Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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February 29, 2020 6:30 PM
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Camille Trouvé : « Dans “Le Bal marionnettique”, nous voulons abolir la frontière avec le public »

Camille Trouvé : « Dans “Le Bal marionnettique”, nous voulons abolir la frontière avec le public » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Cristina Marino Publié dans Le Monde le 27 février 2020

La comédienne marionnettiste évoque le parcours de sa compagnie Les Anges au plafond, qui fête ses 20 ans avec une nouvelle création pour le festival Marto !, également vingtenaire.


Coïncidence, la compagnie Les Anges au plafond et le festival Marto ! (Marionnettes et objets), du 29 février au 14 mars, fêtent tous deux leurs 20 ans d’existence. De quoi leur donner l’envie de célébrer cet anniversaire commun avec Le Bal marionnettique, créé spécialement pour l’occasion. Deux dates sont programmées dans les Hauts-de-Seine, lieu d’implantation de la compagnie et du festival : le dimanche 8 mars, au Théâtre Jean Arp (hors les murs, pour cause de travaux) à Clamart, et le samedi 14 mars au Théâtre 71 à Malakoff.

Pourquoi Marto ! a-t-il fait appel aux Anges au plafond pour célébrer ses 20 ans ?
Nous partageons avec ce festival une histoire commune : notre compagnie est née en 2000, pratiquement en même temps que la première édition de Marto !. Les organisateurs nous ont laissé carte blanche pour fêter ensemble cet anniversaire. Nous voulons pour cette occasion célébrer la marionnette sous toutes ses formes et abolir totalement la frontière avec le public. La scène sera transformée en une grande piste de danse sur laquelle les spectateurs seront invités à monter pour participer activement à ce Bal marionnettique. Il y aura une cinquantaine de marionnettes à manipuler, de différentes tailles et avec plusieurs techniques (portées, à fil, etc.). Nous les avons toutes fabriquées nous-mêmes, en collaboration avec le Théâtre Eurydice – ESAT (Etablissement et service d’aide par le travail) Plaisir (Yvelines), qui emploie des travailleurs en situation de handicap.

Comment avez-vous préparé cette nouvelle création collaborative ?
Nous avons organisé, depuis janvier, une série de master classes afin de former des « barons » au sein du public, qui seront des ambassadeurs, des intermédiaires entre la troupe des Anges au plafond et les spectateurs, pour rendre plus fluide la participation des uns et des autres à la représentation. Ça a été très intéressant de voir comment les gens se sont emparés du projet, nous avons eu tous les types de participants : des audacieux qui se sont jetés dans l’aventure sans limite ; des timides, plus en retrait, qui ont pris le temps d’observer avant d’oser bouger… Nous avons hâte de voir comment la sauce va prendre entre les différents acteurs de ce spectacle inédit, le public, les comédiens marionnettistes, les marionnettes.

La musique sera jouée en direct avec un orchestre de six musiciens et il y aura aussi des meneurs et meneuses de bal. Nous souhaitons transmettre notre savoir-faire dans l’art de manipuler les marionnettes et partager notre expérience avec le plus grand nombre de personnes.

Quels sont les éléments fondateurs de votre compagnie ?
L’un des piliers des Anges au plafond – nés de la rencontre entre deux artistes, Brice Berthoud et moi-même – est le travail du comédien et son rapport de manipulation avec la marionnette. Dès notre première création, Le Cri quotidien (2000), nous avons mis en œuvre ce qui constitue l’ADN de notre équipe : en particulier, la part de jeu que le manipulateur délègue à l’objet marionnettique. Mais aussi le travail du papier, matière première de la plupart de nos marionnettes, et la musique jouée en direct sur le plateau, une constante dans nos spectacles.

Nous réfléchissons également sur la place des spectateurs dans le dispositif dramaturgique et scénographique. Pour notre deuxième spectacle, Les Nuits polaires (2004), nous avons tenté de déjouer les codes traditionnels de la représentation théâtrale en installant le public en cercle autour du comédien marionnettiste sous un igloo en toile, créant ainsi une grande proximité entre les deux. Pour R.A.G.E. (2015), une création sur la vie de Romain Gary et de son double littéraire Emile Ajar, nous avons proposé à une partie des spectateurs d’assister à la représentation depuis les coulisses, d’être dans l’arrière-scène pour découvrir l’envers du décor.

D’Antigone à Romain Gary en passant par Camille Claudel, pourquoi avoir choisi ces personnes mythiques ou réelles comme sujets de vos spectacles ?
Nous avons un axe de travail commun à toutes nos créations : l’épopée. A savoir l’envie de présenter des récits de vie, des histoires articulées autour de grandes figures, que ce soit des héros ou héroïnes venus de la mythologie, ou des personnages historiques. Nous avons consacré un diptyque à deux figures antiques : Une Antigone de papier (2007) et Au fil d’Œdipe (2009). Puis nous avons recherché leurs pendants dans le monde contemporain. Depuis l’adolescence, j’ai une fascination pour Camille Claudel, une sorte d’Antigone moderne dans sa soif d’absolu, son refus des codes établis, sa révolte permanente, et une incarnation de la liberté de la femme dans un univers dominé par les hommes. Ainsi sont nés Les Mains de Camille (2012) et Du rêve que fut ma vie (2014).

Quant à la figure de l’écrivain Romain Gary, elle nous a permis d’explorer de nouvelles thématiques : la censure, la notion de double et les troubles d’identité. Nous l’avons fait une fois encore dans le cadre d’un diptyque, avec R.A.G.E. et White Dog (2017). Adapter Chien blanc, publié en 1970, nous a permis d’évoquer la société américaine des années 1960-1970 – il vit alors entre la France et les Etats-Unis avec son épouse, l’actrice Jean Seberg, très engagée dans la défense des droits des Noirs américains – et d’aborder des questions d’actualité : le racisme, la violence au quotidien, la haine de l’autre. Nous avons d’ailleurs décidé de créer White Dog le 13 novembre 2015 [le jour des attentats], qui a coïncidé avec la première représentation de R.A.G.E.

Deux créations sur mesure pour les 20 ans de Marto !
Outre Le Bal marionnettique, le festival Marionnettes et objets propose un deuxième spectacle spécialement conçu pour fêter son anniversaire : Salut public, de la compagnie aalliicceelleessccaannnnee&ssoonniiaaddeerrzzyyppoollsskkii, fondée par Sonia Derzypolski et Alice Lescanne. Autre moment fort, la 11e édition de la Nuit de la marionnette, à Clamart (Hauts-de-Seine), avec une quinzaine de spectacles, du samedi 29 février, 20 heures, au dimanche 1er mars, 6 heures. Durant quinze jours, huit autres compagnies se partageront l’affiche de ce 20e festival, pour une dizaine de représentations dans plusieurs théâtres et lieux répartis dans huit villes des Hauts-de-Seine (Bagneux, Châtenay-Malabry, Châtillon, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Issy-les-Moulineaux, Malakoff et Nanterre).

Cristina Marino

 

Légende photo : Lors d’une répétition du « Bal marionnettique » à la Fabrique des arts, à Malakoff (Hauts-de-Seine), en février. COMPAGNIE LES ANGES AU PLAFOND

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October 3, 2019 12:38 PM
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Alors Carcasse, texte de Mariette Navarro, mise en scène de Bérangère Vantusso

Alors Carcasse, texte de Mariette Navarro, mise en scène de Bérangère Vantusso | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 24 septembre 2019

 

Alors Carcasse, texte de Mariette Navarro, mise en scène de Bérangère Vantusso – Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes Charleville-Mézières 2019.





Alors Carcasse, texte de Mariette Navarro (2011, Cheyne Editeur), mise en scène de Bérangère Vantusso – Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes Charleville-Mézières 2019.

En 1999, Bérangère Vantusso crée la compagnie trois-six-trente, confectionnant des créations hybrides, situées au croisement des arts plastiques et du théâtre, où se rencontrent souvent marionnettes à taille humaine et comédiens – bel hyperréalisme.

Avec Alors Carcasse, création de 2019 en co-production ave le Festival dont les deux premières mondiales ont eu lieu à Charleville-Mézières, Bérangère Vantusso porte à la scène un texte de Mariette Navarro, poème articulé autour d’un être fictif qui hésite et attend, arrêté sur un seuil ou un bord, s’obstinant à se tenir immobile.

La carcasse est l’ensemble des ossements décharnés du corps d’un animal qui tiennent encore les uns aux autres, le squelette, l’ossature, le dessin essentiel.

Carcasse désigne aussi – familiarité – le corps humain : on « soigne sa carcasse ».

Cette Carcasse est une figure indécidable dans le poème de Mariette Navarro.

Bloquée sur le palier de notre présent, cette présence absence refuse d’obtempérer aux injonctions du monde contemporain qui la sollicitent et la « saturent ».

Non loin, Plusieurs semblent vivre la même aventure incertaine et approximative :

« Plusieurs aussi sont là, au beau milieu de leur époque, mais Carcasse particulière- ment est au seuil, caresse du pied le seuil et se tient là, avec au visage une impression d’absence qui cloche beaucoup avec le reste. »

Le personnage vaste, tantôt tel un continent – la planète mise à mal en nos temps incertains -, tantôt à notre humble échelle, témoigne d’une humanité infaillible dans son attente anxieuse et indécise – une présence maladroite et un refus existentiel.

La metteuse en scène présente à son public averti des représentations abstraites de ses personnages à travers de beaux interprètes et récitants à la fois, danseurs ou marionnettistes, qui portent ensemble et à bout de bras – au sens propre – et de manière polyphonique, la figure invisible d’une image dont la poésie résonne.

Résister aux cadres, tel est le vœu de Carcasse qui remet en cause ces derniers.

« Il semble que se tenir là ne soit pas une plaisanterie. Il semble qu’on ne plaisante pas avec un corps avec un corps comme ça qui tangue tout au bord d’un seuil et se déploie dans tous les sens. Plusieurs sentent plutôt que l’heure est grave avec des décisions à prendre et des camps à choisir. Plusieurs préfèrent préserver l’ordre et maintenir le cours des choses pour la plus grande sécurité. »

Or, « Carcasse » s’impose, le nom heurté est répété à n’en plus finir – répétitions, allitérations de consonnes nettes et coupantes, et assonances en « a » grand ouvert.

Est-ce un personnage ? Une invective ? Une figure, un corps fictif et symbolique, une marionnette peut-être pour la marionnettiste confirmée Bérangère Vantusso.

Les interprètes investissent le corps de Carcasse, redessinent sa forme, lui donnant corps, grâce à des tiges de bois, rassemblées en brassées ou bien désaccordées, portées minutieusement ou entassées en désordre sur le plateau, danse insolite.

Ces tiges en bois, soulevées et hissées à hauteur de bras, accessoires dont le manipulateur use pour animer ses créatures, façonnent le bel art singulier de la manipulation d’objets, comme un écho à notre fragilité et à la brutalité du monde.

Ils, elles portent à la fois Carcasse et Plusieurs, les construisant puis les déconstruisant, les retenant et les relâchant jusqu’à ce qu’ils forment un tas de baguettes brutes que le spectateur réinstalle à sa manière en son for intérieur.

Soit la charpente fictive d’un rêve, l’armature entrevue d’un ouvrage de songe, l’assemblage poétique des baguettes entre elles, soutenant la forme disparue.

Carcasse s’arrête sur le bord, refuse de continuer sa marche, se dégageant du flux du monde et de son emportement pour ne répondre qu’à une injonction intérieure. Et se construire soi-même – une forme, une allure, une apparence, une vision offerte.

Les tiges de bois convoquent sur le plateau un duo scénique – la marionnette et son marionnettiste -, un assemblage d’accessoires, liens et repères, accordant l’existence, nous-mêmes en miroir, tentant de vivre ainsi que vivent les hommes…

Boris Alestchenkoff, Guillaume Gilliet, Christophe Hanon, Fany Mary, Sophie Rodrigues et Stéphanie Pasquet sont des performers complices, tentant de redessiner les formes en question et de les redistribuer toujours plus poétiquement.

Véronique Hotte

Les 21 et 22 septembre 2019 au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes Charleville-Mézières (Ardennes). Du 11 au 15 octobre 2019, Studio-Théâtre de Vitry, en partenariat avec le Théâtre Jean Vilar. Les 14 et 15 novembre 2019, Festival International de Marionnettes de Neuchâtel, en partenariat avec le TPR La Chaux-de-Fonds. Du 27 au 29 novembre 2019, Théâtre de Sartrouville, CDN des Yvelines. Les 5 et 6 décembre 2019, Le Manège, Scène nationale de Reims. Du 4 au 6 février 2020, Le NEST, CDN de Thionville-Lorraine. Du 12 au 14 fév. 2020, TJP – CDN de Strasbourg – Grand Est. Le 4 mars 2020, Théâtre Jean Arp – Clamart, scène territoriale pour la marionnette et le théâtre d’objet, en partenariat avec le Festival MARTO. Du 12 au 15 mars 2020, La Manufacture des Oeillets – CDN d’Ivry.

 


Crédit photo : Ivan Boccara.

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July 6, 2019 5:35 PM
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HEN : Dans l'intimité d'une poupée badass, fluide et chantante

HEN : Dans l'intimité d'une poupée badass, fluide et chantante | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Article publié dans I/O n°100 daté du 06/07/2019
Par mariane  dedouhet
5 juillet 2019

DR

Que serait une marionnette subversive ? Une poupée de mousse et de latex qui, tout en s’animant, c’est-à-dire en développant une âme, prendrait vie sans s’anthropomorphiser ; une diva chauve, hypersexuée, dotée d’une bouche dévorante, virile à gros seins, capable de dégager charme fou, sensualité et innocence, sans que ces qualités l’enchaînent pour autant à une identité humaine : de sorte que la poupée de Johanny Bert, auteur-metteur en scène montant à l’origine d’un succès du OFF – « Le Petit Bain », en 2017 –, renverse aussi bien son statut de marionnette – trop vivante pour être inerte – que son statut d’humain – trop libre pour se laisser pétrifier dans les catégories traditionnelles binaires de ce dernier. Zigzaguant entre et hors des identités, « Hen » (pronom suédois signifiant indifféremment les genres masculin et féminin), la marionnette éponyme, poupée pleine de possibles, se raconte en chansons, alterne mélodies politiques à la recherche d’un « genre utopique », chuchotements de ses états d’âme, déhanchements et grivoiseries anatomiques (« S’il te plaît bouffe-moi la rate, et les sinus, je t’en prie fais-moi un vessie-lingus »). Dans une obscurité voluptueuse, fendue par des néons fluo, une scène de cabaret abrite son émouvante confession et ses métamorphoses physiques. Deux musiciens attentifs, joueurs de xylophone et de violoncelle électroacoustique, sculpteurs de sons délicatement immersifs, ajoutent à l’intimité de l’effet boîte. Manipulée par deux hommes en noir à vue, la marionnette séduit et effraie, l’ambiguïté de sa monstruosité rappelant à nous autres la relativité de notre normalité. Ses interludes parlés, moins « maîtrisés » que le chant, ponctués d’hésitations et de silences, constituent autant de brèches de fragilité par lesquelles semble se dévoiler la vérité d’un être. La familière étrangeté de la poupée est une invitation à la scruter de près, afin d’y reconnaître quelque chose – inclinaison du visage, soupirs –, autant de détails par lesquels un autre apparaît. Thème fourre-tout, le genre et le questionnement qui l’accompagne sont ici renouvelés par la mise en chansons, dans un décalage plus propice à la sensibilisation qu’à la réflexion théorique. Charme des chansons (Brigitte Fontaine, Gainsbourg, Ringer, Pierre Notte), poupée effrontée et attachante, originalité du dispositif : l’ensemble suscite une séduction immédiate, grâce à cette exfiltrée d’un cabinet de curiosités, infiniment émouvante, nue et sans apprêt, qu’on a autant envie d’écouter que d’enlacer.

FESTIVAL : FESTIVAL D'AVIGNON
Hen
Genre : Marionnettes, Spectacle musical
Texte : Brigitte Fontaine, Johanny Bert, Laurent Madiot, Perrine Griselin, Pierre Notte, Prunella Rivière
Conception/Mise en scène : Johanny Bert
Distribution : Anthony Diaz, Cyrille Froger, Guillaume Bongiraud, Johanny Bert
Lieu : Théâtre du Train Bleu
A consulter : http://lesindependances.com/projects/hen

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April 23, 2019 6:05 PM
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Comment les marionnettes dominent le monde

Comment les marionnettes dominent le monde | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean Talabot dans Le Figaro - 23.04.2019


SPECTACLE - Émeutes raciales, colonialisme, Tchernobyl… Les pantins s’évadent du monde merveilleux pour affronter des sujets de société. À découvrir à la 10e Biennale des arts de la marionnette.

Et si les marionnettes sortaient de leur monde feutré, fait de rêves, de poésie et de bizarreries, pour s’attaquer au monde des humains, froid, désabusé et cruel? Il en aurait toujours été ainsi, assurent les acteurs de ce petit milieu, qui considèrent le pantin comme historiquement politique. La marionnette n’est pas un acteur qui parle, c’est une «parole qui agit», disait déjà Paul Claudel, bien avant l’ère contemporaine du théâtre d’objet animé. Par ses thèmes - souvent durs - et leur modernité, le programme de la Biennale internationale des arts de la marionnette (Biam), qui célèbre sa dixième édition en mai, nous le rappelle brusquement.

«Les artistes d’aujourd’hui ont envie de parler du monde d’aujourd’hui. C’est ce qui caractérise le renouveau de cet art», assure Renaud Herbin, directeur du Théâtre jeune public de Strasbourg. Dans At The Still Point of The Turning World, qui fera l’ouverture de la Biam, l’artiste assène son credo: «Utiliser des techniques archaïques, comme le fil, et mêler ces traditions pour parler de choses essentiellement modernes, voire de visions extrêmement complexes.» Isabelle Bertola, qui est à l’impulsion de la manifestation depuis 2001 en tant que directrice du Théâtre Mouffetard à Paris, rare lieu en France dédié aux arts de la marionnette, opine: «Dans l’esprit du grand public, il est encore très ancré que les marionnettes sont réservées aux enfants. Elles ne doivent pas être une barrière. Au contraire, on peut aborder grâce à elles des sujets compliqués de façon concrète.»

Un animal politique
Un exemple avec Jean-Michel d’Hoop et sa Cie Point Zéro, qui n’ont pas hésité à faire plusieurs allers-retours à Tchernobyl pour composer L’Herbe de l’oubli (prix de la critique belge du meilleur spectacle). À la croisée du documentaire et de la fable poétique, leur nouveau spectacle donne la parole aux habitants de la zone sinistrée. Et interpelle quant à la politique menée en France et en Belgique sur le maintien des usines nucléaires. «La catastrophe date de 1986, mais reste terriblement d’actualité», rappelle le metteur en scène belge qui accueille depuis quelques années un enfant originaire de cette région sinistrée d’Ukraine. «Il y a beaucoup de gens qui vivent sur ce territoire et n’ont pas d’autre choix que de cultiver la terre. On y voit des choses surréalistes. Certaines personnes sont dans le déni complet. J’ai visité une ferme bio implantée à 20 km du site!»

Le monde décrit dans The Border n’est pas beaucoup plus gai. En optant pour la dystopie, Julia Kovacs et la Cie Automne 2085 imaginent une planète coupée en deux par un mur infranchissable. Donald Trump n’est pas le seul fautif. En 2062, la moitié de la Terre se consume dans l’urbanisme à outrance et la pollution. De l’autre côté, une société écolo survit joyeusement à l’apocalypse.

Le conte, royaume chéri des marionnettistes, bascule alors plus franchement vers la science-fiction et ses fantasmes parfois cruels. Ainsi, la Cie Anima Théâtre a osé succéder à Stanley Kubrick en adaptant L’Orange mécanique d’Anthony Burgess. «Nous avons destiné le spectacle à un public du même âge que le protagoniste, Alex», explique son concepteur, Georgios Karakantzas. «Les adolescents en quête d’identité sont naturellement attirés par la violence. Le spectacle questionne la violence des institutions (politiques, religieuses) sur l’individu.»

Paratonnerre de la violence
Pour aborder le même thème, rare sur un plateau de théâtre de marionnettes, la compagnie Les Anges au plafond est allée chercher un autre texte des sixties: Chien blanc de Romain Gary. L’histoire d’un animal spécialement dressé pour attaquer les Noirs américains, et adopté par l’écrivain et son épouse, Jean Seberg, lors des émeutes raciales aux États-Unis. «Nous étions sur scène en 2015, lors des attentats», se souvient Camille Trouvé, qui met en scène White Dog. «On a alors vu Totoche, Dieu de la bêtise (cf. La Promesse de l’Aube, NDLR), frapper le monde. Se réfugier dans la parole de Gary a été une réponse à cette bêtise humaine.»

Que l’on se rassure. Les marionnettes pour adultes tiennent à épargner les âmes sensibles. «On peut s’emparer de sujets violents car elles protègent le spectateur. Elles établissent une distance», prévient Isabelle Bertola. «Par exemple, on peut prendre un pantin et lui enlever la tête, ce que j’évite de faire avec mes comédiens», plaisante non sans sérieux Michel Laubu du Turak Théâtre. Sa dernière création, Incertain Monsieur Tokbar, traite d’un sujet autrement difficile: Alzheimer et le grand bazar de la mémoire. «On touche à quelque chose de très douloureux, mais en y apportant de l’absurde et de la beauté», prône-t-il. Selon lui, la marionnette permet tous les possibles, «en observant le monde de manière plus tendre». Ici, une quarantaine de réfrigérateurs constituent une bibliothèque, des hippocampes se transforment en tondeuses à gazon, des chevaliers portent des têtes de robinet… Camille Trouvé approuve: «C’est en le distanciant que la marionnette va s’emparer du monde.»

Techniques archaïques et poupées 2.0
«On fait du théâtre comme les enfants fabriquaient des cabanes», assume Michel Laubu. Avec les moyens du bord. Tous sont bons pour «tordre le réel» et refléter le monde autrement. Et dans le théâtre de marionnettes, ces techniques se renouvellent sans cesse, voire se réinventent. Le pantin à fil n’a qu’à bien se tenir.

Dans Mécanique, Georgios Karakantzas recourt au Pepper Ghost, un procédé holographique du XIXe, utilisé par les magiciens, pour représenter les hallucinations de son héros et délimiter sa prison mentale. Outre l’appel à deux comédiens, White Dog se raconte autour d’un travail de sculpture sur le papier, notamment avec la technique du pop-up des livres pour enfants à trois dimensions.

Toujours au menu de la Biam, une relecture féministe de Cendrillon se construit à l’aide d’ustensiles de ménage (Scopitone & Cie). La Compagnie À aborde les méfaits du colonialisme en se servant d’un corps comme d’un castelet de théâtre (La Conquête). D’autres s’emparent des arts numériques ou se marient avec la danse. Les centaines de marionnettes de Renaud Herbin, dans At The Still Point Of The Turning Word (un vers de T.S. Elliott qu’il traduit par Au point de quiétude du monde qui tournoie), forment un décor «doué d’intentions» qui vont submerger la chorégraphe Julie Nioche. Ce décor vivant replace l’homme dans une réalité écologique, le représentant comme simple constituante de la nature et non comme espèce dominante.

Un dialogue
Autre expérimentation: L’ Enfant d’Élise Vigneron qui adapte La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck. Une fragile marionnette de plâtre à fil se retrouve au cœur d’un dispositif immersif qui fera se déplacer le spectateur pendant le spectacle. Dans L’Herbe de l’oubli, les comédiens côtoient des marionnettes à taille humaine qui, elles, représentent les radiations fantômes. Une confrontation de plus en plus fréquente sur les scènes de marionnettes contemporaines.

«Depuis les années 1980, les marionnettistes sortent de leur castelet et établissent un dialogue avec leurs créations», explique Renaud Herbin. «C’est un second niveau de lecture, que l’on ne peut trouver dans le théâtre traditionnel», termine Isabelle Bertola. Une confusion dont se joue Michel Laubu dans Incertain Monsieur Tokbar, où les personnages sont des comédiens à tête de marionnette. Comme dans cette adaptation engagée de L’Homme qui rit du Théâtre de la Licorne, où les masques expressionnistes des acteurs les font se confondre aux pantins pour «dénoncer l’injustice, la misère et le pouvoir des riches», thèmes inhérents au roman d’Hugo. Jusqu’à sonder une dimension «méta» et interroger la création elle-même. C’est le cas d’Alice Laloy qui, avec Pinocchio(s) Live, l’un des spectacles très attendus de cette biennale, donne vie à une exposition photo où des enfants-danseurs sont déguisés en pantins de bois…

 

Légende photo : Dans «Incertain Monsieur Tokbar», Michel Laubu aborde un sujet difficile: Alzheimer et le grand bazar de la mémoire. - Crédits photo : Romain Etienne - Item

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April 4, 2019 7:37 PM
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Variations sur le modèle de Kraepelin (ou le champ sémantique des lapins en sauce), texte de David Carnevali (Editions Actes sud-Papiers), mise en scène de David Van de Woestyne

Variations sur le modèle de Kraepelin (ou le champ sémantique des lapins en sauce), texte de David Carnevali (Editions Actes sud-Papiers), mise en scène de David Van de Woestyne | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog  Hottello - 04.04.2019

 

Variations sur le modèle de Kraepelin (ou le champ sémantique des lapins en sauce), texte de David Carnevali (Editions Actes sud-Papiers), mise en scène de David Van de Woestyne

 Un intérieur, la nuit, et un tableau tombe d’un mur et réveille un homme âgé ; un deuxième personnage, son fils, veille sur lui, alors que celui-ci l’appelle étrangement « Papa » – une adresse inattendue au fils troublé par les malheurs paternels.

Ils sont séparés par une génération, le père devient l’enfant de son fils, la mémoire confuse, la souffrance lancinante en marche, et l’incompréhension pour les deux.

Une troisième présence se tient sur le plateau qui observe la scène, en retrait, dans le noir ou bien en haut d’un escalier d’où la figure attentive domine la situation. Médecin bienveillante, homonyme de Kraeplin, psychiatre du XIX è siècle qui identifia la démence dégénérative, elle prodigue des conseils au fils démuni :

« Faites en sorte qu’il ne se sente pas seul… », dit- elle au fils.

A plusieurs reprises, se jouent ces scènes entre le père et le fils, distribuées dans la représentation avec des variantes, du côté de la cuisinière ou du réfrigérateur.

Les conversations se répètent à l’infini face à la récurrence des mêmes questions, jetées en un flux régulier : «  Tu es marié ? Qui est ta femme ? Reste-t-elle au foyer ? Il faut qu’une femme sache tenir sa maison. Est-ce quelqu’un de bien ? ».

Le texte de l’Italien Davide Carnavali décrit, de manière onirique et poétique, une relation compliquée entre un père qui souffre de la maladie d’Alzheimer et son fils.

Dans la cuisine, une explosion de gaz est évitée de peu, rappelant une explosion tragique de l’histoire de la mère – élucidée – et la menace d’une implosion politique.

Sur scène, les identités se délitent – à la fois, personnelles et collectives. Le prisme de la mémoire confronte l’intime et le politique, en un jeu de miroir insaisissable.

L’auteur disperse par fragments le souvenir traumatisant du repas entre le père et son épouse. Celui qui oublie tout fait effort pour se rappeler la scène du drame.

L’homme ne s’est pas engagé avec conviction dans la guerre, il en est dispensé à cause de sa peur ; son fils lucide rétablit la vérité quand le père dit avoir été soldat.

Nul investissement du père plus jeune dans la reconstruction d’une Europe nouvelle.

Sur l’écran de lointain, des images et photos de villes dévastées par la guerre apparaissent – des souvenirs significatifs dans la reconstruction de la mémoire.

Peu à peu, la douleur du père d’aujourd’hui est mise au jour, selon l’alternance régulière de scènes révélatrices et entrecoupées de visions et d’images.

Or, le public comprend que l’épouse est morte tragiquement, le jour de son anniversaire. Vêtue d’une robe rouge à fleurs offerte en cadeau, elle tient un lapin dans ses bras qui s’échappe, elle le poursuit dans un champ et saute sur une mine.

La souffrance du monde a à voir avec la mémoire individuelle et l’amnésie collective.

Le lapin est manipulé avec art, dans toutes ses dimensions, fuyant dans la nuit, animal de plaisir enfantin ou bien gros lièvre aux pattes longues qui gambadent.

Poésie des marionnettes grandeur nature et des masques humains, l’image du lapin traverse le spectacle comme une apparition onirique et fantasmagorique, il est même désigné en tant que plat culinaire que réclame le père, un drôle de lapin en sauce.

Un spectacle exigeant et engagé dans la réalité de la maladie et de l’état du monde.

Avec des acteurs éloquents, Guillaume Clausse, Arnaud Frémont et Elsa Tauveron.

Véronique Hotte

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard 75005 Paris, du 2 au 19 avril 2019, relâche les 5 et 9 avril, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 17h, représentations scolaires, les 11 et 16 avril à 14h30. Tél. :  01 84 79 44 44

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November 7, 2018 1:16 PM
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« La Vie devant soi » au Théâtre Jean Arp

« La Vie devant soi » au Théâtre Jean Arp | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Cristina Marino dans son blog du Monde l'Arbre aux contes

« La Vie devant soi » au Théâtre Jean Arp : Simon Delattre et son Rodéo Théâtre donnent chair à la Madame Rosa de Romain Gary

 

Cela faisait un bon moment que je n’avais pas fait une incursion du côté des arts de la marionnette sur ce blog. C’est désormais chose faite : j’ai assisté, mardi 6 novembre au soir, au Théâtre Jean Arp de Clamart (Hauts-de-Seine) à la création du nouveau spectacle de la compagnie de Simon Delattre, Rodéo Théâtre, intitulé La Vie devant soi et adapté du roman éponyme de Romain Gary (publié en 1975 au Mercure de France sous le pseudonyme d’Emile Ajar). Disons-le d’emblée, le jeune metteur en scène, comédien et marionnettiste, formé au Conservatoire d’art dramatique de Rennes (Ille-et-Vilaine) et à l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette (Esnam) de Charleville-Mézières (Ardennes), s’est attaqué à un défi de taille en choisissant d’adapter sur scène ce récit d’Emile Ajar/Romain Gary, porté à l’écran en 1977 par le cinéaste Moshé Mizrahi avec une Simone Signoret inoubliable dans le rôle de Madame Rosa, une ancienne prostituée juive qui recueille dans un immeuble de Belleville les enfants d’autres filles de la rue « parties se défendre avec leur cul en province », moyennant le versement d’une pension, dont Momo, un jeune garçon d’origine arabe, abandonné par ses parents.

Et ce pour plusieurs raisons, tout d’abord les prestigieuses récompenses attribuées au livre d’Emile Ajar/Romain Gary (prix Goncourt en 1975) et au long-métrage de Moshé Mizrahi (Oscar du meilleur film en langue étrangère et César de la meilleure actrice pour Simone Signoret en 1978). Ensuite la place qu’occupe cet ouvrage dans le paysage littéraire français et dans l’imaginaire collectif, comme le souligne d’ailleurs Simon Delattre lui-même dans un entretien accordé à Catherine Robert (pour La Terrasse) : « La Vie devant soi est un roman qui m’accompagne depuis plus de 15 ans. Un de ces romans qui, une fois fini, donne l’impression que jamais plus on ne sera pris comme ça par une histoire, attaché à ce point à ses personnages. (…) C’est un roman qui traverse les âges, actuel, et, mieux encore, universel. (…) Adapter ce roman est un peu angoissant car beaucoup de gens l’aiment et ont déjà une relation avec lui, souvent passionnelle. » Mais également le fait que l’une des compagnies de marionnettes les plus actives en Ile-de-France, Les Anges au plafond, créée en 2000 par deux comédiens marionnettistes, Camille Trouvé et Brice Berthoud, s’est déjà inspirée avec brio de la vie et de l’œuvre de Romain Gary, notamment dans sa dernière création en date, White Dog (chroniquée sur ce blog), avec d’impressionnantes créatures en papier froissé.


Autant d’éléments qui ont sans doute contribué à placer la barre assez haut pour ce jeune metteur en scène et sa compagnie fondée en 2013, Rodéo Théâtre, pour leur cinquième création d’envergure (après Bouh !, 2014 ; Poudre noire, 2016 ; Déclic, 2017 ; La Rage des Petites Sirènes, 2017). Personnellement, j’ai trouvé que Simon Delattre a relevé ce défi avec beaucoup d’inventivité et de belles trouvailles au niveau scénique, en particulier tout le travail autour du corps difforme, quasi monstrueux, de Madame Rosa, avec le costume démesuré (un peu à l’image des costumes de sumo) porté par la comédienne Maïa Le Fourn, puis la marionnette géante qui apparaît à la scène finale (elle pourrait d’ailleurs peut-être faire son apparition un peu avant dans le spectacle). Et aussi la présence sur scène d’une comédienne, également chanteuse et musicienne, Nabila Mekkid (du groupe Nina Blue) qui interprète en live chansons et bande-son originales pour accompagner le récit. Son timbre rauque et envoûtant à la fois contribue à créer un univers sonore très particulier et bien adapté au thème central de la pièce, la prostitution. Aux côtés de Maïa Le Fourn (Madame Rosa), Tigran Mekhitarian (Momo) et Nicolas Goussef (le docteur Katz et Monsieur Hamil), tous les trois à la fois comédiens et manipulateurs de marionnettes, elle forme un remarquable quatuor d’interprètes qui met particulièrement bien en valeur la dimension poétique et imagée du texte de Romain Gary.

Une mention spéciale aussi pour le décor imaginé par Simon Delattre et l’équipe du Rodéo Théâtre, avec le minuscule appartement de Madame Rosa (un carré aux dimensions exiguës, dont l’intérieur peut être soit masqué par un rideau soit dévoilé au regard du public, pour rendre encore plus imposante et impressionnante la masse corporelle de sa locataire) auquel on accède par un escalier aux marches disproportionnées et incohérentes les unes par rapport aux autres, dont l’ascension est une épreuve quotidienne pour Madame Rosa « avec tous ces kilos qu’elle portait sur elle et seulement deux jambes ». Avec en-dessous de cet appartement, une sorte de cachette, que Madame Rosa surnomme son « trou juif », dans laquelle elle trouve refuge en pleine nuit, en proie à ses frayeurs et au souvenir des rafles. Avec tout autour de cet appartement miniature, la cage de scène du plateau laissée volontairement à nue.


D’autres choix de mise en scène m’ont semblé moins judicieux et m’ont personnellement moins convaincue. Globalement, la durée de la représentation est un peu trop longue à mon goût (près de deux heures sans entracte), mais il y a plusieurs passages qui pourraient gagner à être raccourcis voire supprimés, notamment ceux où le personnage de Momo, incarné par le comédien Tigran Mekhitarian, court dans tous les sens sur le plateau ou la scène de doublage d’un film d’action norvégien, certes plutôt comique et bien jouée, mais pas fondamentale pour la compréhension générale de l’intrigue. Rappelons qu’il s’agissait en ce mardi soir de la toute première représentation pour la création de ce spectacle, des ajustements sont donc encore faisables, et même souhaitables, même si la structure d’ensemble du récit axée autour de la parole des comédiens est bien aboutie et posée.

En tout cas, par un subtil et habile mélange entre théâtre narratif, arts de la marionnette et musique live, Simon Delattre relève haut la main le défi de redonner une nouvelle vie à un récit déjà maintes fois adapté sur scène ou à l’écran, l’histoire d’amitié (et/ou d’amour) intemporelle entre le jeune Momo et l’inoubliable Madame Rosa, l’ancienne prostituée, rescapée des camps de la mort et hantée à vie par la peur de la déportation.

Cristina Marino

La Vie devant soi, d’après le roman de Romain Gary (publié en 1975 au Mercure de France sous le pseudonyme d’Emile Ajar). Mise en scène : Simon Delattre. Adaptation : Yann Richard. Avec Maïa Le Fourn, Tigran Mekhitarian, Nicolas Goussef. Musique live : Nabila Mekkid (Nina Blue). Marionnettes : Marion Belot et Anaïs Chapuis. Au Théâtre Jean Arp, 22, rue Paul Vaillant-Couturier, Clamart (Hauts-de-Seine). Réservations : 01-71-10-74-31. Mercredi 7, vendredi 9 et samedi 10 novembre à 20 h 30. Jeudi 8 novembre à 19 h 30, représentation et bord de plateau adaptés en langue des signes française (LSF), avec Accès Culture. Durée : 1 h 45. Tarifs : 14 €, 18 € et 24 €, groupe à 12 €. Navette gratuite au départ de Paris, place du Châtelet (départ à 19 heures, retour assuré) pour la représentation du vendredi 9 novembre, sur réservation obligatoire au 01-71-10-74-31.

A noter : les dates de tournée de La Vie devant soi en France pour 2018-2019 sont disponibles sur le site Internet de la compagnie Rodéo Théâtre et aussi sur son compte Facebook.

Côté vidéo, la bande-annonce du spectacle La Vie devant soi (création 2018) :

https://vimeo.com/298576028

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October 10, 2018 6:51 PM
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Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein

Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 10.10. 2018

Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein

La compagnie singulière du Theater Meschugge dont l’âme est la marionnettiste – metteure en scène et interprète – Ilka Schönbein, accompagnée par les musiciennes Alexandra Lupidi et Suska Kanzler, atteint une perfection technique et poétique qu’on pensait définitive mais qui n’en finit pas de se montrer infiniment perfectible.

Un art du théâtre d’objet dont la manipulation se révèle délicate, subtile et précise.

Figure majeure de la marionnette contemporaine, Ilka Schönbein a renouvelé la discipline en développant la marionnette corporelle et la technique du corps-castelet.

Assise sur un petit tabouret qui peut tourner pour l’apparition d’une image nouvelle, l’artiste s’emploie, sous les lumières magnifiques d’Anja Schimanski, à raconter des univers fantastiques et merveilleux, empreints d’horreur et d’effroi éternels souvent, mais qu’une manière personnelle inventive transfigure, au-delà des premiers troubles, en instants de joie lumineuse, de comique franc et d’ironie bienveillante.

Portant une paire de gants blancs – matière claire imitant le calcaire -, simulant l’image inattendue de deux longues mains fines aux os squelettiques, l’interprète fait vivre, face au public ravi, un animal marin dont la tête légère et mobile est clairement séparée du reste du corps, comme détachée et dansant dans les airs, en errance dans le chaos de l’univers, attirée encore par le reste de ses membres, tel un aimant.

On imagine une méduse qui aurait des os articulés, un crabe ou une araignée, une pieuvre encore avec ses tentacules multiples : l’imaginaire du spectateur s’emporte, suivant le souvenir d’animaux mythiques et le rappel de matériaux archéologiques.

Imprégnée des contes traditionnels et des Fables de La Fontaine, la marionnettiste évoque deux célèbres commères, la cigale et la fourmi, l’une heureuse et imprévoyante, et l’autre, plus stable et assurée « socialement », une triste prêteuse.

La cigale aux longues pattes blanches danse et fait ses cabrioles sous les yeux de sa voisine rigide qui ne connaît guère l’épanouissement du corps. Et puisque la cigale a chanté tout l’été, la taiseuse lui répond :  » Eh bien, Dansez maintenant. »

Plus tard, la créature issue du corps et des mains de la manipulatrice, quitte l’animalité pour rejoindre la mémoire de silhouettes humaines – station debout. Naissance de l’être, de métamorphose en métamorphose, jusqu’à l’existence.

Aussi voit-on la méchante reine de Blanche-Neige et les sept nains, s’admirant en son miroir et demandant à celui-ci le nom de la plus belle en ce monde : « Blanche-Neige » est la réponse rituelle, fatale à la belle-mère et sorcière jouée par l’artiste.

L’effigie miniaturisée de Blanche-Neige se coule dans les bras et les mains de l’interprète.

La jolie jeune fille du conte célèbre est d’ailleurs « reprise », saisie crûment dans la tentation éprouvée de croquer la pomme rouge et vénéneuse, préparée par la reine.

Dans les bras paternels du roi, se joue également un jeu dangereux de manipulation et de soumission imposé à la fillette qui finira pas se délivrer de tous les jougs – père et belle-mère – pour n’être plus qu’elle-même.

Sous les musiques et les chansons entêtantes d’Alexandra Lupidi et de Suska Kanzler, l’enchantement de ces fragments et morceaux choisis perdure.

Mouvements précis entre apparitions et disparitions, jeu du caché et du montré, surgissement de créatures à la fois invraisemblables et identifiables, le public prend conscience d’accéder à l’immensité onirique et poétique de l’existence, à partir des contes d’enfance et des peurs afférentes qui reviennent à la mémoire – de beaux souvenirs enfouis d’effroi et de plaisir -, une ouverture au monde et à sa découverte.

Véronique Hotte

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette – 73 rue Mouffetard 75005 Paris, du 5 au 17 octobre 2018, mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h. Tél :01 84 79 44 44

Légende photo : Eh bien, Dansez maintenant, conception et interprétation de Ilka Schönbein
Crédit photo : Marinette Delanné

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September 25, 2018 6:42 PM
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Tourcoing: Le Théâtre du Nord invite le public au lancement de sa saison tourquennoise

Tourcoing: Le Théâtre du Nord invite le public au lancement de sa saison tourquennoise | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Christian Vincent  dans La Voix du Nord  25/09/2018 

 

Ce mercredi, à partir de 18 h et jusque 21 h, le Théâtre l’Idéal de la rue des Champs au cœur du Brun-Pain organise une soirée gratuite et ouverte à tous autour d’un barbecue pour présenter sa saison.

«  On a déjà plus de 60 réservations et on peut accueillir 300 personnes  », s’enthousiasme Anne-Marie Peigné, directrice des publics et développement au Théâtre du Nord. «  L’idée de cette soirée est de dire aux habitants de Tourcoing et en particulier ceux du Brun-Pain : venez découvrir votre théâtre. En juin, nous avons fait une présentation de la saison complète à Lille, il est normal d’en faire une pour les Tourquennois en septembre.  » Ce mercredi, il sera possible de visiter les coulisses du théâtre, de monter sur scène, de découvrir les costumes, de discuter avec des techniciens mais aussi des artistes. Il y aura une présentation rapide des spectacles proposés et des interventions de Simon Falguières.

Une manifestation par mois
Cela débutera avec la nuit des bibliothèques, le 13 octobre où interviendront des élèves de l’école du Nord à André-Malraux. En novembre, se tiendra un atelier d’écriture ouvert à tous avec Simon Falguières en vue d’une création en janvier, Le nid de cendres. Une répétition publique de la pièce Les Crépuscules (jouée en mai) aura aussi lieu.

En décembre, le TDN est associé à l’opération municipale Un livre, un enfant avec la présence de Marie-Desplechin auteure du livre L’école de ma vie qui sera offert à chaque enfant de CM1. Il y aura aussi un DJ set (sur) écoute, pièce pour musiciens, comédiens et une chanteuse, soirée très rock.

En janvier, sera présenté Le nid de cendre de Simon Falguières avec des ateliers d’écriture, un atelier choral et des petits-déjeuners rencontre avec l’équipe artistique ainsi que des répétitions publiques.

En février, l’Idéal accueillera le Grand Mix. Mars sera le mois des enfants avec Incertain monsieur Tokbou, un spectacle très poétique de marionnettes à taille humaine.

En avril, place à la metteure en scène nordiste Claire Dancoisne et le Théâtre de la Licorne, qui s’attaque à L’homme qui rit de Victor Hugo. Et enfin, en mai ce sera Les Crépuscules signé Thomas Piasecki, une chronique familiale sur trois générations, jusqu’en 2021 dans le bassin minier.

Navettes gratuites
Le TDN possède deux lieux de création, le site de Lille sur la Grand-place et celui de Tourcoing avec l’Idéal. Pour toutes les représentations chez nous, il existe une navette gratuite qui fait la liaison. Et pourquoi pas une liaison dans l’autre sens ? Cela a été testé et se mettra en place pour deux spectacles à Lille en décembre : Les animals de Labiche et Le carnaval des animaux, musique arrangée par Albin de la Simone. Il n’y aura plus l’excuse du «  c’est compliqué avec le métro  »…


Présentation de la saison, ce mercredi de 18 h à 21 h, gratuit. Théâtre de l’Idéal, rue des Champs à Tourcoing, http://www.theatredunord.fr/

 


Tisseur de liens
Le Théâtre du Nord a tissé et continue à tisser des liens forts sur le territoire tourquennois. Le but n’est pas de s’enfermer dans leurs murs de la rue des Champs, insiste Anne-Marie Peigné, dans le cadre du projet présenté dès le départ par Christophe Rauck, directeur. Les médiathèques, les musées, les établissements scolaires (et pas seulement les lycées), les associations, les centres sociaux et MJC, les différents services municipaux sont pour eux des partenaires privilégiés. «  Les écoles, les associations, etc. peuvent facilement travailler en amont sur les spectacles qui sont présentés. Les enseignants ne doivent pas hésiter à nous solliciter, beaucoup le font déjà. Il suffit de contacter Clémence Montagne au 03 20 14 24 24 ou par mail à accueil@theatredunord.fr  », insiste Anne Marie Peigné.

 

 

Légende photo : « Incertain monsieur TOKBAR ». Ph Romain Etienne - Romain ETIENNE / item

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June 26, 2018 5:58 PM
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Nomination de Philippe Sidre à la direction de l'Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières - Ministère de la Culture

Nomination de Philippe Sidre à la direction de l'Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières - Ministère de la Culture | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Communiqué du ministère de la Culture - Publié le 25.06.2018 


Françoise Nyssen, ministre de la Culture, en accord avec Jean Rottner, président du Conseil régional Grand-Est, Noël Bourgeois, président du Conseil départemental des Ardennes, Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières et président de la Communauté d'Agglomération Ardenne Métropole, et Christophe Blandin-Estournet, président de l'Institut International de la Marionnette, a donné son agrément à la décision unanime du jury, réuni le 11 juin 2018, de nommer Philippe Sidre à la direction de l’Institut International de la Marionnette à compter de septembre 2018. Cette nomination sera proposée pour validation au conseil d’administration de l’IIM, qui se réunira le 27 juin prochain.


Établissement français à vocation internationale, l'Institut International de la Marionnette (IIM), fondé en 1981, est la seule école nationale supérieure des arts de la marionnette en France, accueillant depuis 2016 deux promotions simultanément. L’IIM est aussi un centre de ressources, de recherche et de formation continue dont la valeur et l’action sont reconnues à l'échelle internationale.


Directeur depuis 2005 du théâtre Gérard Philipe de Frouard, scène conventionnée pour les arts de la marionnette et formes animées, Philippe Sidre est un programmateur passionné des arts de la marionnette, très actif dans les associations et réseaux professionnels (réseau Quint’Est, latitude marionnette, scènes marionnette-les Avenir...). Il est aussi formateur dans le domaine culturel à l’Université de Lorraine (master 1 et 2 Arts de la Scène/pratiques culturelles) et intervient régulièrement dans de nombreux colloques et tables rondes sur les questions culturelles.


Le projet de Philippe Sidre pour l'IIM, en résonance avec les attentes du secteur, a pour objectifs d’enrichir la formation afin d’offrir aux futurs marionnettistes au-delà de solides bases artistiques, la capacité de s’approprier les enjeux de la création marionnettique contemporaine et de s’inscrire pleinement dans les réalités du monde professionnel (formations théoriques et stages pratiques). Il renforcera l’accompagnement des diplômés tout en favorisant, pour ceux qui le souhaitent, leur implantation dans la région Grand-Est, il développera la synergie entre les activités de recherche et les activités de l'Ecole et accompagnera le développement de la formation continue en liaison avec les réseaux professionnels.


Faisant vivre le patrimoine de la marionnette par la préservation et la valorisation des fonds de l’IIM, il renforcera l’ouverture de l’Institut à tous les publics sur son territoire d’implantation, notamment dans la perspective de la future Cité des Arts de la marionnette. Enfin, il œuvrera, en coopération et en concertation avec le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, au développement de projets d’éducation artistique et culturelle et d’action culturelle.

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June 17, 2018 5:37 PM
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L’insoutenable légèreté de la marionnette, par François Guizerix

L’insoutenable légèreté de la marionnette, par François Guizerix | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par François Guizerix, marionnettiste "historique" des "Guignols" de Canal + , tribune publiée dans Libération 18  juin 2018 

 


Alors que «les Guignols de l’info» s’arrêtent vendredi 22 juin, l’un de ceux qui mettaient tous les soirs «les mains dans leur gueule» témoigne de trente ans d’impertinence télévisuelle.

 


L’insoutenable légèreté de la marionnette


J’ai rencontré Jean-Guy Mourguet, décédé aujourd’hui, il y a environ quinze ans. Dernier descendant de l’illustre lignée de Laurent Mourguet, «l’inventeur» de Guignol vers 1808, la première chose que me dit cet «enfant de la marionnette» fut qu’il ne fallait à aucun prix le déranger le soir aux alentours de 20 heures : il était devant son poste de télévision. Ce marionnettiste de théâtre s’émerveillait de la force à l’écran de nos marionnettes, de nos manipulations, des détails des sculptures d’Alain Duverne re-sculptés par les caméras, des constructions tant de caractères que de fabrication, des trouvailles d’écriture et de réalisation. Nous étions pour lui «les descendants» de son Guignol historique.

Certes, la marionnette est intégrée dans la vie culturelle, possède une Ecole nationale à Charleville, mais la télévision lui offrait une audience et une forme de vie nouvelle. Le cadre de la caméra, mouvant, changeant, est un castelet magique et presque idéal, s’adaptant aux nécessités de la marionnette et l’obligeant à préciser tout détail de son jeu. La rencontre des deux objets en mouvement, la caméra qui tourne, offrant ses divers points de vue, au propre et au figuré, sur la marionnette qu’elle filme, la détaillant, la raconte autrement qu’au théâtre. Des mécanismes parfois inclus dans la marionnette, mis en relief par la loupe qu’est la caméra, démontaient, démontraient des mécanismes de pensée, de comportement, de politique. Notre travail d’interprètes, à nous et aux imitateurs, fut d’en faire clones et clowns. La renommée des scénaristes, souvent reconnus à juste titre comme talentueux, a cependant fait de l’ombre, si besoin était, à celles et ceux qui y vivent, dans l’ombre, voire qui manipulent les ombres au fond de leur caverne !

Mais bref. Aux Guignols de l’info, la parole dans toute sa liberté (merci Alain de Greef, merci Pierre Lescure) faisait la marionnette. Elle portait un discours qui ne pouvait être ni limité ni censuré. Etre à la marge ne peut parfois qu’obliger à dépasser de la marge. Et toute l’énergie «magique», exprimée par la force de présence des marionnettistes, ici pour une fois mis en pleine lumière, explosait à l’image.

La caméra permettait tant un petit champ bien cultivé qu’un vaste hors-champ sociétal. La marionnette était-elle ici l’élue, la représentante d’une résistance populaire contre les pouvoirs ? Certes. Le pouvoir politique redoute de tout temps le pouvoir frondeur, subversif, «renversant», de la caricature vivante que peut être la marionnette (cf. la censure de l’administration impériale contre le Guignol de l’époque).

La marionnette serait-elle alors une idole, tantôt extrémiste, tantôt faiseuse de rois ? Non. Tout à la fois allégorie du pouvoir, elle en exerce un, mais n’assujettit cependant pas, elle ! Sa parole est importante : guerre, chômage, religion, mais elle ne réduit pas au silence ses adversaires : portant une parole libre, elle la provoque chez autrui.

La marionnette est un objet dans lequel se projette le (télé)spectateur, auquel il peut s’identifier car sa parole est, je me répète, ressentie libre. La marionnette le représente, parle pour lui, ou mieux encore le défend. Le public «vote» pour elle. Mais je n’ai jamais rencontré quelqu’un ayant voté Chirac en le confondant avec sa marionnette, contrairement à ce qui a pu être dit parfois.

Les Guignols de l’info étaient des vigies ; ils essayaient de voir au loin, aussi de provoquer le rire, et ce fut bien suffisant comme tâche. Les vigies tombent parfois, hélas ! Si les mâts ne sont pas suffisamment arrimés, ou plutôt victimes de vents contraires… Et si elles se relèvent, c’est avec des blessures… Mais les marionnettistes n’aiment pas baisser les bras, et pour causes, la leur et celle des autres.

Pour terminer, je dirai que les Guignols de l’info n’ont pas été un «hasard miraculeux» dans la courte histoire de la marionnette télévisée, mais le résultat d’un grand travail quotidien depuis trente saisons. Celui de tous les réalisateurs (trices) et de toutes les équipes techniques et artistiques qui ont mis leurs talents, leurs cœurs au service des Guignols, aboutissant à la présence de la marionnette à l’écran comme un objet tant politique qu’artistique. Ce programme ne devait pas avoir de limite, si ce n’est celle de la pertinence de l’impertinence. Guignol un jour, guignol toujours ! Oui, nous, marionnettistes particulièrement, mais nous toutes et tous avons mis nos mains dans leur gueules. Aujourd’hui, je pleure mes amis, en chair et en mousse, de trente ans…

François Guizerix marionnettiste "historique" des "Guignols" de Canal +

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May 31, 2018 5:29 PM
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La taverne de maître Kantor 

La taverne de maître Kantor  | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Aurélie Charon envoyée spéciale à New York pour Libération
— 31 mai 2018 


Troupe historique de l’avant-garde new-yorkaise, installée à SoHo depuis 1975, le Wooster Group revisite dans sa nouvelle pièce la figure de l’influent dramaturge polonais Tadeusz Kantor, qui lui aussi a travaillé avec le même groupe plus de quarante  ans.
Elle se défend de tout sentimentalisme, éclate d’un rire moqueur quand tout le monde lui dit : «C’est sur toi et ta compagnie ! C’est tellement personnel, cette pièce, Liz !» Elizabeth LeCompte ne pense pas, elle dit non, ne voit pas le rapport. Pourtant, nous sommes au Performing Garage, 33 Wooster Street, minuscule théâtre new-yorkais qu’elle a investi dans SoHo en 1975. Pourtant, si certains visages historiques du Wooster Group ont disparu ou sont partis, comme Willem Dafoe, les autres sont encore là. Voilà quarante ans que l’actrice Kate Valk joue ici et que la compagnie s’attaque aux fantômes. Alors, quand ils font renaître celui du sérénissime dramaturge polonais Tadeusz Kantor et de sa troupe qui, eux aussi, ont joué plus de quarante ans ensemble, évidemment, on voit le rapport et on ne la croit pas. Evidemment, il y a l’émotion de voir la durée dans les corps, l’utopie debout, l’effort intact, et de se dire : ils se réunissent encore, ensemble. De se rendre compte qu’ils sont toujours vivants alors que les rues ont été avalées par le luxe et que le SoHo des artistes est mort depuis longtemps.

Liz LeCompte, née en 1944, n’acquiesce pas facilement, intimide par son exigence. Silhouette fine, regard perçant, il ne manquerait plus qu’on la prenne pour Tadeusz Kantor. La nouvelle création du Wooster Group A Pink Chair (in Place of a Fake Antique) fait revivre une pièce du Polonais créée à Berlin-Ouest en 1988, Je ne reviendrai jamais, dans laquelle il s’était donné un rôle : «Moi, en personne.» L’idée du retour a marqué celui dont le père est mort à Auschwitz et dont une des premières pièces, le Retour d’Ulysse, s’est jouée de façon clandestine sous l’occupation allemande. Le Wooster Group a l’habitude d’inviter les spectres. Liz LeCompte adore provoquer en déclarant qu’on ne peut pas mieux faire que ce qui a été fait. Kantor, habité par la mort, avait répondu à la décomposition de l’Europe par un théâtre métaphysique : sa pièce la Classe morte (1977) a marqué l’histoire du théâtre du XXe siècle en faisant cohabiter acteurs en chair et en os et marionnettes de cire. Quand son pays semble à son tour s’effondrer, le Wooster Group convoque morts et vivants sur scène. Pendant la représentation, Liz LeCompte se tient parmi le public avec sérieux et carnet de notes. Quelques jours plus tard, elle nous reçoit sur le plateau avec son actrice complice, Kate Valk, et une bouteille de vin blanc.

Dialogue avec le présent
Dans les années 70, la BBC avait diffusé un documentaire pour préparer les spectateurs sensibles à l’arrivée du Wooster Group : attention, ils ont mis sur scène des écrans. Liz LeCompte pense très tôt que la télévision n’est pas si différente de Tchekhov ou de Shakespeare : elle imite la vie. On lui réplique que l’écran va faire concurrence aux acteurs, ça l’intéresse, elle aime le défi. Aujourd’hui, il est toujours là, mais jamais par hasard. C’est un dialogue avec le présent. Ça lui permet de convoquer le passé, ici des images de la pièce de Kantor en 1988, et d’y mêler les acteurs new-yorkais. Elle divise l’espace et le temps, trace des lignes pour qu’on comprenne qu’un seul visage sera important : Dorota Krakowska, la fille de Kantor.

Quand une agence du ministère de la Culture polonais lui propose de réfléchir à Kantor, Liz LeCompte est étonnée, elle ne le connaît pas bien. C’est d’abord le maître Jerzy Grotowski qui a traversé l’Atlantique. Elle se souvient bien des «forums» que celui-ci organisait : les étudiants de Columbia se pressaient pour venir l’entendre parler de l’art et la vie. «Il est devenu une sorte de gourou à la fin des années 60. Un sage. Il faisait la liste des noms des personnes présentes et de toutes leurs questions. Son interprète les lisait, traduisait à Grotowski qui, prenant son temps, ne répondait vraiment à aucune des questions mais se lançait dans un long discours existentiel : à la fois très instructif et assez opaque.»

Lorsque Kantor débarque à New York, dix ans plus tard, «les choses avaient changé, on était revenu au théâtre commercial, on l’avait installé dans le minuscule théâtre de Downtown, La Mama». Liz LeCompte ne lui a jamais parlé mais l’a observé autour de ses acteurs : «Je le voyais rôder avec sa cigarette sur le plateau, j’adorais. Mais j’étais jalouse, il concentrait toute l’attention. Moi, jeune metteure en scène, si je me mettais à marcher comme ça, on aurait dit que j’étais arrogante ! A l’époque, je l’ai presque rejeté, alors que son travail était magnifique.» Ses souvenirs de la Classe morte, pièce maîtresse de Kantor présentée en 1979 à New York, sont vagues : pas de sous-titres, seulement une annonce au début pour évoquer les thèmes et les personnages.

Le Wooster Group a donc d’abord commencé par Grotowski. En 2004, ils créent Poor Theater, et lui consacrent un chapitre. En Pologne, Kate Valk avoue que «certains étaient excités, d’autres pensaient que c’était une hérésie». Liz LeCompte précise : «Une abomination ! Surtout pour les vieux qui l’avaient connu. C’est l’histoire de ma vie, on me dit toujours : pourquoi ne pas voir l’original ? Mais au théâtre, personne ne peut revenir vingt ans plus tard.» Finalement, la pièce a fait l’objet de satires et les a rendus célèbres en Pologne.

Entretien vidéo
Liz LeCompte met du temps à trouver la fille de Kantor, Dorota Krakowska. Elle part d’abord sur les traces du père, visite la Cricothèque, centre des archives de Kantor à Cracovie, son studio «avec ses chaussures et ses costumes alignés comme le jour de sa mort, ses médicaments enroulés dans de petits papiers, ses livres, son lit avec les mêmes draps». Elle prend alors conscience que Dorota existe. Elle part la rencontrer à Amsterdam. Immédiatement, elles décident de travailler ensemble : «J’ai pris un risque, mais je savais que c’était une façon d’entrer dans l’histoire de Kantor, à travers le désir de sa fille. Je pouvais me débarrasser de moi-même, être là pour Dorota, lui offrir un cadeau de son père.»

Souvent, les parents empêchent les enfants. Dorota Krakowska a une soixantaine d’années, est devenue graphiste, diplômée de l’Académie des beaux-arts de Cracovie. A 18 ans, elle adopte le nom de famille de sa mère et n’osera jamais aller vers le théâtre, intimidée par l’ascendance. Elle ne parle pas très bien anglais mais a déjà vu le travail du Wooster Group à Berlin. Elle vient passer du temps avec eux, ils travaillent, elle revient. Ils comprennent le sens de l’humour de Kantor grâce aux traductions subtiles de la fille. Liz LeCompte organise les cinq parties fragmentées de la pièce, du manifeste de Kantor jusqu’à un épisode revisité du Retour d’Ulysse. Le visage de Dorota se retrouve au cœur de la pièce à travers un entretien vidéo mené par Kate Valk. Elle appelle l’esprit de son père et petit à petit prend sa place, mène la danse avec le Wooster Group et nous fait traverser les années. Kate Valk : «On est souvent face à des choses plates dans nos vies modernes : l’écran plat, etc. Là, au théâtre, on a la possibilité de faire apparaître un esprit, parce qu’on a l’espace.» Sur l’écran, Kantor et ses acteurs. Tout autour, le Wooster Group rejoue au millimètre chaque geste et chaque intonation. Les années 1988 et 2018 sont superposées, s’entendent en même temps.

Liz LeCompte avoue tout de même s’identifier à Kantor à travers une question : «Comment garder une compagnie ensemble, après toutes ces années ?» L’angoisse de Kantor résonne : faut-il partir et abandonner ce qu’on est, ou rester ? Liz LeCompte avoue : «Je pense à ma mort, mais pas de façon sentimentale, je me sens liée à l’hymne protestant qu’on chante à la fin. Pour moi, c’est un appel à avancer, allons trouver quelque chose de fabuleux plus loin… Je suis très américaine, vous voyez !» Au début, Dorota la Polonaise a mis du temps à se faire aux habitudes des «très New-Yorkais». Liz LeCompte : «Elle ne pouvait pas croire qu’on ne répétait pas jusqu’à minuit. "Quoi, vous travaillez seulement cinq heures ?" Beaucoup de nos acteurs ont un autre job, même si on les paye à plein temps, ce n’est pas assez pour vivre, ici. Et aussi, on ne boit pas et ne fume pas comme en Pologne !»

Répartition des tâches
Une autre différence : ici, on fait tout, on n’a personne pour fabriquer un décor. Sur le plateau, Kate Valk énumère l’historique des objets de la compagnie : la table autour de laquelle on est assises a servi dans six autres pièces, les portes dans trois pièces, les chaises aussi. Comme il y a quarante ans, un planning définit la répartition des tâches pour les membres de la troupe : laver les toilettes, s’occuper du bar… En Chine, récemment, on leur a dit : «On dirait du théâtre allemand !» Aux Etats-Unis, ils restent des ovnis. Liz LeCompte se moque de ce théâtre américain naturaliste qui persiste : «Moi, j’appelle ça le "couch theater" parce qu’il y a toujours un canapé qui traîne.»

Dorota, la fille de Kantor, sera dramaturge sur leur prochaine pièce. Elle et Liz Lecompte ne se quittent plus. Kate Valk, 62 ans, mêmes immenses yeux clairs que sur cette photo où elle saute sur le dos de Willem Dafoe dans les années 80, résume : «Cette pièce, c’est sur le théâtre et sa possibilité. On est encore en train de se réunir dans une petite pièce, de s’asseoir dans un espace vide et d’attendre que quelque chose se passe.». Liz LeCompte sourit.

Aurélie Charon envoyée spéciale à New York
A Pink Chair (in Place of a Fake Antique) par le Wooster Group m.s. Elizabeth LeCompte, jusqu’au 2 juin au Performing Garage, New York. Puis en tournée en France en 2019 (Kantor avait présenté sa pièce en 1988 au Festival d’Automne).

 

Légende photo : Le visage de Dorota Krakowska, la fille de Kantor, se retrouve au cœur de «A Pink Chair (in Place of a Fake Antique)» à travers un entretien vidéo. Photo Maria Baranova 

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May 19, 2018 7:18 PM
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Les Limbes d'Etienne Saglio

Par Gilles Renault dans  Libération — 19 décembre 2014

Dans sa nouvelle création, l’artiste s’épanouit entre pénombre et lumière.

 

C’est une longue étreinte qui n’en finit pas, tour à tour violente et complice. L’homme et la marionnette ne forment qu’un, au point qu’on ne sait plus, parfois, qui dirige qui, voire qui est qui, entre l’individu désarticulé et son double qui s’anime, seul, à l’autre bout du plateau.

Question mystification, Etienne Saglio en connaît un rayon. Insaisissable, on l’a plutôt classifié jusqu’alors dans la catégorie (nouvelle) magie - courant dont il est une des têtes pensantes. Ici, il est siglé «cirque», sachant qu’à la limite, danse ou théâtre auraient aussi pu faire l’affaire.

Dressage

Présenté jusqu’à ce week-end à Paris, les Limbes est sa dernière création en date, conçue comme un espace qui n’autoriserait «ni le paradis ni l’enfer, où il serait possible de faire l’expérience de la mort, avant un retour à la lumière» -à la fin de la représentation, il fait d’ailleurs référence à son grand-père, décédé pendant la conception du spectacle.

 

 

«Tantôt spirite tantôt nécromancien», ainsi qu’il se présente dans la note d’intention, Saglio orchestre ainsi une drôle de sarabande sur les notes d’Antonio Vivaldi. Avec la minutie qui le caractérise (cf. son spectacle de référence, le Soir des monstres, créé fin 2007 à sa sortie du Centre national des arts du cirque), l’artiste s’épanouit de la sorte entre pénombre et lumière, jouant avec les échelles et les ambiances (spectrale, énigmatique, rêveuse, maléfique, facétieuse, poétique… la liste est longue).

 

Chez lui, entre autres, le plastique volète dans les airs, comme prenant vie pour un singulier numéro de dressage, ou s’éparpillant pour mieux se recomposer. Certains écarquilleront les yeux pour essayer de comprendre, alors que le mieux reste pourtant de se laisser emporter.

 

https://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/les-limbes/

 

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March 5, 2018 4:20 AM
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Le festival des Giboulées s'installe comme le rendez-vous européen de la marionnette

Le festival des Giboulées s'installe comme le rendez-vous européen de la marionnette | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Mathilde Cornu dans rue89 publié le 04/03/2018



L’édition 2018 des Giboulées – Biennale Corps, Objet, Image – approche à grands pas. Du 16 au 24 mars, les marionnettes dans toute leur diversité investiront les salles de spectacle de Strasbourg. Voici un éclairage pour composer votre programme, avec notre sélection de pépites.

Voir sur le site d'origine avec photos et vidéos : https://www.rue89strasbourg.com/festival-giboulees-2018-europe-marionnette-132136

Plus qu’une petite quinzaine de jours avant le retour des Giboulées, le festival emblématique du TJP qui a soufflé ses 40 bougies en 2016. Depuis sa création par André Pomarat – alors directeur du TJP – en 1977, ce temps fort offre au public strasbourgeois un panorama de la scène contemporaine autour des arts de la marionnette. Aujourd’hui, il s’affirme comme l’un des plus grands festivals dans ce domaine en Europe, et sa programmation ne cesse de s’enrichir de nouvelles formes. Qu’en est-il de l’édition 2018 ? En chiffres : 27 compagnies, 14 pays représentés, 73 représentations, 13 lieux. Mais surtout de belles découvertes en perspective.

Renaud Herbin présente ce festival comme un « concentré du projet artistique du TJP ». En effet, les problématiques qui tissent la programmation 2017/2018 (la sensibilité à la matière, à l’objet et à la marionnette ; la relation entre vivant et inerte ; la question des représentations de l’humain sur cette planète) s’y retrouvent dans des spectacles qui viennent solliciter nos imaginaires autrement.

À l’instar d’Anne Aycoberry, qui y présentera deux spectacles, c’est aussi un temps de partage pour les nombreux artistes qui s’y retrouvent :

« Les Giboulées représentent une belle opportunité de montrer notre travail, une joie de découvrir des spectacles divers et le plaisir de partager des moments de convivialité et d’échanges avec au coeur le spectacle vivant. »

Comédien, Tim Spooner, de son côté, ajoute :

« C’est une grande révélation de voir ces différentes expérimentations sur la façon dont le non-humain peut jouer. »



« Le souffle et la vie »
Première mondiale, Solace d’Uta Gebert traite de nos propres solitudes à travers le regard d’un enfant, en mêlant marionnette, modelée par elle-même, et danse. Dans ce spectacle sans parole, la metteure en scène travaille sur les frontières entre la marionnette et l’humain, l’objet et le vivant. Ali Moini viendra à son tour brouiller les seuils dans un jeu de miroir entre son corps et un squelette métallique. Grâce à un réseau de fils, de poulies et de contre-poids, le danseur et sa marionnette s’animent de concert, à tel point qu’on finit par se demander qui est sujet : l’artiste ou son avatar ? Le titre Man anam ke Rostam bovad pahlavan (« C’est par Rostam que j’hérite ma gloire ») vient d’ailleurs souligner cette relation et la lier à la question de l’usurpation.



« La machine et le vivant »


Autre limite à expérimenter, celle du vivant et de la machine – robots ou corps mécanisés – également à l’honneur de cette édition. Ainsi, avec Monkeys, Amit Drori et son équipe poursuivent leur travail de robotique en concevant et en fabriquant des singes robotisés. Entre l’animal et la machine, ces « Electro-Monsters » viennent interroger l’essence même de notre humanité.

Avec Novo, Paulo Duarte fait suite à l’installation qu’il avait présentée lors de l’édition 2016 : un voyage visuel et sonore à travers des maquettes urbaines. Au centre, une femme endormie qui se révèle être un automate. Son ombre apparaît en toile de fond, elle semble veiller sur la ville. Enfin, le théâtre de Joris Mathieu se passe des hommes. Artefact est un spectacle de machines où une intelligence artificielle rêve de faire du théâtre ; il questionne notre rapport au vivant et à la technologie.


« La notion de déplacement »


Tout aussi actuelle que celle de la machine, la problématique du déplacement occupera deux spectacles : Terres invisibles, de la Cie Livsmedelt Theater et A de la Cie Skappa ! Terres invisibles met en regard le voyage de Marco Polo, et son récit, avec le traitement médiatique actuel des migrants. L’exil y est raconté à travers un mélange entre le micro- et le macroscopique, où les corps se font paysages pour narrer les déplacements qui concernent aujourd’hui des milliers d’individus. Dans A, nous partons à la recherche du paradis terrestre dans un théâtre d’ombre et de peinture : une visite troublée par un intrus qui viendra détruire petit à petit l’exposition.


Des spectacles jeune public


Accessible dès 6 ans, A fait par ailleurs partie des spectacles jeune public proposés par le TJP pour la Biennale Corps-Objet-Image. Parmi eux, notons également La Fascination des pommes (à partir de 2 ans) de la marionnettiste et metteure en scène Catherine Sombsthay qui, en explorant matières, sons et couleurs, repousse les limites du possible.

Le théâtre de projections, d’ombres et de marionnettes à tiges de Fabrizio Montecchi promet au public dès 5 ans une histoire d’amitié curieuse et poétique entre un canard et la mort. Adapté de l’album de Wolf Erlbruch, le décor ne dénote pas avec l’univers visuel de l’illustrateur et tout se conte et se fabrique à vue, près du public.


Réactualiser les contes


La Valse des Hommelettes (dès 6 ans), fait lui aussi partie des spectacles destinés aux plus jeunes spectateurs. Des personnages des frères Grimm prennent place dans une horloge au mécanisme ingénieux, qui réserve et révèle surprises.

Autre manière d’actualiser les contes, la Cie Pseudonymo propose un parcours onirique autour du conte de Blanche-Neige. A partir du texte Noirs comme l’ébène de Claudine Galea, d’où la pièce tire son nom, nous sommes amenés à plonger dans une série de tableaux où les figures féminines se superposent et se confondent.


Au programme de cette édition, notons la présence de la pièce Eldorado Terezin de la metteure en scène et chercheuse strasbourgeoise Claire Audhuy. Conçu en deux partie, ce spectacle traite dans un premier temps du rapport fait par la Croix Rouge du ghetto de Terezin. Dans un spectacle entre marionnettes, jeu, maquettes et caméras, ressortent le mensonge et la manipulation orchestrés par le commissaire nazi Karl Rahm.

Le second temps est une mise en scène d’un texte écrit par un jeune garçon du ghetto de Terezin, Hanuš Hachenburg (dont Rue89 a déjà parlé). Au cours de ses recherches, Claire Audhuy a trouvé cette pièce – On a besoin d’un fantôme – qu’il avait écrite pour marionnettes et où lui et ses camarades se moquent de leurs bourreaux. Marie Hatterman, comédienne et marionnettiste, commente : « C’est Ubu, c’est incroyable de lucidité ! ».

Claire Audhuy a pu se baser sur des témoignages d’autres jeunes de ce ghetto pour redonner à entendre ce texte et documenter sur ce genre de théâtre extrême. Eldorado Terezin fait ressortir d’autres problématiques propres à la marionnette ; certains manipulateurs sont en noirs, tandis que d’autres, à vue, engagent un va-et-vient entre jeu d’acteur et de marionnettiste.

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Dans cette programmation, remarquons par ailleurs la présence d’Inside, du duo Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe des sciences et Frédérique Aït-Touati, chercheuse, auteure et metteure en scène. Il s’agit d’une conférence, que Bruno Latour donne assez peu, qui questionne le rapport de l’humain à la planète. Cette collaboration permet une immersion dans l’espace nommé « zone critique », où l’eau, le sol, le sous-sol et le monde du vivant interagissent.

Rare à Strasbourg, Sylvie Baillon n’en est pas moins une figure importante des arts de la marionnette. Elle sera présente aux Giboulées pour présenter Une tâche sur l’aile du papillon, un huis-clos où le réel se tord et sème le doute dans l’esprit du spectateur.


Une création de Renaud Herbin avec des figurines


Renaud Herbin présentera Open the Owl, sa  dernière création, avec le théâtre de marionnettes de Ljubljana. Véritable machine à illusions, la réalité des êtres se dévoile à mesure que le castelet s’ouvre. Les marionnettes de ce spectacle sont des miniatures de 10 cm de hauteur conçues pour une pièce de répertoire créée en 1936 par Milan Klemencic. Basé sur un texte de Célia Houdart, le spectateur y est invité à se déplacer pour voir ce qui se passe derrière l’image.



Cette année encore, le festival s’étendra hors les murs avec Floe de Jean-Baptiste André et Maibaum de Jordi Gali, respectivement sur le parvis du théâtre de Hautepierre et sur le campus de l’Esplanade. Ainsi, les Giboulées sortiront du TJP à la conquête de l’espace public.

Strasbourg, capitale de la marionnette


Renaud Herbin tient particulièrement à ce que le TJP accompagne les nouvelles créations, aussi accorde-t-il une importance non-négligeable aux temps de résidence ainsi qu’aux co-productions. Le directeur du TJP explique :

« Les artistes nous interrogent sur le monde et sur nos façons de le représenter. Le TJP est là pour accompagner leurs projets – co-productions et premières – et les rendre tangibles et hospitaliers pour tous. Portées par le seul centre dramatique national dirigé par un marionnettiste, Les Giboulées placent Strasbourg au carrefour d’histoires et de pratiques des arts de la marionnette d’aujourd’hui, au coeur de la profession et au service du public. »

En résidence au TJP, Tim Spooner et Anne Aycoberry travaillent sur une nouvelle création : The Pulverized Palace, basé sur le récit de la « maison de la poussière » dans l’Epopée de Gilgamesh. Ce texte intéresse particulièrement Tim Spooner car d’une part il s’agit d’un des textes les plus anciens que nous ayons, mais aussi car il véhicule une vision de la vie après la mort totalement différente de celle qu’on retrouve dans le Christianisme :

« Il n’y a aucune dimension morale de récompense ou de punition mais au lieu de cela un lieu de neutralité et une dispersion de la signification. »

Ce temps de résidence au TJP est important pour les deux artistes. Tim Spooner explique:

« Nous entretenons des liens de longue durée avec le TJP et je pense qu’il y a quelque chose de très précieux dans le fait de pouvoir suivre une longue ligne de recherche (à travers les années et les projets) avec le soutien de la même organisation et du même groupe de personnes. Ainsi à cette étape nous sommes capable d’expérimenter davantage car notre compréhension est profonde. »

Pour Anne Aycoberry :

« C’est extrêmement précieux de pouvoir travailler dans d’excellentes conditions, d’être soutenu et encouragé. »

Un espace de rencontres, de réflexions et d’expérimentations
Les Giboulées sont un espace qui favorise les rencontres entre artistes, notamment lors des « Chantiers de pratique artistique » ou des « Journées professionnelles ». Il met également en valeur les jeunes générations en présentant les travaux des étudiants de la HEAR de Strasbourg et de l’école de Marionnette de Stuttgart: de cette collaboration est née une série de formes courtes qu’ils présenteront par duos au TJP Grande scène.

Le 22 mars aura par ailleurs lieu le lancement du troisième numéro de la revue Corps-Objet-Image consacré à la Ré-Animation. Une publication dans laquelle artistes et chercheurs pensent ensemble et autrement les arts de la marionnettes.

ALLER PLUS LOIN
Sur le site du TJP : le programme des Giboulées 2018  


http://www.tjp-strasbourg.com/giboulees-18/


https://www.jds.fr/agenda/spectacles/giboulees-2018-2805_DE

Y ALLER
Les Giboulées 2018 - Biennale internationale Corps Objet Image
Lieu : TJP (Grande Scène)
Date(s) : Du Ve.16/03 au Sa.24/03
Voir l'événement sur jds.fr

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October 15, 2019 5:21 PM
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Camarades par la Compagnie Les Maladroits

Camarades par la Compagnie Les Maladroits | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Mireille Davidovici dans Théâtre du blog 14/10/2019

 

Qu’en est-il de mai 68 ? Que sont devenus celles et ceux qui écrivaient sur les murs : « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi» ? Comment l’utopie a-t-elle tenu face aux vicissitudes de la vie? Benjamin Ducasse, Valentin Pasgrimaud, Hugo Vercelletto et Arno Wögerbauer interrogent l’Histoire à travers les récits de ceux qui ont vécu mai 68. Ils ont mené une enquête auprès d’une vingtaine de ces « camarades“ et collecté leurs récits : «Outre l’année 68, nous choisissons de nous concentrer sur les expériences communautaires, les luttes féministes et la radicalisation de certains parcours. Une rencontre décisive nous a inspiré le personnage de Colette. »

Pour nous mettre en haleine, les artistes se livrent à un sondage : que représentent pour nous ces années là? Résultat: un inventaire à la Jacques Prévert avec couleur orange dans la décoration, guerre au Viet nam,  L.S.D., grève chez Renault, gaz lacrymogènes, Manifeste des 343 , Alain Geismar,  Daniel Cohn-Bendit,  Easy Rider,C laude François,  Jean Ferrat… Comment assembler tous ces éléments? Après une A.G. houleuse où tenants du documentaire et adeptes de la fiction s’affrontent, ils installent l’espace de jeu.

Une table de cuisine en stratifié sera le plateau d’un théâtre miniature où les personnages, réduits à des bâtons de craie, vont évoluer. Sur un tableau noir, s’inscrivent les chapitres de la vie de Colette. Des boîtes à biscuits peintes en noir avec des fenêtres dessinées font office d’immeubles. Quelques accessoires et éléments de costumes pour distinguer les personnages tandis que les acteurs manipulent décor et morceaux de craie représentant l’héroïne, sa famille, ses amis et amants. Cette militante de mai 68 et des luttes féministes des années soixante-dix est née à Saint-Nazaire en 1948 dans une famille modeste: père boucher, mère femme de ménage… En 1967, étudiante à Nantes, elle rencontre des militants des comités Viet nam…Puis agitation estudiantine, manifs, Université occupée et séquestration du Recteur,  arrestations… Déjà, les femmes commencent à revendiquer leur place dans ces luttes où elles n’ont pas la parole. Viendront alors le féminisme, les combats pour l’avortement avec la méthode d’aspiration Karman, la plaidoirie de Gisèle Halimi au procès de Bobigny, le mouvement S.O.S. Femmes battues … Colette en sera partie prenante, puis on perdra sa trace.

A quoi tout cela aura-t-il servi ? se demandent Les Maladroits qui savent créer avec habileté des images à partir de peu: comme cette farine jetée sur les immeubles figurant les bombardements qui ont détruit Saint-Nazaire à 80 %. Soufflée, cette poudre blanche devient brouillard sur le port breton ou la fumée des gaz lacrymogènes. Une craie écrasée symbolise la répression policière … Chaque geste est calculé, chaque manipulation millimétrée selon une chorégraphie très précise. Avec de subtils décrochages de jeu, les acteurs-manipulateurs apportent leurs commentaires à ce récit situé entre réalité et fiction : «Tout est vrai, disent-ils, mais tout est inventé. »

Avec ce spectacle d’une heure vingt, bien écrit, d’une extrême finesse et d’un humour décapant mais non dénué d’émotion, ils questionnent autant les générations précédentes que la leur, à la recherche de sa propre histoire. Un véritable travail collectif pour inventer un théâtre bricolé, ingénieux, jouissif et  où ils insufflent de la vie à des matériaux de récupération. Il faut suivre cette compagnie venue de Nantes.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 20 octobre, Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette. 73 rue Mouffetard, Paris (V ème) T. : 01 84 79 44 44.

 Le 5 novembre, Quai des arts, Pornichet (Loire-Atlantique); les 15 et 16 novembre,  MarionNEttes, Festival international de Neuchâtel (Suisse) ; le 21 novembre, Saint-Denis-de-Gastines (Mayenne); le 26 novembre, TRIO…S, Scène de territoire d’Hennebont (Morbihan) ; du 27 au 29 novembre, Les Quinconces, Le Mans (Sarthe). Les 18 et 19 décembre,  La Paillette Rennes (Ile-et-Vilaine). Le 10  janvier, La Maison du Théâtre, Brest (Finistère);  le 14 janvier, L’Hectare, Vendôme (Loire-et-Cher) ; les 16 et 17 janvier, Jardin de Verre, Cholet (Maine-et-Loire) et le 30 janvier, Festival Graine de Mots, Bayeux (Calvados).

Les 6 et 7 février, Scènes Croisées de Lozère, Mende (Lozère) et le 29 février, Nuit de la marionnette, Clamart (Hauts-de-Seine). Le  20  mars, Théâtre l’Odyssée, Orvault (Loire-Atlantique).

Le 7 avril, Théâtre Le Passage, Fécamp (Seine-Maritime); le 9 avril, Théâtre de Laval (Mayenne) ; le  28 avril, Le Carroi, La Flèche (Sarthe) et le 30 avril, Villages en scène, Faye d’Anjou (Maine-et-Loire). Du 5 au 7 mai,  Scène nationale de Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; le 11 mai, Théâtre Municipal, Charleville-Mézières (Ardennes) et le 26 mai, M.J.C. , Rodez (Aveyron).

 

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July 18, 2019 1:47 PM
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Hen, création et mise en scène de Johanny Bert

Hen, création et mise en scène de Johanny Bert | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Christine Friedel dans Théâtre du blog, 15 juillet 2019

 Hen, textes de Brigitte Fontaine, Perrine Griselin, Laurent Madiot et Pierre Notte, création et mise en scène de Johanny Bert




Ce corps-là est fabriqué de pièces et de morceaux, changeant, transformable, outré ou réduit par l’artiste Eduardo Felix : un objet incroyablement sensuel. Il a avec lui, tout de noir vêtus, main dans la main, Johanny Bert et Anthony Diaz. Manipulateurs ? Ils l’animent, le/la font entrer dans la vie et avec quelle intensité ! Hen est devant, en toute fluidité, comme un masque pour l’acteur qui lui donne sa (belle) voix en direct. Difficile de faire plus vivant, plus physique que ce théâtre d’objets, accompagné ici par Guillaume Bongiraud, au violoncelle et Cyrille Froger, aux percussions : des présences fortes, attentives, malicieuses, parfois ironiques, en réponse à ce qui se passe dans le castelet.

Johanny Bert donne ici une nouvelle facette à son art de travailler avec les objets, pour employer un mot simple et d’inventer à chaque spectacle un rapport neuf et juste entre les vivants, les marionnettes, l’espace, les matériaux et la musique. Sa patte ? Une capacité à se réinventer, sans capitaliser sur une forme qui serait une signature. Hen éblouit par une agilité et un rythme musical sans temps mort. La poupée fait corps comme jamais avec son acteur, traversée par sa voix : une nouvelle voie pour Johanny Bert, modeste et ambitieuse. Un spectacle dur et tendre à la fois. À voir et à partager.

Christine Friedel

Théâtre du Train bleu, 40 rue Paul Saïn, Avignon, à 17h10, les jours pairs jusqu’au 24 juillet. T. : 04 90 82 39 06.

 

Photo Christophe Raynaud de Lage

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April 27, 2019 11:21 AM
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Luce, une petite fille dans la lumière de Paris-Villette

Luce, une petite fille dans la lumière de Paris-Villette | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot  pour Le Figaro  le 25/04/2019 

Adapté à la scène, le roman de Jeanne Benameur Les Demeurées parle aux plus jeunes comme aux adultes.

Qu’est-ce que cette masse informe que l’on aperçoit sur le plateau? On dirait un gros édredon qui respirerait… Ce n’est pas inquiétant. Mais on ne comprend pas bien de quoi il s’agit. Et puis, en lents mouvements, les personnages vont peu à peu émerger. Comédiennes et marionnettes. Jeanne Benameur a écrit Les Demeurées il y a quelques années et, étrangement, ce livre qui aborde des thèmes difficiles, a séduit plusieurs metteurs en scène. Les Demeurées est l’histoire d’une mère qui pourrait être l’idiote du village. Elle a une petite fille. Elle vit dans la peur. Elle ne se sépare jamais de l’enfant née d’une tragédie. Mais un beau jour, une institutrice s’en mêle… pour le dire vite.


Après des versions interprétées par des comédiennes, voici donc une adaptation par Cyrille Louge, de la Compagnie Marizibill, qui s’intéresse à la différence, à l’altérité. Et qui travaille avec des marionnettes. Mais aussi avec des interprètes, comédiennes ou danseuse.

Grâce et fluidité pour un pas de trois
Le découpage opéré par Cyrille Louge, sa manière de représenter les protagonistes, est très sophistiqué. Mais on comprend tout très vite. Et les enfants, bien avant les adultes. Il est fascinant de ressentir que les plus jeunes ne s’embarrassent pas de questions oiseuses, de questions de «grands» et sont de plain-pied avec ce qui se passe sur le joli plateau du Paris-Villette. La maman, ici, possède une grande tête de poupée un peu triste. On ne voit jamais le vrai visage de la manipulatrice qui l’incarne tout en glissements de danseuse. Sonia Enquin ne la rend jamais menaçante, mais de la protection de la petite fille, Luce, à l’absorption, il n’y a qu’un filet de lumière… Luce, donc, Mathilde Chabot, semble parfois noyée, puis surgit tandis que Solange, Sophie Bezard, l’institutrice, est dans la figuration simple, si l’on peut dire. Les trois artistes se plient avec grâce et fluidité à ce pas de trois, très étrange, qui touche chacun, les enfants comme les adultes. Francesca Testi est la créatrice des poupées tandis que la vidéo de Mathias Delfau et la bande-son ajoutent leurs notes claires.

Luce, Théâtre de Paris-Villette (XIXe), à 14 h 30 ou 19 heures en semaine, 16 heures le dimanche. Durée: 50 minutes. Dès 7 ans. Tél.: 01 40 03 72 72. www.theatre-paris-villette.fr Longue tournée en France en 2019-2020.

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April 13, 2019 12:43 PM
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Luce d’après le roman Les Demeurées de Jeanne Benameur, écriture et mise en scène de Cyrille Louge

Luce d’après le roman Les Demeurées de Jeanne Benameur, écriture et mise en scène de Cyrille Louge | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 13 avril 2019


Luce d’après le roman Les Demeurées de Jeanne Benameur (Ed. Denoël), écriture et mise en scène de Cyrille Louge – dès 7 ans.

 Après La Petite Casserole d’Anatole, la compagnie Marizibill explore encore la différence et la difficulté d’être, en adaptant Les Demeurées de Jeanne Benameur.

Une mère et sa fille vivent en osmose, l’une près de l’autre, l’une recouvrant l’autre, comme si la mère venant tout juste d’accoucher, ne pouvait renoncer à cet état transitoire, protégeant et gardant à soi la petite qui ne connaît qu’une vie recluse.

La mère est une tête-marionnette énorme – un masque de visage disproportionné –, manipulée par le corps de Sonia Enquin, comédienne- danseuse qui reste voilée et dont on aperçoit, çà et là, une jambe dépliée qui pourrait être celle aussi de sa fille.

Jamais nous ne verrons la chevelure dévoilée de cette mère excessive et abusive.

Luce – l‘héroïne juvénile – joue la « manipul/actrice », une actrice-manipulatrice dont le corps se mêle à la marionnette ; le dédoublement mère/fille joue à partir du bassin- pivot de Mathilde Chabot, figure manipulée et manipulatrice qui prendra son envol.

Les deux visages et les deux bustes relèvent de Luce dont le bas du corps est un.

Visage rond et tête rousse bouclée, plus la fille se rapproche de sa génitrice en se coupant du monde, plus elle disparaît dans le buste premier et immobile – comme sans vie -, et plus elle s’écarte de lui, plus elle s’épanouit et semble prendre vie.

Manipulée tantôt avec la main, tantôt avec la bouche, la partie marionnettique est brandie parfois comme un bouclier, et parfois éloignée pour révéler son intériorité.

A la table du petit-déjeuner, un bol rêveur et une mie de pain dont elle fait un personnage. Luce est chrysalide, un état intermédiaire par lequel passe la chenille avant de devenir papillon, un entre-deux de poupée et de fille, appelé à se détacher .

Le metteur en scène Cyrille Louge évoque, en parlant du spectacleLuce, une écriture scénique purement visuelle tendant à rendre organique le cocon mère/fille.

Et la séparation de la gangue, inventive et articulée avec brio sur le plateau, n’advient que grâce à Mademoiselle Solange, l’institutrice qui, à l’école, aide Luce à s’ouvrir au monde et à le contempler enfin, hors des fermetures et de l’ignorance, hors du mutisme et de ce temps initial d’avant la parole et qui se suffit à lui-même.

Sophie Bezard, vêtue d’une jolie robe rouge virevoltante, est l’institutrice libératrice qui apporte le souffle – la curiosité positive et inspiratrice d’un monde à explorer ; vive et mobile, elle marche autour du plateau tournant, disparaît puis revient.

Sur l’écran de projection-vidéo de Mathias Delfau, sont projetées les lettres de l’alphabet, d’un simple mouvement du bras et de la main, l’institutrice enseigne l’orthographe à « Luce », et les lettres dansent, de même les chiffres à calculer.

Sur le chemin du retour, l’écolière croise encore les arbres hivernaux de la vie et de la terre. Peur, effroi de l’enfant face à l’univers, mais peu à peu le monde l’apprivoise.

Chants à tue-tête d’oiseaux printaniers, nul ne peut résister à l’appel du désir d’être, quand on se tient en éveil, à la lisière d’une journée et d’une matinée ensoleillée.

La conception des marionnettes par Francesca Testi est poétique et onirique, et le talent de Cyrille Louge pour le théâtre d’objet explore au mieux les possibilités inventives de l’art de la manipulation quand il se conjugue aux attentes existentielles.

Véronique Hotte

Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès 75019-Paris, du 12 avril au 5 mai,  le 14 avril à 16h, le 19 avril à 19h, le 21 avril à 16h, les 24, 25 et 26 avril à 14h30, le 28 avril à 16h, les 2 et 3 mai à 14h30, le 5 mai à 16h, le 18 avril à 10h et 14h30. Tél : 01 40 03 72 23


Crédit photo : Alejandro Guerrero

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January 23, 2019 6:22 PM
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« La Vie devant soi », d’après Romain Gary, mise en scène Simon Delattre

« La Vie devant soi », d’après Romain Gary, mise en scène Simon Delattre | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Léna Martinelli - Les Trois Coups l 23.01.2019

Simon Delattre met en scène une remarquable adaptation de « la Vie devant soi », d’après Romain Gary. Ce magnifique spectacle, intelligent, drôle, émouvant et bourré de trouvailles scéniques, livre un inoubliable hymne à la différence et à la générosité.

« Est-ce qu’on peut vivre sans amour ? » Momo, un jeune garçon d’origine arabe abandonné par ses parents, vit son « premier grand chagrin » quand il apprend que, chaque fin de mois, sa mère adoptive reçoit un mandat pour le garder. L’aime-t-elle vraiment ?

L’adaptation de Yann Richard se concentre sur le cœur du roman, le duo iconoclaste formé par Madame Rosa, ancienne prostituée reconvertie dans la garde d’orphelins, qui rend ainsi service à ses anciennes collègues parties faire le trottoir, et « ce gosse né de travers », lequel en sait bien peu sur lui, à commencer par son âge : « J’suis pas daté », répète-t-il.

Dans la Vie devant soi, l’âge revête une grande importance comme indice déterminant pour Momo qui doit connaître ses parents, s’il veut bien grandir, et facteur aggravant pour Madame Rosa, rescapée d’Auschwitz hypocondriaque. Le môme raconte : « La première chose que je peux vous dire c’est qu’on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu’elle portait sur elle et seulement deux jambes, c’était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu’elle ne se plaignait pas d’autre part, car elle était également juive. Sa santé n’était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c’était une femme qui aurait mérité un ascenseur ».

Vivre et mourir

Voilà comment débute cette histoire d’amour, véritable conte d’initiation. Outre la quête identitaire, le roman mène une réflexion riche et complexe, brasse de nombreux thèmes (l’amour filial, la peur de vieillir, l’altruisme, l’antisémitisme…). On comprend pourquoi l’auteur a remporté le Prix Goncourt en 1975 (et pour la seconde fois, après l’avoir reçu en 1956 pour les Racines du ciel). La langue est savoureuse, le verbe haut.


Ces questions existentielles et sur le « vivre-ensemble », Simon Delattre, artiste en résidence au Théâtre Jean-Arp – scène conventionnée de Clamart et membre de l’Ensemble artistique du centre dramatique national de Sartrouville, s’évertue à les poser depuis ses tous premiers spectacles.

L’adaptation permet de passer avec fluidité de la narration à l’incarnation. Idéal pour cet hymne à la vie ! Et elle permet à la mise en scène d’exploiter la tension entre le drame et la manière dont il est vécu par Momo, candide mais très intelligent.

En effet, celui-ci accompagne comme il peut sa mère adoptive dans sa douloureuse fin de vie, hantée par la guerre. Avec une tendresse infinie, il prend soin de celle qui l’a élevé, essaie d’adoucir ses derniers jours, de lui offrir une fin digne, belle à l’image de l’enfance qu’elle lui a offerte. Il choisit les mots comme arme, mais pour raconter et sauver. Quelle leçon d’humanité ! Momo incarne aussi la figure de l’artiste. Son histoire montre comment s’ouvrir à l’art, à la poésie et à la philosophie pour s’émanciper de sa condition sociale.

 L’amour plus fort que tout

Le spectacle est d’une grande inventivité et d’une poésie en parfaite adéquation avec celle de l’auteur. Marionnettiste de formation, Simon Delattre utilise cet art au service d’une réflexion, avec une esthétique très particulière, hybride. Il confirme son style – élaboré – où idées, images et musique ont un rôle important. Il maîtrise chaque détail, jouant des contrastes entre violence de la situation et élégance de la forme, puissance du texte et légèreté de la langue.

La scénographie est pleine de fantaisie et offre un terrain de jeu qui met le corps en alerte. Au centre de la scène, un immense escalier de bric et de broc sur lequel évoluent les personnages ; de chaque côté, les espaces de vie. À jardin, le minuscule appartement, kitsch à souhait, de Madame Rosa dans un container surélevé, avec son « trou juif » en-dessous. À l’opposé, l’espace dédié à la musique et au doublage. La mort en boîte, pour cette femme confrontée aux démons de son passé, et la vie devant soi, pour cet artiste en devenir.


Comme la petite et la grande histoire, les personnages, tous hauts en couleurs, se croisent là et les marionnettes leur apportent un supplément d’âme. Madame Rosa, monstre au grand cœur, n’en finit pas d’occuper l’espace. Le docteur Katz, plus long que large, et Monsieur Hamil, le vieux sage aux « cheveux d’avant-guerre », sont drôles et touchants à la fois.

La distribution est formidable. Tigran Mekhitarian, en Momo, est le chef d’orchestre. Il donne du relief à ce « fils de pute » rêveur et poète doté d’une grande sensibilité souvent combattive. Pour son métier, n’hésite-t-il pas un temps entre flic ou terroriste ? Finalement, il préfèrera « tout faire avec les mots sans tuer les gens, comme Victor Hugo », son maître. Madame Rosa est littéralement portée par Maïa Le Fourn – époustouflante – et Nicolas Goussef se révèle d’une grande précision pour les autres rôles. À la fois comédiens et manipulateurs, tous les trois font vibrer la corde sensible avec beaucoup de justesse.

Enfin, Nabila Mekkid (du groupe Nina Blue) soutient le spectacle – et toutes les prostituées du monde – par sa musique live. Son timbre rauque et les rip de sa guitare apportent une couleur très particulière. Les chansons sont en français, en anglais et en arabe car cette plongée dans le Belleville des années 1970, où la solidarité soudait les différentes communautés, interroge notre présent. « Ce roman qui traverse les âges est actuel, et mieux encore : universel », souligne Simon Delattre.

Alors, « Est-ce qu’on peut vivre sans amour ? ». Cette question qui taraude Momo fournit l’occasion d’un véritable hymne à la fraternité. Car, non, les liens du sang ne font pas tout. ¶

Léna Martinelli

 


La Vie devant soi, d’après le roman de Romain Gary
Publié en 1975 au Mercure de France (sous le pseudonyme d’Émile Ajar), droits théâtre gérés par les éditions Gallimard

Rodéo Théâtre
Adaptation et assistanat à la mise en scène : Yann Richard,
Mise en scène : Simon Delattre
Avec : Nicolas Goussef, Maia Le Fourn, Tigran Mekhitarian
Musique live : Nabila Mekkid (Nina Blue)

Scénographie : Tiphaine Monroty, Morgane Bullet
Création lumière : Tiphaine Monroty
Création son : Tal Agam
Construction du décor : Morgane Bullet, Clément Delattre
Stagiaire scénographie : Emma Bouvier
Construction des marionnettes : Marion Belot, Anaïs Chapuis
Costumes : Frédéric Gigout
Confection des costumes de Madame Rosa et du Rideau : Odile Delattre
Adaptation LSF : Yoann Robert
Régie générale : Jean-Christophe Planchenault
Régie lumière : Jean-Christophe Planchenault (ou Chloé Libero)
Régie son : Laurent Le Gall
Administration et production : Bérengère Chargé
Diffusion : Claire Girod
Remerciements : Thierry Collet
Durée : 1 h 45
Photos © Matthieu Edet 
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-C.D.N. • 8, place Jacques-Brel • 78500 Sartrouville
Du 15 au 18 janvier 2019
Réservations : 01 30 86 77 79 et en ligne
De 8 € à 28 €
Durée : 1 h 35
À partir de 14 ans

Tournée

Du 24 au 26 janvier, Théâtre Massalia, à Marseille (13)
Le 29 janvier, au Théâtre de Grasse
Le 1er février, La Garance, scène nationale de Cavaillon (83)
Du 6 au 8 mars, au T.J.P., CDN d’Alsace, Strasbourg (67)
Le 21 mars, Méliscène, Espace Athena, Auray (56)
Le 30 avril, Théâtre de Laval

Photos © Matthieu Edet 

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October 13, 2018 5:11 AM
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Tout Shakespeare in English sur une table de cuisine

Tout Shakespeare in English sur une table de cuisine | Revue de presse théâtre | Scoop.it



Par Armelle Héliot  dans Le Figaro  le 12/10/2018 

La compagnie britannique Forced Entertainment présente l'ensemble des pièces du grand Will dans des versions de moins d'une heure. Un acteur et des objets ordinaires en guise de marionnettes.

Ceux qui ont eu la chance de les découvrir, dans les années 90, n'ont jamais oublié les artistes de la compagnie française le Nada Théâtre avec sa version pour légumes des aventures d'Ubu. Carottes, poireaux, radis, concombres et autres pommes se démenaient sur une table, manipulés par des comédiens forts d'un entrain enfantin communicatif. Le spectacle fit le tour du monde…

Avec Complete Works: Table Top Shakespeare, la compagnie britannique Forced Entertainment («divertissement forcé») qui présente régulièrement en France ses créations toutes très originales, reprend un peu le principe de Jean-Louis Heckel et Babette Masson, élèves de Jacques Lecoq, transfuges de chez Philippe Genty pour Ubu.

Une table, une chaise, deux petits blocs à droite et à gauche, le tout entre deux rayonnages bourrés de produits que l'on trouve dans la cuisine. Produits alimentaires, pots de mayonnaise, bouteille d'huile, flacons divers, objets utilitaires, râpe à fromage, décapsuleur, etc. Tout est bon. Tout devient un «personnage»! Une scénographie de Richard Lowdon dans des lumières et un peu de son par Jim Harrison.

Quelque chose d'enfantin
Jarry avait lui-même pensé aux marionnettes. Évidemment pas Shakespeare. Et le travail des six comédiens de la compagnie, dirigée par Tim Etchells, qui supervise les mises en scène, est époustouflant. Ils ont «réduit» l'ensemble des pièces de William Shakespeare, trente-six œuvres, comédies comme tragédies. Durée de chaque réduction: de 45 minutes à une heure. Et des formes très différentes: un récit sobre et grave, non dénué d'ironie, pour Le Marchand de Venise par Nicki Hobday, une symphonie carnavalesque pour Peines d'amour perdues par Robin Arthur. Chaque pièce est traduite selon une dramaturgie stricte et cohérente. Éclairante. Leurs camarades, Jerry Killick, Richard Lowdon, Claire Marshall, Cathy Naden, Terry O'Connor, ont mis la main à la pâte. Ils ont pensé chaque transposition, et les objets qui représentent les protagonistes ne sont pas choisis au hasard. Tout fait sens avec finesse et malice.

Tout est joué en anglais, sans surtitrage. Mais c'est un anglais d'aujourd'hui et les interprètes, chacun assis derrière la table-scène, prennent bien garde à l'articulation et au ton. Il y a là quelque chose d'enfantin et de jubilatoire qui touche même ceux qui ne maîtrisent pas complètement la langue. Personne n'est perdu. On a peur, on rit, on sourit, on est ému. Les objets ont une âme et les Britanniques beaucoup d'esprit!

Théâtre de la Ville-Espace Cardin, dans le cadre du Festival d'Automne, jusqu'au 20 octobre. Certaines séances sont complètes, mais il reste des places. Loc.: 01 42 74 22 77.

 

Légende photo : Produits alimentaires, piles, râpe à fromage… Tout devient un «personnage» dans une réinterprétation des pièces de Shakespeare. - Crédits photo : Hugo Glendinning

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October 3, 2018 6:44 PM
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Sénégal: ces enfants des rues parfois battus à mort par les marabouts 

Sénégal: ces enfants des rues parfois battus à mort par les marabouts  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Laurence Bertels dans La Libre Afrique 26.09.2018

 

Environ trente mille enfants, des talibés, envoyés dans les écoles coraniques, mendient dans la rue et sont maltraités, voire tués, par le marabout, s’ils ne ramènent pas la somme voulue.

La comédienne sénégalaise Patricia Gomis dénonce cette réalité dans son nouveau spectacle, « Petit bout de bois» dont nous avons découvert une étape de travail au Senghor.

Rencontre avec une femme de talent et d’engagement.

Une batterie de boîtes de conserves, d’apparence anodines, suspendues aux fils comme le linge au jardin. Des boîtes ou plutôt des «pots de tomates», précise la comédienne sénégalaise Patricia Gomis de l’association Djarama, avant d’ajouter qu’à l’intérieur se trouvent du sucre, des bougies et quelques pièces de monnaie, soit le matériel de survie des enfants des rues dans son pays, ceux que l’on appelle les talibés et qui mendient toute la journée pour ramener de l’argent au marabout censé leur enseigner le Coran.

Cinquante mille enfants concernés

Souvent, trop souvent hélas, après l’apprentissage des premiers versets, à cinq heures du matin, les talibés sont envoyés sur les routes et sont priés, le mot est faible, de revenir avec suffisamment d’argent le soir pour éviter les coups de bâtons ou de fil électrique, sans parler des abus sexuels, jusqu’à ce que mort s’en suive parfois.

Cette problématique, d’enfants dans les rues, bien connue au Sénégal, concerne environ 50 000 enfants dont trente mille sont des talibés, mais rapporte tellement d’argent aux marabouts qu’elle risque malheureusement d’avoir encore de beaux jours devant elle.

«Je m’appelle Ndongo, j’ai 16 ans, je vis dans la rue. Je suis né à Sibassor. Mon père a beaucoup d’enfants, 3 femmes, une charrette et son champ. Ma mère est morte, j’avais 6 ans. Père a décidé de m’envoyer au daara. Mon père a dit : Notre père a dit : «Je viendrais vous voir buu sobé yalla » (s’il plaît à dieu).  Il a dit au Sérigne Daara (maître coranique): «Tu as droit de vie, de mort sur eux », il l’a remercié et il est parti…. »

Cette réalité, Patricia Gomis, une comédienne très active au Sénégal, où elle a créé une école à pédagogie active et un festival de théâtre pour les enfants des rues, ne peut plus la supporter.

Elle veut la dénoncer à travers son spectacle, très Arte Povera, «Petit bout de bois», dont elle vient de montrer une étape de travail à une poignée de spectateurs belges venus la voir à l’Espace Senghor, lieu de prédilection pour ce genre de projet.

De ville en village

Bientôt, l’artiste parcourra son pays de ville en village pour informer les enfants et leurs parents à l’aide de ce théâtre action tellement efficace en Afrique. Peut-être sera-t-elle parfois accompagnée d’un musicien pour porter plus loin encore ses magnifiques chants a cappella.

Petite, comme elle le raconte dans «Petit bout de bois», elle voulait ressembler à ces enfants, enviait leur liberté, et ignorait bien sûr tout du scandale traduit à l’aide de marionnettes, de bois, de bric et de broc. Des poupées rafistolées,  à l’image des enfants qu’elles incarnent, et qui sortent peu à peu de ces boîtes surprises dans une scénographie ingénieuse pour un seul en scène encore en  «work in progress» mais déjà très révélateur et porté par une artiste talentueuse.

Des enquêtes réalisées auprès des enfants des rues ont permis l’écriture du texte. La réalisation de marionnettes a été effectuée avec les enfants du Village Pilote et Sylvie Baillon, du pôle des arts de la marionnette Le Tas de Sable, a mis le spectacle en scène.

Bien connue en théâtre jeune public belge pour y avoir déjà joué «Avanti» ou le plus autobiographique «Moi, Monsieur Moi», dans lequel elle évoque ses années d’esclavage en France, Patricia Gomis, spécialiste du jeu clownesque,  est venue en Belgique travailler sous la direction artistique de Jeannine Gretler, de la Cie Orange Sanguine.

Brûlé vif

Après avoir suivi, au petit village côtier de Ndayane, à une cinquantaine de kilomètres de Dakar, le formidable festival de théâtre pour les enfants des rues de Patricia Gomis, et de son association humaniste Djarama qui œuvre pour l’éducation des enfants, nous l’avons retrouvée en Belgique pour parler de cette problématique des enfants des rues.

«Il existe carrément de grandes écoles coraniques avec plus de 1500 enfants et une prison à l’intérieur.Les enfants se mutilent parfois pour sortir. Un de mes camarades s’est brûlé vif pour sortir de là. D’autres s’enfuient car ils ne ramènent pas la somme promise. L’état est au courant de la situation mais n’agit pas. Quand les enfants s’échappent, ils ne vont pas chez eux mais dans la rue et ne veulent plus vivre en famille.  Les daaras où ils vivent sont de véritables horreurs. Dans la rue, ils s’organisent en sociétés. Il faut se faire accepter par le chef de gangs. Ils sont parfois violés ».

Sénégal: du théâtre sur le sable pour les enfants des rues


Immense pauvreté

Pour expliquer tout cela, elle évoque l’immense pauvreté et le passé colonial. «Le colon est arrivé avec sa culture.Le musulman ne voulait pas perdre son identité, sa culture. D’où l’apprentissage du Coran, de la religion, du culte musulman.La pauvreté est due aux fortes sécheresses. Les greniers sont vides. Les gens se sont déplacés dans les grandes villes et les enfants ont commencé à mendier.

Aujourd’hui, il existe plus de mauvaises écoles coraniques que de bonnes.

Après avoir vécu cela, les enfants n’ont pas peur de la violence. Ils peuvent vivre dans des conditions difficiles.Sur les routes, ils vendent  de tout

Ils sont endurcis et parfois, plus tard, ils veulent devenir maîtres coraniques car cela rapporte beaucoup d’argent.

Certains prennent des maisons délabrées pour y «éduquer» les enfants. Il est symptomatique qu’en wolof, le mot « yar » signifie à la fois éduquer et cravache.»

Je me lève à 6 heures. Je vois les enfants dans les rues. Il fait froid.

Ils sont en habits légers. Ils mendient du matin au soir. On les appelle enfants mendiants. Il est hypocrite de la part de l’état et des Sénégalais d’accepter cette situation. La religion recommande de donner la charité alors les Sénégalais obéissent. Pendant les campagnes électorales, chaque gouvernement promet de lutter contre la charité mais ces promesses ne sont pas tenues. Je veux que les Sénégalais se rendent compte de ce qui se passe.»

 Ne plus donner d’argent

Que propose notre interlocutrice qui, devant son thé et ses fruits secs, ne peut s’empêcher de s’enflammer lorsqu’elle parle de ce sujet qui lui tient tellement à cœur. «La mendicité rapporte des milliards de CFA par an aux marabouts. Le gouvernement n’a donc aucun intérêt à la faire cesser.

Les ONG continuent à donner de l’argent aux États et, en ce sens, sont complices.Il faut que les parents fassent moins d’enfants.Et qu’ils arrêtent de donner de l’argent car en le faisant, ils entretiennent le système.

Il faut aussi établir des règles pour les écoles coraniques comme pour les écoles laïques.Il y a plein de normes pour les écoles laïques. On doit prouver qu’on est capable d’enseigner. Pourquoi n’est ce pas pareil pour les écoles coraniques?» conclut Patricia Gomis avant de reprendre son «Petit bout de bois» de pèlerin et de prêcher sa parole dans tout le pays.

Laurence Bertels


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August 29, 2018 7:34 AM
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Reportage à la Route du Sirque, à Nexon 

Reportage à la Route du Sirque, à Nexon  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Laura Plas dans le blog Les Trois Coups 20/08/2018


Lapins à suivre !

À Nexon (Haute-Vienne), les propositions circassiennes se multiplient au détour des bosquets. Nous vous offrons ici notre carte du tendre. Vous y serez guidés par d’étranges lapins vers deux spectacles empreints de fantaisie :

 

« La Valse des Hommelettes » et « Les Princesses ».

Comme tout festival, La Route du Sirque décline une myriade de propositions qui rassemblent des esthétiques très diverses et engendrent des réceptions contrastées. Pour preuve, l’accueil enthousiaste réservé par le public à Instante, alors que le spectacle ne nous a pas conquis. Une séance supplémentaire a même été programmée ! Les spectateurs ont-ils simplement reconnu la maîtrise impressionnante de la roue Cyr, ou l’énergie déployée par Juan Ignacio Tula ? Éblouis par le travail sur la lumière stroboscopique, ont-il éprouvé un état de transe ? Sans doute. Et l’on ne peut, certes, nier ici la qualité de l’exécution.



De même, s’impose la qualité formelle de Météores, une variation élaborée par Mathilde Arsenault Von Volsem et Frédéric Arsenault autour d’une échelle. Pourtant, la réflexion sur les limites et les fragilités du corps est trop subtile pour certains esprits mal dégrossis (dont nous avons été). On aurait ainsi aimé que la musique s’arrête plus vite pour que le silence nous rapproche des interprètes. À ce moment-là, on a partagé leur connivence et perçu leur humour. Par ailleurs, Face à l’immense échelle qu’emploient les artistes, on a songé à Icare, Sisyphe, Jacob. Or cette dimension mythique, imaginaire, alors même qu’elle est indiquée dans la note d’intention, semble délaissée au profit d’une performance.

Moi pas princesse, eux pas gentils héros
Heureusement, deux spectacles font, eux, la part belle à l’imaginaire. Avec des esthétiques fortes, mais très différentes, ils s’aventurent dans les contrées luxuriantes du conte en proposant de vrais univers. Évoquons d’abord La Valse des Hommelettes de Patrick Sims qui remporte, haut la main, la palme du spectacle le plus décrié par les adultes. Inoubliable, la pièce se niche au fond de vous comme un coucou. Elle fait ainsi son nid avec des brins d’interrogation, des éclats d’émerveillement et des bris d’horizon d’attente. Vous veniez voir en famille un spectacle plein de jolies images et de bons sentiments. Les mots « conte » et « marionnettes » vous avaient confortés dans votre choix et vous aviez, de plus, découvert une scénographie digne de vos rêves : entre le chalet d’Hansel et Gretel et le jouet en bois rétro.


Pourtant, panique à bord : voilà que ce magnifique décor recèle des elfes maléfiques, un horrible coucou et autres surprises plus ou moins inquiétantes. Par ailleurs, la maison fait tic-tac comme une bombe prête à vous exploser à la figure ou comme ces horloges qui disent que la vie est à sens unique vers le tombeau. Tout passe et s’abolit ainsi dans cette mécanique qui occupe tout le plateau : le joujou se métamorphose en Vanité.

Quant aux manipulateurs animaux (les mignons lapins, la gentille maman oiseau), vous commencez à les trouver sacrément doués mais pas si naïfs que ça. Ne s’empêtrant jamais dans une manipulation qui associe pourtant le fil et la tige, ils osent brouiller vos codes, raviver les couleurs passées des obscurs contes de Grimm et vous entraîner dans une narration complexe.

Parents, écoutez vos enfants !

Un conseil, donc, pour apprécier comme il se doit cette étrange et intéressante proposition : prenez exemple sur les enfants. Ils sont en effet moins définitifs sur ce que doit être un spectacle jeune public, mais se laissent ébaudir par la beauté sombre de l’univers proposé. Sinon, le Cheptel Aleïkoum vous accueillera avec toute sa générosité et sa joie communicative. Et il vous faudra peut-être même résister à l’envie d’aller confier vos bambins aux artistes à la fin du spectacle.


« Les Princesses » de et avec Matthieu « Emile » Duval, Marie Jolet, Marjolaine Karlin, Julien Michenaud, Carine Nunes, Marc Pareti © Laurent Alvarez
Les Princesses est, en effet, une pièce de cirque enjouée qui fait passer une heure vingt en un instant. Elle associe l’humour à la musique pour proposer un excellent spectacle populaire où l’on n’a pas besoin d’élaborer une tortueuse théorie afin de se convaincre qu’on aime ce qu’on voit. Le collectif y propose, comme les Antliaclastes, une variation sur les contes. Mais ils sont plutôt évoqués par le biais de topoï (scènes phares, objets emblématiques, types de contes) qui sont malicieusement interrogés à la lueur du temps présent. C’est quoi une princesse aujourd’hui ? Doit-elle avoir vingt ans et les aisselles rasées ? Est-elle obligée de rencontrer un prince (au masculin) ? Est-elle foutue de se sauver toute seule ? Et puis d’abord, l’amour dans tout ça, à quoi ça mène ?

« Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous. » 

Car c’est bien d’amour dont il s’agit là, en réalité : l’amour célébré et chanté à tue-tête, y compris par le public, avec une candeur assumée par-delà les déceptions. Toutefois, que les esprits désabusés se rassurent, les princesses du Cheptel sont loin d’être de mièvres brebis. Certes, elles racontent les joies, mais elles ne nient pas les vacheries et les larmes. Si elles chantonnent « j’aime, j’aime, j’aime », elles murmurent de nouveaux monologues (dialogues) du vagin. Elles peuvent encore mettre en évidence le côté un peu masochiste de l’amour. On dira, donc, que le spectacle est d’autant plus à croquer qu’il a l’acidité de la pomme.

Surtout, fidèle à sa générosité, le Cheptel Aleïkoum poursuit sa plus belle histoire d’amour : celle qu’il a entamée avec le public. Après lui avoir offert le pain dans le Repas, il partage ici ses effrois, sa sueur. En effet, le domaine des princesses est un chapiteau magnifique, mais petit à l’image des tentes que vos enfants ont plantées dans leur chambre. On s’y tient chaud et on se trouve très près de la piste, dont on perçoit mieux les périls et les difficultés. Par conséquent, cet espace de rêve qui mêle l’azur des cieux aux ramages shakespeariens devient un espace commun aux spectateurs et aux artistes. Pas de murs invisibles entre ceux-là. En revanche, il y a bien des surprises, des moments partagés, dont on laissera évidemment la surprise. On aurait donc vraiment tort de se priver de ce rafraîchissant songe d’une après-midi d’été. ¶

Laura Plas

Instante, de Juan Ignacio
De et avec Juan ignacio Tula
Du 16 au 19 août 2018 à 19 h 30
Durée : 25 minutes
À partir de 6 ans


Météore, de la Compagnie Aléas
Mise en scène et interprétation : Mathilde Arsenault Von Volsem et Frédéric Arsenault
Du 16 au 19 août 2018 à 18 heures, le mercredi 22 août et le vendredi 24 août à 18 h 30
Durée : 35 minutes
À partir de 7 ans


La Valse des Hommelettes, de la Compagnie Les Antliaclastes
Mise en scène : Patrick Sims
Avec : Josephine Biereye, Patrick Sims, Richard Penny
Du 16 au 25 août 2018 à 17 h 30
Durée : une heure
À partir de 9 ans



Les Princesses, du Collectif Cheptel Aleïkoum
Site du collectif
De et avec : Matthieu « Emile » Duval, Marie Jolet, Marjolaine Karlin, Julien Michenaud, Carine Nunes, Marc Pareti
Du 17 au 23 août 2018 à 19 heures, et le 25 août 2018 à 19 heures
Durée : 1 h 20
À partir de 7 ans



Orangerie du Château • 87800 Nexon
Dans le cadre de la Route du Sirque du 6 au 25 août 2018
Tarif de chacun des spectacles : 8 €, sauf Les Princesses 14 €
Réservations : 05 55 00 98 36
billetterie@sirquenexon.com

 

Légende photo 

 

   « La Valse des Hommelettes » de Patrick Sims © E. Dubost et Jean-Pierre Estournet

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June 25, 2018 7:18 PM
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Philippe Sidre nommé à la direction de l'Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières

Philippe Sidre nommé à la direction de l'Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Sceneweb -  25.06.2018


Philippe Sidre va prendre la direction de l’Institut International de la Marionnette à compter de septembre 2018. Une nomination qui sera proposée pour validation au conseil d’administration de l’IIM, qui se réunira le 27 juin prochain.

Directeur depuis 2005 du théâtre Gérard Philipe de Frouard, scène conventionnée pour les arts de la marionnette et formes animées, Philippe Sidre est un programmateur passionné des arts de la marionnette, très actif dans les associations et réseaux professionnels (réseau Quint’Est, latitude marionnette, scènes marionnette-les Avenir…). Il est aussi formateur dans le domaine culturel à l’Université de Lorraine (master 1 et 2 Arts de la Scène/pratiques culturelles) et intervient régulièrement dans de nombreux colloques et tables rondes sur les questions culturelles.

Le projet de Philippe Sidre pour l’IIM, en résonance avec les attentes du secteur, a pour objectifs d’enrichir la formation afin d’offrir aux futurs marionnettistes au-delà de solides bases artistiques, la capacité de s’approprier les enjeux de la création marionnettique contemporaine et de s’inscrire pleinement dans les réalités du monde professionnel (formations théoriques et stages pratiques). Il renforcera l’accompagnement des diplômés tout en favorisant, pour ceux qui le souhaitent, leur implantation dans la région Grand-Est, il développera la synergie entre les activités de recherche et les activités de l’Ecole et accompagnera le développement de la formation continue en liaison avec les réseaux professionnels.

Faisant vivre le patrimoine de la marionnette par la préservation et la valorisation des fonds de l’IIM, il renforcera l’ouverture de l’Institut à tous les publics sur son territoire d’implantation, notamment dans la perspective de la future Cité des Arts de la marionnette. Enfin, il œuvrera, en coopération et en concertation avec le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, au développement de projets d’éducation artistique et culturelle et d’action culturelle.

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June 5, 2018 6:30 PM
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Scènes ouvertes à l’insolite 12 è édition – Festival biennal

Scènes ouvertes à l’insolite 12 è édition – Festival biennal | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello

 

 

Scènes ouvertes à l’insolite 12 è édition – Festival biennal. De jeunes talents illuminent les formes animées au Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette, au Théâtre Paris-Villette et au Théâtre aux Mains Nues.

 Médée La Petite, d’après Sénèque, texte, conception et interprétation Cécile Givernet, mise en scène Cécile Givernet et Vincent Munsch

 Marionnettes, ombres et son spatialisé, Médée La Petite, joli spectacle de théâtre d’objets, diffuse son mystère énigmatique, d’autant qu’il invite au mariage inattendu entre une forme légère et rêveuse de cirque forain et le mythe tragique de Médée.

Une petite roulotte d’antan – songe d’enfance – est installée sur le plateau, avec sa fenêtre modeste dont le rideau hissé laisse paraître la profondeur d’un cadre de scène. Sous une musique, tantôt dansante, tantôt grave et méditative, des êtres oniriques surgissent sur la scène, formes rondes inouïes avec bras et jambes mobiles qui évoluent, montent et dansent dans l’espace, annonçant la tragédie.

Jeu d’ombres et de lumières, scintillements ludiques dans la nuit du plateau, des lignes, dessins et illustrations, placés judicieusement sous l’aura brumeuse d’une lampe, tracent la magie somptueuse des images de toute conscience intérieure.

Apparaissent ainsi, à côté de la voix narratrice qui conte l’horreur à venir, Médée d’abord dont on apprend les sentiments et les projets intimes, Jason l’infidèle, Créüse – la jeune épouse sacrifiée -, Créon le père égoïste et aussi, le chœur démultiplié de la cité, incarné par un objet insolite – sorte de roue ou d’éventail de papier – qui déplie toutes les figures citoyennes de la rue, commentant l’histoire.

Petits tableaux de genre, scènes miniatures, l’œil du public est ébloui de tant d’inventivité, entre ambiance ouverte de fête foraine et pénétration des passions.

Paperwork, conception, scénographie et interprétation Erin Tjin A Ton et Gosia Kaczmarek, mise en scène Anna Verduin



 Spectacle présenté dans le cadre de la saison néerlandaise en France, Paperworkinvite le public à pénétrer un refuge de papier – pliage, collage, minutie de la fabrication d’un monde imaginé – d’après l’œuvre et le personnage de Kafka, employé de bureau écrivant la nuit pour échapper à la réalité oppressante du jour.

Correspondance administrative de la compagnie d’assurances pour laquelle l’écrivain travaillait, et manuscrits personnels composant une œuvre littéraire, la feuille de papier est reine, de même les cartons et cartonnages en tout genre.

Que l’on ouvre un tiroir, et des mains osseuses de papier bougent leurs doigts fébriles ; des cahiers minuscules et miniaturisés sont offerts au regard, déposés sur des comptoirs séparés que le public découvre, arpentant l’espace au gré de sa déambulation, suivant tel couloir ou tel autre, entre les diverses maquettes inventées.

Les deux marionnettistes ouvrent des dossiers qui laissent surgir le moment d’une pause – tasses de thé et petite théière invitant à un goûter justement mérité. L’une des deux se réfugie à l’intérieur d’une immense enveloppe, souhaitant passer par un cheminement postal aléatoire avant d’atteindre une destination intime souhaitée.

L’autre interprète porte un grand mannequin de papier, figure blanche derrière laquelle elle se cache et qu’elle fait se mouvoir devant les spectateurs intrigués.

Grande ombre blanche anonyme, impersonnelle – souffrance contemporaine.

Cette belle et délicate installation de théâtre de papier donne le jour artistique à une bureaucratie surréaliste d’un joli gris pâle souris, accordant à tous les froissements de papier la mesure inouïe d’une capacité à faire se lever ou se coucher les mondes.

La Place de l’Etranger-e, conception et interprétation Eléonore Latour

 Danse et marionnette portée,La Place de l’Etranger – e s’impose comme un spectacle éloquent sur la situation contemporaine des migrants – douleur partagée.

Un homme – visage originaire du continent africain ou d’ailleurs – est allongé sur la grève ; la mer est proche avec le jeu sonore des marées et les cris de mouettes.

Il se relève peu à peu – marionnette grandeur humaine au visage expressif -, manipulé par la marionnettiste dont surgit la chevelure tandis que ses bras et ses jambes sont glissés dans la veste et le pantalon de l’effigie portée : l’une est l’autre, et l’autre est elle – confusion des formes et des identités qui touchent à l’universel.

Un oiseau passe –  trait sonore magnifique de solitude qui résonne dans les cœurs profonds –, faisant crisser le vaste firmament, et la marionnette triste lève la tête, cou tendu vers les hauteurs d’un ciel qu’on devine bleu, la bouche ouverte de bonheur.

La quête identitaire s’inspire du Cantique des oiseaux, recueil de poèmes médiévaux de Farid Od-dîn Attâr, un poème soufi fondateur aux enluminures symboliques.

Rêver d’être un oiseau libre, telle est la belle métaphore d’une quête existentielle libre que la danse et la manipulation subtile d’Eléonore Latour magnifient avec détermination, éveillant à la fois à la conscience de l’autre et à la conscience de soi.

Véronique Hotte

Scènes ouvertes à l’insolite – 12 è édition – au  Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette 75005, au Théâtre Paris-Villette 75019 et au Théâtre aux Mains Nues 75020, du 29 mai au 3 juin. Tél : 01 84 79 44 44

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May 24, 2018 2:52 AM
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Étienne Saglio entre terre et enfer

Étienne Saglio entre terre et enfer | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Anaïs Heluin dans Sceneweb

Dans le cadre de la première édition de son festival Magie Nouvelle, le Théâtre du Rond-Point présente Les Limbes. Un éblouissant voyage dans les rêves d’Étienne Saglio, peuplés créatures étranges.

Après la danse en apesanteur de Wade In the Water de la compagnie 14 : 20, tandis que Yann Frisch s’empare dans son camion de l’accessoire de base de la magie moderne qu’est la carte à jouer, Étienne Saglio montre au Théâtre du Rond-Point un autre visage de la magie nouvelle. « Art dont le langage est le détournement du réel dans le réel », théorisé il y a une dizaine d’années par Raphaël Navarro – regard extérieur, co-auteur des Limbes et co-fondateur de la compagnie 14 : 20 avec Clément Debailleul et Valentine Losseau –, cette discipline qui a acquis son autonomie par rapport au cirque prend en effet dans Les Limbes une forme des plus singulières. Celle d’un poème visuel où un homme se débat avec monstres et fantômes. Où illusionnisme, recherche plastique et théâtre corporel forment un univers magique qui, loin de se détourner de l’humain, en interroge les peurs et les paradoxes.

Sur un plateau nu aménagé en boîte noire, Étienne Saglio commence son voyage entre vie et mort en s’appropriant un art intimement lié à cette situation intermédiaire : celui de la marionnette. Avec une simple tête aux airs d’outre-tombe et un manteau rouge, l’artiste formé au LIDO à Toulouse et au CNAC à Châlons-en-Champagne campe un personnage en lutte avec l’inéluctable. Entre la danse et le mime, ce tableau installe d’emblée une couleur néo-romantique qui s’étoffera tout au long du spectacle d’images tout aussi belles et composites. Dès ce combat initial, le spectre de plastique qui vole autour d’Étienne Saglio et de sa créature crée un espace hybride. Dans Les Limbes, capes et épées côtoient des hologrammes. Sur le son envoûtant du Stabat Mater de Vivaldi, des drones-fantômes survolent les gradins et attaquent l’artiste. À moins qu’il ne s’agisse de son double.

Les apparitions et les éclipses qui se succèdent dans Les Limbes sont impénétrables. Contrairement à Yann Frisch qui se plaît dans Le Paradoxe de Georges à discourir sur les « trucs » qu’il déploie pour leurrer son public, Étienne Saglio cache soigneusement dans la pénombre du plateau les mécanismes qui permettent à sa rêverie de prendre forme sous les yeux du spectateur. On devine leur complexité sans chercher à les mettre à jour. On constate la cohabitation du réel et de l’irréel sans essayer d’y mettre un terme. En la renforçant au contraire de nos propres spectres. De nos angoisses et de nos fantasmes. Car si Étienne Saglio met beaucoup de lui dans Les Limbes, il le fait d’une manière accueillante. Assez abstraite pour faire une place aux démons de chacun.

L’utilisation de matériaux simples est pour beaucoup dans la force de la pièce. Éléments visibles d’un dispositif extrêmement élaboré, ils mettent en évidence la transformation du réel dont les artistes de magie nouvelle font le cœur de leur pratique. La symbolique et les références multiples dont est nourri le monde d’Étienne Saglio. Les sublimes illusions des Limbes échappent ainsi au spectaculaire au profit de la pensée et de l’émotion.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Les Limbes
Un spectacle de et avec : Étienne Saglio
Écriture et regard extérieur : Raphaël Navarro

Montage et suivi de production : Ay-Roop
Production compagnie Monstre(s) – Étienne Saglio

Durée: 55 minutes

Théâtre du Rond-Point – Paris
Du 17 au 31 mai 2018

Festival Utopistes – Théâtre des Célestins / Lyon
Du 7 au 9 juin 2018

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March 12, 2018 8:24 PM
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Les vies rêvées en papier froissé des Anges au plafond

Les vies rêvées en papier froissé des Anges au plafond | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Cristina Marino dans Le Monde | 12.03.2018


La compagnie fondée par les marionnettistes Camille Trouvé et Brice Berthoud est en tournée avec sa dernière création, « White Dog ».

Il était une fois… une comédienne formée à l’art de la marionnette à Glasgow, Camille Trouvé, et un circassien, fil-de-fériste et jongleur à ses débuts, Brice Berthoud, devenu ensuite comédien et marionnettiste. Tous deux fondèrent en 2000 la compagnie Les Anges au plafond, installée à Malakoff (Hauts-de-Seine) et spécialisée dans la création de spectacles originaux mêlant marionnettes à taille humaine, projections vidéo, musiques jouées en direct. Le nom même de leur compagnie évoque « l’irruption discrète de créatures célestes dans notre réalité ».


Voir sur le site du Monde l'article avec photos et vidéos :  http://www.lemonde.fr/scenes/article/2018/03/12/les-vies-revees-en-papier-froisse-des-anges-au-plafond_5269657_1654999.html



D’ailleurs, dès leur première œuvre à quatre mains, Le Cri quotidien (2000), c’est une ville entière avec ses habitants qu’ils font surgir des pages d’un grand journal manipulé sur scène. Dans les sept opus qui ont suivi, ils ont développé la même approche artistique autour de plusieurs axes : le papier comme matériau de prédilection pour la construction de leurs marionnettes, l’épopée comme trame narrative, la mise en question de l’espace scénique, le geste de la manipulation visible ou invisible, la présence d’une partition musicale interprétée en live par des musiciens.

Camille Claudel et Romain Gary


Camille Trouvé et Brice Berthoud alternent régulièrement les rôles quand ils créent un nouveau spectacle : quand l’un(e) signe la mise en scène, l’autre interprète les personnages et manipule les créatures de papier froissé qui peuplent leur univers. Ainsi, dans Les Nuits polaires (2004), c’est Brice qui raconte sous un igloo, et avec trois marionnettes, les histoires adaptées par Camille des récits du Groenland de l’écrivain Jorn Riel. Pour le diptyque consacré à la mythologie grecque, Une Antigone de papier (2007) et Au fil d’Œdipe (2009), ils ont inversé les rôles d’écriture/mise en scène et d’interprétation/manipulation d’un spectacle à l’autre.


Pour les deux créations inspirées de la vie tragique de Camille Claudel, Les Mains de Camille (2012) et Du rêve que fut ma vie (2014), c’est logiquement Camille Trouvé qui incarne la sculptrice en proie à ses démons de papier, dans une mise en scène signée par son comparse. Pour leur dernier diptyque en date, autour de l’existence et de l’œuvre de Romain Gary (alias Emile Ajar), avec R.A.G.E (2015) et White Dog (2017, d’après le roman Chien blanc, paru en 1970), c’est elle qui reste dans l’ombre de l’adaptation et de la mise en scène tandis que lui donne vie aux marionnettes sur le plateau aux côtés d’autres comédiens.


Relations entre l’intime et le politique


Avec Les Anges au plafond, on est bien loin de l’univers enfantin et parfois un peu caricatural du traditionnel Guignol. Derrière l’apparente légèreté de leurs créatures en papier froissé se cache une passionnante réflexion sur les relations entre l’intime et le politique, sur les décalages (mise à distance, humour, dualité, etc.) qui peuvent naître des rapports entre le marionnettiste et les objets qu’il manipule.

L’interaction des comédiens avec le public est également au cœur des créations de cette compagnie qui n’hésite pas à passer de la jauge très restreinte d’un igloo en toile pour Les Nuits polaires au plateau gigantesque de R.A.G.E où quelques spectateurs peuvent choisir de voir le spectacle non pas dans la salle mais assis sur la scène au même niveau que la troupe. Cet univers hors norme est à découvrir dans les huit spectacles de cette compagnie en tournée à travers la France, notamment à Malakoff avec White Dog, du 15 au 21 mars, dans le cadre du 18e festival Marto ! (Marionnettes et objets).


Sur le Web : www.lesangesauplafond.net et www.festivalmarto.com

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