Peut-on publier n'importe quelle photo sur son blog ou sur sa page Facebook ? | Toulouse networks | Scoop.it

En juin 2011, la cour d'appel de Versailles condamnait le magazine Entrevue à verser une indemnité pour atteinte à la vie privée et au droit à l'image d'Audrey C. M., journaliste à LCI, présentée aux côtés de Thierry Ardisson sur un photomontage agrémenté d'un article intitulé "A. amoureux...". "Même s'il s'agit d'une capture d'écran extraite de l'enregistrement d'une émission télévisuelle accessible à tous, la photographie ayant servi à illustrer l'article publié le 3 mai 2010 a été utilisée sans l'autorisation de l'intéressée, hors de son contexte et aux seules fins d'illustrer un article dont le contenu illicite résultait de son caractère attentatoire à la vie privée", ont tranché les juges, d'autant que la "publication des photos ne répondait à aucune exigence légitime d'information du public".

Publier sur son blog (ou son photoblog) des photos d'amis ou de célébrités sans leur consentement (et celui de leurs parents, s'agissant d'enfants mineurs) n'est pas davantage autorisé que de le faire dans un journal papier. Copier-coller des photos récoltées sur Internet est également interdit, même si la personne a donné son accord à la première publication. "Que l'on soit célèbre ou non, on a tous un droit exclusif sur notre image, que celle-ci soit diffusée dans la presse papier ou sur internet (site ou blog)", précise Michelle Bauer, avocat à Bordeaux.


Délit pénal

Le particulier qui constate que son image a été publiée à son insu sur la page Facebook ou le blog d'un tiers doit commencer par le mettre en demeure de retirer la photo sous un délai de 48 heures (courrier AR). "En cas de silence ou de refus, il faut agir en justice sur le fondement de l'article 9 du Code civil en optant pour la procédure de référé (procédure d'urgence)", conseille Me Bauer. Le particulier peut aussi porter plainte au pénal, car la violation du droit à l'image est un délit. La loi punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de porter volontairement atteinte à la vie privée d'autrui "en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé" (article 226-1). La diffusion d'un montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne à son insu est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende "s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention" (article 226-8).


Droit à l'information du public

Il n'est pas interdit de publier l'image d'amis ou de célébrités pour illustrer un fait d'actualité. L'escort girl Zahia avait saisi la justice car des photos d'elles avaient été diffusées par le journal VSD. Ces photos provenaient de son profil Facebook et de la capture d'écran d'une émission à laquelle elle avait participé sur NRJ 12. Elle réclamait 50 000 euros au titre du préjudice lié à l'atteinte à son droit à l'image. Mais elle a été déboutée. Les juges ont estimé que les images tirées de Facebook étaient "une illustration pertinente d'un événement d'actualité". Quant à la capture d'écran d'NRJ 12, elle contribuait à la "légitime information du public", puisque c'est sur le tournage de cette émission que Zahia avait rencontré l'homme suspecté de l'avoir attirée dans la prostitution.

Reste que le droit à l'information du public est limité par le respect de la dignité humaine. Ainsi, "publier la photographie de la dépouille du préfet Érignac assassiné, gisant dans une rue, porte atteinte à la dignité humaine, souligne Me Bauer. De même, la photo d'Ilan Halimi (affaire du gang des barbares) aux mains de ses bourreaux, pistolet sur la tempe, le visage enrubanné d'adhésif et les poignets entravés, portait atteinte à la dignité humaine et ne pouvait être publiée au nom du droit à l'information" (décision de la Cour de cassation, 1er juillet 2010).


Autorisation de l'auteur d'un tableau contemporain

Publier la photo d'une oeuvre d'art n'est possible que si elle est tombée dans le "domaine public", 70 ans après la mort de l'auteur. "L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire", dit l'article L. 123-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). "Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent." La photo d'un tableau de Monet peut donc être diffusée librement. Celle de l'oeuvre d'un artiste contemporain suppose en revanche d'obtenir son autorisation. Le CPI protège en effet "les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination".