
le gaspillage : alimentaire, vestimentaire, énergétique… Il prend aujourd’hui plein de formes. C’est une nécessité absolue de le freiner.
3 – Réutiliser
Il faut savoir faire preuve d’inventivité, d’ingéniosité, de débrouillardise aussi un peu. Réparez, partagez, échangez, troquez ! En plus d’être bon pour la planète, cette pratique est saine et relie davantage les personnes entre elles. Ne pas acheter neuf, mais d’occasion, détourner l’usage d’un objet pour lui donner une seconde vie, voilà encore un vrai challenge.
4 – Recycler
Spontanément, on a tendance à croire que c’est l’étape fondamentale, incontournable de ce processus de sensibilisation au zéro déchet. Je recycle donc je suis. Eh bien non, ça ne l’est pas. Car recycler nécessite des dépenses d’énergie, engendre parfois de la pollution et surtout n’est pas une solution durable. Le plastique, pour ne citer que lui, ne peut être recyclé que de façon très limitée et deviendra un déchet dans tous les cas. Alors recycler, c’est bien, mais c’est loin d’être suffisant.
5 – Rendre à la terre (Composter)
Eh oui, rendons à la terre ce qu’elle sait si bien nous donner. Plus de 30 % de nos déchets organiques peuvent être compostés. Ce n’est pas négligeable alors allons-y ! Plusieurs possibilités pour cela :
le composteur individuel, en fond de jardin ;
un composteur individuel, en appartement (le lombricompostage) ;
le composteur collectif pour les résidences.
Le compostage n’est plus l’apanage de celui qui vit à la campagne. De nos jours, tout le monde a la possibilité de composter sa matière organique !
Adopter le zéro déchet : le challenge
Les premiers pas
Relever le défi, oui, mais par quoi commencer ? Dans cette notion de défi, il y a toujours une part d’incertitude, de questionnement, de doute quant à la réussite du projet. Pour démarrer donc avec optimisme et entrain (il faut que l’adhésion au projet soit simple pour être menée sur le long terme), retenons donc 3 actions clés, à fort impact sur la réduction des déchets :
composter ses biodéchets : on l’a bien compris, le compost produit devient un engrais naturel, riche en fertilisants pour le jardin ;
acheter en vrac : stop aux emballages alimentaires. Légumes, fruits, pâtes, riz, farine… Désormais de nombreux produits sont accessibles sans emballages, en épicerie bio ou en supermarché ;
éviter le neuf : place à la réparation, l’emprunt, la location, l’achat d’occasion…
À cela, il est aussi important d’ajouter un usage informatique plus « intelligent » (y auriez-vous pensé ?). De nos jours, pas un foyer sans un ordinateur au minimum, alors autant en être conscient :
évitez d’envoyer un mail à plusieurs destinataires et de stocker trop d’e-mails archivés ;
préférez aussi un ordinateur portable, il consomme 50 à 80 % d’énergie en moins qu’un ordinateur fixe ;
réduisez la taille des pièces jointes ;
installez un anti-spam.
Ces 4 pratiques restent à la portée de tous, elles représentent les réels premiers pas vers le zero waste. Et pour que cela s’inscrive dans la durée, que ça ne fasse pas un effet feu de paille, il faut avancer étape par étape. Le but n’est pas de tout bouleverser en une fois, au risque de trouver cela laborieux. C’est une révolution dans nos habitudes quotidiennes, donnons-nous le temps pour les systématiser, bref les adopter.
Allons plus loin
Cependant, on ne peut se contenter de ces quelques mesures énoncées. On voit depuis une dizaine d’années de nouvelles idées émerger et de nouvelles règles s’appliquer. Elles se multiplient dans le but d’envoyer des signaux à l’ensemble des intervenants et de favoriser les comportements vertueux. La démocratisation du mouvement est en cours ! La sensibilisation et la mobilisation sont l’affaire de tous pour redonner toute sa place à la nature.
L‘engagement des villes et des territoires progresse continuellement.
L’entreprise, très productrice de déchets, se mobilise. Selon l’Ademe, chaque employé de bureau produit en moyenne entre 120 et 140 kg de déchets par an sur son lieu de travail.
Le coût des traitements polluants augmente. Mais en matière de taxation, il y a encore une grande marge d’amélioration. La TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) est encore bien trop peu utilisée.
Le nombre d’épiceries, de boutiques et de marchés zéro déchet (courses sans emballages) explose en France. Et les porteurs de projet se bousculent. Ce qui laisse présager un bel avenir à ce type de commerce.
Les blogs à ce sujet sont de plus en plus nombreux. Leurs auteurs forment une grosse communauté sur le net de nos jours.
On peut encore espérer une plus grande sensibilisation. Sans atteindre le zéro, on peut réduire considérablement nos déchets : les champs d’action sont aujourd’hui identifiés et variés, ce sont nos mentalités qui restent encore à éduquer. En tout cas, c’est certain, une transformation lente mais profonde s’est amorcée. De toute façon, nos systèmes de production et de consommation ne sont plus viables. Il faut accepter de se réinventer pour évoluer. Des associations s’engagent, Zero Waste France prône le zéro gaspillage, avec une réduction des déchets à la source. Chaque petit geste doit être encouragé, les générations futures auront tout à y gagner. Privilégions les circuits courts, consommons bio et local, redonnons à la vie sa simplicité. Quand je pense que c’est ce que faisaient nos aïeux et que nous l’avons négligé…
COMMUNIQUE DE PRESSE - Basés sur les recherches d’une équipe d’INRAE, les premiers résultats observés à l’échelle nationale seront dévoilés courant 2021. L’indicateur SOCCROP devrait être ensuite mis à disposition des acteurs du monde agricole au début de l’année 2022.
Les terres agricoles occupent près de 38 % des terres émergées du globe. Souvent accusées d’être sources d’émission de gaz à effet de serre, leur utilisation raisonnée et le recours à des pratiques agricoles vertueuses peuvent néanmoins contribuer à lutter contre le changement climatique grâce au stockage de carbone. L’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), représenté par son vice-président à l’international Jean-François Soussana, et l’association planet A®, sous l’impulsion de son président du conseil scientifique Jean-Pierre Rennaud, s’engagent dans un partenariat pour développer un indicateur permettant de mesurer l’évolution des stocks de carbone dans les sols agricoles. Baptisé SOCCROP, il devrait être mis à disposition du monde agricole dans sa première version début 2022.
Un partenariat dans la lignée du forum planet A® de 2019
Annoncé à l’issue du forum planet A® de 2019, qui avait pour thème « Terre, matière, planète : la qualité des sols pour la santé du vivant », ce partenariat s’inscrit dans la continuité des travaux de l’initiative « 4 pour 1000 »[1]. L’association planet A®, créée en 2017 comme un véritable « hub » croisant disciplines et perspectives économiques, démographiques, sociétales et environnementales, place l’agriculture au cœur des solutions collectives. La collaboration avec INRAE, dont le vice-président à l’international est également membre du conseil scientifique et technique du « 4 pour 1000 », illustre la volonté de planet A® de faire émerger des solutions concrètes pour le monde agricole, proposées par des organismes de recherche de premier plan, experts non seulement des sciences de l’agriculture et de l’alimentation mais également à la pointe de la recherche en matière d’environnement.
« Ce projet apportera une avancée dans la compréhension des dynamiques internationales à l’œuvre dans la gestion des sols cultivés et de leurs stocks de carbone. Il préfigure les travaux qui devraient être conduits à partir de 2022 par le consortium international sur le carbone du sol, qui a été préparé par le projet CIRCASAcoordonné par INRAE », Philippe Mauguin, Président directeur général d’INRAE.
« La création de cetindicateur est l’aboutissementd’un engagement fort pris par planet A® lors du 2ème Forum International en 2019 à Châlons-en-Champagne. Il sera le tout premier du genre et permettra de mettre à disposition du mondeagricole un réeloutil au service de la qualité de leurssols. Il sera, je suisconvaincu, à terme, un outilmajeur pour la protection de notreenvironnement, et ce à l’échelleinternationale », BenoistApparu, maire de Châlons-en-Champagne.
Une équipe INRAE, sous la direction d’Éric Ceschia (Centre d'Études Spatiales de la BIOsphère, CESBIO), a mis en évidence un lien direct entre durée annuelle de couverture végétale des sols cultivés et accumulation de carbone pour les grandes cultures en Europe. C’est sur la base de ces premiers résultats que repose le projet d’indicateur de l’évolution de stockage de carbone dans les sols agricoles.
« Ce partenariatpermettra de réaliser pour la premièrefois un indicateurobjectif, à la parcelle et surl’ensemble du globe, de la quantité de CO2quepeuvent absorber ou émettre les parcellesagricoles en fonctiondessystèmes de production mis en place par les agriculteurs. SOCCROPfaciliteral’estimationdesbilans de carbone à la parcelledansuneoptique de gestion durable dessols et de luttecontre le réchauffementclimatique », Jean-FrançoisSoussana, vice-président à l’internationald’INRAE et membre du conseilscientifique et technique de l’initiative « 4 pour 1000 ».
Un indicateur mondial pour suivre l’évolution des stocks et permettre une gestion durable des sols agricoles
Les variations de la couverture végétale des sols affectent directement le carbone fixé par la végétation et donc par le sol. En effet, la variation du stock de carbone d’une parcelle agricole dépend du bilan des entrées (photosynthèse et fertilisation organique) et des sorties (des récoltes, pâturage, la respiration du sol, lessivage de carbone sous forme organique). Le bilan de carbone du sol peut être modélisé en fonction des apports nets. Cette méthode, utilisable à différentes échelles (parcelle, exploitation, région, globe) doit permettre de suivre la ligne de base du carbone du sol et l’éventuel stockage additionnel.
Le projet d’indicateur comprend deux volets complémentaires. Le premier, reprenant les données de l’étude « 4 pour 1000 », vise à analyser et modéliser la relation entre la durée de couverture du sol et le potentiel de stockage de carbone à l’échelle de la France. Ses résultats donneront lieu à un rapport au cours de l’année 2021. Le second volet aura pour objectif de quantifier la durée de couverture des sols agricoles par les cultures annuelles ou les couverts végétaux à l’échelle parcellaire et sur l’ensemble des régions du monde. L’étude utilisera les données satellitaires « Sentinel » de l’Agence Spatiale Européenne et les premières analyses seront rendues fin 2022.
Grâce à l’indicateur SOCCROP, on pourra ainsi observer dans quelles régions du monde l’augmentation de la durée de couverture végétale des sols cultivés se développe ou régresse. En complétant cet indicateur par des données sur les pratiques agricoles (fertilisation organique, gestion des résidus de culture…), il sera possible d’obtenir un tableau de bord mondial pour suivre l’évolution des stocks de carbone dans les sols agricoles et comprendre à quel rythme les pratiques compatibles avec l’objectif « 4 pour 1000 » se déploient dans le monde.
Publié le 09 avril 2021
Jacques Le Bris's insight:
[1]L’initiative « 4 pour 1000 », lancée à l’issue de la COP21 et représentée au conseil scientifique de planet A® par la voix de son secrétaire général Paul Luu, a pour objectif d’augmenter chaque année les stocks mondiaux de matières organiques dans les sols de 4 pour 1000 (ou 0,4 %) afin de compenser par ces stocks une partie des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre.
Le procédé utilisé permet de récupérer 97 % de l’hydrogène contenu dans le plastique en quelques dizaines de secondes seulement
Une équipe de chimistes britanniques s’est appuyée sur les micro-ondes afin de transformer les sacs en plastique, bouteilles et autres emballages alimentaires en une source propre d’hydrogène.
Plus rapide et moins énergivore que les procédés existants
Bien que différentes méthodes permettent déjà de transformer les déchets plastiques en hydrogène, la nouvelle approche développée par des chercheurs de l’université d’Oxford promet d’être plus rapide et moins énergivore.
Présentée dans la revue Nature Catalysis, cette nouvelle méthode de transformation a été spécialement conçue dans le but « d’affronter la sinistre réalité » des déchets plastiques, qui constituent un problème environnemental important au Royaume-Uni avec plus d’1,5 million de tonnes produites chaque année. L’hydrogène contenu dans les sacs plastiques représentant environ 14 % de leur poids, ce type de déchet offre une nouvelle source possible pour les pays envisageant de produire de l’hydrogène de manière propre afin de lutter contre le changement climatique.
À l’heure actuelle, la plupart des approches utilisées consistent à chauffer le plastique à des températures très élevées (plus de 750 °C) afin de le décomposer en gaz de synthèse, mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone, puis à séparer et collecter l’hydrogène dans un second temps.
Dans le cadre de ces nouveaux travaux, Peter Edwards et son équipe ont réduit le plastique en petits fragments à l’aide d’un mixeur de cuisine et l’ont mélangé à une préparation contenant de l’oxyde de fer, de l’oxyde d’aluminium et de l’acide citrique, permettant de catalyser la réaction de déshydrogénation des plastiques. Les chercheurs ont ensuite placé l’ensemble dans un dispositif à micro-ondes de 1 000 watts, et sont parvenus à récupérer 97 % du gaz contenu dans le plastique en l’espace de quelques dizaines de secondes seulement.
« Une solution potentielle et attractive au problème des déchets plastiques »
Cette approche en une seule étape présente l’énorme avantage de chauffer uniquement le catalyseur et non l’ensemble du plastique (étant donné que ce dernier n’absorbe pas les micro-ondes), ce qui permet de réduire drastiquement la consommation d’énergie nécessaire. Une fois l’opération réalisée, le matériau solide restant est presque exclusivement composé de nanotubes de carbone.
Selon Edwards, les résultats obtenus constituent « une solution potentielle et attractive au problème des déchets plastiques ».
Bien que les tests réalisés jusqu’à présent ne l’aient été qu’à petite échelle, avec environ 300 grammes de plastique utilisés pour chacun d’entre eux, les auteurs de l’étude expliquent que des expériences plus importantes sont d’ores et déjà prévues.
Les murs à pêches à Montreuil (Île-de-France) au début du 20e siècle.
Le climat se réchauffe, la biodiversité s’effondre, mais il est pourtant difficile de prendre conscience de l’ampleur de la crise environnementale. La raison ? Notre amnésie environnementale. Analyse d’un mécanisme psychologique essentiel mais ignoré.
En fermant les yeux, on pourrait presque avoir l’impression d’être à la campagne. À une dizaine de mètres de la route principale, on peut encore entendre quelques grillons chanter dans les herbes hautes qui ont survécu à l’asphalte. De rares chardons griffent les pieds des passants. Le passage d’un poids lourd ou le bruit strident d’un avion au décollage ramènent cependant rapidement les visiteurs de la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Tulipes à la réalité. Située dans le Val-d’Oise, à quelques kilomètres de l’aéroport du Bourget, cette zone industrielle s’étend sur près de 80 hectares. D’immenses entrepôts grillagés s’y étalent à perte de vue, entrecoupés par de longues artères bétonnés. Seul le ballet des camions et des voitures brise la monotonie du lieu.
Il y a un demi-siècle, l’aspect de ce terrain, situé à cheval entre Gonesse et Bonneuil-en-France, était pourtant bien différent. Un habitant de la commune voisine de Villiers-le-Bel, âgé de 64 ans, se rappelle les « millions et millions de tulipes » qui y poussaient dans son enfance. Avant que ces champs ne soient recouverts de bureaux et de bâtiments logistiques, il allait souvent y cueillir des fleurs, ou jouer à attraper des musaraignes. Mireille et son mari, artisans traiteurs à Gonesse, se souviennent également avec émotion de cette époque. « C’était impressionnant, raconte Jacques. À mon arrivée en 1979, ça m’avait fait drôle de voir des tulipes partout. » Des plantations de fleurs sur lesquelles elle a été construite, la ZAC n’a gardé que le nom. En à peine deux générations, ces champs de tulipes ont complètement disparu de la mémoire collective des riverains. À Gonesse, la plupart des adultes ont seulement vaguement entendu parler de cette période. Les adolescents, quant à eux, expliquent « ne rien savoir » sur le passé agricole de la ZAC.
Cet oubli progressif de l’histoire environnementale des environs de Gonesse s’apparente à ce que le psychologue américain Peter H. Khan nomme « l’amnésie environnementale », c’est-à-dire l’acclimatation des êtres humains, au fil des générations, à la dégradation de leur environnement. Au fur et à mesure que nos relations avec le vivant s’étiolent, nous l’intégrons de moins en moins dans notre cadre de référence. Nous finissons ainsi par considérer comme « normal » un état de dégradation environnemental avancé, explique Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et biologiste de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle. Le biologiste marin Daniel Pauly parle quant à lui de « syndrome de la référence changeante ». Il a forgé ce concept en 1995 après avoir remarqué que les chercheurs spécialistes de la pêche prenaient comme référence scientifique la taille et la composition du stock de poissons du début de leur carrière. « Chaque génération de chercheurs oubliait que cet état qu’elle considérait comme normal était déjà dégradé par rapport aux générations précédentes, ce qui avait comme conséquence d’empêcher une prise de conscience globale de l’érosion de la biodiversité marine », précise Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche au CNRS.
On cultivait des roses à Fontenay-aux-Roses, des pêches à Montreuil, des ananas dans les serres du château de Choisy-le-Roi…
En région parisienne, par exemple, un grand nombre de territoires fortement urbanisés étaient autrefois des hauts lieux de l’agriculture française. Au 18e siècle, explique Jan Synowiecki, historien et auteur d’une thèse sur l’histoire environnementale de Paris à l’époque moderne, « le paysage était majoritairement rural et alternait entre des espaces de céréaliculture, des villages, des pépinières et des jardins potagers ». On cultivait des roses à Fontenay-aux-Roses, des pêches à Montreuil, des ananas dans les serres du château de Choisy-le-Roi… « Les environs de Paris étaient remplis de pépinières. On y commercialisait des graines et du végétal de façon massive, qui approvisionnaient ensuite tout le royaume de France. » Les espaces de nature productive ont progressivement régressé à Paris et en proche banlieue tout au long du 19e siècle. Comme le rappelle Thomas Cormier, urbaniste à l’Institut Paris Région, l’urbanisation de la région parisienne, qui a commencé en 1920 et s’est fortement accélérée dans les années 1950, a progressivement eu raison de la majorité des espaces agricoles. Au fil du temps, ces derniers ont disparu de notre mémoire collective. Peu de Franciliens se rappellent que l’on pouvait autrefois chasser la bécassine dans le quartier du Marais, ou entendre des oiseaux chanter dans les champs de blé de la Butte-aux-Cailles. « Ces références font désormais partie du folklore, analyse Philippe J. Dubois, ornithologue et auteur de La grande amnésie écologique (éd. Delachaux et Niestlé, 2015). On finit par oublier que ces territoires étaient autrefois bien plus riches en biodiversité. »
Cette amnésie tient avant tout au manque de transmission de notre mémoire environnementale, selon Philippe J. Dubois. Il évoque l’exemple d’un ingénieur agronome franc-comtois qu’il a rencontré au cours de ses recherches. Fils et petit-fils d’agriculteur, il ignorait tout de la fémeline, une race de vaches pourtant emblématique de la région, aujourd’hui disparue. Son grand-père, qui avait dû bien la connaître, n’en avait probablement jamais parlé à ses descendants. « En seulement deux générations, la fémeline avait totalement disparu de la mémoire collective », déplore-t-il. Selon lui, les individus ayant un contact intime avec le vivant sont parfois trop accablés par les changements qu’ils observent pour en parler à leurs enfants. Résultat : nous oublions peu à peu des éléments constitutifs de notre environnement, accélérant ainsi sans le vouloir sa dégradation.
On peut ne pas remarquer que les hirondelles que l’on voyait dans notre enfance ont disparu
L’amnésie environnementale n’est pas uniquement générationnelle : nous pouvons également en souffrir sur des échelles de temps beaucoup plus courtes, selon Philippe J. Dubois. En seulement quelques dizaines d’années, nous pouvons nous accommoder de la disparation de ce qui faisait notre environnement proche. Cela tient au fonctionnement de notre cerveau, selon le chercheur. « À l’image d’un ordinateur, notre cerveau fait continuellement des mises à jour de notre perception du monde en écrasant la version précédente. Si l’on n’est pas très attentif au vivant et à ses évolutions, on peut très vite oublier ce à quoi il ressemblait. »
Si l’on n’a jamais vraiment prêté attention aux autres êtres vivants, par exemple, on peut ne pas remarquer que les hirondelles que l’on voyait dans notre enfance ont disparu, explique le chercheur. Le culte que notre société voue à l’immédiateté joue également contre notre mémoire : « Nous n’avons plus le temps de fixer notre attention sur des éléments qui montrent que les choses changent. On le voit avec le réchauffement climatique : les canicules sont toujours perçues comme exceptionnelles, alors qu’elles se multiplient depuis plusieurs années. »
Afin de lutter contre l’oubli, l’importance d’« entrer en expérience avec la nature »
L’amnésie environnementale a pourtant des conséquences « terrifiantes », selon les mots de Philippe J. Dubois. D’abord parce qu’elles nous rend indifférents à la dégradation de nos relations avec le vivant, et donc de notre qualité de vie, mais également parce qu’elle étouffe toute possibilité de changement, selon Anne-Caroline Prévot. « Si les communautés humaines ne pensent pas que la dégradation de l’environnement est importante car elles n’y font pas attention, il n’y a pas de raison que les politiques ou les institutions s’en chargent », explique-t-elle.
Afin de lutter contre cet oubli et ses effets délétères, la biologiste souligne l’importance de ce qu’elle appelle « entrer en expérience avec la nature » : « Il est important de prendre conscience de la relation que l’on a et que l’on a envie d’avoir avec la nature, d’en parler et de partager ses souvenirs. »« L’éducation à l’environnement est primordiale, ajoute Philippe J. Dubois. Elle devrait être une discipline à part entière, enseignée dès la maternelle. » Selon lui, renforcer l’éducation à l’environnement au sein des écoles pourrait permettre aux plus jeunes « d’ouvrir les yeux » sur le reste du vivant, et ainsi d’éviter qu’ils ne deviennent amnésiques. Accorder davantage d’importance à l’histoire de la biodiversité et de notre relation au monde est également essentiel, selon lui, « afin d’éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ». Il ne s’agit pas uniquement, selon le chercheur, d’affubler les territoires dégradés de noms faisant allusion à leur passé, mais de conserver des traces concrètes de leur richesse environnementale. À la ZAC des Tulipes, par exemple, trop peu d’éléments permettent aux jeunes générations de se faire une idée de l’aspect historique de la région, et donc d’imaginer une alternative à ces alignements d’entrepôts sans âme : « Ce qu’il aurait fallu, c’est garder un petit bout de champ, qui aurait pu montrer qu’il s’agissait auparavant d’un lieu de culture de tulipes. »
Prendre conscience de notre amnésie environnementale et de la dégradation historique du vivant peut être difficile à vivre, prévient Philippe Dubois. Elle conduit souvent à éprouver de la solastalgie, c’est à dire le sentiment douloureux de se trouver dans un environnement qui n’est plus le sien. Cette expérience est pourtant essentielle, selon le chercheur. « C’est en ayant des connaissances sur le passé que l’on peut prendre des bonnes mesures, préserver ce qui est préservable et éviter l’effondrement du vivant. La nature est comme un tsunami : la grande vague destructrice est souvent précédée de petites vagues annonciatrices. Si l’on oublie notre passé environnemental, le réveil sera d’autant plus difficile. »
Des millions de vies sont en danger. Le climat s’emballe. Pendant ce temps, des entreprises détruisent l’environnement à coups de milliards de tonnes de carbone. Et rémunèrent leurs actionnaires à coups de milliards d’euros. Il est inacceptable que les multinationales et les marchés financiers prospèrent sur des activités et des investissements qui dérèglent le climat. Il est temps de contraindre les entreprises à respecter l'Accord de Paris pour qu’elles réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Nous vous expliquons pourquoi, et comment.
Le système néolibéral, moteur de la crise écologique et sociale
La crise du coronavirus va « changer la nature même de la mondialisation dans laquelle nous vivons depuis quarante ans […] Personne n’hésite à faire des choix profonds et radicaux quand c’est une question de vie ou de mort. C’est la même chose avec le risque climatique ». Ces propos d’Emmanuel Macron mâtinés de radicalité détonnent. Ils sonneront d’autant plus faux s’ils ne sont pas traduits en actes immédiats. La crise du coronavirus exacerbe les travers d’un système déconnecté du bien commun, nous le voyons déjà. Le capitalisme néolibéral creuse les inégalités et meurtrit la planète, cherchant à accumuler les richesses au profit de quelques uns, alors que la Terre n’en finit plus de montrer ses limites. Résultat : le réchauffement climatique pourrait atteindre +7°C d’ici 2100 et donc des conditions de vie intenables, si nous ne changeons rien. En France, l’inaction climatique des dirigeants et des entreprises est criminelle : notre empreinte carbone globale n’a pas diminué depuis 1995, malgré l’urgence et les promesses.
Des entreprises criminelles du climat et championnes des dividendes
Un actionnaire qui touche 100€ de dividendes de la Société Générale, du Crédit agricole, de BNP Paribas ou d’Engie pollue beaucoup plus qu’un Français moyen en un an. Une autre comparaison ? Cent euros de dividendes de la Société Générale équivalent à 30 allers-retours Paris-New York en avion pour un passager, comme nous le montrons dans notre rapport “Climat : l’argent du chaos”. Or ces dividendes climaticides sont versés à coups de milliards d’euros chaque année, avec un record pour l’exercice 2018. C’est là le cœur du problème : certaines entreprises du CAC 40 ont fait du dérèglement climatique le moteur de leur développement, du fait de l’absence de régulation. Un exemple criant : BNP Paribas investit sans relâche dans les énergies fossiles. Son empreinte carbone est la plus élevée du CAC 40 et ses actionnaires s’en frottent les mains : BNP leur a versé 3,7 milliards d’euros en 2019. Quant à Total, l’entreprise a émis 444 millions de tonnes de CO2, soit autant que les émissions de toutes les activités conduites sur notre territoire.
Le gouvernement complice des entreprises polluantes
Le laxisme climatique du gouvernement se joue dans le porte-monnaie d’une minorité favorisée : il y a énormément d’argent en jeu derrière les activités polluantes. Si la France fait partie des 195 pays signataires de l’Accord de Paris de 2015 pour contenir le dérèglement climatique, cinq ans plus tard, les entreprises ne sont toujours pas tenues d’en respecter les objectifs. Et ce alors que 75% de la baisse des émissions de gaz à effet de serre nécessaire pour respecter l’Accord de Paris dépend de l’État et des entreprises. Mais le gouvernement n’est pas seulement laxiste face à ce crime contre le climat. Il en est le complice. Il a en effet subventionné les industries fossiles à coups de milliards d’euros en 2019. Cette même année, Emmanuel Macron et son gouvernement ont déployé d’intenses efforts pour continuer à faire bénéficier Total d’une niche fiscale sur l’huile de palme d’environ 80 millions d’euros d’argent public, alors que le pétrolier carbure à la déforestation.
Pour une interdiction des dividendes climaticides
Le gouvernement se plaît à parler d’une économie décarbonée ? Qu’il décarbone la finance. Car aussi longtemps que placer son argent dans des entreprises climaticides enrichira, la transition écologique restera un vœu pieux. La solution tombe sous le sens : il faut fixer aux multinationales des objectifs annuels et contraignants de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Si elles ne les respectent pas, elles auront l’interdiction de verser des dividendes à leurs actionnaires.
Pourquoi ? Parce que si les entreprises climaticides ne peuvent plus verser de dividendes, elles ne parviendront plus à attirer d’actionnaires. Privées d’investisseurs, ces entreprises dont le moteur est aujourd’hui la destruction du vivant n’auront alors d’autre choix que de s’engager (réellement !) dans la transition écologique indispensable à la préservation du vivant sur terre. Cette conversion constituerait pour elles le seul moyen d’attirer à nouveau des investissements, et donc de continuer à exister.
Il est possible de changer la donne
Nous devons de toute urgence enclencher une autre façon de vivre, de produire, de se nourrir, de se déplacer. Or il manque 18 milliards par an pour la transition écologique. C’est la somme des dividendes versées en un an par les 10 plus gros pollueurs du CAC 40. La solution existe, la situation l’exige : l’Etat doit interdire le versement des dividendesaux entreprises qui ne respectent pas l’Accord de Paris, afin que la France puisse enfin contenir ses émissions carbone. Cette simple mesure est aussi radicale que nécessaire. Nous avons donc besoin de vous afin de la porter dès aujourd’hui dans le débat public. Pour la soutenir, c’est simple : signez le formulaire accessible ici. Ceci nous permettra de mesurer l’adhésion qu’elle suscite, mais aussi de vous proposer d’agir à nos côtés pour la défendre. Votre signature génèrera une “attestation de sortie d’un système économique destructeur” : on vous invite vivement à la partager autour de vous, sur les réseaux sociaux et par email !
Pripiat, ville abandonnée près de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine (51°24’ N - 30°02’ E).
La catastrophe de Tchernobyl a coûté 700 milliards de dollars en 30 ans, estime l’ONG Green Cross.
Un rapport, publié le 21 avril, évalue le coût de l’explosion, les dommages causés aux terres à proximité de la centrale et les conséquences sanitaires et économiques sur les populations. Le document mesure les coûts directs et indirects sur le court terme et le long terme. Pour ce faire, les chercheurs ont compilé les chiffres avancés par différentes études traitant des coûts économiques de la catastrophe par secteur. Ainsi, la décontamination de la zone irradiée est estimée à 67 milliards de dollars. Quant à eux, les coûts sanitaires s’élèvent à près de 100 milliards de dollars. Ils comprennent les frais liés à la protection sociale des pays, de la prise en charge médicale et du suivi psychologique.
Les deux grandes victimes économiques de cette catastrophe sont la Biélorussie et l’Ukraine, dont les frais totaux sont estimés à respectivement 235 milliards et 198 milliards de dollars depuis 1986. « Cette étude est nécessaire pour comprendre que les coûts de n’importes quelles centrales nucléaires n’englobent pas que leur construction et leur maintenance : il y a aussi le prix d’un accident potentiel », concluent les auteurs.
Depuis des années, nous avons affronté le VIH, Ebola, la dengue, Zika, le chikungunya, la fièvre de Lassa, le Sars, le H5N1, le H1N1…
Pour les scientifiques, d’autres épidémies se développeront à l'avenir. C’est une quasi-certitude si un changement radical des politiques en lien avec la biosphère n’a pas lieu.
Tribune. La pandémie du Covid-19 était inimaginable pour beaucoup. Elle a suscité les pires théories complotistes. Pour les chercheurs, elle était prévisible. Des études scientifiques, et même des livres disponibles dans les librairies de nos villes la laissaient prévoir. De nombreux laboratoires dans le monde consacrent leurs efforts à comprendre les dynamiques épidémiologiques des nouvelles maladies infectieuses dont le Covid-19. Seuls le moment du passage de la vague et son intensité restaient inconnus. Des pandémies ont déjà eu lieu. D’autres sont à prévoir. C’est une quasi-certitude.
L’épidémie actuelle appartient au groupe des zoonoses, maladies qui lient espèces sauvages, animaux domestiques et humains. Depuis plusieurs décennies, la destruction alarmante des milieux naturels provoque des zoonoses plus nombreuses et virulentes. L’humanité rencontre des espèces virales, microbiennes et parasitaires contre lesquelles elle est désarmée.
On estime que les 5 400 espèces de mammifères hébergent quelque 460 000 espèces de virus, dont l’immense majorité reste à décrire. Comme les autres agents pathogènes, ils participent du fonctionnement écologique en contrôlant l’accroissement de leurs espèces hôtes selon un principe d’équilibre écologique décrit par le grand naturaliste suédois Linné dans son Economie de la nature (1749) qui préfigurait l’étude des écosystèmes par l'«écologie».
Le nombre de maladies émergentes en hausse
L’immense majorité de ces espèces virales sont inoffensives pour l’homme. Mais même un faible pourcentage constitue déjà une réserve d’agresseurs phénoménale : depuis des années, nous avons affronté le VIH, Ebola, la dengue, Zika, le chikungunya, la fièvre de Lassa, le Sars, le H5N1, le H1N1, et beaucoup d’autres maladies émergentes qui, étant moins spectaculaires, ne font pas la une de l’actualité. Mais leur nombre est en constante augmentation depuis un demi-siècle et les épisodes épidémiques se font de plus en plus fréquents.
Les mammifères sauvages ne représentent plus aujourd’hui que 4% de la biomasse des mammifères terrestres, les humains et leurs animaux domestiques représentant les 96% restants. On pourrait croire que la menace diminue avec leur régression. Le contraire se produit du fait de l’artificialisation de plus de 80% des terres cultivables et de l’extension de l’agriculture, de l’élevage industriel, et de l’empreinte humaine sur l’entièreté de la planète : fragmentation des paysages, développement de monocultures intensives s’étendant à perte du vue en lieu et place des forêts tropicales. Le mal-développement et l’absence d’investissement en infrastructures de santé décentes dans les pays riches en biodiversité ne font qu’aggraver la crise sanitaire. Les virus bénéficient de l’immense réseau de diffusion que leur ouvrent les interconnexions entre leurs hôtes potentiels.
Facette du changement planétaire
Aujourd’hui, ceux qui nous menacent tirent avantage de l’expansion des activités humaines et des animaux d’élevage partout dans le monde, facilitant les contacts avec la faune sauvage, provoquant des changements d’hôtes et leur ouvrant une immense niche écologique : les humains et leurs animaux. Ainsi un virus qui effectuait encore son cycle biologique dans une population de chauve-souris quelque part en Asie à l’automne 2019, émerge sur un marché chinois en décembre 2019 pour s’étendre à la terre entière en mars. Les pandémies qui nous frappent ne sont qu’une facette du changement planétaire. Celui-ci inclut aussi les perturbations climatiques provoquées par l’émission de gaz à effet de serre et l’extinction massive d’espèces.
L’humanité est confrontée aux conséquences de ses destructions, résultant de ses choix économiques et politiques. D’autres choix sont nécessaires pour la survie de notre espèce autant que pour la préservation des milieux naturels. Les réponses sont connues. Un organisme international, l’IPBES (plateforme intergouvernementale pour la biodiversité et les services écosystémiques), propose aux gouvernements un bilan de nos connaissances scientifiques et empiriques sur les défis posés par la préservation de la biodiversité et sur les moyens d’y répondre. Il convient aux acteurs politiques de s’en saisir afin d’engager des politiques nationales et supranationales à la hauteur des enjeux. Elles doivent intégrer les conclusions du Giec sur le dérèglement climatique.
Cette nécessité d’action politique et ses échecs passés posent immanquablement la question des verrous à lever dans la gouvernance de nos interactions avec la biosphère et la prise en compte de ses limites. Il est urgent de rompre avec le déni des menaces planétaires créées par les activités humaines et d’utiliser ce que nous savons pour mettre enfin en place les politiques de changement radical qui s’imposent.
Il y a des cactus, des plantes grasses, mais nous sommes loin des déserts mexicains ou texans. La zone géographique autour de Fitou, dans l'Aude, où la vigne est reine, bascule d'un climat méditerranéen à un climat semi-aride et les viticulteurs tentent d'inventer les productions de demain.
Nous sommes entre Narbonne et Perpignan, là où la vigne est reine. Mais aujourd’hui cette zone géographique fait face à un constat indiscutable : elle est en train de basculer d’un climat méditerranéen à un climat semi-aride. Et les rendements viticoles sont en baisse constante. Avec la chambre d’agriculture de l’Aude et l’Agence de l’Eau, des vignerons tentent d’inventer les productions de demain.
En partant de Fitou, ce village de l’Aude en bord de mer qui a donné son nom à la plus vieille appellation en vin rouge du Languedoc, il faut prendre sa voiture, tourner à droite, puis encore à droite. Rouler environ 2km vers le nord au milieu de ces paysages vallonnés et très secs. S’arrêter sur le bas-côté sur un terrain en friche, pour découvrir cette parcelle hors du commun.
Au fond, là-bas, une rangée de cactus : des figuiers de Barbarie. Puis une rangée d’aloe vera. Et plus classique mais détonnant tout autant dans ce paysage couvert de vignes, des PPAM, des Plantes à parfum aromatiques et médicinales. Ici du romarin camphré, là de l’origan, de la sauge officinale, et encore deux rangées de thym au parfum différent l’une de l’autre.
Vigneron depuis 13 générations
Nous sommes sur les terres de Laurent Maynadier, "vigneron depuis 13 générations", c’est ainsi qu’il se présente, "en tout cas" rigole-t-il, "on a été élevé au biberon au Fitou ça c’est sûr". Et cette parcelle, elle est historique. D’abord elle a donné son nom au domaine "Le Champ des Sœurs", "Camp de la sòrs" en occitan. Et c’est celle qui a permis, en 1948 d’obtenir l’Appellation d’Origine Contrôlée Fitou.
Elle appartient à la famille de Laurent Maynadier depuis de nombreuses générations. Mais ici les vignes âgées d’une soixantaine d’années arrivaient en fin de vie. Les deux hectares de Carignan et Grenache, les cépages noirs du terroir, ont été arrachés, "pour trouver une autre voie", justifie Laurent Maynadier.
Climat semi-aride
Fitou est un des villages les plus secs de France. Et depuis cinq ans le phénomène ne fait que s’accélérer. "Ces cinq dernières années", constate Laurent Maynadier, "deux vendanges ont débuté fin juillet (contre mi-août habituellement), et une autre année des vignes ont été brûlées par des températures supérieures à 55°C".
Mathieu Lopez, qui travaille sur le changement climatique à la Chambre d'agriculture de l’Aude, est bien placé pour détailler tout ça. "Les températures", dit-il, "ont augmenté de 1,7° à Carcassonne depuis 1900. Il y a 25% de jours estivaux en plus, c’est-à-dire aux températures supérieures à 25°C".
Le tableau final est donc le suivant : les températures ne cessent d’augmenter, et les précipitations sont stables, voire en baisse. La contrainte hydrique fait baisser d’années en années les rendements de la vigne. Et dernier constat, qui n’est pas le plus rassurant : "Les aléas s'enchaînent", décrit Mathieu Lopez, "inondations, incendies, gel tardif, et vont encore s’intensifier". Pour conclure : "Il faut préparer dès aujourd’hui notre agriculture à l’horizon 2050."
Monoculture de la vigne
Et cette préparation passe notamment par une diversification. Car il s’en souvient bien, Laurent Maynadier : ses grands-parents, en plus de la vigne, faisaient autre chose. De l’élevage de brebis, un peu d’hôtellerie, un peu de restauration, et même de la pêche dans les étangs voisins et en mer.
"Depuis deux générations nous sommes tous passés en monoculture avec la vigne", se désole-t-il. "Toute l’économie du secteur s’est orientée vers ça." Aujourd’hui il cherche donc d’autres voies et mène des essais avec la Chambre d’agriculture et l’Agence de l’Eau. Vers la cosmétique, les huiles essentielles, l’herboristerie, les infusions, "en agriculture propre" précise-t-il, "c’est-à-dire bio".
Plusieurs leviers à combiner
"Il n’y a pas de solution unique", précise Hélène Olive, chargée de mission Eau et Changement Climatique à la Chambre d'agriculture de l’Aude, "mais il y a plusieurs leviers à combiner en fonction des territoires et des exploitations agricoles". "Ici", souligne-t-elle dans la parcelle de Laurent Maynadier, "il s’agit d’une piste parmi d’autres".
Les plantes à parfum, l’aloe vera, et les figuiers de Barbarie sont encore en phase de test, grandeur nature, en condition. Pour les PPAM il existe déjà des débouchés. Pour l’aloe vera et les figuiers de Barbarie, il faut encore une ou deux années d’observation. Mais si l’adaptation se passe bien, ce sera ensuite une filière entière à créer de toute pièce.
"Ce que nous recherchons", détaille encore Hélène Olive, "c’est à rendre nos agriculteurs moins dépendants des marchés, les conduire à diversifier leurs sources de revenus, à rechercher de la valeur ajoutée et à étaler les risques sur plusieurs productions. Il faut aussi changer les pratiques avec de l’amendement organique, pour enrichir les sols et lutter contre l’évaporation, l’agroforesterie et le pâturage pour associer arbres, culture et animaux". Sans compter les essais de nouveaux cépages. "Il en va de la résilience économique de nos exploitations."
Une note d’espoir
"Le fait d’avoir une solution, une échappatoire, je ne travaille pas de la même manière", conclut Laurent Maynadier. "Je vois le mur arriver : le changement climatique, mais je vois aussi qu’on peut trouver des solutions. Sur cette parcelle j’y passe des heures, à nettoyer les pieds, enlever l’herbe, à labourer, mais je suis vraiment content de participer à ce changement-là."
A quelques semaines de la COP26 de Glasgow (Ecosse), une nouvelle étude souligne l'exposition des villes côtières au réchauffement climatique et l'intérêt de limiter ce dernier au maximum pour sauver des vies.
Un milliard de personnes menacées par la montée des eaux ou "seulement" moitié moins ? Dans une nouvelle étude, publiée mardi 12 octobre dans la revue Environmental Research Letters(en anglais), des scientifiques américains et allemands ont mesuré la différence entre un monde qui respecterait l'accord de Paris pour le climat et un autre qui laisserait le réchauffement climatique s'aggraver.
A quelques semaines de la COP26 de Glasgow, nouveau sommet sur le climat, leurs résultats soulignent l'urgence et l'intérêt d'enclencher une baisse de nos émissions de gaz à effet de serre, moteurs de ce changement et produit de notre mode de vie. "La plupart des politiques de réduction des émissions ne reflètent pas cette menace de long terme, elles nous dirigent collectivement vers des inondations généralisées et permanentes de nombreuses zones développées", regrettent les auteurs de l'étude.
Jusqu'à 14% de la population sous le niveau de la mer
Sous l'effet du réchauffement climatique, les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique fondent et l'eau se dilate, provoquant une élévation du niveau marin. Notre trajectoire actuelle nous conduit, selon les prévisions du GIEC(en anglais), vers un mètre supplémentaire à l'horizon 2100. Cette nouvelle étude se projette sur les siècles suivants, de 200 à 2 000 ans. Les plus grandes différences de niveau marin "mettront des siècles à se concrétiser, mais elles seront déterminées dans les prochaines décennies", justifient les auteurs.
Différents scénarios de réchauffement sont comparés : de +1,5 °C ou +2 °C, les objectifs de l'accord de Paris, à +4 °C, l'un des scénarios du pire, en passant par 3 °C, notre trajectoire actuelle. Résultat, si le réchauffement était contenu à 1,5 °C, 7,6% de la population mondiale (532 millions de personnes) se trouverait dans des zones sous le niveau de la mer, contre 14% (un milliard de personnes) si le mercure global grimpait de 4 °C. Actuellement, 5,3% de la population mondiale vit dans cette situation et 12% sont menacées si nous continuons d'émettre la même quantité de gaz à effet de serre.
Des simulations pour mieux visualiser
Les principaux pays concernés sont la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Vietnam et le Bangladesh. L'analyse ne tient pas compte des ouvrages de défense (digues, pompes) qui seront éventuellement construits pour faire face à ce risque. "Même de monumentales mesures d'adaptation ne permettront pas d'éliminer tous les risques", avertissent cependant les auteurs de l'étude, en évoquant les ruptures de digues ou les pannes des pompes.
Conscients que ces chiffres ne parlent pas forcément au grand public, les auteurs l'accompagnent, avec l'aide de l'organisation scientifique Climate Central, d'une simulation en images des différents scénarios, baptisée "Illustrons notre futur" (en anglais). Plusieurs villes françaises comme Bordeaux, Anglet et Nice y figurent.
La semaine a été illustrée notamment par le dépôt du rapport de la Cour des Comptes européenne le 5 juillet 2021 sur la non-application du principe pollueur-payeur.
Selon le rapport, dont Stéphane Mandard fait état dans le Monde daté du 6 juillet 2021, ce principe est appliqué de manière inégale incohérente, incomplète et à des degrés divers. En réalité, c’est le contribuable qui paye et beaucoup plus rarement le pollueur. De très nombreux domaines sont évoqués comme la pollution des eaux de surface (40 % seulement de ses eaux sont en bon état chimique et écologique) la pollution de l’air (400 000 décès prématurés chaque année) la pollution résiduelle dont les coûts en terme de pollution atmosphérique s’élèveraient à une somme comprise entre 329 milliards et 1053 milliards d’euros sur la seule période 2008 – 2012. Et lorsqu’à l’issue d’une saga judiciaire, des condamnations sont prononcées, elles sont très en deçà de la réalité des dommages.
Un des sujets essentiels est celui de la pollution des sols dont le coût de dépollution s’élèverait au moins à 120 milliards d’euros.
La Cour des Comptes européenne pointe du doigt les projets auxquels contribue l’Europe, les fonds publics ayant été utilisés en violation du principe pollueur-payeur puisque les Etats membres n’ont pas mis en œuvre la législation environnementale pour contraindre le pollueur à supporter le coût de ces dommages.
Concernant les garanties financières présentées selon la Cour, seuls 7 Etats membres dont la France ne fait pas partie, exigent une garantie financière pour couvrir les risques environnementaux. La question des sites orphelins est une question bien connue en France et un fonds avait été créé il y a près de 30 ans pour progressivement financer leur remise en état. Malheureusement ce fonds a disparu lors de la création de la TGAP.
Cette situation s’inscrit dans la carence majeure de la législation au regard des sols. Un rapport sénatorial récent intitulé pollutions industrielles et minières du sol met en exergue la nécessité d’assumer ses responsabilités, de réparer les erreurs du passé et penser durablement l’avenir ». Il propose six axes d’amélioration :
Améliorer la qualité et la lisibilité de l’information sur les sites et sols pollués, Introduire dans la législation française un véritable droit de la protection des sols, Améliorer la surveillance des sols, Réunir les conditions d’une gestion réactive et transparente des risques sanitaires Améliorer la prévention et la réparation du préjudice écologique, Mobiliser les friches industrielles et minières dans une démarche d’aménagement durable.
Jusqu’à présent, ce rapport excellent et très documenté est resté lettre morte. Il en va de même au niveau communautaire où la directive sur les sols – qui est la seule à manquer en réalité à tout l’édifice communautaire qui traite de l’eau, de l’air, des déchets, des milieux, des habitats – n’existe toujours pas.
Il y a 10 ans, un projet avait été élaboré auquel la France s’est refusée pour des raisons diamétralement opposées à celles de l’Allemagne ; celle-ci craignait que la directive n’aille pas assez loin, la France voulait qu’elle ne soit pas trop rigoureuse pour protéger à la fois la pollution des sols liées aux pratiques agricoles et celles liées aux pratiques industrielles.
Le résultat de tout cela est le rapport accablant que livre aujourd’hui la Cour des Comptes européenne de cette carence qui se compte en centaines de milliers de morts à l’échelle européenne et à des dizaines de milliards d’euros , tout cela sur le dos des citoyens européens et en particulier français.
Selon l'ancienne ministre de l'Environnement et présidente du parti Cap Ecologie, les sanctions pour un dégazage sauvage peuvent aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement et quinze millions d'euros d'amende.
"C'est absolument indispensable de frapper un grand coup, parce que c'est intolérable, c'est volontaire", dit ce samedi 12 juin sur franceinfo Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l'Environnement et présidente du parti Cap Ecologie. Elle réagit alors que la côte est de la Corse, au large de la commune de Solenzara, est menacée de pollution aux hydrocarbures. Plusieurs nappes sont actuellement en mer, sans doutes dues au dégazage illégal d'un navire.
Barbara Pompili a promis des sanctions. Est-ce qu'on punit facilement les auteurs de ces pollutions en mer ?
Les sanctions peuvent aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement et quinze millions d'euros d'amende, c'est très sévère. Sauf que bien entendu, il faut pouvoir poursuivre. Toute la difficulté est là. Les hydrocarbures laissent des traces qui sont repérables donc on peut savoir de quel bateau ça vient. Ensuite il faut savoir si ça vient d'un bateau français ou d'un bateau étranger, parce que si c'est un bateau étranger, il peut y avoir la possibilité qu'il soit poursuivi ailleurs que chez nous et donc qu'il ne soit pas soumis aux règles que je viens d'indiquer. Ceci étant, si les côtes venaient à être touchées, il y aurait une compétence nationale qui s'appliquerait. Si c'est l'eau, que ça reste éloigné des côtes et que le bateau n'est pas français, le capitaine et l'armateur peuvent essayer de s'exonérer de leurs responsabilités en se faisant juger ailleurs. Si les côtes sont touchées, c'est absolument impossible. Ce que l'on a gagné à l'époque de l'Erika. Mais ça ne veut pas dire que si ça ne vient pas sur les côtes, ils ne pourront pas être sanctionnés.
En pratique, est-ce que les condamnations sont nombreuses ?
Jusqu'ici, il n'y a quasiment pas eu de dégazages en Méditerranée, heureusement parce que c'est une mer fermée. Par contre, sur la côte atlantique et sur la Manche, le tribunal des affaires maritimes de Brest a remarquablement travaillé, les sanctions ont été extrêmement sévères, les bateaux généralement ont été trouvés et les dégazages ont considérablement diminués.
Pourquoi ces navires pratiquent-ils ces dégazages volontaires ?
Pas vus, pas pris. Parce que ça coûte cher d'aller se faire nettoyer dans un port, donc c'est toujours le profit, le profit, le profit ! J'ai aussi cru comprendre que c'était un fioul extrêmement lourd, comme celui de l'Erika. Si c'est un fioul lourd, il faut comprendre que c'est comme du goudron qu'on aurait réchauffé. C'est particulièrement dégoutant. C'est absolument indispensable de frapper un grand coup, parce que c'est intolérable, c'est volontaire.
Des produits à base de poissons de la marque Petit Navire sont rappelés alors qu’une quantité trop importante de pesticide dans l’un des ingrédients de ces préparations a été détectée.
Six types de produits de la marque Petit Navire font l’objet d’un rappel. Il s’agit de lots de :
– Tartinades de colin d’Alaska, fromage frais, ail et fines herbes MSC. Lots 3019081240899 avec des dates de durabilité minimale au 03/02/23, 30/04/23. Lot 3019081241520 avec des dates de durabilité minimale au 11/02/23, 30/04/23 et 03/04/23.
– Émietté de colin d’Alaska au basilic. Lot 3019081238414 avec des dates de durabilité minimale au 12/09/22 et 30/07/22.
– Riz & émietté de thon mariné au curry. Lot 310981241353 avec une date de durabilité minimale au 30/09/21.
– Pavé de thon grillé tomates et basilic. Lot 3019081234614 avec des dates de durabilité minimales 01/02/21, 14/05/21, 10/07/21, 11/07/21, 15/10/21, 14/10/21, 17/11/21, 21/11/21, 05/05/22 et 06/05/22.
– Émietté de thon Le Mariné au piment d’Espelette. Lot 3019081238438 avec une date de durabilité minimale au 16/10/22. Lot 3019081236618 avec des dates de durabilité minimales 19/05/23, 06/04/23, 15/01/23, 06/01/23, 16/10/22, 11/08/22, 04/07/22, 28/06/22, 14/05/22 et 06/03/22.
– Filets de maquereaux moutarde à l’ancienne. Lot 3019081241193 avec des dates de consommation recommandée au 02/12/23, 18/12/23, 17/12/23 et lot 3019082000010 avec des dates de consommation recommandées02/12/23, 08/01/24, 17/12/23.
Il est recommandé de ne pas consommer ces produits et de les rapporter en magasin avant le 10 juillet prochain.
La décision de la Cour Fédérale d’Allemagne à propos de la loi relative à la lutte contre le changement climatique a été saluée par les spécialistes du droit de l’environnement en France comme une décision majeure et ce, à juste titre.
Elle constitue en effet, après l’arrêt Urgenda aux Pays-Bas et la première étape de l’arrêt Grande-Synthe en France[1] une troisième étape fondamentale mais, qui ,à la différence des deux précédentes, a une valeur universelle.
Elle constitue tout d’abord, dans la lignée des deux décisions rappelées précédemment, une nouvelle avancée pour ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la justice climatique. Rappelons que le rapport publié par le programme des Nations unies le 21 janvier 2021 référençait plus de 1500 procès dans le monde dans cette catégorie et mettait en lumière les Nouvelles questions juridiques qui étaient posées, qu’il s’agisse de la recevabilité des recours, des droits de la nature, du contrôle des décisions étatiques ou encore de la liberté des entreprises.
Quelle est la nature de cette avancée ?
Pour la première fois, une Cour Constitutionnelle se prononce sur la trajectoire jusqu’en 2050 des décisions prises par les gouvernements . La sanction prononcée concerne en effet l’absence de précision de quelque nature que ce soit sur les efforts à accomplir après 2030, la loi renvoyant à une décision réglementaire de 2025 le soin d’y apporter les éléments essentiels
Ensuite, le fondement de cette obligation se trouve dans les libertés constitutionnelles ce qui est tout à fait nouveau. La Cour Constitutionnelle considère en effet que les obligations futures de réduire les émissions concernent pratiquement et potentiellement toute forme de liberté étant données qu’actuellement presque toutes les activités humaines génèrent encore des émissions de gaz à effet de serre et que la menace est grande de se voir imposer des restrictions encore plus sévères après 2030. Par conséquent, le législateur aurait dû prendre les mesures de précaution destinées à préserver la liberté protégée par les droits fondamentaux et atténuer ces charges considérables
. Cette justification de l’exigence en termes climatiques par le respect des libertés futures est une innovation distincte de celle retenue par la jurisprudence des Pays-Bas, fondée sur les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et de celle retenue par le Conseil d’État français qui est encore plus restreinte puisqu’elle ne se fonde que sur la stratégie bas-carbone prise comme une application des accords de Paris.
Au passage, on notera que contrairement à ce qui existe actuellement en France, la loi fondamentale allemande dans son article 20 consacre l’obligation de protéger le climat et de lutter contre le changement climatique. Mais deux autres droits fondamentaux sont évoqués à savoir le droit à un avenir digne et le droit à un minimum vital environnemental. On reviendra sur ces deux points.
Cette décision est très importante dans le cadre de la justice climatique.
Tout d’abord, elle admet la recevabilité du citoyen quel qu’il soit ,mais rejette celle des associations de défense de l’environnement dont la Cour considère que la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ne fonde pas le droit pour agir. Elle conforte la position hollandaise en rappelant que le devoir de protection imposé à l’État par la loi fondamentale à savoir la protection de la vie et l’intégrité physique inclut la protection contre les atteintes entraînées par les dégradations de l’environnement quelque en soit les auteurs et quels qu’en soient les causes. Il inclut le devoir de protéger la vie et la santé humaine contre les dangers climatiques et ils donnent lieu à un devoir de protection objectif même envers les générations futures. Il ajoute que le droit de propriété est également concerné du fait des conséquences du changement climatique sur les biens matériels. Ainsi, ce sont en réalité tous les droits fondamentaux qui sont concernés. Ce faisant, la cour fédérale va beaucoup plus loin que le conseil d’État français qui a refusé de fonder sa décision sur les articles 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sur la Charte de l’environnement ou sur les dispositions constitutionnelles du préambule ; elle va plus loin même que la Cour Suprême des Pays-Bas.
La Cour ouvre également de nouvelles perspectives. D’une part, elle considère que si la lutte contre le changement climatique ne constitue ni ne bénéficie pas d’une primauté absolue par rapport à tous les autres intérêts en jeu et doit en cas de conflit être conciliée avec d’autres droits et principes garantis par la Constitution, il n’en demeure pas moins que toute activité susceptible de conduire un dépassement du seuil de température ne pourrait se justifier que lorsque des conditions strictes sont remplies, par exemple un motif d’une protection des droits fondamentaux. Et la Cour ajoute que dans ce contexte l’importance relative de l’exigence de lutter contre le changement climatique continuera d’augmenter au fur et à mesure que le changement climatique progressera. Autrement dit, avec le temps la question de la primauté donnée à la lutte contre le dérèglement climatique pourra s’imposer.
La Cour juge également, comme l’avait fait la Cour hollandaise que le fait que les émissions de gaz à effet de serre produites également par d’autres Etats ne changent strictement rien et qu’au contraire il y a une nécessité constitutionnelle pour l’Allemagne de prendre réellement ses propres mesures dans la lutte contre le changement climatique et de s’abstenir d’action susceptible d’inciter d’autres Etats à miner la coopération nécessaire. Il y a donc à cet égard une double obligation mise à la charge de l’État ce qui est tout à fait novateur et original.
La Cour a reconnu que la loi déférée est constitutionnelle pour la partie antérieure à 2030 dans la mesure où aucune violation du devoir d’agir avec soin et diligences ne peut être relevée et que même s’il y avait un manquement par rapport au calcul effectué par le conseil allemand d’experts en matière environnementale sur les évaluations de la part du GIEC, le manquement ne serait pas suffisamment sévère pour être censuré dans le cadre d’un contentieux constitutionnel.
Il en va tout autrement de l’absence de détermination de l’ajustement de la trajectoire de réduction après 2030. Et c’est là que réside bien sûr toute l’innovation de cette décision.
Mais, la plus grande originalité de cette décision est probablement sa portée universelle.
L’aspect universel résulte de la référence aux générations futures et à leurs libertés et droits. Ainsi, la Cour reconnaît » qu’il n’est pas tolérable de permettre à une certaine génération d’épuiser la majeure partie du budget résiduel de CO2 en ne réduisant les émissions que de façon relativement modérée si une telle approche a pour effet de faire porter aux générations qui suivent un fardeau écrasant et de confronter ces dernières à une vaste perte de leur liberté. À l’avenir, même des pertes graves de liberté seront susceptibles de justifier au regard du principe de proportionnalité du droit constitutionnel en vue de lutter contre le changement climatique ;c’est justement de ce fait que découle le risque de devoir accepter les pertes substantielles de liberté. Le devoir de protection va de pair avec l’impératif de prendre soin des fondements naturels de la vie d’une manière qui permet de léguer aux générations futures dans un état qui laisse à ces dernières un choix autre que celui de l’austérité radicale si elles veulent continuer à préserver ces fondements ». La portée universelle de ces considérations se retrouvent doublement dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité[2] :
d’une part, au niveau des principes.
À l’article 4 de la Déclaration précise en effet : « le principe de non-discrimination en raison de l’appartenance à une génération préserve l’humanité, en particulier les générations futures et exige que les activités ou mesures entreprises par les générations présentes n’aient pas pour effet de provoquer ou de perpétuer une réduction excessive des ressources et des choix pour les générations futures. C’est exactement ce principe qui est ici jugé par la cour fédérale. Ce principe se retrouve à l’article 2 de la Déclaration selon lequel : « le principe de dignité de l’humanité et de ses membres implique la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ainsi que la protection de leurs droits intangibles. Chaque génération garantit le respect de ce principe dans le temps ».
Le professeur Bonnet, commentant cet article[3] écrit : « l’humanité et la nature étant en péril, le risque sur les conditions de vie de la famille humaine est avéré ce qui nécessite que des mesures soient prises afin de réduire les effets néfastes des changements climatiques, afin de stopper la perte de biodiversité ,la dégradation des terres et des océans qui ont et auront nécessairement des effets sur la condition de vie de l’espèce humaine ». Ainsi, pour la première fois dans la jurisprudence, sans bien évidemment qu’il n’y soit fait référence par la décision commentée, ces principes trouvent application.
En second lieu, implicitement mais nécessairement cette décision met en comparaison les droits et les devoirs des générations présentes et ceux des générations futures. L’article 12 de la Déclaration précise : « les générations présentes, garantes des ressources, des équilibres écologiques, du patrimoine commun, du patrimoine naturel, culturel, matériel et immatériel ont le devoir de faire en sorte que ce legs soit préservé et qu’il en soit fait usage avec prudence, responsabilité et équité ». Madame Catherine Le Bris commentant cette disposition rappelle que la prudence inclut à la fois la précaution et la prévention et que la responsabilité et l’équité vont de pair et renvoient au principe de responsabilité commune mais différenciée.
Or, la Cour constitutionnelle rappelle l’exigence découlant du principe de proportionnalité et selon laquelle la réduction des émissions de CO2 imposées par la Constitution en vue de réaliser la neutralité carbone doit avoir lieu avec prévoyance et être répartie dans le temps d’une manière qui ménage les droits fondamentaux.
Ainsi, cette décision de la Cour Fédérale allemande est-elle innovante à bien des égards et elle constitue indubitablement un facteur d’accélération de la transformation du droit au-delà même de la justice climatique. il s’agit en particulier d’une conciliation particulièrement intéressante entre les principes démocratiques de liberté et les exigences de rigueur dans la lutte contre le dérèglement climatique , ces dernières devant être d’autant plus fortes que les libertés futures sont en cause. Espérons qu’elle inspirera nombre de juridictions et qu’elle permettra à la déclaration universelle des droits de l’humanité de montrer tout son intérêt comme outil de transformation du droit positif
Vue aérienne d'un trou causé par la surexploitation des nappes phréatiques, le 13 avril 2021 à Konya, en Turquie
Des trous assez grands pour engloutir une voiture, creusés par la sécheresse, se sont multipliés ces dernières années dans les plaines les plus fertiles de la Turquie, suscitant l'inquiétude croissante des agriculteurs qui les voient se rapprocher des habitations.
"La situation, en ce qui concerne la sécheresse, est de pire en pire", s'alarme Tahsin Gundogdu, qui cultive notamment des patates dans la province de Konya (sud), qu'il vend au géant américain de l'agroalimentaire PepsiCo.
Cet agriculteur âgé de 57 ans a vu ces dolines se multiplier depuis 10 ou 15 ans, conséquence de la surexploitation des nappes phréatiques.
D'une profondeur vertigineuse, elles se forment lorsque les cavités souterraines qui contenaient de l'eau s'effondrent sous le poids du sol.
Face à ce phénomène, les agriculteurs sont bien embêtés.
En effet, acheminer de l'eau autrement pour irriguer leur cultures coûte plus cher, réduisant leurs bénéfices. Mais continuer de pomper l'eau souterraine ne fera qu'aggraver le problème.
Le professeur Fetullah Arik, de l'Université technique de Konya, a recensé environ 600 trous cette année dans cette province, presque le double des 350 repérés l'an dernier.
- "Pire que le Covid" -
Les agriculteurs, qui s'efforcent globalement de moins utiliser les eaux souterraines, doivent à la fois irriguer leurs champs plus souvent à cause de la sécheresse et chercher de l'eau ailleurs, ce qui gonfle leur facture d'électricité.
Vue aérienne du lac Salda menacé par la sécheresse, le 9 avril 2021 en Turquie ( AFP / BULENT KILIC )
"Avant, arroser les champs deux fois par an suffisait. Aujourd'hui, nous devons le faire cinq ou six fois", explique Hazim Sezer, agriculture à Karapinar, dans la province de Konya.
Si le problème n'est pas réglé, la sécheresse aura des conséquences pour les agriculteurs et consommateurs "aussi grandes, voire plus" que les ravages économiques de la pandémie de coronavirus, prévient Baki Remzi Suicmez, patron de la chambre des ingénieurs agronomes de Turquie (ZMO).
"Avant l'an dernier, nous n'avions jamais vu une sécheresse pareille", s'inquiète Kamil Isikli, un agriculteur, notant toutefois avec optimisme qu'il avait beaucoup plu au début de cette année.
Toutefois, les conséquences sont déjà là. "Les agriculteurs n'ont plus assez d'argent pour payer leur facture d'électricité", dit-il.
M. Sezer appelle le gouvernement à mettre en place un système souterrain de récupération des eaux de ruissellement qui finissent autrement à la mer.
Murat Akbulut, chef de la branche de la ZMO à Konya, estime que ce serait une "excellente solution" pour la province, dont le principal lac a vu son niveau divisé par trois cette année, ce qui "va sans doute conduire à des problèmes d'irrigation pour les plaines".
Selon M. Suicmez, 77% de l'eau est consommée par le secteur agricole en Turquie.
- Pas que l'agriculture -
La Turquie est en réalité confrontée à une double sécheresse. Météorologique, d'abord, à cause d'un temps sec. Et hydrologique, avec la baisse du niveau des rivières, lacs et nappes souterraines.
L'ingénieur géologue Servet Cevni dans son bureau, le 9 avril 2021 près du lac Salda, en Turquie ( AFP / BULENT KILIC )
M. Suicmez explique que le niveau de précipitation en avril et mai sera déterminant pour les récoltes. Si les champs produisent moins, la Turquie sera contrainte d'importer plus de nourriture.
Le ministre de l'Agriculture Bekir Pakdemirli avait estimé le mois dernier que la sécheresse dont souffrait le pays était surtout due à la hausse des températures et au changement climatique.
Mais pour M. Suicmez, il ne faut pas tout rejeter sur le changement climatique "quand nous savons que d'autres raisons concrètes existent".
Selon lui, il faut "des mesures concrètes et rapides" de l'Etat pour aider les agriculteurs, citant une restructuration de leurs dettes et une prise en charge de leur facture d'électricité.
L'impact de la sécheresse pourrait également se faire sentir au-delà de l'agriculture, comme dans la "région des lacs" du sud-ouest de la Turquie, souligne l'ingénieur géologue Servet Cevni.
C'est là que se trouve le Lac de Salda, un trésor géologique que la Nasa étudie pour sa ressemblance avec un cratère sur la planète Mars.
Une gardienne de chèvres près du lac de Salda, le 9 avril 2021 ( AFP / BULENT KILIC )
Les eaux de ce lac, parfois surnommé "les Maldives de Turquie" à cause de son sable fin et ses eaux turquoises, se sont retirées jusqu'à 30 mètres dans certains endroits en dix ans, selon le maire de Yesilova.
"Nous ne pouvons dire d'aucun lac (dans la région) qu'il est dans une bonne situation aujourd'hui. Ils sont soit menacés, soit dans un piètre état", relève M. Cevni.
"Une politique urgente de l'eau" est nécessaire, estime l'ingénieur. "Gaspiller l'eau est aussi grave que tuer quelqu'un. Les sanctions devraient être aussi lourdes".
Il est vrai que les immenses préoccupations engendrées par les crises qui se succèdent en Europe, le renouveau du développement de la Covid-19, les actes effrayants de terrorisme ont tendance naturellement à occulter le devoir des États et de tous les membres de la société civile de continuer à développer le droit de l’environnement, car ce qui attend l’Humanité à très long terme ne saurait la dispenser d’agir, afin d’ assurer une vie digne et durable à ses descendants, sauf à accepter pour elle de perdre sa dignité.
Aujourd’hui le contentieux climatique en Suisse, en France, en Belgique, en Hollande, aux États-Unis, en Australie et dans bien d’autres États s’amplifie sans cesse. Mais à côté de cela, il faut laisser une place aux techniques préventives du droit de l’environnement le plus classique, à savoir la réalisation de l’étude d’impact climatique, et également pour les entreprises la mise en œuvre d’une pratique cohérente liée aux règles gouvernant la responsabilité sociale des entreprises (RSE).
C’est ce sujet que nous avons voulu aborder en détail dans un récent ouvrage consacré à l’étude comparée du droit des études d’impact climatiques et de la RSE (C. HUGLO, Méthodologie de l’étude d’impact climatique, Bruylant, 2020).
De quoi s’agit-il en substance ? Tout simplement d’adapter les instruments classiques du droit de l’environnement issus des règles de droit public ou de droit privé.
Ainsi, une étude d’impact classique doit mesurer, qu’il s’agisse de documents d’études concernant des projets d’installation ou des mêmes documents visant à établir des plans en matière d’environnement ou encore d’aménagements, les effets de ce projet ou de ce plan sur l’environnement, évaluer les mesures compensatoires et toute mesure utile destinée à protéger la nature autant que possible. La RSE telle que prévue par le législateur, consiste en la mise en œuvre d’une politique, dont la réalisation est laissée aux bons soins des dites entreprises qui doivent se projeter et s’efforcer de rendre compatible leurs activités avec l’environnement.
La difficulté résidait jusqu’à présent dans le fait que les études utiles ne prenaient pas en compte le risque climatique et il faut donc ,désormais et dans tous les cas, que les projections et les études qui sont réalisées à cette occasion intègrent la protection des générations futures et que soient étudiés les effets directs ou indirects d’un projet déterminé , tant sur le plan local que sur le plan global.
L’évaluation environnementale et la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans les systèmes européen et français seront les vrais moyens d’action techniques et scientifiques du droit climatique.
Ces notions reposent sur un certain formalisme législatif et réglementaire. Dans le système français, l’étude d’impact, qui consiste à évaluer les inconvénients d’un projet d’aménagement et les réduire et en compenser à l’avance les effets négatifs sur l’environnement, trouve son fondement dans le droit européen. Depuis 1985, notre système national a fait l’objet de réformes destinées à s’assurer de la conformité au droit de l’Union européenne.
Quant à la RSE française, elle est une démarche quasi volontaire dont la valeur a été renforcée par la loi de 2017 sur le devoir de vigilance.
Dans l’Union européenne, la législation sur le climat est construite autour du « Paquet énergie-climat 2030 ». Des lignes directrices relatives au changement climatique ont été publiées par la Commission pour relever l’insuffisance des directives en la matière.
Par ailleurs, il n’existe pas de jurisprudence communautaire précise en matière d’évaluation environnementale climatique malgré sans doute plusieurs procédures intentées contre l’Union européenne pour insuffisance de mesures prises contre le changement climatique, restées sans succès jusqu’à présent.
Tous les pays anglophones, que sont les États-Unis, l’Australie, le Canada, et l’Afrique du Sud, sont frappés par la vague de contentieux liés au changement climatique.
Le juge américain commence progressivement à adopter une position plus favorable à la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) dès le stade de la conception de projet. L’Australie sort quant à elle d’une décennie d’inertie en matière environnementale due à la politique dont la première action a été d’abolir le Conseil indépendant sur le climat et d’éliminer la taxe nationale sur le carbone. En matière d’étude d’impact environnementale (EIE), la législation en vigueur ne prévoit en aucune mesure la quantification des émissions de GES.
Au Canada, la législation actuelle ne fait aucune mention du climat ou des impacts du changement climatique et les lignes directrices associées ne prévoient la prise en compte des GES que dans la mesure où celles-ci sont disponibles ou pertinentes. De plus, il n‘y a pas d’obligation réelle donc à l’égard des entreprises. Parallèlement, le contentieux climatique commence lentement à s’implanter au Canada sous l’impulsion des États-Unis.
En Afrique du Sud, le procès climatique Earth Life Africa a abouti à l’annulation du projet Thabametsi pour insuffisance de l’EIE au regard des émissions de GES estimées du projet.
Dans tous ces États, les avancées en matière d’intégration des considérations climatiques devraient être mises en œuvre.
En ce qui concerne la corporate social responsability (RSE) dans les pays de Common Law, celle-ci repose également sur une démarche volontaire. Aux États-Unis, par exemple, des efforts ont été entrepris sous le mandat du président Obama avec l’adoption en 2016 d’un premier plan d’action pour encourager une conduite plus responsable des entreprises.
En Australie, la réglementation en la matière repose essentiellement sur la sustainability reporting qui encourage les entreprises à améliorer leurs performances et impacts socio-environnementaux. Le Canada, quant à lui, s’est doté de dispositions relatives à la RSE qui ne s’appliquent qu’aux sociétés du secteur de l’extraction minière. En Afrique du Sud, la politique de la RSE est régie par une norme non législative basée sur le volontariat, mais qui a été rendue obligatoire par la bourse de Johannesburg pour les entreprises cotées.
Dans tous ces États, les entreprises sont soumises aux règles du Duty of care, obligation incombant aux personnes physiques ou morales pour éviter tout comportement susceptible de causer un fait dommageable à l’environnement.
Le juge pourrait en effet être amené à se déclarer compétent à l’avenir de la même manière qu’en contentieux de l’étude d’impact, ce qui permettrait d’instaurer une pratique semblable à celle établie par la loi sur le devoir de vigilance en France ainsi qu’une uniformité dans les pays de Common Law, car il s’agit dans tous les cas de mesures et de corriger autant que possible les effets locaux et globaux (si l’on préfère, directs et indirects) d’un projet à réaliser ou d’une action déterminée.
Avocat à la Cour de Paris et Docteur en droit, Christian Huglo est Associé – directeur général de la SAS HLA.
Ses dernières publications relative au droit climatique portent sur : Le contentieux climatique : une révolution judiciaire mondiale, Bruylant 2018 et Méthodologie de l’étude d’impact climatique, Bruylant, 2020
Corinne Lepage est une femme politique française issue de la société civile. Avocate, elle cofonde un cabinet spécialisée en environnement et droit public, elle se fait remarquer en défendant les sinistrés de l’Amoco Cadiz en 1978. Elle défendra par la suite des sinistrés de l’Erika en 1999. Militante associative, elle cofonde le CRIIGEN. En 1995, elle entre au gouvernement français comme ministre de l’environnement au moment de la présidence française du Conseil Européen. Pendant les 2 ans au ministère de l’environnement, elle fait voter une grande loi sur l’air, elle contribue à la création du comité prévention et précaution et met en place la première stratégie nationale sur le développement durable, en 1997. Elle obtient la sortie de la puissance publique du comité amiante, le non redémarrage de la centrale superphénix et un moratoire sur les OGM. En 2008, elle remet au gouvernement français un rapport sur « la gouvernance écologique » qui formule plus de 80 propositions, dont 10 mesures phares, destinées à restaurer la confiance des Français dans l’information environnementale et fait notamment des propositions pour améliorer cette information, renforcer les règles de l’expertise et clarifier les responsabilités en cas de pollution qui sera présenté au niveau européen pendant la présidence française du Conseil de l’Europe en 2008.
"L’hypocrisie qui consiste à se dissimuler derrière de grandes promesses 'pour dans 20 ou 30 ans' et derrière des discours 'plus écolo que moi tu meurs', n’est pas supportable" selon Corinne Lepage. Sur la photo, Jean Castex au journal de 20h sur TF1, le 3 juillet 2020.
Ce n’est pas sans raison qu’aucun écologiste digne de ce nom ne participe aujourd’hui au gouvernement et ne peut y participer dans le contexte actuel.
La conjonction entre la position prise par la convention citoyenne, censée représenter la société civile, le positionnement des écologistes pris dans leur ensemble, et les réactions des autres formations politiques à leur égard, suscitent bien des réflexions.
Tout d’abord, force est de constater que les recommandations, pas aussi radicales que certains conservateurs voudraient le faire croire, vont indubitablement dans le sens des propositions faites par les écologistes, et ce depuis longtemps. Les prises de position en faveur des énergies renouvelables, des transports doux, de l’abandon des produits phytosanitaires, d’une agriculture biologique et durable, de la rénovation thermique des bâtiments etc., rejoignent en effet les programmes des différentes formations écologistes. Cette orientation, loin d’être évidente à l’origine, démontre le caractère rationnel et fondé de la demande d’une société plus juste et plus écologique.
Ce faisant, elles ne font que confirmer les sondages les plus récents qui montrent très clairement que l’opinion publique fait désormais des questions du climat, de la santé publique et de l’environnement des aspirations essentielles, d’une importance équivalente à celle du pouvoir d’achat ou de la lutte contre le chômage.
Les forces politiques traditionnelles l’ont bien compris, à commencer par le gouvernement, la République en marche tout comme ses alliés, qui ne cessent de se référer à l’importance du critère écologique dans la reprise, ainsi qu’au caractère majeur de la lutte contre le dérèglement climatique dans leurs différents choix. Mais la réalité est tout autre et communication n’est pas action; depuis 2017, nous assistons en effet à une régression constante du droit de l’environnement. Et les décisions concrètes prises dans le cadre de l’urgence sanitaire ont fait une abstraction complète de la question environnementale et climatique. Il va de soi que ce positionnement ne permet en aucune manière à des personnes convaincues de l’urgence de la crise écologique de s’allier à des personnalités issues d’un mouvement pratiquant un grand écart décomplexé entre ses paroles et ses actes. Quant à LR, indépendamment de quelques personnalités réellement convaincues de l’urgence écologique, la philosophie générale est bien celle d’une priorité absolue donnée aux considérations économiques sur les considérations sanitaires et/ou environnementales. Or, tout est une question de priorité.
Sur le plan politique, cette situation s’est traduite par des alliances entre LR et LREM, voire même parfois comme à Lyon avec des forces issues des socialistes, pour contrer les écologistes, présentés comme des “pastèques” (verts à l’extérieur, rouges à l’intérieur). Il est indéniable que les écologistes, devenus pour la première fois dans un certain nombre de villes, la première force alternative, ont systématiquement, dans le but d’un rassemblement indispensable pour un deuxième tour, réunit toutes les forces de gauche derrière eux, y compris de l’extrême gauche. Mais ce rassemblement n’a pas toujours pu se faire, comme à Strasbourg où la coalition LREM/LR peut l’emporter du fait de l’absence d’accord entre les verts et le PS.
Pour autant, cette alliance systématique des écologistes et de l’extrême gauche, le parti socialiste étant devenu presque transparent dans de nombreux cas, pose problème. En effet, il est évident que le centre d’équilibre en France n’est pas à l’extrême gauche et qu’un certain nombre de positions concernant d’autres thématiques que l’écologie, comme le communautarisme et un refus complet de l’économie de marché, empêchent nombre de nos concitoyens de rejoindre la mouvance écologiste.
L’exemple des Verts en Allemagne, qui permettent en fonction des programmes et des personnes, des alliances avec la CDU ou avec le SPD, devrait nous inspirer. De grands Länder y sont actuellement gouvernés par des alliances entre écologistes et centre-droit, ce qui en France aujourd’hui n’est pas possible. Cela pour deux raisons: d’une part, en raison de la trop grande faiblesse de la mouvance écologiste modérée ou réaliste par rapport à la mouvance fondamentaliste; d’autre part, à cause de l’attitude et de la politique menées par la droite et le centre-droit, largement responsables, pour des raisons idéologiques et historiques, du rapport de force au sein du mouvement écologiste.
Il est donc indispensable que les écologistes se regroupent et on ne peut que se réjouir de ce qu’une dynamique soit lancée à cet égard, tous les mouvements écologistes ayant été regroupés pour la conquête d’un certain nombre de villes. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, la volonté hégémonique de EELV à l’égard de ses partenaires semble se manifester, comme celle manifestée par le parti socialiste à l’égard des Verts. Il est donc impératif, dans l’intérêt même du mouvement écologiste et surtout dans l’intérêt de nos concitoyens qui souhaitent des transformations profondes dans la prise en compte de la dimension écologique et sanitaire et qui associent de plus en plus les injustices sociales aux injustices écologiques et sanitaires, qu’un nouvel équilibre soit trouvé au sein de la famille écologiste.
Les mouvements GE, CAP21, AEI mais aussi sans doute Liberté, Ecologie, fraternité et les coopérateurs de EELV doivent s’organiser dès maintenant pour peser réellement et offrir un visage pragmatique et réaliste à l’écologie. C’est en rendant les choses possibles, justes, faisables pour le plus grand nombre que les progrès peuvent être accomplis et non en restant dans des postures idéologiques qui excluent, comme au bon temps du stalinisme. Un équilibre entre verts et non verts au sein de la famille écologiste est la condition du succès complet de cette famille.
S’ils veulent envisager des alliances avec les écologistes, les centristes doivent changer de braquet. L’hypocrisie qui consiste à se dissimuler derrière de grandes promesses “pour dans 20 ou 30 ans” et derrière des discours “plus écolo que moi tu meurs”, n’est pas supportable. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’aucun écologiste digne de ce nom ne participe aujourd’hui au gouvernement et ne peut y participer dans le contexte actuel.
Il est grand temps que la France sorte du XXe siècle pour entrer dans le XXIe,, celui de l’écologie capable d’orienter l’économie sous la forme d’une ”écolonomie”, une économie totalement repensée dans sa comptabilité, sa fiscalité, ses choix d’investissement, en fonction de l’impératif écologique et sanitaire, puisque climat, biodiversité et santé ne font qu’un.
Corinne Lepage Avocate, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne de 2009 à 2014, Présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen
Patronat, automobile, agro-industrie, aviation, plastique… tout ce que l’Union européenne compte comme lobby productiviste fait front commun contre les mesures environnementales. Au nom de la survie de l’économie, menacée par la pandémie de Covid-19. Reporterre le raconte.
Face à la crise, « l’environnement, ça commence à bien faire ». En écho à la célèbre formule de Nicolas Sarkozy en 2010, des lobbies industriels se démènent aujourd’hui pour faire reculer les normes environnementales. En plein confinement, ils susurrent à l’oreille du pouvoir que le monde d’après doit continuer à tourner comme avant. « Business as usual », sans contrainte.
Les constructeurs automobiles, le secteur aérien, la filière agroalimentaire, les industriels du plastique… Tous profitent de cette période pour avancer leurs revendications et obtenir l’attention des gouvernants et de la Commission européenne. Ils exigent des reports, des moratoires, des annulations de taxes ou de mesures jugées trop coercitives et hostiles à la relance économique. En ligne de mire ? Les objectifs de réduction des émissions carbone, le Pacte vert et la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne, mais aussi en France la loi Mobilité, la loi Économie circulaire et la loi Climat.
« En ce moment, les lobbies mènent une bataille idéologique. Ils défendent leur terrain comme s’ils étaient dans des tranchées, dit, à Reporterre Maxime Combes, porte-parole d’Attac. Ils ne veulent pas reculer d’un iota et cherchent à maintenir leur pouvoir d’influence sur la fabrique de la loi. »
Un courrier du Centre patronal, l’équivalent suisse du Medef, résume bien l’inquiétude des grands patrons :
Il faudrait éviter que certaines personnes soient tentées de s’habituer à la situation actuelle, voire de se laisser séduire par ses apparences insidieuses : beaucoup moins de circulation sur les routes, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d’agitation, le retour à une vie simple et à un commerce local, la fin de la société de consommation (…) Il est indispensable que l’activité économique reprenne rapidement et pleinement ses droits. »
Dès mi-mars, l’offensive était lancée. Reporterre revient sur cette séquence de lobbying intense, secteur par secteur, et les lettres écrites par les industriels pour influer les politiques environnementales européenne et française.
Alors que plusieurs échéances approchent — comme la ratification du Pacte vert en Europe — l’addition de ces demandes pourrait avoir des effets nuisibles pour l’environnement. Rien qu’en France, les grandes entreprises ont déjà obtenu 20 milliards d’euros d’aides sans sérieuse contrepartie environnementale. Le 22 mars, le Premier ministre a également créé un comité chargé d’évaluer les mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à la pandémie. Parmi ses membres, on retrouve le Medef mais aucun syndicat ni ONG. Pour Greenpeace, « il est grand temps de mettre en place des mesures de distanciation sociale entre le gouvernement et le patronat ».
Émissions dans un complexe manufacturier de Toronto, au Canada.
Il n’y a plus une minute à perdre : si le monde remet encore à plus tard les actions immédiates et radicales nécessaires pour réduire les émissions de CO2, la catastrophe climatique ne pourra plus être évitée, avertit un nouveau rapport sur la réduction des émissions du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
« Depuis dix ans, le rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions tire la sonnette d’alarme, et depuis dix ans, le monde n’a fait qu’augmenter le volume de ses émissions », a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
Pour éviter une telle catastrophe, les émissions de CO2, qui augmentent chaque année, doivent être réduites de 7,6% par an, tous les ans entre 2020 et 2030. Sinon le monde manquera l’occasion de se mettre sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de limiter la hausse des températures à 1,5°C, fixé par l’Accord de Paris.
C’est le moment d’écouter la science – Antonio Guterres
Pour le chef de l’ONU, c’est le moment « d’écouter la science ». Car « ne pas tenir compte de ces avertissements et prendre des mesures drastiques pour inverser les émissions » implique une orientation qui mènerait le monde à « être témoin de vagues de chaleur mortelles et catastrophiques, de tempêtes et de pollution ».
Le rapport annuel sur « L’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions » indique que les efforts collectifs actuels devront au moins être multipliés par cinq pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris.
Pour garder un espoir de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, ambition idéale de l’Accord de Paris, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 7,6% par an, chaque année dès l’an prochain et jusqu’à 2030. Soit un total de 55% de baisse entre 2018 et 2030.
Selon le rapport, tout retard au-delà de 2020, rendrait « rapidement l’objectif de 1,5°C hors de portée ». Même pour espérer limiter le réchauffement à +2°C, il faudrait réduire les émissions de 2,7% par an de 2020 à 2030.
« L’ampleur de ces réductions annuelles peut sembler choquante. Elles peuvent aussi sembler impossibles, du moins pour l’année prochaine. Mais il faut essayer », a affirmé Inger Andersen, Directrice exécutive du PNUE.
Mais ces émissions, générées en particulier par les énergies fossiles, ont augmenté de 1,5% par an ces dix dernières années et « il n’y a aucun signe (qu’elles) atteignent leur pic dans les prochaines années », souligne le PNUE, notant également ce nouveau record de 55,3 gigatonnes de CO2 en 2018, provenant notamment de changements d’affectation des sols comme le déboisement.
« Notre incapacité collective à agir rapidement et à redoubler d’efforts pour lutter contre le changement climatique implique que nous devons maintenant réduire considérablement nos émissions, à hauteur de plus de 7 % par an, si nous les répartissons de manière équilibrée au cours de la prochaine décennie », a ajouté la Directrice exécutive du PNUE.
Chaque année, le rapport présente des moyens de combler cet écart. Cette année, le rapport examine le potentiel de la transition énergétique, en particulier dans les secteurs de l'électricité, des transports et du bâtiment, et l'efficacité dans l'utilisation de matériaux comme l'acier et le ciment.
PNUD/Slingshot
Panneaux solaires à l'hôpital rural Sipepa de Bulawayo, Zimbabwe. Les panneaux solaires permettent de travailler sans interruption du aux coupures de courant. (5 juin 2018)
68 pays engagés à augmenter leur ambition, et parmi eux aucun des plus émetteurs du G20
Le monde a déjà gagné environ +1°C depuis l’ère pré-industrielle, entraînant une multiplication des catastrophes climatiques. Et chaque demi degré supplémentaire va aggraver l’impact des dérèglements climatiques. Or, selon le PNUE, si les émissions se poursuivent au rythme actuel, la planète pourrait se réchauffer de 3,4 à 3,9°C d’ici la fin du siècle. Et même si les Etats signataires de l’accord de Paris respectent leurs engagements, le mercure montera de 3,2°C.
« Il est crucial que nous apprenions de nos atermoiements. Tout retard supplémentaire entraîne la nécessité de réductions plus importantes, plus coûteuses et, franchement, peu probables », a ajouté Mme Andersen.
Les signataires de l’accord de Paris doivent multiplier leurs ambitions par trois pour atteindre le premier objectif, par 5 pour le second. Et ces engagements doivent être suivis d’actions immédiates. Alors que l’Accord de Paris prévoit une révision des engagements des Etats pour la COP26 à Glasgow fin 2020, pour l’instant, seuls 68 pays se sont engagés à augmenter leur ambition, et parmi eux aucun des plus émetteurs du G20.
« Les pays du G20 sont responsables de 78% de toutes les émissions, mais 15 de ses membres ne se sont pas engagés à respecter un échéancier pour les émissions nettes nulles », précise le document du PNUE.
Selon ce document, les pays développés devront réduire, à court terme, leurs émissions plus rapidement que les pays en développement, pour des raisons de justice et d’équité. Cependant, tous les pays devront contribuer davantage aux effets collectifs.
Les pays en développement peuvent tirer des leçons des efforts fructueux des pays développés ; ils peuvent même les dépasser et adopter des technologies plus propres à un rythme plus rapide.
PNUD Mauritanie/Freya Morales
Un parc d'éoliennes à la périphérie de la capitale mauritanienne, Nouakchott. (11 janvier 2019)
L’importance d’agir maintenant
Les efforts passeront aussi par des investissements beaucoup plus importants. Ainsi, dans un scénario à +1,5°C, le PNUE évoque pour le seul secteur énergétique des investissements de 1.600 à 3.800 milliards de dollars par an entre 2020 et 2050.
Chaque année de retard à partir de 2020 nécessitera des réductions d’émissions plus rapides, ce qui deviendra de plus en plus cher, improbable et difficile
Si les coûts financiers ou sociétaux de cette transition peuvent sembler colossaux, tergiverser sera encore pire : « chaque année de retard à partir de 2020 nécessitera des réductions d’émissions plus rapides, ce qui deviendra de plus en plus cher, improbable et difficile », insiste le PNUE.
Dans l’édition de cette année, l’ONU met ainsi en avant la transition énergétique et le potentiel d’efficacité de l’utilisation de certains matériaux. Une orientation qui peut contribuer grandement à réduire l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’émissions. Pour les experts, les réductions requises ne peuvent être obtenues qu’en transformant le secteur de l’énergie.
« La bonne nouvelle, c’est que l’éolien et le solaire sont devenus dans la plupart des endroits la source d’électricité la moins chère. Le principal défi consiste maintenant à concevoir et à mettre en œuvre un système électrique intégré et décentralisé », John Christensen, Directeur du partenariat PNUE-Institut danois de la technologie.
Une façon aussi de montrer la « bonne direction » et avertir que tout délai rendra encore plus inaccessibles les objectifs de l’Accord de Paris.
L’année 2020 sera décisive à cet égard puisqu’un cycle de révision à la hausse des engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre est prévu l’année prochaine, pour la COP26 à Glasgow.
« Nous avons besoin de succès rapides alors que nous mettons en route les transformations sociétales radicales exigés par le changement climatique, autrement l’objectif des 1,5°C énoncé par l’Accord de Paris sera hors de portée », a conclu Inger Andersen.
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