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Le spectateur de Belleville
September 8, 2016 3:48 PM
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Par Anne Diatkine dans Libération
«Au cœur d’une meute de loups qui déchirent la pièce avec leurs dents»
Actuellement sur scène à La Courneuve dans «les Frères Karamazov», avec la troupe de la Volksbühne Jeanne Balibar parle de son travail avec le metteur en scène Frank Castorf.
Et nous voici chez Jeanne Balibar, à Paris, une poignée de jours avant la première des Frères Karamazov monté par Frank Castorf avec la troupe de la Volksbühne (lire ci-contre). Le spectacle, créé à Vienne dans une ancienne usine de cercueils, s’est joué toute l’année dernière à Berlin. En France, il inaugure à la fois le Festival d’automne à Paris et un tout nouvel espace théâtral monumental, la Friche industrielle Babcock, dénichée à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) par Hortense Archambault, directrice de la MC93 à Bobigny, actuellement en travaux.
Avez-vous lu «les Frères Karamazov» ? Je l’ai lu quand j’avais 18 ans et relu avant de répéter, et j’ai été stupéfaite de découvrir à quel point c’était drôle. Drôle et insupportablement douloureux. Je l’ai relu sans savoir ce que j’allais jouer car avec Castorf, on ne sait jamais. Il compose au fur et à mesure, il fait selon les contraintes et l’inspiration du moment, et à partir de cela, il pose une deuxième brique. Ça a l’air d’être au hasard, ça ne l’est pas du tout, il suit son fil. On savait quand même qui jouerait les trois frères. Et que le contexte serait particulier car, à part moi, c’est la troupe historique qui est présente sur scène. Mais Castorf n’avait aucun doute que j’allais jouer le diable.
Pourquoi vous en diable ? Parce que je suis quelqu’un de foncièrement gentil ! C’est bien connu, seuls les acteurs gentils jouent bien le rôle de méchants. «Je suis le diable, je m’incarne en religieux, en employé de banque, en journaliste culture, et en mère», dit Dostoïevski, et à la fin, on s’aperçoit que tous ces personnages ne sont que les figures d’une seule : le diable.
Est-ce que vous faites encore une différence entre jouer en allemand et en français ? Je n’en ai pas la moindre idée. Apprendre et retenir des textes m’est beaucoup plus facile qu’il y a quatre ans, et même inventer en allemand si jamais j’ai un trou. Même ma bouche a pris l’habitude de la gymnastique pour former les mots allemands, alors qu’au début j’ai eu des problèmes d’articulation, ce n’est pas le même mouvement des lèvres.
Vous avez été pensionnaire à la Comédie-Française, vous l’avez quittée très vite. En Allemagne, faites-vous partie de la troupe de Castorf ? Je n’ai pas le sentiment d’appartenir à la troupe de Castorf, à cause de son histoire particulière. Elle s’est constituée il y a vingt-cinq ans, elle a inventé quelque chose qui n’existait pas avant, je n’étais pas de cette aventure. J’ai la chance, depuis quatre ans, d’y être admise et de travailler avec elle. Etre complètement fondue dans une entité collective est une expérience merveilleuse, et je suis d’autant plus heureuse de la connaître qu’elle m’a toujours été impossible. Etudiante, j’ai détesté l’internat, puis j’ai détesté voir tout le temps les mêmes gens à la Comédie-Française - et ce que j’aime dans les tournages est qu’ils produisent des groupes éphémères. Le miracle a été possible ici grâce à une organisation des représentations très différente en Allemagne. En France, on n’a généralement qu’un jour de relâche dans la semaine, et on joue sur un temps resserré. A Berlin, c’est l’inverse : on joue le même spectacle toute l’année, mais un ou deux jours dans la semaine seulement. N’être sur scène que le samedi m’a permis de continuer de vivre à Paris, d’élever mes enfants, tout en vivant cette expérience de troupe.
Comment se caractérise l’invention du théâtre de Castorf ? Lui et sa troupe ont inventé un théâtre avec perte et fracas : la mise en ruines de la représentation et de la soirée théâtrale. Les Allemands ont créé un mot pour dire cela : la mise en pièce de la pièce. Castorf utilise un système de juxtaposition de textes mais aussi une multitude d’outils différents - il est le premier à avoir filmé en live les acteurs sur scène et dans les coulisses, par exemple. Mais aussi, l’imbrication de tous les styles de jeux imaginables depuis le hurlement à la Artaud jusqu’à la déclamation, l’élégie, le boulevard le plus trivial. Toutes les techniques sont convoquées pour donner à voir le fracas du monde, la perte de soi, la déperdition d’énergie, de manière à faire surgir une préoccupation très fine et très sensible pour autrui. Dans le bruit et la fureur, Castorf donne à voir l’endroit où s’éprouve la plus grande compassion.
En quoi cette expérience vous a-t-elle transformée ? C’est l’ensemble qu’il faut prendre en compte : jouer dans une autre langue, dans un autre style de jeu, au milieu de gens qui sont tous des loups… Parce que chez Castorf, il n’y a que des stars ! Chaque acteur met la barre à un niveau dangereusement acéré. Il n’y a aucune douceur sur ce plateau, alors même que Frank Castorf est quelqu’un de très doux. L’objectif ultime est du côté de la douceur, mais il se travaille chaque jour au milieu d’une meute de loups qui déchirent la pièce avec leurs dents. Pour moi qui ai travaillé dans des lieux où l’on accordait beaucoup d’importance à l’attention aux partenaires, c’est très étrange. Je ne veux pas m’adapter complètement à cette manière d’être, même si elle m’intéresse.
Comment se déroule une répétition ? En France, les metteurs en scène travaillent la plupart du temps quelques semaines à la table, auscultent le sens, puis trouvent une forme. En Allemagne, la forme se cherche d’emblée, sans lecture préalable. Castorf, lui, ne travaille que trois heures par jour pendant quatre à cinq semaines, ce qui est très court, et signifie qu’on commence à jouer en public, quand en France, on serait encore dans le secret des répétitions. Mais ces trois heures demandent une incroyable agilité intellectuelle et sportive. Sportive au sens propre : on court beaucoup sur scène. Castorf est branché sur son inspiration, dans une sorte de transe, et il nous demande d’être sur la même onde. Si bien qu’on est tous plongés dans un état second. Et durant la troisième heure, il nous explique ce qu’on vient de faire, et il explicite pour lui ce qu’il vient de fabriquer. On doit être très concentré durant ce dernier moment car sinon, on ne pourra pas reproduire le geste. Par définition, quand on est en transe, on ne sait pas très bien ce qu’on fait.
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Le spectateur de Belleville
July 4, 2016 7:47 PM
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Par Virginie Bloch-Lainé dans Libération
L’actrice revient dans un rôle-titre, cachée sous un costume de panda. Un effacement de son image qu’elle semble apprécier.
Pour vivre heureux, vivons cachés, sous un casque haute technologie, comme le chanteur de Daft Punk Thomas Bangalter, qui préserve ainsi sa vie privée des effets d’un succès planétaire, ou sous une peau de panda, comme Elodie Bouchez, sa compagne depuis 1999. Elle est effectivement déguisée en panda dans le premier film réussi de Ramzy Bedia, Hibou. Les vendeuses du grand magasin où flâne madame panda, rayon parfumerie, ou les passants des rues canadiennes dans laquelle cette jolie comédie d’auteur fut tournée ne trouvent là rien d’anormal. Certains autour d’Elodie Bouchez ont tiqué à l’idée qu’elle joue «sous le panda», mais elle, maître zen, ça ne la dérange pas de ne pas se montrer. Le rapprochement avec les masques de Daft Punk, elle ne l’a même pas fait lorsque Bedia, son voisin dans le quartier parisien du Marais, lui a raconté son projet.
L’actrice de 43 ans menue-menue, douce, gracieuse, note qu’elle n’a pas été tête d’affiche depuis un bail, mais le constat ne trouble pas celle qui, à 20 ans, épatait les spectateurs des Roseaux sauvages de Téchiné en interprétant Maïté, fille d’une professeure de français communiste. Maïté qui en bave avec la dépression de sa mère, Maïté si mûre, si bienveillante. Les Roseaux sauvages et la Vie rêvée des anges sont les deux films que l’on accole au nom d’Elodie Bouchez. Après, nous séchons.
Pourtant, l’actrice n’a jamais cessé de travailler. Sur sa fiche Wikipédia, vous lirez un titre par année. Elle était de la série américaine Alias,d’un des films loufoques de Quentin Dupieux ou d’une pièce mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota, puisqu’Elodie Bouchez a intégré pendant cinq ans la troupe du Théâtre de la Ville qu’il dirigeait. «Les gens ont l’impression que j’ai disparu alors que j’étais au cœur du travail avec le Théâtre de la Ville. Nous sommes partis en tournée en Russie, en Corée, aux Etats-Unis. J’ai reçu des propositions de théâtres privés, mais elles ne m’intéressaient pas», dit celle qui a reçu le césar de l’espoir féminin pour le Téchiné, puis celui de la meilleure actrice pour le Zonca, avec lequel elle tourne actuellement un polar en compagnie de Cassel, Berling, Kiberlain et Duris. Elodie Bouchez n’y est pas policière, on n’en sait pas plus. Découverte par Gainsbourg (Stan the Flasher, 1990), elle est partante pour les aventures expérimentales telles que Too Much Flesh, le film de Jean-Marc Barr sur une passion sexuelle, ou Happy Few d’Antony Cordier, dans lequel deux couples s’entendent plus que bien. Mais ce n’est pas une raison pour pratiquer le grand déballage autobiographique.
Alors elle répond aux questions personnelles avec son beau sourire, mais brièvement. «Question biographie, elle est dans la pingrerie», écrivait Libération dans un premier portrait d’elle, en 1997. La position n’a pas pris une ride. Son trait de caractère complique l’exercice. Mère de deux garçons, de 8 et 14 ans, Elodie Bouchez ne babille pas sur la maternité ni sur le couple avec des remarques psycho-chiottes : «Avec les enfants, je suis sympa jusqu’à un certain point, comme tout le monde. Mais s’ils me font basculer vers la mère chiante, je deviens très chiante.»
L’entretien a lieu dans un café de Montparnasse, donc nous ne verrons pas son appartement, «près du BHV». Pour déterminer le moment et le lieu du rendez-vous, elle s’assure avec délicatesse que l’ensemble nous convient aussi. Du neuf sur ses parents depuis le précédent portrait ? La mère assistante de direction est aujourd’hui retraitée. Le père architecte, puis chauffeur de taxi à la suite d’un revers de fortune, retraité également. Ni frère ni sœur, et tout le monde s’entend bien. Sa vie quotidienne aux côtés d’une star de la musique électronique est «la même que celle des autres. Nous faisons tout sans être dérangés». C’est la vertu du casque ? «Le génie du casque.» Est-elle branchée ? «Difficile de ne pas la trouver branchée, dit son amie Mia Hansen-Love. Elle a une liberté qui ne correspond pas à l’image de la comédienne française. Ses tenues ne sont jamais démonstratives. Elle a un truc un peu mec, elle porte des tee-shirts larges tout en étant féminine, très sexy.» C’est exactement le cas le jour de la rencontre. Sur son tee-shirt est imprimée la couverture de l’album Billie Jean. Il est rentré dans un jean moulant. Par-dessus, un blazer bleu et, aux pieds, des bottines en daim. Tout est fin, mais son corps bouge avec tonicité. C’est du solide.
Avec Romain Duris, son «meilleur ami», rencontré sur le tournage du Péril jeune, ou Melvil Poupaud, elle appartenait à une bande dans les années 90. Les deux hommes sont les échantillons du reste de ses goûts, générationnels : Olivier Assayas, Lætitia Masson et Harmony Korine, brillant réalisateur américain, né lui aussi en 1973. Dire pour qui elle vote ne présente, selon Elodie Bouchez, aucun intérêt. L’argent ? «Ce n’est pas mon truc d’acheter des trucs. Quand j’ai commencé à en gagner, j’ai acquis un petit appartement. Pour être indépendante et quitter la banlieue, où j’ai grandi.» Parmi ceux que l’on sollicite pour le portrait figure Abdellatif Kechiche, réputé si caractériel. L’attachement, réciproque, entre Elodie Bouchez et le réalisateur témoigne du fait qu’elle n’est pas une brindille fragile : «Des tensions, on en a tous. Mais sur un tournage, ce qui m’agace, c’est de m’apercevoir que je ne suis pas entre de très bonnes mains. Heureusement, c’est rare. Sans mettre en doute la parole des filles, les polémiques autour du tournage de la Vie d’Adèle m’ont énervée. Je préfère me retrouver avec un réalisateur un peu survolté comme Abdel, qui a une vision, plutôt qu’avec quelqu’un de mou et très affable.» Le réalisateur de la Vie d’Adèle a tourné avec elle son premier film en 2000, la Faute à Voltaire. Il dit : «Elle est intègre. C’est de l’ordre du miracle dans ce métier de rester simple de corps et d’esprit. Surtout pour une actrice. Et puis elle est intelligente, mais c’est prétentieux de dire ça, parce c’est à l’aune de sa propre intelligence qu’on le juge.» Abdellatif Kechiche ne doit pas distribuer des compliments tous les quatre matins.
Tiens, deux questions oubliées lors du rendez-vous : le «z» à la fin de Bouchez se prononce-t-il, et comment a-t-elle rencontré son compagnon ? Réglons cela par SMS, nous avons fonctionné ainsi jusqu’à présent. Elodie Bouchez a toujours répondu avec simplicité et efficacité. «Oui, le "z" de mon nom se prononce, et le reste, je le garde pour moi.» C’est réglé, placidement et clairement.
5 avril 1973 Naissance.
1993 Les Roseaux sauvages (André Téchiné).
1998 La Vie rêvée des anges (Erick Zonca).
2007 Gamines, pièce de Sylvie Testud.
2014 Etre ou ne pas être (Lætitia Masson).
6 juillet 2016 Hibou (Ramzy Bedia).
Virginie Bloch-Lainé
Photo Jérôme Bonnet
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Le spectateur de Belleville
May 29, 2016 11:12 AM
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Par Sandrine Blanchard dans Le Monde
Je ne serais pas arrivée là si…
… Si ma grand-mère paternelle n’avait pas été une grande fidèle de la Comédie-Française, qui me racontait toutes les pièces qu’elle allait voir. Elle était commerçante et a été abonnée pendant quarante ans au Français. Elle m’a communiqué son amour du théâtre.
Quels souvenirs gardez-vous de ses récits ?
Elle ne s’est jamais remise de la représentation du Dindon. Elle rejouait sans cesse les répliques et partait dans des fous rires. Le plaisir rayonnant que je voyais sur son visage, c’était magique.
Cela vous faisait rêver ?
Cela m’impressionnait. Je recevais sa joie et surtout son amour des acteurs – Jacques Charon, Jean Le Poulain… C’était comme si elle les avait toujours connus.
Elle ne vous a jamais emmenée avec elle au théâtre ?
Non. Par contre, elle est venue me voir dans l’une de mes premières pièces. A peine entrée sur scène, elle a crié : « C’est ma petite fille ! » Tout le monde a entendu.
Votre première envie professionnelle n’était pas la scène…
Gamine, je voulais être géologue. Mon père, ingénieur, nous racontait sans cesse comment la Terre s’était fabriquée, nous expliquait la forme des montagnes. Je ramassais des cailloux, j’aimais leur graphisme, leurs taches, la possibilité d’évasion lorsqu’on les regarde ; comme dans la peinture de Pierre Soulages, que j’adore. Mais je me suis aperçue que je ne pouvais pas faire un métier scientifique. J’étais trop attirée par le domaine artistique.
Pourquoi ?
Parce que je voulais faire l’inverse de mes parents. Un peu par rebellion. Je refusais de faire de longues études. Avocat, médecin, etc., c’était « non ». J’aime depuis toujours l’état contemplatif. Très tôt, la notion de transformation était pour moi une idée artistique. La nature se transforme en peinture, les acteurs se transforment en personnages, cela m’a toujours interpellée.
Votre première transformation, c’était Zavattine dans la cour de l’école ?
Oui. J’étais en CM2. Dans la cour de récréation, il y avait comme une piste autour de trois arbres. Je m’y installais. Tous les enfants se mettaient autour de moi. C’était un rendez-vous quotidien.
Pourquoi Zavattine ?
Mon père nous sortait beaucoup au cirque et au cinéma, voir les grands comiques de l’époque, Jacques Tati, Chaplin… Lorsque j’ai découvert Zavatta, cela a été un choc énorme. Voir ce grand clown acrobate, qui pouvait rester immobile à l’horizontal, cela m’a subjuguée.
Qu’est-ce qu’elle faisait, cette Zavattine ?
C’était spontané. C’était plus fort que moi. Je disais par exemple : « Alors aujourd’hui, Zavattine va au marché, avec sa grand-mère ». Cela durait le temps de la récréation et ça cartonnait ! Ce fut mon premier public. Quand j’étais enfant, avec mon frère et ma sœur, on représentait beaucoup mes parents en spectacle : je jouais le rôle de mon père, ma sœur faisait ma mère et mon frère faisait les enfants. Mon père ricanait. Mais l’idée de devenir actrice est arrivée bien plus tard, un peu par hasard.
Dans votre jeunesse, vous avez vécu beaucoup de déménagements, un divorce, vous dites n’avoir jamais ressenti de « sérénité familiale » ?
C’est vrai. La notion de déracinement me pesait. Maintenant, j’accepte le chaos de la vie. Mais auparavant, j’avais du mal, j’avais besoin de repères. Je reste très proche de mon père. Ma mère, professeur de mathématiques, qui est maintenant décédée, je l’avais perdue de vue. C’est peut-être pour cela que j’ai eu des périodes d’instabilité.
Petite, vous vous sentiez « atypique ». C’est-à-dire ?
C’est la notion de se sentir un petit peu en marge, la difficulté à entrer dans les cadres. Mais je ne suis pas une vraie rebelle, je reste assez raisonnable. En revanche, j’ai vraiment des rêves et ils sont puissants. C’est comme quand je regarde de la peinture – ce qui me passionne – je cherche l’or, ce qui va me troubler, me bouleverser. Presque froidement. Je suis attirée par tout ce qui est extraordinaire, mais pas forcément spectaculaire. Dans mon travail, j’ai vraiment l’occasion d’aller chercher cela.
Qui vous a encouragée à être comédienne ?
Mes professeurs de théâtre me disaient toujours : « Il faut continuer dans cette voie, Catherine ». La première a été la comédienne et metteur en scène Marcelle Tassencourt, au conservatoire de Versailles. Mais, au départ, je me suis dirigée vers le théâtre comme n’importe quel ado. Ensuite, j’ai intégré des écoles du premier coup, mes professeurs me soutenaient. Je voyais que j’avais des facilités.
L’école de la rue Blanche, le Conservatoire national et une proposition d’intégrer la Comédie-Française, que vous déclinez…
Plus ou moins. Ce sont eux qui ont d’abord dit non. J’ai eu une première proposition à 16 ans. Un jour, mon père a reçu un coup de téléphone de Pierre Dux. C’était pour le rôle d’Agnès dans L’École des femmes. Finalement, ils ont retenu Isabelle Adjani. Trois ou quatre ans plus tard, on m’a proposé à nouveau d’intégrer la Comédie-Française. Mais je faisais alors partie de la jeune compagnie du Chapeau rouge, cela me plaisait beaucoup et je n’ai pas retenu l’idée du Français. Notamment à cause de mon premier échec. Mon père m’a dit : « Tu es folle ».
Lorsque vous vous engagez dans ce métier de comédienne, avez-vous le soutien de vos parents ?
Oui, de mon père. Mais il voulait absolument que je fasse la Comédie-Française, il était très critique sur la compagnie de théâtre. C’était un cauchemar, on a eu des grandes fâcheries à l’époque. J’ai travaillé neuf ans en troupe de manière intense, avec Pierre Pradinas, Jean-Pierre Darroussin, Yann Collette… On faisait tout, même les décors, et on a créé un lieu pendant le festival off d’Avignon. J’ai eu plusieurs vies dans ce métier. Le cinéma est venu plus tard.
Pourtant, autour de la trentaine, après le film Escalier C, le cinéma, vous n’y croyez plus…
Parce qu’il ne faisait pas appel à moi. J’avais décidé de quitter la compagnie pour faire un chemin plus solitaire. Je sentais que j’étouffais un peu, que je passais à côté d’autres choses, et pourtant c’était une famille passionnante, amicalement et artistiquement. J’ai eu quelques années de vide. Je me questionnais, je me demandais si j’allais continuer. Je me disais, « ce n’est pas à 35 ans que tu vas faire une carrière de cinéma ». Mais à l’époque, j’avais un mari qui m’encourageait à ne pas lâcher, à accepter de faire des choses plus modestes, à me reconstruire.
Le tournant, c’est le film de Cédric Klapisch, Un air de famille ?
Oui, pour la popularité que ce film m’a apportée. J’avais 39 ans. Ce qui s’est passé était plus fort que moi. Je prends très à cœur mes personnages, je ne les lâche pas. Celui de Yolande dans Un air de famille était a priori considéré comme méprisable. J’ai eu envie qu’on l’aime parce que c’est un personnage de bonté, de pureté, comme un diamant caché : on ne la voit pas mais elle brille. J’adore ces personnages-là, j’en ai joué plusieurs. Odette Toulemonde ou Winnie dans Oh les beaux jours, c’est pareil. Ce sont des gens mis au ban, auxquels personne ne s’intéresse, mais qui ont un cœur gros comme ça.
Qu’est-ce qui vous attire dans ces personnages ?
Ces femmes n’ont pas peur, mais ne voient pas le mal autour d’elles. Elles ont une forme d’innocence face à l’existence. Cela m’attire. C’est Jacques Villeret dans Le dîner de cons, c’est l’idiot de Dostoïevski, ou celui de Jean-Luc Godard (joué d’ailleurs par Jacques Villeret). Ce sont des personnages inébranlables, que l’on retrouve partout.
La pièce de Samuel Beckett, Oh les beaux jours, a, semble-t-il, beaucoup compté…
Je me suis retrouvée face à une montagne. J’ai mis cinq ans à la monter, à trouver le bon metteur en scène, la bonne équipe pour m’aider à réaliser ce monologue infernal de Beckett. Mais j’aime la difficulté. Je ne voulais pas me contenter d’une carrière avec des personnages, drôles, sympas. Cela ne me suffisait pas du tout, du tout, du tout. Il me faut un os à ronger, que ce soit copieux. J’aime me surprendre, et je ne veux jamais me lasser de ce que j’ai à faire. L’interprétation d’une pièce comme Oh les beaux jours – que j’aimerais d’ailleurs reprendre – est inépuisable. Ce texte est extraordinaire. Je l’avais vu à 18 ans avec Madeleine Renaud. Roger Blin, le metteur en scène, m’avait reçue chez lui, il y avait des livres partout, il m’avait conseillé certaines lectures, ce fut une rencontre très importante.
D’où vient ce besoin, ce goût, pour la difficulté ?
Mon père a une forte personnalité, un peu extrême sur le dépassement de soi-même. J’étais très sportive quand j’étais jeune, lui aussi. Quand on était ensemble, il prenait toujours des risques. La notion de se surpasser était toujours présente, physiquement. Ce besoin de difficulté vient de là, sans doute. En voyant Zavatta, j’ai aussi ressenti cette notion de dépassement. Tout comme lorsque j’ai découvert El Greco, au Prado à Madrid, à l’âge de 13 ans. Cela positionne les choses à un endroit. On peut choisir de l’oublier, moi je n’y arrive pas. Donc je tente.
Quelle est cette phrase de Jouvet que, paraît-il, vous gardez toujours avec vous ?
Ah oui ! Je peux vous la dire par cœur. C’est Jouvet, en scène, qui raconte le sentiment de l’acteur face à son public : « Tous ses yeux qui vous regardent, cette vie intense et muette que l’on ressent en soi par ses regards, comme dans une salle de musée quand tous les tableaux vous regardent, cela donne un sentiment d’intimité, de volupté, comme un rêve, on en vient à douter de sa propre existence, on en est transformé. » A chaque fois que je dis cette phrase, j’en ai des frissons. Jouvet raconte le processus intime de l’acteur. Quand le rideau se lève, les deux secondes où il devient un autre. C’est d’une beauté pure. Le mois dernier, j’ai trouvé une autre citation de Jouvet qui me plaît aussi beaucoup : « On fait du théâtre parce qu’on a l’impression de n’avoir jamais été soi-même et qu’enfin on va pouvoir l’être. » Cette phrase est fantastique.
Vous ne savez pas qui vous êtes ?
La vie me semble plus floue que mon travail. Je suis quelqu’un d’assez hésitant. Le problème du choix dans la vie est un souci pour moi. Cette vie, je l’ai voulue, et en même temps ça me dépasse. J’ai plus de mal à parler de moi que de mes personnages. Honnêtement.
Un César pour Marguerite, puis un Molière pour Fleur de Cactus, comment vivez-vous ces récompenses ?
Je me sens petite et grande à la fois, comme mes personnages. Je suis émotive, j’aimerais l’être moins. Il y a vingt ans, j’avais été récompensée pour Un air de famille au théâtre et au cinéma. Le doublé, c’est ma spécialité ! Dans vingt ans, je remets ça ! Dans Fleur de Cactus, je me suis rarement sentie autant au diapason entre moi-même et la scène. J’ai vraiment aimé cette sensation, il y a quelque chose de gourmand et le public le ressent. Michel Fau propose vraiment un autre regard sur le théâtre, il est brillant. Quant à moi, en jouant Beckett, Barillet et Gredy, j’ai l’impression de faire œuvre utile. Je ne comprends pas cette coupure en France entre théâtre privé et public.
Lors de la cérémonie des Césars, votre fille adoptive vous a accompagnée…
C’était fort. Suzanne a vraiment voulu venir. On avait répété ensemble les chants pour Marguerite, elle m’enregistrait, on rigolait. Suzanne est d’origine mauritanienne. Je l’ai adoptée bébé. Elle va avoir 20 ans, elle m’impressionne et je veux la protéger. Elle n’a pas du tout envie d’être actrice, elle fait des études d’anthropologie et de droit européen.
Sur quel film avez-vous eu le plus de retour du public ?
Pour Vipère au poing. J’ai reçu énormément de courriers, de jeunes entre 10 et 15 ans. Et puis pour Odette Toutlemonde. Cela me fait plaisir d’être considérée comme une actrice populaire. Lors de la sortie de Vipère au poing, le film a été descendu par la critique. On disait que j’étais dans un contre-emploi ridicule. Je suis allée me coucher pendant deux jours, et le week-end, coup de fil des distributeurs : « ça y est, ça part ». Le film a fait plus d’un million d’entrées. Je ne regrette pas d’avoir pris ce risque, il faut grandir.
Votre nature comique teintée de mélancolie, où la puisez-vous ?
Je ne peux pas me situer, ni dans la comédie, ni dans la tragédie. Quand on doit essayer d’être dans une vérité, une justesse, elle est entre ce qui est drôle et ce qui ne l’est pas. Je ressens la vie, l’humanité de cette manière, c’est pour cela que j’adore le cinéma anglais, notamment celui de Mike Leigh. Je suis là pour donner de l’émotion.
Retrouvez tous les entretiens de La Matinale ici.
Sandrine Blanchard Journaliste au Monde
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Le spectateur de Belleville
May 9, 2016 4:21 PM
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Golshifteh Farahani interprètera Anna Karénine à la Tempête. CR : Antonia Bozzi
Devant un tel monument, il fallait bien sûr couper, retailler, sculpter à sa manière. Gaëtan Vassart a choisi de centrer sa version d’Anna Karénine sur le personnage central du roman, en soulignant à quel point celui-ci constitue une figure d’émancipation féminine. Dès lors, confier le rôle à Golshifteh Farahani, actrice iranienne et française, prend un sens tout particulier. Cette dernière s’est exilée d’Iran en raison des persécutions consécutives à son succès hollywoodien. Elle a ensuite posé nue à la une d’Egoïste dans un geste politique. Huit comédiens issus du Conservatoire l’accompagneront pour déployer la fresque légendaire.
Eric Demey
A PROPOS DE L’ÉVÈNEMENT ANNA KARÉNINE (LES BALS OÙ ON S'AMUSE N'EXISTENT PLUS POUR MOI) du 12 mai 2016 au 12 juin 2016 Théâtre de la Tempête Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Tel : 01 43 28 36 36.
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Le spectateur de Belleville
May 2, 2016 3:11 PM
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Par Patrick Sourd dans le Monde
¨L’actrice est Agrippine, dans « Britannicus », à partir du 7 mai. Un rôle qui marque son entrée au Français.
Pensionnaire à la Comédie-Française depuis mars, l’actrice se prépare à y jouer Agrippine dans Britannicus, de Racine. Une double consécration pour cette comédienne au parcours singulier.
Etre aujourd’hui pensionnaire de la Comédie-Française revêt quel sens pour vous ?
J’étais très émue quand j’ai signé mon contrat. J’ai été accueillie par toute l’équipe. C’était à la fois un bonheur, un honneur et une fierté. Je tenais à en faire une fête et nous avons sablé le champagne. Il s’agit de bien plus qu’une invitation à jouer, j’entre dans une troupe et dans une maison de théâtre vieille de plus de trois siècles. Entrer au Français est une des envies qu’ont les jeunes actrices au sortir du Conservatoire. L’événement a d’autant plus d’importance qu’il se passe à un moment de ma vie et de ma carrière où je n’imaginais plus pouvoir faire un jour partie de cette famille.
Quelle a été votre réaction quand Eric Ruf vous a proposé le rôle d’Agrippine sous la direction de Stéphane Braunschweig ?
C’était incroyable pour moi de me savoir ainsi désirée simultanément par l’administrateur du Français, et par ce metteur en scène… Deux hommes pour qui j’ai le plus grand respect. Je trouvais surprenant qu’ils me proposent le rôle d’Agrippine. Je ne m’y voyais pas du tout, mais je pense que ce type de rôle est encore plus intéressant quand on ignore au départ jusqu’où il peut vous mener. Savoir que j’allais jouer aux côtés de Clotilde de Bayser, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet et Benjamin Lavernhe était aussi la promesse d’une grande aventure. J’ai dit « oui » à tout ça… Et ce n’est qu’à partir de ce moment-là que j’ai commencé à me rêver dans le rôle.
Comment décririez-vous votre parcours au théâtre ?
Depuis son tout début, il se déroule hors des clous et à rebours de la tradition. Je désirais apprendre le théâtre, mais ni le Conservatoire ni l’école de la rue Blanche n’ont voulu de moi. J’ai toujours eu le désir d’être d’une école, d’une tribu, d’un clan. Je me suis rapidement rendu compte que ça ne marcherait pas ainsi pour moi, que mon chemin se ferait hors des sentiers battus et qu’il serait un chemin solitaire. C’est grâce à Patrice Chéreau que les choses ont changé. Il m’avait repérée lors d’un travail que je présentais dans un atelier avec Pierre Romans au cours Florent et m’a proposé un petit rôle dans sa mise en scène de Peer Gynt d’Ibsen. Une année durant, j’ai observé de l’intérieur le travail des répétitions de la troupe magnifique qu’il avait réunie. La seule façon, pour moi, d’apprendre mon métier a été cette école du regard. Mais Patrice Chéreau a quitté son théâtre à Nanterre et, comme souvent dans cette profession, je suis revenue à la case départ.
La dernière fois que vous avez interprété Racine, c’était Phèdre sous la direction de Patrice Chéreau. Eric Ruf jouait Hippolyte.
J’y repense toujours avec beaucoup d’émotion. A cette époque Patrice Chéreau m’avait dit : « Tu n’as jamais fait de tragédie, moi non plus, c’est peut-être là qu’est notre principal atout. » Avec lui, il fallait tordre le cou à la tradition. Faire jaillir le sang et les larmes… Quand on y arrivait, le plaisir était fou et l’on avait le sentiment d’accéder à une liberté de jeu extraordinaire. On a souvent distribué Hippolyte en jeune adolescent immature. S’agissant d’Eric Ruf, il lui donnait la stature d’un homme. Cela changeait la donne de nos échanges et j’avais une confiance totale en lui comme partenaire.
Comment se déroulent les répétitions avec Stéphane Braunschweig ?
Il monte souvent sur scène. Il ne joue pas, mais nous indique avec une grande précision ce qu’il aimerait nous voir faire. Stéphane Braunschweig est capable d’une grande concentration dans le travail, mais il sait aussi s’amuser. Il a beaucoup d’humour. C’est un homme particulièrement heureux en ce moment après sa nomination à la tête de L’Odéon-Théâtre de l’Europe et c’est un artiste épanoui. Comme ce fut le cas avec Patrice Chéreau, lui aussi se confronte pour la première fois à la tragédie avec Britannicus.
Quel est le point de vue de Stéphane Braunschweig sur la pièce ?
Chaque metteur en scène a son avis sur le vers racinien. L’important étant que les comédiens se conforment à cette règle pour que le souffle du texte s’accorde entre eux tous. C’est à travers notre jeu choral que la pièce va trouver son unité, son rythme et sa respiration. Britannicus est basée sur les intrigues du pouvoir. Stéphane Braunschweig l’inscrit dans un décor d’aujourd’hui pour en faire l’écho de batailles politiques qui pourraient se dérouler à notre époque. Son parti pris est très contemporain. Incarner une femme politique de notre siècle me permet d’aller dans le sens de la grande modernité qui existe dans le personnage d’Agrippine.
Propos recueillis par Patrick Sourd
Britannicus, de Jean Racine, mise en scène de Stéphane Braunschweig. Avec Dominique Blanc, Clotilde de Bayser, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Lavernhe. A la Comédie-Française, Salle Richelieu. Place Colette, Paris 1er. Tél. : 01-44-58-15-15. Du 7 mai au 23 juillet. www.comedie-francaise.fr
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March 19, 2016 8:50 AM
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Ancienne pensionnaire de la Comédie Française, la comédienne et actrice Dominique Valadié enseigne aujourd’hui au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Elle s’entretient avec Laure Adler. Ecouter l'émission : http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/11189-17.03.2016-ITEMA_20938437-0.mp3
Dominique Valadié • Crédits : Samuel Bernard Dominique Valadié voulait être danseuse. « Ça m’a plu lorsque ma mère m’a inscrite au cours à l’Opéra de Nice. ». Elle y découvre une certaine discipline, « le goût de l’exercice et puis ensuite le rêve de voler de la ballerine, de s’envoler. Parce que c’est quand même ça, le saut, qui est beau dans la danse».
Puis elle ira vers le théâtre où elle s’investit avec la même discipline, le même sérieux. « Je prends au sérieux ce qui est écrit. J’essaye de ne pas le déformer. J’essaye de le faire entrer en moi d’une certaine manière, de l’encastrer sans trop le bouger. ». Celle qui a joué aux côtés de nombreux grands metteurs en scène tels que Antoine Vitez, Alain Françon, Claude Regy, connaît la fragilité d’un texte, et la liberté qu’il peut offrir à son interprète : « on peut dire des répliques de façon tout à fait opposée sans même que ce soit si visible que ça pour les partenaires. ». Elle évoque le moment du jeu. Lorsque l’acteur joue son texte. Un exercice qui oscille entre composition et spontanéité, « c’est une activité cérébrale continue, (…) une respiration, une espèce de liberté, je dirais. »
Sur l’enseignement du théâtre, elle défend une pédagogie de la non-intrusion : « le regard long sur un acteur, la capacité de le regarder sans trop le déranger, c’était bon pour enseigner. (…) Ca pouvait aider l’acteur à trouver cette liberté. Pour ne pas qu’il soit dans cette sorte de prison qui est : qu’est-ce que mon personnage ? Qu’est-ce qu’il me dit ? Au bout d’un moment ça ferme et l’acteur ne s’exprime plus. ». Elle se souvient d’un ancien professeur de théâtre, à Nice, « qui était comme ça, qui ne parlait pas. Je l’aimais beaucoup. Il était très intéressé mais il parlait très peu. On voyait qu’il était émerveillé par les personnalités des gens, des jeunes acteurs. Donc on se sentait nécessaire à son regard. On sentait que ça voulait dire quelque chose pour lui d’être là tous les après-midis »…
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February 28, 2016 5:37 AM
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Emission "Une saison au théâtre", par Joëlle Gayot, sur France Culture (dimanche 28 à 20h30) : Nous recevons ce soir un acteur singulier, attachant, discret, qui avance depuis près de cinquante ans sur une route où s’entrecroisent théâtre et cinéma. Il aime les poètes, a joué sur les planches avec de grands artistes : Antoine Vitez, Peter Brook, André Engel, Peter Zadek.
François Marthouret en répétition • Crédits : Simon Gosselin C’est un fidèle, quand il croise un metteur en scène, il n’est pas rare que la rencontre se renouvelle. Alain Rais, Daniel Benoin et Claudia Stavisky l’ont ainsi dirigé plusieurs fois. Sa voix vous est familière. Son regard, perçant, vous le connaissez. Son sourire est de ceux qu’on n’oublie pas. Ce comédien est sur les scènes rassurant et inquiétant, limpide et indiscernable. Quelque chose comme une énigme l'accompagne. Quelle est-elle ?
François Marthouret est à l'affiche du spectacle Les Affaires sont les affaires, d'Octave Mirbeau, mise en scène de Claudia Stavisky, présenté au Théâtre des Célestins.
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February 12, 2016 7:02 PM
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Ecoutez l'entretien par Laure Adler : http://www.franceculture.fr/emissions/hors-champs/serge-merlin-je-suis-mal-aime Serge Merlin évoque son enfance. « Un cristal de larmes. Je ne sais pas. Je suis mal-aimé. Je n’étais pas attendu, je n’étais pas souhaité. La volonté était plutôt de me détruire avant que je ne sois là ». Il passera une partie de son enfance à Colomb Béchar, en Algérie française. Ville dont il garde un souvenir également pénible : il se souvient d’« une solitude atroce » dans ce désert situé à 80 km à l’est de la frontière marocaine.
"C’est très laid le désert." « C’est très laid le désert, c’est des cailloux, des choses comme ça. De temps en temps il y a une dune (…) et puis ces palmiers, invraisemblables, tout à coup, (…) au milieu (…) de ce rêve. Mais un rêve atroce. Très douloureux avec une chaleur épouvantable. Tout est hostile, tout est terrible, tout est affreux. Sauf les nuits et les étoiles. »
"J’étais élevé comme un prince de Bavière." A Colomb Béchar, Serge Merlin a néanmoins joui d’une éducation inhabituelle « J’avais des pères blancs qui me lisaient dans le texte. J’étais élevé comme un prince de Bavière. On me faisait la lecture, on me traduisait les choses, l’arabe, le latin et je ne m’apercevais pas de mon élection. J’étais vraiment choisi et entouré.»
"On ne s’attendait à rien de moi." Ses premiers pas vers le théâtre, il les fait à l’école : « un jour, ils ont dit qu’il fallait apprendre un texte. Alors, moi, je n’apprenais rien, jamais, je ne répondais à rien. Là j’ai appris Athalie, le songe d’Athalie. On ne s’attendait pas à ce que je récite le songe d’Athalie. On ne s’attendait à rien de moi. On ne me demandait rien. J’étais comme ça, en trop dans la classe. Je me suis levé et je suis rentré en flamme avec ça. Avec un texte. Avec cette matière et je suis tombé raide mort à la fin. »
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January 17, 2016 5:12 PM
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Cliquer sur le titre ou sur la photo afin d'ouvrir la page de France-Culture avec le lien pour écouter l'entretien de 28 mn (bouton rouge) Joëlle Gayot reçoit Catherine Hiegel, actrice et metteur en scène... Elle a été sociétaire de la Comédie-Française... Elle fut l'interprète de Molière, Goldoni, ou de Philippe Minyana (dont elle fit même une mise en scène, celle du "Purgatoire", en 1994). Elle avait déjà joué "Quai Ouest" de Koltès, dans la mise en scène de Patrice Chéreau, en 1986, au Théâtre des Amandiers, à Nanterre. Elle revient aujourd'hui dans "Le Retour au désert", dans une mise en scène de Arnaud Meunier (au Théâtre de la Ville, à Paris, du 20 au 31 janvier 2016). A propos de cette pièce, Koltès avait déclaré : "J'ai tenu à ne pas écrire une pièce sur la guerre d'Algérie, mais à montrer comment, à douze ans, on peut éprouver des émotions à partir des événements qui se déroulent au dehors. En province, tout cela se passait quand même d'une manière étrange : l'Algérie semblait ne pas exister et pourtant les cafés explosaient et on jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à laquelle il ne comprend rien. Entre douze et seize ans, les impressions sont décisives, je crois que c'est là que tout se décide. Tout." (Bernard-Marie Koltès, entretien avec MIchel Genson, "Le Républicain lorrain", 27 octobre 1988, repris dans "Une part de ma vie", Minuit, 1999) Aujourd'hui, c'est autour de Catherine Hiegel et Didier Bezace qu'Arnaud Meunier nous fait entendre à nouveau cette pièce, trente ans après... Catherine Hiegel sait attendre son tour... On se souvient qu'elle avait incarné le personnage de Coraline, dans "La Serva amorosa" de Goldoni (après avoir incarné Mirandoline dans "La Locandiera"). Son metteur en scène, Jacques Lassalle, avait dit alors que Catherine Hiegel avait enduré "tout le moment féminin du parcours de Coraline; elle attendait avec impatience le moment où, au dernier acte, celle-ci se travestit en clerc de notaire", disait-il dans on ouvrage "L'Amour d'Alceste" (P.O.L, 2000), où il citait - à propos de Goldoni, de Coraline... et de Catherine Hiegel - une phrase de Henri Calet : "On peut très bien vivre sans avenir. Le meilleur de notre vie, nous venons de le vivre dans l'instantanéité même de nos contradictions, de nos affrontements, des incompatibilités entre le monde et nous. Cliquer sur le titre ou sur la photo afin d'ouvrir la page de France-Culture avec le lien pour écouter l'entretien de 28 mn (bouton rouge)
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December 8, 2015 7:12 PM
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Par Jean-Pierre Léonardini dans L'HUMANITÉ La chronique théâtre de Jean-Pierre Léonardini Un savoir d’instinct porté par l’amour de l’être absolu de l’autre qu’elle joue. Pierre Maillet a mis en scène la Journée d’une rêveuse, la pièce de Copi (1939-1987), à laquelle il a collé « d’autres moments » à partir d’un texte à ce jour inédit de l’auteur, Rio de la Plata, qui abonde en précieuses informations sur sa famille et son enfance en Uruguay et en Argentine, où il était interdit (1). Le tout forme un étincelant hommage à cet artiste aux talents multiples, farouchement singulier, dont Paris fit ses délices. Il y a surtout que l’interprète de ce spectacle, toute d’élégante légèreté et de profondeur masquée, est Marilù Marini, la plus parisienne des porteños, qu’Alfredo Arias, alors à la tête du groupe TSE, invita en France un beau jour de 1975. Elle est à point nommé subtilement escortée au piano par Lawrence Lehérissey, dont on apprend, ce n’est pas négligeable, qu’il est l’arrière-petit-fils de Georges Méliès, tandis qu’on peut entendre en off les voix de Michael Lonsdale (dans le rôle de Dieu, ça lui va bien), Michel Fau et Marcial Di Fonzo Bo.
Au début, bien sûr, elle est assise. Puis elle se lève, pour donner libre cours aux fantasmes adorablement absurdes de celle qui croit voir des hommes dans le jardin, avant de peu à peu se glisser dans les réminiscences de Copi, lequel en somme à nos yeux devient elle, lui qui savait si bien se travestir en femme excentrique. Il n’est pas un geste, un souffle, un regard, qui ne témoigne, en Marilù Marini, d’un savoir d’instinct porté par l’amour de l’être absolu de l’autre qu’elle joue. Rien de forcé, toutefois, dans son jeu. Tout semble couler de source dans son corps délié par la danse, si ardemment souple, sur son visage aux traits fins, infiniment mobile. Tantôt petite fille, une seconde après grimaçante comme Méduse, à la fin vamp façon Marlène, sans cesse ondoyante, sorcière bénéfique, magicienne plutôt (hechicera et non pas bruja, dirait-on en espagnol), Marilù Marini s’avance en infatigable enchanteresse, en sirène au chant irrésistible avec son timbre de voix qui module si joliment la langue française avec un filet d’accent tendrement exotique à l’arrière-gorge. On voudrait que cela ne finisse pas. Quand ça s’arrête, on se dresse tous pour longuement applaudir. C’est bien le moins.
(1) Ce spectacle est produit par la Comédie de Caen – centre dramatique national de Normandie, avec le soutien du Théâtre des Lucioles – Rennes et du 104 à Paris. Nous l’avons vu aux Célestins, à Lyon (où il a été à l’affiche du 8 au 12 novembre). Il sera au Théâtre national de Toulouse, du 8 au 12 décembre.
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November 9, 2015 5:11 PM
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Joëlle Gayot reçoit Dominique Blanc, à l'occasion du spectacle"Les Liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos, adaptation et mise en scène de Christine Letailleur, au Théâtre National de Bretagne, à Rennes, jusqu' au 14 novembre, puis à Brest (Le Quartz, du 18 au 20 novembre), à La Rochelle (La Coursive, du 1er au 3 décembre), et à Tarbes (Le Parvis les 14 et 15 décembre 2015)... Dominique Blanc y joue le rôle de la marquise de Merteuil..."Ce délire de la volupté où le plaisir s'épure par son excès"... Dominique Blanc a toujours mené de front théâtre et cinéma... "Le théâtre remet les idées en place; au cinéma, on vous met dans une tour d'ivoire", a-t-elle déclaré un jour dans "Libération"... "Le théâtre ne fait pas appel aux mêmes nerfs, on y est plus vulnérable", dit-elle... Elle dit surtout que quand elle remonte sur les planches, c'est comme si elle rentrait à la maison... Dans ses interviews, elle évoque souvent ses ratages pour encourager les jeunes qui veulent faire ce métier... Elle-même a été encouragée par Arletty ... Un jour de spleen, elle avait appelé la grande actrice qui lui avait parlé de la gaieté, de la joie... "La gaieté est précieuse dans ce métier. Vous réussirez", lui avait-elle dit au bout du fil... Et puis un jour elle a reçu leprix Arletty d'interprétation féminine, - de ses propres mains! Ce jour-là, Arletty lui a caressé le visage... et lui a parlé de ses yeux aussi grands que son âme... "C'était magique", se souvient-elle... Dominique Blanc a beaucoup joué avec Patrice Chéreau, dans ses films : "La Reine Margot", "Ceux qui m'aiment prendront le train"; dans ses mises en scène : "Peer Gynt", d'Ibsen, ou encore "Phèdre" de Racine et "La Douleur" de Marguerite Duras... "Patrice Chéreau n'est pas mon père, ni mon Pygmalion. Mais si je devais en référer à la médecine, je dirais que nous travaillons ensemble comme deux chirurgiens, en totale symbiose", disait-elle dans l'ouvrage de Patrice Chéreau, "J'y arriverai un jour" (Actes Sud, 2009). Aujourd'hui, c'est plutôt la marquise de Merteuil et son secret médical : "L'amour est, comme la médecine, l'art d'aider la nature." Ecouter l'émission (29mn) : http://www.franceculture.fr/emission-une-saison-au-theatre-dominique-blanc-la-gaiete-la-joie-2015-11-08
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November 4, 2015 8:09 PM
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Par Joëlle Gayot pour Télérama sortir : Il y a cinquante ans, le théâtre se révélait à lui avec “L'Avare”, de Molière. Aujourd'hui, le comédien enfile enfin le costume d'Harpagon. Etes-vous troublé de jouer enfin le rôle qui a déclenché chez l'enfant que vous étiez le désir de théâtre ? Ce que je peux affirmer, c'est que je me dis pour la première fois, presque chaque soir, que je joue bien un rôle. C'est déjà considérable ! Je sais qu'il y a là un artisanat acquis et qui construit quelque chose. Ce n'est pas un hasard si presque cinquante ans de vie ont passé entre la première fois où j'ai vu L'Avare et maintenant. Pourquoi ces allusions au « Parrain » de Coppola dans le spectacle ? Ce n'est pas l'avarice qui détermine le personnage, mais sa folie maladive de la possession, ce gros tas d'argent qu'il cache comme un énorme cancer dans son jardin. Harpagon m'évoque Marlon Brando. Comme lui, il a des émotions. Je n'ai pas à le juger. Il peut m'être odieusement sympathique. Vous avez joué Dom Juan en 1987 puis, dix ans plus tard, vous avez filmé la pièce. Pourquoi ? Ce qui m'est arrivé avec Dom Juan est très curieux. J'ai eu besoin d'y retourner viaun film parce que la pièce me tourmentait au plus haut point sur une question précise : la séduction. A l'époque où je l'ai jouée sur scène, j'étais un jeune premier. On disait que j'étais beau. On me voyait dans Bel Ami ou dans Le Comte de Monte-Cristo. Je vivais cette situation très bizarrement. Mon corps et ma pensée n'acceptaient pas ce qui se passait. Je n'étais pas encore ce que François Truffaut appelle « un acteur nu ». C'était trop tôt. Tout n'était pas encore en place. Vers quelles aventures Molière pourrait-il encore vous entraîner ? J'aimerais reprendre la trilogie : Dom Juan, Le Misanthrope et Tartuffe, avec Denis Lavant. Il assumerait les premiers rôles et moi, les seconds. Je voudrais montrer à quel point Molière, tout en écrivant un théâtre bourgeois, ne cesse de créer un désordre nécessaire. Même en étant un auteur classique, il trouve ce créneau très étroit où la liberté de dire est encore possible. Ainsi, Dom Juan désordonne le monde, Alceste, la classe dirigeante et Tartuffe, la famille. Ce projet de trilogie me turlupine mais il est compliqué à réaliser. A commencer par le fait que je ne suis pas sûr de devoir moi-même le mettre en scène. La mise en scène, c'est un vrai métier. Qui sont les Molière du XXIe siècle ? Ce sont les écrivains metteurs en scène qui assument cette place de perturbateurs. Ils dérangent, ils provoquent. Ils perpétuent la vie du théâtre. Le théâtre n'est pas là pour donner de l'aspirine ou dire des choses attendues. Avez-vous postulé pour rentrer à la Comédie-Française ? Non ! Et je ne suis pas sûr que j'accepterais si on me le proposait. J'ai trop besoin de ma fainéantise pour pouvoir jouer le soir... L'Avare 02/10/2015 à 02/01/2016 au Théâtre Déjazet, Paris
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November 2, 2015 6:00 PM
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Par Fabienne Darge dans Le Monde : Annie qui ? Annie Mercier. Profession : comédienne. Pas de celles, les « bankables », comme on dit maintenant, dont le poids médiatique est inversement proportionnel à leurs silhouettes adolescentes de sylphides fragiles, dans ce métier qui se résume souvent à offrir de la chair à fantasmes masculins.
Annie M. n’est plus toute jeune, elle assume sa corpulence de matrone et ses rides. Mais, partout où elle passe, elle en impose. Qu’il s’agisse de la série policière de Canal+ « Braquo », où elle incarne Madame Arifa, sorte de Ma Dalton séfarade, ou, surtout, du théâtre français au sein duquel elle a construit un beau parcours, notamment ces quinze dernières années. Un parcours à l’exact opposé des nuées de nymphettes que la profession consomme et jette comme des mouchoirs en papier sur un rythme de plus en plus accéléré.
« Tout a été long et lent, pour moi, et tout est toujours long et lent », s’amuse-t-elle, vêtue de vert et de bleu pétants, après avoir ouvert la porte d’un appartement qui lui ressemble – chaleureux et artiste. A un peu moins d’une semaine de la première de Fin de l’histoire, de Witold Gombrowicz, que met en scène Christophe Honoré au Théâtre de la Colline, à Paris, ledit appartement laisse voir, semés un peu partout, une quantité de livres ouverts – ceux de l’auteur polonais, bien sûr, mais pas seulement.
Jouer-déjouer la mort
« On est vite classées vieilles peaux, dans ce métier, alors que les hommes, plus ils vieillissent, plus on leur trouve du charme », constate-t-elle, fataliste, de sa belle voix grave et cassée de fumeuse. Dans Fin de l’histoire, elle joue une mère, évidemment. Elle en a joué beaucoup, et très tôt, dès la trentaine. Mais c’est aussi qu’elle n’a pas joué le jeu, dès le départ, Annie Mercier : quand on lui a proposé d’être James Bond Girl, au début des années 1970, elle a dit niet.
« Je n’ai jamais voulu me construire sur l’image, sur la séduction. J’ai toujours trouvé que c’était l’intérieur, la matière humaine, qui comptait. Je l’ai payé dans ma jeunesse, mais aujourd’hui j’en récolte les fruits. Au théâtre, malgré tout, on peut durer. » La scène, Paris, les metteurs en scène prestigieux du théâtre public à la française, ce n’était pourtant pas du tout son univers, à Annie Mercier.
Dans le village de Bretagne où elle est née après la guerre, la mère était directrice d’école, le père avait une petite entreprise de menuiserie. Il fabriquait des cercueils qu’il faisait « essayer » à sa fille et à ses copains, à l’adolescence. « On mettait le couvercle, et tout et tout… » Elle en rit encore. Jouer-déjouer la mort, savoir que tant qu’on n’est pas vraiment mort la vie peut toujours être un jeu, cela donne sans doute un certain sentiment de l’existence.
Elle découvre le théâtre au lycée de jeunes filles de Saint-Brieuc – grâce à sa prof de français, comme bien souvent. Révélation. Les parents sont horrifiés – comédienne, dans ces milieux et à cette époque, est encore largement synonyme de femme de mauvaise vie. Annie Mercier s’accroche, « monte » à Paris après sa fac de lettres à Rennes, suit les cours de Tania Balachova et de Jean-Laurent Cochet, « deux visions de l’acteur à l’opposé » qui l’ont également nourrie. « J’ai avancé sans appuis, sans réseau, sans relations. Au concours du Conservatoire, Louis Seigner m’a lancé comme une gifle : “Vous devriez faire comme vos parents, mademoiselle.” Ça reste ultra-sensible chez moi, cette histoire de classes sociales. »
Annie Mercier devient actrice, quand même. Et pendant des années elle galère, papillonne, musarde, se balade un peu partout en province avec de petites troupes et avec Marcel Maréchal au Théâtre du Huitième, à Lyon. Jusqu’à la rencontre avec Philippe Adrien, au milieu des années 1980. Elle a déjà 40 ans, et c’est une deuxième « révélation » que le travail avec ce metteur en scène avec qui elle va jouer plusieurs spectacles marquants de ces années-là, comme Cami, drames de la vie courante, d’après Pierre Henri Cami, Hamlet ou L’Annonce faite à Marie, de Claudel.
Inoubliable Dorine
« Philippe Adrien a une manière bien particulière de travailler avec les comédiens : il les accompagne, comme en un parcours psychanalytique. La révélation, pour moi, a consisté à prendre conscience du rôle créatif de l’acteur, du fait que nous ne sommes pas des pantins. J’ai adoré cette liberté que j’ai grignotée d’abord petitement, puis dévorée de plus en plus goulûment. »
Cet appétit de jeu, de liberté et de transmission des textes se lit désormais dans son parcours, qui s’est poursuivi notamment avec Stéphane Braunschweig, avec qui elle a été, depuis le milieu des années 2000, une inoubliable Dorine dans Tartuffe, mais aussi l’étonnant personnage nommé « Moi » créé par l’auteur norvégien Arne Lygre dans Je disparais. Ces deux-là se sont mutuellement beaucoup apporté. Le théâtre de Braunschweig manquait un peu de corps, elle lui en a mis un sur le plateau, ô combien. Elle goûte chez lui la « rigueur intellectuelle et l’intégrité morale ». « Il a mis de l’ordre dans mon désordre », dit-elle.
« Il y a tellement peu de rôles complexes et riches pour les femmes », soupire Annie Mercier, qui rêve à Maria Casarès, qui joua le Roi Lear sous la direction de Bernard Sobel. Mais c’est à une autre grande qu’on la compare souvent : Simone Signoret, dont elle est proche par son refus de se laisser imposer les diktats qui pèsent sur le corps des femmes, mais aussi par la profondeur d’un jeu où se mêlent puissance et authenticité. Son rôle dans « Braquo » fait d’ailleurs irrésistiblement penser à celui de Madame Rosa dans La Vie devant soi, le film de Moshé Mizrahi adapté du roman d’Emile Ajar-Romain Gary (Mercure de France, 1975).
Annie Mercier regrette de ne pas avoir joué avec Bernadette Lafont – deux « tempéraments », comme on dit, qui auraient sans doute fait des étincelles. Pour l’heure, la voilà qui retrouve Christophe Honoré, avec qui elle a déjà travaillé dans Nouveau roman, où elle incarnait… Jérôme Lindon, le mythique patron des Editions de Minuit.
Au sortir du spectacle, à Avignon ou au Théâtre de la Colline, on entendait nombre de spectateurs se demander : « Mais qui est cette actrice incroyable ? » C’est Annie Mercier. Qui aujourd’hui aimerait incarner Marguerite Duras. « Avec le bruit des glaçons qui tintent dans le verre de whisky. » Après Jérôme Lindon, ça le ferait, pour Annie M.
Fin de l’histoire, d’après Witold Gombrowicz. Texte et mise en scène : Christophe Honoré. Théâtre de la Colline, 15, rue Malte-Brun, Paris 20e. Tél. : 01-44-62-52-52. Mardi à 19 h 30, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, du 3 au 28 novembre. De 14 € à 29 €.
Fabienne Darge Journaliste au Monde
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July 5, 2016 2:52 AM
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Par Fabien Bonnieux et Chantal Malaure dans La Provence
L'Avignonnais Loïc Corbery, sociétaire de la Comédie-Française, va jouer pour la première fois dans la cour d'honneur du palais des papes
Loïc Corbery incarne Herbert Thalman, témoin de toutes les déflagrations des "Damnés". Il vient d'avoir 40 ans et pour la première fois, il va jouer dans la Cour d'honneur d'Avignon, sa ville. Entré au "Français" en 2005, Loïc Corbery en est devenu sociétaire cinq ans plus tard. "Lundi dernier (le 27 juin), on avait tous rendez-vous à 18h. J'ai tourné autour du Palais des papes comme avant un rendez-vous amoureux. On a très envie mais on redoute que ce moment ne soit pas aussi beau que ce que l'on a imaginé."
Regard vif, mots choisis, Loïc Corbey vit pleinement son songe d'une nuit d'été à lui. "J'ai l'impression de réveiller mes rêves d'enfant." La Cour, il l'a arpentée en spectateur, pour applaudir Sami Frey, ("la pudeur même"), dans Nathan, le sage (1997), et son premier choc, Henry VI de Stuart Seide (1994).
"Avec mon frère, on entrait par effraction au Palais"
Après avoir joué, à six ans, dans un court-métrage d'Agnès Varda tourné à Avignon, Corbery, ado, prend des cours au "Théâtre Tremplin" (Rostand, Molière), toujours dans la Cité des papes. "Avec mon frère, on entrait par effraction au Palais. On jouait aux explorateurs avec nos lampes torche."
Plus tard, en Terminale au lycée Saint-Joseph, il s'immisce entre midi et 14h "dans la Cour d'honneur, encore ouverte à l'époque. Là, je rêvais de théâtre". À partir de mercredi, Loïc Corbery campera dans "Les Damnés" un des seuls gentils de l'histoire. "Herbert Thalman est le témoin conscient de la montée du nazisme et le témoin de cette famille qui se désintègre. Sa parole est une mise en garde."
Festival In d'Avignon : dans la Cour, en répétition avec la Comédie-Française Quant au metteur en scène, Ivo Van Hove, "il laisse l'acteur avec sa matière à lui, sa réflexion intime. Il architecture nos corps, nos voix et nos regards à l'intérieur de cette formidable machine à jouer." Hasard du calendrier, ce 6 juillet, jour de la première de la pièce, Corbery sera, au cinéma, à l'affiche du film "Sur quel pied danser". "J'y joue un salaud. Ça compense !"
"On est si fiers de travailler avec Ivo"
Elsa Lepoivre joue dans "Les Damnés" la baronne Sophie von Essenbeck. Dans les travées de la Cour d'honneur, on la dirait comme chez elle, tout en aisance élégante et souriante. C'est pourtant la toute première fois , comme quelques-uns de ses camarades du "Français", qu'Elsa Lepoivre foule l'immense plateau, "chargée du bonheur d'être de cette aventure". Après les classiques du répertoire, sous la direction des Françon, Lassalle, Schiaretti... la 516e sociétaire s'inscrit dans le projet d'Ivo Van Hove avec une appétence totale, "ses Shakespeare et Vu du pont m'avaient époustouflée".
Elsa Lepoivre (ici avec Loïc Corbery) est la 516e sociétaire de la Comédie-Française. Diriger des acteurs en français était encore, il y a quelque temps, un cauchemar pour le patron du Toneelgroep d'Amsterdam : "Il a vite vu que nous étions des acteurs assoiffés de travail et d'une grande adaptation face à la variété des projets. On a rapidement saisi ce qu'il pouvait imaginer et tout le monde a joué le jeu ", confie Elsa Lepoivre. "Ivo est un homme secret, attachant, qui nous laisse assez libres dans un cadre très construit qu'il a beaucoup travaillé en amont avec son équipe technique. Il travaille beaucoup à l'oreille, aux rythmes. Quand il lance une indication, ce n'est pas tant qu'il veut un sentiment mais juste une note".
Le film de Visconti, celle qui reprend le rôle d'Ingrid Thulin, (la baronne Sophie von Essenbeck) avoue qu'elle ne l'avait auparavant jamais vu : "Au départ, je voulais m'en inspirer, je l'interprète au même âge qu'elle, 43 ans, mais la forme théâtrale en est tellement éloignée que j'ai eu besoin de rester sur ma ligne".
Scènes violentes, de nudité, "tout a un sens avec une esthétique forte. La distance historique est brisée". A quelques jours de la première, si l'effervescence n'est pas encore palpable, l'impatience est bien là, celle d'entendre les trompettes de Jarre et d'admirer les vols de martinets à la nuit tombée.
PHOTO BRUNO SOUILLARD
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Le spectateur de Belleville
July 3, 2016 5:35 PM
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Par Sophie Jouve pur Culturebox
Ses yeux brillent, son sourire est radieux, Loïc Corbery ne cache pas son excitation. Dans quelques jours, ce natif d'Avignon, au physique éternellement juvénile, va jouer pour la première fois dans la Cour d'honneur, "Les Damnés" de Visconti avec sa troupe de la Comédie-Française. La Cour d'honneur où il se faufilait quand il était petit, s'imaginant incarner les plus grands rôles du répertoire. On l'avait découvert en 2005. Il était alors un jeune premier prometteur qui arrivait en scooter aux répétitions. Depuis on l'a vu joué avec la même aisance Dom Juan, Alceste dans le Misanthrope, le Prince de la Double Inconstance… Il nous a bouleversé en Perdican dans "On ne badine pas avec l'amour" de Musset. On a hâte de le voir incarner Herbert Thallman, l'âme pure, le proscrit des "Damnés". Rencontre pendant les dernières répétitions parisiennes.
Comment se déroulent le travail avec Ivo van Hove ?
On savait qu'on avait très peu de temps. Je redoutais que tout soit prédéterminé dans la mise en scène, qu'on prenne les places qu'il avait décidé et que le spectacle se monte comme ça. En fait ce n'est pas du tout ce qui s'est passé.
Le spectacle est extrêmement pensé en amont, visuellement, scénographiquement, dramaturgiquement, esthétiquement et techniquement, mais en revanche toute la matière humaine s'est façonnée en répétitition avec lui, à l'instant présent.
Ce qui m'a surpris chez Ivo c'est sa douceur. Je m'attendais à un esprit brillant, à un metteur en scène pertinent, on découvre tous, je crois, une humanité assez belle, extrêmement discrète, secrète, délicate, tout ça est vraiment très chaleureux Ivo van Hove à l'habitude de travailler avec une troupe d'acteurs très physique à Amsterdam…
On a cette sensation, ce sentiment ou ce souvenir que les acteurs du Français sont plus cérébraux que physique, mais ce n'est pas le sentiment que j'ai. J'ai le sentiment d'appartenir à une génération de comédiens, par les metteurs en scène avec qui on travaille, par les spectacles que nous avons vus, et des envies qu'on a , assez sensible à ce que notre corps peut raconter, aussi bien que notre voix, et aussi à la manière dont différents corps peuvent se parler sur un plateau, se rencontrer, s'entrechoquer, se briser. Quel rôle tenez-vous dans cette famille von Essenbeck ?
Herbert, mon personnage, est dans cette histoire le seul qui a une conscience aigüe de ce qui est en train de se passer. Dès le départ il voir venir le danger, il va en souffrir très violemment lui et sa famille. C'est celui qui pressent, qui a un regard très clairvoyant sur la Grande histoire et la petite histoire, le sort de cette famille dans la Grande histoire.
Content d'en être ?!
On est content d'en être (sourire rayonnant), d'autant plus que moi je suis natif d'Avignon. Pour n'importe quel acteur aller jouer là-bas, quand même, c'est un moment important. Moi il se trouve que c'est aussi un rendez-vous secret, de l'enfant que j'étais, qui a pu rêver sur cet endroit, du spectateur que j'ai été beaucoup là bas, de mon adolescence jusqu'à aujourd'hui. C'est un moment très particulier pour moi. Comment appréhendez-vous la Cour d'Honneur ?
J'y vais avec une grande confiance, j'en connais tous les recoins. C'est la première fois que j'y joue, mais j'y ait tellement joué étant enfant ! J'y jouais à cache-cache avec mes amis quand j'étais tout petit, puis tous les grands rôles du répertoire quand j'étais adolescent, tout seul l'hiver… Entre midi et deux je mangeais très vite à la cantine, la Cour était encore ouverte au public à cette époque là, j'y allais et je rêvais à Musset, Molière Schakespeare. Il n'y a pas que la cour, il y a aussi tous ces regards qu'on a croisé, Casarès…
On est très heureux, les uns les autres, de vivre cette aventure tous ensemble. C'est un peu la famille quand même. J'ai l'impression, avec la famille, de redescendre à la maison. INFOS PRATIQUES
"Les Damnés" d'après Luchino Visconti, mise en scène d'Ivo van Hove Cour d'honneur du Palais des Papes 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 16 juillet à 22H/ 14 juillet à 23H
Illustration : Loïc Corbery, Elsa Lepoivre © Jan Versweyveld, coll. Comédie-Française
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Le spectateur de Belleville
May 15, 2016 7:38 PM
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Par Clémentine Gallot pour Libération/Next
Sandra Hüller . Prodigieuse, la comédienne allemande de «Toni Erdmann» est un petit soldat d’une redoutable précision, rodée dès l’adolescence sur les scènes de théâtre.
Une scène sidérante de Toni Erdmann, dans laquelle Sandra Hüller s’égosille sur le tube Greatest Love of All de Whitney Houston, s’est vue acclamer par l’auditoire cannois. Ce genre de manifestation euphorique, qui se déclenche rarement avant le générique (dans le meilleur des cas), fait sans doute de la comédienne, très identifiée chez elle mais inconnue de nos radars, une candidate toute désignée au prix d’interprétation féminine. Dans le somptueux troisième film de l’Allemande Maren Ade (lire aussi pages II-III), un patriarche boute-en-train et mythomane qui s’incruste chez sa fille, Inès, femme d’affaires workaholic et surdiplômée installée en Roumanie, vient dérégler son quotidien d’expatriée nantie. En duo crispé avec le vétéran autrichien Peter Simonischek jouant l’affabulateur échevelé et édenté, la trentenaire aux pommettes de Cate Blanchett se déploie en majesté dans cet état des lieux de la filiation qui évoque en même temps l’aliénation salariale et le devenir de l’Union européenne. Elle commente, en anglais : «Nous ne discutons jamais des thèmes du film, qui sont un sous-texte. Mais bien entendu, je vis dans ce monde-là. Par exemple, au théâtre et au cinéma, les femmes sont moins rémunérées que les hommes, c’est un fait. En interview, on demande aux femmes comment elles font pour travailler avec des enfants.» Message reçu.
Pistolet. Si l’on contemple, grisé, ce personnage à la maîtrise magnifique sombrer inexorablement, la comédienne studieuse n’est pas étrangère à ces bouffées anxiogènes : «Inès fait ce qu’elle peut. Elle n’a pas de vie et oublie de s’amuser. Je connais ça.» Ce récit à combustion lente conçu comme une montée en puissance envisage à rebours le motif de la femme au bord de la crise de nerfs hérité de la Movida. Un portrait d’une working girl perturbée par un surgissement œdipien qui met en branle une irrésistible mécanique burlesque.
Rigoureuse machine de guerre, l’actrice s’est soumise successivement avec la cinéaste Maren Ade à de longues répétitions, un tournage de trois mois et jusqu’à 40 prises par scène. Avec une discipline teutonne, Sandra Hüller aiguise sa concentration hors des plateaux en tirant à l’arc et au pistolet pour son plaisir. Son homologue allemand, le comédien Lars Eidinger, à l’affiche de Personal Shopper d’Olivier Assayas, qui l’a connue jadis au conservatoire berlinois Ernst-Busch, est catégorique sur cette «Spielwütige» (possédée de théâtre) : «C’est la meilleure actrice contemporaine chez nous. Elle est très authentique, directe, drôle et son amplitude émotionnelle est très vaste. C’est une comédienne très technique, qui navigue entre précision et folie sauvage.» Elevée en RDA à la fin des années 70, sans téléphone ni voiture, Sandra Hüller raconte une enfance paisible au milieu de parents éducateurs dans une petite ville de Thuringe. «Pour contacter les gens, il fallait aller chez eux. Les choses étaient simples. J’ignorais tout du système politique mais je me sentais en sécurité», se souvient-elle. Sa famille, modeste, descend de fermiers et de tisseurs, elle fait donc ses premiers pas sur scène à l’école. Diplôme en poche, elle s’installe à Berlin pour suivre des cours d’art dramatique. Cette indépendance arrachée à 17 ans l’affole, elle est dévastée par le mal du pays. Trop sérieuse et trop stressée, elle s’abîme dans une vision doloriste du jeu d’acteur. «Je prenais les choses trop à cœur. Je pensais qu’il fallait souffrir et éprouver de grandes émotions. Je n’avais aucune distance, je ne savais pas me protéger.»
Démons. Formée dans plusieurs troupes régionales, à Iéna, Munich et en Suisse, elle travaille jusqu’à l’épuisement. «Au bout d’un moment, je n’avais plus rien à donner.» Mieux armée, elle connaîtra ensuite une épiphanie auprès du metteur en scène hollandais Johan Simons, qui la rassure : «Tu sais, on peut faire ce qu’on veut sur scène.» L’actrice placide - qui a débuté au cinéma en 2006 en étudiante possédée par le démon dans Requiem de Hans-Christian Schmid et reçu l’ours d’argent à Berlin - s’avoue intimidée par sa première incursion cannoise, papillonnant raout «où tout est chronométré». A l’affiche l’an dernier d’Amour fou de l’Autrichienne Jessica Hausner, sur le suicide du poète Kleist, elle n’avait pas été conviée. Désormais installée à Leipzig, elle enchaîne les projets et se contente de glisser : «J’aime mieux ma vie aujourd’hui.» Puis elle botte en touche : «C’est vraiment personnel, désolé.» Inquiète de l’actualité, elle estime que l’Allemagne traverse «une période très dangereuse. On traite les étrangers comme des animaux. Pour certains, il est même normal de faire le salut nazi».
Clémentine Gallot
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Le spectateur de Belleville
May 4, 2016 11:55 AM
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Publié dans Sceneweb.fr
Julien Frison,nouveau visage de la troupe de Comédie-Française. Il est engagé en tant que pensionnaireJulien Frison,nouveau visage de la troupe de Comédie-Française. Il est engagé en tant que pensionnaire depuis le 27 avril 2016. Il y interprétera son premier rôle, Bobin, neveu de Nonancourt, dans la reprise d’Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche, Salle Richelieu du 31 mai au 24 juillet 2016.
D’origine belge, Julien Frison commence sa carrière au cinéma : il joue dans Odette Toulemonde (Éric-Emmanuel Schmitt, 2006), Big City (Djamel Bensalah, 2007), Un monde à nous (Frédéric Balekjan, 2007), Sommeil blanc dans lequel il tient son premier rôle principal (Jean-Paul Guyon, 2008), Un ange à la mer (Frédéric Dumont, 2008). Il tourne également dans la série Revivre diffusée sur ARTE (2008). En 2010, il partage la vedette avec Jean-Pierre Marielle dans Rondo, film d’Olivier Van Maelderghem et, en 2016, il est à l’affiche du dernier film de Yann Samuell, Le Fantôme de Canterville. Il joue par ailleurs dans de nombreux téléfilms, entre 2007 et 2016.
Julien Frison débute sa formation théâtrale en 2012 au Cours Florent, et entre en 2013 au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, dans les classes de Sandy Ouvrier, Nada Strancar et Xavier Gallais. Il y interprète Novecento d’Alessandro Barrico mis en scène par Emmanuel Besnault, dans le cadre d’une carte blanche. En 2015, il joue dans De l’ambition, une création de Yann Reuzeau, présentée au Théâtre du Soleil.
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April 5, 2016 4:01 PM
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Par Nathalie Rouiller dans Libération :
Comment se passe l’après-césar pour l’espoir féminin ? Rencontre avec l’actrice de «Fatima», qui avance sans s’en faire, rieuse et fougueuse.
A l’annonce de son nom, elle a flotté un peu, étourdie, ailleurs. Et puis, malgré le before à bulles champagnisées, le plexus s’est figé dans un corps à cœur inégal. Meilleur espoir féminin. La corde de l’émotion pincée pizzicato, il a fallu remercier sans débordements excessifs. Tout se passe si vite aux césars. Entre ballet de micros poilus, flashs ébouriffants et incrédulité devant le trophée, cette compression qu’on berce à bras bouclés.
Que reste-t-il à Zita Hanrot du grand raout parisien ? La découverte un brin écœurante d’un packaging doré sur tranche : clip de présentation à gros budget, dîner au Meurice, compliments en escadron pour les perdrix de l’an ? L’espoir de durer dans le cinéma qu’elle incarne actuellement, celui de l’épure et de la pudeur ? Assurément, la fierté de sa prestation dans Fatima, long métrage d’une tendre violence, qui dit la difficulté de louvoyer entre deux cultures. Zita Hanrot y campe une étudiante en médecine, stressée autant par l’intensité du cursus que par un tacite devoir de réussite envers sa mère, une femme de ménage maghrébine.
On la rencontre à Bastille, loin du velours rouge des fauteuils du Châtelet. La princesse en robe Fendi a rendu son déguisement, troqué les talons pour des baskets noires. Jean troué, marinière planquée sous le pull à grosses mailles, créoles en poinçon d’une identité mélangée, la jeune lauréate anticipe les désillusions. «Les gens vont croire que je n’ai qu’une tenue», dit-elle en souriant, désignant les rayures régulièrement arborées. Devant l’objectif, la paupière cligne, prunelle dépolie. La fatigue des déplacements. Aix-en-Provence avec Noces de sang, la pièce de García Lorca, le Maroc pour Canal +, les obsèques d’une amie, victime d’un accident cardiaque. En introspective avisée, elle disserte sur l’intérêt de ces troubles moments d’épuisement. Avoue surtout qu’elle a mal aux yeux. La faute à son nouvel iPhone et à l’appli de la contrée, une version méditerranéenne de la belote, qu’elle vient de télécharger.
BFM TV l’a bombardée «première femme noire à obtenir un césar», le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) a surligné ce «progrès notable». Zizanie assurée, puisqu’en 1984, une réalisatrice martiniquaise avait déjà été récompensée. «C’est ridicule, on se croirait dans Vénus noire, le film de Kechiche. Je déteste les étiquettes, la discrimination positive. C’est daté, c’est dommage.» Le terme «Black» ne fait pas partie de son vocabulaire, alors comment l’imaginer en égérie ethnique ? Elle n’en veut pas à Guillaume Gallienne de s’être interrogé sur la prime à la diversité dont aurait bénéficié Fatima, imagine un débat en tête à tête. A 26 ans, Zita Hanrot redoute les récupérations et a hâte de prendre le pouvoir. Rien de très politique. Elle n’a jamais voté, et les hommes d’Etat, «des mecs super égotripés», ne lui tirent qu’une moue dégoûtée. C’est sur les planches et les plateaux qu’elle entend éprouver l’effet césar. Cueillie en terminale par les Ephémères, pièce d’Ariane Mnouchkine, la diplômée du Conservatoire de Paris fourmille de projets. Elle voudrait faire du théâtre un lieu d’expériences sensorielles multiples, casser les codes scène-public. Côté cinéma, elle travaille à un court métrage, une histoire d’arnaque religieuse. A la sortie d’une église à Londres, sa grand-mère jamaïcaine a vu Dieu et Jésus. Ce qui n’est pas rien. Les concepts de mensonge et d’illusion, la naissance des mythes, les parallèles entre fois chrétienne et artistique intéressent l’incrédule.
Intermittente du spectacle et dépensière compulsive, elle n’a ni gros moyens ni gros besoins. Elle a touché 8 000 euros pour Fatima, érige en dogme partage et débrouille. Son passé de serveuse n’est pas si lointain, et elle se satisfait volontiers de petits arrangements avec ses proches. En couple depuis cinq ans avec Ambroise Sabbagh, son «chéri», également acteur, elle verse une toute petite somme à «ses beaux-parents» pour l’appartement. Lui se charge de régler les factures.
Philippe Faucon, le réalisateur de Fatima, dit l’avoir choisie pour «son regard direct, frontal et fort. Pour son côté nature, sans rien de factice». Sans doute aussi pour l’éclat émoussé de son rire enfantin et pour sa peau rhum caraïbe. Dans ses veines, il y a de la Jamaïque, du Suriname. Des relents d’Alsace-Lorraine à chants guerriers. Graphiste et éditeur, le père est originaire de Reims (Marne). La mère, illustratrice de livres et peintre, est londonienne. L’histoire des parents, c’est un peu l’auberge espagnole version british. Bébé Erasmus regrette seulement que la langue maternelle ait été sacrifiée au désir d’intégration, et que ni Idrissa, le frère aîné, producteur et acteur, ni elle ne soient bilingues. «Ma mère ne nous a pas parlé anglais. Même si, enfants, on allait régulièrement passer des vacances à Hackney, un district du Grand Londres, j’ai souffert du manque de communication avec ma grand-mère.»
A la maison, les piles de livres branlants remplaçaient la télévision. De quoi jouer facilement les décalées magnifiques. A l’âge des pornos numériques, Zita Hanrot ne boudait pas la philosophie du divin marquis, se saoulait à Bukowski, s’attendrissait avec Fitzgerald. Aujourd’hui, ses faveurs vont à Joyce Carol Oates ou à Siri Hustvedt. Elle continue d’offrir ses ouvrages fétiches, Tortilla Flat de Steinbeck ou Solal de Cohen, et abandonne aux hasards de la rue des cartons de bouquins. Quelques remontées d’argot marseillais émaillent son phrasé jeune. Preuve que la Phocéenne sans accent, qui avoue un rapport d’amour-haine à sa ville natale, n’est pas parvenue à museler la rebelle sudiste. En espérant que de petites canailleries sans conséquence ne finissent pas en indigeste mayonnaise, on livre volontiers deux épisodes du passé, imaginés ou rêvés qui sait, poussières de macadam témoignant une volonté ancienne de se faire des films. A l’adolescence, l’énergique, qui pratique le kayak de mer et joue les femmes araignées dans les calanques calcaires, opte pour des ivresses plus hallucinogènes. Le «shit marseillais à base de vieux pneus» devient une préoccupation majeure. Avec une copine, elle «gratte de la weed» aux Cap-Verdiens et des euros un peu partout. S’imagine bientôt dealeuse. A la fac de Marseille, les pochons s’écoulent facilement. Les deux filles décident d’investir, jusqu’à 180 euros. Elles achètent l’herbe, la conditionnent. Et se font détrousser dare-dare par des gamins plus malins… Ensuite, la frondeuse vire effrontée. Un soir de cagnard noir, elle sautille sur le toit de voitures en stationnement, se prend de bec avec une quadragénaire. Les insultes fusent, les mains talochent. Et la future césarisée finit par s’incliner devant les griffes de résine rose de la cagole furibarde.
7 décembre 1989 Naissance à Marseille.
2014 Conservatoire de Paris.
2012 Radiostars (Romain Lévy).
2014Eden (Mia Hansen-Løve).
2015Fatima (Philippe Faucon).
Février 2016 César pour Fatima.
Automne 2016 De sas en sas (Rachida Brakni).
Zita Hanrot, le 14 mars à Paris. (Photo Edouard Caupeil pour «Libération»)
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Le spectateur de Belleville
March 6, 2016 3:02 PM
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A travers des poésies classiques ou résolument modernes, l’acteur et metteur en scène partage son amour des mots sur France Culture. Avec d’étonnantes trouvailles. Le verbe charnu et les épithètes endiablées ont toujours soutenu le phrasé de Jacques Bonnaffé. Cet habitué des plateaux de Jacques Rivette, Michel Deville ou Tonie Marshall a aussi défendu sur scène les textes d'auteurs contemporains, comme Jean-Christophe Bailly, Ludovic Janvier... Nouvelle preuve de sa dilection pour les jeux de langage, sa courte émission sur France Culture fait bombance de strophes et de prose. Programmé depuis la rentrée, ce condensé d'oralité poétique butine sans exclusive, se risquant à fréquenter autant les redoutables débagouleurs torrentiels que les paisibles rimeurs de haïkus. Fin octobre, puisant dans le flot hédoniste de Jean-Pierre Chambon, la lecture se faisait buissonnière pour sonder « dans l'obscur où les mots enfoncent leurs racines ». Facétieuse, la diction gouailleuse s'ingénie aussi à restituer les fantaisies rabelaisiennes du Belge Jean-Pierre Verheggen ou les trouvailles sonores de Paul Fournel et Jacques Darras. Gourmand, le conteur établit des ponts entre poésies d'hier et d'aujourd'hui, comme lorsqu'il associe la poésie du vieux Ronsard à la verve charnelle de Valérie Rouzeau. Mais de toutes les découvertes amassées, une pépite a surgi lors d'un opus consacré au fabuleux fabuliste Lucien Suel, lequel s'est fendu d'une ode écrite en patois picard et à la gloire de... la chanteuse Patti Smith ! Scandées avec maestria, ces hilarantes fulgurances sobrement titrées Patismit exsudent une musicalité rare, à l'unisson de la curiosité gargantuesque de Jacques Bonnaffé. Jacques Bonnaffé lit la poésie - Lundi à vendredi 15.55 - France Culture
Ecouter les émissions : http://www.franceculture.fr/emissions/jacques-bonnaffe-lit-la-poesie
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Le spectateur de Belleville
February 28, 2016 4:44 AM
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Par Annick Cojean dans Le Monde : Je ne serais pas arrivée là si… … Si, à 15 ans, alors que j’étais une ado timide et mal dans sa peau, je n’avais pris des cours d’expression corporelle avec Orlan. Elle n’était pas du tout connue à l’époque et je n’avais aucune idée qu’elle jouerait un rôle majeur dans l’art contemporain. Mais elle nous invitait à travailler sur notre corps, faire des improvisations ; tout cela, les yeux fermés, extrêmement concentrés. Et j’ai soudain eu le sentiment d’accéder à un monde intérieur, un monde où j’avais enfin le droit d’exister. Les nœuds se dénouaient, les interdits disparaissaient, l’imaginaire se libérait. Moi qui étais si introvertie et si coincée, verrouillée par le regard des autres, je m’évadais et m’épanouissais. Comme un envol. Une prise de liberté. Avez-vous jamais revu Orlan ? Non. J’ai suivi de loin ses expériences, son travail de transformation corporelle et son engagement dans l’art moderne. Mais il faudrait que ces retrouvailles aient lieu, certainement. Car c’étaient des heures qui comptaient beaucoup pour moi. J’étais lycéenne, et si complexée… Pourquoi ? J’étais encombrée par mon physique, le corps et le visage. Je n’étais pas du tout dans les canons de l’époque, ne me maquillais pas, n’étais pas coquette le moins du monde. J’étais bonne élève, en section mathématiques. Mais je n’avais pas beaucoup d’amis et je parlais très peu. A la maison, où nous avions été cinq enfants, la cellule se resserrait et j’avais l’impression qu’elle se refermait sur moi car les aînés s’étaient envolés et ma petite maman – qui vient juste de partir – en concevait beaucoup de chagrin. Ah non, l’adolescence ne fut pas drôle du tout ! Une période très noire, beaucoup de tristesse et de douleur. Quels rêves faisiez-vous pour l’avenir ? Il était entendu que je ferais de longues et brillantes études et mes parents avaient l’espoir d’une belle carrière. Je ne me reconnaissais pas dans ce plan, mais j’avais envie de leur faire plaisir. Mon père, qui était gynécologue accoucheur, nous avait prévenus : « si vous voulez faire médecine, sachez que je ne vous aiderai jamais ! J’ai trop souffert de ces fils de mandarins, protégés et arrogants ! Vous vous débrouillerez tout seuls. » Résultat : aucun des cinq enfants n’a choisi cette voie. Et pourtant, moi, j’avais sérieusement pensé à la psychiatrie. Je me sentais une réelle empathie pour la souffrance, la douleur de l’âme humaine. Cela me fascinait. Je lisais beaucoup sur le sujet, notamment le docteur Bruno Bettelheim. Mais, en me disant que c’étaient des études extrêmement longues forcément suivies d’une analyse, mon père m’a découragée. Devenir indépendante à 31 ans me semblait catastrophique ! Alors je me suis dirigée vers l’architecture. Quel rapport ? Eh bien je m’étais passionnée pour les travaux de Bettelheim avec les enfants autistes aux Etats-Unis où il se servait notamment de l’architecture. Alors il m’a semblé que la filière archi réunissait tout ce qui m’attirait : la création, l’artistique, et le travail au plus près de la souffrance. Mais j’ai vite été déçue. Je me suis retrouvée dans un univers machiste, beaucoup moins ouvert que prévu. Tout était tellement formaté. Je me suis cramponnée pendant deux ans et je suis partie à Paris. Officiellement – pour mes parents – suivre les cours d’une Unité pédagogique engagée, très féministe d’ailleurs. Mais en réalité, je me suis tout de suite inscrite à un cours d’art dramatique. Il fallait que je m’offre ce rêve. La petite lumière allumée par Orlan ne demandait qu’à être ravivée. Et j’ai été happée ! Quelle a été la réaction de vos parents ? Ils ont été très choqués. Ça ne pouvait pas être un métier. J’ai mis des années à comprendre qu’ils étaient angoissés par la précarité de la profession et cette réputation d’univers à piston et à promotion canapé. Ce fut presque une rupture. « Si tel est ton choix, m’ont-ils dit, tu l’assumes entièrement. On va t’assurer gîte et couvert, comme on l’a fait pour tes frères et sœur ; mais tu te débrouilles pour financer ta formation, on ne veut pas savoir ! ». J’ai donc fait tous les boulots possibles pour payer mes cours : femme de service dans un hôpital, gardienne de chiens dans le 16e, caissière, femme de ménage. J’ai posé nue pour un peintre japonais qui faisait des copies de Renoir pour les vendre dans des supermarchés au Japon. C’étaient des poses très pudiques et j’étais bien payée. Mais le peintre s’est approché d’un peu trop près et il fallut arrêter. Tout cela m’apprenait beaucoup et le théâtre s’imposait dans ma vie. Quelqu’un croyait-il alors en vous ? François Florent, dont je suivais les cours. Il continuait à me soutenir tout en me disant : « tu n’auras jamais le Conservatoire, tu n’auras jamais l’Ecole de la rue Blanche. Mais il faut qu’ils te voient ! ». Pourquoi ce défaitisme ? Chaque époque a ses critères qui sont à la fois physiques et mystérieux. Et j’ai en effet raté toutes mes auditions. Mais j’ai rencontré Pierre Romans, dont tous les élèves étaient amoureux, et qui avait le talent de transformer ces vilaines chenilles boutonneuses que nous étions en merveilleux papillons. Il avait un tel charisme, une telle gentillesse, un tel amour de notre jeunesse qu’on en devenait invincibles. Et moi, je suis devenue belle pour la première fois. Il m’a tout de suite aimée et donné un rôle dans son spectacle sur Tchekhov qui s’appelait Les jours et les nuits. Nous étions terrorisés car toute la profession, agents et directeurs de casting, devait venir. D’ailleurs mes camarades ont tous plus ou moins trouvé des contacts et du boulot. Sauf moi. Jusqu’au jour où sur mon répondeur téléphonique, j’ai trouvé le message d’un personnage timide et angoissé qui me proposait un rendez-vous. C’était Patrice Chéreau. Il avait fait un aller-retour entre Bayreuth et Paris pour voir le spectacle de son ami Romans et m’avait remarquée. Je n’arrivais pas y croire. Je me demande bien qui pourrait produire aujourd’hui le même effet sur une jeune comédienne ! Alors, la rencontre ? Je suis allée chez lui, un vendredi, au 4 rue de Braque. Il préparait Peer Gynt d’Ibsen, un spectacle de huit heures, un truc fou, avec Gérard Desarthe, Maria Casarès et une vingtaine d’autres comédiens. Et pendant deux heures, il m’a parlé de son rêve, du texte et de la mise en scène, exactement comme si j’allais jouer le rôle principal. Au bout de l’entretien, il m’a dit : « vous allez lire la pièce, et vous me rappellerez. » J’ai dit : « non non ! Je suis d’accord ! » Ça l’a fait sourire. Et j’ai le souvenir du premier jour de lecture où nous étions tous réunis autour de la table : comédiens, traducteur, techniciens. J’étais tellement terrorisée que je rougissais jusqu’au bout des oreilles lorsque je devais parler, trop inquiète pour regarder quiconque. Chéreau était alors au sommet de sa création théâtrale. Observer ces gens répéter sans cesse et jouer pendant un an fut une école d’excellence. De quoi vous rendre difficile, exigeante, pour le reste du parcours. C’est vrai. J’avais connu le sacro-saint des lieux, le reste risquait de paraître fade. Je savais en tout cas que je voulais faire ma carrière dans le théâtre subventionné. J’avais l’impression que dans le privé, le comédien était peut-être considéré comme une vedette, mais aussi comme un guignol, disons plutôt un amuseur. Qu’on y était moins exigeant en matière de texte, qu’il n’y avait guère de temps pour les répétitions. J’étais très inconsciente à l’époque. J’ai écrit à des tas de gens. Et les rôles se sont peu à peu enchaînés. Chéreau, Romans, Bondy, Vincent, Vitez. Avec de longues attentes, hein, car dans ce métier, il faut chaque fois tout recommencer. Vous rêviez de faire du cinéma ? Pas du tout. Une simple figuration dans un film de Godard avait été une expérience odieuse. Mais Régis Varnier m’a vue jouer à Nanterre au moment où il cherchait une actrice pour interpréter une jeune alcoolique dans La femme de ma vie. Il m’a dit que j’étais le sosie de sa sœur, elle-même alcoolique, et il m’a engagée. Forte de l’enseignement de Chéreau, je me suis donc inscrite aux Alcooliques anonymes. J’ai eu un parrain et une marraine, me suis rendue à l’Eglise américaine où se rencontraient des femmes de toutes les classes sociales, pour l’alcoolisme mondain, ou celui de la femme qui cache ses bouteilles dans le tambour de sa machine à laver et picole dès que les gamins sont partis à l’école. Cela m’a beaucoup aidée et j’ai eu le César du meilleur espoir féminin pour le rôle. Alors dans la foulée, on ne m’a proposé que des rôles d’alcooliques ! Comment évoluait alors la jeune personne qui avait si peu confiance dans la vie ? Je vivais une métamorphose. Florent avait été mon découvreur. Romans m’avait révélée une dimension sensuelle et érotique que j’ignorais. Et le regard de Chéreau, qui m’avait choisie alors que je n’avais encore rien fait, m’avait libérée. L’aventure avec lui fut si exceptionnelle que j’ai encore du mal à parler de lui sans pleurer. Il avait une capacité d’hypnose. Il parlait à chaque comédien à voix basse, longuement, d’une intimité à une autre. Et on avait l’impression qu’il nous confiait des secrets. Il trouvait les mots, infiniment proche. Et me parlait à moi, la débutante, avec la même attention, la même acuité et la même exigence qu’avec Maria Casarès. On était tous au même niveau. C’est une chance folle d’avoir débuté avec un tel artiste. Cela donne des armes et de la force pour le reste de la carrière ? Certainement ! D’autant que nous nous sommes régulièrement retrouvés. Mais je suis quelqu’un qui doutera toujours. La fragilité reste immense. Et dans les mauvais moments, j’ai peur d’être bâtie sur du sable. A quoi est-ce dû ? Aux toutes premières années d’enfance je crois. Beaucoup de monde à ce moment-là, pas le temps du regard, pas le temps de ce qu’il faudrait… Pas la dose d’amour attendue ? Probablement. Est-ce donc pour cela qu’on devient comédien ? Pour attirer enfin les regards ? Non. Pour moi, le désir le plus profond, surtout quand je repense à Orlan, c’est le désir d’être quelqu’un d’autre. Mais de façon forcenée. De se débarrasser de soi pour adhérer à l’autre, défendre l’autre à tout prix, davantage que soi. Parce que l’autre est plus intéressant que soi ? Mille fois plus intéressant ! L’autre avec un A majuscule. Et ce goût de l’humain, cette attirance pour la douleur de vivre, les vertiges de la souffrance et les états d’âme les plus sombres me ramènent à la psychiatrie qui m’a tant attirée. J’ai une admiration immense pour les psychiatres qui sont des rédempteurs et nous sauvent de nos folies. Avez-vous expérimenté vous-même le trou noir ? Oui. Ce métier, vous savez, nous rend très perméables. On endosse bien des douleurs… Et Phèdre, « la lumineuse », m’a emmenée très loin. Très très loin. Mais c’est ce qui m’intéresse : aller aux frontières de l’humain. L’humain dans tous ses égarements, ses errances, ses fragilités. Et chaque personnage est pour moi un continent immense à aborder. Mais que de rencontres étonnantes lors de ces explorations ! Récemment, pour jouer le rôle d’une chirurgienne dans le film Réparer les vivants, j’ai dû passer deux jours à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où j’ai assisté à une transplantation cardiaque. Extraordinaire ! J’ai vu arriver le cœur dans la glacière, observé le visage du chirurgien qui, pendant six heures, n’a pas failli. J’ai pleuré pendant toute l’opération. Mais j’avais la pêche en sortant ! Et voilà que la Comédie Française vous réclame et vous accueille, à 59 ans, en ce mois de mars 2016. Oui ! Ça vient comme un cadeau et je me sens à la fois intimidée et profondément honorée. Les meilleurs sont là, hommes et femmes confondus. Et j’aime énormément Eric Ruf, son administrateur, qui, depuis que nous avons joué ensemble Phèdre, sera mon Hippolyte jusqu’au bout de ma vie. Je vais donc retrouver Racine, les alexandrins et le rôle d’Agrippine, grande femme politique. Quel bonheur ! Dominique Blanc joue, avec Vincent Perez, « Les liaisons dangereuses » dans une mise en scène de Christine Letailleur : à Paris (Théâtre de la Ville du 2 au 18 mars), à Nice (du 23 au 25 mars) et à Quimper (du 29 au 31 mars) Elle entre à la Comédie Française le 19 mars où elle répétera Britannicus sous la direction de Stéphane Braunschweig
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Le spectateur de Belleville
January 24, 2016 6:51 PM
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Par Pascale Krémer pour Le Monde :
Depuis 2006 et le film Mauvaise foi, Roschdy Zem s’est fait réalisateur. A la suite de l’historien Gérard Noiriel et de son livre Chocolat, clown nègre. L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française (Bayard), l’acteur et réalisateur réhabilite cette figure noire populaire de la Belle Epoque. Entretien intime, où il raconte son premier travail sur les puces de Clignancourt, son enfance à Drancy et sa découverte du cinéma.
Je ne serais pas arrivé là si…
… ma mère n’avait pas eu la bonne idée de quitter le Maroc avec mes deux frères et ma sœur, pour rejoindre mon père en France. Il était ouvrier sur les chantiers depuis cinq ans, il vivait dans un bidonville à Nanterre et ne se voyait pas y accueillir sa famille. Ma mère, lasse de l’attendre, a fait le forcing. Je suis le premier des cinq enfants nés en France. Cela a complètement changé ma destinée. La vie d’un jeune dans la campagne marocaine, c’était la vacuité de l’ambition. Ma mère était une femme extrêmement courageuse et ouverte d’esprit, qui a voulu apprendre à lire et écrire, qui a élevé ma sœur à la française, pour qui notre réussite scolaire était déterminante. De mes 18 mois à mes 5-6 ans, pour me sortir du bidonville, j’ai été placé dans une famille belge catholique. Le flamand a été ma première langue ! Cela m’a marqué, pas traumatisé. Mais je crois que pour ma mère, il en est resté une culpabilité, même si elle n’y était pour rien. J’étais le chouchou. Si j’avais voulu devenir astronaute, elle m’aurait encouragé.
Vous aviez donc l’obligation de réussir à l’école ?
J’avais des résultats corrects, mais je n’ai pas fait d’études. L’école m’a arrêté. J’étais admis en première G3, techniques commerciales. Mais après la seconde, mon lycée de Drancy (la ville de Seine-Saint-Denis où j’ai grandi) n’avait « pas de place » pour moi. Pourtant j’avais 12 ou 13 de moyenne, je n’étais pas perturbateur, je n’ai jamais mis les pieds de ma vie dans un commissariat, sauf pour les tournages. Je n’ai pas trouvé de lycée. C’était la violence de l’époque. Dès la quatrième, les enseignants poussaient les enfants d’immigrés à partir apprendre un métier. Ma mère s’est battue pour que je puisse intégrer une première. En vain. Ma première réaction, ça a été de m’engager dans l’armée. Je m’étais senti rejeté, humilié, mais je n’en voulais pas à la France. Ma mère était invalide, soignée gratuitement, je sais que dans son pays d’origine, sans cette dialyse quasi quotidienne, elle n’aurait pas survécu. La France, c’est le pays qui m’a permis de vivre avec ma mère pendant trente ans.
Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance et jeunesse en cité, à Drancy ?
Dès 15 ans, j’avais une voix au fond de moi qui me disait : il faut que tu te sauves d’ici. Il y avait quelque chose d’assez joyeux. Une vie de village, plein de copains, le foot, les journées dans les escaliers à fumer des cigarettes et parler musique, les concerts rock dans le coin, les vacances municipales en Hongrie, pour 500 francs – à 12 ans, j’étais communiste ! Mais à l’aube de l’adolescence, l’ambiance est devenue glauque : l’héroïne est arrivée. Elle a fait beaucoup de dégâts. Les overdoses, le sida, j’ai perdu des amis. Je craignais trop mon père et surtout mes deux grands frères, pour faire un pas de travers. Cette mainmise sur moi, et l’amour de ma mère, ça a été salvateur. Un équilibre. Aujourd’hui, on en rigole avec mon frère qui est le type le plus doux du monde.
Vous avez donc commencé à travailler très jeune ?
À 17 ans. Je ne voulais pas être un poids pour mes parents. Mon père faisait un travail épuisant, toute la journée sur un échafaudage, avec un courage extraordinaire. J’en sais quelque chose, j’ai travaillé avec lui. Je rentrais, je me couchais directement. Lui, c’était une force de la nature. Le premier médecin qu’il a vu, c’était deux heures avant sa mort. Ma mère invalide faisait des ménages chez les voisins… J’ai trouvé un job de vendeur de chaussures aux puces de Clignancourt. Au final, j’y suis resté dix ans. J’y ai trouvé une liberté – je travaillais du vendredi au lundi, j’étais libre le reste de la semaine. Une convivialité, aussi. Mon école de théâtre, ça a été les puces. On apprend à « scanner » la personne le plus rapidement possible et à adapter le discours. À la fin, j’étais capable de vendre du 43 à quelqu’un qui chaussait du 41, et même à celui qui me demandait simplement où était telle rue. Je l’embrouillais, c’était jouissif !
Comment arrivez-vous dans l’univers, qui semble si éloigné, du cinéma ?
Un jour, j’accompagne une copine à un cours, au théâtre Mogador. Sur la porte, il y a marqué « Actor studio ». Ca ne me dit rien, mais j’aime bien les deux mots. Je m’inscris. Et là je découvre une faune qui me fascine. Un monde de jolies femmes qui se prennent incroyablement au sérieux en travaillant un personnage et qui parlent de Shakespeare. Qui me disent que je devrais jouer Othello, le Maure de Venise, et moi j’entends le mort, je pense que c’est une blague. Je vais répéter chez l’une d’elle, la bonne nous apporte le thé. Je suis en plein Macadam cow-boy, je me sens complexé, imposteur, mais ça ne m’empêche pas d’avancer. Sans ambition réelle. Le ciné, ce n’est pas un truc pour nous, les enfants d’immigrés. Dans ma génération, celle des Jamel, des Sami Bouajila, nous avons pour seules références les Delon, Belmondo, Depardieu. Le seul acteur qui nous ressemble, c’est l’ouvrier algérien d’Elise ou la vraie vie (de Michel Drach), avec Marie-Josée Nat, mais on ne le revoit jamais après ce film. Nous avons été les premiers à devenir acteurs professionnels. Les Tahar Rahim, les Reda Kateb, après nous, savaient que c’était possible, ils étaient mieux armés. Mais à l’époque, dans ma cité, tout le monde se marre en m’appelant « l’acteur ». La seule personne qui y croit, c’est ma mère. Roschdy était le prénom de son acteur préféré, Rushdy Abaza, dans les années 1950. Le James Dean égyptien, pas tout à fait avec le même physique.
Comment décrochez-vous votre premier rôle ?
Je commence à faire des castings pour de la figuration. Je ne décroche jamais rien, même quand ils prennent des centaines de personnes. Jusqu’à ce qu’un assistant d’André Téchiné, dont le nom ne me dit rien, me fasse passer un bout d’essai. Face à Téchiné, je dis n’importe quoi, que j’ai déjà fait du théâtre, du ciné, joué dans Le Marginal d’Henri Verneuil, en me trompant de réalisateur (c’est Jacques Deray), que si on ne me voit pas à l’écran, c’est parce que la scène a été coupée au montage. Téchiné cherche quelqu’un de vierge dans le métier, et moi j’en fais des tonnes ! Il ne me croit pas et m’engage. Sur le tournage de J’embrasse pas, je suis en apesanteur, je découvre le ciné dans son aspect le plus éblouissant, avec Noiret et Béart sur le plateau, une ambiance chaleureuse. Évidemment, j’aime ça. Mais ensuite, plus rien pendant deux ans. La cassette VHS est dans le salon, maman est très fière, je retourne aux puces. Je passe au cuir. Mon ambition, c’est un jour d’acheter une boutique en dur pour ne plus subir l’hiver.
Jusqu’à votre rencontre avec le réalisateur Xavier Beauvois, en 1994…
C’est avec lui que je mets les deux pieds dans le métier. N’oublie pas que tu vas mourir, c’est un mois de tournage, toute la profession voit le film, il est sélectionné à Cannes. Dans sa façon de diriger, Beauvois laisse une place à l’improvisation. Je commence à m’épanouir. À me dire que j’aimerais continuer. Mais j’ai peur d’être déçu. Le soir de la montée des marches, je repars assez tôt pour pouvoir monter mon stand le lendemain aux puces… Heureusement, la demande des jeunes réalisateurs afflue, pour des rôles plus importants, je fais deux trois films par an, les puces s’éloignent. Je me bats contre moi-même pour refuser les rôles attendus, parfois très bien payés, pour ne pas m’enfermer à ne jouer que les fils d’immigrés. J’ai la lucidité de penser que sinon, je m’ennuierai, et j’ennuierai les spectateurs avant moi.
Depuis 2006, et le film Mauvaise foi, vous êtes également réalisateur. Qu’est-ce qui vous y a poussé ?
La vie d’acteur est remplie de vides. Des mois s’écoulent entre deux films. Il me fallait une occupation. J’ai écrit une comédie sur un couple, les producteurs l’ont trouvée convenable. Ils m’ont proposé de la réaliser. J’ai dit oui tout de suite, même si je ne savais absolument pas comment faire, parce que je me disais que si j’attendais, ils changeraient d’avis… Je n’y connais rien en lumières, en travellings, mais j’aime diriger les acteurs, faire en sorte qu’ils arrivent à l’émotion. J’ai cette générosité, cette patience, qui permettent de les aimer tels qu’ils sont, chacun requérant une attention particulière.
Vous étiez au Stade de France le 13 novembre au soir…
Oui, avec mon fils de 15 ans. J’ai eu peur. On a vite senti qu’il se passait des choses très graves. On ne pouvait pas quitter le stade. À un moment, il y a eu un mouvement de foule, tout le monde s’est mis à courir. Je me suis dit qu’heureusement, mon fils avait 15 ans et courait vite… Sur le chemin du retour, en scooter, il régnait une atmosphère assez effrayante, délétère. Je suis rentré vidé. Aujourd’hui, je pense constamment à mon père qui, quand il priait, fermait la porte. Je ne l’ai jamais vu. Il pratiquait en toute discrétion, comme la majeure partie des musulmans. A Drancy on était « les arabes », puis on a arrondi les angles en nous appelant « les beurs ». Maintenant, on est « les musulmans ». Il faut s’extirper de ça, c’est un piège ! Il faut que les médias cessent de nous demander de nous définir par rapport à nos convictions religieuses. Cessent aussi de se focaliser sur ceux qui sont dans l’outrance, l’ostentatoire. On crée une forme de phobie. Je vois l’impact que ça commence à avoir sur mon travail. Alors vous imaginez pour les gens ordinaires…
Qu’attendez-vous du gouvernement ?
Arrêter d’agir en réaction. Passer à l’action. S’inspirer des pays scandinaves pour l’éducation. On met toujours plus d’argent dans l’armée, la police. Et quoi pour l’enseignement ? Si en Seine-Saint-Denis, on avait des classes de 20 élèves au lieu de 40, si on leur donnait les meilleurs professeurs, pour éviter qu’ils craquent au bout de trois mois et ne soient pas remplacés, peut être qu’on éviterait qu’une population se perde, et s’accroche à ceux qui ont fait de la religion musulmane une secte ? L’avenir de la France passera par là. Et par la main que doivent tendre les entreprises aux jeunes. Quand je vois les chiffres des discriminations à l’embauche, je suis terrifié. Je me dis que notre pays se tire une balle dans le pied.
Chocolat, de Roschdy Zem, avec Omar Sy dans le rôle-titre (en salles le 3 février).
Pascale Krémer Journaliste au Monde
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Le spectateur de Belleville
December 14, 2015 6:50 AM
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Par Culturebox (avec AFP) @Culturebox
Le comédien Michel Bouquet qui remonte, à 90 ans, sur les planches du théâtre Hébertot à Paris le 23 décembre dans la pièce "A Tort et à raison" de Georges Weller, a confié à l'AFP : "Je n'arrêterai jamais le théâtre, pourquoi arrêter?" "Je ne suis pas infatigable, je suis très fatigué, mais je ne peux pas m'en empêcher", admet-il. "Tenter la chose, c'est ce qui me passionne vraiment, explique-t-il. Je me dis à chaque fois que je n'y arriverai pas et j'essaie d'y arriver"... "j'ai quand même 90 ans". Michel Bouquet a célébré son grand âge le 6 novembre sur scène dans la peau de Wilhelm Furtwängler, chef d'orchestre renommé accusé d'être un nazi, dont on instruit le procès dans "A tort et à raison" de Georges Weller.
La pièce mise en scène par Ronald Harwood se jouera sur les planches du théâtre Hébertot, à Paris, à partir du 23 décembre, "pour trois ou quatre mois". "Je l'avais déjà jouée il y a vingt ans avec Claude Brasseur à Montparnasse", se souvient-il. "Le rôle n'est pas très long, Juliette y interprète un petit rôle, avec Francis Lombrail, le directeur du théâtre et deux jeunes comédiens merveilleux." Son épouse, Juliette Carré joue à ses côtés comme dans "Le Roi se meurt" (Ionesco) cette année à Hébertot. A Tort Et A Raison, avec Michel Bouquet, au Théâtre Hébertot Son amour du théâtre est insatiable
"Il y a beaucoup de rôles que je voudrais jouer encore. Je n'arrêterai jamais le théâtre, pourquoi arrêter? Seulement, je passe des nuits blanches à me dire que je vais m'arrêter en plein milieu." Pourtant, ce n'est pas du plaisir, dit-il, "c'est une angoisse affreuse. Mais c'est intéressant. Pour vivre quelque chose que l'on ne vivrait pas autrement, on ne risque rien, rien sauf de se casser la figure".
Le comédien a travaillé les textes des plus grands auteurs : Jean Anouilh, Harold Pinter, qu'il a connus, Molière qu'il admire par-dessus tout. Le comédien doit s'oublier, selon lui, s'effacer devant le texte. "Il ne faut pas surtout pas se mêler de la pensée de Molière, ce serait complètement dingue de dire qu'on a compris Henri Michaux, on ne peux pas dire que l'on a compris un auteur, si on le dit, on est un imbécile. Il vaut mieux laisser parler la grande voix." Son regret est de n'avoir jamais joué le rôle d'Hamlet. Mais il a eu "la chance d'avoir les plus grands" professionnels comme Harold Pinter. "J'ai été protégé. Ce sont eux qui ont fait ma carrière", relève-t-il. Il a joué "Le Malade imaginaire" des centaines de fois. "Jouer n'est pas jouer, ce n'est pas vrai, il faut éprouver c'est tout." "Molière est vraiment fabuleux, c'est un cas insensé, pas un mot qui ne soit pas sublime", déclare-t-il, émerveillé. France 2 | La Vénus au miroir : Michel Bouquet & Jean-Pierre Larcher Les réalisateurs de cinéma qu'il admire le plus au monde sont Friedrich Wilhelm Murnau et Erich van Stroheim. Il a une mémoire phénoménale, pleine de souvenirs précieux. "Jean Grémillon était un ange descendu sur terre. Un des plus grands réalisateurs français, peut-être avec Renoir." En 1955, il a prêté sa voix au documentaire "Nuit et Brouillard" de Alain Resnais, sur les camps d'extermination. "Il m'a montré pendant trois jours la totalité de ses images, j'ai tout pris dans la figure", se souvient-il. La Shoah est "impardonnable". "Cela a stoppé l'homme", dit-il dans "La Vénus au Miroir", un documentaire que Jean-Pierre Larcher lui consacre et qui sera diffusé dimanche soir sur France 2.
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Le spectateur de Belleville
November 21, 2015 5:53 AM
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Par Bruno Paternot pour inferno-magazine : http://inferno-magazine.com/2015/11/21/si-on-se-met-dans-le-chemin-entretien-avec-nicolas-bouchaud/ C’est certainement un des acteurs les plus brillants de sa génération. Engagé à tous les sens du terme, c’est un acteur à part entière qui jette son corps dans la bataille des idées. En ce trimestre, il s’agit des notions défendues dans le texte éminemment hermétique de Paul Celan : Le Méridien. De la notion d’Art à celle de Poésie, l’acteur déroule la pensée comme un tapis moelleux qui ne demande qu’à accueillir le spectateur. Inferno : Dans votre spectacle, Lenz est cité par Büchner, cité par Celan, cité par Bouchaud. Se placer dans la continuité de cette famille littéraire (et masculine), c’est finalement très orgueilleux ? Nicolas Bouchaud : Au contraire, absolument pas. Je l’ai toujours réfléchi comme la mise en place d’une, comment dire, d’un méridien ! C’est à dire une ligne qui relie plusieurs personnes de façon assez arbitraire et dont on comprend la nécessité de cette ligne. « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » disait René Char. Et bien nous sommes entièrement libres d’utiliser les pensées du passé comme on veut et donc aussi de se mettre sur la même route que des personnes qu’on n’a jamais connues. On a la possibilité de s’inscrire dans un chemin qui n’est pas le notre. Cette chaîne, c’est un discours mais c’est aussi un journal de lectures de Celan -qui sont aussi des notes-, une réflexion sur les autres auteurs. Sur Büchner ce n’est pas du tout une réflexion universitaire. Décréter que le « Vive le roi » de Lucile à la fin de La mort de Danton c’est l’apparition de la poésie, il n’y a que lui qui peut nous le dire ! Ce type de lecture-là me passionne. J’aimerais être capable de lire comme Ceylan. Lui donner ou lui trouver encore plus de vie. De lui ouvrir toutes ses réalités possibles. C’est la capacité qu’a Ceylan de prendre Büchner ou Lenz. Et dans le projet je m’y ajoute. Et ça, ça crée un socle. Ca crée une géographie totalement imaginaire mais qui peut être un édifice important du spectacle si on y va à fond dedans. Si on se met dans le chemin. Donc au contraire, j’ai plus l’impression que c’est un mouvement qui dit que même si on est seul sur scène, on est très peuplé. Ce n’est pas moi qui vous intéresse, ce sont tous les gens qui sont en moi et qui sont là devant vous. Les interlocuteurs mentaux de Celan dans Le Méridien. On pourrait imaginer un spectacle sur ce spectacle, à la Borges, un truc sans fin… Cette construction libre de son propre héritage, c’est quelque chose de très intime. Est-ce qu’il y a besoin d’un public pour ça ? C’est très important qu’il y en ait. J’ai une drôle de sensation avec ce spectacle, contrairement aux deux autres solos*. Je n’ai pas l’impression de le jouer. Je n’ai pas l’impression d’interpréter quelque chose et je n’ai pas non plus exactement l’impression d’être dans la peau d’un acteur. C’est à dire que j’ai l’impression de me mettre au service de cette parole très exigeante de Celan sur l’écriture. De ce à quoi qu’elle nous ouvre. Et c’est d’abord d’être dans l’attention aux choses. C’est à dire attendre que ça apparaisse. Celan nous apprend à être aux aguets. Et je crois que c’est d’abord ça que nous fait la poésie : elle ouvre cet espace-là chez nous, avant d’ouvrir l’espace de notre compréhension. On se dit : « oh lala c’est obscur Mallarmé, Hölderlin, Rimbaud… » On se dit d’abord « je ne comprends pas ». Le geste du spectacle, c’est le désir d’ouvrir en soi quelque chose qui ne serait pas lié au « comprendre » ou au « ne pas comprendre ». Est-ce que vous acceptez d’être déporté dans un paysage que vous ne reconnaissez pas ?
Est-ce que vous diriez qu’Eric Didry, le metteur en scène, est un compagnon de route ?
Oui.
Qu’est ce que ça veut dire ?
Je dirais que c’est Eric et c’est toute l’équipe. Dans le temps des répétitions, ces spectacles se sont faits dans une très grande circulation de la parole. Et je dirais que oui, il y a un accompagnement. La principale qualité d’Eric, c’est d’accompagner. Je choisis les textes et je propose. Nos places respectives à tous ne sont pas définies donc je dis que tout le monde s’accompagne dans les projets respectifs. Et chacun est plutôt très attentif à ce que l’autre va proposer, à ses envies, à son désir. Je crois qu’à chaque fois, sur les trois projets, il y a une séance au tout début -quand on fait le travail d’adaptation du texte- où Véronique et Eric me posent des questions. Ils essayent de comprendre ce qui me touche intimement dans le choix de ces textes. La vase elle se fait là, c’est ça le fondement en fait. Et après on invente à partir de ça un plateau et un spectacle.
Et qu’est ce qui vous touche intimement dans les textes que vous choisissez ?
Je pense qu’il y a des choses inconscientes là-dedans. Mais disons que la première entrée pour moi dans le texte, quand je l’ai lu la première foi,s c’est que ça c’est vraiment déposé et que ça peut vraiment décoller. On a été jouer un des spectacles dans un village avec rien : pas de son, pas de lumière, pas d’espace et là le spectacle a pris son sens. Quand on est seul sur un plateau, on a envie qu’il y ait des espèces de garde-fous. La chose qui est constante à chaque fois c’est de se dire : « Quelle expérience on va faire cette fois avec les gens » ? Et quelque soit l’expérience, on va faire un chemin ensemble et on va y aller pas après pas et ca se sera visible, se sera pas masqué. On va partir d’un point A et arrivera à un point B. Comme si j’organisais des excursions dans la montagne. Avec Ceylan c’est en haute montagne ! Il y a des moments plus raides et des petits plats. Mais au final, le point de vue vaut toujours le coup…
Rien n’est masqué ?
Rien. On va y aller pas à pas. C’est que j’intègre dans le jeu, je ne masque pas les virages à 180 degrés que je dois prendre à certains moments. Si je les masquais, personne ne suivrait, on ne verrait pas le danger. Il n’y a pas d’enrobage. Et pourtant, de l’autre bord, je tiens énormément à ce qu’il y au une vraie scénographie, des lumières… C’est un spectacle. C’est quoi les conditions de la représentions pour que ce texte puisse être entendu ? De l’autre bord, on se sert aussi beaucoup des outils du théâtre.
C’est un spectacle que vous jouez beaucoup et sur de longues séries. C’est important pour le projet ?
Oui, forcement, c’est important. Parce que globalement sur les spectacles qui se font en France, il y a beaucoup de spectacles qui jouent peu. Jouer dix fois un spectacle c’est très malheureux, difficile, ça ne veut rien dire. Je suis persuadé de plus en plus que j’aime plus les représentations, que je travaille plus en représentation. Il y a une vie qui est donnée à chaque fois. Il n’y a pas une seule fois où je me suis dit : « j’en peux plus sur ces trois solos ». Je ne suis pas fatigué par les voyages, les tournées etc.
Vous êtes attaché à cette notion de répertoire ? Que se soit vos solos ou bien les reprises des spectacles de Jean-François Sivadier, ce sont des projets qui s’inscrivent dans le temps. Dans le temps des représentations et dans les années, dans des reprises.
Le truc du théâtre c’est que, contrairement au cinéma, c’est nous qui nous déplaçons ! On est toujours très surpris quand on joue beaucoup, ça c’est dingue, ça m’est arrivé de faire une centième représentation et de retrouver un état de grâce. On a joué énormément et, tout d’un coup, c’est la meilleure représentation qu’on n’ait jamais faite. Après, il y a des spectacles qu’on a moins envie de reprendre. J’ai été très surpris quand on a repris Galilée avec Jean-François Sivadier : on avait arrêté en 2005 et ça a été une joie constante de reprendre. Dix ou 15 après le spectacle gagne en intensité, en profondeur. A tous les coups ça marche. Et puis c’est très intéressant dans cette histoire Galilée : est ce que la forme qu’on avait inventée en 2002 était encore pertinente en 2015 ? Et en fait, oui. Et ce qui est très beau aussi dans les reprises, c’est cette histoire de génération. Des gens de vingt ans viennent le voir et entendent ce texte sublime. Et ça, c’est formidable. Les reprises, c’est l’endroit où le théâtre peut se venger du cinéma. On peut être eternel. Tous les dix ans, avant de mourir, on peut le refaire. Et puis, peut-être qu’après, d’autres le referont, après tout. Quand on n’a jamais vu Café Muller**, on est très content de pouvoir le voir. C’est aussi un rapport à l’histoire qui est important. Vous parliez de la fatigue des tournées. Lorsqu’on vous voit aussi entier, aussi incarné pendant les représentations, on doit se dire que les représentations fatiguent. A moins qu’elles régénèrent ? Elles régénèrent à chaque fois et c’est toujours une espèce de petit miracle, on ne s’attend pas à ce que ça fasse ça. Je pense que c’est lié à l’adresse qui est assez directe : on a un retour de service de la part de la salle et ça nous entraîne comme dirait Daney et c’est ça qui régénère. Et puis, c’est aussi le signe qu’on se dit qu’on ne s’est pas trompé sur le choix de ce qu’on a voulu mettre sur le plateau. Parce que quand même au départ, on avait beaucoup de question ! Dans le texte, c’est le plus exigent des trois. Ce sont des blocs à chaque fois. C’est nécessaire après la création d’avoir suffisamment de représentation pour qu’on comprenne le spectacle, qu’il mute dans son rapport avec le public. Ça, c’est très très important. Contrairement aux projets ave Jean-François Sivadier où ce sont des gros tronçons, j’essaie avec les solos de ne pas enquiller huit mois d’affiler. Sur Le Méridien, c’est formidable, que ce soit le TNS, HTH, la série à Lausanne ou au Rond Point, on joue beaucoup à chaque fois. Sur un projet comme ça, je suis très heureux d’avoir ces partenaires-là qui disent « ok ». Ce qui est amusant quand on est tout seul, c’est qu’on peut faire son propre répertoire. Bien qu’il y ait un moment où il y a toujours le désir de la création. Là, on vient de créer. J’aimerais bien rependre les trois à un moment, on l’a bien fait avec deux. Des liens se tissent entre les trois ? Pas autant que je le pensais. Les sujets sont extrêmement différents. Même si c’est la même personne, ce sont des gestes très différents. Mais, comme à chaque fois, on a prit des textes qui posent beaucoup de questions, les gens me disent : « ok j’en ai vu un mais en voir deux à la suite, c’est trop. Dans deux jours je reviens voir l’autre ». Pour l’instant, il y en a trois. Mais, d’ici dix ans, peut-être y en aura-t-il 4, 5 ,6… Ça, je ne sais pas encore. Je vais ré-impulser des projets mais je ne sais pas quelle forme ils auront. Peut-être pas en solo. Sauf à nouveau si une matière arrive et que je me dis qu’on ne peut pas la faire autrement que seul. A chaque fois on s’est demandé si on ne devait pas être deux ou trois. Ça ne nous est jamais apparu pertinent. J’ai envie de travailler là-dessus, qu’est ce qui est le plus pertinent ? Bon, pour l’instant c’est bien s’il n’y a qu’une personne. A chaque fois qu’on parlait de ça, il y avait des choses d‘illustrations qui arrivaient. Il y a d’abord le désir d’un texte ou d’une parole et de comment on fait. Ça dépend de ça. Rien n’est fermé, tout est ouvert… Pour l’après ? Complètement. Oui. Et puis, on ne sait jamais ce qui va remonter à la surface. Après Daney, jamais je ne me suis dit que j’allais travailler sur Berger. Pour Celan, c’est pareil. On ne sait jamais.
Propos recueillis par Bruno Paternot
*La loi du marcheur d’après Serge Daney en 2011 et Un métier idéal d’après John Berger en 2013. Les deux spectacles ont été montés collégialement avec la même équipe de création sur une proposition initiale de Nicolas Bouchaud.
** La Chorégraphe Pina Bausch a signé plusieurs pièces qui sont restées dans l’histoire de la danse contemporaine comme des marqueurs de l’époque. Avec Les Œillets ou Café Müller, elle invente ce que les historiens de la danse ont retenu comme Danse-Théâtre. Le Méridien : Un projet de et avec Nicolas Bouchaud d’après Le Méridien de Paul Celan – Mise en scène : Éric Didry – Traduction : Jean Launay, Irène Bonnaud – Adaptation : Nicolas Bouchaud, Éric Didry, Véronique Timsit – Collaboration artistique : Véronique Timsit 2 — 16 OCTOBRE 2015 THÉÂTRE NATIONAL DE STRASBOURG (67) 27 OCTOBRE — 7 NOVEMBRE 2015 THÉÂTRE DE VIDY-LAUSANNE (SUISSE) 10 — 14 NOVEMBRE 2015 HTH MONTPELLIER (34) 25 Novembre – 27 Décembre 2015 au Théâtre du Rond-point Paris (75)
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Le spectateur de Belleville
November 7, 2015 4:03 AM
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Michel Piccoli, qui fête ses 90 ans le 27 décembre, publie un petit livre de confidences, "J'ai vécu dans mes rêves" (Grasset), avec l'ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob. Un témoignage inestimable pour un acteur de légende qui confie avoir "la mémoire trouée". Dans cet ouvrage, Michel Piccoli revient sur son enfance, ses débuts au théâtre et au cinéma, ses amitiés et ses amours. Voici une petite sélection de confidences par l'AFP. Enfance "Pendant toute mon enfance, resté fils unique, il y avait un fantôme avec moi", dit l'acteur, né après la mort d'un frère ainé chéri par sa mère. Il garde le souvenir de parents musiciens "sans passion", qui lui ont "toujours servi de contre-modèle". Débuts "Le théâtre, ce fut d'abord le désir de fuir pour aller respirer ailleurs", confie-t-il. "J'ai eu le don de savoir me poster devant toutes les portes où il fallait frapper pour trouver du travail, que ce soit pour jouer des oeuvres sublimes, des classiques ou des nouveautés, ou pour présenter des spectacles humoristiques". Il a raté sa rencontre avec Jean Vilar et la Compagnie Renaud-Barrault, "une troupe merveilleuse, mais où les sourires éternels cachaient un autoritarisme excessif et une grande suffisance". "Le Mépris" "À ce moment-là, au début des années 1960, je n'existais pas, j'étais un jeune acteur peu connu (...) Le Mépris m'a donné parmi les plus beaux moments que j'aie pu vivre avec mon réalisateur et mes partenaires. Tous, Fritz Lang, Bardot, l'équipe des techniciens, nous travaillions dans la joie, mais aussi avec une sévérité exceptionnelle. Il est rare qu'un film suscite à la fois autant de joie et de concentration." Brigitte Bardot "Je n'avais jamais rencontré Bardot avant le tournage (du Mépris) et j'ai été ébloui par son innocence et sa spontanéité. (...) Elle était devant les caméras comme dans la vie, une actrice très simple qui ne faisait pas du tout la star. Elle était très disciplinée dans son travail. Elle était à l'heure. Elle connaissait son texte (...) Ce n'était pas une diva prête à faire tous les caprices auxquels on aurait pu s'attendre (...) Même si elle s'étonnait quelquefois d'avoir accepté de tourner dans ce film, elle était fascinée par cette oeuvre remarquable et par cet épouvantable Godard qu'elle admirait." Romy Schneider Ils se sont rencontrés sur les "Choses de la vie" en 1969, début de sa longue collaboration avec Claude Sautet. "Elle était radieuse et magnifique. Je l'appelais +la chleuh+. Elle savait que j'aimais me moquer d'elle et elle aimait ça (...) L'ai-je aimée? Non, je n'ai jamais été amoureux de Romy, mais je l'ai bien connue. J'ai vite compris qu'elle n'arrivait pas à être heureuse, qu'elle ne savait pas ce qu'il fallait faire pour l'être." Juliette Gréco Rencontrée dans une soirée, elle a été sa deuxième épouse, après Eléonore Hirt. En "quelques mots pudiques", il évoque leur coup de foudre. "Je me disais : que se passe-t-il ? Étonnant ! Merveilleux !" (...) Un jour elle m'a dit : Va-t-en. Presque de cette façon. Ça a été douloureux, de mon coté en tout cas." Gérard Depardieu "Quel acteur sublime que Depardieu ! Quel génie ! Quel inventeur !" Ils ont partagé l'affiche de "Vincent, François, Paul et les autres". "Il n'avait pas un rond, il buvait comme un fou. D'ailleurs il est fou. C'est sans doute sa force." Marcello Mastroianni Pour Piccoli, qui "craint d'être prétentieux", l'acteur "modèle" c'est Mastroianni. "Il l'a dit souvent devant moi : +Être acteur ? Il n'y a pas besoin de se gargariser, il n'y a qu'à faire et puis voilà+" Regrets Sa santé l'empêche aujourd'hui de travailler : "On voudrait que ça ne s'arrête jamais et cela va s'arrêter (...) c'est très difficile (...) La mémoire se dégrade. Et je suis victime de cette catastrophe pour un acteur (...) Parfois je me sens très bien et je suis indigné de ne plus jouer parce que les médecins et les assurances rendent la décision de me choisir compliquée." Disparu "J'aurais plutôt désormais tendance à être... disparu. (...) J'aimerais ne pas mourir
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Le spectateur de Belleville
November 3, 2015 7:56 AM
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Ils sont quatorze comédiens impliqués dans “Ça ira (1), Fin de Louis”, le nouveau spectacle sur 1789 mis en chair sur scène par Joël Pommerat. En attendant la première représentation à Nanterre-Amandiers le 4 novembre, présentation de chacun d'entre eux, jour après jour. 4 septembre, Théâtre des Amandiers, Nanterre Il endosse huit costumes à lui tout seul au fil des vingt et une scènes prévues dans Ça ira… Il s'en amuse volontiers : « J'incarne de vrais personnages comme de simples images qui en disent aussi long chez Pommerat que n'importe quel mot. Toutes ces interventions ont un point commun, ce sont des gens dont la parole compte, des représentants d'institutions ! » Un évêque par-ci (avec mitre et crosse), un maire de Paris par-là, ou encore le premier président de l'Assemblée nationale, ou bien, quelques scènes plus tard, l'aristocrate qui se convertit à la réforme fiscale. Gérard Potier, dans sa vie hors compagnie Louis Brouillard, aime parler et raconter sur scène des expériences de vie. Et c'est d'ailleurs la puissance du récit qui l'a subjugué dans le théâtre de Joël Pommerat, le jour où il a découvert Cercle/Fictions au Grand T de Nantes. « L'art du récit…, résume-t-il, c'est raconter sans en rajouter et se frayer un chemin vers l'inconscient du spectateur. » “Joël est capable de voir en nous ce que nous n'avons pas nous-mêmes visité” A 55 ans, dont presque trente-cinq de métier, il y voit la source de sa vocation : quand tout jeune encore, dans les années 70, il s'est mis à faire du collectage, le magnéto en bandoulière, dans sa Vendée natale : histoires, danses, musiques et chansons. Un matériau que le « conteur-comédien » transformera plus tard en textes et en spectacles… en complicité avec Yannick Jaulin (né dans la même campagne, 5 kilomètres plus loin) ou dans des mises en scène signées Claude Aufaure ou Philippe Raulet. Avant que cela ne devienne des livres comme ce Mildiou, l'enfant du champ de patates à paraître bientôt (collection Haute Enfance). Entrer au fil de Ça ira dans « la maison intime de l'écriture » selon Pommerat est une expérience qu'il savoure depuis plus d'un an, dès les premières recherches à « l'atelier de Nanterre » en juin 2014. « Joël nous a fait naître dans ces divers personnages car il est capable de voir en nous ce que nous n'avons pas nous-mêmes visité. Au fond, tous ces êtres humains qui ont existé et que l'on refabrique à partir de plusieurs couches ou plis de l'histoire, ce sont bien nous, les acteurs, qui, à la fin, leur donnons une unité. Au début, pourtant, on ne le sait pas. Pour y arriver, il faut un esprit souple, apprendre et désapprendre, se laisser emmener… » “Grâce à cette recherche au jour le jour, ma propre vision de la Révolution a été changée.” Né dans une famille de paysans, fermiers pour le compte d'un propriétaire terrien, il n'est pas difficile pour Gérard Potier d'entrer dans l'esprit de cette organisation sociale de l'Ancien Régime qui peut sembler si lointaine à d'autres. Il a une connaissance populaire de la Révolution qui n'appartient sans doute pas à la voix dominante, même si les chercheurs d'aujourd'hui travaillent à nouveau sur les guerres civiles vendéennes. « Que l'on soit toujours réduit à cette histoire-là, avec la vision folklorique qui en découle, est une blessure pour nous, alors que cette période a été complexe et qu'à l'évidence, dans ces régions rurales, comme le résume l'historien Jean-Clément Martin, “la République n'a pas rassemblé tous ses enfants”. Pour ma part, grâce à cette recherche au jour le jour, ma propre vision de la Révolution a été changée. J'espère qu'il en sera de même pour le spectateur, que nous mettons au cœur de l'événement, et qui pourra le laisser résonner en lui, en lien avec ce que nous vivons aujourd'hui dans notre société. »
Ça ira (1) Fin de Louis04/11/2015 à 29/11/2015A Nanterre-Amandiers
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