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Le spectateur de Belleville
February 17, 2019 8:41 AM
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Par Armelle Héliot dans Le Figaro Publié le 17/02/2019
DISPARITION - Le comédien connu par le cinéma, mais surtout passionné par le théâtre s'est éteint samedi 16 février. Il avait 86 ans. Un visage et une voix inoubliables.
Tout le monde connaissait son visage torturé, son visage à la Artaud à la fin de sa vie. Tout le monde connaissait sa voix grave et envoûtante pouvant se faire grêle et aiguë, sa silhouette fragile, son regard impressionnant. Serge Merlin était le peintre Raymond Dufayel dans le film de Jean-Pierre Jeunet Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain qui l'avait d'ailleurs fait tourner dans La Cité des enfants perdus. Il était le chef des cyclopes….
Mais c'est par le théâtre que Serge Merlin était devenu un acteur «culte», intransigeant, sauvage, mais aussi très fragile et hanté par la peur de perdre sa mémoire, transi d'angoisse quand il fallait monter sur un plateau ou, ces dernières années, s'asseoir derrière une table, pour lire. Longtemps sa femme se consacra à le soutenir, l'accompagner. Elle s'est éteinte il y a quelques années et l'on devinait Serge Merlin ravagé par cette absence.
Il ne parlait guère de lui. On ne savait pas grand-chose de sa vie. Il était né Serge Merle, tout court, en 1933. Il avait grandi en Algérie et dès l'orée des années 50, il avait joué au théâtre. Il était allé vers l'homme le plus épris de poésie, de musique, de peinture et qui considérait que le théâtre avait besoin de tous les arts, Jean-Louis Barrault.
Les premiers pas professionnels de Serge Merlin, à Paris, sont liés à ce grand ouvreur de voies: il joue dans Christophe Colomb de Paul Claudel mis en scène au Théâtre Marigny où s'est installée la compagnie Renaud-Barrault. On est en 1952. Il ne cesse de travailler dans les années qui suivent et commencent à tourner pour le cinéma au début des années 60 avec Andrzej Wajda dans Samson. C'est en 1961.
Un roi bouleversant Très récemment, Serge Merlin avait tourné dans Un peuple et son roi . Il est Louis XI dans le film de Pierre Schoeller, en 2018. Autant dire que Serge Merlin n'a jamais cessé de travailler et, au théâtre, on peut rappeler que ses dernières apparitions, impressionnantes lui valurent par deux fois le prix du syndicat de la critique: en 1991 pour Le Réformateur de Thomas Bernhard dans une mise en scène de André Engel et en 2010 pour Minetti de Thomas Bernhard dans une mise en scène de Gerold Schumann et Extinction de Thomas Bernhard, toujours, dirigé par Alain Françon et Blandine Masson, des spectacles de 2009 et 2010.
On le voit, Thomas Bernhard a beaucoup compté dans la vie de cet être obsédé par les poètes dramatiques et la littérature. Mais que dire de Shakespeare: il est l'un des rares comédiens qui a joué deux fois, à des années de distance, le Roi Lear et deux fois d'une manière exceptionnellement bouleversante. Une première fois avec Matthias Langhoff en 1986, de Strasbourg à Bobigny et une autre fois avec Christian Schiaretti, en 2013, du TNP de Villeurbanne au Théâtre de la Ville. Et l'autre auteur qu'a servi de manière fascinante Serge Merlin, c'est Samuel Beckett. Il était fait pour cette écriture.
» LIRE AUSSI - Le théâtre flambe au plus haut avec Serge Merlin
Avec Matthias Langhoff, Serge Merlin a fait un long parcours. Il aura toujours été du côté de la création, et sans prévention. Ainsi a-t-il, à ses débuts, beaucoup joué avec Marcelle Tassencourt et créé des textes nouveaux. Plus tard, il a joué sous la direction de Patrice Chéreau, et de beaucoup d'autres grands metteurs en scène, dont, Jacques Rosner, Bernard Sobel, et, on l'a cité, André Engel.
Une dernière fois, on aurait dû le voir dans un spectacle inspiré de Shakespeare dans une mise en scène de Wilfried Wendling compositeur qui signait une partition avec Pierre Henry: Hamlet, je suis vivant et vous êtes mort… Pierre Henry ne vit jamais ce spectacle, il mourut quelques mois auparavant. Quant à l'interprète, il était fatigué, déchiré d'angoisse, et certains jours où avait voulu assister au spectacle, il était sorti de scène et n'était pas revenu…Mais Serge Merlin restera bien vivant dans nos mémoires…
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Le spectateur de Belleville
February 16, 2019 8:59 AM
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Par LIBERATION avec AFP — 16 février 2019 Acteur majeur du cinéma européen avec son rôle d’ange emblématique dans «Les Ailes du désir» ou encore celui d’Adolf Hitler dans «La Chute», il est décédé ce samedi dans son pays, la Suisse.
L’acteur suisse Bruno Ganz, qui s’est distingué notamment dans Les Ailes du désir et dans La Chute où il jouait Hitler, est mort dans la nuit de vendredi à samedi d’un cancer à l’âge de 77 ans à Zurich, a indiqué ce samedi son agente Patricia Baumbauer. «Oui, aujourd’hui dans les premières heures de la journée», a-t-elle dit à l’AFP en confirmant son décès annoncé par le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. «Il avait un cancer», a-t-elle ajouté.
Natif de Zurich, fils d’un mécanicien suisse et d’une mère originaire d’Italie, il est considéré comme l’un des les plus importants acteurs germanophones de l’après-guerre, sur les planches comme au cinéma. Il commença sa carrière au théâtre et quitta sa Suisse natale pour Berlin, où il co-fonda la célèbre troupe Schaubühne. Dans une interview croisée donnée à Libération, il racontait son travail avec le metteur en scène de théâtre Klaus Michael Grüber, dont il louait la poésie et le rapport avec la réalité «radicalement différent».
«Acteur élégant et discrètement théâtral» Il est réellement devenu acteur au milieu des années 1970 et a commencé à se distinguer avec des films comme l’Ami américain en 1977. Parmi ses rôles les plus marquants, celui de l’ange Damiel dans Les Ailes du désir, tourné par Wim Wenders en 1987 et dans lequel son personnage épie et scrute le Berlin d’avant la réunification. Le film avait obtenu une Palme pour la mise en scène à Cannes. Dans la critique des Ailes du désir Libération décrivait un «acteur élégant et discrètement théâtral dont les élans de folie font à la fois peine et plaisir à voir». Un an plus tard, L'Eternite et un jour de Théo Angelopoulos, dans lequel Bruno Ganz a le rôle principal, décroche la Palme d’or à Cannes.
Son rôle explosif et sombre en tant qu’Adolf Hitler dans La Chute l’a consacré définitivement en 2004. Il s’agissait d’un des premiers films allemands consacré au personnage du «Führer», dans un pays toujours traumatisé par le souvenir de la barbarie nazie.
Début 2016, ce monument du cinéma suisse avait incarné un «magnifique» papy bourru dans Heidi. Cet été, il avait monté les marches du festival de Cannes pour présenter The House That Jack Built, de Lars von Trier, film dans lequel il interprétait «Verge», alias Virgile.
LIBERATION avec AFP Légende photo : Bruno Ganz dans Les ailes du désir de Wim Wenders en 1987 Photo Everett.Rue des Archives
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Le spectateur de Belleville
February 6, 2019 5:01 PM
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Par Stéphane Capron dans Sceneweb 6 février 2019 Un grand directeur de la décentralisation théâtrale vient de disparaître, André Guittier. Il a été co-directeur de la Salamandre, CDN du Nord-Pas de Calais avec Gildas Bourdet et co-directeur du Théâtre du Point du Jour à Lyon avec Michel Raskine.
André Guittier était un touche à tout du théâtre, il a connu tous les métiers: électricien, régisseur lumière, régisseur général, directeur technique. Mais c’est surtout sa rencontre avec Gildas Bourdet qui a été déterminante. Il fait sa connaissance en 1967 au Havre au sein de la compagnie Le Tableau Gris qui deviendra professionnelle et prendra le nom de La Salamandre en octobre 1969. Gildas Bourdet est nommé, en octobre 1974, par le Ministère de la Culture à la direction du Centre dramatique national du Nord à Tourcoing. Il emporte avec lui André Guittier, qui deviendra le co-directeur. Ils vont écrire les grandes heures de la décentralisation dans le Nord et vont connaitre d’immenses succès comme Le Saperleau créé en 1982 qui sera présenté au Festival d’automne à Paris, au Festival d’Avignon et au Théâtre de la Ville. La même année, La Salamandre est promue Théâtre national de la Région Nord-Pas-de-Calais et en janvier 1989, La Salamandre inaugure le Théâtre Roger Salengro à Lille à côté du journal La Voix du Nord, au cœur de la ville.
Dans ce théâtre, ils programment notamment les spectacles de Tadeusz Kantor et les premières pièces de Pascal Rambert qui était alors un inconnu (Allez hop ! et Les Parisiens ou l’Été de la mémoire des abeilles). Et pour l’inauguration du bâtiment, Gildas Bourdet présente Fin de Partie de Beckett, un co-production avec la Comédie-Française (avec Michel Aumont, Bérengère Dautun et Jean-Paul Moulinot). La pièce fait polémique, Beckett est encore en vie et Jérôme Lindon l’éditeur veut la faire interdire, car il n’aime pas la couleur rose du décor alors que le dramaturge irlandais parle de murs gris. C’est André Guittier qui est à la manœuvre. On s’en souvient, jeune journaliste, il se bat avec les Editions de Minuit pour que l’oeuvre de Gildas Bourdet voit le jour. Ce sera le cas, mais le décor sera recouvert de bâches en plastique, et le spectacle sera magnifique.
Au départ de Gildas Bourdet en 1991, André Guittier reste à Lille, il codirige le théâtre avec son nouveau directeur Daniel Mesguich. C’est la fin de l’aventure de La Salamandre, le début de celle de La Métaphore. André Guittier a toujours soif de théâtre, alors avec son ami Michel Raskine, il prennent la direction du théâtre de l’Ouest lyonnais (aujourd’hui Théâtre du Point-du-Jour) et succèdent à Jean-Louis Martinelli.
Aujourd’hui on pense à Michel, mais aussi à Marief Guittier qui a été la compagne d’André.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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Le spectateur de Belleville
January 27, 2019 6:18 PM
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Par Clémentine Mercier et Jérémy Piette dans Libération — 27 janvier 2019 Orateur extravagant et émouvant, l’artiste liégeois Eric Duyckaerts, connu pour ses «conférences-performances» improvisées et vidéos où il mêle avec humour les arts plastiques et la vulgarisation des savoirs, s’est éteint samedi, à l’âge de 65 ans.
Fin embobineur, acrobate du discours, orateur farfelu et décortiqueur des mécanismes du langage, l’artiste liégeois Eric Duyckaerts, génie filiforme au phrasé et au cœur délicats, a élaboré depuis le milieu des années 80 un travail insolite mêlant avec facétie les arts plastiques et la vulgarisation des savoirs exogènes, les sciences, les droits, la physique, la logique, les mathématiques… Ces connaissances ainsi dérivées et passées au hachoir de la vulgarisation et de l’absurde ont permis à l’habile orateur de présenter, d’improviser, parfois sous les éclats de rire, d’autres fois dans l’incompréhension la plus totale, des parodies de discours savants vertigineux. Celles-ci se sont manifestées sous forme de «conférences-performances» hilarantes – E falso quodlibet en 1994 à la Fondation Cartier ou l’Argument de la diagonale avec Jean Gaudin à l'université Paris-X, en 2005 (pour n’en citer que deux) – ou encore de vidéos hypnotiques comme sa série Euristique où il s’épanche par exemple sur le théorème de Pappus et aborde le thème de la méthodologie de la recherche, l’excellent Magister (1989) et ses 19 séquences, «pour mettre en scène différents styles de métalangages artistiques», sans oublier son foldingue Abécédaire (2011). Auteur d’Hegel ou la vie en rose (Gallimard, «L’arpenteur», 1992) et de Théories Tentatives (Léo Scheer, «variation VI», 2007), il fut également un enseignant singulier et attentif, passé entre autres par l’université Paris-VIII (1988-1989), les Beaux-Arts de Bourges (1993-1997), ceux de Dijon (1998-2001) ou encore La Villa Arson (2001-2012). Le doux parleur désopilant, à l’âme teintée de mélancolie, s’est éteint samedi à l’âge de 65 ans.
L’abécédaire d’Éric Duyckaerts (lien vidéo)
Né le 4 février 1953 à Liège, Eric Duyckaerts réalise un double parcours en droit et philosophie et obtient en 1972 la deuxième place au tournoi d’éloquence de la Faculté de droit. Dans la revue Art Press en septembre 2001, l’écrivain et philosophe Joseph Mouton, son fidèle compère artistique pour des séquences de lectures filmées (comme Straubisme en 2011) revient sur cet épisode : «Eric Duyckaerts a raté de justesse un premier prix d’éloquence dans sa Belgique natale : nul doute que celui qui le lui a soufflé était excellent et tenait une grande forme ce jour-là. […] Il s’agit en somme d’enchaîner des automatismes avec tant de variété apparente et de vivacité que l’auditeur croit assister au miracle d’une parole qui jaillit naturellement de la roche humaine. La virtuosité rhétorique a un rapport avec le funambulisme : on enveloppe l’orateur dans l’aura de sa chute inévitable et qui ne vient jamais.»
Admirateur d’artistes comme Andrea Fraser, Robert Filliou, Laurie Anderson, du mouvement Fluxus, aussi bien que des entrelacs du mathématicien allemand Hermann Brunn, Eric Duyckaerts donne sa première performance au Ans-Palace de Liège en 1983, Expliquer le transfini à ses amis. Déjà, l’homme y révèle ses préoccupations en lien avec le langage. Dans la Main à deux pouces (conférence/vidéo/dessins/moulage) présentée à la galerie Emmanuel Perrotin en 1993, il est habillé en chercheur-gribouilleur tout en défendant l’idée que dans un passé lointain, les hommes avaient six doigts et deux pouces : «Comment est-ce qu’on étrangle avec une main à deux pouces ? Parce que l’on voit tout de suite que les deux pouces, ça donne une force plus grande pour la strangulation mais ça pose un des problèmes cruciaux de la fonctionnalité des deux pouces, qu’est plus grande dans certains domaines. Parce que où est-ce qu’on va mettre les quatre doigts médians ? D’ailleurs on ne sait pas encore comment ils s’appellent ces quatre doigts médians donc on peut imaginer une strangulation en deux temps. Commencer par un uppercut donné par les quatre doigts médians suivi de la strangulation par les deux pouces…" Et ainsi l’artiste dans la vidéo finit par lui-même procéder à une auto-strangulation comique.
En 2000, il performe aussi The Dummy’s Lesson au Crac de Sète, en collaboration avec Jean-Pierre Khazem. «C’était un être élégant, à part, rare. Surtout brillant. Il parlait de nombreuses langues, connaissait le latin et le grec. C’était un puits de science qui ne la ramenait pas, il ne faisait jamais étalage de son savoir, il était pudique», se souvient Jean-Pierre Khazem qui a réalisé les masques de la performance. Dans un décor de cabaret, une marionnette à l’effigie de l’artiste donne une leçon de dessin à Duykaerts, lui-même sous un visage en silicone, dans lequel il ne voit rien. La marionnette manipulée par l’artiste prend le contrôle de la scène qui s’inspire d’un numéro de ventriloquie. Qui manipule qui ? Qui donne une leçon à qui ? Dans The Dummy’s Lesson, (qui regroupe un film, une sculpture, une série de dessins et des photos) les deux inquiétants personnages, la poupée et son maître, se disputent sur le sens de l’art à travers les dessins réalisés à l’aveugle par l’artiste. Arnaud Labelle-Rojoux, artiste, performeur et également enseignant à la Villa Arson à la même époque donnait avec lui un séminaire (improvisé) chaque mercredi «Im/Posture de l’artiste» à propos de l’imposture dans l’art. Labelle-Rojoux nous évoque alors un grand «funambule verbal» – d’une importance égale à Esther Ferrer, artiste contemporaine espagnole aux performances composites, jouant des bascules symboliques vers l’absurde. «On avait l’artiste Jacques Lizène comme ami proche en commun [autoproclamé "petit maître liégeois de la médiocrité" et connu dans les années 1970 pour avoir remplacé ses tubes de peinture par des excréments qui forment l’élément essentiel de la composition de ses tableaux, ndlr] Eric est vraiment devenu artiste grâce à lui."
Encore ému par une sublime conférence-fleuve de Duyckaerts à l’Ecole normale supérieure lors de la Nuit blanche en 2009, Frank Lamy (chargé des expositions temporaires au MAC/Val-Musée d’art contemporain du Val-de-Marne) se souvient qu’«avec Eric, il y avait toujours de la pensée, du savoir, de la drôlerie et du whisky. C’était quelqu’un d’essentiel, de tellement joyeux et en même temps de tellement grave.» En 2011, le MAC/Val lui organise une exposition monographique intitulée «‘Idéo». On y trouve une quarantaine de vidéos, dont Parades (2011) avec Virginie Le Touze, caricaturant les gestuelles amoureuses que l’on peut avoir en boîte de nuit, ou encore une autre très belle élucubration appelée Détachements (2011). Près des arbustes l’artiste divague : «Je connais un mec, il est zen, ça c’est bien, c’est pas mal, enfin bon et…. faut entendre un peu ces mots-là parce que, "cool", c’est un monosyllabe, un peu long, "zen", bon normalement, on dirait "chan", "chan" avec une dental tchk tchk, non, "zen", plus étale, "cool", "coooool". En français, ça marche pas mal, parce que c’est coulant…» et ainsi de suite avec une drôle de logique à bout de souffle. Il n’est pas – pour le coup – absurde de penser qu’Eric Duyckaerts avait encore beaucoup de choses à nous dire et il est très difficile – pour le coup – de penser que son art du dire va laisser place à un grand silence. Il sera toujours possible à l’infini, jusqu’à épuisement, rire nerveux ou éclats de bon cœur, de le (re)voir sur écran et de l’écouter nous parler d’hermétiques équations mathématiques, ou de concombres de mer comme «fantastique vedette de la neurologie», ou encore de jubiler face à ses sabotages de discours courants sur l’art. Eric Duyckaerts n’est plus là, mais quelque part ses mots d’esprit, restent en nous, en équilibre, sur un fil.
Détachement from Eric Duyckaerts (lien vidéo)
Clémentine Mercier , Jérémy Piette Légende photo ; «Straubisme», vidéo avec Joseph Mouton. Vue de l’exposition «’idéo», MAC/Val, Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, 2011. PHOTO Marc Domage. MAC/Val
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Le spectateur de Belleville
January 15, 2019 7:29 PM
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Par Rosita Boisseau dans Le Monde 15.01.2019 Le fondateur de la compagnie Red Notes, créateur d’une soixantaine de spectacles, avait travaillé auprès de Robert Wilson.
Le danseur et chorégraphe Andy de Groat, personnalité essentielle de la scène contemporaine depuis le début des années 1980, collaborateur du metteur en scène américain Bob Wilson sur la première version du spectacle Einstein on the Beach (1976), est mort jeudi 10 janvier, à Montauban, où il était installé depuis 1997. Il avait 71 ans.
Né en 1947, à Paterson (New Jersey), aux Etats-Unis, Andy de Groat avait des racines très mélangées : hollandaise, italienne, française, allemande et anglaise. Passé par des études d’arts plastiques, à New York, il intègre la compagnie de Bob Wilson en 1967 et travaille auprès de lui sur différentes pièces comme Le Regard du sourd et Einstein on the Beach. Parallèlement, cet autodidacte croise également Jerome Robbins, le père de West Side Story (1957) et commence à chorégraphier ses propres spectacles.
Guy Darmet, directeur de la Maison de la danse de Lyon (1980-2010) : « Andy, c’est d’abord un regard, un sourire, la beauté et l’humour »
Il fonde la compagnie Red Notes, en 1973, à New York. Régulièrement, il débarque en France pour y présenter ses productions, insolites alliages de minimalisme et de flamboyance, soudés par une passion pour les interprètes de tous bords, professionnels et amateurs. Il choisit de venir travailler à Paris en 1982.
« Andy, c’est d’abord un regard, un sourire, la beauté et l’humour, se souvient Guy Darmet, directeur de la Maison de la danse de Lyon de 1980 à 2010. Dans l’explosion chorégraphique des années 1980, il représente l’indépendance, la liberté, un souffle différent de l’abstraction du maître Merce Cunningham. Il est à la fois derviche tourneur et pionnier de la lecture impertinente des grands classiques comme, épaulé par le compositeur Michael Galasso, Casse-Noisette, en 1995, ou La Bayadère, que j’ai programmé en 1988 à la Biennale de la danse de Lyon. »
Une perle inaltérable Créateur d’une soixantaine de spectacles parmi lesquels Nouvelle Lune (1983), conçu pour les étoiles de l’Opéra national de Paris, Wilfride Piollet et Jean Guizerix, qui resteront des complices de travail au long cours, sa relecture du Lac des Cygnes (1982) le fait connaître. Il collabore avec le Groupe de recherches chorégraphiques de l’Opéra de Paris, piloté par Jacques Garnier. Il enchaîne les productions, du romantique Giselle (1992) à Tangos (1994), étrange mix de danse argentine et de vocabulaire classique, sur des musiques d’Igor Stravinsky, d’Erik Satie et d’Astor Piazzolla. Parallèlement, il met également en scène des opéras comme Orphée et Eurydice, de Gluck, ou The Rake’s Progress, de Stravinsky.
« Lorsque je suis arrivé à Paris en 1980, Andy était considéré par une génération comme la mienne comme une figure, forte, libre, intelligente et drôle qui aimait l’indépendance, se souvient le chorégraphe Daniel Larrieu. Auteur inventif, audacieux et iconoclaste, il a énormément contribué à la danse en France. »
Andy de Groat, danseur : « La “Danse des éventails” est un hymne à la coordination physique, mentale et sensorielle, à la discipline de groupe et à la liberté individuelle »
Régulièrement programmé au festival Les Hivernales d’Avignon par sa directrice Amélie Grand, il y présenta en 2009, à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, un spectacle-déambulation somptueux, inspiré par le poète Gustave Mallarmé intitulé Autour de La Folie d’Igitur. Parmi les moments de grâce confiés par Andy de Groat à des dizaines de danseurs pro et amateurs, Fan Dance (Danse des éventails), transmise régulièrement depuis sa création en 1978, est une perle inaltérable, tourbillon cadencé de lignes subtilement enchevêtrées sur une musique de Michael Galasso.
Pour fêter le trentième anniversaire des Centres chorégraphiques nationaux, au Théâtre national de Chaillot à Paris, Daniel Larrieu proposa à certains de ses amis et collègues d’apprendre cette Danse des éventails, hommage à cet artiste mystérieux qui fila avant la fin de la représentation. Andy de Groat la présentait ainsi : « La Danse des éventails est un mélange de pas simples mais inhabituels auxquels s’ajoutent des mouvements de bras précis et un espace aléatoire constant. La conception de ce puzzle chinois est le mélange apparemment contradictoire entre unisson et liberté de mouvements. C’est un hymne à la coordination physique, mentale et sensorielle, à la discipline de groupe et à la liberté individuelle. » Ses Carnets, de notes et de dessins, sont déposés au Centre national de la danse de Pantin.
Andy de Groat en quelques dates 1947 Naissance à Paterson (New Jersey)
1973 Fonde la compagnie Red Notes à New York
1976 Collabore avec le metteur en scène américain Bob Wilson sur la première version du spectacle Einstein on the Beach
1978 Crée Fan Dance (Danse des éventails)
1982 S’installe à Paris pour travailler
2009 Présente un spectacle-déambulation, inspiré par le poète Gustave Mallarmé et intitulé Autour de La Folie d’Igitur dans le cadre du festival Les Hivernales d’Avignon
10 janvier 2019 Mort à Montauban (Tarn-et-Garonne) Légende photo Le danseur et chorégraphe Andy de Groat. FESTIVAL D’AUTOMNE 1974
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August 14, 2016 1:59 PM
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Ecoutez la leçon inaugurale de Jacques Nichet au Collège de France en 2010 (chaire de création artistique) Lien audio pour écouter la leçon (1h) : http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/11921-12.08.2016-ITEMA_21049476-0.mp3 Revenons sur les « singulières métamorphoses théâtrales », celles qui ont touché l’universitaire passionné de traduction et metteur en scène, Jacques Nichet. Des années 1970 à aujourd’hui, il égrène les spectacles marquants de sa génération pour mieux affirmer la liberté du théâtre.
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February 16, 2019 7:49 PM
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Par LIBERATION avec AFP — 16 février 2019 Acteur majeur du cinéma européen avec son rôle d’ange emblématique dans «Les Ailes du désir» ou encore celui d’Adolf Hitler dans «La Chute», il est décédé ce samedi dans son pays, la Suisse.
L’acteur suisse Bruno Ganz, qui s’est distingué notamment dans Les Ailes du désir et dans La Chute où il jouait Hitler, est mort dans la nuit de vendredi à samedi d’un cancer à l’âge de 77 ans à Zurich, a indiqué ce samedi son agente Patricia Baumbauer. «Oui, aujourd’hui dans les premières heures de la journée», a-t-elle dit à l’AFP en confirmant son décès annoncé par le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. «Il avait un cancer», a-t-elle ajouté.
Natif de Zurich, fils d’un mécanicien suisse et d’une mère originaire d’Italie, il est considéré comme l’un des les plus importants acteurs germanophones de l’après-guerre, sur les planches comme au cinéma. Il commença sa carrière au théâtre et quitta sa Suisse natale pour Berlin, où il co-fonda la célèbre troupe Schaubühne. Dans une interview croisée donnée à Libération, il racontait son travail avec le metteur en scène de théâtre Klaus Michael Grüber, dont il louait la poésie et le rapport avec la réalité «radicalement différent».
«Acteur élégant et discrètement théâtral» Il est réellement devenu acteur au milieu des années 1970 et a commencé à se distinguer avec des films comme l’Ami américain en 1977. Parmi ses rôles les plus marquants, celui de l’ange Damiel dans Les Ailes du désir, tourné par Wim Wenders en 1987 et dans lequel son personnage épie et scrute le Berlin d’avant la réunification. Le film avait obtenu une Palme pour la mise en scène à Cannes. Dans la critique des Ailes du désir Libération décrivait un «acteur élégant et discrètement théâtral dont les élans de folie font à la fois peine et plaisir à voir». Un an plus tard, L'Eternite et un jour de Théo Angelopoulos, dans lequel Bruno Ganz a le rôle principal, décroche la Palme d’or à Cannes.
Son rôle explosif et sombre en tant qu’Adolf Hitler dans La Chute l’a consacré définitivement en 2004. Il s’agissait d’un des premiers films allemands consacré au personnage du «Führer», dans un pays toujours traumatisé par le souvenir de la barbarie nazie.
Début 2016, ce monument du cinéma suisse avait incarné un «magnifique» papy bourru dans Heidi. Cet été, il avait monté les marches du festival de Cannes pour présenter The House That Jack Built, de Lars von Trier, film dans lequel il interprétait «Verge», alias Virgile.
LIBERATION avec AFP Légende photo: Bruno Ganz dans Les ailes du désir de Wim Wenders en 1987 Photo Everett.Rue des Archives
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February 8, 2019 6:44 PM
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8 FÉVRIER 2019 A 14:13 PAR CAÏN MARCHENOIR Nous avons appris hier le décès de l’ancien codirecteur, avec Michel Raskine, du théâtre du Point-du-Jour. Un acteur engagé du monde théâtral, qui fut aussi codirecteur du CDN du Nord, à Tourcoing. Disparu à l’âge de 69 ans, André Guittier était devenu une figure incontournable du théâtre à Lyon, depuis sa prise de fonction à la tête du théâtre du Point-du-Jour en 1995, en association avec son ami, le metteur en scène Michel Raskine. À la suite de Jean-Louis Martinelli (quand le théâtre du Point-du-Jour s’appelait encore TOL, théâtre de l’Ouest lyonnais), ils ont dirigé la plus petite des grandes salles de Lyon durant dix-sept ans, jusqu’en 2012. Sans conteste, les plus belles années qu’a connues le théâtre du Point-du-Jour, avec des créations mémorables mises en scène par Michel Raskine (Max Gericke ou Pareille au même de Manfred Karge, L’Amante anglaise de Marguerite Duras, Les 81 Minutes de Mademoiselle A. de Lothar Trolle, La Danse de mort d’August Strindberg, Les Relations de Claire de Dea Loher…). Toutes incluaient dans leur distribution Marief Guittier, qui fut la compagne d’André et avec qui il eut une fille, Judith. Sous l’impulsion d’André Guittier et de Michel Raskine, la programmation était résolument tournée vers le théâtre contemporain. Des auteurs comme Jean-Luc Lagarce, Olivier Cadiot, Heiner Muller étaient à l’affiche, tandis que s’instaurait une concurrence parfois rude mais toujours stimulante avec le théâtre de la Croix-Rousse, alors sous la direction de Philippe Faure. Batailleur, déterminé, engagé politiquement (à gauche toute !) André Guittier défendait l’orientation et les choix de son théâtre aussi bien devant son public que dans les bureaux des organismes de tutelle. Il s’engagea aussi pour pousser la candidature de Gwenaël Morin, le moment de la succession venu.
André Guittier était un touche-à-tout du théâtre. Il en a connu tous les métiers : électricien, régisseur lumière, régisseur général, directeur technique. Sa rencontre avec Gildas Bourdet fut déterminante. Il fait sa connaissance en 1967 au Havre au sein de la compagnie Le Tableau Gris, qui devient professionnelle et prend le nom de La Salamandre en octobre 1969 (Michel Raskine et Marief Guittier en faisaient aussi partie). Quand Gildas Bourdet est nommé, en 1974, à la direction du centre dramatique national du Nord, à Tourcoing, il emmène André Guittier dans ses valises, qui en devient le codirecteur. Ils vont écrire les grandes heures de la décentralisation dans le Nord et connaître d’immenses succès, comme Le Saperleau créé en 1982 et présenté au festival d’Avignon. Au départ de Gildas Bourdet, en 1991, André Guittier reste à Lille ; il codirige le théâtre avec son nouveau directeur, Daniel Mesguich. C’est après la fin de l’aventure de La Salamandre, puis de la compagnie La Métaphore qui lui succède, qu’André Guittier, qui a toujours soif de théâtre, prend la direction du théâtre du Point-du-Jour avec Michel Raskine. La boucle est, hélas, aujourd’hui bouclée.
Merci à Philippe Mangenot pour les photos d'André Guittier qui illustrent cet article.
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February 3, 2019 6:05 AM
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Par Stéphane Capron dans Sceneweb 3 février 2019
Il était de tous les spectacles de Pippo Delbono depuis 1995, depuis sa rencontre avec le metteur en scène italien. Il s’appelait Vincenzo Cannavacciuolo. Il avait 82 ans. Pippo Delbono l’avait sorti de son asile. Il est décédé des suites d’une pneumopathie bronchique.
“L’acteur est un oiseau dont une aile touche la terre, tandis que l’autre se tient dans le ciel …” écrit sur son site internet le théâtre Ert-Emilia Romagnal qui rend hommage à Bobò. Il devait accueillir le mois prochain La Gioia, le nouveau spectacle de Pippo Delbono, dont le Théâtre de Liège est chargé de la diffusion. Bobò s’appelait Vincenzo Cannavacciuolo. Né à Villa di Briano, dans la province de Caserte, il a vécu plus de quarante ans à l’asile d’Aversa. Pippo Delbono décide de le sortir de cet enfer en 1995 lorsqu’il le rencontre lors d’un atelier théâtral. Bobò acteur microcéphale, sourd-muet, devient l’un des piliers de la troupe. Son corps maladroit, ses pas traînants, ses silences en disant longs sur ses blessures. A la fureur et la rage de Pippo Delbobo répondait la tendresse et la poésie de Bobò qui était devenu au fil des années un acteur reconnu. Il avait été nommé chevalier des arts en France et avait reçu le titre de citoyen d’honneur d’Aversa, la ville où il avait été emprisonné pendant des années dans un asile: une revanche. Dans La Gioia, Pippo Delbono dit: “Après Bobò, il y a toujours un vide.” Ses spectacles ne seront plus jamais les mêmes.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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Le spectateur de Belleville
January 23, 2019 6:17 PM
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Publié dansLa Voix du Nord 23/01/2019 Jean-Louis Martin-Barbaz est décédé mardi. La famille du théâtre lui rend un hommage unanime. Toute l’équipe de la Comédie de Béthune rend hommage à Jean-Louis Martin Barbaz, fondateur et directeur du Centre Dramatique National Nord Pas-de-Calais – Comédie de Béthune de 1982 à 1992.
Ça ne s’appelait pas encore La Comédie de Béthune mais le théâtre des pays du Nord et c’était déjà un centre dramatique national du Nord – Pas-de-Calais implanté à Béthune. Jean-Louis Martin-Barbaz en a été le premier directeur de 1982 à 1992 et y a réalisé de nombreuses productions. Il est décédé mardi.
Il a ensuite co-fondé en 1993 le Studio-Théâtre d’Asnières qui a formé des centaines de comédiens dont Rachida Brakni. Un grand metteur en scène qui a également interprété quelques beaux personnages, et un homme apprécié pour sa pédagogie.
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Le spectateur de Belleville
February 26, 2017 7:20 PM
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Propos recueillis par Alexandre Demidoff dans Letemps.ch
Il a magnétisé les plus grands acteurs, Gérard Depardieu, Michael Lonsdale et Isabelle Huppert. A 93 ans, le metteur en scène français signe son ultime spectacle, «Rêve et folie», à l’affiche du Théâtre de Vidy dès mardi. Rencontre à Paris avec un alchimiste de la nuit
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Mais on entre dans sa pièce de travail, ce belvédère ordonné où il rêve depuis si longtemps, chasse l’inutile, s’harmonise en vieil enfant. Claude Régy, 93 ans, vit comme un moine taoïste. Sur une table, des livres, dont «Les Démons» de Dostoïevski qu’il relit, mais aussi un recueil de poèmes de Georg Trakl, ce jeune homme hanté qui enjambe les interdits, dans les bras de sa sœur adorée, dans l’extase des paradis artificiels, dans l’espérance d’un accomplissement. D’une apocalypse au fond qui le sauverait du désespoir.
Une œuvre qui a valeur d’odyssée intérieure Georg Trakl meurt à 27 ans, en 1914, dans un hôpital à Cracovie, épouvanté par ce qu’il a vécu sur le champ de bataille. Symbole: c’est à un desperado, encore un, que Claude Régy consacre son ultime chant. A l’affiche du Théâtre de Vidy dès mardi, «Rêve et folie» est la dernière station d’une œuvre qui a valeur d’odyssée intérieure.
«Je fais un spectacle par an depuis soixante ans, je n’ai plus la force pour continuer», pose doucement Claude Régy. Ce hibou-là, si peu doué pour les relations sociales, comme il l’avoue dans «Du régal pour les vautours», le film* délicat qu’Alexandre Barry lui consacre, aura réussi à entraîner les plus grands comédiens de l’époque au-delà des ténèbres. Il aura magnétisé Delphine Seyrig, Michael Lonsdale, Jeanne Moreau, Gérard Depardieu, Isabelle Huppert, Yann Boudaud aujourd’hui. «L’acteur est un excitant, d’un ordre érotique», écrit Claude Régy.
Le Temps: Pourquoi Georg Trakl, cet enfant déchiré de l’empire austro-hongrois?
Claude Régy: Je l’ai découvert il y a deux ans en lisant son histoire qui m’a fasciné, notamment sa passion incestueuse pour sa sœur. Je me suis plongé ensuite dans ses poèmes et j’ai eu la conviction qu’il fallait faire un spectacle sur son écriture, sur ce qu’elle souffle. Trakl a lu Arthur Rimbaud grâce à sa gouvernante, il s’inscrit dans son sillage.
– Qu’ont-ils en commun?
– Tous deux bouleversent l’interdit pour accéder à l’inconnu. Mais Georg Trakl est une contradiction vivante. Il a mûri pour cet inceste qui a illuminé toute sa vie une culpabilité conventionnelle. Il est exceptionnel parce qu’il secoue tous les tabous de la bourgeoisie, ceux qui concernent le sexe, l’alcool, les drogues. Mais il n’échappe pas à son éducation chrétienne.
– Quelles qualités doit posséder un acteur pour s’engouffrer dans cette matière?
– J’ai avec Yann Boudaud une relation particulière. Il a beaucoup joué pour moi à une époque et puis il en a eu assez. Il me trouvait trop obsessionnel. Il a changé de métier, il s’est tourné vers la maçonnerie, il a construit des maisons. Quelques années plus tard, il est revenu et ne m’a plus quitté. Ses qualités? Une puissance physique très grande, une voix particulière, une folie suffisante surtout pour affronter Trakl. Une petite folie, ce serait sans intérêt: il s’agit ici de toucher à des zones graves de l’âme.
– Que faites-vous le premier jour de répétition?
– Je ne demande pas à mes acteurs de connaître par cœur leur partition. Il faut la laisser flotter, travailler sur les égarements possibles. Le premier jour donc, nous lisons le texte à haute voix, j’apporte des commentaires, je suggère des images, mais je n’ai aucune idée de la suite. Pour aller loin, il faut être ignorant.
– N’avez-vous jamais de vision préalable du spectacle?
– J’espère bien que non. Je suis d’une école de gens qui ne savent pas. Sinon, comme explorer?
– La lumière, c’est-à-dire chez vous cette ligne de crête avant la nuit, est capitale dans vos spectacles. A quel moment la déterminez-vous?
– Elle naît d’une manière secrète, instinctive. Il est important que le son, le corps, l’ombre s’interpénètrent. L’élément essentiel à mes yeux est le texte. Et à partir de là, l’acteur et donc le public. L’ambition est de constituer une identité de l’écriture, de l’interprète et du spectateur.
– Vous dites privilégier le gros plan au théâtre. Pourquoi?
– On ne peut pas vivre certaines expériences dans des salles de mille spectateurs. Il faut préserver une intimité. D’où le rôle de la lumière. Quand j’ai monté «Ode maritime» de Pessoa avec Jean-Quentin Châtelain en 2009, je me suis aperçu que le travail de l’acteur était plus sensible s’il n’était pas éclairé. J’essaie de créer cette zone-là, impalpable, entre l’ombre et le jour. Les deux éléments se mêlent et à partir de là des images peuvent naître pour le spectateur.
– Vos acteurs ne jouent pas un rôle au sens convenu du terme. Ils sont conducteurs d’une parole, à la limite de la tonalité parfois.
– L’acteur est comme l’auteur, il est traversé. Je veux dire par là qu’il est d’abord un passeur, il s’abandonne aux forces qui l’animent. L’écrivain Peter Handke affirme que quand il se met à sa table, il ne sait pas ce qu’il va écrire. Ça devrait être la même chose pour l’interprète.
– Quelles sont les indications que vous lui donnez?
– On ne peut pas le dire. Il faut là aussi préserver le non-savoir, le non-agir, ces notions qui font partie du tao, cette philosophie qui est une des découvertes de ma vie. C’est parce qu’on est passif d’abord, immobile et silencieux, qu’une action et une parole seront possibles.
– Vous avez noué des liens forts avec d’immenses écrivains, Peter Handke, Nathalie Sarraute, Jon Fosse, Marguerite Duras. Qu’est-ce que cette dernière vous a apporté?
– C’était dans les années 1960, j’étais un inconnu et je lui ai demandé si je pouvais monter sa pièce «Les Viaducs de la Seine-et-Oise». Elle m’a dit oui et elle est venue à toutes les répétitions. Elle s’est retirée ensuite pour écrire un roman, «L’Amante anglaise». Elle m’appelle quelque temps plus tard et me dit: «Je crois qu’on peut faire du théâtre avec ça.» Ce qu’elle m’a appris ce jour-là, c’est que le théâtre, ce n’est pas une pièce, mais une écriture.
– A 18 ans, comment imaginiez-vous votre vie?
– Je ne pouvais pas penser que je ferais du théâtre. Je viens d’une famille bourgeoise protestante très conventionnelle. Mon père était officier, il voulait que je sois fonctionnaire dans l’administration coloniale. Il m’avait interdit de faire du théâtre: «Si tu tombes là-dedans, tu ne seras qu’un raté et un aigri.» J’ai donc fait du droit pour lui obéir, jusqu’au jour où un de mes camarades m’a lancé à Paris: «Pourquoi te consacrer au droit si tu ne penses qu’au théâtre?» J’ai traversé la Seine et j’ai poussé la porte du Théâtre Sarah Bernhardt alors dirigé par Charles Dullin, un maître. Son école était au dernier étage, tout en haut du bâtiment. Le soir, nous passions par le grenier pour accéder en catimini au poulailler et assister à ses spectacles.
– Avez-vous été heureux?
– Je ne crois pas au bonheur. On franchit le mur de l’impossible, sinon à quoi bon vivre. Et surtout à quoi bon faire ce genre de métier.
– Vous êtes intéressé par la science, par ce qu’écrit notamment Jean-Claude Ameisen, ce médecin et biologiste, producteur sur France Inter de l’émission «Sur les épaules de Darwin». En quoi est-ce inspirant pour vous?
– Il dit que la mort est une façon de sculpter le vivant. Parce qu’à chaque seconde, un million de cellules meurent, parce qu’elle est donc présente dans notre organisme, jusque dans la vie fœtale. De cette mixité entre la vie et la mort je me suis toujours occupé. On les dit antinomiques, or elles coexistent. Chercher dans cette direction donne beaucoup de force.
– «Rêve et folie» est-il vraiment l’acte ultime?
– Je le reprendrai sans doute avec «Intérieur» de Maeterlinck que j’ai monté en 2013 avec des acteurs japonais. Mais il n’y aura plus de création. J’ai l’impression d’être allé au bout de quelque chose et peut-être au-delà.
*«Du régal pour les vautours», Lausanne, Cinémathèque, lu à 18h30.
«Rêve et folie», Lausanne, Théâtre de Vidy du ma 28 février au 4 mars; http://www.vidy.ch/
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