 Your new post is loading...
 Your new post is loading...
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 18, 2020 2:34 PM
|
Par Brigitte Salino dans Le Monde, le 18 mai 2020 Quand Michel Piccoli, mort le 12 mai 2020, à l’âge de 94 ans, évoquait son parcours, il disait : « C’est magnifique, non ? » Il fut le seul comédien de sa génération à avoir mené une carrière aussi belle au théâtre qu’au cinéma.
Il aura été l’homme d’une double vie : Michel Piccoli est le seul comédien de sa génération à avoir mené une carrière aussi belle au théâtre qu’au cinéma. Si l’écran lui a apporté la renommée, il a été consacré par le théâtre, où il a forgé son talent, dans les années 1950, et où il est revenu, dans les années 1980. Quand il évoquait ce trajet, Michel Piccoli disait : « C’est magnifique, non ? ». Là, il y a un arrêt sur image : on revoit le comédien en train de parler, avec son sourire éclatant d’appétit, son élégance affable, son maintien au débraillé seigneurial et son visage plein, un brin romain, sur lequel le temps avait peu de prise.
Quand on lui faisait remarquer qu’il avait eu de la chance, Michel Piccoli ne démentait pas, mais corrigeait en précisant qu’il avait surtout eu beaucoup de discipline. Cette discipline lui venait de l’enfance, où il avait mesuré, auprès de ses parents musiciens, ce que l’art doit à la répétition. Il en avait aussi tiré une leçon : il ne serait pas comme eux, restés dans l’ombre d’un orchestre, pour son père violoniste, ou soumise à ses élèves, pour sa mère professeure de piano. Ce désir d’être dans la lumière, Michel Piccoli le tenait secret, comme ses gouffres. Et, comme il se savait lent, il a pris son temps. Lire aussi Michel Piccoli, légendaire acteur de cinéma et de théâtre, est mort Paris sort de la seconde guerre mondiale quand il fait ses débuts. Le théâtre renaît, des salles ouvrent, des auteurs apparaissent : c’est une époque faste, surtout rive gauche, où en 1952, Jean-Marie Serreau inaugure le Babylone avec deux pièces de Luigi Pirandello jouées par Michel Piccoli et son épouse, Eléonore Hirt. Un an plus tard, assis dans la salle, le comédien assiste à la création de En attendant Godot, de Samuel Beckett : « J’avais lu la pièce, et je dois avouer très honnêtement que je comprenais rien, tellement c’était nouveau », se souvenait-il. En 1983, il dira la même chose de Combat de nègre et de chiens, de Bernard-Marie Koltès, qu’il créera dans la mise en scène de Patrice Chéreau. Jusqu’en 1965, où la France entière le découvre à la télévision dans Dom Juan filmé par Marcel Bluwal, Michel Piccoli joue une cinquantaine de pièces. Soit parfois cinq ou six par an. Soit de nombreux auteurs oubliés qui ont eu leur heure de gloire, comme Jacques Deval ou Ugo Betti, et des metteurs en scène eux aussi oubliés, comme Georges Vitaly ou Michel de Ré. Mais le temps retient Jean Vilar (Phèdre, de Racine, en 1957), Jean-Louis Barrault (La Nuit a sa clarté, de Christopher Fry, en 1962), et surtout Peter Brook avec la création du Vicaire, qui fait scandale, en 1963. Michel Piccoli y interprète Gerstein, le SS qui révèle l’existence des camps d’extermination au prélat du pape Pie XII. La police se tient devant le Théâtre de l’Athénée, où la pièce se joue, pour contenir les opposants à toute critique de l’attitude de l’église catholique pendant la seconde guerre mondiale. Dix-huit ans plus tard, en 1981, c’est avec Peter Brook que Michel Piccoli revient au théâtre, avec La Cerisaie de Tchekhov, aux Bouffes du Nord. Il a 56 ans, et l’expérience lui a appris à être son propre Gepetto : il tire les fils du personnage qu’il joue, et qu’il prend soin de tenir à distance. C’est sa créature, son « Pinocchio », mais ce n’est pas lui, comme certains comédiens peuvent l’être. Cet art, qui puise dans une légèreté virtuose, fait merveille dans l’interprétation de Gaïev, le vieil enfant de La Cerisaie qui passe son temps à jouer au billard : comme sa sœur Lioubov, il ne veut pas admettre que leur domaine est menacé, et que les temps changent. Lire aussi Michel Piccoli à propos de ses réalisateurs : « J’ai souvent été un double » Aux Bouffes du Nord, il y a pour décor des tapis sur le sol. A Nanterre-Amandiers, en 1983, une autoroute émerge d’un brouillard de chaleur : nous sommes en Afrique, et Michel Piccoli joue Horn, ingénieur sur un chantier où les Noirs sont exploités, quand ils ne sont pas tués. A cet homme tragique, misérable et complexe, succède en en 1984 l’homme d’affaires cynique et jouisseur de Terre étrangère, la pièce d’Arthur Schnitzler qui révèle le metteur en scène Luc Bondy en France. Aujourd’hui encore, on entend le bruit mat des balles de tennis sur le terrain du décor inoubliable où des hommes et des femmes désinvoltes oublient un monde courant vers la mort. De Michel Piccoli, Colette Godard écrit dans Le Monde qu’« il n’a peut-être jamais été aussi fantastique, tant il est fort, impitoyable, odieux, et quand même séduisant. » Tout est dit. Ces années 1980-1990 sont un festival : La Fausse suivante, de Marivaux et Retour au désert, de Bernard-Marie Koltès, sous la direction de Patrice Chéreau. La Maladie de la mort, de Marguerite Duras, transfigurée par Robert Wilson. Les Géants de la montagne, de Pirandello, magnifiés par Klaus Michael Grüber. Le Conte d’hiver, de Shakespeare et John Gabriel Borkman, d’Ibsen, mis en scène par Luc Bondy. Là encore, il y a un arrêt sur image : pendant douze minutes, au début de la représentation, Michel Piccoli est seul sur le plateau, de dos, juché sur une échelle, silencieux. Et chacun dans la salle est fasciné. Quel comédien peut rester ainsi sans perdre de sa puissance ? Lui seul, qui à la fin s’éloigne sous la neige, voûté, vers la mort, comme Le Roi Lear que Michel Piccoli joue, sous la direction d’André Engel, en 2006. Il est grandiose – un homme et un comédien au bout du chemin de la vie et de l’art. C’est d’ailleurs avec une pièce sur le théâtre et la vie qu’il tire le rideau, en 2009 : il joue Minetti, de Thomas Bernhard. « C’est magnifique, non ? » Brigitte Salino Légende photo : Danièle Lebrun et Michel Piccoli jouent dans « Le Misanthrope », de Molière, en 1969, au Théâtre de la Ville, à Paris. STRINGER/AFP
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 17, 2020 1:39 PM
|
Voici Didier Bezace et le TCA. par Albertivi sur Vimeo, le site d'hébergement des vidéos de haute qualité et de ceux qui les aiment.
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
April 18, 2020 6:36 PM
|
par ARMELLE HÉLIOT dans son blog - 16 avril 2020
Le comédien britannique, indissociable de l’univers de Peter Brook, s’est éteint des suites du Covid-19. Ce fut un grand artiste, fidèle et original.
Il éprouvait le besoin de rompre. Et pourtant nul ne fut plus fidèle à ses engagements. C’est dans cette étonnante tension, ce paradoxe, ce « double bind », ce double ligotage, que Bruce Myers avait choisi, en toute conscience, d’inscrire sa vie.
Le comédien, né en 1942, à Radcliffe, en Angleterre, s’est éteint le 15 avril, emporté par le coronavirus, comme l’écrivain chilien Luis Sepulveda tout à l’heure, 16 avril, comme l’interprète de tant de rôles au théâtre, au cinéma, à la télévision que fut Maurice Barrier, qui s’est éteint dans la nuit du 11 au 12 avril, comme le grand auteur dramatique catalan Josep Maria Benet i Jornet, quelques jours auparavant, comme Jean-Laurent Cochet : tous ces artistes s’en vont, emportés par une vague. Mais leurs œuvres, mêmes celles des comédiens, nous demeurent en mémoire.
Bruce Myers était une personnalité forte, comme la plupart des artistes qui ont un jour croisé la route de ce maître profond et lumineux qu’est Peter Brook
Pour Bruce Myers, ce fut à la fois le hasard et la décision. Cet artiste très doué avait littéralement abandonné le théâtre, alors qu’il était passé, comme son ami Terry Hands, par la Royal Shakespeare Company, pour devenir moniteur de voile ! Mais un jour, et pas n’importe où, il voit Peter Brook. Ce dernier l’a raconté dans l’un de ses ouvrages et adorait répéter en souriant cette rencontre au pays de Shakespeare lorsqu’il évoquait la composition de sa troupe : il était à Stradford-upon-Avon lorsqu’un énergumène de motocycliste s’était arrêté auprès de lui et lui avait expliqué qu’il était comédien mais ne se reconnaissait plus du tout dans le théâtre anglais d’alors. Cela fait tilt.
Brook va l’entraîner en France, où, avec Micheline Rozan et Jean-Claude Carrière, il s’apprête à faire vivre les Bouffes du Nord. Dès 1974, Bruce Myers joue dans Timon d‘Athènes lors, son chemin va se confondre avec celui de la troupe.
Par fidélité, il a renoncé parfois à de grands rôles, ailleurs. Mais c’était un être d’une loyauté profonde et il n’aurait pour rien au monde lâché sa famille artistique, même s’il lui arrivait d’avoir de petites bouffées de regret. Il était souvent plongé dans la musique et nombreux sont les spectacles où il jouait un instrument, tout en incarnant des personnages, accompagnait ses camarades.
En fait, il aurait pu devenir une grande star. Il avait un physique, avec un visage volontaire et doux à la fois, une voix harmonieuse, le don des langues, une photogénie certaine. Une présence indéniable sur un plateau ou au cinéma. Il aura d’ailleurs pas mal tourné, au cinéma, parfois à la télévision. A commencer évidemment par certains films de son mentor, tel Rencontres avec des hommes remarquables, en 1979.
Bruce Myers avait suivi une solide formation à la Royal Academy of Arts avant de s’embarquer pour une aventure alternative –on est à la fin des années soixante- à Liverpool. Il y rencontre sa génération en faisant vivre une salle genre patronage qui devient le Everyman Theatre. Il y a là Peter James et Terry Hands. Avec ce dernier, il va intégrer la Royal Shakespeare et Terry en deviendra même le patron –appelé à mettre en scène à la Comédie-Française, il va épouser Ludmila Mikaël et est le père de Marina Hands !
Mais Bruce Myers, lui, s’ennuie. Quelque part, il doit avoir en lui le sang des steppes ou les vastes paysages âpres des mers du Nord. Sa famille paternelle est originaire de Vilnius. Son grand-père s’était exilé en Afrique du Sud et s’était marié à Johannesburg, devenant commerçant. Il le racontait en s’amusant, du temps du Mahabharata, dans cette carrière Boulbon qui fit rêver chacun, en juillet 1985? Pourtant, rompant avec la prestigieuse Royal Shakespeare pour devenir professeur de voile non loin de l’Ecosse, un peu à la manière d’un Jean-Marc Stehlé élevant des moutons en Patagonie, il n’oublie pas le théâtre…
Avec Peter Brook, tout est neuf, tout est ardent, tout est recherche. De Timon d’Athènes, donc, en 1974, jusqu’à Love is my sin, en 2009, de Shakespeare à Shakespeare, il s’est enfoncé dans des savoirs extraordinaires, ceux d’Iran, d’Afrique, d’Inde (il fut donc, on l’a dit, évidemment de l’épopée du Mahabharata dès 85 et fit la tournée internationale en anglais, et le film), les savoirs de la science la plus pointue, mathématiques, neurologie, mais le grand voyage fut celui de la mystique et de la poésie et ce n’est pas pour rien qu’une de ses apparitions les plus profondes fut celle du Grand inquisiteur, d’après Dostoïevski, que le très regretté Maurice Benichou avait créé quelques années auparavant.
Il y en aurait des rôles à rappeler. Avec Bruno Boëglin, avec Lukas Hemleb, avec Julie Brochen, il a également joué.
Peter Brook le dit sobrement : « Une importante figure du théâtre vient de nous quitter, Bruce Myers, un acteur unique, dont nous portons aujourd’hui le deuil. »
Il demeure dans le cœur et la mémoire de tous ceux qui l’on applaudi. Il y avait du chat en lui. Il n’est pas loin, sans doute.
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
April 7, 2020 12:44 PM
|
Par Philibert Humm dans Le Figaro 7 avril 2020 DISPARITION - Le comédien et metteur en scène est décédé mardi des suites du Covid-19 à l’âge de 85 ans. Cet amoureux des textes classiques avait formé, dans son cours, les plus célèbres acteurs français.
Le rideau vient de tomber sur un pan du théâtre français. Il serait vain de dresser ici la liste des anciens élèves de Jean-Laurent Cochet tant ils sont nombreux. Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Carole Bouquet, Michèle Laroque, Claude Jade, Bernard Giraudeau et tant d’autres. Chacun d’eux, Jean-Laurent Cochet les a formés, façonnés à sa manière. Sans lui, la scène française n’aurait pas tout à fait la même mine.
À lire aussi : Fabrice Luchini: «Hommage à mon maître Jean-Laurent Cochet» Né en le 28 janvier 1935 à Romainville (93), Jean-Laurent Cochet contracte très tôt le goût des planches. Irrémédiablement attiré par les arts d’interprétation il entre en 1956 au Conservatoire dans les classes de René Simon et Jean Meyer et obtient avant ses 25 ans deux premiers prix, à l’unanimité, de comédie classique et moderne. Cochet est engagé dans la foulée comme pensionnaire à la Comédie-Française où il interprétera jusqu’en 1963 près d’une centaine de rôles. Cette année-là, il prend la direction des matinées classiques au Théâtre de l’Ambigu mais brûle déjà de s’installer à son compte. L’année suivante, alors qu’il n’a pas 30 ans il démissionne de la Comédie-Française et ouvre au Théâtre Édouard-VII son propre cours d’art dramatique.
Dès les premiers temps, sa méthode ne fait pas de mystère. Le texte, le texte avant tout, et la fable comme outil principal de son apprentissage. Cochet faisait travailler les fables à ses élèves comme on ferait faire leurs gammes à des musiciens. Dans le français le plus pur, celui de La Fontaine, sont selon lui contenues toutes les subtilités du verbe. La note ouverte, la «réaccentuation», ces techniques infimes et primordiales qui échappent bien souvent au spectateur mais font le virtuose.
Hallucinant de précision, de rigueur et d’imagination Maxime d’Aboville, élève du «Maître» à la fin des années 2000, se souvient du premier cours auquel il lui fut donné d’assister: «Je l’ai immédiatement trouvé odieux! Odieux et tout à fait passionnant… Si l’un d’entre nous avait le malheur de se racler la gorge pendant qu’il dispensait son cours, il était sommé de sortir. Mais grâce à lui nous avons été un certain nombre à comprendre que nous jouions là nos vies.» Hallucinant de précision, de rigueur et d’imagination, l’enseignement de Cochet confine quelque fois au masochisme. Une exigence folle qui lui fait remettre cent fois sur le métier les ouvrages imparfaits.
Personnalité incontournable, et accoucheur de si nombreux talents, Jean-Laurent Cochet n’en reste pas moins en marge du paysage théâtral. Notamment parce que, selon sa conception du métier, l’art dramatique reposait avant tout sur le travail du comédien. Cochet goûte assez peu la prévalence des metteurs en scène et leur prise de pouvoir à partir des années 1980. Moins encore l’évolution de l’art dramatique comme un moyen d’expression corporelle. Pour lui, tout l’art du comédien consiste au contraire à s’effacer, et à puiser dans le texte de quoi faire oublier la brochure. Sois toi-même, et autres injonctions de l’époque, très peu pour lui… Cochet n’est pas à la mode et ne s’en cachera jamais. Il nourrit une passion pour les auteurs délaissés et cultive des références à contretemps: Montherlant, Giraudoux, Guitry, Anouilh, Achard et Bourdet sont pour lui les «six grands qui contiennent tout ce qu’on fait de plus varié, de plus riche, de plus profond, de plus complet, au théâtre».
Quitter Cochet, c’était extrêmement difficile. Il était tellement affectif qu’il vivait comme un abandon le départ de ses élèves
Maxime d’Aboville Doué d’une mémoire hallucinante, d’une articulation sans pareille, ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin vantent aujourd’hui son érudition, son esprit et ses mémorables colères. «Quitter Cochet, c’était extrêmement difficile, confirme Maxime d’Aboville. Il était tellement affectif qu’il vivait comme un abandon le départ de ses élèves. Je crois savoir qu’il m’a longtemps considéré comme le dernier des pestiférés.» Ce qui ne l’empêche pas, après un temps, d’entretenir les meilleurs rapports avec nombre de ses anciens élèves.
En 2003, approchant les quarante années d’exercice, Jean-Laurent Cochet, selon qui «rien n’augmente tant le talent d’un interprète que lorsqu’il enseigne», adoube l’un de ses anciens protégés, Pierre Delavène, qu’il nomme professeur avant de lui confier la direction du cours en 2006. Le maître dit avoir trouvé son double et progressivement passe la main. «Un jour, écrivait-il dans son dernier livre, un jour, je ne ferai plus qu’associer mon nom à la façon qu’on aura de dispenser mon enseignement. Et c’est lui qui prendra le relais.» Il semblerait que ce jour-là soit venu.
Chrono 28 janvier 1935. Naissance à Romainville (Seine-Saint-Denis).
1956. Entre au Conservatoire de Paris.
1963. Démissionne de la Comédie-Française pour donner des cours de théâtre.
1965. Ouverture du Cours Cochet.
1971. Première mise en scène pour l’émission «Au théâtre ce soir».
1984. Joue dans le film Fort Saganne aux côtés de ses élèves Gérard Depardieu et Michel Duchaussoy.
2010. Publie L’Art et la Technique du comédien (Pygmalion)
2013. Son cours devient le cours Cochet-Delavène. Il y enseignera jusqu’en 2O17.
7 avril 2020. Décède à l’hôpital Bichat, à Paris, du Covid-19.
Crédit photo Jean-Laurent Cochet en 2007. Marc Soyez / ALAMO À lire aussi : «Son enseignement était prodigieux»: le monde du théâtre pleure Jean-Laurent Cochet
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
March 11, 2020 6:51 PM
|
Sur le site de FranceTV Info, lr 11 mars 2020 Didier Bezace est mort à son domicile parisien, ce mercredi 11 mars 2020, à l'âge de 74 ans, des suites d'une longue maladie qu'il combattait depuis plusieurs années. Le comédien et metteur en scène français était connu pour son engagement et "l'intégrité de ses spectacles", comme l'a souligné le syndicat national des metteurs en scène. Il a créé des spectacles mythiques qui ont marqué l'histoire du théâtre dans les années 80.
Directeur de théâtre et metteur en scène récompensé Après avoir participé à mai 68, il fonde en 1970 avec Jean-Louis Benoît et Jacques Nichet le Théâtre de l'Aquarium à La Cartoucherie de Vincennes qui explore des formes nouvelles. Là, il expérimente de nouveaux textes, un esprit de révolte puisé dans l'esprit de 68, et son goût du partage avec le public, l'invitant à festoyer après les spectacles. Didier Bezace prend ensuite la direction du Théâtre de la Commune d'Aubervilliers de 1997 à 2013. Bezace cherche dans le réel matière à théâtre, et se soucie de rendre les spectacles accessibles à tous les publics.
En tant que metteur en scène, il monte des textes d'auteurs classiques et contemporains comme Luigi Pirandello, Molière ou Bertolt Brecht et en 2001, présente sa version de L''Ecole des femmes de Molière à la Cour d'honneur au Festival d'Avignon, avec Pierre Arditi.
Artiste engagé, il avait signé en 2013 le livre D'une noce à l'autre - un metteur en scène en banlieue. La maire d'Aubervilliers, Meriem Derkaoui, a rendu hommage dans un tweet à celui qui "avait su allier le théâtre politique et le théâtre poétique".
Il a créé en 2004 Avis aux intéressés de Daniel Keene, qui a reçu le Prix de la critique pour la scénographie et une nomination aux Molières pour le second rôle.
En mai 2005, il a reçu le Molière de la meilleure adaptation et celui de la mise en scène pour la création de La Version de Browning de Terence Rattigan.
À (ré)écouter CULTURE
Elsa Triolet et Louis Aragon, couple mythique de la littérature française
En 2014, il crée la compagnie L'entêtement amoureux, montant notamment trois pièces de Marguerite Duras et trois pièces de Feydeau. En 2018, il crée à Paris Il y a aura La jeunesse d'aimer, lecture spectacle composée de textes de Louis Aragon et Elsa Triolet autour leurs vies littéraires et amoureuses qu'il interprète aux cotés d'Ariane Ascaride.
Au cinéma, avec Claude Miller ou Bertrand Tavernier Au cinéma, il a joué dans une trentaine de films dont L.627, Ça commence aujourd'hui de Bertrand Tavernier et La petite voleuse de Claude Miller, ainsi que dans plusieurs dizaines de téléfilms. Bande-annonce du film L. 627 : https://youtu.be/b6m7bfAxI1Q
> Réécoutez Didier Bezace dans l'émission Dans tes rêves, en 2017 Légende photo : Didier Bezace © Maxppp / PHOTOPQR/LA DEPECHE DU MIDI
|
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 17, 2020 2:35 PM
|
ParGuillemette de Préval dans La Croix, le 15/05/2020 Le dramaturge allemand est décédé le 13 mai, à l’âge de 89 ans. Il fut l’auteur, en 1963, de la pièce controversée « Le Vicaire » qui dénonçait le silence du pape Pie XII face aux crimes nazis. Cette page d’histoire devrait être prochainement mieux connue, les archives du pontificat de Pie XII ayant été ouvertes aux chercheurs en mars dernier.
Né en 1931, Rolf Hochhuth a grandi en Hesse, en Allemagne, sous le régime nazi. Ce fils de fabricant de chaussures est embrigadé dans les Jeunesses hitlériennes, comme de nombreux jeunes de sa génération. La guerre et le national-socialisme constitueront le cœur de son œuvre.
À l’instar de sa première pièce, Le Vicaire qui relate le destin de Kurt Gerstein, un SS témoin de l’extermination des Juifs en Pologne. Il tenta d’en informer le Vatican par la nonciature de Berlin, en vain. Jouée pour la première fois à la Volksbühne, à l’époque à Berlin-Est, en février 1963, la pièce fait aussitôt scandale par sa dénonciation explicite du silence de Pie XII sur la Shoah. La traduction de la pièce en 17 langues et son adaptation dans 27 pays - dans un climat très tendu à Paris, au théâtre de l’Athénée, en décembre 1963 - puis sa reprise au cinéma avec Amen de Costa-Gavras, achevèrent de créer « l’affaire Pie XII ».
Polémiques L’historienne Muriel Guittat-Naudin, autrice de « Pie XII après Pie XII. Histoire d’une controverse » (1) rappelle qu’avant Le Vicaire, l’opinion publique était plutôt favorable au pape sur ce sujet, de toute façon peu abordé. La pièce « fracasse », selon ses mots, l’image positive du pontife élu en 1939 et mort en 1958, ce qui déstabilise au plus au point l’épiscopat.
L’historienne mentionne la réaction de Mgr Feltin, alors archevêque de Paris : « Il n’est des sujets que l’on aborde qu’avec respect. Ainsi en est-il de la suprême responsabilité d’un pape au cœur d’un drame aussi tragique que celui qui secoua le monde, il y a vingt ans. » Retenue dont ne fait pas preuve l’archevêque de New York, le cardinal Spellman, qui dénonce aussitôt une pièce « qui outrage la mémoire d’un homme grand et bon ».
L’épiscopat allemand rend même hommage à celui qui « a élevé sa voix contre les atrocités inhumaines, particulièrement contre la suppression et la destruction d’individus et de peuples », faisant référence au message de Pie XII, à Noël 1942, sur Radio Vatican. Le pape évoquait ces « centaines de milliers de personnes, qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive ».
Pour répondre à ces accusations, Paul VI, en plein concile Vatican II, confie à des historiens jésuites le soin de publier une sélection de documents d’archives du Vatican, publiés de 1965 à 1981. En 2004, Jean-Paul II ouvre les archives du Bureau d’informations pour les prisonniers de guerre.
Si la pièce de Rolf Hochhuth a pu avoir comme vertu d’éclairer le rôle de l’Église pendant la période nazie, beaucoup d’interrogations demeurent sur les motivations de son écriture. Dans sa thèse, Muriel Guittat-Naudin montre que certains interprètent le geste de l’auteur comme une façon de dédouaner le peuple allemand de ses responsabilités, en faisant tout reposer sur les épaules du pape. Dans la pièce, son personnage se lave les mains en apprenant les déportations massives de Juifs, et il apparaît bien plus obsédé par la lutte contre le communisme.
Or, rappelait Philippe Chenaux (2), professeur d’histoire de l’Église moderne et contemporaine à l’université pontificale du Latran, interrogé par La Croix au moment de l’ouverture, au mois de mars, des archives du pontificat de Pie XII, « il y a eu, certes, un certain silence, mais c’était un silence douloureux, tourmenté, assumé dans l’intérêt des victimes – et non pour des raisons politiques ni par antisémitisme ».
« Briseur de tabou » En pleine guerre froide, c’est bien l’ensemble des États qui fait alors preuve d’une relative frilosité dans la condamnation des horreurs nazies. Le procès Eichmann, qui ouvre en 1961, est le premier procès d’un criminel nazi depuis celui de Nuremberg en 1945.
Nul doute qu’en cela, Rolf Hochhuth a été un « courageux briseur de tabou », tel que le qualifie le Conseil central des Juifs en Allemagne. Le gouvernement allemand salue, lui, la mémoire d’un écrivain engagé qui n’a jamais eu « peur des débats controversés ».
L’hebdomadaire allemand Die Zeit rappelle que ses recherches sur le rôle des anciens juges nazis en République fédérale menèrent à la démission de l’ancien Premier ministre du Bade-Wurtemberg Hans Filbinger, en 1978. Mais le journal évoque aussi que, dans les années 2000, Rolf Hochhuth prit la défense de l’historien britannique négationniste David Irving…
D’un tempérament impulsif, le dramaturge manifestait souvent son désaccord avec la direction du Berliner Ensemble, théâtre dont il fut propriétaire. Le titre de sa biographie, écrite par Birgit Lahann en 2016, résume efficacement la vie de ce personnage : Der Störenfried, « le perturbateur » en allemand.
(1) Éditions de l’EHESS, coll. « Cas de figure », 2015, 339 p.
(2) Pie XII : diplomate et pasteur, Cerf, 2003, 462 p., 32 €
À lire aussi : PIE XII, de Pierre Milza - Éditions Fayard, 475 p., 25 €
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 1, 2020 5:36 AM
|
Publié le 30 avril dans les Dernières Nouvelles d'Alsace - DNA André Pomarat, fondateur de l'actuel TJP, est décédé, a-t-on appris ce jeudi. Né en 1930 à Thimonville (Moselle), il avait démarré sa carrière au Centre dramatique de l’Est (actuel TNS), d’abord comme élève à l’école puis comme comédien dans la troupe. En 1974, il tourne cette page et fort du soutien de Pierre Pflimlin et Germain Muller se lance dans l’aventure de la MAL (Maison des arts et loisirs), devenue Théâtre Jeune Public en 1983 puis Centre dramatique national en 1991 avant d'être rebaptisé TJP en 2012. «Le théâtre n’a jamais été destiné au jeune public exclusivement», expliquait André Pomarat, tout en soulignant «qu’il fallait évidemment faire des choses pour les enfants». Présentation d'André Pomarat dans le site du TJP Corps-Objet-Image.com http://www.corps-objet-image.com/petite-scene-et-grande-scene-le-developpement-essentiel-du-projet-4 ANDRE POMARAT : UN PIONNIER DE LA DECENTRALISATION Héritier de la décentralisation théâtrale, André Pomarat revendique une triple filiation : celle d’André Clavé (directeur du Centre Dramatique de l’Est de 1947 à 1951), celle de Michel Saint-Denis (fondateur en 1954 de l’École Supérieure d’Art Dramatique de Strasbourg dont il fut l’élève) et celle d’Hubert Gignoux (directeur du Centre Dramatique de l’Est de 1957 à 1971) qui l’engage dans la troupe permanente de ce qui deviendra en 1968 le Théâtre National de Strasbourg. Inspiré par ces trois modèles et fort de sa notoriété de comédien et de professeur au TNS, André Pomarat s’engage à partir de 1974 dans une nouvelle aventure strasbourgeoise, la Maison des Arts et Loisirs, aidé par une équipe soudée et militante. La Compagnie du Théâtre Jeune Public naît en 1982 : la MAL devient alors MAL/TJP, Centre Régional du Théâtre Jeune Public, avant d’achever en 1991 sa mue avec la création du 6e Centre Dramatique National pour l’Enfance et la Jeunesse, dirigé par Pomarat jusqu’en 1997. Durant ces années d’intense activité, André Pomarat, venu au théâtre par amour du verbe, doit limiter ses engagements d’acteur. Mais il participe à des projets qui lui tiennent à cœur, dont en 1985 La Légende des siècles d’après Victor Hugo qui, mise en scène par François Lazaro, reçoit trois prix au Festival Off d’Avignon. Jeune, André Pomarat rêvait de devenir architecte. Homme d’une seule construction, mais qu’il a su faire grandir jusqu’à ce qu’elle devienne une institution de premier plan, il a tout à la fois arpenté les routes d’Alsace avec une programmation décentralisée et quelquefois bilingue, fait tourner ses productions à travers la France et l’Europe, et ouvert son théâtre aux artistes internationaux. Conscient de la position stratégique de Strasbourg, André Pomarat rêve, dès 1987, à un label de Centre Dramatique Européen pour l’Enfance et la Jeunesse. Aujourd’hui que l’ouverture internationale est une composante incontournable du paysage artistique, le TJP a toujours plus à cœur de multiplier les partenariats avec les artistes et les institutions européennes. Photo (c) DNA - Michel Frison
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
April 18, 2020 9:56 AM
|
Hélène Châtelain dans « La Jetee » (1962), de Chris Marker. Everett/Bridgeman images/Leemage Elle est apparue pour la première fois au cinéma dans l’un des plus beaux films du monde : La Jetée (1962), de Chris Marker, un court-métrage d’anticipation de 28 minutes, unique en son genre, car entièrement composé de photographies fixes. Son visage, familier et néanmoins mystérieux, était figé sur la crête de l’instant, pris dans la glaise durcie du temps, son rayonnement singulier se dérobant comme un souvenir lointain. Hélène Châtelain était alors une jeune comédienne de 25 ans, entrée au théâtre « comme en religion », engagée dans l’aventure politique de la décentralisation.
Proche du mouvement libertaire, passionnée par l’histoire de ses luttes, elle ne se refuserait, pour mieux les mettre au jour, aucun mode d’expression et deviendrait aussi bien scénariste et réalisatrice, que traductrice (du russe vers le français) et éditrice. Elle est morte le matin du 11 avril, à l’âge de 84 ans.
Lire aussi : Bel hommage à « La Jetée », de Chris Marker Hélène Châtelain naît, à Bruxelles, le 28 décembre 1935, d’un père russe et d’une mère ukrainienne émigrés. Elle commence des études universitaires et théâtrales, qu’elle poursuit en France dès 1956. A Paris, elle travaille avec le metteur en scène Jean-Marie Serreau, joue Ionesco et des textes de l’écrivain algérien Kateb Yacine. Elle monte ensuite, selon l’expression consacrée, « sur le chariot de Thespis », battre la campagne française, de village en village, pour perpétuer la flamme du théâtre itinérant.
L’œuvre filmée d’Hélène Châtelain est considérable, une trentaine de films, principalement des documentaires, consacrés la plupart du temps aux figures de l’anarchisme
De retour à Paris, elle intègre la troupe du Théâtre national populaire (TNP) alors dirigé par Georges Wilson. En 1962, année charnière, elle joue dans La Jetée le rôle d’une jeune inconnue, à laquelle un voyageur du temps, venu d’un futur dévasté, rend des visites inopinées, sans se douter qu’elle n’est peut-être qu’un mirage, un fantôme de sa propre mémoire. C’est au même moment que Chris Marker, le réalisateur, lui présente Armand Gatti, auteur, dramaturge et cinéaste, auprès duquel elle s’engage pour un long et fructueux compagnonnage artistique.
Entre 1966 et 1968, Hélène Châtelain assiste Gatti dans la mise en scène de ses pièces. A l’automne 1968, après le tourbillon de mai, La Passion du général Franco, programmée au TNP, est frappée d’interdiction par le ministère des affaires culturelles, sous la pression du gouvernement espagnol. Le dramaturge s’exile à Berlin, et Châtelain consomme sa rupture avec les planches. Elle se tourne alors vers la réalisation avec un premier film, Les Prisons aussi (1973), au sujet du groupe d’information sur les prisons, fondé par Michel Foucault. Deux ans plus tard, elle retrouve Gatti à l’occasion d’une résidence d’écriture à Montbéliard (Doubs). Il en sortira une vaste et magnifique fresque de huit films, Le Lion, sa cage et ses ailes (1975-1977), sur la classe ouvrière et les travailleurs immigrés du site de Peugeot-Montbéliard. Tourné à six mains (avec Stéphane Gatti, le fils d’Armand) avec le tout nouvel outil vidéo, à l’usage léger, cet ensemble majeur, d’une durée totale de cinq heures trente, nécessitera deux ans de montage.
D’importantes pièces à conviction L’œuvre filmée d’Hélène Châtelain est considérable, une trentaine de films, principalement des documentaires, consacrés la plupart du temps aux figures de l’anarchisme : Nestor Makhno, fondateur des premières communes libertaires autogérées en Ukraine (Nestor Makhno, paysan d’Ukraine, 1996), Sacco et Vanzetti (Chant public devant deux chaises électriques, 2001) ou encore Bobby Sands, activiste incarcéré de la cause républicaine irlandaise (Irlande, terre promise, 1982).
Au début des années 1990, la cinéaste se tourne vers la Russie et affronte le refoulé de la dissidence soviétique. Plusieurs de ses films constituent d’importantes pièces à conviction dans ce dossier historique, comme l’extraordinaire Goulag (2000), coréalisé avec son complice Iossif Pasternak, qui rassemble de rares images d’archives et nombre d’entretiens avec des survivants du système concentrationnaire.
Lire aussi « Récits de la Kolyma », de Varlam Chalamov, l’autre témoignage du goulag Au milieu de tout cela, Hélène Châtelain a trouvé le temps de traduire de grands auteurs russes : Anton Tchekhov, Leonid Andreïev, Boris Pasternak, entre autres. En 2010, elle fonde la précieuse collection « Slovo », aux éditions Verdier, pour publier, notamment, les Récits de la Kolyma, de Varlam Chalamov (2003), et d’autre textes inédits de Sigismund Krzyzanowski, Daniil Harms, Iouri Dombrovski ou Vassili Golovanov.
C’est dire si le vide intellectuel, artistique et politique qu’elle laisse est immense, impossible à combler. Mais si l’on en croit la boucle temporelle de La Jetée, que sa présence illuminait, la fin n’est jamais qu’une façon de revenir au début et de tout recommencer de zéro.
Hélène Châtelain en quelques dates 28 décembre 1935 Naissance à Bruxelles.
1962 « La Jetée », de Chris Marker.
1966-1968 Travaille avec le metteur en scène Armand Gatti.
1975-1977 Réalise « Le Lion, sa cage et ses ailes ».
2000 « Goulag » (2000).
11 avril 2020 Mort.
Mathieu Macheret
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
March 15, 2020 12:14 PM
|
Par Armelle Héliot dans son blog, le 12 mars 2020 Fondateur de théâtres, metteur en scène, chef de troupe, directeur d’institutions, lettré, comédien aimé des cinéastes, il s’est éteint prématurément, vaincu par la maladie, mercredi 11 mars.
Le hasard a voulu que l’on apprenne la mort de Didier Bezace alors que l’on attendait un bus pour se rendre à Sartrouville et découvrir la version de Penthésilée de Kleist proposée par Sylvain Maurice, avec Agnès Sourdillon, entourée de musiciens et chanteuses.
Agnès Sourdillon, l’Agnès de L’Ecole des femmes de Molière, avec Pierre Arditi dans le rôle d’Arnolphe. Première dans la cour d’Honneur du palais des Papes d’Avignon. L’orage le plus violent qu’il nous ait été donné de voir en des dizaines d’années. Un orage éclatant quelques minutes avant 22h00, alors que les comédiens étaient évidemment déjà dans leurs costumes, prêt à entrer en scène. Un orage fantastique qui donna l’impression à ceux qui avaient pu se glisser dans le bâtiment, pour réconforter les artistes et techniciens, que la cour était sous l’eau, littéralement sous l’eau… C’était en juillet 2001.
Ce n’était pas la première fois que Didier Bezace était à l’honneur à Avignon. Dès les années 80, avec l’ami Nichet, il avait présenté un Feydeau déménage concocté loin de la Cartoucherie, qui était alors sa base. C’est là, en effet, qu’avec Jean-Louis Benoit et Jacques Nichet, Didier Bezace avait fondé –et construit ! – le Théâtre de l’Aquarium. Pour revenir à Avignon, il y présenta de mémorables spectacles, élaborés à partir de textes non forcément théâtraux. Ainsi Le Piège de Bove, ainsi que Pereira prétend d’après Tabucchi, deux mises en scène de 1996, avant la formidable découverte du Colonel Oiseau de Hristo Boytchev, en 99 avec ses comédiens et avec Jacques Bonnaffé. Avignon revient d’abord, à causes de minces circonstances. Mais une pluie d’images et de souvenirs nous assaille dès lors que l’on est devant ce fait si triste : la mort d’un grand homme de théâtre, un défenseur du service public et aussi un comédien adoré des cinéastes et d’un large public. On ne peut revenir sur chacun des spectacles mis en scène et/ou joués par l’artiste intransigeant que fut, sans trêve, Didier Bezace. Un caractère très intransigeant, mais sans raideur aucune, ni posture, ni calcul. Un grand esprit, une âme forte, un homme courageux dans ses choix comme face à la maladie, puisqu’il aura repris il y a quelques mois à peine, avec son amie Ariane Ascaride, ce qui aura été son ultime spectacle, créé en 2019 au Lucernaire : Il y aura la jeunesse d’aimer, d’après Louis Aragon et Elsa Triolet. Un message, sans doute, d’un être pudique, ferme dans ses actions, profondément politique dans sa manière de penser le théâtre service public et d’offrir des choix de haute qualité au public du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers qu’il dirigea de 1997 à 2013. Jack Ralite avait pensé à lui. Jacques Nichet était à Toulouse. Benoit resta seul un moment dans leur berceau de l’Aquarium. Didier Bezace ne se contenta pas de proposer un programme brillant et fédérateur. Il réussit à renouer avec le public qu’il fit revenir dans une institution un peu désertée, un public large et ouvert. C’est cela, l’œuvre de Didier Bezace, par-delà les dizaines et les dizaines de mises en scène, les bonheurs partagés dans les salles, l’art qu’il avait de réunir des interprètes fins et originaux, l’art de la troupe, car, depuis ses tout débuts, Didier Bezace n’aura jamais exercé son métier de vivre comme un exercice solitaire, mais comme un travail à partager. Et ce dès 1976, lors de la création collective à succès de La jeune lune tient la vieille lune toute la nuit dans ses bras. S’il était né et avait grandi à Paris, c’est à Nancy qu’il s’était glissé dans son premier centre de formation, avant, 68 aidant, de plonger dans le grand bain de l’Université du Théâtre des Nations que dirigeait alors André-Louis Perinetti. Il connaissait ses aînés, les écoutait, de Bernard Dort à Gilles Sandier, ne lâchait jamais les fils de la transmission et engageait de grandes figures, d’Isabelle Sadoyan pour le merveilleux Conversations avec ma mère d’après le film de l’Argentin Santiago Carlos Oves, en 2007 et repris en 2011 ou Emmanuelle Riva pour Duras, en 2014, à l’Atelier. Que choisir ? Que retenir ? Il n’a jamais cessé de travailler et de beaucoup travailler. Défendant l’institution, jouant au théâtre mais aussi beaucoup au cinéma et à la télévision. Les réalisateurs et réalisatrices aimaient sa personnalité forte. Un charme, une voix très harmonieuse, un regard, une autorité. Claude Miller, Bertrand Tavernier, André Téchiné, Marcel Bluwal, Jeanne Labrune, Caroline Huppert, Thierry Binisti, Jean-Daniel Verhaeghe, Claude Zidi ou le plus rare Jean-Pierre Darroussin, pour n’en citer que quelques-uns se sont appuyés sur son jeu sûr. Il agissait. Il pensait aux autres. Il ne se mettait pas en avant. Il y avait les textes, que lecteur impénitent il rêvait de porter au théâtre, de partager. Il y avait sa troupe, tous ces comédiennes et comédiens qui s’accordaient à l’esprit particulier de leur camarade. Et puis ces pépites, Marguerite et le Président dès 92 ou encore La Femme changée en renard en 94, Chère Elena, La Version de Browning, les pièces de Daniel Keene ou encore, à la fin, le joyeux et noir Feydeau de Grignan, il y a à peine cinq ans, sous le titre Le Diable s’en mêle. Vers la fin des années Aubervilliers, il s’était à nouveau inspiré d’un film, qui se passait en Roumanie, Au Diable Staline ! Vive les mariés d’Horatiu Malaele pour mettre en œuvre Que la noce commence ! Il le disait alors : « Au coeur de la comédie politique se cache en outre un sens profond qui m’incite à faire de ce projet le signe de ma démarche artistique depuis le Théâtre de l’Aquarium jusqu’à celui de La Commune d’Aubervilliers. Que la noce commence est aussi un hommage au théâtre. Comme ces acteurs italiens dont on dit qu’ils ont inventé mime et pantomime pour contourner les contraintes d’une censure de plus en plus rigoureuse et continuer à parler quand même sur le tréteau des places publiques, les villageois roumains, réduits au silence par l’oppresseur, réinventent un vocabulaire gestuel pour parler leur noce ; résistants et poètes, ils sont le théâtre populaire, tour à tour tonitruant, farceur, silencieux et inventif : vainqueur par imagination, vaincu par la bêtise. Comédiens et gens du peuple sont ces gens de peu, infiniment petits et fragiles, infiniment grands et forts, de cette force inattendue toujours réinventée et imprévisible que craignent tant les puissants parce qu’elle est le germe de la révolte. » Un grand aveu, simple et noble, fraternel, en quelques lignes. Au sortir du Théâtre de la Commune, il avait fondé une nouvelle compagnie, au très beau nom, L’Entêtement amoureux. Dans un livre publié aux Solitaires Intempestifs, il parle, humblement et clairement du grand travail de sa vie : D’une Noce à l’autre, un metteur en scène en banlieue. Crédit photo : France Inter/DR
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
June 11, 2019 6:35 PM
|
par Gilles Costaz dans WebThéâtre 04.06.2019 Marcel Maréchal lit son livre de chevet.
On n’avait pas revu Marcel Maréchal depuis plusieurs années. Le grand comédien, découvreur de Jean Vauthier et Jacques Audiberti, l’ex-directeur de la Criée à Marseille, semblait s’être retiré du métier. Il n’en est rien. Le revoilà dans une lecture, mais dans la lecture d’un de ses livres de chevet, Pierre-Auguste Renoir, mon père de Jean Renoir. Dans cet ouvrage, le cinéaste raconte son père, dans un élan filial mais aussi dans le regard d’un artiste qui doit tout à celui qui l’a formé. Les années d’adolescence de Jean correspondent au déclin physique d’Auguste. Le peintre est perclus de douleur, tient difficilement ses pinceaux mais il ne quitte pas son atelier, il veut peindre et dessiner jusqu’à la mort. Pendant ce temps-là, le monde change, devient commercial. Pierre-Auguste résiste à tout et se confie à son petit-fils ses secrets pour inscrire la beauté sur la toile Le texte est très méditerranéen, illuminé par la lumière du midi. Marcel Maréchal est lyonnais (ça tombe assez bien : Renoir dit son amour de l’authentique Guignol de Lyon). Mais le comédien sent avec Auguste Renoir une sorte de gémellité, dans l’amour de la nature et dans la volonté d’un dépassement permanent dans la pratique de l’art. Et avec Jean Renoir une évidente fraternité, fondée sur un certain épicurisme, sur un goût de l’allégresse. Marcel Maréchal lit avec une gourmandise émue un évangile artistique
Pierre-Auguste Renoir mon père de Jean Renoir, lecture de Marcel Maréchal.
Théâtre de Poche-Montparnasse, Le lundi, 19 h, jusqu’au 8 juillet, tél. : 01 45 44 50 21. (Durée : 1 h 10).
Photo Nicolas Lartigue.
|