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October 10, 2022 7:00 AM
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«Le Roi Lear», Shakespeare en pire. Critique de Philippe Lançon dans Libération

«Le Roi Lear», Shakespeare en pire. Critique de Philippe Lançon dans Libération | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Lançon dans Libération - 9 octobre 2022

 

A la Comédie-Française, Thomas Ostermeier fait de l’œuvre mythique et complexe une pièce fade, sous prétexte de la rendre «actuelle». Une adaptation grotesque.

 

Le Roi Lear, une pièce de 1606, entre au répertoire de la Comédie-Française, mais elle y entre comme le chien d’un mauvais maître : mal nourri, battu et pelé. Ce traitement est annoncé en tête de programme : «D’après William Shakespeare.» Ce n’est ni nouveau ni surprenant. Le Roi Lear, œuvre mythique assez longue, sauvage, emphatique et compliquée, est souvent «adaptée», tant elle risque le désastre lorsqu’elle est montée intégralement. Ce qu’on voit ici est donc une version didactiquement abrégée. Elle est accommodée à la sauce transgenre et minoritaire du jour, avec les habituels écrans cacophoniques géants et les moments de stand-up, style Shakespeare Comedy Club, propres au metteur en scène allemand Thomas Ostermeier. Le tout semble destiné à évangéliser le public tout en flattant sa familiarité.

 

 

Ostermeier, qui a déjà raté dans la même salle la Nuit des rois, s’inspire de la nouvelle traduction de la pièce par Olivier Cadiot (1), mais il n’en a conservé guère plus qu’il n’y a de chair et de cheveux, dans Hamlet, sur le crâne du bouffon Yorick. Des personnages ont disparu, des scènes sont coupées ou travesties. C’est ici Goneril, transformée par Marina Hands en longue garce nazie, qui arrache le premier œil du duc de Gloucester, et non, comme dans le texte, son beau-frère le duc de Cornouailles, mari de sa sœur Regan. La guerre théâtrale au patriarcat est particulièrement efficace, à défaut d’être légère : les époux des deux vilaines filles du roi et le duc d’Albany se sont volatilisés. Quant à Kent, le bon Kent, fidèle à Lear d’un bout à l’autre, il est joué par une actrice noire (Séphora Pondi), tout comme la brave Cordélia (Claïna Clavaron) : l’intersectionnalité s’expose sur les planches. Le résultat est un spectacle coiffé d’une dentelle de plomb : tout ce que l’idéologie et la complaisance peuvent faire à une telle œuvre, sous prétexte de la décrasser et de la rendre «actuelle», on le voit.

 

Un seul personnage tire son épingle du jeu

Le premier à en souffrir, c’est le roi. Ostermeier en fait un vieillard ridicule, obsédé, rendu volontairement inaudible par l’écran vidéo lorsqu’il déclame sous l’orage. Ça va sans Lear, donc ça ne va pas. Rien ne rend sa folie à son mystère, ni à son drame. Il finit sa vie dans un fauteuil roulant, main tremblante, et il ne meurt même pas. Ach ! Mais qui va payer l’Ehpad ? La brave Cordélia, sans doute, puisqu’elle aussi dans cette adaptation survit. Shakespeare n’aurait pas dû les tuer, pense Ostermeier, qui explique son choix : «Dois-je prendre le parti de cette fin tragique, mais mélodramatique, ou bien imaginer, lorsqu’il est question de pouvoir, que tout bouge mais finalement tout demeure ?» On pourrait répondre que si, dans la pièce, Lear et sa fille Cordelia meurent, celui qui la conclut, le bon Edgar, fils légitime de Gloucester trahi et pourchassé, a peu d’illusion sur la malédiction du pouvoir et du temps : «Au fardeau de ce triste temps, nous devons obéir. Exprimer ce que nous ressentons, sans souci du bien dire. Les plus vieux ont le plus souffert, nous, les plus jeunes, ne verrons jamais autant de choses. Nous ne vivrons jamais aussi longtemps.» Mais cette réplique n’est pas dite sur scène.

 

Un seul personnage tire son épingle du jeu : Edmond, fils bâtard de Gloucester, frère d’Edgar. Celui qui par envie, frustration, ambition, cruauté, trahit le premier, calomnie le second, séduit les deux filles méchantes de Lear au point de les dresser l’une contre l’autre. Bref, le fouteur de merde. Dans son éclatante vilenie, on sent qu’il a les faveurs d’Ostermeier : c’est presque un personnage de Jean Genet, un monstre certes, mais engendré par une société jugée et condamnée. Christophe Montenez, abonné aux rôles de folles tordues, le joue si efficacement qu’il donne le ton du spectacle : celui du sarcasme. Il s’adresse au public, comme Iago, comme Frank Underwood, et le fait réagir, en lévitation diabolique, depuis une passerelle traversant l’orchestre. Le seul héros, c’est lui.

Aucune dignité dans le Lear qu’on voit

Revenons, pour finir, à celui qui n’en est plus un : Lear. Denis Podalydès l’incarne… l’incarne ? Ce grand acteur virtuose est coincé dans son personnage monocorde et inexistant, un pâle sourire errant sur son visage comme lui-même dans la lande. Inexistant, car, à part quelques rires, il ne provoque aucune émotion. Que reste-t-il de Lear, sans émotion ? Elle seule permet de sentir, de rejoindre son gouffre. Deux remarques éclairent, a contrario, la faute d’Ostermeier. Jean-Michel Déprats, traducteur de l’œuvre complète de Shakespeare dans La Pléiade, rappelle que «Lear entre dans la folie avec dignité. Gielgud et les meilleurs interprètes du rôle l’ont bien compris. Le grotesque est présent, mais à l’accentuer on affaiblit le tragique».

 

 

Aucune dignité dans le Lear qu’on voit : il est réduit par une sociologie militante à son pouvoir patriarcal. Le grotesque est si accentué que le tragique disparaît. Le poète Yves Bonnefoy, autre traducteur du Roi Lear, a défini ce tragique : «Derrière ce personnage si remarquable, mais dont les dimensions inusuelles signifient surtout l’ampleur des périls qui nous guettent, l’ampleur aussi des ressources que nous avons, le vrai objet de l’attention de Shakespeare, la vraie présence qui naît et risque de succomber mais triomphe, c’est cette vie de l’esprit dont témoignent Lear, mais aussi Edgar, et dans une certaine mesure Gloucester encore et même Albany : et que désigne le mot ripeness. Ripeness, la maturation, l’acceptation de la mort […] comme occasion de s’élever à une compréhension vraiment intérieure des lois réelles de l’être.» Dans le texte, c’est Edgar qui le dit : «Ce qui compte, c’est d’être prêt.» Sur scène, personne ne l’est.

Le Roi Lear, d’après William Shakespeare Mise en scène de Thomas Ostermeier. Comédie-Française, Salle Richelieu, 20h30. (1) Chez P.O.L. (251 pp, 16€). Une fois de plus, Cadiot parvient à rendre la puissance, la subtilité et la jeunesse de la langue de Shakespeare, en alliant fidélité, naturel, vitesse et poésie.
 

 

 

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October 3, 2022 10:25 AM
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Shakespeare se refait une beauté dans "la maison de Molière"

Shakespeare se refait une beauté dans "la maison de Molière" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par AFP pour le site France24 - publié le 27 sept. 2022

 

 

Paris (AFP) – Shakespeare, plus accessible en français que dans sa propre langue? En proposant une nouvelle traduction du Roi Lear, un éminent metteur en scène et un acteur star, la Comédie-Française offre une seconde jeunesse à ce monument théâtral du XVIIe siècle.

 

 

"Shakespeare échappe au traducteur par le style, il échappe aussi par la langue", écrivait Victor Hugo, dont le fils François-Victor a été un des grands traducteurs du Barde. Et pourtant innombrables sont les mises en scène de ses pièces dans la langue de Molière.

Difficile de croire donc que Le Roi Lear, qui fait partie de la trinité shakespearienne avec Macbeth et Hamlet, n'a fait son entrée au répertoire du Français qu'il y a quelques jours, avec son "roi" Denis Podalydès dans le rôle-titre, une mise en scène de l'Allemand Thomas Ostermeier, et une traduction de l’écrivain Olivier Cadiot.

 

 

- Ni vers ni octosyllabes -

 

Pour le trio, il n'y a aucun doute sur la nécessité de revisiter le texte en français pour qu'il parle au public d'aujourd'hui, tout en gardant la poésie.

 

"On a besoin aujourd'hui de retraduire les grands textes avec la société et le langage qui changent; une traduction plus ancienne parlerait plus de la société dans laquelle elle a été traduite", assure à l'AFP Denis Podalydès qui a déjà incarné "Hamlet" au Français ou encore "Richard II" (au festival d'Avignon).

 

"Ce n'est pas une question de modernité, mais de compréhension", souligne Ostermeier, dont c'est le deuxième travail avec la troupe après une production décapante de la comédie shakespearienne "La Nuit des Rois" en 2019, avec des scènes de drag queen, de concert techno et de strip-tease.

 

 

"Beaucoup de gens ont une mauvaise image de Shakespeare car ils ont vu de mauvaises productions avec de vieilles traductions", commente-t-il.

 

 

Il rappelle que le Barde a écrit en "vers blancs" (poésie sans schéma de rimes formel). "Dans d'autres langues comme le français ou l'allemand où il y a plus de syllabes, il faudrait réduire le nombre de mots pour respecter cela, mais ça enlèverait du contenu", affirme le metteur en scène qui a monté plusieurs pièces de Shakespeare.

 

Il veut avant tout "que le public comprenne l'intrigue complexe" autour de ce roi qui décide de partager son royaume entre ses trois filles mais qui demande en échange une déclaration d'amour, avant d'être déçu par la retenue de sa fille préférée, Cordélia, et de la bannir injustement.

 

 

"C'est très difficile pour les spectateurs de s'intéresser à la pièce s'il n'y a pas cette fluidité", renchérit Olivier Cadiot, qui avait déjà traduit la Nuit des Rois à la demande d'Ostermeier.

 

"Mon travail consiste non pas à rafraîchir au sens vulgaire ou à rendre moderne, mais à +dénuder+ un peu le texte pour qu'il puisse venir un peu rapidement vers nous; c'est comme si on décapait un parquet ou enlevait le vernis sur un tableau", poursuit l'écrivain.

 

 

Mais à quel point le texte qu'on entend est-il du Shakespeare?

Pour lui, c'est "une question de respect de la complexité du texte en anglais et non pas des vers". "Je traduis en prose; je n'essaie pas de trouver une fausse forme en vers en octosyllabes, sinon ça devient ridicule; il ne faut pas que ça sonne daté", souligne-t-il.

Il reconnaît avoir peut-être poussé le curseur un peu loin à une ou deux reprises dans le texte, notamment dans un passage célèbre de la pièce. "Quand Lear dit +Every inch a king+, une des phrases les plus sublimes qu'on puisse dire; j'ai proposé +total royal+" au lieu de propositions comme "roi de la tête aux pieds".

 

 

Pour Podalydès, le défi pour les comédiens dans une pièce de Shakespeare est de "rééquilibrer tout le temps (le jeu) entre un parlé apparemment du quotidien et des phrases qui sortent de la fin du XVIIe siècle".

 

 

© 2022 AFP

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May 31, 2022 11:06 AM
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« Le Mariage forcé » ou les folies Arène

« Le Mariage forcé » ou les folies Arène | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 29 mai 2022

 

 

Formidable spectacle, interprétation du rôle-titre par l’exceptionnelle Julie Sicard, entourée d’un groupe hyper-talentueux. Toutes et tous masqués. Jouez à les reconnaître !

 

Une boîte de bois dans laquelle s’ouvriront les portes, des fenêtres, des trappes, des chatières, une boîte de bois clair, où le blanc domine, comme dans les maisons du nord. Avec des traînées qui donnent un air du nord. Comme si c’était des bouleaux que l’on avait coupés.

 

Eric Ruf signe la scénographie de ce spectacle tonique et enthousiasmant. Une cage, mais d’abord un tréteau, qui dit le lieu où Molière situe au départ l’action : Sganarelle sort de chez lui.

Dans la mise en scène du très malin –diabolique- Louis Arène, Sganarelle paraît, complètement paumé. Il est devant nous. Gourd, tétanisé. Des phrases lui viennent, mais comme un terrible brouillage. On le prend immédiatement en amitié.  Il est fragile, vulnérable. On ne peut pas ne pas aimer ce Sganarelle.

Il va être mal traité, trompé, manipulé, malmené, battu, injurié, il va être lynché intellectuellement, moralement, affectivement, socialement. Ce que Molière, qui sait ce qu’il fait, nomme « comédie-mascarade ».

 

 

C’est un cauchemar, en fait. Et on ne voit pas comment, enfermé dans cette case, cette cage, Sganarelle pourrait d’en sortir….

Des masques, des costumes à dominante blanche, des femmes qui jouent des hommes, et inversement, on est un peu effrayé par ces « personnages » violents, agressifs, et qui semblent tous ligués contre ce Sganarelle aveuglé, qui craint d’être cocu…

Les comédiens réunis sont magnifiques. Il y a assez longtemps qu’on loue Julie Sicard pour ne pas se sentir portée par les circonstances. N’empêche, ici elle trouve un rôle à la mesure de son immense personnalité. Pourquoi faudrait-il en dire plus ? Toute précision embrumera l’époustouflant travail. Travestissements, passage d’un personnage à l’autre. Changements d’humeurs. Jeu sur les silhouettes. Travail pointu sur les voix, les timbres.

Laissons au public la découverte de cette mise en scène très savante et très intelligente, très fine et dans ses effets, farcesque, libre, audacieuse.

 

Saluons donc et découvrez-les, Julie Sicard, Sylvia Bergé, Christian Hecq, Benjamin Lavernhe, Gaël Kamilindi. Jouez à les reconnaître ! Et laissez-vous secouer par Louis Arène, un maître de savoir et d’audace.   

 

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, à 18h30, du mercredi au dimanche. Durée : 1h00. Tél : 01 44 58 15 15.  Jusqu’au 3 juillet.

 

Légende photo : Paumé, perdu…Sganarelle : Julie Sicard dans Le Mariage Force de Molière – Mise en scène Louis Arène. Photographie de Brigitte Enguérand/ Collection Comédie-Française. DR.

 

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December 30, 2021 4:54 PM
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« Le Bourgeois Gentilhomme » de Molière, mon premier frisson théâtral

« Le Bourgeois Gentilhomme » de Molière, mon premier frisson théâtral | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Francis Marmande dans Le Monde - 27 déc. 2021

 

« L’année Molière » (1/5). Il y a quatre cents ans, en janvier 1622, naissait Jean-Baptiste Poquelin. Son œuvre, sa langue et son miroir tendu au monde ont bouleversé des générations de spectateurs. Notre chroniqueur nous raconte sa première rencontre.

 

Samedi d’été 1955, plein soleil. Vers 11 heures, nous quittons l’école de campagne en rang par deux. Senteurs de sureau et de foin. Les papillons mènent leur ballet compliqué. Une vache nous regarde, plutôt perplexe. Nous, petit troupeau d’oies en béret et pantalons courts, mené par l’instituteur, M. Loustalot. Nous descendons la longue rue Maubec, passons devant la synagogue, traversons l’Adour, et enfin nous entrons « en ville ». Nous avons entre 8 et 14 ans. Au Théâtre municipal de Bayonne, grande première, nous allons assister à une représentation du Bourgeois gentilhomme.

 

Rideau rouge, trois coups, surgissement des décors, des costumes, des femmes, le ridicule, l’amour : première émotion au théâtre, violente et définitive, l’émotion Molière… Ce fut comme une hallucination. Nous ne savions strictement rien, sauf le nom de l’auteur de la pièce. Jusqu’au premier rire, nous nous tenons à carreau. Très vite, telles les fusées du 14-Juillet, l’hilarité gicle de partout : sur scène, dans les rangs, dans l’âme… Rires à double détente, rires à trois bandes, rires complexes et très simples… Jamais, dans nos rêves les plus futuristes, nous n’aurions imaginé que des « grands », des anciens, des dames, pussent se déguiser, s’emperruquer comme si de rien n’était et jouer la comédie « dans la langue de Molière ».

 

Du théâtre municipal, le souvenir exact que j’ai dans l’oreille – je ne sais ce qu’il en est des autres –, c’est l’étincelant rire de la servante Nicole. L’insolente découvre son bourgeois de maître, Monsieur Jourdain, attifé en gentilhomme très exagéré. Nicole est prise d’un rire ahurissant, un fou rire relancé par les borborygmes et les mimiques vexées du patron. Un rire trop humain, une merveille de rire, celui des fermières de là-haut qui ne sont pas de la haute. Le rire des rires.

Parodie acrobatique

Georges Forestier, préfacier de l’édition Molière de la « Bibliothèque de la Pléiade », fut le plus récent de nos Virgile, un guide pour nous, professeurs de littérature. Dans sa préface, le professeur de la Sorbonne construit ou déconstruit avec le brio d’une méthode au sang neuf les ambiguïtés du théâtre de Molière : ses demi-compromissions ; les connivences avec les publics dont il se joue ; le cache-cache avec les puissances du ciel et de l’enfer. La parodie en style d’acrobatie de saltimbanque italien et humour arlequiné de bouffonnerie, où se mêlent jeux de dupes avec les mondains, les galants, les coteries, leurs codes et leurs valeurs. Les connivences avec les uns et les autres, avec les dames, de plus en plus nombreuses en arbitres du goût… Le grand Forestier fut aussi, en radio, dans l’émission de Philippe Collin, sur France Inter, « Molière, le chien et le loup », le très minutieux biographe du tissu de mystères, de légendes, d’inventions perfides et de petits faits vrais sur la « vie » de Molière.

 

Le miroir que tend Molière au monde a souvent dit sa vérité. Molière fait rire les dames, la cour, le roi, le soleil en personne, et un petit chat qui passait par là. Mis à part les pédants, les puritains, les jansénistes, les pères qui se prennent pour leur fonction, les maris itou, et l’Eglise, qui a toujours détesté le rire. Pas de révolution sans son puissant secret. « C’est moi qui t’ai tout appris », lui avait dit Madeleine Béjart, reine maîtresse de la troupe, qui se réservait les emplois drôles. Ajoutons le ton de la voix, les grimaces généreuses : ce mélange de dispositions et de bouffonnerie à l’italienne continue d’émettre.

 

Molière semble avoir tout mâtiné de commedia dell’arte et s’arrange de tout, auteurs anciens ou contemporains

 

Molière semble avoir tout mâtiné de commedia dell’arte et s’arrange de tout, auteurs anciens ou contemporains, sans excès de scrupule. L’auteur faisait rire avec le politique, la religion, le sacré, les vices, l’excès de rigueur, les obsessions qui frisent la folie, pour mettre en lumière la lutte politique sans merci entre idéalisme et matérialisme, conte les dévots de tout poil, la Compagnie du Saint-Sacrement, la limite des limites qui aboutit tout de même à la double interdiction du Tartuffe.

Son remède ? Les femmes, les libertins en secret, au sens du siècle : Gassendi, mais aussi bien ce Géraud de Cordemoy (1626-1684), auteur du Discours physique de la parole, qui inspire en douce le maître de phonétique de Monsieur Jourdain, scène hilarante jusqu’au délire. Il n’y a pas que le Bon Dieu sur terre : le rire aussi gît dans les détails. Et puis il y a l’amour, ce grand maître. Car « vivre sans amour n’est pas proprement vivre. »

Langues multiples

De son théâtre, Molière fait la preuve par les tréteaux. Farceur génial, il s’attribue les rôles les plus énergumènes. Dom Juan ? Certainement pas : il choisit de jouer Sganarelle. Alceste ? Oui, mais il en fait, bizarre, « l’homme aux rubans verts ». Or, le vert était la couleur des bouffons. On rit beaucoup sur scène, dans Le Misanthrope – moqueries, rites des salons, scène des portraits –, mais on rit beaucoup moins dans la salle. Le miroir s’est inversé.

Dans Molière, les personnages s’incarnent dans leurs langues, car elles sont aussi plurielles que leurs rôles. Par quelle évidence criante dit-on couramment, même les footballeurs en interview, qu’untel s’exprime « dans la langue de Molière » ? Ce serait plus vrai de dire « dans les langues de Molière » tant elles sont multiples, couvrant tous les territoires, brillant soudain dans le parler d’un paysan rebelle : le Pierrot du Dom Juan télévisé par Marcel Bluwal en 1965 et joué par l’extraordinaire Angelo Bardi, ex-TNP. L’émotion Molière est émotion des langues. Une émotion qui dure.

La dernière « Nicole » que j’ai vue, c’est Manon Combes (2020, mise en scène de Denis Podalydès). Un des plus beaux rires de Nicole qu’il m’ait été donné d’entendre. Jeanne Beauval, cantatrice et créatrice du rôle (1670), avait inventé, peaufiné ce rire. Sur texte imprimé, on lit quoi ? « Hi, hi, hi », etc. Tu parles d’un texte… Or, de 1670 à nos jours, ce rire s’est transmis de « Nicole » en « Nicole », en se faufilant dans les failles de l’espace-temps… Par le fil mystérieux de l’amour comédien et de l’esprit de troupe. Magie Molière. Emotion Molière… Trois cent cinquante ans après, les temps qui s’annoncent vont être aussi cruciaux que révélateurs.

 

Francis Marmande - Le Monde 

 

 

« L’année Molière », une série en cinq épisodes
 
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December 30, 2021 4:38 PM
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Molière divise la jeune garde de la Comédie-Française

Molière divise la jeune garde de la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde - 29 déc. 2021

 

« L’année Molière » (3/5). Vénéré par certains comédiens, l’auteur, dont on fête les 400 ans, suscite chez d’autres des réactions moins passionnées.

 

Molière a 400 ans, et sa jeunesse semble inaltérable. Des norias d’enfants continuent à hurler de rire devant Les Fourberies de Scapin ou Le Bourgeois gentilhomme, et des générations d’adolescents à découvrir le théâtre en étudiant à l’école Le Misanthrope ou xb Cette stature de « patron » du théâtre français fait-elle de Molière, pour autant, l’auteur qui fait rêver les jeunes comédiens de notre pays ? A trop connaître – ou avoir l’impression de connaître – l’auteur qui professait qu’« il nous faut en riant instruire la jeunesse », la nouvelle garde a-t-elle envie de partir en courant, ou de s’inscrire dans un héritage ?

Les réponses sont multiples, bien sûr. En juillet, au Festival d’Avignon, une jeune troupe réunie sous l’étendard du Nouveau Théâtre Populaire a montré avec éclat son plaisir à le jouer, encore et encore, en montant un marathon composé de TartuffeDom Juan et Psyché. Dans la Maison de Molière elle-même, la Comédie-Française, les chemins pour arriver jusqu’au « patron » peuvent être très divers, pas toujours si évidents.

 

En témoignent deux comédiennes et deux comédiens, âgés de 29 ans à 39 ans : Claire de La Rüe du Can, Séphora Pondi, Sébastien Pouderoux et Stéphane Varupenne. A partir de mars 2022, les premières vont jouer, sous la direction des seconds, Les Précieuses ridicules. Stéphane Varupenne jouera par ailleurs Sganarelle dans le Dom Juan, mis en scène par Emmanuel Daumas, et Sébastien Pouderoux se glissera dans la peau de La Grange, camarade de scène de Molière, dans Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres…, un spectacle biographique imaginé par Julie Deliquet.

Seule Séphora Pondi, toute nouvelle recrue de la troupe de la Comédie-Française, dit devoir sa vocation à l’auteur national

Et sans grande surprise, pour trois d’entre eux sur les quatre, Molière n’est pas à l’origine de leur rêve de théâtre, et ils ont mis du temps à y revenir. Seule Séphora Pondi, toute nouvelle recrue de la troupe, qui est née à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et a « vécu dans à peu près toutes les banlieues de Paris », selon sa propre expression, dit devoir sa vocation à l’auteur national. « Les premières émotions théâtrales que j’ai eues, c’est de voir, au lycée, des camarades jouer des scènes de Molière, raconte-t-elle. La façon dont elles étaient prises en charge était très moderne. Même lorsqu’il s’agissait de scènes écrites en vers, comme dans les grandes comédies de cour, j’avais l’impression de tout entendre, de tout saisir, que c’était très proche de nous. On avait 16 ans ou 17 ans, et tout paraissait extrêmement actuel, simple, facile à jouer, concret, grâce au rythme, à l’écriture… »

 

 

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Jamais Séphora Pondi n’a eu le sentiment d’un univers daté, lointain. « Ce qui a fait que Molière a échappé à la ringardise, pour moi, c’est que j’ai remarqué d’emblée à quel point c’est une langue qui met en mouvement. Je voyais bien que la traverser impliquait une pulsation, un rythme, une physicalité, qui remettait les enjeux au présent, et rendait tout ultra contemporain et actuel. C’est cela, le gage d’intemporalité de Molière : c’est écrit à la perfection, et en même temps sans effort, et donc tout dans cette écriture nous porte, on a l’impression que cela nous appartient. Il y a un côté très démocratique chez Molière ! », résume-t-elle dans un grand éclat de rire.

Célimène « tout à fait féministe »

Pour ses trois camarades, les voies moliériennes ont été plus tortueuses. « Molière, c’est un peu le “papa” du théâtre français, qu’on a envie de fuir, s’amuse Claire de La Rüe du Can. Et à l’école du Théâtre national de Strasbourg (TNS), que j’ai faite, on était très tournés vers la création contemporaine… » Puis la jeune femme est entrée à la Comédie-Française, à 22 ans, et s’est retrouvée à jouer les Angéliques du Malade imaginaire et de George Dandin, ou Hyacinthe dans Les Fourberies de Scapin. Et elle s’est prise à les aimer beaucoup, ces rôles, et la personne qui les avait écrits.

Claire de La Rüe du Can, comédienne : « Un homme qui a écrit un rôle aussi sublime que celui d’Agnès dans “L’Ecole des femmes” ne peut pas être misogyne ! »

« Les rôles de jeunes premières ont assez mauvaise réputation auprès des actrices d’aujourd’hui, constate-t-elle. Elles sont considérées comme des ingénues, des petites filles, des petites voix, que Molière aurait négligées dans l’écriture. Je trouve ces rôles en fait beaucoup plus complexes, et j’ai adoré les défendre. J’ai remarqué aussi qu’on les prive souvent de profondeur en les privant d’humour. Et du coup, c’est comme si elles n’avaient aucune réflexion, aucune prise sur ce qu’elles vivaient. Et même si certaines situations peuvent paraître datées, leur voix porte encore : quand George Dandin a été joué au Maroc, avec Anna Cervinka qui m’avait remplacée dans le rôle d’Angélique, le sort de cette jeune fille, mariée de force pour renflouer les caisses de ses parents, a résonné avec une force incroyable, et le spectacle a déchaîné les passions. »

 

Comme ses trois camarades, Claire de La Rüe du Can tord d’ailleurs rapidement le cou à la réputation de misogynie de Molière, telle qu’elle a notamment été véhiculée par Antoine Vitez. « Un homme qui a écrit un rôle aussi sublime que celui d’Agnès dans L’Ecole des femmes ne peut pas être misogyne ! », s’exclame-t-elle. « Et le rôle de Célimène dans Le Misanthrope peut être vu comme tout à fait féministe », renchérit Séphora Pondi.

Langue « liée à une époque »

Pour les deux garçons de la bande, qui vont mettre en scène les deux jeunes femmes en Précieuses d’aujourd’hui, prises dans les vertiges des réseaux sociaux, Molière était plutôt, jusque-là, assez largement en dehors de leurs radars théâtraux. « Quand Eric Ruf nous avait demandé, il y a quelques années déjà, si on ne voulait pas monter un Molière, on avait répondu : “Jamais de la vie, ce n’est pas notre truc” », se souviennent-ils.

« On a quand même du mal à se projeter aujourd’hui dans cette langue, assume Stéphane Varupenne. J’ai beaucoup joué Shakespeare à la Comédie-Française, et avec lui c’est plus simple : on est obligé de le traduire, et les traductions d’aujourd’hui parlent la langue d’aujourd’hui. On peut arriver plus facilement à se les mettre en bouche. Avec Molière, la langue est quand même liée à une époque. »

Sébastien Pouderoux, comédien : « C’est difficile de se sentir immédiatement concerné quand on voit une pièce de Molière, aussi concerné qu’avec une pièce de Tchekhov »

Sébastien Pouderoux, lui, se dit plutôt gêné par les intrigues, « où on est toujours ramené aux mariages forcés, aux barbons, à des rapports maîtres-valets et parents-enfants que l’on ne peut plus du tout traiter au premier degré de nos jours. C’est difficile de se sentir immédiatement concerné quand on voit une pièce de Molière, aussi concerné qu’avec une pièce de Tchekhov, par exemple. »

Et pourtant, ils ont fini par dire oui à Eric Ruf, pour s’inscrire dans cette saison Molière proposée par la Comédie-Française, en entrevoyant les réjouissantes possibilités de mise en abyme avec notre époque offertes par Les Précieuses ridicules. Et ils ont retrouvé le plaisir de fréquenter Molière, aussi bien comme comédiens que comme metteurs en scène.

« Une machine à jouer »

« J’ai joué coup sur coup des spectacles fondés sur des adaptations de romans  de Proust, Coetzee et Dostoïevski , et je dois reconnaître que revenir à du théâtre pur, à un auteur qui sait écrire des situations, des quiproquos, cela fait énormément de bien, en tant que comédien, concède Stéphane Varupenne. Je retrouve un plaisir de jeu purement enfantin. Molière, c’est ce qu’on appelle une machine à jouer, il offre des cadeaux, des punchlines incroyables. Et puis c’est un auteur qui parle vraiment de l’humain, avec une dimension universelle réelle, même si le mot est devenu assez galvaudé. »

« Il a toujours existé des lectures au premier degré, consistant à voir juste le côté atrabilaire d’Alceste, ou benêt de Dandin, mais, à la base, il y a toujours la compréhension d’une émotion humaine très précise, l’angoisse, pour ne pas dire la folie, d’hommes qui sont en butte à des situations qu’ils n’arrivent pas à gérer, analyse Sébastien Pouderoux. Il y a chez lui un côté jusqu’au-boutiste qui nous plaît beaucoup, aussi. Il tire le fil de ses personnages jusqu’à la folie, jusqu’à l’absurde. »

Stéphane Varupenne, comédien : Molière « ne se met aucune limite, dans la dissection des vices et des ridicules, quelle que soit la puissance de ceux qui les portent »

« Ce qui me stupéfie, c’est son courage et sa lucidité, ajoute Stéphane Varupenne. Il ne se met aucune limite, dans la dissection des vices et des ridicules, quelle que soit la puissance de ceux qui les portent. Alors qu’on voit bien qu’aujourd’hui une telle attitude est devenue quasiment impossible : il y a bien encore une Blanche Gardin pour oser aller aussi loin, mais cette audace est très contestée. »

Séphora Pondi aussi fait le lien entre Molière et l’humoriste française : « Ce mélange de noirceur et d’humour, c’est une manière d’être au monde qui nous parle beaucoup, à l’heure actuelle. Blanche Gardin est pile-poil sur cette zone trouble entre un humour qu’on peut trouver parfois assez lourdingue, un peu scatologique, et un certain désespoir. Pour moi, la grandeur de Molière, son élégance, elle est là, dans cet humour qui permet de traverser, de dépasser une angoisse existentielle », conclut la jeune comédienne.

 

 

Les Précieuses ridicules, de Molière. Mise en scène : Sébastien Pouderoux et Stéphane Varupenne. Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colombier, Paris 6e. Du 25 mars au 8 mai 2022.

 

 

« L’année Molière », une série en cinq épisodes

 

 

 

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April 27, 2021 5:37 PM
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“Ce que j'appelle oubli”, bouleversant monologue de Denis Podalydès

“Ce que j'appelle oubli”, bouleversant monologue de Denis Podalydès | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joëlle Gayot dans Télérama 27 avril 2021

 

Lien pour voir la vidéo (1h)

 

 

RDV CULTURE – Une phrase étirée à l’infini, et le temps s’arrête sur la scène du Théâtre des Bouffes du Nord vidé de son public. Denis Podalydès s’impose en maître absolu du rythme, sur un texte de Laurent Mauvignier.

 

Il l’avait joué en public sur les scènes des théâtres. Il le reprend sous le regard des caméras, bien seul dans une salle déserte. Denis Podalydès, livre en main, plonge en apnée dans une incroyable phrase qu’étire à l’infini l’écrivain Laurent Mauvignier. Un homme vient de se faire lyncher par des vigiles parce qu’il a bu en douce une canette de bière au fond d’un magasin. Inspiré d’un fait divers, le récit s’introduit dans le drame en déployant l’enchaînement implacable des faits. Victime, assassins, témoins… La parole se déplace de conscience en conscience sans jamais s’interrompre. Se refusant au lyrisme, fuyant la rhétorique typique des cours d’assises, cette parole reste à hauteur d’homme. Elle colle au corps et au souffle du comédien, qui ne jette que rarement un œil à son texte. Ses pieds ne bougent pas, seul son visage frémit. Denis Podalydès n’est pas un acteur, c’est un Stradivarius.

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December 14, 2020 7:30 PM
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Benjamin Lavernhe : l’école des flammes

Benjamin Lavernhe : l’école des flammes | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par François Berthier/Paris Match 14/12/2020

Il brûle les planches de la Comédie-Française et fait des étincelles au cinéma en décrochant le rôle principal du « Discours », de Laurent Tirard. Rencontre avec un acteur aussi éclectique que discret.

 

Toujours se méfier de l’eau qui dort. Discret, réfléchi, presque timide à la ville. Virevoltant, exubérant, brillant sur les planches et à l’écran. Benjamin Lavernhe est presque une énigme. Qu’il cultive, d’ailleurs. « Voir un acteur dans ses films ou au théâtre, c’est finir par le connaître un peu, non ? Je suis toujours étonné quand les gens me demandent : “Alors, Untel, il est comment dans la vie ?” Je crois que les acteurs donnent quand même beaucoup d’eux-mêmes dans les rôles qu’ils endossent. » Il acquiesce du bout des lèvres quand on le rapproche de son personnage de meilleur pote dans « Mon inconnue », d’Hugo Gélin : « Un gentil un peu fêlé », botte en touche ce trentenaire à l’allure de Pierrot lunaire.

Quand on le retrouve à la nuit tombée, il sort de dix heures de répétition à la Comédie-Française pour « Les Serge (Gainsbourg point barre) », qu’il va reprendre le 15 décembre (et pour lequel il a appris la basse), et « La dame de la mer », de Henrik Ibsen, prévu en 2021. Le quotidien intransigeant du 534e sociétaire de la Comédie-Française qu’il est devenu l’année dernière, après son entrée il y a huit ans dans la grande maison, porté par son incroyable performance dans « Les fourberies de Scapin ». Une pièce qu’il transcende depuis 2017 sous la houlette de Denis Podalydès et pousse parfois jusqu’à ses limites physiques, quitte à y perdre quelques kilos.

C'était intimidant, presque écrasant de devoir jouer avec la froideur d'une caméra

 

Côté cinéma, s’il s’est fait connaître en incarnant le marié hautain du « Sens de la fête », il pose sa silhouette dégingandée sur grand écran depuis 2012. Du post-ado lunaire (« Radiostars ») au jeune homme atteint du syndrome d’Asperger (« Le goût des merveilles », avec Virginie Efira). Aujourd’hui, il est enfin tête d’affiche dans « Le discours », de Laurent Tirard, avec un rôle taillé à sa mesure, la caméra et le public comme partenaires principaux des pensées de cet homme en pleine rupture amoureuse, contraint à participer à un dîner de famille éprouvant. « Comme pour “Scapin”, j’y joue beaucoup avec le public, je le prends à partie, comme un conteur qui s’amuse avec la restructuration du récit, note Benjamin Lavernhe. C’était jouissif mais aussi intimidant, presque écrasant, de devoir jouer avec la froideur d’une caméra. Elle est proche, intrusive et on ne sait jamais vraiment ce qu’elle va prendre de vous. »

 

Il a aussi travaillé comme au théâtre avec ses partenaires de jeu – Julia Piaton, François Morel, Sara Giraudeau –, et Laurent Tirard pour donner vie à cette aventure intérieure, dans le regard comme dans l’intonation, entre dialogues réels et pensées enfouies. Un pur plaisir de comédie. Excepté le fait de devoir « tourner pendant quinze jours une scène de dîner avec gigot à volonté dès 8 heures du matin quand vous avez fait votre marathon “Scapin” la veille au soir », plaisante-t-il.

 

S’il a joué Molière, Shakespeare, Tchekov ou Feydeau, il dit aimer aussi l’improvisation, qu’il a pratiquée au Cours Florent. Mais chassez le naturel, il revient au galop : chez Laurent Tirard, les Nakache-Toledano ou Hugo Gélin, jusqu’à la télévision et aux formats courts (« Un entretien », dans lequel il incarne un DRH aux pensées vagabondes), on le choisit pour des monologues face caméra ou des scènes virevoltantes de dîner qu’il contrôle à la perfection. « Peut-être parce que les gens sentent mon amour du verbe », s’interroge-il. Il s’amuse qu’une voyante lui ait prédit qu’on lui proposerait un jour un biopic, ce qui le ferait se confronter à la réalité d’un autre, à un vrai décalage. Le sujet ? « Je ne sais pas. Chirac ? Ou Jean Rochefort ! »

 

Avec un sketch décalé aux César et trois films, dont « Antoinette dans les Cévennes », qu’il soit devenu quasi incontournable en 2020 l’inquiéterait presque en cette année maudite où deux de ses films ont reçu le label d’un Festival de Cannes qui n’aura jamais eu lieu. « La situation a provoqué beaucoup de frustrations. Nous devions reprendre “Scapin” le soir même du premier confinement. Et aujourd’hui, je suis triste de ne pas pouvoir aller fêter “Le discours” avec le public dans une tournée d’avant-premières. » Lui qui magnifie si talentueusement la prose des autres réfléchit même à se mettre à l’écriture. Un seul-en-scène ou, mieux encore, un film.

Je vis ce que me donne le cinéma comme un rêve de gosse

Car si le jeune Benjamin rencontre Molière en classe de quatrième à Poitiers (son prof lui demande de jouer « La jalousie du Barbouillé »), à l’époque c’est le cinéma qui le fait fantasmer. Il dévore un mensuel spécialisé (il s’y retrouvera en pleine page quelques années plus tard), découpe les articles et consomme les comédies et blockbusters du moment, de « Dumb & Dumber » à la série des « Allô maman ». Fellini ou Antonioni viendront bien plus tard. Un détour par des études de journalisme (« pour me cultiver », explique-t-il), avant que le Cours Florent et le Conservatoire ne l’emportent vers le théâtre. En 2012, Muriel Mayette le fait entrer à la Comédie-Française sans même l’avoir vu jouer. La même année, il tourne « Radiostars ».

 

Six ans plus tard, les Molière le citent meilleur acteur quand les César le nomme meilleur espoir. Tout un symbole. « Le cinéma m’invite alors que le théâtre est une famille, une troupe. Ce n’est pas une stratégie, mais je pense qu’inconsciemment je me protège. Histoire de ne pas perdre pied. Je vis ce que me donne le cinéma comme un rêve de gosse. » Et tout laisse à penser que le talent de Benjamin Lavernhe n’a pas fini de lui faire vivre son rêve éveillé.

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November 19, 2020 10:42 AM
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L'acteur Michel Robin, figure de la Comédie-Française, est mort à l'âge de 90 ans des suites du Covid-19

L'acteur Michel Robin, figure de la Comédie-Française, est mort à l'âge de 90 ans des suites du Covid-19 | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Mélisande Queïnnec - franceinfo Culture
France Télévisions Rédaction Culture

 

Le comédien, particulièrement apprécié au théâtre, avait fait des incursions fréquentes remarquées au cinéma et à la télévision ("La Chèvre", "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", "Un long dimanche de fiançailles"...).

Michel Robin, ex-sociétaire de la Comédie-Française et acteur de cinéma, est mort le 18 novembre 2020 des suites du coronavirus. "L’ensemble des personnels de la Comédie-Française ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Michel Robin survenu [...] à l’âge de 90 ans, des suites de la Covid-19", a annoncé la Comédie-Française dans un communiqué. "Nous avons tous un souvenir précis de Michel, parti il y a dix ans déjà de notre théâtre. De sa tendresse et de son humour dévastateur. De sa dent aussi, carnassière et drôle", a ajouté l'administrateur général de l'institution, Eric Ruf.

Grand comédien de théâtre

Né le 13 novembre 1930 à Reims (Marne), Michel Robin débute sa carrière sur les planches. Elève du cours Dullin, il entre d'abord dans la troupe de Roger Planchon au Théâtre national populaire à Villeurbanne. Entre 1958 et 1964, il joue dans 17 spectacles, avant d'intégrer la compagnie Renaud-Barrault et d'interpréter la pièce marquante En attendant Godot de Samuel Beckett. 

 

L'acteur, en plus de ses nombreuses apparitions au cinéma, avait été longtemps sociétaire de la Comédie Française. (Raphaël Gaillarde / Christophe Raynaud de Lage / Comédie Française)

 

Avant son entrée à la Comédie-Française en 1994 - il en restera sociétaire jusqu'en 2010 - Michel Robin s'illustre déjà sur les planches. Dans Le Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare par Petrika Ionesco, Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier mis en scène Marcel Maréchal ou encore Le Balcon de Jean Genet, dirigé par Luis Pasqual. 

Dans la maison de Molière, il joue sous la direction de Brigitte Jaques-Wajeman, Piotr Fomenko, Lukas Hemleb, Denis Podalydès... On se souvient de son interprétation dans Les Fausses Confidences de Marivaux en 1996 avec Jean-Pierre Miquel à la mise en scène, Le Bourgeois gentilhomme de Molière par Jean-Louis Benoît en 2000, Le Dindon de Feydeau par Hemleb deux ans plus tard ou Ubu roi d'Alfred Jarry dirigé par Jean-Pierre Vincent en 2009.

 

Au cours de sa longue carrière, il aura manié les mots de Feydeau, Ionesco, Beaumarchais, Anton Tchekhov ou encore Beckett, toujours avec succès. En témoigne un Molière du comédien dans un second rôle pour La Traversée de l'hiver de Yasmina Reza en 1990. Sa dernière apparition au théâtre a lieu en 2014 pour Les Méfaits du tabac de Tchekhov, mis en scène par Denis Podalydès au Théâtre des Bouffes du Nord.

Acteur complet

Au cinéma, on se souviendra notamment de lui pour ses seconds rôles - souvent des vieillards au regard doux. Il apparaît entre autres dans deux films de Claude Chabrol (Le Cheval d'orgueil, Merci pour le chocolat), dans La Chèvre de Francis Veber, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet ou encore L'Aveu de Costa-Gavras... "Je ne comprends pas pourquoi on me distribue toujours à contre-emploi dans ces rôles de vieux larbins alors que je suis fait pour jouer le Cid !", plaisantait-il en 2003 dans Le Monde.

 

 

Son rôle dans Les Petites Fugues d'Yves Yersin lui vaudra en outre, en 1979, le Grand prix d'interprétation du jury du Festival de Locarno. Michel Robin s'était également fait une place de choix à la télévision, notamment avec un rôle récurrent dans Boulevard du Palais, Les Enquêtes du commissaire Maigret, et dans tous les épisodes de la version française de Fraggle Rock (1983).

Chevalier de l'Ordre national du Mérite, officier des Arts et des lettres, l'acteur avait ainsi enchaîné les projets artistiques (cinéma, théâtre, télévision, doublage) au cours d'une carrière d'une grande richesse. "Nous perdons un grand-père, un père de théâtre, un ami, un grand comédien", conclut Eric Ruf dans le communiqué.




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June 24, 2020 3:31 PM
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Eric Génovèse, le Magnifique

Eric Génovèse, le Magnifique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Alix de Boisset dans le blog Ikoness le 21 mars 2016

 

Lire sur le blog d'origine, avec de nombreuses photographies de scène d'Eric Génovèse

Sociétaire de la Comédie Française depuis 1998, diplômé du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris et Chevalier des Arts et Lettres., Eric Génovèse mène en parallèle trois activités : comédien, récitant dans des ouvrages musicaux, et metteur en scène au théâtre et à l’opéra. En tant que comédien, il se voit proposer immédiatement des rôles majeurs dans des productions remarquées ; il joue ainsi Pasolini et aborde Corneille (Cléandre de “La Place Royale” et Ptolomée de “La Mort de Pompée”) mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman et Stanislas Nordey. En 1993, année de son entrée à la Comédie-Française, il est Louis Laine dans “L’Échange” de Claudel à la Comédie de Genève. Depuis, il interprète au Français les grands rôles du répertoire classique et contemporain sous la direction de metteurs en scène comme Youssef Chahine, Jorge Lavelli, Georges Lavaudant, Roger Planchon, Daniel Mesguich, Anatoly Vassiliev, Lukas Hemleb, Joël Jouanneau, Jean-Luc Boutté, Denis Podalydès, Andrei Serban ou Robert Wilson… Son répertoire comprend des auteurs aussi divers que Shakespeare (Hamlet et “La Tempête”), Molière évidemment (Cléante de “L’Avare”, Covielle du “Bourgeois Gentilhomme”, le rôle-titre du “Tartuffe”, Philinte du “Misanthrope”, Amphytrion…), les tragiques, Racine (Hippolyte de “Phèdre”, Oreste d’”Andromaque” et Xipharès de “Mithridate”), Corneille encore (“Tite et Bérénice”, Clitandre), mais aussi Feydeau, Rostand, Duras, Tony Kushner, Copi, Lars Noren ou La Fontaine… On l’a vu au cinéma et à la télévision sous la direction de James Ivory, Benoît Jacquot, Gérard Vergez entre autres. On a pu le voir sur les scènes de la Comédie-Française dans “La Grande Magie” d’Eduardo De Filippo, dans “Les Naufragés” de Guy Zylberstein, dans “La Pluie d’été” de Marguerite Duras, “Peer Gynt”, “La Place Royale”, “Phèdre”, “Les Trois Sœurs”, “Cyrano de Bergerac”, “L’Anniversaire” d’Harold Pinter, “Phèdre”, “Lucrèce Borgia”, “Le Misanthrope”, “La Double Inconstance”. Il se produit en outre dans un spectacle de cabaret réunissant les comédiens du Français autour des chansons de Georges Brassens. Cette saison en 2016, avec la Comédie-Française il participe au “Misanthrope”, “La Double Inconstance”, “Lucrèce Borgia”, “La Mer” de Edward Bond et jouera dans “Les Damnés” de Visconti au Festival d’Avignon (Palais des Papes).

Son activité musicale, née d’un apprentissage du piano dès l’enfance, se concrétise par une intense participation en tant que narrateur lors de concerts ou des versions scéniques d’œuvres comme le “Lélio” de Berlioz, “Le Martyre” de Saint Sébastien de Debussy, “Le Roi David” de Honegger, “L’Histoire du Soldat” de Stravinsky, “Le Serment de Tansman”, “L’Histoire de Babar” de Poulenc, “Pierre et le Loup” de Prokofiev, “L’Enlèvement au sérail” de Mozart, “Hydrogen Jukebox” de Philip Glass, The Young Person’s Guide to the Orchestra de Britten, “Peer Gynt” de Grieg… avec les orchestres philharmoniques de Radio-France, du Luxembourg, de Lorraine, l’Ensemble Orchestral de Paris, l’Orchestre National de France, à l’Opéra de Rome, Salle Gaveau, au Capitole de Toulouse et au Théâtre des Champs-Elysées sous la direction notamment de Kurt Masur, John Nelson, Emmanuel Krivine, Alain Altinoglu, Jean-Christophe Spinosi, Vladimir Cosma… ou en formation chambriste avec le Trio Wanderer, Gordan Nikolitch, Claire Désert, Muza Rubackyté ou encore avec le baryton Matthias Goerne. Au cours de l’été 2012, il fait ses débuts au Japon dans “Jeanne d’Arc au Bûcher” d’Honegger (Frère Dominique) dans le cadre du Saito Kinen Festival de Matsumoto, production reprise lors de la saison 2014-2015 à l’Opéra de Monte-Carlo, à la Halle au Grain de Toulouse, à la Philharmonie de Paris (Orchestre de Paris, dir. Kazuki Yamada) puis au Lincoln Centre de New York (New York Philharmonic, dir. Alan Gilbert), aux côtés de Marion Cotillard. Il prête sa voix lors de l’enregistrement de “Une Journée” de Martial Caillebotte avec le Chœur régional Vittoria d’Île-de-France et l’Orchestre Pasdeloup et retrouve l’Orchestre National de France pour “La Machine de Trurl” de Pascal Zavaro à Radio-France.

Enseignant l’art dramatique en lycée et au Cours Florent, il signe sa première mise en scène, “Les Juives” de Robert Garnier au Théâtre du Marais en 2001. Il met en scène avec la collaboration de l’IRCAM “Le Privilège des Chemins” de Fernando Pessoa à la Comédie-Française en 2004 et met en scène la pièce “Erzulie Dahomey” de J.-R. Lemoine à la Comédie Française en 2012. L’Opéra National de Bordeaux lui confie sa première mise en scène lyrique, “Rigoletto”, en 2007. En début de saison 2008-2009, il met en scène “Cosí fan tutte” au Théâtre des Champs-Elysées repris en avril 2012. Il est réinvité par l’Opéra National de Bordeaux pour mettre en scène l’opéra “L’Ecole des Femmes” de Rolf Liebermann lors de la saison 2010-2011, et met en scène “Anna Bolena” de Donizetti à la Staatsoper de Vienne. 





1. Vous considérez-vous comme une figure du Théâtre ?

Eric Génovèse : Une figure, incontestablement puisque j’ai la chance d’y jouer sans discontinuer depuis bientôt 20 ans. Mais de quelle importance, je l’ignore… ça n’est pas à moi d’en juger ! (rires). Disons que j’y ai une activité très intense, que je suis dans un théâtre approximativement 300 jours par an, que je croise mon nom sur pas mal d’affiches dans les rues….




2. Comment définiriez-vous votre style ?

Eric Génovèse : Il est assez difficile pour un comédien de définir ce qui fait son originalité, ce qui fait qu’on le demande, qu’on l’imagine ici ou là… Sa faculté à faire naître le désir. A vrai dire, j’attaque toujours les répétitions en essayant d’oublier tout, en étant le plus disponible, le plus vierge possible. Comme c’est de toute façon impossible car la technique et l’expérience que l’on a sont gravées et difficilement effaçables, je tends au style “page blanche”. C’est assez inconfortable mais j’aime assez vagabonder d’un style à l’autre : épouser celui qui convient à ce que je suis censé défendre. Il faut pour cela se permettre la perméabilité, donc, éprouver ses propres limites. Chaque metteur en scène avec qui j’ai travaillé m’a raconté de moi des caractéristiques différentes…



Je ne pense pas être un intellectuel. Un homme qui pense, oui mais avec tous ses sens. Peut-être, sans doute même, je suis un acteur de texte. Mon rapport à la matière textuelle m’a souvent été cité comme un point fort. On m’a même parlé de” Touche de texte”, comme on parlerait d’un toucher pour un pianiste ou d’un trait pour un peintre. C’est le plus beau compliment que l’on m’ait fait… Je pense ne pouvoir parvenir à rien sans un bon texte. Le silence qui précède et suit une phrase est pour moi le gage de la qualité, de la portée de cette phrase et c’est lui que je vise en réalité lorsque je travaille. J’aime dire, par dessus tout pour faire vivre l’intensité de ce silence, le trouble qu’il convoque. Cela peut sembler paradoxal mais c’est ainsi que je vis les choses.

J’entends souvent qu’il y aurait un style Comédie Française, ce qui ne veut à peu près rien dire, en tous cas aujourd’hui. En étant tout à fait sincère, je ne vois chez tous mes camarades que deux points communs: la rapidité et la souplesse. Certaines approches sont diamétralement opposées au sein même de cette troupe. Et je ne considère pas qu’un style soit façonné par un lieu dans lequel on travaillerait. Il est le fruit d’une réflexion, d’une expérience, de ce que l’on vit et de comment on le vit, donc, propre à chacun. Si je devais me choisir un Style, il faudrait qu’il soit suffisamment identifiable mais qu’il ne ressemble en rien à une étiquette. Un style complexe à déchiffrer mais évident à recevoir.



3. Le Théâtre… Une vocation ?

Eric Génovèse : A priori, je n’y étais pas pré-disposé : Je suis issu d’une famille plutôt modeste et peu encline à l’art théâtral. Quelques indices cependant : Ma grand mère paternelle ne savait ni lire, ni écrire, mais regardait “des chiffres et des lettres” tous les soirs avec gourmandise. Ma grand mère maternelle chante Werther ou Rigoletto sans avoir jamais mis les pieds dans un Opéra…. Ma mère était couturière. Elle avait des doigts d’or. Mon père lui, né italien et naturalisé français à l’âge de 11 ans était parti pour faire des études. Il était à peine devenu ingénieur en électronique lorsque je l’ai perdu, j’étais encore un petit enfant. J’ai retrouvé cependant deux livres qui lui appartenaient, très tard, des pièces de Hugo et de Marivaux, cela m’a beaucoup ému et intrigué. Ma tante m’emmenait très jeune voir des expos de Giacometti, Miro, Picasso, Ernst… Et des concerts de Lou Reed, Patty Smith, Jaco Pastorius, Keith Jarrett….. A l’âge de 9 ans un panneau affichant “cours de théâtre” m’a frappé et j’ai demandé à ma mère de m’y inscrire ainsi qu’à des cours de piano… Elle a accepté sans me poser de questions. Pourquoi cet appel ? Je l’ignore. Je n’avais jamais vu une pièce de théâtre ! Une nécessité secrète donc : nécessité, je préfère d’ailleurs ce terme à celui de vocation.



4. Racontez nous votre parcours…

Eric Génovèse : A l’âge de 17 ans j’ai décidé d’arrêter mes études; j’avais beaucoup de problèmes de communication avec les gens de mon âge et pour me faire accepter je faisais le pitre et ruinais mes possibilités que l’on disait grandes. J’étais inadapté, malheureux et très seul, avec un grand manque de confiance en moi. J’ai demandé à ma mère de monter à Paris (nous vivions à Nice) pour y prendre des cours de Théâtre. Elle l’a accepté avec confiance et s’est dévouée pour financer mes études. Deux ans de Cours Simon, une première tentative au concours du Conservatoire National : un échec ! Je suis ensuite admis par François Florent en deuxième année dans la classe de Denise Bonal puis après quelques mois, je rencontre par le biais d’un ami Isabelle Janier et Tania Torrens, toutes deux à la Comédie Française. Elles me font travailler dans leur loge mon deuxième concours du Conservatoire National et je suis admis, à ma grande surprise. Là, je rencontre Viviane Théophilidès, Pierre Vial, Jean-Pierre Vincent, Bernard Dort et Madeleine Marion qui me forment et je travaille comme un dingue pendant trois ans !



En troisième année ma chère Madeleine Marion, qui est devenue ma maman de Théâtre et mon amie proche – elle nous a quittés en 2010 – me choisit pour être “Oreste” dans l’Oreste de Vittorio Alfieri dans les ateliers de sortie duConservatoire. C’est là que tout commence sérieusement à changer. Stanislas Nordey qui est mon Pylade me propose de jouer “Bête de Style” de Pasolini au TGP de Saint-Denis, Redjep Mitrovitsa me voit jouer et parle de moi à Brigitte Jaques qui m’auditionne et m’engage pour jouer Cléandre dans “La place royale“et Ptolomée dans “La mort de Pompée” de Corneille la saison qui suit ma sortie du Conservatoire. Suivent tout naturellement, Louis-Laine dans “L’échange” de Claudel à la comédie de Genève et plusieurs reprises et un film avec Benoit Jacquot de “La Place Royale” qui est un grand succès. Trois années d’intermittence, mais cinq mois seulement d’Assedic (histoire de ne pas perdre de vue la précarité qui menace, j’ai gravé ces mois très fort dans mon esprit) !

En 1993, Georges Lavaudant monte “Hamlet” à la Comédie-Française et cherche un acteur pour jouer Fortinbras et La Reine de Comédie (deux rôles aux antipodes l’un de l’autre). C’est à nouveau Redjep Mitrovitsa qui lui conseille de venir me voir dans “La Place Royale” et quelques jours plus tard, je reçois un télégramme de Jean-Pierre Miquel qui était Directeur du Conservatoire lorsque j’y étais élève et qui vient d’être nommé Administrateur de la Comédie Française qui me propose d’y entrer comme Pensionnaire pour jouer ces deux rôles, ainsi que celui de Scipion dans le “Caligula” de Camus que met en scène Youssef Chahine. En quatre ans à peine dans les lieux, je suis nommé 499éme Sociétaire, élu par mes pairs. J’y joue de nombreux rôles et y rencontre des metteurs en scène et des camarades formidables. Cela fait seize ans que ça dure…..et je souhaite y demeurer tant que je progresse et que l’équilibre entre les raisons de partir et les raisons de rester penchent du côté de la seconde option !



J’ai eu aussi besoin d’aller voir du côté de l’enseignement et de la mise en scène. A vrai dire c’est l’enseignement, le goût de diriger les acteurs qui m’a fait sauter le pas ! François Florent m’a demandé d’animer un Stage sur la Tragédie en 1999 et j’y ai rencontré une équipe avec qui j’ai monté “Les Juives” de Robert Garnier au Théâtre du Marais. Cinq heures de spectacle dans une langue sublime mais horriblement difficile, une entreprise folle et d’une difficulté sans nom, un pari impossible, un suicide pour un début ! Mais monter quelque chose de plus habituel ne m’excitait pas. J’avais choisi ce répértoire précisément pour la raison qu’il est si difficile et iconoclaste que personne ne le monte ! C’est un répertoire que j’aime et je pouvais me permettre d’y aller en laborantin. Marcel Bozonnet m’a ensuite proposé de travailler avec L’Ircam et d’imaginer un spectacle issu de cette collaboration. J’ai donc à nouveau choisi un objet étrange : “Le privilège des chemins” de Fernando Pessoa et nous l’avons joué au Studio Theatre de la Comédie-Française. Entre temps, Michel Glotz – grand impresario de musique qui nous a quitté lui aussi ces jours derniers – m’avait admis dans son agence en tant que Récitant. J’avais besoin de retrouver la musique ! Le Théâtre et le Piano, avais-je dit à 9 ans ! Il semblerait que je sois déterminé !

J’ai collaboré et collabore encore avec des musiciens et des orchestres extraordinaire pour des oeuvres mêlant musique et textes parlés (“Le Martyre de Saint Sebastien” de Debussy, “Lélio” de Berlioz, “Peer Gynt” de Grieg, “L’histoire de Babar” de Poulenc, “l’Enlèvement au sérail” de Mozart et autres, jusqu’a “Hydrogen Jukebox” de Philipp Glass que j’ai crée en France dans une mise en scène de Joel Jouanneau…..) avec des grands chefs comme Kurt Masur, Emmanuel Krivine, John Nelson, Alain Altinoglu, Jean-Christophe Spinosi… ou en récitals aux cotés de chanteurs fantastiques comme Matthias Goerne, Camilla Tilling entre autres, sans oublier des concerts que je donne régulièrement avec le Trio Wanderer, Philippe Berrod ou Muza Rubackyté… Toutes ces activités m’ont mis au contact de Directeurs de Théâtres et j’ai manifesté mon envie de mettre en scène de l’Opéra, qui est pour moi la forme la plus aboutie de l’expression scénique, le vecteur d’émotion le plus puissant. “Rigoletto” de Verdi a été mon premier essai grâce à Thierry Fouquet à L’Opéra National de Bordeaux.



Quelques mois plus tard, Dominique Meyer me proposait mes débuts au Théâtre des Champs Elysées à Paris avec “Cosi fan tutte” de Mozart ! Encore une fois, je n’ai pas commencé par le plus simple. Des oeuvres sur lesquelles les références pleuvent ! Mais finalement quitte à prendre des risques, je suis heureux d’avoir commencé en devant plonger sans bouée et en étant au contact des plus grands (compositeurs, musiciens, chanteurs) car c’est ainsi que l’on apprend le mieux ! Et j’adore apprendre. On me propose de continuer, je continuerai. Les choses faciles, si tant est qu’elles existent, ne m’intéressent pas, ne m’intéressent plus ! J’aime les enjeux de taille, même si j’ai conscience de mes limites. Il m’est cependant arrivé de refuser des propositions. Je ne peux pas, personne ne peut TOUT faire, TOUT incarner, être l’homme de tous les auteurs ou compositeurs. Mais tendre à repousser ses limites intelligemment ou apprendre à faire avec, à en faire des atouts, cela me semble nécessaire. De très grandes carrières se sont faites sur des limites ! En somme, apprendre à se connaître et à se surprendre est un équilibre vital mais assez difficile car il demande un instinct sûr et une conscience aiguë des obstacles à franchir. J’ai un contact avec les chanteurs si facile, si galvanisant, si extraordinaire que je vais continuer à avancer, à apprendre et à avoir du plaisir ! Donc nous nous apprenons mutuellement, j’admire ce qu’ils sont capables de faire : C’est un partage sensationnel, une véritable histoire d’amour.

J’ai l’immense chance d’avoir rencontré dans mon parcours des êtres fidèles qui m’ont invité et réinvité à partager des aventures artistiques. Tout est là, dans cette fidélité, dans ce regard et cette confiance que certains vous donnent. Car sans celui ou celle qui sait vous regarder, vous n’êtes qu’un être amputé lorsque vous êtes un comédien ou un metteur en scène. Lorsque je lis mon CV, je réalise que j’ai eu un parcours très privilégié. Et pourtant que de doutes et de tentations de tout abandonner ! J’oublie les embûches… Elles m’ont apparemment toujours fait rebondir. Mais j’ai toujours dans un coin de ma tête la conscience que tout peut s’arrêter demain.



5. La journée type d’un comédien du Français ?

Eric Génovèse : Cela dépend des périodes. Et cela dépend des comédiens. Il serait illusoire de penser que tous les comédiens du Français ont le même rythme. Certains jouent plus, d’autres moins. Les Statuts attribuent à l’Administrateur Général de décider des distributions. Très souvent, – et plus lorsque l’on est jeune ou nouveau – on joue le soir et répète en meme temps une autre piéce l’après-midi. On peut jouer aussi plusieurs pièces en alternance dans la même semaine et en répéter encore une autre l’après midi ! Parfois même, en jouer six dans un week end : une à 14h à la salle Richelieu, une à 18h30 au Studio théâtre et une à 20h30 à nouveau à Richelieu. Et Pareil le lendemain ! Les pensionnaires ont pour seul devoir d’activité de jouer. Les Sociétaires, eux, peuvent être appelés à d’autres devoirs. De coutume, il n’y a pas de répétitions le matin mais parfois des enregistrements à la radio, ou des comités d’administration qui régissent le fonctionnement de la Maison. Ce sont des sociétaires élus à moitié par leurs camarades, à moitié par l’Administrateur Général ainsi que le Doyen des Sociétaires qui y siègent, des comités de Lecture pour accepter ou non les pièces que l’Administrateur général propose pour l’entrée au répertoire, des assemblées générales…



Etre un comédien Sociétaire au Français demande beaucoup d’aptitudes à autre chose que le seul métier de comédien. C’est une troupe qui a un fonctionnement unique et particulier. On y est juge et partie. On peut aussi devoir assister à toutes les représentations pendant une semaine, plusieurs fois dans l’année, pour veiller au bon déroulement des spectacles, de leur évolution, de leur suivi technique. Personnellement, je n’ai jamais joué plus de trois pièces en même temps, et je ne le souhaiterais pas ! Je me contrains beaucoup car je suis plutôt un couche-tard et un lève-tard ! Il arrive aussi que certains tournent le matin ou ne jouent pas pendant des mois (ce qui est toujours très mal vécu, il n’est paradoxalement pas aisé d’être payé pour ne rien faire ! C’est même très humiliant pour un artiste ! ). La chose la plus fatigante est l’irrégularité des activités car il est difficile de régler son horloge interne ! En résumé, il faut une bonne santé, une bonne disponibilité aux autres, des nerfs solides, une bonne dose d’enthousiasme et une souplesse certaine.



6. Quels sont les univers littéraires ou artistiques qui vous influencent dans votre travail de comédien et de metteur en scène ?

Eric Génovèse : Tout ce qui fait partie de la vie me sert en règle générale. M’informer de ce qui se passe dans le monde, de ce qui se fait artistiquement est essentiel. Je suis très curieux et une vie ne me suffira pas à étancher ma soif de connaissance et d’émotions. Je lis beaucoup, j’écoute énormément de musique et je voyage beaucoup, sillonnant les architectures, les modes de vie et les musées. Mes goûts sont très éclectiques. Voyager est vital pour moi ! Il est inenvisageable de ne pas aller découvrir un pays nouveau chaque année et de ne pas retourner dans d’autres le plus souvent possible !

Ma vie entière se nourrit de l’Art. Au quotidien, j’alterne entre mes artistes favoris et ceux que j’ai envie de découvrir. Je relis ” Les affinités électives” de Goethe et “La légende des siècles” de Hugo, vais voir “Le jardin des délices” de Bosch, les statues du Bernin, la “sagrada familia” à chaque passage à Madrid, Rome ou Barcelone… Je revois tous les films de Dreyer, de Fellini ou Bergman, écoute Nina Simone, Billie Holiday, Monteverdi, Haendel, Bartok ou Mozart régulièrement…  Je lis des polars scandinaves, ne manque pas un Echenoz, feuillette toutes les rentrées littéraires, ne manque pas un Tarentino, un Almodovar, un Haneke, un Gondry, un Gus Van Sant, un film Scandinave… !  J’adore la peinture contemporaine, la Photo, la musique répétitive, les films d’animation. Je vais au concert ou à l’opéra plusieurs fois par mois. J’ai raté Piaf et la Callas, ça me rend dingue !



Je ne peux pas voir toutes les expos, entendre toutes les voix, voir jouer tous les acteurs, ça me désole. Ce qui est terrible c’est qu’il me faut du temps pour faire le vide, regarder l’horizon et ses imperceptibles nuances pendant des heures et laisser le soleil et la mer me réchauffer le coeur ! Je suis totalement schizophrène : un contemplatif, affublé d’une curiosité et d’une soif de communication humaine inextinguibles… Lorsque je travaille sur une oeuvre, je me focalise sur l’univers sonore, pictural et littéraire qui couvre l’époque de l’écriture de celle -ci mais des références tout à fait hors époque peuvent m ‘inspirer. Par exemple lorsque j’ai joué “Tartuffe”, ce sont les écrits de Louis Jouvet et” Théorème” de P.P Pasolini qui m’ont donnés les clefs du personnage. Il serait injuste de ne pas mentionner le regard de mon metteur en scéne et de mes partenaires car rien n’advient de par soi seul. Lorsque je jouais une piéce de Guy Zylberstein sur le monde de l’art, mis en scène par Anne Kessler et nous échangions ou regardions ensemble des films. Ca va de “L’année dernière à Marienbad” de Resnais, à Kate Winslett dans” The Reader”. Nous regardons des tableaux, des documentaires sur Rembrandt, Pollock, allons regarder les gens dans le hall de l’hotel Lutétia, c’est trés passionnant ! J’ai eu un choc esthétique en découvrant le film de Peter Watkins, “Munch”. En fait tout converge. Une création est faite d’une somme incommensurable de références, de moments de vie et de relents inconscients.



7. Que ressentez-vous lors de cette osmose éphémère que vous vivez avec le public le temps d’un soir ?

Eric Génovèse : Il se passe énormément de choses au cours d’une représentation. Certains soirs, on peut avoir le sentiment d’une porte définitivement close : le public est agité, bruyant, indisponible. Il est très compliqué dans notre monde d’aujourd’hui de trouver des espaces de silence, des endroits ou l’on se pose pour s’ écouter, s’évader du bruit, se retrouver.

Je déteste le bruit. Celui qui brouille tout, qui meuble, qui dissipe. Tout est construit pour que l’homme se dérobe à lui même. Tout se vaut. La vérité comme le mensonge, la musique comme le bruit, le plus précieux comme le plus abject. C’est pourquoi je deteste la télévision. C’est un faux ami, quelque chose qui vous abrutit, vous aide à passer a coté de vous, vous sature d’informations jusqu’à vous rendre incapable de réfléchir, de déméler le faux du vrai.


Ce qui me bouleverse au théâtre, c’est la disponibilité au silence. La qualité de l’écoute. Le fait que l’on soit venu, que l’on se soit déplacé, que l’on ait choisi d’être là pour vous écouter. Une représentation, c’est l’heure de vérité. La qualité du silence est mon seul baromètre. C’est ce sentiment qui est jouissif, cette communion dans l’importance de ce qui se dit. Car entre deux silence, un mensonge proféré est une fausse note qui tinte à l’oreille de chacun. 

Lorsque l’espace de quelques secondes tout se tait et que toute une salle reste suspendue à la résonnance de la parole ou du geste que vous avez donné , alors vous vous sentez plus léger. Il y a eu un moment de grâce et cela valait la peine d’etre là tous ensemble. C’est pour ces moments là que j’aime jouer.



8. A quoi pense un comédien sur scène, une fois que la concentration a pris le pas sur le trac ?

Eric Génovèse : A ce qu’il dit de préférence !! Comment penser à autre chose ? Idéalement, il parle, il écoute son partenaire et il répond. Lorsque le travail de répétition à été bien mené, il ne reste plus que cela à faire : se rendre disponible, tout oublier et retrouver la spontanéité. Bien entendu, il y a une veille permanente, un état de conscience aigu qui permet au comédien d’accueillir un accident, de le rétablir ou de l’utiliser. On appelle ça “le troisième oeil” : une sorte d’élasticité temporelle, de distance entre le conscient et l’inconscient. On doit être totalement maître de soi mais se laisser surprendre. Cela fait partie de l’état de jeu. Mais il n’y a pas à s’en soucier,c’est un état naturel lorsqu’on a bien travaillé et que l’on est au bon endroit. C’est une gymnastique et c’est à cela que servent les répétitions : à établir les règles du jeu.



9. Comment séparez-vous vos rôles de votre vie privée ?

Eric Génovèse : Celui qui est sur scène c’est moi et pourtant pas exactement le même que celui qui est devant son café le matin ! Il m’arrive de jouer trois rôles en même temps, il faut donc faire appel à des aspects de moi différents, à des énérgies différentes. Il y a un grand fantasme autour du rôle qui façonnerait votre vie… Si je devais être déprimé chaque fois que mon personnage meurt ou est malheureux, je pense que je serais deja interné (rires).



Personnellement, il m’arrive de ne pas réaliser que j’ai joué la veille au soir devant des gens. Lorsque quelqu’un me fait comprendre qu’il me reconnait, j’ai toujours un temps de latence, je me demande pourquoi. Un jour, quelqu’un m’a abordé dans un magasin en faisant référence au personnage que je jouais la veille, et je n’ai absolument pas compris de quoi et pourquoi il me parlait ainsi… Il a dû me prendre pour un fou ! Mais c’est un métier relativement proche de beaucoup d’autres, on convoque certaines choses de soi à un moment donné, programmé, avec tout un contexte autour puis on est différent lorsqu’on fait la cuisine ou prend sa douche.

Ce qui se passe au moment du jeu est une alchimie assez complexe mais canalisée. C’est peut être en période de répétitions que les choses sont plus compliquées, car la recherche vous obsède et ne vous quitte pas à la porte du théâtre… En terme d’humeur, il y a des spectacles qui vous donnent de l’énergie, d’autres qui vous la pompent ! Mais c’est d’avantage une ambiance de spectacle ou de répétition qui interagissent avec votre vie privée, qu’un personnage en particulier.



10. Votre meilleur souvenir sur scène ?

Eric Génovèse : J’aime à penser qu’il est pour demain…



11. Quelles missions donnez-vous au Théâtre ?

Eric Génovèse : Celle d’un révélateur face au mystère de l’humanité, je crois. Pour moi le Théâtre est un barrage contre l’ignorance, la bêtise et l’instrumentalisation des êtres .S’il peut aider à complexifier un peu le débat ambiant, s’il pose des questions, lutte contre les raccourcis démagogiques en interrogeant les énigmes, s’il porte le trouble, émeut, réjouit ou indigne, s’il n’est pas simplement rassurant mais perturbant, vivant, alors il est utile voire indispensable. Malheureusement, on le pousse régulièrement à devenir un “produit”, un outil de consommation comme un autre et cela est insupportable ! Il doit garder, revendiquer sa spécificité, son espace propre qui est celui du partage et de la réfléxion collective. C’est une place fragile et c’est pour cela qu’elle est belle. Parce qu’elle n’est pas quantifiable ou rentable de manière certaine et rapide ! Parce qu’elle demande une ouverture des consciences et que c’est un travail de longue haleine, un acte de résistance.

On n’interroge pas le monde avec des formules magiques, avec des slogans miracles.. On participe en cherchant, parfois laborieusement, à rendre une parole audible, à accueillir des petits instants de grâce qui, avec le concours de chacun, donneront peut-être naissance à d’autres pousses d’espoir, qui feront leur chemin vers de nouveaux commencements.



12. Pourriez-vous expliquer votre mise en scène pour le Théâtre et l’Opéra ?

Eric Génovèse : Je n’ai pas de recettes particulières. J’arrive en répétitions très préparé. Il me faut une longueur d’avance sur tout le monde et je travaille avec mon équipe très en amont. Je me considère avant tout comme le réceptacle d’une parole ou d’une musique que j’interprète avec mon entendement, ma sensibilité, et que je tâche de transmettre à ceux qui vont l’interpréter. J’essaie d’être le premier spectateur, de leur dire ce que j’entends mal ou n’entends pas, ce que je crois qu’il faudrait faire entendre ou mieux entendre. Je cherche le moyen de leur en donner la possibilité. Il faut pour cela repérer assez vite comment s’adresser à chacun, comment l’aiguiller ou le laisser avancer. Je crée un cadre, un angle de vue. Le Théâtre et L’Opéra sont très différents.

Au Théâtre,  on écrit ses silences et l’on impose son rythme, on le choisit, de même que l’on choisit ses interprètes, le metteur en scène est aussi le chef d’Orchestre. L’Opéra demande une grande humilité, le temps est écrit et les contraintes sont plus nombreuses, plus éprouvantes pour les interprètes qui ont des degrés divers de connaissance de l’oeuvre selon qu’ils l’ont déja chantée ou non. ll faut pour le metteur en scène, mettre en jeu, trouver son espace et prendre en compte les difficultés liées à l’exercice du chant et le temps de répétition est court. Le danger c’est que cela réduit parfois le rôle du metteur en scène à une idée de surface. Souvent une transposition d’époque n’est-elle que le critère d’appréciation d’une mise en scène. Un emballage, vide d’intentions profondes est parfois plus séduisant qu’une direction rigoureuse… Toutes les oeuvres n’y résistent pourtant pas, comme elles ne résistent pas au même traitement. Parfois c’est très extraordinaire, si la réflexion sur l’oeuvre est intelligente et que la direction d’acteur suit.



Je ne suis pas un adepte de la reconstitution historique parfaite, une idée poétique d’une époque me séduit davantage que son copier-coller. Mais je ne cherche pas à étonner pour étonner, à faire “des coups” comme on dit ! Je cherche ailleurs, là ou cela me semble juste et opportun sur le moment quitte à me casser la figure et à me compliquer la vie. Je veux pouvoir assumer mes choix parce qu’ils correspondent à une sincérité, même si rétrospectivement je peux me dire que je me suis trompé. Se tromper avec sincérité est toujours moins dangereux pour soi. Il faut du temps, je crois, pour imposer un style lorsque l’on n’est pas un génie. Et cela, je ne le suis pas, je suis un travailleur acharné et enthousiaste. J’ai des obsessions, oui, j’aime la précision et la vérité. J’ai aussi un certain rapport à l’espace, il y a des distances qui à mes yeux tuent les rapports. J’aime que les interprètes soient heureux. Tout cela est assez difficile à conjuguer mais je ne m’en sors pas si mal pour l’instant et chaque expérience me fait abandonner certaines choses et me conforte dans d’autres.

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April 2, 2020 11:27 AM
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La Comédie-Française ouvre en ligne sa malle aux trésors

La Comédie-Française ouvre en ligne sa malle aux trésors | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge  dans le Monde du 1er avril 2020

 

La Comédie-Française ouvre en ligne sa malle aux trésors
La maison de Molière propose, pendant le confinement, La Comédie continue !, accessible sur son site Internet et sur sa page Facebook.

Imaginez que la Comédie-Française ouvre ses malles remplies de trésors… En ces temps de confinement où les théâtres rivalisent d’initiatives pour garder le contact avec le public, c’est un peu ce que fait la Maison de Molière, qui a lancé, lundi 16 mars, La Comédie continue !, une chaîne en ligne accessible sur son site Internet (comedie-francaise.fr) et sur sa page Facebook (comedie.francaise.officiel).

 

 

Le premier trésor de la maison, c’est d’abord sa troupe de comédiens, qui s’est mobilisée pour offrir des rendez-vous variés, poétiques et pédagogiques, tout au long de l’après-midi à partir de 16 heures chaque jour, avant que ne soit diffusée, dans la soirée, l’une des innombrables créations du « Français », lesquelles ont toutes fait l’objet d’une captation depuis quarante ans.

 

Lundi 30 mars à 16 heures et des poussières, c’est donc le 521e sociétaire de la troupe, l’impérial Serge Bagdassarian, qui est apparu en gros plan sur l’écran pour annoncer le menu du jour, tandis que le lendemain officiait la jeune et charmante pensionnaire Claire de la Rüe du Can. Le premier rendez-vous du jour, intitulé « Le 4 h de Ragueneau », soit cinq minutes de poésie, a donné lieu à un moment de grâce : la comédienne Anne Kessler, qui est aussi metteuse en scène et peintre, a offert deux petits dessins animés artisanaux et délicats, sur les poèmes Sensation, d’Arthur Rimbaud, et L’Age héroïque, d’Henri Michaux.

70 métiers différents

Le deuxième rendez-vous est, paraît-il, « celui qui fait trembler tous les membres de la troupe ». Intitulé « Les comédiens repassent le bac français », il a vu Coraly Zahonero et Véronique Vella s’en tirer brillamment, la première, qui n’a jamais eu son bac, avec Les Liaisons dangereuses de Laclos, la seconde, dûment diplômée, avec Une charogne, de Baudelaire.

 

L’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, est ensuite venu parler de son métier, remplacé le lendemain par Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la maison, qui règne sur un fonds exceptionnel, la Comédie-Française étant le seul théâtre au monde à avoir aussi bien conservé ses archives depuis sa création, en 1680. La maison comptabilisant 70 métiers différents, il y aura de quoi faire en cas de prolongement du confinement.

 

Aux environs de 17 heures, place aux enfants, avec des lectures de contes, qui peuvent être réécoutées à l’heure du coucher. Florence Viala, un des piliers de la troupe, a ainsi offert un moment magique, avec Fleur de lupin, de Binette Schroeder, et Le Petit Soldat de plomb, d’Andersen.

De nombreuses surprises

Vient ensuite le moment du « Foyer des comédiens », qui se décline en plusieurs pastilles : « Mon alexandrin préféré », « L’enfance de l’art » et « Ma cuisine d’acteur ». Pour inaugurer le premier, Denis Podalydès a été brillant, forcément brillant, en évoquant « Le printemps adorable a perdu son odeur », un vers tiré du Goût du néant de Baudelaire, et fort troublant à entendre, dans les temps que nous vivons. Tandis que le lendemain c’était la jeune comédienne Jennifer Decker qui livrait avec flamme sa passion pour Hugo en général et pour ce vers en particulier, tiré d’Hernani : « Il vaudrait mieux pour vous aller aux tigres même/Arracher leurs petits qu’à moi celui que j’aime ! »

Dans « Ma cuisine d’acteur », le sociétaire Christian Gonon racontait sa rencontre avec un maître du kathakali indien, et le secret qu’il lui avait livré sous forme d’acrostiche : « ACTOR = A comme action, C comme concentration, T comme timing, O comme originalité et R comme rythme ».

 

Au vu de ces deux premières journées, les surprises devraient donc être nombreuses au fil des jours et des rendez-vous, avant que ne démarre la soirée proprement dite, à 18 h 30, avec un portrait d’acteur, un spectacle jeune public ou un seul en scène, suivis par la captation d’un spectacle. Après La Double Inconstance de Marivaux mise en scène par Anne Kessler et Les Trois Sœurs de Tchekhov par Alain Françon, on pourra voir, d’ici au dimanche 5 avril, Le Misanthrope de Molière par Clément Hervieu-Léger, Trois hommes dans un salon, le spectacle Brel-Brassens-Ferré créé par Anne Kessler, L’Hôtel du libre-échange de Feydeau par Isabelle Nanty, Peer Gynt d’Ibsen par Eric Ruf ou encore La Forêt, le film réalisé par Arnaud Desplechin d’après la pièce d’Alexandre Ostrovski.

 

On nous promet aussi la diffusion de spectacles historiques de la maison, comme la Bérénice de Racine signée par Klaus Michael Grüber, ou La Vie de Galilée de Brecht par Antoine Vitez. La Comédie continue, oui, même dans les temps difficiles.

La Comédie continue !, tous les jours à partir de 16 heures sur le site de la Comédie-Française (comedie-francaise.fr) et sur sa page Facebook (comedie.francaise.officiel).

 

 

Fabienne Darge

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February 18, 2020 5:30 AM
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Jeanne Herry fait entrer les trolls à la Comédie-Française

Jeanne Herry fait entrer les trolls à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Fabienne Arvers dans Les Inrocks - 07/02/20


Avec humour et empathie, la metteuse en scène décortique la multitude des voix qui peuplent les forums internet, des logorrhées obscènes aux élans de solidarité désintéressée.

Mettre un visage sur le flot de paroles, cachées derrière des pseudos, qui inondent les forums sur internet. Découvrir l’identité masquée derrière l’anonymat. Montrer, tout simplement, que le virtuel n’est rien sans l’humain qui l’anime. Coécrit par Patrick Goujon, Hélène Grémillon et Maël Piriou, Forums fait entendre une polyphonie de voix, glanées sur des forums divers, allant du médical aux petites annonces, de la finance aux demandes de conseils en tout genre.

Voulant donner chair à cette “mosaïque de nos vies”, Jeanne Herry, de retour au théâtre après avoir réalisé la série Mouche et tourné deux épisodes de Dix pour cent, réussit l'adéquation entre univers virtuel et incarnation sensible, portée par le jeu des acteurs de la Comédie-Française, tous impeccables quels que soient les rôles qui leur sont dévolus, et par l’espace scénographique, en perpétuelle transformation.


Loin de lui faire écran, le théâtre est aussi le complice de la Toile

De tableau en tableau, l’espace se déplie, se creuse, multipliant les configurations de jeu pour les acteurs, favorisant l’attention sur des scènes intimes ou chorales. Une multitude d’habits sont suspendus en fond de scène et sont, un par un, décrochés et posés en tas. Un tas informe. Une image fondatrice, confie Jeanne Herry, “en référence aux vestiaire aux mineurs. Très graphique, la multitude des habits suspendus, tout en nuances de bleus, démultiplie – virtuellement je dirais – les silhouettes au plateau. Elle pose la nature particulière des personnages, défaits de leur chair, sans balises, et raconte le mouvement que la pièce suit, de la masse compacte à la singularité.”

Car, au fil de la pièce, ne nous épargnant pas la désinhibition qui règne sur les forums – obscénité, racisme, homophobie, insultes, accusations –, le spectacle met aussi au jour l’entraide et la solidarité qui se tissent entre des inconnus, à travers les continents, les cultures, les langues. I Love Paris, Erythréen désireux de venir en Europe, accusé d’être un troll par une participante, est finalement pris en charge le long de son périple par une autre. C’est à ce possible-là que Forums rend justice. Loin de lui faire écran, le théâtre est aussi le complice de la Toile.

Forums de Patrick Goujon, Hélène Grémillon, Maël Piriou, mise en scène Jeanne Herry. Avec Véronique Vella, Alain Lenglet, Jérôme Pouly, Julie Sicard. Jusqu’au 1er mars, Comédie-Française (Vieux-Colombier), Paris

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November 5, 2019 4:48 PM
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Clément Bresson, nouveau pensionnaire à la Comédie-Française

Clément Bresson, nouveau pensionnaire à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié sur le site Sceneweb 5 nov. 2019

 

 

Clément Bresson est engagé dans la troupe en tant que pensionnaire à partir du 1er janvier 2020 pour y interpréter le rôle de Thomas Diafoirus dans Le Malade imaginaire de Molière dans la mise en scène de Claude Stratz (actuellement en tournée de jusqu’en décembre avant la reprise au Théâtre Marigny du 10 au 31 mai 2020). Cette saison on le retrouvera également dans La Puce à l’oreille de Georges Feydeau mise en scène par Lilo Baur, en alternance dans le rôle de Rugby. Il était artiste auxiliaire depuis le 1er septembre 2019.

Après s’être formé entre 2004 et 2007 à la Comédie de Reims puis au Théâtre national de Strasbourg, Clément Bresson débute sous la direction de Stéphane Braunschweig dans Tartuffe de Molière créé au Théâtre national de Strasbourg puis dans La Cerisaie de Tchekhov pour Alain Françon au Théâtre national de la Colline. Il travaille avec Nicolas Bigards à la création des saisons 1 et 2 de Hello America à la MC93. En 2011, René Loyon lui confie le rôle-titre dans Dom Juan de Molière. La même année, il joue dans André, spectacle coécrit avec Marie Rémond et Sébastien Pouderoux. Au Festival d’Avignon 2014, il joue dans Le Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist, mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti dans la Cour d’honneur du Palais des papes. En 2018, Célie Pauthe lui confie le rôle de Titus dans Bérénice de Racine à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. En février 2019, il participe à la création de Hedda Gabler – d’habitude on supporte l’inévitable, librement inspirée de Falk Richter et de l’héroïne d’Ibsen, mis en scène par Roland Auzet à l’Archipel de Perpignan.

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April 30, 2019 5:51 AM
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Électre / Oreste d'Euripide dans une mise en scène de Ivo van Hove avec la troupe de la Comédie-Française

Électre / Oreste d'Euripide dans une mise en scène de Ivo van Hove avec la troupe de la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Stéphane Capron dans Scenweb le 30 avril 2019

Deuxième mise en scène d’Ivo van Hove à la Comédie-Française, après l’adaptation des Damnés de Visconti en 2016, il compile Electre et Oreste, deux pièces d’Euripide, dont il place l’action dans un champ de boue.

En février 2015, Ivo van Hove avait mis en scène Juliette Binoche dans Antigone de Sophocle, dans une scénographie épurée et très classieuse de Jan Versweyveld. Il revient à la tragédie grecque à travers Euripide en compilant Electre et Oreste dans un spectacle ramassé de deux heures d’une grande limpidité, qui demande aux comédiens de la troupe de la Comédie-Française une extrême agilité. Ils doivent se déplacer (en chaussure à crampons) sur un sol boueux et glissant. Chaque personnage descendant d’une passerelle et tombant les deux pieds dans le piège d’une terre inhospitalière.

Les comédiens de la Comédie-Française sont désormais rompus à toutes les expériences. Ils n’ont plus peur de rien. Suliane Brahim et Christophe Montenez, les deux héros de ces tragédies se jettent à corps perdu dans ce magma. Sœur et frère, ils se retrouvent après leur exil et vengent le meurtre de leur père Agamemnon orchestré par leur mère. Ils commettent le meurtre le plus horrible: le matricide. Christophe Montenez est totalement habité par son rôle, tout comme Loïc Corbery qui incarne son fidèle compagnon Pylade. Les deux comédiens, très souvent maculés de sang, électrisent le plateau. Suliane Brahine, cheveux courts, incarne une Electre rebelle, “l’inverse d’une princesse” dit-elle.

La pièce est rythmée par un quatuor de percussions. La musique d’Eric Sleichim fait plonger la tragédie dans des formes rituelles, orchestrées par des chorégraphies de Wim Vandekeybus qui s’est joint à l’équipe artistique. Les comédiens entrent alors en transe dans une procession qui donne à cette tragédie antique une force tellurique d’une grande intensité. Comme dans Les Damnés, Ivo van Hove met en scène la violence. Chez Visconti, elle était froide, ici elle est plus démonstrative. Le sang des meurtres éclaboussent les corps. Electre et Oreste, enfants rejetés par le pouvoir utilisent les mêmes armes pour parvenir à leur fin. La violence légitime-t-elle la violence ? C’est la question posée par Ivo van Hove. Il s’est appuyé avec son dramaturge Bart Van den Eynde sur les travaux de spécialistes de la radicalisation (Mohammed Hafez et Creighton Mullins) qui estiment que “la marginalisation économique et l’aliénation culturelle” provoquent “un sentiment aigu de victimisation“. Electre et Oreste, atteints de folie se réfugient dans la violence pour sortir de l’enferment idéologique.

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr

Électre / Oreste
de Euripide
Mise en scène Ivo van Hove

avec
Claude Mathieu,
Cécile Brune,
Sylvia Bergé,
Éric Genovese,
Bruno Raffaëlli,
Denis Podalydès,
Elsa Lepoivre,
Loïc Corbery,
Suliane Brahim,
Benjamin Lavernhe,
Didier Sandre,
Christophe Montenez,
Rebecca Marder,
Julie Sicard
Gaël Kamilindi
Durée: 2h

Comédie-Française
Salle Richelieu
En alternance
Du 27 avr 2019
au 03 juil 2019

 


photo Jan Verweyveld

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October 5, 2022 8:21 AM
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Notre critique du Roi Lear: Thomas Ostermeier save the King !

Notre critique du Roi Lear: Thomas Ostermeier save the King ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anthony Palou dans Le Figaro - 2 oct. 2022

 

 

CRITIQUE - Avec le metteur en scène, la pièce de Shakespeare fait d'une manière brutale et expérimentale son entrée au répertoire de la Comédie-Française.

Le théâtre élisabéthain ne cherchait pas à localiser les faits et « Shakespeare n'enfreint pas l'unité de lieu, il la transcende ou il l'ignore », disait Jorge Luis Borges. Dans sa mise en scène du Roi Lear, Thomas Ostermeier occupe l'espace avec un seul décor dans lequel l'imagination prendra corps : une lande lunaire et aride que l'on dirait sortie du studio 5 de Cinecittà, époque Fellini. Une passerelle comme une veine prolonge la scène, scinde en deux la salle : les comédiennes et les comédiens en feront maintes fois leur podium.

 

Avec Thomas Ostermeier, Le Roi Lear fait d'une manière brutale et expérimentale son entrée au répertoire de la Comédie-Française et c'est une féerie lugubrement déjantée qui vous collera à votre fauteuil deux heures quarante-cinq durant. Le metteur en scène allemand, qui connaît son Shakespeare - il a monté Le Songe d'une nuit d'été, Hamlet, Mesure pour mesure, Richard III et La Nuit des rois –, sait que Shakespeare n'est jamais sobre, jamais.

 

 

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La fertilité, la force et l'exubérance font partie de son ADN. Ce Roi Lear d'après Shakespeare - insistons sur ce « d'après », car Ostermeier se donne quelques libertés et nonchalances (ainsi quelques coupes) qu'il serait trop long de recenser - hérissera les poils de quelques puristes. Quant à la traduction d'Olivier Cadiot - d'un accès plus facile au public sans nier la complexité de la langue -, elle ne manque pas d'audace.

Parti pris sans pitié

Dès le début, sonnez trompettes (en live) !, nous comprenons le parti pris d'Ostermeier : il sera sans pitié pour les petits ­estomacs. Dans des costumes plutôt modernes, les personnages évoluent sur la lande sur laquelle apparaît un trône solitaire et, plus tard, descendus du plafond, des cadres lumineux représentant des châteaux, derniers îlots de civilisation. Alors voilà Gloucester (Éric Génovèse) et son bâtard de fils, le perfide Edmund (Christophe Montenez), Edgar le frère aîné légitime (Noam Morgensztern), le fidèle Kent (Séphora Pondi), banni par Lear, et puis voilà les deux premières filles du roi, ce monstre à deux têtes : Goneril (Marina Hands) et Regan (Jennifer Decker).

 

Bientôt apparaît cette sublime création humaine, Cordélia (Claïna Clavaron), la cadette, l'âme pure dans ce chaos de crimes. Nous attendions Denis Podalydès dans le rôle du vieillard. Il s'est montré encore une fois un immense comédien. Tour à tour terrible, drôle, facétieux, émouvant, mesquin, grandiose. La barbe grisonnante et les cheveux en bataille du roi à la dérive l'adoubent : Lear-Podalydès est ébouriffant. La scène où il invoque la tempête résonnera longtemps dans la salle Richelieu. Seul son fou (Stéphane Varupenne) lui dit la vérité pure : là est le génie de Shakespeare.

 

 

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Sublime pièce sur la filiation, l'ingratitude - qui commence toujours par une caresse, le pouvoir, la trahison, la faim, l'isolement et surtout la vieillesse, ce massacre. Ostermeier et Podalydès nous invitent dans une danse spectrale et burlesque entre San Clemente, documentaire choc de Depardon, Artaud et Beckett. Ce n'est pas le roi qui est nu. Avec Lear, c'est l'humanité tout entière.

Le Roi Lear. Jusqu'au 26 février 2023 à la Comédie- Française (Paris 1er). Tél. : 01 44 58 15 15.

 

 

RÉSERVEZ VOTRE PLACE AVEC LE FIGARO

 

 

Le spectacle sera diffusé en direct dans plus de 200 salles de cinéma le 9 février. Réservations.

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June 26, 2022 7:41 AM
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Une soirée bien improvisée à la Comédie-Française

Une soirée bien improvisée à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandrine Blanchard dans Le Monde - 25 juin 2022

 

Ambiance joyeuse et belle tchatche, vendredi 24 juin, pour la finale de la 12e édition du Trophée d’impro Culture & Diversité.

« Pour venir là, il a fallu partir de loin » : les paroles introductives entonnées, vendredi 24 juin, par le groupe de musique Oliv’et ses Noyaux, sur la scène de la Comédie-Française, résument bien la soirée si particulière qui a électrisé la maison de Molière. Pour la première fois, l’improvisation théâtrale a eu les honneurs de la salle Richelieu. « On vit un moment historique », a résumé Mélanie Lemoine, maîtresse de cérémonie de la finale nationale du Trophée d’impro Culture & Diversité. Pour sa douzième édition, ce rendez-vous s’est tenu sous les ors et les pampilles de cette institution théâtrale. « Il aura fallu beaucoup de temps et d’énergie pour faire se rencontrer ces deux mondes », a reconnu la comédienne.

 

Sur scène, le cérémonial des matchs d’impro est respecté à la lettre : une patinoire en guise d’aire de jeu ; douze collégiens improvisateurs en herbe vêtus de maillots de hockey et accompagnés de leur coach ; un arbitre (Nour el Yakinn Louiz) en tenue noir et blanc, qui édicte les thèmes de chaque impro, siffle les fautes éventuelles et comptabilise, avec ses deux assistants, les votes du public ; des musiciens qui chauffent la salle et comblent les temps de concertation. Nanka, Slimane, Assetou, Emma, Léo, Yousstoine, Daniel, etc., enchaînent six improvisations de durées imposées, en forme mixte (les équipes peuvent jouer ensemble) ou comparée (les équipes se succèdent) et sur des sujets variés : « Pois chiches, harissa et olives noires », « Un blaireau sur la départementale », « Cachez ce vin que je ne saurais voir » à la manière de Molière, etc. La Comédie-Française n’a jamais vu ni entendu ça.

Millésime d’exception

La salle est joyeuse. Deux mondes et plusieurs générations s’y côtoient. D’un côté, des dizaines de collégiens issus des onze équipes régionales d’impro venues de toute la France avec leurs coachs et professeurs. Pendant la journée, ils ont participé au tournoi pour déterminer les deux équipes finalistes. Habitués des matchs, ils mettent l’ambiance. De l’autre, des invités plus âgés, novices de ce type de spectacle, certains un peu désorientés, mais se prêtant au jeu de brandir le petit carton remis en début de séance pour élire les meilleures prestations. Des officiels sont aux premières loges, parmi lesquels deux ministres de la culture – Jack Lang et Rima Abdul Malak, la toute nouvelle locataire de la Rue de Valois –, la première dame Brigitte Macron et l’entrepreneur milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, créateur de la Fondation Culture & Diversité pour favoriser l’accès à la culture des jeunes issus de milieux modestes. C’est grâce à sa rencontre, en 2010, avec Jamel Debbouze – qui doit tout à l’impro – que le Trophée est né et s’est développé sous la direction artistique d’Alain Degois, surnommé « Papy » et découvreur de l’humoriste.

 

A édition exceptionnelle, déroulé exceptionnel. Au match des collégiens, remporté par l’équipe Ile-de-France-Normandie, a succédé un étonnant « match de gala », réunissant quelques collégiens et des comédiens professionnels, dont Serge Bagdassarian et Séphora Pondi, de la Comédie-Française, ainsi que Jamel Debbouze. Aucun n’a joué la vedette, tous ont respecté l’esprit d’équipe et se sont amusés. Il fallait voir l’improbable duo Serge Begdassarian et Jamel Debbouze improviser en chantant sur l’air de We Will Rock You, de Queen.

« Cette turbulence nous fait un bien fou. Tout ça, c’est grâce à Papy Degois. Si Molière était là, il trouverait que cette journée est la plus fidèle à son art et à son geste », a défendu Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, à l’issue de la représentation. Alors que Marc Ladreit de Lacharrière déroulait les remerciements et les chiffres du Trophée d’impro depuis sa création (133 collèges partenaires, 6 500 jeunes), Jamel Debbouze semblait encore étonné d’avoir pu fouler cette scène prestigieuse. « Grâce à cette discipline, j’ai pu m’exprimer et avoir le sentiment d’être digne », a rappelé l’humoriste, avant de lancer : « Liberté, égalité, improvisez ! » Au milieu des collégiens réunis pour la photo souvenir se sont glissés, au premier rang, Brigitte Macron et Rima Abdul Malak. L’impro bientôt intégrée à l’option théâtre dans les établissements scolaires ?

 

Sandrine Blanchard

 

Légende photo : La finale du Trophée d’impro Culture & Diversité en présence de Rima Abdul-Malak, la ministre de la Culture et de Brigitte Macron à la Comédie-Française, le 24 juin 2022. THOMAS RAFFOUX

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January 13, 2022 12:54 PM
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Eric Ruf : « Molière a tout organisé pour qu’on fantasme sa figure »

Eric Ruf : « Molière a tout organisé pour qu’on fantasme sa figure » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Fabienne Darge dans Le Monde - 13 janvier 2022 

Légende photo : Eric Ruf, à la Comédie-Francaise, à Paris, le 12 janvier 2022. JEROME BONNET / MODDS POUR « LE MONDE »

 

Dans un entretien au « Monde », Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, explique que l’irrévérence est essentielle pour représenter et jouer ce génial dramaturge.

 

La Maison de Molière fête son patron, dont on célèbre, à partir du 15 janvier, le 400e anniversaire de la naissance. Jusqu’à la fin juillet, la programmation de la Comédie-Française sera entièrement moliérienne, avec une vingtaine de spectacles et de propositions diverses : douze créations signées par Ivo van Hove, Julie Deliquet, Lilo Baur ou Louise Vignaud, et les reprises d’excellents spectacles. Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, revient sur cette saison Molière.

Molière est-il un célèbre inconnu ?

J’ai un peu cette impression. Si on considère qu’il n’est pas un homme sur un piédestal avec du plâtre partout, qui est-il ?

J’aime beaucoup le film réalisé par Ariane Mnouchkine en 1978, avec Philippe Caubère dans le rôle de Molière : elle le montre avant tout comme un homme, avant d’être une grande figure nationale. Et elle le filme dans son mystère, ce qui me plaît beaucoup et me semble très juste. On s’est rendu compte en travaillant sur cette saison Molière et sur les expositions avec la Bibliothèque nationale de France (BNF), que, à force de se pencher sur lui, on ne faisait qu’amplifier ce mystère, au lieu de l’éclaircir.

 

Est-ce dû notamment au fait que Molière n’a pas laissé de manuscrits, de lettres ou d’écrits intimes ?

Certainement. C’est étrange d’ailleurs que quelqu’un qui n’a pas laissé d’écrits soit aussi célébré. Molière ne se savait pas Molière ni quelle trace il allait laisser dans l’histoire. Son cas est vraiment étonnant : c’est comme s’il avait tout organisé pour qu’on fantasme sa figure.

Dans le cadre de cette saison Molière, j’ai demandé à Agathe Sanjuan, l’archiviste en chef de la Comédie-Française, de me sortir soixante portraits de lui. Il n’y en a pas un qui ressemble à l’autre et il y a des différences énormes entre certains portraits. Lequel est le vrai ? On dit que ce sont les portraits des frères Mignard, Nicolas et Pierre, lesquels sont les portraits officiels, qui sont les plus proches de la vérité du modèle. Mais en même temps on sait ce que veulent dire les portraits officiels…

Comment expliquez-vous cette absence d’écrits ? Est-ce dû à un Molière homme extrêmement occupé, acteur, auteur, chef de troupe, organisateur des plaisirs du roi ? Ou ces documents constitueraient-ils un trésor enfoui quelque part ?

Je ne me risquerai pas à commenter les diverses légendes qui courent depuis le XVIIe siècle… Je me dis juste qu’un hyperactif aurait justement eu le temps d’écrire ses propres mémoires, sa propre légende.

Mais on voit bien que sa vie fut d’une rare densité – d’ailleurs la richesse de son œuvre est sans doute due au fait qu’il écrivait aussi pour dénouer des nœuds contemporains. Ecrire très vite, suivre le goût du public, convenir à la demande, en tant que directeur de troupe, même quand ce n’était pas forcément ce qu’il aimait lui, faire en sorte que le roi soit content et donc être obligé d’allier ses propres tropismes aux plaisirs royaux… Tout cela a fait que, entre ce qu’il voulait écrire profondément, là où il ne s’oubliait pas, et là où il répondait à la commande, il y a une grande richesse.

 

 

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés Christian Hecq et Denis Podalydès, à propos de Molière : « Un rire de qualité est toujours accompagné de noirceur »

Mais je trouve beau que celui qui est le plus resté dans l’histoire soit celui qui pensait le moins s’y inscrire. Il ne cultivait pas sa propre légende de son vivant, il n’y faisait pas du tout attention. Je ne crois pas trop à l’existence d’écrits qui auraient été perdus. Généralement on dissémine beaucoup au cours d’une vie, surtout une vie comme la sienne. On aurait donc dû logiquement retrouver certains de ces papiers s’ils avaient existé.

Quelles sont les grandes lignes qui ont présidé à cette saison Molière ?

Ce que je voulais absolument, c’est que l’on puisse y voir des mises en scène et des pensées très différentes. Que l’on ressorte avec un éventail large, que l’irrévérence soit de mise et la découverte aussi.

Ce sera le cas avec ce Tartuffe « inédit » recréé par le grand spécialiste de Molière qu’est Georges Forestier et que met en scène Ivo van Hove en ouverture de cette saison. Je suis particulièrement fier de pouvoir dire que l’on fait une création mondiale d’une pièce de Molière en 2022 à la Comédie-Française !

Pourquoi l’irrévérence vous semble-t-elle si importante pour représenter Molière aujourd’hui ?

Les notions de respect et d’irrespect sont magnifiquement intéressantes au théâtre. Le respect parfois tue totalement les pièces, d’où l’admiration que j’ai pour des metteurs en scène comme Ivo van Hove ou Thomas Ostermeier, dont j’aurais rêvé qu’il fasse partie de cette programmation, ce qui n’a malheureusement pas pu être possible. Il faut savoir faire preuve de sauvagerie par rapport au répertoire, retrouver du muscle, pour respecter le muscle d’origine des grands auteurs.

Il ne s’agit donc pas de s’agenouiller devant une statue qui ne lui ressemble pas. Ce serait absurde. C’est un écrivain extraordinaire, mais, à partir du moment où on dit aux jeunes générations qu’il faut le respecter, on prend le risque de l’empeser. Et il est plutôt logique d’être irrévérencieux avec quelqu’un qui l’était lui-même.

Vous proposez non seulement des mises en scène des pièces mais aussi des spectacles sur Molière, signés par Julie Deliquet et Louise Vignaud notamment. Pourquoi ?

Au départ, c’est parti de cette obsession que j’ai pour Molière vu par les acteurs et pour les liens entre sa troupe et la nôtre, quatre cents ans après. Ce qui me fascine, ce sont les passations qui se sont faites d’un acteur à l’autre, au fil de ces quatre siècles.

J’en ai parlé à Julie Deliquet, pour qui la question de la troupe est au cœur du théâtre. Elle a eu envie de se lancer dans un portrait, en découvrant nombre d’aspects méconnus de la vie de Molière et de sa troupe : c’étaient des gens qui vivaient de manière confortable mais dans une marge de citoyenneté qui n’était pas simple. Mais, dans cette marge, ils avaient établi des principes d’égalité très étonnants pour l’époque, notamment entre hommes et femmes, qu’il s’agisse des salaires ou des prises de décision dans la troupe.

 

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Quant à Louise Vignaud, elle a eu envie de s’intéresser au sujet passionnant de la fascination de l’écrivain russe Mikhaïl Boulgakov pour Molière et de mettre en regard ces deux figures qui ont eu maille à partir avec la censure. Tout cela participe du même désir, du même principe de départ, de se dire que l’on a le droit de construire à partir de Molière.

Vous avez peu joué Molière vous-même, sauf au début de votre carrière, et vous ne l’avez pas mis en scène, sauf pour un « théâtre à la table ». Dans cette œuvre très diverse, quel est votre Molière ?

Il y a trois grandes qualités chez Molière : c’est un dramaturge hors pair qui sait écrire avec une rare efficacité. Il est un analyste précis des défauts humains, qui n’ont pas beaucoup changé. Et puis il y a le Molière qui travaille, un être obscur, qui, à l’intérieur de toute cette comédie, dit des choses de lui et a des réflexions sur son art. Avec beaucoup de courage, souvent, voire d’amertume.

 

 

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Ce Molière-là me touche beaucoup. Il y a quelque chose de pirandellien chez lui, une dimension métathéâtrale d’une grande modernité. Et une manière de creuser ses propres pulsions, sa psyché et la nôtre, avec une honnêteté incroyable. Une profondeur, aussi, dans le rapport à la mort comme dans Le Malade imaginaire, la pièce qu’il jouait quand il est mort lui-même. Je ne dis pas cela pour aller dans le sens des légendes autour de sa disparition, mais sa manière de mettre en jeu la présence de la mort dans cette pièce est troublante.

Que diriez-vous à un jeune d’aujourd’hui pour qui Molière semblerait appartenir à une planète lointaine ?

Qu’il faut venir le voir à la Comédie-Française ! J’aimerais que, à l’issue de ces créations, des jeunes se disent : « Waouh, on a le droit de faire cela avec Molière ? » Que les spectateurs puissent sortir avec plus de questions que de réponses, en se trouvant ébahis qu’un auteur vieux de 400 ans soit encore capable d’inspirer des modes, des formes, des pensées sur le théâtre, des manières de décorer et de costumer si différentes.

 

 

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Je dirais surtout que Molière est un personnage beaucoup plus complexe, plus libre, plus ombré que n’en laisse voir son statut d’auteur imposé dans les programmes scolaires. On a un peu tendance à vouloir faire lire les classiques aux jeunes sans leur expliquer que seul le sentiment d’appartenance et d’appropriation relève du classique. Si Molière est un classique, c’est parce qu’il y a encore quelque chose qui nous parle là-dedans et qu’il faut aller chercher, en intégrant une dimension ludique. Jouer avec Molière autant que jouer Molière, autrement dit.

 

 

Programmation
  • A la Comédie-Française (Salle Richelieu)

Le Tartuffe ou l’Hypocrite, mise en scène Ivo van Hove. Du 15 janvier au 24 avril.

Le Misanthrope, mise en scène Clément Hervieu-Léger. Du 2 février au 22 mai.

Le Malade imaginaire, mise en scène Claude Stratz. Du 21 février au 3 avril.

L’Avare, mise en scène Lilo Baur. Du 1er  avril au 24 juillet.

Les Fourberies de Scapin, mise en scène Denis Podalydès. Du 22 avril au 10 juillet.

Le Bourgeois gentilhomme, mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort. Du 7 mai au 21 juillet.

Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres…, par Julie Deliquet. Du 17 juin au 25 juillet.

 

  • Théâtre du Vieux-Colombier

Dom Juan, mise en scène Emmanuel Daumas. Du 29 janvier au 6 mars.

Les Précieuses ridicules, mise en scène Sébastien Pouderoux et Stéphane Varupenne. Du 25 mars au 8 mai.

Le Crépuscule des singes, d’après les vies de Molière et Boulgakov, par Alison Cosson et Louise Vignaud. Du 1er juin au 10 juillet.

 

  • Studio-Théâtre

Six propositions par les acteurs de la troupe, du 27 janvier au 3 juillet.

 

Exposition : Molière en costumes : Centre national du costume de scène et de la scénographie, Moulins, du 26 mai au 1er novembre.

A lire : Molière, de Georges Forestier (Gallimard), 24 €.

A voir : Molière, par Ariane Mnouchkine, en Dvd, 33 €. Ou en Vod sur BelAir classiques, à partir de 4,99 €.

 

Fabienne Darge

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December 30, 2021 4:50 PM
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Dans les coulisses de la Comédie-Française, pour les 400 ans de Molière

Dans les coulisses de la Comédie-Française, pour les 400 ans de Molière | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Enquête d'Olivier Bauer pour M le magazine du Monde  - 24 décembre 2021

 

Le « Français » s’apprête à célébrer le 400e anniversaire du baptême de Molière. Pas moins de neuf pièces du dramaturge seront jouées jusqu’à l’été prochain. Décors inédits, costumes sur mesure, tableaux et meubles… A Paris et à Sarcelles, près de 200 artisans et techniciens s’affairent avant que le rideau rouge ne se lève.

 

Val-d’Oise, ZAC de Sarcelles. Un bout de banlieue qui ressemble à tant d’autres avec ses manufactures et ses commerces aux allures de dépôts. Sous une fine pluie d’automne, deux camions bleus franchissent le portail des ateliers des décors de la Comédie-Française. Créés en 1974, trois entrepôts s’étirent là sur quelque 20 000 mètres carrés, entre une vitrerie, un fabricant de pièces automobiles et un magasin de tissus. Des nuages aux lignes enfantines sont dessinés sur la partie supérieure de ses hangars. A l’intérieur, s’agitent une trentaine d’ouvriers. Ils sont serruriers, menuisiers, tapissiers, peintres, sculpteurs, décorateurs. Depuis plusieurs semaines, tous sont focalisés sur les décors du prochain Tartuffe ou l’Hypocrite.

 

Dans leur vaste atelier, trois membres de la brigade des constructeurs serruriers soudent les tiges d’acier qui, assemblées, doivent constituer une longue passerelle. « Moi, pour être honnête, je vais plus au théâtre pour le décor que pour les comédiens, dit Sébastien Torquet, un CAP en chaudronnerie et treize ans de maison au compteur. Avant, on fabriquait des morceaux de décor, mais on ne voyait jamais le résultat final. L’ensemble était monté à Paris. Maintenant, on assemble tout ici dans la salle de prémontage et comme ça, on se rend compte de ce que ça fait. Et ça fait une vraie fierté. »

 

Lors de la pause cigarette, Gaël Schiavon, la vingtaine, formé sur le tas au métal et à l’aluminium, évoque dans un grand éclat de rire la dernière fois qu’il est allé voir une pièce à la Comédie-Française : « C’était il y a trois ans peut-être, ça s’appelait L’Eveil du printemps [de Frank Wedekind]. Je n’ai pas du tout aimé ! Ça parlait d’un adolescent qui découvre la sexualité, et je n’ai rien compris ! » Installé devant la petite forge annexe, Dorian Michaux, benjamin de la brigade, avoue n’être jamais entré dans la mythique salle Richelieu : « J’attends le bon décor pour la découvrir… Ce sera peut-être ce Tartuffe qu’on est en train de finir ! »

Une vingtaine de métiers différents

Le 15 janvier, la Comédie-Française célébrera le 400e anniversaire du baptême de Molière (sa date de naissance reste inconnue). A cette occasion, la star belge Ivo van Hove a été choisie pour la toute première mise en scène de la version censurée par Louis XIV du Tartuffe ou l’Hypocritepièce en trois actes datant de 1664, récemment restituée par l’historien Georges Forestier. A l’image de cette œuvre dont l’originale, Le Tartuffe ou l’Imposteur, a été jouée ici même 3 193 fois depuis 1680, le défi reste de taille : comment perpétuer et réinventer cet auteur du XVIIe siècle dont chaque gamin de France a étudié les pièces ? En ce début d’année, un Tchekhov, un Bergman et un Lagarce sont programmés, mais, ensuite, jusqu’en juillet, la Comédie-Française ne jouera que du Molière avec neuf créations et quatre reprises proposées sur ses trois scènes (Salle Richelieu, Théâtre du Vieux-Colombier et Studio-Théâtre).

 

« Il suffit de venir assister à une représentation pour comprendre que les ateliers de Sarcelles et de Richelieu impliquent des compétences uniques et offrent un supplément d’âme à nos spectacles. » Éric Ruf, administrateur

 

Avec plus de 900 représentations par an (hors période Covid-19), « le Français » – comme on surnomme les lieux – reste une microsociété que l’on compare souvent à une ruche. Pour assurer son fonctionnement, près de 400 salariés (dont une soixantaine de comédiens) et une vingtaine de métiers différents se croisent entre le site de la place Colette, au cœur de Paris, et les entrepôts de Sarcelles, où sont construits les décors. Autant d’artisans, dont les métiers restent aussi précieux que fragiles. Et les salaires modestes : 1 823 euros brut par mois en début de carrière. Ces « ateliers maison », courants dans l’univers de l’opéra, restent rares dans le panorama théâtral. On ne trouve que très peu d’équivalents aux ateliers du « Français », sinon au Globe Theatre à Londres.

« Les métiers exercés dans nos ateliers sont séculaires et ils peuvent apparaître aux yeux de certains comme futiles dans ce monde en mutation, explique Eric Ruf, 498e sociétaire, acteur, metteur en scène, mais également décorateur, scénographe et, depuis 2014, administrateur général de la Comédie-Française. Nous sommes aujourd’hui dans des logiques de tableaux Excel et ces métiers ont un mal fou à rentrer dans ces fichiers. Lorsque j’ai présenté ma candidature comme administrateur, un employé du ministère de la culture m’a demandé : “Mais à quoi tout cela sert ?” C’est vrai, c’est de l’argent public et nous devons rendre des comptes [le budget annuel s’élève à 38 millions d’euros dont 25 millions de subventions de l’Etat]. Mais il suffit de venir assister à une représentation pour comprendre que les ateliers de Sarcelles et de Richelieu impliquent des compétences uniques et offrent un supplément d’âme à nos spectacles. »

 

Une précison horlogère

Dans son bureau, au milieu d’une pyramide de papiers et de maquettes inachevées, l’administrateur de la Comédie-Française reçoit en salopette. Allure de mousquetaire fatigué mais enthousiaste, Eric Ruf évoque la prochaine saison Molière. Dans la maison créée en 1680, quelques années après la mort du dramaturge, en 1673, tout semble ramener au père de L’Avare. Garant d’un patrimoine à la fois lourd et riche, « le Français » n’est pourtant pas à l’aise avec sa figure tutélaire.

 

« La fréquentation à la fois quotidienne et séculaire de Molière ne nous amène qu’à une chose, c’est de pouvoir dire que l’on ne sait pas exactement comment il se joue, soutient un rien provocateur Eric Ruf. Alors, nous allons chercher des regards extérieurs comme ceux des metteurs en scène flamand Ivo van Hove, ou allemand Thomas Ostermeier. Parce qu’on a le droit de jouer avec Molière, ce n’est pas juste un buste dans le péristyle de la Comédie-Française. Il faut pouvoir le réinventer et c’est ce que nous tentons de faire avec cette nouvelle version du Tartuffe. »

 

Cette petite société, avec ses codes, sa hiérarchie bien établie, ses brigades et ses syndicats, est réglée avec une précision horlogère. Benoît Simon, le directeur technique, encadre 130 personnes réparties sur les deux sites. A Richelieu : tous ceux qui sont attachés aux répétitions et à la servitude des spectacles, divisés en spécialités (accessoiristes, tapissières et tapissiers, machinistes, régisseurs son et lumière…) A Sarcelles : le bureau d’études, les constructeurs (serruriers, menuisiers, machinistes) et les décorateurs.

 

Partout, dans les entrailles du théâtre et dans les entrepôts du Val-d’Oise, les artisans voisinent avec les techniciens. « Même les machinistes sont des artisans, puisque c’est la base de leur fiche de poste que d’être serrurier ou menuisier, d’avoir une aptitude à créer quelque chose avec leurs mains, explique le quadragénaire. Nous avons peu de temps pour mettre en place un décor. Son altération ou sa modification in situ nécessitent de pouvoir apporter les modifications immédiatementIci, chacun a, dans son domaine, un prérequis pour savoir façonner, faire de l’artisanat. »

Tapissiers et tapissières

Sollicité entre huit et douze mois avant la couturière (comme on appelle la première à la Comédie-Française), Benoît Simon est l’un des premiers à faire des retours au metteur en scène sur la faisabilité de son projet. Au fur et à mesure de l’avancée de la création, de plus en plus de personnes entrent dans la boucle. Avec un moment-clé : la présentation de la maquette à l’administrateur six mois avant le début du spectacle. Cette étape déclenchera l’étude et la création du décor de répétition, la conception des accessoires et la réalisation du décor final et de l’ensemble des costumes.

 

 

« Ce que j’aime à Sarcelles, c’est que l’on sort le décor, c’est-à-dire qu’on le crée, presque toujours à partir de rien. » Raouf Jaafoura, responsable tapisserie

 

« Simul et singulis » (« être ensemble et rester soi-même »), la devise apparue en 1682 et gravée au nez de la corbeille, reste pour tous ceux qui travaillent à la Comédie-Française une sorte de mantra. Chacun connaît son rôle, sa partition. A Sarcelles, seul au rez-de-chaussée de l’entrepôt dévolu aux tapissiers, Raouf Jaafoura maroufle le socle en bois d’un canapé à roulettes, élément de décor du prochain Tartuffe. Ici, chacun fait la distinction entre tapissiers et tapissières. Les tapissières élaborent coussins et rideaux, tapis et tentures ; les tapissiers aménagent et transforment les meubles de scène.

Dans cet univers singulier, il existe donc des tapissières hommes et des tapissiers femmes. Lui-même fils de tapissier, Raouf Jaafoura a passé une dizaine d’années sur le site de Richelieu avant de revenir travailler en Val-d’Oise. « Ce que j’aime à Sarcelles, c’est que l’on sort le décor, c’est-à-dire qu’on le crée, presque toujours à partir de rien, explique ce responsable tapisserie au large sourire. A Richelieu, on est sur la servitude des spectacles. On installe, on démonte les châssis et les rideaux, on enlève les meubles, tout ce qui touche au tissu. A Richelieu, on vit au rythme de l’alternance du plateau. On vit dans le théâtre, mais on ne le crée pas. Enfin, pas les décors… »

Des ouvriers à l’âme d’artiste

Dans le hangar attenant, les châssis en métal soudés par la brigade des serruriers sont soigneusement alignés sur des tréteaux en bois. Vestes et pantalons couverts de peinture, Elizabeth Leroy et Gad Cohen, deux membres de la brigade des décorateurs, terminent de nettoyer leurs pinceaux. La patine doit maintenant sécher avant l’assemblage. Sous une belle toile tendue représentant une aile d’oiseau, les premiers éléments laissent deviner un décor à l’allure austère. « Nous sommes des ouvriers plus que des artistes », assure Elizabeth Leroy.

 

Les décorateurs parlent encore avec émotion de la dizaine de toiles qu’Éric Ruf leur avait commandées pour sa mise en scène de « La Vie de Galilée », de Bertolt Brecht en 2019. De grands formats inspirés des œuvres de Rembrandt, Fra Angelico, Le Caravage, Raphaël…

 

« Des ouvriers au service du metteur en scène, approuve Gad Cohen. Chaque création est un nouveau défi. Certaines mises en scène mettent en avant les peintres, d’autres les menuisiers ou les serruriers. Pour nous, le travail sur le Tartuffe a été un peu frustrant, mais ça devrait être très beau sur scène. Ivo van Hove a l’habitude de surprendre… » Les décorateurs sont là pour répondre à la volonté du scénographe et appliquer précisément les plans réalisés par le bureau d’étude. « La véritable signature de l’atelier de décor est justement l’absence de signature, note Eric Ruf. Tout est dans l’art de se fondre. Il faut à la fois beaucoup d’art et de modestie pour cacher sa signature. »

 

Ces ouvriers à l’âme d’artiste, ces artisans d’art sortent tous d’écoles renommées où ils ont été formés au métier de dessinateur, de peintre ou de sculpteur. Les portes de leur casier personnel sont marquées de leur talent et de leur fantaisie. Pour la scène, ils s’amusent avec les matières, font illusion avec du faux bois, du faux béton. « Nous faisons en sorte que nos gestes individuels se mélangent à ceux de nos collègues, explique Elizabeth. Quand nous travaillons sur une grande toile, nous l’étalons au sol et tournons tout autour : les uns repassent sur les traits des autres pour que l’ensemble soit le plus harmonieux possible. » Les décorateurs parlent encore avec émotion de la dizaine de toiles qu’Eric Ruf leur avait commandées pour sa mise en scène de La Vie de Galilée, de Bertolt Brecht en 2019. De grands formats inspirés des œuvres de Rembrandt, Fra Angelico, Le Caravage, Raphaël…

Des costumes personnalisés

Place Colette, au cœur du théâtre, ce sont de véritables toiles de maître qui ornent les murs, du portrait iconique de Molière dans le rôle de César (1658) peint par Nicolas Mignard et accroché dans le foyer des artistes aux côtés des toiles de Delacroix ou de Renoir. Ici, les métiers du plateau sont dispersés dans les niveaux inférieurs du bâtiment ; les métiers de l’habillement occupent les deux derniers étages. Parmi la cinquantaine de petites mains qui y œuvrent du matin au soir, on compte huit couturières (confection des costumes de femmes), neuf tailleurs (habits d’hommes), deux modistes (chapeaux), trois lingères et deux repasseuses.

« Mais les ateliers ne sont qu’une partie du département des costumes, précise Sylvie Lombart, la très scrupuleuse directrice des services de l’habillement. On oublie que cela comprend aussi la coiffure, le maquillage, les habilleuses et la régie des costumes. » Extérieurs à l’institution, les créateurs de costumes sont issus du monde de la mode ou du théâtre, selon les affinités des metteurs en scène. Les chefs d’atelier doivent être en mesure d’imaginer et d’interpréter leurs intentions exprimées par un croquis, un document numérique, une photo de défilé, une peinture ou un simple échantillon de tissu.

 

Sur son bureau, Sylvie Lombart ouvre de grands classeurs dans lesquels sont rassemblées les maquettes des créateurs. On y croise les silhouettes sombres et élégantes du prochain Tartuffe proposées par la costumière An D’Huys, qui travaille régulièrement avec Ivo van Hove, les esquisses colorées de Vanessa Sannino pour Le Bourgeois gentilhomme (mis en scène par Valérie Lesort et Christian Hecq et repris pour l’année Molière) ou les dessins de Christian Lacroix qui ont servi de modèle pour Phèdre (mis en scène Martine Chevallier en 1995) ou Cyrano de Bergerac (mis en scène par Denis Podalydès en 2006).

 

 

 

Ces maquettes ressemblent à celles des cahiers de tendance en haute couture, parfois précises, parfois évasives. Depuis de nombreuses années, les costumes contemporains ont investi le répertoire classique. Pour la future saison Molière, au moins trois des sept pièces jouées Salle Richelieu le seront d’ailleurs en costumes modernes. « Toutes nos productions sont réalisées sur mesure, explique la responsable. Dans l’atelier des costumes femme, on travaille ce que l’on appelle le flou : des matières fluides, des mousselines, des petites soies fines… Celles et ceux qui réalisent ces costumes ont une main différente des tailleurs. Chez ces derniers, les doigts sont souvent plus musclés. On y travaille sur des matières plus résistantes, avec d’autres aiguilles et d’autres dés. »

 

Au service de l’éphémère

Ce matin-là, sous les toits en zinc, le silence enveloppe l’atelier des tailleurs. Les unes en face des autres, les couturières progressent sur les costumes sombres du Tartuffe. Dés au majeur ou à l’annulaire, elles jouent de leurs aiguilles comme un pinceau sur la toile. Originaire de Milan, Francesca Sartori est chef d’atelier. « Mon nom signifie tailleurs en italien ! », explique-t-elle de son accent chantant. Elle vit depuis plus de trente ans en France et vient tout juste de faire une demande de naturalisation. « Je travaille aux vêtements hommes alors que j’ai étudié la couture femme. Mais ce que j’aime, c’est le tailleur. Le tailleur est pur. Mon travail, c’est de couper et de monter. C’est une activité très répétitive, mais, pour moi, ça ressemble à du zen. Ça permet de s’améliorer et de tendre vers la perfection. »

Dans l’atelier voisin, son alter ego, Lionel Hermouet, sort juste d’un essayage avec une comédienne. « Certaines aiment ça, d’autres moins, commente le chef d’atelier couture. On travaille dans de petits espaces, on leur demande de rester statiques et certaines ne tiennent pas en placeMais c’est aussi un moment-clé où elles vont pouvoir commencer à incarner leur personnage, à lire ou à réciter leur texte au milieu des épingles. » Dans ces moments d’intimité, les couturiers sont sensibles aux humeurs et aux confidences. Les petites mains sont parfois les premières à voir ou à savoir qu’une comédienne est enceinte et qu’elle ne pourra peut-être pas jouer le rôle qui lui a été attribué. « On le sait, mais on ne peut rien dire… », confie Lionel Hermouet.

 

Contrairement aux ateliers costume et tailleur, qui travaillent uniquement sur les productions de Richelieu, l’atelier des modistes crée aussi pour le Studio-Théâtre et le Vieux-Colombier. Elles ne sont que deux à y travailler : Maureen Raffegeau, l’élégante chef d’atelier, et son assistante, Christelle Picot, passée par la maison Dior. Quatre mains pour des productions qui doivent tenir sur scène tout en ayant la finesse de la haute couture. Adaptés à la taille et au tour de tête de chacun des comédiens, les bibis, galurins, casquettes, bérets, turbans et autres canotiers sont pourtant souvent considérés comme des accessoires que l’on peut jeter, frapper, piétiner… « Jusqu’à un certain point, témoigne la chef modiste. Pendant des années, j’ai refusé de parler à un comédien qui n’avait pas respecté notre travail. Il m’a finalement écrit une lettre d’excuse… »

 

Tous savent ici que ce travail de minutie est au service de l’éphémère. Les unes après les autres, leurs créations sont amenées à disparaître après avoir été jouées. A l’issue de la programmation d’une pièce, ses costumes sont « réformés ». Ils sont retirés et référencés dans les réserves situées sur le site d’Amelot, près de Bastille, où quelque 50 000 costumes sont aujourd’hui répertoriés. Car le théâtre de la place Colette est bien trop étroit pour conserver tous ses costumes et décors. Ceux issus des productions plus récentes sont regroupés sous les hauts plafonds de l’un des hangars de Sarcelles, dans des casiers attitrés, pour quelques mois ou quelques années.

 

« Les décors se déforment, s’abîment et prennent trop de place dans nos entrepôts, explique Benoît Simon. Nous sommes obligés de les casser à la fin de leur exploitation. » L’institution travaille désormais avec des associations qui récupèrent certains matériaux. Et, pour la première fois cette année, les costumes et les décors de deux spectacles créés pour la Salle Richelieu ont été vendus en l’état en novembre : le metteur en scène Ivo van Hove a racheté la production des Damnés pour sa propre troupe, tandis que l’Opéra-Comique s’offrait le Roméo et Juliette d’Eric Ruf pour le réinventer en opérette cet hiver.

 

Ce 9 novembre 2021, sur le plateau vide de Richelieu, un large écran coulisse au-dessus d’une passerelle. On entend les cliquetis et le roulement des câbles, des spots claquent au-­dessus de deux rangées de lustres. Des silhouettes s’agitent entre cour et jardin. Chacun semble être attaché à un objet : un escabeau, un marteau, un rouleau de papier collant, un câble électrique, un tréteau ou une ampoule. Des cris parviennent sous les cintres et le canapé marouflé par Raouf Jaafoura roule sur l’avant-scène avant de faire demi-tour. Entre silence et frénésie, il règne une étrange atmosphère. Toutes les petites mains du « Français » s’affairent derrière le rideau. Elles vont bientôt laisser place au jeu. Dans quelques instants, les comédiens vont répéter pour la première fois en costumes dans le décor du Tartuffe ou l’Hypocrite.

 

 

Olivier Bauer

M Le magazine du Monde
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September 19, 2021 1:39 PM
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7 minutes : 11 femmes en colère

7 minutes : 11 femmes en colère | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Hélène Kuttner dans Artistik Rezo - 19 septembre 2021    

photo ©Vincent PONTET

 

C’est un spectacle brûlant d’intensité qui nous est présenté par la Comédie Française dans la salle du Vieux-Colombier. Ecrit pour onze comédiennes de tous âges, « 7 minutes » de l’auteur italien Stefano Massini, qui nous avait régalé avec La Saga des Lehman Brothers, plonge dans les affres d’un vote pour sauver une usine en passe d’être rachetée. Maëlle Poésy, nouvelle directrice du CDN de Dijon-Bourgogne, nous fait vivre l’histoire en temps réel. Comme un coup de poing.

 

Dilemme

 

Dix ouvrières, de la plus ancienne à la nouvelle jeune recrue, attendent fébrilement le résultat d’une réunion de « cravates » -dirigeants masculins en costume-cravate- avec l’une d’entre-elles qui fait office de porte-parole. Le décor représente une salle de stockage qui pourrait aussi être une salle de passage, où les femmes prennent leur mal en patience en épiant la porte d’où surgira Blanche, chargée de leur délivrer la sentence. Il est ici question de survie, de travail, pour ces ouvrières qui représentent elles-mêmes les 200 employées de l’usine. On fait connaissance, on se jauge, on plaisante à moitié, évaluant chez l’autre la part d’ancienneté, de complicité avec Blanche, mais aussi la part de courage, de pragmatisme, de peur, face au diktat de l’industrie. Les heures passent, la tension monte, et on commence à perdre patience quant Blanche surgit avec une nouvelle plutôt rassurante, mais qui contient, dans une lettre adressée à chacune, la condition de leur survie dans l’usine. Qu’il s’agira de mettre au vote.

 

La loi du plus fort

 

On l’aura compris, la pièce évoque habilement celle de Reginald Rose  Douze hommes en colère , dont Sydney Lumet réalisa le célèbre film avec Henry Fonda. Dès lors que les filles tiennent cette lettre en main, il va leur falloir procéder au vote de cette condition, qui de prime abord paraît à toutes, sauf à Blanche, dérisoire. La force du texte tient dans cette plongée au cœur de la psychologie de chaque ouvrière, de son parcours de vie et de son âge, qui fait jaillir brutalement sa parole. Loin de toute lourdeur ou parti-pris, Massini nous montre, à travers les réactions de toutes ces femmes, qui parfois viennent de très loin pour trouver un travail, comment la société, dans sa logique de prédation économique, peut grignoter les acquis sociaux gagnés pour garantir, à minima, des emplois. Jusqu’où accepter que son confort au travail soit rogné ? Certaines serrent les dents, d’autres crient à la suppression de liberté, et les plus jeunes avalent des couleuvres qui sont celles d’un nouveau monde tricoté de compromis et d’arrangements.

 

Onze actrices sur le grill

 

Le travail collectif des onze comédiennes, qui ne quittent jamais le plateau configuré en bi-frontal, est remarquable. Véronique Vella interprète la déléguée du personnel, Blanche, Cassandre de l’usine. Elle fait preuve d’une finesse prodigieuse, tour à tour maternelle, protectrice, gardienne de phare, et lanceuse d’alerte d’une lucidité politique féroce. Plus vraie que nature, elle démontre une fois encore la richesse de son engagement et de son talent dans un rôle complexe et singulièrement actuel. Claude Matthieu incarne superbement Odette, la plus âgée, la plus raisonnable, alors que Françoise Gillard est une Arielle toute en révolte. Anna Cervinka (Rachel), Elise Lhomeau (Sabine) et Elissa Alloula (Mireille), qui font toutes deux parties des nouvelles pensionnaires recrutées, forment avec Séphora Pondi, la dernière arrivée, des jeunes femmes en colère et à la tête bien faite. Camille Constantin (Zoëlie), Maïka Louakairim (Sophie), Mathilde-Edith Mennetrier (Agnès) et Lisa Toromanian (Mathab) complètent la belle distribution de ce spectacle qui emporte.

 

 

Hélène Kuttner

 

7 minutes

Auteur : Stefano Massini

Metteur en scène : Maëlle Poésy

Distribution : avec la troupe de la Comédie-Française
Claude Mathieu, Véronique Vella, Françoise Gillard, Anna Cervinka, Élise Lhomeau, Élissa Alloula, Séphora Pondi
et Camille Constantin, Maïka Louakairim, Mathilde-Edith Mennetrier, Lisa Toromanian

 

Du 15 Sep 2021
Au 17 Oct 2021

Tarifs :
de 12€ à 32€

Réservations en ligne

Réservations par téléphone :
01 44 58 15 15

Durée : 1h40

 

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April 19, 2021 2:18 PM
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Comédie-Française : la Grande Maison ne fait pas relâche 

Comédie-Française : la Grande Maison ne fait pas relâche  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 

par Anne Diatkine et photos Cha Gonzalez pour Libération

 Légende photo : Birane Ba, pensionnaire de la Comédie-Française depuis 2019. En mars, il interprétait Don Sanche dans «le Cid», mis en scène par Denis Podalydès et diffusé en ligne. (Cha Gonzalez/Libération)
 
 
 
De la salle Richelieu aux ateliers de couture, «Libération» a pu visiter le Français de fond en comble. Malgré ses airs de belle endormie, l’institution ne s’est jamais vraiment interrompue, entre captations diffusées sur Internet et répétitions frénétiques avant la réouverture.

 

 
 

«Une noix. Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix ? Qu’est-ce qu’on y voit ? Quand elle est fermée, on y voit la nuit en rond. Et les plaines et les monts.» Un air de Charles Trenet s’invite à l’esprit tandis qu’on se rend à la Comédie-Française, début mars, quelques jours avant que les occupations des théâtres par des étudiants, intermittents et travailleurs précaires n’essaiment et à une époque lointaine où il est bien promis que la France ne sera pas reconfinée. Pour l’instant, le bâtiment historique de la place Colette, dans le Ier arrondissement parisien, n’est pas assailli. Peut-être parce qu’il est le seul à être constitué organiquement d’une troupe permanente salariée – bien qu’une part non négligeable du revenu des comédiens soit variable car dépendant des «feux» (du nom des bûches placées devant les loges avant les levers de rideau et l’avènement du chauffage central). Il a pourtant été occupé à maintes reprises dans le passé. Ne serait-ce qu’il y a cinq ans, pendant les manifestations contre la loi travail. Annulations des représentations, sacs de couchage dans les travées, vandalisme divers : l’habitation a laissé des souvenirs contrastés. «Plus tard, on a retrouvé des mots glissés dans des tableaux de maître qui n’étaient pas qu’iréniques», se rappelle le comédien sociétaire de la maison Laurent Stocker. Qui plus est dans un contexte épidémique où la sécurité du personnel est de sa responsabilité, l’administrateur de la Comédie-Française, Eric Ruf, n’a pas du tout envie de revivre l’occupation de bâtiments dont il a la charge, estime l’équipe.

 
 

Coraly Zahonero, également sociétaire, et qui précise qu’elle parle «en électron libre», est solidaire du mouvement tout en n’étant pas certaine qu’au Français, la meilleure arme soit l’occupation, fusse par la troupe elle-même – chacun dort dans sa loge ou s’allonge sur le plateau de la salle Richelieu : «Où est-on le plus utile ? On a une mission de service public qu’on remplit notamment aujourd’hui à travers le “théâtre à la table”, ces pièces préparées chaque semaine en cinq jours seulement, filmées et retransmises en direct le samedi sur notre webtélé créée pendant le premier confinement.» La comédienne poursuit : «Je sors tout juste de la création de la Mouette et je m’aperçois qu’en vingt-quatre heures, on a touché cinq fois plus de personnes qu’en une soirée. A une très grande majorité, ces spectateurs ne sont jamais allés à la Comédie-Française. Du Maroc à Sydney ou du cœur de la Creuse, on reçoit des mots très étonnants.»

 

De l’extérieur, le bâtiment semble éteint. Doubles grilles, devant la majestueuse entrée du public. Celle plus modeste des artistes et de l’administration est, elle aussi, bien protégée. A condition de bien chercher, on dénicherait une autre issue entièrement grillagée, plus secrète, qui mène au sous-sol du théâtre. Ne pas se fier à cette allure d’endormi. Ce qui manque, c’est quelqu’un qui tienne le rôle du lapin à gousset dans Alice au pays des merveilles, et qui ouvre comme dans la fiction de Lewis Carroll sur une floraison d’espaces où se préparent simultanément toutes sortes de projets merveilleux, par leur diversité et leur caractère hétérogène. Un jeune acteur, Birane Ba, embauché comme pensionnaire en février 2019, passe devant nous. Serait-il prêt à se transformer en lapin nerveux vêtu d’une redingote ? Plutôt que de dégringoler dans un terrier, montons dans la loge qu’il partage avec Laurent Lafitte à l’étage Samson – au Français, chaque niveau porte le nom d’un prestigieux aîné, et même dans l’ascenseur, aucun chiffre n’est indiqué, ce qui implique une certaine initiation. Seuls les sociétaires ou les pensionnaires au parcours déjà conséquent ont le privilège de loges individuelles, toutes différentes en taille, en vue, en aménagement. Mais qui s’ouvrent avec une clé unique afin de faciliter le travail de l’habillage, ce qui les assimile en une immense coloc. Autre point commun entre les loges : aucune n’est munie de douche et «ce n’est pas un détail, remarque Laurent Stocker, à l’heure où les metteurs en scène aiment bien rouler leurs interprètes dans une boue qui n’a rien de métaphorique».

 

«Un bateau qui ne s’arrête jamais»

Pour Birane, la loge est un oxymore, le lieu de la tranquillité et du trac indicible. Aurait-il imaginé faire un jour partie de cette troupe ? D’une certaine façon, oui, et c’est même ce qui lui permet d’y être. Le comédien déplie rapidement une enfance «très heureuse». Père ouvrier dans une fonderie, mère femme de ménage, il a grandi «bien protégé» auprès de six grandes sœurs qui le choient, cité de la Poterie à Vernon (Eure). La première pièce à laquelle il assiste est la Grande Magie d’Eduardo de Filippo, salle Richelieu, avec le club théâtre du collège, en 2010. Birane lance à la cantonade : «Un jour, je serai là.» Prophétie que l’enseignant, «M. Mario» attrape au vol : «Sais-tu qu’il existe des formations publiques et gratuites ?» Conservatoires – municipal à Vernon, régional à Rouen, national à Paris –, classe libre du cours Florent : le jeune homme maximise ses chances et saute tous les obstacles, Eric Ruf le remarque dans un Dom Juan, au Théâtre de la Tempête, puis dans Jamais seul, créé par Patrick Pineau à la MC93 – l’une des caractéristiques de l’administrateur actuel du Français est qu’il va énormément voir le travail des autres. Et l’embauche d’abord comme «artiste auxiliaire», un contrat spécifique d’un an dédié aux comédiens frais sortis d’une école nationale. Un décalage entre la Comédie-Française, ses codes et références, emblème de la bourgeoisie, et la cité de la Poterie à Vernon ? Il élude, n’a guère eu le temps d’y penser : «Dès qu’on met le pied dans la maison, on est dans un bateau qui ne s’arrête jamais, les reprises de rôle sont très rapides.»

 

«C’est comme si on avait des rendez-vous amoureux, et qu’à chaque fois, personne ne venait.»

—  Hervé Pierre, sociétaire à la Comédie-Française

 

 

Un mouvement incessant, y compris quand, depuis des mois, le théâtre est fermé au public ? Tous les comédiens l’affirment. Ils n’ont pas moins de travail que d’ordinaire, au contraire, le flux s’accélère. En dépit d’une billetterie fermée, les créations se répètent sans public et dûment masqué, avec des acteurs testés in situ sur la base du volontariat, comme si le lever de rideau était pour demain. Il y aura des pertes, certains spectacles tomberont sans avoir été présentés devant des spectateurs, notamment au Vieux-Colombier – l’une des trois salles où se produit la troupe – qui contractuellement ne peut accueillir qu’une seule reprise par saison. Un crève-cœur dont la salle Richelieu sera épargnée, grâce au système d’alternance qui devrait permettre de reporter toutes les créations, quitte à en modifier la distribution – Eric Ruf sourit face au casse-tête des reports : «Je vais être obligé de programmer Anéantis de Sarah Kane, [l’une des pièces prêtes et non jouées, ndlr] pendant les prochaines vacances de Noël.»

 

Le sociétaire Hervé Pierre explicite une impression partagée : «C’est comme si on avait des rendez-vous amoureux, et qu’à chaque fois, personne ne venait.» Si bien que l’horloge interne des comédiens se dérègle. Au lieu de déborder d’énergie juste avant la première, ils se surprennent à décélérer. Leur corps sait ce que leur esprit s’efforce d’oublier : la première représentation technique devant l’administrateur du Français et quelques collègues signe une fin. Que faire de ces rôles laissés en suspens ? «Je les mets dans ce que j’appelle la “marinade”, à l’arrière de mon cerveau, où ils baignent en attendant d’être joués. J’en ai trois dans mon bocal, ils continuent de mûrir», explique Laurent Stocker. Autre genre de «marinade», les «carcasses» des créations jamais représentées qui encombrent les couloirs jusqu’à l’accueil du Vieux-Colombier, le théâtre étant sans espace de stockage.

Pliage de chaussettes et «tuyautage» de collerettes

Tout se passe comme si la pandémie rendait encore plus prégnants les fantômes et les grandes figures tutélaires. Il y a quelques jours, Laurent Stocker est descendu dans la réserve des accessoiristes où il est tombé sur une cavalcade de visages d’anciens camarades : Jean Dautremay, Jean-Luc Boutté, Christine Fersen, tous disparus, qui semblaient le rappeler à l’ordre. «Leur effigie avait servi pour fabriquer leur propre masque. Dans un théâtre vide, les revenants font un peu peur !» Birane Ba, lui, se saisit de l’occasion pour faire un tour aux archives, à la recherche du point d’origine de la Comédie-Française. Il veut voir ce qu’on appelle encore aujourd’hui le «la Grange» du nom du comédien le plus proche de Molière qui tenait la comptabilité de la troupe sur un registre journalier. C’est difficile à imaginer, mais le geste n’a jamais été interrompu depuis la création de la maison en 1680, si bien que la Comédie-Française est le théâtre le mieux documenté du monde. Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste, ouvre au hasard l’un des précieux registres. «On sait jour après jour ce qui a été joué – au minimum deux pièces –, combien de places ont été vendues, la recette et les frais, les parts d’auteur. On a tout le bilan comptable d’une journée, mais aussi le bilan artistique, si on a loué des habits, ce qui nous donne quelques informations sur la mise en scène.»

 

A la bibliothèque travaillent des universitaires, telle Laurence Macé, en train de consulter les brochures des souffleurs où sont notées les interventions des censeurs, hommes de lettres nommés par le lieutenant de police, qui agissent sur le texte avant la représentation.   «Il faut absolument changer le nom de Philidor»,   intime l’un d’entre eux, à l’auteur Crébillon père, pour une raison encore mystérieuse. «Du coup, Philidor a bien été barré mais il n’est pas remplacé par un autre nom…» observe Laurence Macé. Le registre est-il toujours tenu par un comédien aujourd’hui ? Non, mais le document, complété par la régie de coordination, est tout de même signé par un «semainier», c’est-à-dire un acteur sociétaire, en charge du bon déroulement des spectacles pendant une semaine. Emotion de lire la description de la représentation du Malade imaginaire, où «M. Molière dans les grands efforts qu’il fit pour cracher se rompit une veine dans le corps». Agathe Sanjuan se rappelle une anecdote : «Un jour, on a reçu un coup de fil du Théâtre du Soleil. Ils étaient très embarrassés car ils pensaient avoir gardé par mégarde cet extraordinaire registre dont Ariane Mnouchkine s’était servie pour son film sur Molière. On a dû les rassurer : le fac-similé était très bien fait. Cela prouve qu’Ariane Mnouchkine a bien été à la source.»

 

Même sensation de legs dans les ateliers de couture où se préparent pourtant, plusieurs mois à l’avance, les pièces à venir. Là aussi, il y a ce que Hinda Zammouri, repasseuse, nomme   «l’historique», perceptible aussi bien dans le stock de grandes chemises de répétition encore marquées du nom d’interprètes des années 60 que dans la transmission de gestes quotidiens : le pliage des chaussettes par exemple, d’après une technique spécifique à la Comédie-Française pour que les acteurs ne perdent pas de temps entre deux scènes. Les repasseuses (on n’a pas vu de repasseur) profitent de la parenthèse épidémique pour «tuyauter» fraises et collerettes. Plus loin, une constellation de machines Singer mécaniques – «bien plus fiables que les électroniques» – signe une frontière entre les femmes et les hommes. Ces derniers sont chargés, sous la houlette de Francesca Sartori et Jocelyne Cabon, de la confection de tailleurs selon des patronages tirés de documents d’époque, par exemple de 1922, pour la Cerisaie que prépare Clément Hervieu-Léger. Birane Ba n’a encore jamais eu l’occasion d’entrer dans l’atelier dévolu aux costumes des femmes. Il aurait pu s’il avait joué un personnage travesti. Encore que… ça se discute. «Tout dépend du degré de travestissement. Guillaume Gallienne dans Lucrèce Borgia [mis en scène par Denis Podalydès en 2014], c’était évidemment chez nous, puisqu’il jouait une femme», se souvient Lionel Hermouet, qui dirige le costume femme. Louise Lannoy, costumière réalisatrice dans cet atelier, évoque le mythique spectacle de Bob Wilson d’après les Fables de La Fontaine, qui nécessitait pléthore de costumes d’animaux. Les deux ateliers femme et homme s’étaient-ils distribué le travail selon le sexe et le corps des interprètes ? Non. La grammaire française, pourtant arbitraire, a tranché : «Le Souriceau interprété par Françoise Gillard était chez les hommes. Mais la Grenouille que jouait Eric Génovèse était chez les femmes.»

 

Passions et turbulences de la troupe

Tiens, une manifestation de chapeaux en tout genre et un atelier éclair de fabrication de pompons colorés qui prolifèrent ! Difficile de s’extraire du monde fantastique des ateliers couture où «bouchonnent» déjà les vêtements d’au moins quatre pièces fantômes. Cette vue d’en haut, éloignée des salles de répétition et de spectacle, loin des passions et turbulences de la troupe, ouvre curieusement sur un panorama des rapports de force et états de grâce des acteurs. «Quel que soit l’administrateur, on n’échappe jamais complètement aux logiques de clan. On a parfois le sentiment d’habiller toujours les mêmes comédiens salle Richelieu pendant quelques saisons.»

 

Comment rejoindre la Coupole, où Birane Ba répète le Cid sous l’œil de Denis Podalydès, pour un «théâtre à la table» ? Il faut passer une petite porte, traverser une balustrade, descendre un étage, en remonter trois, et on croise un vieil acteur dans la maison depuis trente ans, lui aussi perdu «malgré les pancartes et les décennies». Nous voici sous le regard des portraits de la troupe photographiée par Stéphane Lavoué et customisés par Christian Lacroix. Une porte. Est-ce ici ? Elle ouvre sur des étudiants des Arts-Déco qui, sous la houlette du président du bureau des lecteurs, Laurent Muhleisen, et de la responsable du service éducatif, Marine Jubin, préparent une exposition prévue à la BNF pour célébrer les 400 ans de la naissance de Molière. Tout le monde se penche sur une première version de Tartuffe en trois actes, jamais publiée. Un Molière inédit, est-ce possible ? Devant cette pièce non encore recouverte de strates de commentaire, les jeunes gens agissent en «découvreurs de sens». L’effet premier de l’absence de spectacle, qui n’est pas pour déplaire à Muhleisen, est l’obligation de revenir aux seuls textes. Un retour amer et paradoxal, les auteurs, payés au lever de rideau, étant les plus menacés économiquement.

 

La Coupole, enfin, tout en hauteur comme son nom l’indique. Une garniture de projecteurs installés le long de poutres métalliques laisse prévoir que l’intégralité de l’espace sera investie par les acteurs que Denis Podalydès, qui règle la mise en scène, a éparpillés par petits groupes autour de différentes tables, brochure du Cid à la main. Marina Hands vole cinq minutes à Chimène pour expliquer comment revenir au Français en avril 2020, pendant le premier confinement, après un bref passage en 2006-2007, lui a, n’ayant pas peur des mots, «sauvé la vie». Doit-elle le dire ? En un an, sans jamais avoir encore joué devant des spectateurs, elle a été prise dans une frénésie de rôles comme jamais, et elle a même écrit et monté avec Serge Bagdassarian une première comédie musicale inspirée de All That Jazz commandée par Eric Ruf. «Le Français, c’est comme une sorte de buffet avec énormément de choses à manger.» Dont le «théâtre à la table», donc, forme mise en place pendant le confinement qui convie les spectateurs à une étape du travail jamais montrée : l’amour des commencements, «ce moment à l’os, sans convention, ni préjugé de la manière dont les mots vont sortir. On est en nous-mêmes et avec le trajet du récit plus qu’avec un personnage», explique Marina Hands.

«Même dans le désordre il faut éviter la monotonie»

Hervé Pierre le dit également : «On montre nos intuitions d’acteurs, qu’on oublie dès que les répétitions commencent.» Tandis qu’Eric Ruf, dans son bureau, se remémore le point de départ : «Certains acteurs ayant perdu une part importante de leurs revenus par l’absence des représentations, on a décidé de mettre en place un forfait égal pour tous les acteurs, qu’ils participent ou non à ce dispositif, de toute manière énergivore.» Il précise sa démarche : «Entre une première lecture et une première représentation, on suit un chemin invraisemblablement compliqué pour retrouver exactement la même chose. Sauf qu’on est obligé de répéter beaucoup pour pouvoir refaire cette chose tous les jours. Ce n’est pas un hasard si la première pièce qu’on a choisi de présenter “à la table” est une tragédie de Racine, en l’occurrence Bajazet. Dans cette maison où les acteurs se rencontrent beaucoup, il fallait respecter des protocoles assez sérieux. On ne sait pas exactement comment étaient représentées les tragédies de Racine. Mais on peut supposer que les règles de la bienséance racinienne, qui veut que tout ce qui ne peut pas être montré soit rapporté, facilitent le respect des normes sanitaires.»

 

Ce mois d’avril, l’administrateur de la Comédie-Française s’apprête à grimper en quatre étapes cet Himalaya du théâtre qu’est le Soulier de satin, que la troupe jouera pour la première fois dans son intégralité depuis sa création en version réduite, salle Richelieu, en 1943. Comme on n’est jamais à l’abri d’un miracle, c’est Paul Claudel lui-même qui offre dans des didascalies la meilleure définition prémonitoire du «théâtre à la table» : «Si les acteurs se trompent, ça ne fait rien. Un bout de corde qui pend, une toile de fond mal tirée laisse apparaître un mur blanc devant lequel passe et repasse le personnel sera du meilleur effet. Il faut que tout ait l’air provisoire, en marche, bâclé, incohérent, improvisé dans l’enthousiasme. Avec des réussites, si possible, de temps en temps, car même dans le désordre il faut éviter la monotonie.»

Monotone, la programmation de la maison ne l’est pas. Elle reste en revanche secrète – la direction a fait le choix de ne pas imprimer de brochure pour ne pas avoir à se dédire. Où se rendre maintenant ? Dans les souterrains du bâtiment, auprès de Camille Bernon et Simon Bourgade qui entament leur prochaine création En attendant les barbares d’après Coetzee, sur l’ascension de l’extrême droite ? Ou au Studio-Théâtre, où Glysleïn Lefever répète Music-hall de Lagarce, avec Françoise Gillard, Gaël Kamilindi, Yoann Gasiorowski ? A moins qu’on choisisse la salle Richelieu, grand plateau, d’ordinaire inaccessible aux répétitions en soirée où une Cerisaie montée par Clément Hervieu-Léger résonne singulièrement. Une pièce fin d’un monde dans un théâtre sans public sur la nécessité d’accueillir le désastre et l’ouverture, encore et toujours, pendant des mois, des années, des décennies, un siècle, en espérant un possible lever de rideau ou quelques visiteurs inattendus. Ecoutons Trofimov : «Le voici, le bonheur, il arrive, il approche, il approche toujours, j’entends déjà ses pas. Et puis, si nous ne le voyons pas, si nous ne savons pas le reconnaître, quelle importance ? D’autres sauront le voir !»

 
 
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En avril, la troupe est composée de 19 pensionnaires, 38 sociétaires et 9 «académiciens», dont 6 comédiens fraîchement diplômés, une metteuse en scène un scénographe, et une costumière embauchés pour une saison. Les sociétaires et les pensionnaires sont intéressés aux bénéfices à des degrés divers. Les sociétaires prennent une part active concernant un grand nombre de décisions capitales. La Comédie-Française comporte 400 permanents pour un budget total de fonctionnement de 35,6 millions d’euros. La perte brute due à l’absence de billetterie est de 5,5 millions, par rapport à une prévision de recette de 7 millions, à laquelle s’ajoutent l’ensemble des dépenses liées à la mise en place des protocoles Covid.

—  Le Français en chiffres
 
 
Les quatre journées du Soulier de satin, dirigées successivement par Eric Ruf, Gilles David, Thierry Hancisse et Christian Gonon, seront diffusées dans le programme «théâtre à la table» à partir de samedi, quatre samedis consécutifs. Du mardi au vendredi à 19 heures : lectures de la Recherche du temps perdu en direct, par des comédiens français. Et le lundi à 19 heures : Quelle Comédie !, le magazine d’actualité de la Comédie-Française animé par Béline Dolat, sera consacré jusqu’au 10 mai au Soulier de satin. Toutes les propositions numériques sont à retrouver, en direct et en replay, sur www.comedie-francaise.fr, sur la page Facebook du théâtre et sur YouTube.

 

Légende photo : Birane Ba, pensionnaire de la Comédie-Française depuis 2019. En mars, il interprétait Don Sanche dans «le Cid», mis en scène par Denis Podalydès et diffusé en ligne. (Cha Gonzalez/Libération)
 
 
 
 
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November 19, 2020 1:11 PM
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Le comédien Michel Robin est mort

Le comédien Michel Robin est mort | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde  19/11/2020

 

Au long de soixante ans de carrière, c’est le théâtre qui aura été son lieu de prédilection, pour servir les plus grands auteurs, Beckett ou Tchekhov. Sociétaire de la Comédie-Française, second rôle dans de nombreux films de cinéma ou de télévision, il est mort, le 18 novembre, à l’âge de 90 ans.

 

Avec lui disparaît un acteur-poète, et un homme aussi merveilleux que discret : le comédien Michel Robin est mort, mercredi 18 novembre, à l’âge de 90 ans, des suites du Covid-19. Il était né à Reims, le 13 novembre 1930. Il s’était illustré à la télévision et au cinéma dans de nombreux seconds rôles, notamment dans Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), La Chèvre (1981) ou Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2000), mais c’est le théâtre qui a été son royaume, au long de plus de soixante ans d’une carrière où il a mis son art de comédien funambule au service des plus grands auteurs.

 

Ce royaume du théâtre, pourtant, lui avait d’abord paru inaccessible, dans son enfance rémoise tranquille et bourgeoise. « Je pensais que c’était irréalisable, nous racontait-il dans un entretien, en avril 2003. D’abord, j’étais trop moche : dans ma jeunesse, au début des années 1950, l’Acteur, c’était Gérard Philipe… » Michel Robin se lance quand même, arrivant à Paris en 1956, à l’âge de 26 ans, pour entrer à l’école du Théâtre national populaire (TNP), alors installé au Théâtre de Chaillot et dirigé par Jean Vilar.

 

Roger Planchon, qui en 1957 se voit confier le Théâtre de la Cité de Villeurbanne, l’engage six mois plus tard. « Au début, je tenais les hallebardes, et puis je suis resté dix ans… », se souvenait Michel Robin. Il joue dans une petite vingtaine de spectacles du maître, de George Dandin aux Trois Mousquetaires en passant par toute une collection de Shakespeare, de Richard III à Falstaff.

La révélation Beckett

En 1970 a lieu la grande rencontre théâtrale de sa vie, celle de Samuel Beckett, qui restera jusqu’au bout son auteur de prédilection, avec Tchekhov. Roger Blin l’engage pour jouer Lucky dans En attendant Godot, qu’il avait créé en 1953 et dont il propose une nouvelle mise en scène. Pour Michel Robin, c’est une révélation. Dix ans plus tard, en 1980, il retrouve Beckett pour Fin de partie, dans lequel il joue Clov, sous la direction de Guy Rétoré.

Il jouera de nouveau la pièce en 1986, avec Marcel Maréchal, et, en 2011, avec Alain Françon. Le rôle et la pièce de sa vie. « Fin de partie, pour moi, c’est encore plus magnifique que Godot, plus simple, moins bavard. Ça peut paraître très prétentieux, mais, chez Beckett, je suis chez moi. C’est tellement drôle, et tellement affreux, en même temps. Il s’approche de choses tellement mystérieuses, tellement graves, qu’il n’y a plus qu’à en rire. Il n’y a rien à comprendre chez Beckett, il faut se laisser porter, comme par la mer, par l’émotion… »

 

C’est avec Beckett, surtout, que Michel Robin a compris quel acteur il voulait et pouvait devenir. Comme l’auteur de Godot, il était fasciné par les grands clowns d’autrefois, dont il estimait que l’art s’était perdu, sauf chez Raymond Devos. « Mon rêve, ce serait de pouvoir entrer en scène, de m’asseoir sur une chaise, de ne rien faire, et de faire rire et pleurer en même temps », disait-il en livrant ainsi le secret de son art de comédien.

« Ça peut paraître très prétentieux, mais, chez Beckett, je suis chez moi. C’est tellement drôle, et tellement affreux, en même temps »

 

Au fil des années 1970 et 1980, il a peaufiné cet art en jouant avec les metteurs en scène importants de l’époque, de Jean-Louis Barrault à Claude Régy en passant par Alfredo Arias, Lucian Pintilie ou Jérôme Savary. En 1994, son ami Jean-Pierre Miquel l’appelle pour lui proposer d’entrer, sur le tard, dans la troupe de la Comédie-Française. Il joue son premier grand rôle dans la maison en 1996 , Monsieur Jourdain, dans Le Bourgeois gentilhomme, puis il en devient le 495e sociétaire en 1997. Il va y rester jusqu’en 2010, et y donne pendant quinze ans une grandeur inédite aux rôles de vieux serviteurs, de Marivaux à Molière en passant par Feydeau.

Art profond et aérien

Mais c’est surtout avec les Russes Tchekhov et Ostrovski qu’il va donner une épaisseur humaine inouïe à ces personnages qui ont passé leur vie dans les coulisses de l’existence : Firs dans La Cerisaie et Feraponte dans Les Trois Sœurs, sous la direction d’Alain Françon, Karp dans La Forêt d’Ostrovski, mise en scène par Piotr Fomenko.


En 2014, Denis Podalydès rend un magnifique hommage à cet art profond et aérien en mettant en scène Michel Robin, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, dans le rôle du vieux Nioukhine dans Les Méfaits du tabac, de Tchekhov. « Pour moi, toute l’essence de Tchekhov est dans ce que dit Firs à la fin de La Cerisaieobservait alors Michel Robin : “La vie, elle a passé, on a comme pas vécu”. Tchekhov porte un regard d’une tendresse infinie sur ces êtres dont la vie a été gâchée, mais qui ne sont pas des ratés. »


 

Ce fut le dernier rôle de Michel Robin, dont la présence familière évoquera d’autres souvenirs à nombre de spectateurs. A l’image du Pipe du film d’Yves Yersin Les Petites Fugues (1979), un vieux paysan qui faisait souffler un vent de liberté sur son vélomoteur, et qui lui a valu le prix d’interprétation au festival de Locarno. Ou du Doc de la série télévisée Fraggle Rock (1983), qui en a fait le grand-père imaginaire d’une génération. Il y avait bien « un monde d’humanité et d’intelligence contenu dans cette longue et humble silhouette courbée », comme l’écrit Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, dans l’hommage qu’il rend au comédien au nom de toute la Maison de Molière, où Michel Robin était infiniment aimé et admiré par ses pairs, toutes générations confondues.

 

Michel Robin en quelques dates

13 novembre 1930 : Naissance à Reims

1957 : Entrée dans la troupe de Roger Planchon

1970 : « En attendant Godot », de Beckett, sous la direction de Roger Blin

1979 : Prix d’interprétation au festival de Locarno pour « Les Petites Fugues »

1997 : Devient sociétaire à la Comédie-Française

2014 : « Les Méfaits du tabac », de Tchekhov

18 novembre 2020 : Mort des suites du Covid-19

 

Lire aussi  Michel Robin fait encore un « Tabac »

Lire aussi : Les "Trois Sœurs" dans un portrait de groupe figé

 

Légende photo : Michel Robin en avril 1990, après avoir reçu le Molière du meilleur second rôle dans « La Traversée de l’hiver » lors de la cérémonie au Théâtre du Châtelet à Paris. PIERRE VERDY/AFP

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October 5, 2020 5:41 PM
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Christophe Honoré : son très cher Proust

Christophe Honoré : son très cher Proust | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 3 octobre 2020

 

Avec Le Côté de Guermantes, le cinéaste, écrivain et metteur en scène, transcrit audacieusement l’encre de La Recherche, s’appuyant sur une troupe brillante.

 

“My Lady d’Arbanville, why do you sleep so still?
I’ll wake you tomorrow
And you will be my fill, yes, you will be my fill

 

My Lady d’Arbanville, why does it grieve me so?
But your heart seems so silent
Why do you breathe so low, why do you breathe so low

 

C’est par cette chanson de Cat Stevens que débute la représentation du spectacle le plus attendu de la saison, Le Côté de  Guermantes.

 

La Comédie-Française s’installe pour plusieurs mois au Théâtre Marigny. On pénètre dans la salle où le grand plateau est occupé par un décor superbe, élégant, bien dans l’esprit somptueux d’un salon de l’époque de Marcel Proust, mais vide. Un sol de marbre noir et blanc, un espace fait pour la danse et pour les bousculades mondaines… Alban Ho Van et Ariane Bromberger signent cette scénographie que Christophe Honoré déchire en ouvrant la porte du fond du plateau, celle qui donne sur les jardins, la pluie, la fraîcheur de la nuit parisienne.

 

Dominique Bruguière, de son art tout en nuances, éclaire l’ensemble. Il faut veiller – ce n’est pas elle ! – à l’un des lampadaires extérieurs qui, lorsque s’ouvre cette porte du fond, éblouit tant, que l’on ne voit plus les visages…

 

My Lady d’Arbanville…Cela date de quand ? C’est lointain et beau comme la mélancolie. Il a écrit quand, Yusuf Islam…C’était le nom qu’il s’était choisi…Il y a bien cinquante ans…Mais cette chanson a les vertus que cherche Christophe Honoré : il veut nous charmer, et il nous charme. C’est un ensorceleur.

 

Elle est interprétée par le blond Stéphane Varupenne qui s’accompagne à la guitare. Il est Marcel. Le jeune Marcel qui rêve d’approcher Oriane de Guermantes. Depuis peu, sa famille s’est installée dans un appartement de l’hôtel de cette très grande famille, et il est taraudé par ce dont il a tant entendu parler du temps des promenades…lorsque l’on allait « du côté de Guermantes ». 

 

On entendra aussi, entre autres, Nights in white satin des Moody blues…Une chanson de la fin des années 60, écrite et composée par un jeune homme blond qui aurait pu jouer Marcel, Justin Hayward…Il n’y a pas que cette époque, dans Le Côté de Guermantes

 

On ne donne ces exemples que pour donner une idée au plus large cercle des futurs spectateurs !

 

Christophe Honoré, avec beaucoup de modestie –et de prudence sans doute- ne dit pas « adaptation », il dit « livret ». Comme pour une comédie musicale. On chante, mais on danse aussi en des processions enjouées réglées par Marlène Saldana.

Il prend du champ, pour se protéger des éventuelles accusations d’infidélité, mais aussi, justement, pour trouver une fidélité. A la manière dont Chantal Ackerman et son co-scénariste Eric de Kuyper avaient transposé La Prisonnière pour La Captive, il y a vingt ans.

 

Jean-Yves Tadié, le scrupuleux connaisseur, participe à l’élaboration du copieux dossier de presse (on n’a pas eu le temps de le lire) mais c’est une caution !

 

On est sous le charme, oui, et ému. A Marigny, on est au cœur même du jardin où se baladait le jeune Marcel, à deux pas de l’Hôtel des Guermantes. On voit entrer les « personnages » comme autant de fantômes qui nous seraient visibles…

 

Disons, l’utilisation très sophistiqués des micros –Christophe Honoré dit qu’il n’aime pas la sonorisation, mais les micros artificieux sont de sacrés soutiens pour l’écoute, soyons simples ! – peut déstabiliser une partie des spectateurs. Un clin d’œil, aussi, au film déjà tourné l’été dernier, dans ce décor même…

 

Il ne faut pas abdiquer toute connaissance si l’on fréquente son Proust et qu’on l’aime… Et si l’on ne connaît pas du tout, et on a le droit, il faut se laisser aller au bonheur du jeu. A l’engagement de chacun de la quinzaine de comédiens de la troupe, plus les jeunes de l’Académie.

 

Pas de vidéo, mais une séquence déchirante, la mort de la grand-mère de Marcel, incarnée par Claude Mathieu, hallucinante dans l’agonie de cette femme qu’aime tant le narrateur. Une mort en direct (sauf que la séquence est filmée, et que la comédienne n’a pas à se mettre dans cet état terrible chaque soir), une mort qui fait écho à celle annoncée dans la scène finale avec l’apparition de Charles Swann, Loïc Corbery, émacié, comme creusé de l’intérieur, Swann qui va disparaître face au sensible Marcel : Stéphane Varupenne, en scène et sollicité deux heures trente durant. Conclusion terrible portée par deux virtuoses.

 

En amoureux des acteurs, Christophe Honoré a offert à chacun quelques plans rapprochés. Sensuelle et avide, la Rachel de Rebecca Marder est marquante, mais l’est tout autant le plus discret Bloch de Yoann Gasiorowski, excellent, très fin, profond sans effet, intériorisé, comme le très bien tendu père de Marcel par Eric Génovèse qui joue aussi Legrandin.

 

 

On pourrait citer chacun. Ils échappent à la tentation du « numéro ».

 

Julie Sicard passe de la fidèle Françoise à l’électrique Comtesse d’Arpajon, avec art. Dominique Blanc est la Marquise de Villeparisis, taraudée par son âge mais si heureuse de mener les rondes. Florence Viala est la fée de ce petit monde, la Princesse de Parme, déliée et légèrement fatigante…Anne Kessler, maman minuscule et vibrionnante, est comme toujours idéale. Et drôle.

Car Christophe Honoré transfigure l’humour du narrateur, le regard tendre mais parfois acerbe de Marcel Proust, en piques contre ce petit monde qui s’étourdit et laisse sourdre son antisémitisme bourgeois.

 

Gilles David est Norpois, avec son autorité, Laurent Lafitte, très présent (forcément) Basin de Guermantes, a ce qu’il faut de l’assurance sans corset d’un héritier de longue famille. Il est épatant et glisse sans crainte Basin jusqu’à la sottise de chaussures rouges…On voit là qu’Oriane, à sa façon, est ligotée.

Elle prend une très grande place dans le spectacle. C’est Elsa Lepoivre, brillante dans ce rôle de femme qui s’étourdit de ses bavardages, de sa méchanceté, une Célimène 1900, mais qui n’a déjà plus la jeunesse de l’héroïne de référence. Et Marcel est atrocement déçu, et on le comprend…

 

Robert de Saint-Loup, figure essentielle, est dessiné avec profondeur et sensibilité par Sébastien Pouderoux, qui lui aussi connaît la musique ! Il est formidable Pouderoux, comme toujours.

Serge Bagdassarian se délecte de sa partition de Charlus et de la scène, cocasse, des sièges. On atteint ici le cœur de la représentation dans l’écho qu’elle cherche à donner de l’écriture et de l’esprit de Marcel Proust, l’écrivain. On rit et on pleure. On est dans la vitalité, le tourbillon mondain et la mortifère angoisse d’être au monde.

 

Vous l’aurez compris : il faut se soumettre. Accepter les décisions très personnelles de Christophe Honoré qui nous offre « son »  Proust, son cher Marcel.

 

Comédie Française au Théâtre Marigny, jusqu’au 15 novembre. Durée : 2h30 sans entracte.

Texte du « Livret » et compléments documentaires publiés par L’Avant-scène théâtre (14€).

Tél : 01 44 58 15 15

www.comedie-francaise.fr

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May 29, 2020 5:09 PM
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C à vous : La date de réouverture de la Comédie-Française programmée (vidéo)

C à vous : La date de réouverture de la Comédie-Française programmée (vidéo) | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Extrait de l'émission C à vous, sur la 5- Article de Solène Sab dans www.non-stop-zapping.com Jeudi 28 Mai

 

 

Voir l'extrait vidéo (1mn50)

 


Dans l'émission "C à vous" diffusée ce mercredi 27 mai, le monde de la culture était mis à l'honneur. D'ailleurs, l'administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, a fait quelques confidences sur l'avenir de ce lieu emblématique de la scène et espère une réouverture optimale dès le mois de septembre.

L'avenir de la culture est incertain. La pandémie de coronavirus qui a sévi dans le monde a impacté tous les pays et tous les secteurs. Celui de la culture n'a pas été épargné et comme Jean-Michel Ribes, le directeur du Théâtre du Rond-Point à Paris, l'a expliqué dans "C à vous" mercredi 27 mai, "On a eu la sensation d’être oubliés" par le gouvernement. En effet, Emmanuel Macron a pris très tard des mesures pour le milieu culturel, ce qui a été très mal perçu par les 1,3 millions de personnes travaillant dans le secteur. Par ailleurs, le président de la République avait affirmé son soutien aux intermittents sans promettre aucune garantie concernant la réouverture prochaine des lieux culturels. Si de nouvelles mesures devraient être annoncées ce jeudi 28 mai par Edouard Philippe, l'administrateur général de la Comédie-Française, Éric Ruf, a confié dans "C à vous" mercredi soir son espoir pour la réouverture de ce lieu emblématique de la culture dans un avenir proche. Il a également évoqué la possibilité de nouvelles adaptations.



"JE VISE SEPTEMBRE"
Sur le plateau de "C à vous", Pierre Lescure a demandé à Eric Ruf son opinion sur les mesures prises par le gouvernement pour la culture et ce dernier a répondu qu'elles n'était pas très claires tout en se confiant sur l'avenir possible de la Comédie-Française : "Je suis modestement optimiste ou heureusement fataliste. Je vise septembre. Je me dis que ça se déconfine de plus en plus donc on a fait une programmation à partir de septembre dans le studio Marigny. Donc j'espère que nous allons pouvoir ouvrir avec "Le Côté de Guermantes", le spectacle de Christophe Honoré, d'après Marcel Proust, avec énormément de gens de la troupe. Je me mets dans cette perspective là. (...) Je vais regarder ce qui se dit et je vais le rapporter au spectacle. Si tout d'un coup le spectacle est totalement dévoyé, et ne ressemble plus à rien, il ne faut pas le faire. Le théâtre, c'est un confinement consenti, vous sortez d'une salle en disant 'c'était bourré à craquer, c'était génial !', vous ne dîtes pas ça lorsque vous sortez de la ligne 13. Ce confinement consenti, il faut le retrouver.".

"RACONTER CE QUE L'ON NE PEUT PAS VOIR"
Eric Ruf a également expliqué qu'une autre possibilité était envisageable : "On a tous réfléchi à ça, il y a ce grand répertoire classique avec cette règle de bienséance, où l'on vient raconter ce que l'on ne peut pas voir.(...) peut-être que ce grand répertoire d'oratorios, où l'on parle des choses, et bien peut-être que l'on va pouvoir lui redonner vie.".

 Par Solène Sab

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March 27, 2020 12:31 PM
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La Comédie-Française lance un programme en ligne : La Comédie continue !

La Comédie-Française lance un programme en ligne : La Comédie continue ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié sur Sceneweb le 27 mars 2020

 

La Comédie-Française lance La Comédie continue!, sa première chaîne en ligne, et poursuit la diffusion de ses programmes avec ses partenaires audiovisuels à partir du lundi 30 mars 2020 à 16h, plusieurs levers de rideaux seront proposés chaque jour sur le site Internet et sur la page Facebook de la Comédie-Française.

“Toute la Troupe se mobilisera, à l’heure de l’impossibilité de jouer dans les différentes salles parisiennes et en tournée” explique Eric Ruf l’Administrateur. “Nous ouvrons notre boîte à jouer pour offrir au public nos trésors, connus ou inconnus. Chaque spectacle donné depuis quarante ans maintenant bénéficie d’une captation d’archivage sur plusieurs soirées, avec montage à la clé. La qualité n’est pas celle du cinéma et ces captations ne bénéficient pas d’une postproduction parfaite mais cette collection recèle des trésors que nous voulons partager dans ces moments exceptionnels.”

La Comédie-Française donne rendez-vous à partir aux spectateurs chaque jour, à partir de 16h. Un des comédiens de la Comédie-Française ou de son Académie jouera le speakerin ou la speakerine et présentera, à sa manière, les programmes quotidiens. La Comédie-Française proposera des spectacles récents mais aussi mises en scène historiques comme Bérénice de Racine par Klaus Michael Grüber, La Forêt d’Ostrovski montée par Piotr Fomenko, La Vie de Galilée de Brecht par Antoine Vitez… À ces inédits de spectacles, cabarets, école ou portraits d’acteurs, interviews de maîtres, seuls-en-scène, lectures, captés à la Salle Richelieu, au Théâtre du Vieux-Colombier et au Studio-Théâtre, s’ajoutent les captations de nos collections réalisées avec des partenaires historiques comme France Télévisions ou Pathé Live ainsi que les collections audio enrichies de saison en saison depuis des décennies avec France Culture.

La grille des programmes de La Comédie continue !


2 levers de rideaux principaux aux heures habituelles de représentation
– à 18h30, portraits d’acteurs, greniers des maîtres et greniers des acteurs, spectacles jeune public, seuls-en-scène ou autres pièces courtes
– à 20h30, les grands spectacles de la Troupe, les spectacles musicaux ou encore les films de la collection « La Comédie-Française fait son cinéma » coproduite par ARTE. Ce lever de rideau sera suivi par des bonus et des interviews d’acteurs.

LUNDI 30 MARS
Speakerin du jour Serge Bagdassarian
18h30 Portrait d’actrice – Paradoxe(s) Anne Kessler Entretien mené par Mathilde Serrell
Capté au Studio-Théâtre en mars 2019
Durée 1h30
20h30 La Double Inconstance de Marivaux – mise en scène Anne Kessler
avec Catherine Salviat, Éric Génovèse, Florence Viala, Loïc Corbery, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Adeline d’Hermy et les comédiens de l’Académie Claire Boust, Ewen Crovella, Charlotte Fermand, Thomas Guené, Solenn Louër, Valentin Rolland
Capté Salle Richelieu en février 2015
Durée 2h15

MARDI 31 MARS
Speakerine du jour Claire de La Rüe de Can
18h30 Grenier des maîtres Alain Françon
Entretien mené par David Tuaillon
Capté à la Coupole, Salle Richelieu en mars 2017
Durée 1h25
20h30 Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, traduction André Markowicz et Françoise Morvan – mise en scène Alain Françon
avec Éric Ruf, Bruno Raffaelli, Florence Viala, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Guillaume Gallienne, Michel Vuillermoz,  Elsa Lepoivre, Stéphane Varupenne, Adrien Gamba-Gontard, Gilles David, Georgia Scalliet, Hélène Surgère, Michel Robin et Élodie Huber, Pascale Moe-Bruderer, Sébastien Coulombel et Floriane Bonanni
Capté Salle Richelieu en mars 2011
Durée 2h25

MERCREDI 1ER AVRIL
Speakerin du jour Hervé Pierre
18h30 Les Trois Petits Cochons adaptation Marcio Abreu et Thomas Quillardet – mise en scène Thomas Quillardet
avec Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Marion Malenfant
Capté au Studio-Théâtre en décembre 2012
Durée 55 minutes
20h30 Le Misanthrope de Molière – mise en scène
Clément Hervieu-Léger
avec Yves Gasc, Éric Ruf, Florence Viala, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Gilles David, Georgia Scalliet, Adeline d’Hermy, Louis Arene, Benjamin Lavernhe et les comédiens de l’Académie Heidi-Eva Clavier, Lola Felouzis, Pauline Tricot, Gabriel Tur, Matĕj Hofmann, Paul Mc Aleer
Capté Salle Richelieu en juin 2014
Durée 2h30

JEUDI 2 AVRIL
Speakerine du jour Elsa Lepoivre
18h30 Portrait d’actrice – Paradoxe(s) Véronique Vella
Entretien mené par Mathilde Serrell
Capté au Studio-Théâtre en octobre 2019
Durée 1h20
20h30 Cabaret Georges Brassens – direction artistique Thierry Hancisse
avec Sylvia Bergé, Éric Génovèse, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Jérémy Lopez et les musiciens Benoît Urbain, Olivier Moret, Paul Abirached
Capté au Studio-Théâtre en mai 2014
Durée 1h25
21h45 Trois hommes dans un salon d’après l’interview de Brel – Brassens – Ferré par François-René Cristiani –
mise en scène Anne Kessler
avec Éric Ruf, Laurent Stocker, Grégory Gadebois, Stéphane Varupenne
Capté au Studio-Théâtre en juin 2008
Durée 55 minutes

VENDREDI 3 AVRIL
Speakerin du jour Benjamin Lavernhe
18h30 La seule certitude que j’ai c’est d’être dans le doute de Pierre Desproges – conception et interprétation Christian Gonon, mise en scène Alain Lenglet et Marc Fayet
Capté au Théâtre du Vieux-Colombier en mai 2010
Durée 1h25
20h30 L’Hôtel du Libre-Échange de Georges Feydeau et Maurice Desvallières– mise en scène Isabelle Nanty
avec Anne Kessler, Bruno Raffaelli, Alain Lenglet, Florence Viala, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Bakary Sangaré, Christian Hecq, Laurent Lafitte Rebecca Marder, Pauline Clément, Julien Frison et les comédiens de l’Académie Marina Cappe, Ji Su Jeong, Amaranta Kun, Tristan Cottin, Pierre Ostoya Magnin, Axel Mandron
Capté Salle Richelieu en juin 2017
Durée 2h30
Réalisation Vitold Grand’Henry
Production Comédie-Française, France Télévisions,
Méditerranée Film Production

SAMEDI 4 AVRIL
Speakerin du jour Denis Podalydès
18h30 Présentation de Peer Gynt par Éric Ruf et l’équipe de la création, interviews, making of…
20h30 Peer Gynt de Henrik Ibsen, traduction François Regnault – mise en scène Éric Ruf
avec Catherine Samie, Catherine Salviat, Claude Mathieu, Michel Favory, Éric Génovèse, Florence Viala, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Gilles David, Suliane Brahim, Nâzim Boudjenah, Jérémy Lopez, Adeline d’Hermy, et les comédiens de l’Académie Romain Dutheil, Cécile Morelle, Émilie Prevosteau, Samuel Roger, Julien Romelard, et les musiciens Floriane Bonanni, Hervé Legeay, Vincent Leterme, Françoise Rivalland
Capté dans le Salon d’honneur du Grand Palais en juin 2012
Durée 3h50

DIMANCHE 5 AVRIL
Speakerin du jour Clément Hervieu-Léger
18h30 Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée d’Alfred de Musset – mise en scène Laurent Delvert
avec Christian Gonon, Jennifer Decker
Capté au Studio-Théâtre en avril 2017
Durée 47 minutes
20h30 La Forêt d’après la pièce d’Alexandre Ostrovski – réalisation Arnaud Desplechin
avec Nicolas Silberg, Claude Mathieu, Martine Chevallier, Michel Favory, Christian Blanc, Denis Podalydès, Laurent Stocker, Michel Vuillermoz, Loïc Corbery, Adeline d’Hermy et Michel Robin
Première année de diffusion 2014
Durée 1h25
Coproduction ARTE France, Comédie-Française, Maïa
Cinéma, Agora Films

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November 5, 2019 6:41 PM
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Marina Hands de retour à la Comédie-Française

Marina Hands de retour à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Sceneweb - 5 novembre 2019

 

Marina Hands fait son retour à la Comédie-Française, en tant que pensionnaire à partir du 14 avril 2020. Elle tiendra le rôle d’Ysé dans Partage de midi de Paul Claudel mis en scène par Yves Beaunesne repris au Théâtre Marigny* du 1er juin au 25 octobre 2020, rôle qu’elle interprétait déjà à la création en 2007 (et qui lui avait valu une nomination aux Molières en 2008). On la retrouvera également dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand mis en scène par Denis Podalydès du 27 juin au 27 juillet au Théâtre Marigny*.

Actrice franco-britannique formée à Paris au Cours Florent, au Conservatoire national supérieur d’art dramatique et en Angleterre à la London Academy of Music and Dramatic Art (LAMDA), Marina Hands mène en parallèle une carrière au théâtre et au cinéma.

Après un passage dans la troupe de la Comédie-Française – de janvier 2006 à septembre 2007 – où elle interprète notamment la Princesse dans Tête d’or de Paul Claudel sous la direction d’Anne Delbée, elle travaille au théâtre sous les directions de Klaus-Michael Grüber, Jacques Weber, Patrice Chéreau, Yves Beaunesne, Luc Bondy… En 2018 elle reçoit le Molière de la meilleure comédienne pour son rôle dans Actrice et, la même année, le prix du Brigadier pour celui qu’elle interprète dans Sœurs (Marina et Audrey), deux pièces écrites et mises en scène par Pascal Rambert (2017 et 2018).

Au cinéma, on la voit dans de nombreux films parmi lesquels Les Invasions barbares de Denys Arcand (2003 –
Oscar du meilleur film étranger), Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel (2007-prix de la mise en scène au Festival de Cannes) ou encore Sport de filles de Patricia Mazuy (2011). Elle reçoit le César de la meilleure actrice, le prix Lumière et le prix d’interprétation au Tribeca Film Festival de New York pour sa performance dans Lady Chatterley de Pascale Ferran (2006) ainsi que le Swann de la meilleure actrice au Festival de Cabourg pour Ensemble nous allons vivre une très très grande histoire d’amour de Pascal Thomas (2010). Elle est actuellement à l’affiche de la série MYTHO d’Anne Berest et Fabrice Gobert pour laquelle elle a obtenu le prix d’interprétation au Festival Séries Mania.

Elle prête sa voix à la chorégraphe Crystal Pite pour sa nouvelle création Body and Soul présentée actuellement à
l’Opéra Garnier. Le 20 janvier 2020, elle sera sur la scène du Théâtre 14 pour la réouverture avec Pascal Rambert, ils liront Le début de l’A.

* Pour rappel, la Salle Richelieu ferme pour des travaux d’avril à octobre 2020. Pendant cette période, la Comédie-Française se produira au Théâtre Marigny, au Studio Marigny, au Théâtre du VieuxColombier et au Studio-Théâtre.

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May 10, 2019 4:03 PM
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Entretien avec Loïc Corbery

Entretien avec Loïc Corbery | Revue de presse théâtre | Scoop.it



Entretien avec Loïc Corbery, dans le feu de l’action

Propos recueillis par Laetitia Heurteau 9 Mai 2019 


Ce temps qui passe aussi vite, cela fait froid dans le dos. Ma première interview avec Loïc Corbery date déjà de quinze ans. A l’époque, il n’était pas encore entré à la Comédie-Française où il est à présent sociétaire. Cette année, on a déjà pu le voir à plusieurs reprises sur scène : dans l’intimité du Studio Théâtre pour son Hamlet à part, sur la scène de l’Odéon pour Le Pays Lointain de Jean-Luc Lagarce, sans oublier les bonnes vieilles planches de la salle Richelieu pour la reprise des Damnés et la création d’Electre / Oreste par le même Ivo Van Hove. Retrouvailles au café Nemours, au lendemain du tragique incendie de Notre-Dame.

Tu as repris Les Damnés tout récemment, salle Richelieu, comment as-tu vécu cette incroyable aventure ?

Hier soir quand Eric Génovèse entre en scène en disant « Le Reichstag est en flammes », et  que Notre-Dame est entrain de brûler à quelques kilomètres de la Comédie Française,  ça n’est pas anodin.

Mais avec Les Damnés, il y a toujours un écho surprenant avec l’actualité du monde : que cela soit au moment de sa création au Festival d’Avignon, lors de la deuxième représentation, le soir de l’attentat de Nice, où le Président Hollande a quitté précipitamment la salle à 21h50. On ne savait pas trop ce qui se passait. On l’a appris pendant le spectacle. Et en sortant, c’était assez assourdissant !

On l’a repris l’année d’après, salle Richelieu pendant la présidentielle avec la montée du Front national. Et après on est allé le jouer l’été dernier à New York, dans l’Amérique de Trump.

« Le Reichstag est en flammes ! ». Ce spectacle a un tel écho… Et il est nécessaire pour ça !

C‘était comment de le jouer à New York ?

New York n’est pas l’Amérique. New York, c’est New York. C’est un bout d’Europe aux États-Unis.  L’impact de ce spectacle sur le public a été très fort parce que l’histoire de l’Amérique aujourd’hui a des relents nauséabonds.  Mais nous-mêmes, on réentendait  ce qu’on racontait. On retrouvait le sens de ce qu’on disait. Il y avait un tel vertige à dire, notamment ce que disait mon personnage…

Il est justement très singulier ton personnage dans l’intrigue…

C’est le témoin et c’est celui qui parle directement aux gens pour leur dire : on n’est pas en train de vous raconter une histoire. On est en train de vous raconter notre histoire, ce qui se passe de nouveau aujourd’hui.  On vous parle de l’Allemagne de 1933 mais aussi de la France, des États-Unis, du monde.

En ce moment, tu es dans une période incroyablement prolifique où tu joues dans plusieurs projets à la fois…

En fait, ça reste rationnel parce que toutes ces belles choses s’enchaînent, elles ne se mélangent pas trop, donc ça va : entre Hamlet à part,  Le Pays lointain,  la reprise des Damnés et là Electre/ Oreste.



Si on peut revenir sur Hamlet à part, que tu as monté et joué sur la scène du Studio Théâtre en février dernier. J’ai été frappée quand tu disais que c’était vraiment le rôle que tu voulais jouer mais que tu sentais que tu n’allais pas forcément un jour le jouer. Tu t’étais ainsi emparé de l’idée du comédien qui se prépare au rôle. Mais c’est un rôle que tu pourrais tout à fait jouer, en fait ?

C’est un rôle que je pourrais tout à fait jouer et que je vais peut-être jouer mais en revanche, c’est un rôle que je n’avais jamais rêvé de jouer. Jamais. Autant la pièce Hamlet me passionnait, autant le rôle lui-même, moins. Alors que Perdican ou Alceste étaient des rôles que je rêvais d’interpréter. Mais je t’avoue qu’après avoir bossé beaucoup dessus et l’avoir traversé un peu dans ce spectacle, là j’aurais très envie à présent de le jouer !… (Rires)

Ce Hamlet à part te raconte aussi de manière presque intime…

Tout à fait, en prenant en charge Hamlet et tout ce qui pour moi faisait écho à Hamlet, dans le théâtre et dans la littérature ; en en faisant un montage (et c’est une écriture, le montage !) ; de tout ça, je ne faisais que me raconter, moi, et me raconter très intimement. Dans mes racines de théâtre, intimes, d’homme…

Avignon est très présent dans le spectacle comme Avignon est très présent dans mon enfance.  J’ai en effet puisé beaucoup dans mon enfance. Et je ne m’en suis rendu compte qu’après, par exemple, en utilisant le vinyle et les cassettes comme accessoires, comme partenaires. En fait, j’avais reconstitué le salon de mes parents quand j’étais petit…

Je t’ai imaginé tout seul lors des répétitions… Ce n’est pas un peu flippant la  solitude dans la création ?

C’est assez excitant aussi. En fait, ce qui était vertigineux, c’était le soir de la première : être seul en coulisse, prendre en charge pour la première fois un moment de théâtre avec les gens, dans une relation immédiate et directe avec eux. C’était un vrai vertige, qui m’a pris tous les soirs aux tripes avant de jouer. Et en même temps l’écho, la récompense, le retour en est d’autant plus beau pendant et après le spectacle…

Peux-tu nous parler des répétitions du spectacle Oreste/Electre auquel  tu te prépares avec la troupe en ce moment ?

C’est déjà un grand bonheur que de retrouver Ivo Van Hove, et que ce très grand metteur en scène souhaite retravailler avec moi.  Dans Les Damnés, je suis un peu à côté du chaos.  Je suis un peu le contrepoint de cette folie familiale; autant là, j’accompagne et même, je provoque le désastre.

C’est intense comme toujours avec Ivo : on a un temps de répétitions qui est ramassé,  d’une intensité folle, tous ensemble réunis, acteurs, techniciens, musiciens et en effet le rythme de travail est rude.  Je ne vais pas trop dévoiler mais  je joue Pylade, l’ami fidèle qui accompagne Oreste dans son errance, dans ses tourments…

Dans ton emploi du temps, les répétitions se passent tous les après-midis ?

Oui, tous les après-midi de 13h à 17h. Et comme il y aura aussi beaucoup de musique de chorégraphie, on a aussi des séances de travail sur le corps et sur le chant.

Comme tous les spectacles d’Ivo, c’est un spectacle viscéral, qui pour atteindre le sens, passe par tous les sens. Tout le corps du spectateur est sollicité.

Tu peux proposer des choses ou c’est vraiment Ivo qui te guide ?  Tu peux avoir un vrai échange avec lui ?

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Ivo a profondément besoin des acteurs.  C’est un théâtre extrêmement construit en amont, extrêmement structuré scénographiquement,  musicalement,  dans l’adaptation. Les images sont préconçues mais il sait qu’au cœur de son dispositif, il y a l’acteur et sa personnalité, le filtre de l’acteur, de son humanité…

Ivo a besoin des acteurs, donc il est à l’affût de leurs propositions. C’est un vrai échange.

La récente rencontre avec Ivo Van Hove dans la coupole de la Comédie-Française m’a permis d’avoir une relecture  passionnante de son travail et aussi de découvrir une personnalité plus humaine et accessible que son image d’homme du nord, un peu austère, véhiculée par les médias…

On le voit très bien dans ce genre de moment-là avec Ivo. C’est-à-dire qu’on lui prête une austérité assez impressionnante… Une espèce d’ascèse du théâtre…  Et il est comme ça mais pas uniquement. De cette pudeur, de cette timidité, il sait aussi être chaleureux, humain,  drôle  et simple, dans son rapport aux choses et à l’autre.

Si on revient au récent téléfilm Un homme parfait diffusé sur France 2, ou si on repense aussi  au film Pas son genre, on a l’impression qu’à l’image tu explores quelque chose de beaucoup plus sombre qu’au théâtre…

Au théâtre aussi !  Mais c’est vrai que ce n’est pas rien de devoir interpréter un monstre, d’autant plus à l’image ! (le personnage interprété par Loïc est un père incestueux, ndlr).

Au théâtre, la convention fait qu’on accepte plus facilement de jouer et de voir des monstres. A l’image, c’est un peu différent. La distance est plus difficile à prendre. J’ai reçu le script mais je ne l’aurai pas accepté avec n’importe qui, ni n’importe comment. Je connaissais bien le réalisateur et ce qu’il avait fait auparavant.

Le  scénario était merveilleusement écrit, donc j’y suis allé. Je n’ai pas vu le film et je n’ai pas envie encore de le voir mais je suis ravi de savoir que le film est à la hauteur du sujet et qu’il a rencontré son public, qui plus est.

Après, tu sais, je réponds aux projections des metteurs en scène de théâtre ou de cinéma mais c’est sûr qu’avec mon nez en trompette et ma tête de jeune premier encore à 40 ans, je suis ravi quand on m’envoie des choses plus sombres, des personnages plus troubles.

Tu as joué récemment dans Le pays lointain mise en scène par Clément Hervieu-Léger au Théâtre de l’Odéon. Tu es toi-même un fidèle de cette Compagnie des Petits-Champs co-fondée par Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro…

La famille de la Compagnie des Petits-Champs se crée et s’agrandit au fur et à mesure des spectacles mais il se trouve qu’avec la relation de complicité, de compagnonnage que j’ai avec Clément à la Comédie-Française ; avec l’amitié qui nous lie, il est venu m’embarquer très vite et notamment dans le premier spectacle de la compagnie, L’épreuve. C’était une occasion pour Clément, comme pour moi de pouvoir retravailler avec tous les gens avec qui on ne peut pas travailler parce qu’on est au Français : Daniel San Pedro, Audrey Bonnet, Stanley Weber, Nada Strancar…

Cette famille de la Compagnie des Petits-Champs s’est créée de spectacle en spectacle. Et l’aventure du Pays lointain a été magnifique !  Pouvoir s’organiser avec Éric Ruf et qu’il nous laisse Clément et moi partir l’année dernière quelques temps pour créer le spectacle à Strasbourg et en tournée ; puis qu’il nous laisse à nouveau l’opportunité de le jouer cette année à l’Odéon, c’était inespéré.

Il y a une chose que j’ai notée dans l’entretien que nous avions fait ensemble en 2004…

Oh la, la, ça ne nous rajeunit pas, Laetitia !  Mais on est toujours là, c’est chouette ! (Rires)

 … C’est que tu aimes mettre de l’énergie sur le plateau.  Tu disais « J’aime sauter sur les tables » et c’est ce que l’on peut constater encore une fois dans Le pays lointain…  C’est quelque chose qui se fait chez toi de manière inconsciente ?

 Il y a cette  légende qui raconte que les acteurs français sont très cérébraux,  à la différence des acteurs allemands ou anglais, qui sont très physiques. Pour moi, le rapport au corps ne m’a jamais posé de problème. J’ai toujours construit avec mon corps autant qu’avec ma pensée. Mon corps a toujours été mon principal moyen d’expression sur un plateau de théâtre.

Après le temps passant, les rôles changeant aussi,  il y a quelque chose qui se centre peut-être un peu plus mais de toute façon, j’aime bien être un peu décentré.

Je sais que quand j’étais tout jeune acteur à l’école,  j’étais un peu le chien fou de la classe mais c’est vrai : il y avait une table, je sautais dessus. C’est devenu une blague à mon propos. Mais pour moi, ça n’est pas anodin, sur un plateau de théâtre, un accessoire, un meuble… Là avec Ivo, de la boue… Pour moi, ça provoque quelque chose !

Ivo n’a pas besoin de me dire d’utiliser la boue. Je rentre sur le plateau, je me dis qu’il y a de la boue et qu’il faut que j’en fasse quelque chose.  Cela ne servira à rien qu’elle soit là si je ne peux vivre avec, travailler avec.

Est-ce que tu es toujours d’accord avec ce que tu disais en 2004 à savoir en tant qu’acteur sur le plateau et malgré ce que tu as tout préparé, tu dois être toujours dans l’instant et dans l’instinct ?

Ça n’est pas « malgré » mais « grâce à » la préparation, grâce au travail, grâce à la maîtrise de toutes les contraintes du travail (le texte, la scéno, les indications du metteur en scène, de ses partenaires), que tu trouves l’abandon, la libération du moment présent. C’est comme ça que j’aime l’écriture théâtrale, quand toutes les partitions physiques, vocales, sensibles sont superposées les unes avec les autres et tellement imprégnées, que justement on puisse s’abandonner à l’instant présent avec ses partenaires et avec le spectateur.

Et là maintenant, tu ne te verrais pas quitter le Français ?  Tu y as acquis un vrai espace de liberté ?

Toutes les libertés, non. Je fais beaucoup de sacrifices aussi à côté : je dis non aussi à beaucoup de choses à l’image comme au théâtre. Cela me prend beaucoup de temps dans ma vie personnelle et ce n’est pas forcément simple parce que cette maison est quand même chronophage.

En tout cas aujourd’hui, j’y suis bien.  Mais Dieu merci, il y a beaucoup d’autres endroits où l’on peut faire du théâtre de manière magnifique.

On fait quand même un drôle de pari dans cette maison : de jouer trois, quatre spectacle en même temps,  en en répétant d’autres, de passer comme ça d’un spectacle à un autre…

C’est le seul endroit au monde où il y a cette gymnastique-là et pour l’acteur et pour le spectateur.

Pour le moment, j’y suis bien. J’y ai toujours été bien. C’est un théâtre que j’ai vraiment rencontré, qui correspond vraiment à ce dont je pouvais rêver quand j’étais jeune acteur, dans ce qu’il me demande, dans ce qu’il m’offre.

Et la rencontre avec la troupe est une rencontre amoureuse et dont les liens ne font que de se renforcer, d’année en année, de spectacle en spectacle.

Je vais jouer Les Damnés à Londres en juin et Oreste / Électre au Théâtre d’Épidaure, en Grèce, en juillet donc tout va bien !… (Rires)

Portrait de Loïc Corbery et Photo de Hamlet à part, crédits photo
de Christophe Raynaud de Lage - Crédits photo Electre / Oreste
de Jan Versweyveld, coll. Comédie-Française.

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