Safran a fait tourner pour la première fois sur banc d'essai un prototype de son futur moteur, à technologie dite "open rotor". Une innovation de rupture qui permettrait de réduire la consommation de carburant de 15% par rapport aux moteurs actuels.
C'est tout le charme de l'aéronautique, secteur de long terme par excellence : le moteur Leap, bestseller aux 14.000 commandes de Safran et GE, commence à peine à être produit que Safran travaille déjà sur son possible remplaçant. Le motoriste français a officialisé mardi 3 octobre à Istres (Bouches-du-Rhône) les premiers essais au sol de son démonstrateur d' "open rotor", un moteur à l'architecture révolutionnaire. Ce prototype doit ouvrir la voie, à l'horizon 2030-2035, au développement de moteurs plus sobres en carburant, de l'ordre de 15% par rapport aux Leap, et 30% par rapport aux CFM56 actuels. "On parle beaucoup d'innovation de rupture dans l'aéronautique, mais on en fait très peu, estime Philippe Petitcolin, directeur général de Safran. Là, c'est vraiment une rupture technologique. J'espère voir voler ce moteur sur un avion."
En quoi consiste la technologie open rotor ? A l'inverse des réacteurs actuels, ce moteur n'est pas protégé par un carénage, la coque circulaire caractéristique des moteurs d'avions à réaction. L'open rotor intègre au contraire un couple de grandes hélices de 4 mètres de diamètre en matériaux composites, qui tournent, à l'air libre, dans le sens inverse l'une de l'autre : en jargon aéronautique, on dit qu'elles sont contra-rotatives. Ce type de moteur, bien plus grand que les réacteurs actuels, a vocation à être installé en queue de fuselage, un peu comme sur les MD-80 de feu McDonnell Douglas, et non plus sous les ailes. "L'avantage est double : il y a plus d'air qui entre, donc plus de puissance, et on économise le poids et la trainée générée par le carénage", indique Jérôme Bonini, directeur recherche et technologie de Safran Aircraft Engines, l'ex-Snecma.
Pales d'hélices tissées en 3D
Cette architecture doit permettre, selon Safran, une performance bien meilleure que celle des moteurs classiques. Le taux de dilution, sorte de juge de paix de la performance des moteurs d'avions (rapport entre flux froid et flux chaud), est de 6 sur le CFM56, qui équipe les A320 et 737 actuels, de 11 sur le tout nouveau moteur Leap, et atteint plus de 30 sur le fameux open rotor. "Sur les moteurs carénés classiques, on ne peut pas aller au-delà de 15 ou 16", estime Stéphane Cueille, directeur R&T et innovation de Safran. Malgré l'absence de carénage, le bruit serait équivalent à celui d'un Leap, selon Safran, grâce notamment au design des pales des hélices. Celles-ci sont tissées en 3D par des métiers à tisser dérivés de l'industrie textile, selon le même procédé que les aubes de soufflante (ailettes à l'entrée du moteur) du moteur Leap.
Safran n'est pas le premier à envisager cette architecture technique open rotor. Le britannique Rolls-Royce développe aussi son propre programme, qui a été mis en sommeil ces derniers temps. Quant à l'américain GE, il avait testé un prototype d'open rotor, le GE36, dans les années 80. Ce dernier devait équiper le 7J7 de Boeing, un remplaçant du 727 qui ne fut finalement jamais lancé, actant la mort du projet à la fin des années 80. Mais Safran croit dur comme fer dans sa technologie : "Il y avait deux limites sur les premiers open rotor, le bruit et les vibrations, nous avons réussi à résoudre les deux", pointe Jérôme Bonini. Si aucun avionneur n'a encore acté le choix de cette nouvelle architecture pour un futur programme d'avions, le motoriste français estime que le premier à tirer bénéficiera d'un avantage comparatif majeur : "Le premier avionneur qui choisira ce produit emportera le morceau", assure Philippe Petitcolin.
200 millions d'euros investis
Le prototype présenté à Istres, qui sera testé jusqu'à la fin de l'année sur l'énorme banc d'essai flambant neuf de Safran (un pylône de 18m de haut, qui surveille 1.200 mesures), n'a pas vocation à être intégré tel quel sur un avion. Il s'agit avant tout d'un programme de recherche destiné à explorer de nouvelles architectures de moteurs pour réduire encore leur consommation et leurs émissions de CO2. L'open rotor de Safran s'inscrit ainsi dans le programme de recherche européen Clean Sky, qui vise à développer un transport aérien plus propre. Sur les 200 millions d'euros investis dans le projet, la Commission européenne a apporté 65 millions. Safran a aussi pu s'appuyer sur des partenaires industriels, comme GE Avio Aero, GKN, Leonardo et Airbus.
Seul hic, le moteur open rotor n'a pas encore trouvé d'avion pour effectuer des tests en vol. Airbus, candidat le plus crédible vu le caractère européen du programme, semble pour l'instant privilégier une solution technique intermédiaire : un moteur caréné de type UHBR (Ultra High Bypass Ratio). Celui-ci ne permettrait que 5 à 10% d'économies de carburant par rapport au Leap actuel, contre 15% pour l'open rotor. Mais il présente l'avantage d'être disponible plus tôt (2025, contre 2030-2035), et d'être intégrable sous les ailes, l'architecture majoritaire sur les avions actuels. Chez Safran, on assure de toute façon avancer de front sur les deux options technologiques. "Aucune architecture n'est privilégiée à ce stade", indique Philippe Petitcolin.
A encore plus long terme, Safran travaille sur des architectures de propulsion dite distribuée, c'est-à-dire répartie sur 10 ou 20 moteurs le long des ailes. Un choix technique particulièrement adapté à un possible avion 100% électrique, mais le mur technologique est encore trop haut à franchir. "Pour faire un avion de ligne électrique, il faudrait remplir un A320 de batteries", résume Philippe Petitcolin.
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Romain
onto AERONAUTIQUE NEWS - AEROSPACE POINTOFVIEW - AVIONS - AIRCRAFT October 4, 2017 12:46 AM
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Mathilde ABEILLE's curator insight,
October 16, 2017 2:14 PM
Un moteur, du textile, l'avenir?
Clara Moutinho's curator insight,
October 25, 2017 2:43 PM
L'innovation primordiale pour le secteur aéronautique ! #Safran
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