Revue de presse théâtre
2.5M views | +109 today
Follow
Revue de presse théâtre
LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
Your new post is loading...
Your new post is loading...

Quelques mots-clés

Current selected tag: 'Comédie-Française'. Clear
Scooped by Le spectateur de Belleville
February 6, 2016 6:11 AM
Scoop.it!

Le cabaret potache de l'Histoire de David Lescot

Le cabaret potache de l'Histoire de David Lescot | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Avec Les Derniers Jours de l’humanité, David Lescot nous convie à un cabaret hybride bien étrange. Fidèle à son habitude du patchwork, le metteur en scène transforme la somme théâtrale de Karl Kraus en bouffonnerie sérieuse où la Grande Guerre fricote avec la farce. La Comédie-Française propose une nouvelle production atypique à la croisée de genres parfois délicats à combiner sur scène malgré le talent incontestable de nos quatre caméléons.

Des pianos en ruine jonchent le parquet du Vieux-Colombier. Le désastre de la Guerre de 14-18 est passé par là. Tabula rasa sur la culture. Pourtant, avec son ampleur gigantesque de sept cent pages, l’oeuvre-monstre du caricaturiste rédigée pendant les atrocités des combats entend rendre scrupuleusement compte de l’état d’esprit de la société viennoise.

Afin de capter les réactions à chaud de son entourage, Kraus s’emploie à déployer un matériau ultra dense : journaux, brèves de comptoir, textes officiels… Précisément attiré par cet éventail polymorphe, David Lescot imagine un spectacle total empruntant aussi bien au cabaret avec ses lumières chatoyantes, qu’à la lecture incarnée en passant par les scènes de foules, les chansons lyrico-tragiques, les interviews déformées, ou les jeux de mimes. Cette profusion (trop) généreuse vire parfois à l’indigestion malgré le dynamisme de ces multiples transformations. Menées à toutes vitesse, les saynètes ont à peine le temps de s’installer qu’on change immédiatement de référents et de situations. D’où une certaine frustration. Au contraire, la fin déçoit par sa répétitivité un brin ampoulée : le drame pur et dur a du mal à s’extirper de l’enrobage potache de l’ensemble.

En orientant son travail vers une parodie grinçante, Lescot fait bien souvent mouche. Sidérant d’écouter cette bourgeoise inciter ses enfants à jouer à la guerre ; piquant de contempler cette journaliste en train de réécrire l’Histoire à sa sauce pour combler ses lecteurs. Navrant d’assister impuissant à l’ordre d’un général sacrifiant ses troupes… On rit jaune.

L’art de la métamorphose
Pour incarner cette fresque historique, quatre comédiens seulement ont été réquisitionnés. Et quelles bluffantes compositions ! Tels de véritables caméléons, ils se métamorphosent sous nos yeux l’air de rien. Avec sa grande prestance, Denis Podalydès se fait aussi bien lecteur truculent que vieux caporal ridicule ; Sylvia Bergé est poignante d’émotion en chanteuse mélancolique et rigolote en mère indigne ; l’imposant Bruno Raffaelli s’amuse comme un gosse en petite fille à couettes guerrière ou en épicier opportuniste. Enfin, la venue de la nouvelle pensionnaire Pauline Clément apporte un vent de jeunesse et de fraîcheur : dotée d’un timbre de voix limpide et très agréable, elle s’intègre à la troupe sans problème, jouant avec plaisir et naturel une journaliste-fouineuse ou une épouse adultère à l’esprit bien inconséquent.

David Lescot parvient ainsi à aborder la folie destructrice de la Grande Guerre sous un angle espiègle et cinglant, respectant l’esprit de Kraus. Sur le plateau, le florilège des genres s’avère plus compliqué à gérer. Cette diversité s’avère donc à double tranchant. Malgré tout, la gourmandise comique de la mise en scène vaut le détour et l’abattage du quatuor est impressionnant de maîtrise. ♥ ♥ ♥

LES DERNIERS JOURS DE L’HUMANITÉ de Karl Kraus. M.E.S de David Lescot. Comédie-Française. 01 44 58 15 15. 1h50

© Christophe Raynaud de Lage
No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
February 3, 2016 8:11 AM
Scoop.it!

Comédie-Française : on sert Tchekhov au Studio, on dessert Karl Kraus au Vieux-Co

Comédie-Française : on sert Tchekhov au Studio, on dessert Karl Kraus au Vieux-Co | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog de Mediapart :

 

Maëlle Poésy nous fait jubiler avec « Le Chant du cygne » et « L’Ours », deux bijoux en un acte de Tchekhov au Studio, la troisième salle de la Comédie Française, dans la seconde, le Théâtre du Vieux Colombier, David Lescot se perd dans ce monstre magnifique qu’est « Les derniers jours de l’humanité » de Karl Kraus.


Maëlle Poésy et Kevin Keiss forment une équipe qui gagne. Elle signe les mises en scène, il signe la dramaturgie, ils cosignent l’adaptation. C’est le cas ici,et ce le fut pour leur « Candide » (lire ici) qui tourne actuellement avec succès.

Un décor pour deux

Parmi les neuf pièces en un acte de Tchekhov, il fallait trouver deux pièces qui puissent se dérouler l’une à la suite de l’autre, sans entracte. La règle au Studio (situé dans une des galeries du Louvre et sujet aux vibrations du métropolitain) veut que les spectacles donnés à 18h30 tournent autour d’une heure, ce qui est exactement le cas.

Un décor unique (Hélène Jourdan) s’imposait et quoi de plus passe partout en Russie qu’une informelle salle à manger-cuisine. C’est dans ce décor de théâtre où veille une « servante » comme sur tous les plateaux de théâtre que se réveille difficilement d’une cuite un acteur de la troupe. Pas le meilleur, loin de là. Un acteurquijoue les utilités, les hallebardiers, les serviteurs. Poésy –Keiss n’en font pas un vieil acteur aux portes de la mort, un Firs en puissance (le vieux serviteur de « la Cerisaie ») comme le propose Tchekhov, mais un acteur de 58 ans, qui sait qu’il ne jouera jamais les rôles qu’il a, aura, ou a eu l’âge d’interpréter.

Alors, dans la nuit du théâtre vide, il les joue devant le souffleur lequel, faute de logis, dort dans les dessous de la scène. Et comme nous, spectateurs, le souffleur, jouant le jeu, passe de l’attendrissement à l’admiration. Il faut tout le talent de Gilles David pour jouer le rôle de cet acteur sans talent qui voit le temps filer et ses chances de beau rôle s’effilocher comme dans une chanson de Charles Aznavour.

"Lâché par neuf femmes"

Changement de lumière et de pièce. Cette fois on est vraiment dans une salle à manger (le décor de fantasmatique devient réaliste), et Gilles David, doublement acteur de la première pièce, « Le chant du cygne », joue effectivement un serviteur dans « L’Ours », un rôle secondaire mais tout de même un vrai rôle, comme si sa cuite lui avait porté chance. Il est le serviteur d’une jeune veuve, dont le mari est décédé sept mois auparavant. Elle a décidé d’être une veuve inconsolable, de pleurer jusqu’à sa mort cet homme qui l’a trompée toute sa vie (elle a retrouvé des tas de lettres et savait bien pourquoi il s’absentait des semaines entières). Elle veut lui faire payer de sa fidélité le prix de son infidélité. Cherchez l’homme. Il arrive en tenue de randonneur (sportif Benjamin Lavernhe), il dit avoir été « lâché par neuf femmes » et en avoir « lâché douze », il se méfie des femmes plus que des animaux sauvages.

Que veut cet homme ? Son dû. Une dette de feu le mari. Et aujourd’hui même, car la banque l’exige,il est aux abois. La femme est prête à payer, mais dans 48 heures. Ce trou dans le temps, marteau et clou du spectacle, va provoquer une furieuse et hilarante montée en puissance des affects et finir par un étonnant et réjouissant renversement. C’est beau, simple, enlevé, glissant et désarmant comme une nouvelle d’Anton Pavlovitch Tchekhov. Les acteurs -Julie Sicard, Gilles David et Benjamin Lavernhe- jubilent, nous aussi.

Une pièce monstre, plus de 500 personnages

Les acteurs du spectacle donné au Théâtre du Vieux Colombier jubilent aussi, Denis Podalydès et Bruno Raffaelli en tête. Nous, beaucoup moins. Mettre en scène « Les derniers jours de l’humanité » de Karl Kraus sur cette scène aux dimensions relativement modestes, dans une durée de représentation normative et avec une distribution nullement pléthorique, était une gageure. Longue de plus de 700 pages, peuplée de centaines de personnages, la pièce couvre toute la guerre 14-18 en cinq actes, un par année.

Kraus commence à l’écrire sur le vif en 1915, et c’est comme un reporter de guerre qui couvre tout : les conversations de café, les cabinets ministériels, les armées, les rédactions des journaux, les communiqués officiels, les jeux d’enfants, les critiques de théâtre, les cauchemars et bien d’autres choses. Au total, plus de 500 personnages. Avec, de temps à autre, le retour de personnages récurrents comme le Râleur et l’Optimiste, deux faces de la même personne qu’est Klauss lui-même.

Dans son avant-propos, l’auteur considère que, « mesurée en temps terrestre », la représentation « s’étendrait sur une dizaine de soirées », et qu’elle est d’ailleurs conçue « pour un temps martien ». Comme il n’est pas encore prouvé qu’il y ait une vie théâtrale sur Mars, des terriens ont voulu toutefois affronté cette pièce monstrueuse, bien plus difficile à dompter qu’une théorie de lions en rut poursuivant un troupeau où gazelles, éléphants et girafes, ravageraient le paysage.

Ces dérives animalières n’en sont pas.Du côté de la page 700 apparaissent des hyènes qui dansent le tango devant des cadavres avant que le seigneur des Hyènes n’y aille de son poème. Surgissent alors « trois collaborateurs » avant que des « nappes de fumée couvrent l’horizon tout entier », que la lune « hérissée de taches écarlates »rivalise avec des nuages« noir et or » avant de voir surgir « trois véhicule blindés » laissant « hommes et animaux dans une fuite effrénée ».

"Je n'ai pas voulu ça"

En outre, cette pièce monstre pose de redoutables problèmes de traduction dont se sont sortis avec les honneurs Jean-Louis Besson et Henri Christophe, germanistes émérites et hommes de théâtre. Ils ont fait paraître une version intégrale (éditions Agone, 2005) mais aussi une « version scénique », comme si « Les derniers jours de l’humanité » dépassaient les frontières du théâtre. On peut penser que cette pièce, fête de la langue et des langues, est l’un des livres de chevet de l’auteur du « Drame de la vie », Valère Novarina. Et on sait toute l'admiration que Thomas Bernhard portait à Karl Kraus auquel, par ailleurs, Walter Benjamin a consacré de nombreuses pages.

La Voix de Dieu a le dernier mot à la page737 : « Je n’ai pas voulu ça » dit la Voix. Une opportune note nous renvoie à la page 375 où un enfant, le petit Guillaume, joue à « la guerre mondiale » et dit cette même phrase, phrase copiée-collée d’un titre à la Une d’un journal de l’époque reprenant, en substance, des propos de Guillaume II.

A Turin, le visionnaire Luca Ronconi avec affronté la bête, en 1990, dans une usine désaffectée.Des rails d‘un kilomètres de long portant deux locomotives à vapeur en état de marche avec leurs wagons,des camions militaires, des ambulances, des blindés, des lits d’hôpitaux, des linotypes au plomb sortant des journaux, des tapis roulants, etc. 50 acteurs, 70 techniciens. Les spectateurs vont et viennent sur un praticable de cent mètres de long et peuvent se déplacer parmi les acteurs comme une promenade dans une ville et dans le temps, les acteursjouant simultanées sur plusieurs espaces. Une vision folle à la hauteur de cette pièce monstre.

Restent des confettis

Au Théâtre du Vieux Colombier le spectacle commence avec l’apparition de Denis Podalydès. Livre en main, il pèse le poids de la chose, annonce « plus de 700 pages ». Il ouvre le livre, commence la lecture de la pièce de Karl Kraus par son début, didascalies comprises, en jouant tous les personnages. On se dit que l’idée est simplement extraordinaire : que les acteurs au grand complet de la Comédie-Française vont se relayer jour et nuit pour lire tout le texte. On s’imagine que l’on va être, nous spectateurs, les otages volontaires du théâtre, qu’on y restera enfermés jusqu’à épuisement du texte de la pièce et que, lorsqu’on en sortira, des centaines de scènes plus loin, cela un autre monde. Mais ce n’est pas le cas.

Loin d’embrasser le monstre, l’adaptation scolaire de David Lescot (qui signe la mise en scène idoine) s’en tient à une série de confettis. C'est assorti de films d’archives vus, pour la plupart, sur Arte et d'une belle partition musicale (Berg ,Schoenberg, etc), Damien Lehman au piano et lieder chantés par l'actrice Sylvia Bergé). Le texte est réduit à une série d’anecdotes, de personnages anecdotiques et, pire, de numéro d’acteurs. Aucun souffle, aucun rythme, la folie du texte est édulcorée. Bruno Raffaelli habillé en rombière prend son pied, Denis Podalydès en vieux général sucrant les fraises, est aux anges. L'immense pièce de Karl Kraus est, elle, réduite en poussières.

« Le chant du cygne » et « L’Ours », Studio de la Comédie Française, 18h30 jusqu’au 28 février

« Les derniers jours de l’humanité », Théâtre du Vieux –Colombier, 20h30, jusqu’au 28 février

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
January 30, 2016 10:30 AM
Scoop.it!

» Le Chant du Cygne et L’Ours, d’Anton Tchekhov, au Studio-Théâtre-Comédie Française

» Le Chant du Cygne et L’Ours, d’Anton Tchekhov, au Studio-Théâtre-Comédie Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Florent Mirandole pour le site Un fauteuil pour l'orchestre :

 

Le temps passe trop vite au Studio-Théâtre-Comédie Française. Pendant une petite heure, Maëlle Poésy met en scène deux courtes pièces d’Anton Tchekhov. Construite pour traiter deux faces d’un même thème, l’homme face au temps qui passe, Le Chant du Cygne s’avère être un concentré d’émotion et d’inventivité. Vassili Vassiliévitch Svetlovidov, vieil acteur fatigué, se retrouve seul dans sa loge un soir après la représentation. Les lumières pâlottes font vaciller sa large ombre, le silence a envahi la petite loge, et l’acteur petit à petit est saisi par l’angoisse. Il n’a jamais été un jeune premier, et n’a plus l’âge depuis longtemps de l’être. Au fond d’une vieille bouteille, il contemple ses regrets. Mais l’arrivée du jeune souffleur, surgi comme par magie des entrailles du théâtre, redonne un dernier souffle de vie à cet homme épuisé. Revigorée par le jeune souffleur, la grande carcasse usée se déploie alors pour un dernier rappel. Perché sur une chaise, éclairé par les trouvailles du souffleur, l’homme semble jeter un dernier regard sur la somme d’une vie, sur les quelques grands rôles qu’il n’a jamais eu, le Roi Lear, Othello…. Toute l’intelligence de la pièce est d’avoir confié le premier rôle à Gilles David, dont la grande carrure permet de donner encore plus de souffle à son dernier élan final, finalement aussi ébouriffant que crépusculaire.
Cette pièce intime et mélancolique est suivie de L’Ours, autrement plus joyeuse. Alors que tout semble finir dans Le Chant du Cygne, tout recommence dans L’Ours. Si l’on passe du tragique à la comédie, le thème de l’homme face au constat de sa vie reste le fil rouge de la pièce. Grigory Stépanovitch Smirnov, un ancien créancier qui vient demander en urgence son paiement à une jeune veuve éplorée, se heurte à une résistance farouche. En moins de 30 minutes les deux acteurs dynamitent le plancher du Studio-Théâtre par leur affrontement. Benjamin Lavernhe en particulier, tout en violence contenue, aussi drôle qu’effrayant, s’approche de la folie. Rapidement rejoint par Julie Sicard, en une poignée de minutes le couple nous emmène dans des sommets de la comédie, portant à ébullition des sentiments que chaque personnage croyait éteints. Le dénouement n’en est que plus éruptif.
De ces deux pièces ressort un message profondément humaniste. Face au temps, face à la vieillesse, ou à la mort de l’autre, Tchekhov semble montrer que l’homme n’est pas condamné. Par l’art, ou par l’amour, il est toujours possible de lutter contre les horloges qui tournent, et de retrouver un nouvel élan vital.

 


Le Chant du Cygne et L’ours
Texte Anton Tchekhov
Texte français Georges Perros et Génia Cannac
Adaptation Maëlle Poésy et Kévin Keiss
Mise en scène Maëlle Poésy
Scénographie et costumes Hélène Jourdan
Lumières Jérémie Papin
Son Samuel Favart-Mikcha
Dramaturgie Kévin Keiss
Avec Julie Sicard, Gilles David, Benjamin Lavernhe, Christophe Montenez
Du 21 janvier au 28 février 2016
Du mercredi au dimanche à 18h30
Comédie-Française
Studio-Théâtre – 99 rue de Rivoli – 75001 Paris
Renseignements et réservations 01 44 58 98 58
www.comedie-francaise.fr

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
January 24, 2016 4:29 PM
Scoop.it!

Le Chant du cygne et L’Ours, deux pièces d’Anton Tchékhov, mise en scène de Maëlle Poésy, avec la Comédie-Française

Le Chant du cygne et L’Ours, deux pièces d’Anton Tchékhov, mise en scène de Maëlle Poésy, avec la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Le Chant du cygne et L’Ours, deux pièces d’Anton Tchékhov, texte français de Georges Perros et Génia Cannac, adaptation Maëlle Poésy et Kevin Keiss, mise en scène de Maëlle Poésy
Crédit Photo : Simon Gosselin



Le Chant du cygne et L’Ours, deux pièces d’Anton Tchékhov, texte français de Georges Perros et Génia Cannac, adaptation Maëlle Poésy et Kevin Keiss, mise en scène de Maëlle Poésy

 Maëlle Poésy s’impose dans le paysage théâtral comme une metteuse en scène aux promesses tenues, à travers deux spectacles – Purgatoire à Ingoldstadt de Marieluise Fleisser en 2012, et Candide, si c’est ça le meilleur des mondes… d’après Voltaire en 2014, des spectacles articulés et salués. La jeune femme monte deux pièces en un acte de Tchékhov, Le Chant du cygne (1887-1888) et L’Ours (1888).

La première révèle un vieil acteur comique, endormi seul sur une scène de province. Réveillé, il se confie au souffleur sans abri qui a élu domicile sur les lieux vides.

Le comédien se souvient de sa jeunesse, de sa passion naissante pour le théâtre et pour une jeune fille amoureuse qui ne consent à l’épouser que s’il abandonne son art : « Oui, j’ai compris que l’art sacré n’existait pas, que tout n’était que leurre et mensonge, et que je n’étais qu’un esclave, un jouet pour oisifs, un pantin, un pitre. »

L’interprète du Chant du cygne émet de beaux sons émouvants à l’approche de la mort, mais ce chant fatal se mue en chant d’amour et de joie, la manifestation lumineuse d’un désir non seulement de vivre mais de déclamer contre le néant. Pour son complice ému (Christophe Montenez), la couverture de repli à la main, l’enthousiaste prend plaisir à égrainer quelques bribes du Roi Lear, de Hamlet et d’Othello. L’acteur symbolise l’immortalité du poète, l’exil et la solitude – un guide, un lien entre des mondes éloignés, le passage de l’« autre monde » vers les humains.

Même si l’artiste accablé fait preuve de résignation, il conserve le pressentiment d’une présence immédiate – intuition et proximité avec les êtres et le monde. L’art tient à cette capacité de surpasser le tragique du quotidien, le poids des habitudes et la répétition du temps dévastateur à travers la conquête d’une dignité existentielle.

Un univers restitué en demi-teintes – résonances sourdes, humour et sourire distant.

On retrouve dans L’Ours, Gilles David encore – belle mise en abyme et théâtre dans le théâtre – dans le rôle de valet d’une jeune propriétaire terrienne qui s’enferme dans le veuvage (Julie Sicard implicitement rayonnante) et un jeune propriétaire terrien (Benjamin Lavernhe séduisant) venu réclamé son dû à l’épouse du débiteur défunt. Dans la scénographie d’Hélène Jourdan, la cuisine initiale – décor de la première pièce – est réinvestie en lieu vivant et habité par les jours qui passent.

La veuve a promis de se retirer du monde, enfermée dans un rêve de fidélité à un époux volage. L’inconsolable, impétueuse dans son refus, rivalise avec la solitude revêche et agressive de l’homme viril qui surgit, insociable et coq charmant.

Casque de moto, blouson et sac à dos, tel est le nouveau prince fébrile et fascinant.

La veuve a beau soupirer sous son châle noir, entre mélancolie et rêves déçus, le quémandeur résiste et fait voler en éclats, chez elle comme chez lui – tous deux blessés – l’usure intérieure et les amertumes. L’éplorée se ressaisira-t-elle ? Délicatesse des silences, de la prudence de la pensée et de la retenue des sentiments, un jeu subtil et délicat entre le faux et le vrai, le drame et le rire éclatant.

Le duo qui s’affronte – masculin et féminin, bête et belle – accomplit un pas de deux entre recul et attirance, colère et apaisement, armes levées puis déposées. L’envie d’en découdre est têtue, telle une force obscure qui sourd et qu’on ne peut arrêter.

Pour que la mort ne gagne pas trop tôt, les forces à la fois de la vie et de la raison se conjuguent dans l’intensité des sentiments éprouvés et l’observation rieuse de soi.

Un moment radieux de théâtre comique, sensible et facétieux, pétillant et tonique.

Véronique Hotte

Studio-Théâtre de la Comédie Française, du 21 janvier au 28 février. Tél : 01 44 58 15 15
No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
December 21, 2015 3:59 PM
Scoop.it!

Suliane Brahim et Adeline d’Hermy nouvelles sociétaires de la Comédie-Française, Léonie Simaga quitte l'institution

Suliane Brahim et Adeline d’Hermy nouvelles sociétaires de la Comédie-Française, Léonie Simaga quitte l'institution | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Publié par Stéphane Capron dans Sceneweb Suliane Brahim et Adeline d’Hermy nouvelles sociétaires de la Comédie-Française, Léonie Simaga quitte l'institution. Suliane Brahim et Adeline d’Hermy © Stéphane Lavoué Suliane Brahim et Adeline d’Hermy sont nommées sociétaires à partir du 1er janvier 2016. Le nouveau comité d’administration pour l’année 2016, présidé par Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française, sera composé de : Gérard Giroudon, doyen, membre de droit ; Claude Mathieu, Laurent Stocker, Clotilde de Bayser, suppléant Stéphane Varupenne, membres élus par l’assemblée ; Éric Génovèse, Coraly Zahonero, Christian Hecq, suppléant Nicolas Lormeau, membres nommés par l’administrateur général. Par ailleurs, Muriel Mayette-Holtz est nommée sociétaire honoraire à partir du 1er janvier 2016 (entrée dans la troupe le 15 septembre 1985, Muriel Mayette-Holtz en devient la 477e sociétaire le 1er janvier 1988. Elle est nommée administratrice générale de la Comédie-Française le 4 août 2006, puis reconduite le 13 juillet 2011). Christian Blanc (entré dans la troupe le 8 janvier 1990, Christian Blanc en devient le 501e sociétaire le 1er janvier 2000) et Céline Samie (entrée dans la troupe le 19 octobre 1991, Céline Samie en devient la 508e le 1er janvier 2004) sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite à partir du 31 décembre 2015 et restent un an au service du théâtre. Léonie Simaga (entrée dans la troupe le 13 juillet 2005, Léonie Simaga en devient la 520e le 1er janvier 2010) est admise à sa demande à faire valoir ses droits à la retraite à partir du 31 décembre 2015.
No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
December 17, 2015 6:18 PM
Scoop.it!

Eric Ruf, parrain d'Allons enfants de la culture ! | Forum Opéra

Eric Ruf, parrain d'Allons enfants de la culture !  | Forum Opéra | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Christophe Rizoud pour Forum Opéra  | mer 16 Décembre 2015 

 

Il y a un an, le Théâtre des Champs-Elysées et la Comédie Française annonçaient leur volonté d'aider les jeunes à découvrir le spectacle vivant . Nom de l'opération : « Allons enfants de la culture ! ». En tant que metteur en scène des deux spectacles concernés (La Clémence de Titus et Lucrèce Borgia), Denis Podalydès jouait le rôle d'artiste référent. Cette année, on prend les mêmes – ou presque – et on recommence. Le Théâtre des Champs-Elysées et la Comédie Française renouvellent leur partenariat avec l’Ecole Normale Supérieure Ulm et le Lycée d’Etat Jean Zais autour cette fois de Mitridate de Mozart, côté opéra, et Roméo et Juliette de Shakespeare, côté théâtre. En toute logique, Eric Ruf est le parrain de cette édition puisqu'il a réalisé la scénographie du premier spectacle et qu'il met en scène le second. Dans un communiqué, l'Administrateur général de la Comédie Française se déclare heureux de parrainer aux côtés de Michel Franck un telle initiative :  « Rentrer dans les ors historiques de ces lieux est un bonheur, mais se rendre compte qu’ils abritent tant de corps de métier, de techniques diverses, de méthodologies différentes, de savoir-faire et de réalités est toujours, pour de jeunes regards, une surprise, et souvent, le début d’une longue carrière de spectateur. » Comment ne pas lui donner raison...

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
December 9, 2015 6:41 PM
Scoop.it!

"Roméo et Juliette" à redécouvrir à la Comédie-Française

"Roméo et Juliette" à redécouvrir à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Voir la Vidéo : http://www.francetvinfo.fr/culture/spectacles/romeo-et-juliette-a-redecouvrir-a-la-comedie-francaise_1214147.html

 

Élise Lucet recevait en plateau ce mercredi 9 décembre, Eric Ruf, directeur de la Comédie-Française pour présenter sa pièce "Roméo et Juliette". Eric Ruf dirige le célèbre théâtre depuis septembre dernier. Ces trois premiers spectacles ont été de francs succès. "J'ai voulu que ce théâtre vivant puisse réunir en son sein des spectateurs qui ont envie de voir des choses du répertoire classique, mais aussi des choses modernes", explique-t-il en plateau.

Une oeuvre modernisée
Eric Ruf pour sa première mise en scène en tant qu'administrateur de la Comédie-Française a choisi "Romeo et Juliette" de William Shakespeare. Un choix "pour faire plaisir et attirer bêtement les gens qui ont le goût du classique et des titres immémoriaux du théâtre", se justifie Eric Ruf. L'oeuvre a été retravaillée et modernisée. "J'ai beaucoup dégraissé et beaucoup coupé. C'est plutôt les coupes et l'ordonnance des choses qui remusclent et donnent une impression de modernité", souligne le directeur de la Comédie-Française. Les costumes de la pièce sont signés Christian Lacroix. La pièce est à découvrir jusqu'au 30 mai prochain.

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
November 30, 2015 4:47 PM
Scoop.it!

Jean-Louis Benoit met les doigts dans la prise Goldoni

Jean-Louis Benoit met les doigts dans la prise Goldoni | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog sur Mediapart :


J’étais l’autre soir au Théâtre Français. Enfin non, son annexe, le Théâtre du Vieux Colombier. On y donnait une pièce du « Molière italien » Carlo Goldoni, « Les Rustres ». Un régal pour les acteurs de la maison de Molière et une occasion pour le public parisien de se dessouder la mâchoire passablement crispée depuis le 13 novembre.

 

 

La facilité  déconcertante d’écriture de Goldoni  -neuf pièces torchées en 1760 dont « L’Impresario de Smyrne », l’année où il écrit « Les Rustres » ! - et son art de composer ses pièces en en huilant  avec gourmandise les rouages, se vérifie une fois de plus dans « Les Rustres »qui n’est pas une de ses « grandes » pièces, mais assurément l’une des plus acerbes et des plus drôles.

C'est pas tous les jours Carnnaval à Venise

On comprend que le metteur en scène Jean-Louis Benoitait eu envie de la monter depuis longtemps. Eric Ruf (le nouvel Administrateur de la Comédie Française) lui a confié l’affaire, connaissant l’énergumène (Benoit a signé plusieurs mises en scènesalle Richelieu et au théâtre du Vieux Colombier) ,voyant justement en lu un artiste qui, sur le plateau d’un théâtre, déploie « un plaisir quasi enfantin ». Tout comme Goldoni dont on a oublié les tragédies, Benoît n’est jamais si à l’aise quedans un registre où la critique sociale est associée au comique. Et  avec « Les rustres », c’est bingo.

Tout se passe à Venise dans la maison bourgeoise d’un négociant. On ne sortira pas, mais les effluves du Carnaval qui touche à sa fin finiront par y entrer par un jeu de masques lequel ne se refuse rien. Dans cette maison sont enfermées Lucietta, une fille en âge de se marier (Rebecca Marder y fait ses débuts dans la Maison de Molière, pimentés de grâce sautillante) et, Margarita,sa belle-mère (impeccable Caroline Zanohéro). Toutes les deux sont privées de Carnaval, de sorties, et tenues de s’habiller sobrement, sans excès de colifichets, de parures et de couleurs. Tout est terne jusqu’aux murs.

Des femmes enfermées

Le coupable de cet enferment, c’est le père de l’une, le mari de l’autre, Lunardo. Il entre enfin. Difficile de séparer le rôle de ce qu’en fait son interprète, Christian Hecq, tant il lui donne du relief, de l’épaisseur, avec cette façon particulière qu’a cetacteur d’inquiéter ses personnages, d’en montrer physiquement les failles par une gestuelle inventive, imprévisible. Entré à la Comédie française en 2008, il est en devenu Sociétaire quatre ans plus tard, une carrière maison fulgurante. Il  avait explosé dans « Le Fil à la patte » de Feydeau mis en scène par Jérôme Deschamps en jouant le rôle de Bouzin, une performance qui tournait  parfois au numéro perso. Rien de tel  ici.

Car la pièce se concentre autour d’un trio comme les Pieds Nickelés : Canciano (Gérard Giroudon), Simon (Bruno Raffaelli) et Lunardo. Trois hommes mariés vivent dans un monde devenu marchand où le pouvoir est tenu par les hommes et où les femmes n’ont pas la parole. Mais les épouses, à divers degrés, se rebiffent. Elles la prennent  la parole. EtGoldoni leur sert une soupe bien chaude, épicée et bien salée.

Lunardo veut marier sa fille à Filippetto (Christophe Montenez), le fils de son ami Maurizio (Nicolas Lormeau), sans que les deux futurs ne se rencontrent avant la cérémonie. Lesfemmes ne l’entendent pas ainsi, elles montent un stratagème carnavalesque pour que les jeunes gens se voient.  Ce qui nous vaut une enfilade de situations cocasses où Goldoni met le turbo. A quand une tournée de ce spectacle à Téhéran, à Ryad, au Caire? La pièce y sonnerait bien.

Un trio infernal

Dans une très belle scène, les trois hommes discutent du sort qu’il convient de réserver à leurs épouses respectives. Avec la complicité de son décorateur Alain Chambon (qui multiplie les signes de confinement et d’enfermement), Jean Louis-Benoit les dispose à la face, devant un rideau de fer rouillé, assis sur trois petites chaises basses en bois et paille comme on en voit souvent devant les maisons italiennes. Ils songent tour à tout à cloitrer leurs femmes, à les mettre en prison, à les assommer. Bien sût, ils n’en feront rien car, concluent-ils, ils ne peuvent se passer d’elles. Belle ambiguité de Goldoni qui  nous montre des homme autoritaires mais faibles, des femmes soumises mais revendicatrices, des mariages arrangés mais pas trop.

Les trois acteurs se complètentadmirablement entre le pantin à ressort qu’est Heck (qui rappelle ce que disait Goldoni  de Préville célèbre en son temps : « un acteur qui n’a imité personne et que personne ne pourra jamais imiter »), le colosse à la grosse voix qu’est Raffaelli (qui, lui, rappelle ce que Goldoni disait de Le Kain : « un homme prodigieux ; il avait contre lui sa figure, sa taille, sa voix »), et le lunaire  Gérard Giroudon. Je ne peux pas ne pas penser à cet autre trio de complices que formait Benoit avec Jacques Nichet et Didider Bezace, trio qui, naguère, œuvrait au Théâtre de l’Aquarium.

Felice la bien nommée

L’autre moment d’anthologie de la pièce est la grande tirade de Felice (l’épouse de Canciano), féministe avant l’heure, interprétée avec maestria par Clotilde de Bayser. Elle prend la parole, elle ne la lâcheplus, elle triomphe par son audace, le choixdes mots et leur agencement stratégique. « Il faut dire les choses comme elles sont » ne cesse de seriner Lunardo. Non, réplique Felice, militante du changement. Les costumes ternes du début ont peu à peu gagné en couleursgrâce aux femmes (et au beau travail de la costumière Marie Sartoux). Il est temps d’aller souper, dit Lunardo. C’est aussi vrai pour les acteurs et pour  le public : le spectacle ne dure qu’une heure quinze.

Après Goldoni, place à Shakespeare : Eric Ruf  met une dernière touche à sa mise en scène de« Roméo et Juliette », salle Richelieu, première début décembre. Ainsi va la Comédie Française.  Pendant ce temps-là au TNP, on crée la dernière pièce de Michel Vinaver, « Bettencourt Boulevard » (lire ici les excellents  papiers d’Antoine Perraud de Médiapart ici et ici). Il fut un temps lointain où la Comédie Française n’était pas seulement un temple du répertoire mais un lieu où l’on créait des pièces nouvelles.

Théâtre du Vieux Colombier, mar 19h, du mer au sam 20h30, dim 15h, jusqu’au 10 janvier.

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 26, 2015 8:26 AM
Scoop.it!

Crise de «Père» au Français

Crise de «Père» au Français | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Lançon dans Libération :

 

La plupart des dramaturges qui ont mis l’inconscient sur le tapis juste avant l’essor de la psychanalyse ont vieilli : en jouant leurs névroses, on bat la poussière - celle sous le divan. Les personnages ont l’air de pionniers ou de convertis qui racontent la découverte d’un territoire ou d’une religion, quand celui-ci est aujourd’hui depuis longtemps peuplé ou celle-là expérimentée. Leurs explorations et leurs révélations sont datées. C’est le cas d’August Strindberg. Et c’est le cas de cette pièce de début de maturité, Père, créée en 1887. Strindberg a 38 ans. Marié depuis dix ans, divorcé dans un, il divorcera encore deux fois. Il sait quoi penser et dire du couple, ce grand guignol intime où il arrive que chacun s’efforce, sous les feux de l’amour, de danser le scalp de l’autre pour éviter de perdre le sien. Il sait quoi penser et dire de ces êtres qu’il aime si bien, les femmes, et du lien qui les unit aux hommes. Ecoutez le capitaine, personnage principal de la pièce, le père c’est (peut-être) lui : «Mais c’est une haine raciale ! Et s’il est vrai que nous descendons du singe, il faut au moins qu’il y ait eu deux races de singes. Nous nous ressemblons si peu !»

Baobab.
Michel Vuillermoz interprète ce pauvre homme, militaire de carrière, minéralogiste de talent, esprit fort comme on disait, refusant la bigoterie et les superstitions des quatre femmes qui l’entourent, sa belle-mère, sa vieille nourrice, sa fille et d’abord son épouse, Laura. Vuillermoz est parfait dans ce rôle de patriarche bavard et castré, très XIXe siècle finissant. Parfait, car comme toujours à cheval entre caricature et opacité : un personnage de Daumier que saisiraient des accès de tendresse, de faiblesse et de modernité. Vuillermoz est un fantôme vivant du naturalisme. Son capitaine est un esprit fort, mais faible. Laura parvient, avec son active collaboration, son consentement de plus en plus conscient, à le réduire et à le rendre fou.

Elle manipule son entourage et le jeune médecin, décrit à tous une folie qui n’existe pas encore mais qui, somnolente, attend son heure. Son arme fatale est la petite graine de soupçon qu’elle sème dans le cœur de l’homme, du père de leur fille Bertha, une graine qui va devenir baobab : «Tu ne sais pas si tu es le père de Bertha […]. Non. Ce que personne ne sait, tu ne peux pas le savoir.»

En effet : jusqu’aux tests ADN, aucun homme ne pouvait être sûr d’être le père de ses enfants. C’est tout à fait logique, donc ça rend fou, qui est prédisposé à l’être. Le capitaine n’a pas tort de dire à sa femme : «Tu as le pouvoir satanique de toujours faire triompher ta volonté. Ce pouvoir-là, seuls le possèdent ceux qui ne reculent devant aucun moyen.» Mais il aurait tort de croire qu’il n’y est pour rien. Elle est devenue ce qu’il l’a laissée devenir. Le couple est la zone de l’ambiguïté féroce. Le capitaine s’applique le monologue de Shylock, faisant de l’homme le Juif de la femme, mais c’est une farce, pauvre et pesante : il n’y a pas de victime pure.

Brancard.
Laura, c’est Anne Kessler, méchant petit tas blond de nerfs et de ressentiments. Elle est terriblement agaçante, sans qu’on sache si cela vient du personnage ou de sa manière de l’interpréter, une distanciation par infantilisation. Cette incertitude est peut-être le signe d’une réussite. Comment la décrire ? C’est une poupée qui dit non, et qui sait comment l’imposer. Saturée de minauderie méchante et de volonté aveugle. Bigote, obstinée, menteuse, dominatrice - et cependant désemparée, comme effeuillée par la violence qu’elle diffuse. Une panthère en jupons qui joue la petite fille. Et qui, naturellement, obtient ce qu’elle veut : l’homme sous tutelle, la fille sous contrôle. Le reste des acteurs fait plus ou moins tapisserie devant la bibliothèque remplie de dossiers, probablement minéralogiques. C’est sans importance : ils ne sont là que pour faire avancer la démonstration. Un brancard psychiatrique attend sur le devant de la scène le futur mari, ce patient.

Pour ses débuts au théâtre, le cinéaste Arnaud Desplechin fait une mise en scène sobre, discrète, avec un fond à peine musical, une simple note qui introduit la tension et rappelle à tort ou à raison, on n’est pas allé vérifier, l’atmosphère de son premier film, la Sentinelle. Le théâtre, il l’aime, et il a su montrer comme personne, dans Esther Kahn, la magie et le paradoxe d’une grande actrice qui ne comprend rien à ce qu’elle joue si bien. Pourquoi a-t-il choisi Père, cette œuvre vieillotte où mari et femme s’étripent de réplique en réplique tout en paraissant s’adresser à l’analyste qui n’existe pas encore - et que le public ne saurait être ? Une œuvre que même Esther Kahn, si elle jouait Laura, aurait comprise ? Ce n’est pas un hasard. Il aime O’Neill, Ibsen, et Strindberg donc : tous ces maîtres de la névrose familiale, ces donneurs d’explications, ces grands auteurs périmés. Ce n’est pas ce qu’ils montrent qui est périmé ; c’est la manière dont ils le font dire. Ecoutez encore le capitaine : «Ni mon père ni ma mère ne m’ont désiré, et je n’ai eu l’impression d’être adulte que le jour où nous sommes devenus une seule et même chair. Et c’est la raison pour laquelle je t’ai laissé commander. Moi qui, à la caserne ou à la tête de mes hommes, était toujours le chef, j’étais près de toi celui qui obéit.» A l’époque, ce genre de tirade était neuf. Aujourd’hui, elle évoque une émission de télé-réalité : en ce sens, mais en ce sens seulement, Père demeure un antihéros de notre temps.

Philippe Lançon
ET aussi : Critique de Thomas Ngo Hong Roche dans son blog "Hier au théâtre" : https://hierautheatre.wordpress.com/2015/09/23/desplechin-dans-la-spirale-tamisee-de-la-guerre-des-sexes/

 

Père d’August Strindberg, m.s. d’Arnaud Desplechin Comédie-Française, 1 place Colette, 75001. Jusqu’au 4 janvier.

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 22, 2015 7:41 PM
Scoop.it!

Arnaud Desplechin : « Je pensais que le théâtre me dépassait »

Arnaud Desplechin : « Je pensais que le théâtre me dépassait » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde. Illustration : Arnaud Desplechin, Michel Vuillermoz, Anne Kessler - Photo de Vincent Pontet

 

 

C’était à quelques jours de la création de Père, de Strindberg, à la Comédie-Française. Arnaud Desplechin préparait les derniers réglages de sa première mise en scène. Il a tiré quelques bouffées sur sa cigarette, et s’est mis à parler de ce qui l’a conduit, lui, l’enfant de Roubaix devenu cinéaste, à franchir le pas en travaillant pour le théâtre. L’auteur de Trois souvenirs de ma jeunesse – son neuvième long-métrage, sorti cette année – ne cache pas le tribut, conflictuel, qu’il doit à la scène. De la même façon, il défend le choix d’une pièce, elle aussi conflictuelle, où un couple vole en éclats. Comme souvent dans ses films.

Dans quelles circonstances Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, vous a-t-il proposé d’y faire une mise en scène ?

C’était pendant le montage de Trois souvenirs de ma jeunesse, dans lequel il avait tourné. Il m’a parlé de La Forêt, la pièce d’Ostrovski dont j’ai fait un film pour Arte, avec les comédiens qui l’avaient jouée à la Comédie-Française. Il m’a dit que la troupe avait été heureuse de travailler avec moi. Il était déjà arrivé qu’on me demande de travailler pour le théâtre. J’ai toujours décliné, parce que je sentais une sorte d’effroi rien qu’en y pensant. Dans la proposition d’Eric [Ruf], il y avait une telle douceur que je me suis senti protégé. Il y a quelque chose de générationnel entre nous. Et j’ai un attachement particulier à la Comédie-Française, que je connais bien, depuis longtemps : c’est l’un des tout premiers théâtres où j’ai été, quand je suis arrivé à Paris pour mes études de cinéma.

Quand vous étiez à Roubaix, où vous avez grandi, vous alliez au théâtre ?

Oui, parfois. Je me souviens très bien de la toute première fois. Elle m’a laissé un souvenir à ne plus jamais y retourner. J’étais en primaire, on nous a emmenés voir un Molière. Evidemment, dès qu’on a été lâchés dans la salle, on s’est déchaînés, en jetant des boulettes sur les acteurs. L’un d’entre eux, qui était très vieux, s’est tourné vers nous et nous a dit : « Ça suffit, arrêtez, ce que l’on fait, c’est un travail. » Tout à coup, il y a eu un embarras. L’illusion s’effondrait : « Mince, ce sont de vraies personnes ! » Pour moi, cet incident était dérangeant. J’ai compris que, contrairement au cinéma, les acteurs n’étaient pas protégés de notre sauvagerie enfantine.

Heureusement, j’ai eu d’autres expériences. Quand j’étais au lycée, on nous a emmenés voir La Dispute de Marivaux mise en scène par Patrice Chéreau. Ça a été un choc. J’ai assisté à d’autres spectacles de metteurs en scène d’importance, comme Roger Planchon. Ils m’ont marqué. Mais déjà à ce moment-là, j’avais cette idée que je traînerais longtemps : le monde que je désire habiter, c’est le cinéma, qui est un art forain ; le théâtre est un art noble, qui me dépasse. Arrivé à Paris, quand je suis allé au théâtre, j’étais frappé par le fait que les gens se regardent, quand ils entrent dans une salle. Au cinéma, chacun baisse la tête pour ne pas voir l’autre. Ce sont des collectivités très différentes. Et, c’est peut-être idiot, mais je me disais : « Quand on aime la vie, on va vers le théâtre, et quand on pense qu’on doit être protégé de la vie, on va au cinéma. »

Vous parliez des chocs, comme « La Dispute ». Qu’ont-ils apporté au cinéaste que vous vouliez devenir ?

Beaucoup. Particulièrement le Hamlet mis en scène par Patrice Chéreau. Je l’ai vu trois fois. C’était au début des années 1980, et comme beaucoup de jeunes cinéphiles, j’étais en combat contre la cinématographie de mon pays. En sortant de cet Hamlet, je me suis dit : c’est le meilleur film que j’aie vu. A cause de sa puissance d’expression. Et puis, dans ce spectacle, je voyais le dessein du metteur en scène.

Cette fonction du metteur en scène qui m’était obscure en sortant de l’école de cinéma, j’arrivais à la voir dans des films américains, je la voyais mal dans les films français, et je la vois vraiment avec le Hamlet de Chéreau. Du coup, j’assiste trois fois au spectacle, pour apprendre. Et je me dis : « Voilà ce que j’ai raté, dans mes années de formation au cinéma, en n’allant pas au théâtre. »

Alors je suis allé voir les spectacles de Bernard Sobel, Peter Brook, Claude Régy… Du coup, bon an mal an, venant du cinéma et ayant choisi de ne pas appartenir au théâtre, je n’arrêtais pas d’y retourner, et j’apprenais.

C’est donc fort de cette expérience particulière que vous arrivez au Français pour mettre en scène « Père », de Strindberg. Est-ce vous qui avez choisi la pièce ?

Oui. J’arrivais tellement incertain de moi que j’ai décidé d’aller vers des textes que je connaissais déjà. J’ai relu Ibsen et Strindberg, en particulier. Puis j’ai écarté les pièces que j’avais vues et dont les mises en scène étaient si réussies que je savais que je ne pourrais pas faire mieux.

Patrice Chéreau disait que la question n’est pas de faire mieux, mais autrement.

Mais ça aussi, je n’étais pas sûr de le pouvoir. La première fois que j’ai assisté à un spectacle de Claude Régy, je me suis dit : « Pour faire entrer en scène un acteur comme il le fait, il faut vingt ans de théâtre. » Au cinéma, c’est très facile. C’est d’ailleurs très facile de faire un film. Claude Chabrol disait que ça s’apprend en quinze minutes. Comme je fais le chemin inverse, du cinéma vers le théâtre, et que cela me procure un désarroi, il fallait au moins que je puisse apporter quelque chose aux acteurs. Et la seule pièce que je pouvais offrir aux acteurs, c’était Père, de Strindberg, parce qu’avec cette pièce j’arrivais avec un savoir qui est celui de Bergman. Un savoir de cinéma.

Strindberg a vraiment influencé Bergman, que je connais bien. Je sais quelque chose de l’irrémédiable, je sais comment un homme et une femme formant un couple peuvent être amenés au pire. Je sais que la dispute entre eux n’a de valeur que si l’amour qu’ils se sont porté existe. Ce n’est pas « gothique », ça peut arriver tout bêtement comme dans Scènes de la vie conjugale ou Une passion, des films qui ont influencé mon travail. Chez Strindberg, ce n’est pas comme chez Ibsen, où les couples s’aiment peu. Il y a un côté très romantique, très adolescent, une quête de l’amour éperdu.

Cette vision règle un peu vite la question de la misogynie de Strindberg, non ?

Bien sûr, cette question ne se règle pas aussi vite. Il ne faut pas oublier qu’elle correspond à une époque où les femmes prennent conscience de l’injustice de leur sort. Ce conflit entre la misogynie et le féminisme est très déstabilisant, mais on peut le transformer en vécu si l’on montre qu’entre Laura et Adolph, le couple de Père, une conversation a eu lieu, au début de leur histoire.

Leur combat n’est beau que parce qu’ils cherchent à continuer cette conversation qui devient amère, âcre, désespérée : un jeu sinistre où chacun essaie de blesser l’autre, où chaque réplique se transforme en arme. Le couple s’effondre dans ce combat. Et en même temps, Laura et Adolph n’arrivent pas à arrêter de se blesser, parce que sinon ils arrêteraient de s’aimer.

Comment avez-vous travaillé tout cela avec les acteurs ?

Nous avons fait très peu de lectures à la table, et sommes passés au plateau dès le troisième jour de répétition. La question s’est posée de savoir si je serais épaulé par un dramaturge dans mon travail de mise en scène. J’ai choisi de ne pas en avoir. J’avais besoin d’être seul pour créer un « complot » avec les acteurs, et je savais que j’allais leur demander d’être indécents : ce dénuement devant l’amour, cette misogynie, tous ces sentiments qui sont embarrassants à jouer et demandent d’être impudique, ne pouvaient pas s’accommoder de la présence d’un autre témoin.

Mon objectif, à chaque répétition, était d’exacerber l’instant, de donner une matière aux comédiens, pour qu’à la fin de la journée, ils puissent partir en ayant conquis quelque chose et qu’ils puissent bien dormir pour recommencer le lendemain.

N’avez-vous pas peur d’être attendu au tournant, avec cette première mise en scène ?

Je vais sûrement être attendu au tournant. Mais je suis tellement heureux d’avoir fait ce travail que je n’ai pas peur, à cause des comédiens. Ce sont des athlètes.

Brigitte Salino
Journaliste au Monde

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 17, 2015 5:41 PM
Scoop.it!

Un bel hommage à Bob Dylan par la jeune garde de la Comédie-Française

Un bel hommage à Bob Dylan par la jeune garde de la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

"Par Bertrand Renard pour francetvinfo.fr :

 

Comme une pierre qui…" met en scène la séance d’enregistrement, le 16 juin 1965, par Bob Dylan et ses musiciens, de "Like a rolling stone" : "Au bout de la sixième minute, le destin du rock s’en trouve définitivement changé" (Greil Marcus).

 

 

Une idée inspirée par le livre de Greil Marcus

On doit l’idée du spectacle au tandem Marie Rémond-Sébastien Pouderoux, lui, un des plus récents pensionnaires de la Comédie-Française. Sollicités par Eric Ruf pour ce Studio-Théâtre qui devrait retrouver une vocation expérimentale qu’il n’a d’ailleurs jamais vraiment perdue, les deux complice, fans, tous deux, de Bob Dylan, trouvent l’idée motrice de « Comme une pierre qui… » dans le livre de Greil Marcus : Marcus, grand connaisseur de la musique rock et des cultures américaines des sixties, consacre son texte à cette séance aussi jubilatoire que chaotique où un Dylan de 24 ans, quasi autiste, réunit des musiciens brillants mais largués autour du projet obscur de « Like a rolling stone », au texte magnifique mais tout aussi obscur (et qui le restera).

Le producteur, Tom Wilson (inénarrable et magnifique Gilles David), vient du jazz, a travaillé avec Coltrane et Sun Râ, méprise ces petits folkeux jusqu’à ce qu’il s’attache à Robert Zimmermann, gringalet qui lui semble (bien vu !) avoir une autre étoffe. 

"Une page capitale de la musique contemporaine"

Le décor est planté. Dans ce studio va se jouer une aventure humaine. Six hommes qui se connaissent à peine écrivent (et incarnent) devant nous une page capitale (dixit Marcus) de la musique contemporaine. C’est la première belle et simple idée du spectacle : des caractères, avec leurs joies, leurs peines, leurs incompréhensions, leurs conflits, leurs angoisses, leurs satisfactions, les incidents et les réussites, d’autant plus drôles (on rit souvent) et émouvants qu’aucun d’entre eux (peut-être Dylan, et encore !) n’a conscience le moins du monde de participer à un enregistrement légendaire.

Mike Bloomfield, le guitariste, improvisé bras droit de Dylan (Stéphane Varupenne, superbe, se révèle de plus en plus comme un des piliers de la jeune garde du Français), donne aux autres ce genre d’indication : « Tu fais deux fois fa deux fois sol –Mais c’est binaire ? Ternaire ? – Oui, oui… Euh !... Comme « La Bamba » en fait, mais en plus chaloupé » !

Au coeur de l'acte créatif

La deuxième belle idée, qui prolonge la première, c’est de nous montrer la création, l’acte créatif, dans ses accidents, ses fulgurances, ses doutes, ses recherches, ses intuitions, là où la frontière est mince entre le pur miracle et le grand n’importe quoi et où, au final, la catastrophe attendue se transforme en pur chef-d’œuvre. Bien sûr c’est le génial Dylan qui est devant nous mais tout ce qu’a écrit Dylan n’est pas forcément chef-d’œuvre. On pense d’ailleurs à la scène, suffocante, de l’"Amadeus" de Forman où un Mozart à l’agonie arrache de ses tripes son "Requiem" devant un Salieri médusé quand, au texte gentiment insipide de l’apprenti parolier Al Kooper, Dylan répond par l’un des siens, vingt pages fulgurantes (et Sébastien Pouderoux est fulgurant lui aussi dans sa re-création du chanteur-poète).

La mise en scène fluide de Marie Rémond

Marie Rémond déploie une autre qualité : dans le petit espace où chacun est à sa place –au piano, à la batterie, à l’orgue, avec au centre Broomfield, Dylan, et leurs guitares-, elle dessine une mise en scène fluide, jamais statique ni figée, où circulent vraiment la vie et l’énergie d’un groupe musical. On apprendra d’ailleurs au passage comment jouer de l’harmonica en fumant une cigarette…

D'excellents comédiens musiciens

On a cité David, Varupenne, Pouderoux, on y ajoutera le jeune Christophe  Montenez, formidable en Al Kooper, le petit guitariste qui a obtenu le droit d’assister à l’enregistrement et qui se retrouve (en s’imposant au bluff) titulaire de la partie d’orgue, éperdu d’admiration pour Bob autant que tétanisé d’être là, à la fois avec ses camarades et les regardant faire. Gabriel Tur (Bobby Gregg) et Hugues Duchêne (élève-comédien qui ne devrait pas le rester longtemps en Paul Griffin) sont très bien aussi.

Nous avons donné le nom des musiciens originels pour le plaisir et l’information des Dylanolâtres… que nous ne sommes absolument pas ! On avait de ce fait été très désarçonné par « I’m not there », le film de Todd Haynes où Dylan était joué successivement par six acteurs, dont Cate Blanchett et Charlotte Gainsbourg : nous connaissons des inconditionnels de Dylan qui avaient adoré, quant à nous, nous n’avions rien compris. C’est dire que le plaisir que nous avons pris à "Comme une pierre qui…" peut être autant partagé par les amoureux de Dylan que par ceux qui ignorent tout de lui : autre réussite à mettre au crédit du tandem Rémond-Pouderoux et de leurs acteurs-(étonnants) musiciens. Car, à travers cette histoire, c’est aussi celle d’une Amérique bouillonnante et mythique qui nous est contée, dont nous gardons tous l’irrépressible nostalgie.

"Comme une pierre qui…" au Studio-Théâtre de la Comédie-Française
Jusqu’au 25 octobre 
Spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux d’après le livre de Greil Marcus, « Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins ». 
99 rue de Rivoli, Carrousel du Louvre, 75001 Paris
01 44 58 98 58

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 11, 2015 3:24 AM
Scoop.it!

«La Comédie-Française a besoin d’être bousculée»

«La Comédie-Française a besoin d’être bousculée» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Hugues Le Tanneur pour Libération. Photo Chr. Raynaud de Lage

 

Alors que démarre sa première saison, le nouvel administrateur, Eric Ruf, détaille les projets qu’il développe pour la vénérable maison.

 

 

Il ne renverse pas la table, ne fait pas la révolution. L’arrivée d’Eric Ruf, nommé le 4 août 2014 à la tête de la Comédie-Française, marque cependant une rupture significative avec les méthodes souvent controversées de Muriel Mayette, qui a dirigé la maison pendant huit ans sans grandes prises de risques.

Entré à la Comédie-Française en 1993, Eric Ruf s’y est illustré en tant qu’acteur mais aussi comme metteur en scène et scénographe. Dans son bureau où il nous reçoit l’œil vif et pétillant, il affiche l’assurance sereine d’un capitaine de vaisseau tout à son affaire, qui vient de passer plus d’un an à rencontrer des metteurs en scène de renommée internationale afin de les confronter à la troupe. Avec Arnaud Desplechin en ouverture de saison, mais aussi Bob Dylan raconté par Greil Marcus plus tard et 20 000 lieues sous les mers monté par Christian Hecq, ainsi que le projet d’une salle modulable prévue d’ici 2020, il entend insuffler un vent nouveau à l’institution.

Votre première programmation en tant qu’administrateur tranche avec ce qui s’est fait dans les années précédentes. Vous avez voulu marquer un renouveau ?


Non pas exactement. Je connais la maison de l’intérieur, je sais que ce n’est pas à l’aune d’une mandature qu’on peut changer quoi que ce soit. Déjà si à la fin de mon mandat la maison continue à bien fonctionner, je pourrai m’estimer heureux.

Quelle vision avez-vous, à l’orée de cette première saison, de votre mission d’administrateur ?


C’est un exercice d’équilibre assez fragile. Il y a deux choses à réussir à la Comédie-Française : l’une est de satisfaire la demande du public ; l’autre est de satisfaire les aspirations de la troupe. Les deux ne se conjuguent pas toujours.


Dans une telle maison, au fonctionnement quasi autarcique, avec ce côté patrimonial dont les origines remontent au XVIIe siècle, quelle est votre marge de manœuvre pour faire bouger les choses ?


La Comédie-Française est une maison qui a besoin d’être bousculée, mais dans le bon sens. L’idée n’est pas de tout remettre en question sur le plan administratif ni sur le plan artistique. C’est une question de méthodologie. Le public entretient une relation très particulière avec la Comédie-Française. J’ai signé des autographes intergénérationnels pendant toute ma carrière. Rares sont les théâtres où existe une relation de cet ordre avec le public.

 

 

Lire l'article entier : http://next.liberation.fr/culture-next/2015/09/10/la-comedie-francaise-a-besoin-d-etre-bousculee_1379714

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
August 24, 2015 9:16 AM
Scoop.it!

Les décors de la Comédie-Française, de Sarcelles à la place Colette

Les décors de la Comédie-Française, de Sarcelles à la place Colette | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Laurence Lamoureux dans La Croix :

 

LA COMÉDIE-FRANÇAISE (3/5) Pour chaque nouvelle mise en scène, des dizaines d’artisans travaillent à la réalisation des décors, alliant savoir-faire traditionnel et logiciels informatiques.

 

Quand le rideau se lève sur la pièce de Lorca, La Maison de Bernarda Alba, ce que l’on remarque immédiatement, ce sont les décors : de hauts murs de sombre dentelle qui, au cours du spectacle, s’illuminent ou s’assombrissent, s’ouvrent sur les personnages ou les laissent seulement deviner.

Signés Andrew D. Edwards pour la mise en scène de Lilo Baur, ils ont été réalisés, comme tous les décors utilisés dans la salle Richelieu ou au Théâtre du Vieux-Colombier, dans les ateliers situés à Sarcelles, dans la banlieue nord de Paris.

Les problèmes de place

Auparavant à Paris, ces ateliers ont dû migrer en banlieue nord à la fin des années 1970 pour des questions de place. En effet, pour construire et stocker des décors de 7 à 8 mètres de haut, il faut de l’espace, beaucoup d’espace. Une trentaine de personnes travaillent dans trois grands bâtiments gris ressemblant à des hangars et qui abritent tous les corps de métier : menuisiers, ébénistes, serruriers, ferronniers, soudeurs, tourneurs, ferblantiers…

Dans l’immense atelier de menuiserie, deux maquettes représentant Notre-Dame de Paris et le Sacré-Cœur dominent une cabine téléphonique anglaise, devant laquelle un cochon rose grandeur nature, en bois et en carton, rappelle une pièce de Dario Fo. Un fauteuil monumental est la fidèle reproduction de celui dans lequel Molière joua pour la dernière fois le Malade imaginaire le 17 février 1673.

La démesure côtoie la précision

Eric Dupuis, chef constructeur de l’atelier de menuiserie, est issu de l’école nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT). Il dirige sept personnes qui ont toutes une formation spécifique de constructeurs de décors. Arrivé depuis peu, il semble ravi de son poste et espère y rester « le plus longtemps possible ».

Dans la salle où travaillent les peintres, des passerelles dominant le sol permettent d’avoir une vue d’ensemble. Trois peintres armés de longues brosses peignent en vert d’eau de grands panneaux de bois qui seront ensuite patinés. La démesure côtoie la précision… Du bâtiment voisin se dégage une odeur de métal, c’est ici que l’aluminium est travaillé par les serruriers, qui réalisent châssis et pièces de ferronnerie comme les rampes et les balustrades… Ils utilisent également l’acier, qui permet de construire des structures plus résistantes. 

 

Lire l'article entier : http://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Les-decors-de-la-Comedie-Francaise-de-Sarcelles-a-la-place-Colette-2015-08-19-1345737

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
February 3, 2016 8:15 AM
Scoop.it!

Les derniers jours de l'humanité de Karl Kraus, mise en scène David Lescot, au Vieux Colombier

Les derniers jours de l'humanité de Karl Kraus, mise en scène David Lescot, au Vieux Colombier | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde

 

Ah, Dieu ! Que la guerre est moche ! Avec le Viennois Karl Kraus, on est loin des enthousiasmes qu’elle pouvait susciter chez Apollinaire. Il n’y a pourtant rien de plombant, mais, au contraire, une grande délicatesse dans la manière qu’a David Lescot de s’emparer de l’art désespéré du caricaturiste Kraus, et de ce monument sur 14-18 qu’est Les Derniers Jours de l’humanité.

Lire l'entretien : David Lescot et Denis Podalydès : « Karl Kraus a mis la langue populaire dans la littérature »

C’est un monde désaccordé qu’il met en scène, un monde où l’harmonie a été brisée, saccagée, à l’image des pianos cassés qui jonchent le plateau. Un monde où la bêtise a gagné, où elle triomphe et bombe le torse. Décomplexée, dirait-on aujourd’hui. Et un monde que David Lescot nous renvoie, à nous, spectateurs, comme un reflet de nous-mêmes, avec le grand miroir qui occupe le fond de la scène, et prend l’ensemble du public dans son eau glacée.
Dizaines de saynètes

Et c’est un drôle de caf’conc’grinçant et mélancolique qu’il invente, avec ses figures qui défilent en des dizaines de saynètes comme dessinées d’un seul trait. Tout commence avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, à Sarajevo, le 28 juin 1914, et tout s’achève, fin 1918, quand Kraus conclut ce « mortel bal masqué ».

Entre-temps, on aura vu défiler tous ces fantoches, toutes ces grandes personnes qui semblent incapables de saisir que la guerre n’est pas un jeu d’enfants ni une conversation de salon : militaires égrillards ou gâteux, bourgeois rabâchant le discours patriotique déversé par les pouvoirs politique et religieux, prolétaires galvanisés, et cette reporter de guerre qui a existé, Alice Schalek, qui fait à la fois les questions et les réponses des personnes qu’elle interviewe et ponctue tout le spectacle.
Art du contrepoint

Que la guerre soit moche, ce sont les images d’archives qui le montrent. Choisies par l’historien Laurent Véray, elles offrent un contraste saisissant avec ces bouffons qui s’agitent sur le plateau. Elles portent la réalité de la guerre, sa vraie douleur, celle des estropiés, des gueules cassées, des gazés. Celle des paysages et des villes dévastés, à l’image d’Ypres en ruine, longuement filmée en 1915, après la bataille des Flandres.

Tout le spectacle de David Lescot est construit sur cet art du contrepoint, où la musique joue un grand rôle. Le carnaval macabre s’accompagne des morceaux sublimes de Berg, de Schoenberg, de Schreker ou de Zemlinsky que joue en direct l’excellent pianiste Damien Lehman, et des lieder que chante, fort bien, l’actrice Sylvia Bergé.


Des ombres interchangeables

C’est d’ailleurs une fine équipe d’acteurs qu’a réunie David Lescot, en choisissant de faire jouer cette ronde de personnages par quatre d’entre eux seulement, ce qui est un parti pris fort pertinent. D’abord, parce que cela renforce cette impression d’avoir affaire à des ombres interchangeables, et pas à des êtres humains singuliers. Ensuite, parce que c’est l’occasion pour les comédiens de déployer un jeu très ludique, et tous y sont formidables : Sylvia Bergé, Bruno Raffaelli, Pauline Clément, la dernière recrue de la troupe, fine et gracieuse.

Mais, à ce jeu-là, c’est encore une fois Denis Podalydès qui gagne. Un Podalydès éblouissant passant, en un clin d’œil, d’une figure, d’une posture, d’une mimique à l’autre, avec un sens de la caricature virtuose. Avec lui se rejoint le projet de Karl Kraus, qui, au-delà de montrer la guerre, était de mettre en scène l’humanité.

Les Derniers Jours de l’humanité, de Karl Kraus (traduit de l’allemand par Jean-Louis Besson et Henri Christophe, éditions Agone, 782 p., 35 €). Conception et mise en scène : David Lescot. Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris. Tél. : 01-44-58-15-15. Mardi à 19 heures, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 heures, jusqu’au 28 février. De 9 € à 31 €. www.comedie-francaise.fr

Fabienne Darge
Journaliste au Monde

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
February 2, 2016 5:29 PM
Scoop.it!

Le metteur en scène Alain Françon / France Inter

Le metteur en scène Alain Françon / France Inter | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Alain Françon est l'invité de "l'Humeur vagabonde " sur France Inter pour la mise en scène de Qui a peur de Virginia Woolf ?  d'Edward Albee, avec Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff, Julia Faure, Pierre-François Garel, jusqu'au 3 avril au théâtre de l'Oeuvre

 
Ecouter l'émission : http://www.franceinter.fr/emission-lhumeur-vagabonde-le-metteur-en-scene-alain-francon

Un homme et une femme, déjà bien alcoolisés, rentrent chez eux au milieu de la nuit.

A l’irritabilité de l’une et à la déférence sarcastique de l’autre, on sait sans le moindre doute qu’ils sont mariés depuis longtemps.

Ils sont comme les deux pôles d’un engin explosif que la moindre étincelle peut faire exploser.

Cette étincelle se produira avec l’arrivée d’un jeune couple, Nick et Honey, que Martha et George vont manipuler avec sadisme et prendre à témoin de leur interminable et violente scène de ménage.

Qui a peur de Virginia Woolf ?, célèbre pièce d’Edward Albee, écrite en 1962, montée à Broadway, a été immortalisée au cinéma par le couple Taylor-Burton mis en scène par Mike Nichols en 1966.

A l’époque, la crudité du langage et l’incroyable cruauté de cet affrontement conjugal, situé dans une petite université, au cœur d’une Amérique puritaine, avaient sidéré la critique.

 

Cinquante ans plus tard, le texte d’Albee a-t-il résisté à l’épreuve du temps ?

En tout cas il fascine encore les grands comédiens, comme Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff qui ont convaincu Alain Françon de les mettre en scène.

Daniel Loayza en a réalisé une nouvelle traduction, prenant en compte des corrections effectuées par l’auteur en 2005. Sur la scène du Théâtre de l’Oeuvre, Valadié et Yordanoff sont incroyables de force et d’intelligence. Face à eux, Julia Faure et Pierre-François Garel réussissent l’exploit d’exister mieux que bien.

Dans un décor minimaliste de Jacques Gabel et la belle lumière de Joël Hourbeigt, ses habituels complices, Alain Françon a déshabillé la pièce d’Albee de tout réalisme pour mieux laisser la place au texte et au jeu des acteurs.

Dans un mois il sera à la Comédie Française avec La Mer de son cher Edward Bond.

 

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
January 30, 2016 10:27 AM
Scoop.it!

"Les derniers jours de l’humanité" de Kraus en cabaret décati

"Les derniers jours de l’humanité" de Kraus en cabaret décati | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Christophe Candoni pour Toutelaculture.com

 

Auteur, metteur en scène et musicien, David Lescot adapte sur la scène du Vieux-Colombier Les Derniers jours de l’humanité de Karl Kraus dans une forme de music-hall désuet et poussiéreux. Les acteurs de la Comédie-Française y brillent d’aisance et de plaisir mais dans un registre histrionique bien trop forcé. 



En 1915, Karl Kraus, auteur, dramaturge et critique théâtral né en Bohème, observateur fin et polémiste de son époque, commence la rédaction d’une œuvre bien étrange, inclassable et insaisissable comprenant 5 longs actes, 209 scènes, multipliant personnages et situations pour restituer, à la manière d’une chronique politique et poétique, la société dans laquelle il vit pendant la Première Guerre mondiale, une guerre qu’il condamne avec verve et sans détour, pourfendant l’esprit belliqueux de ses contemporains et leur opposant de vibrants discours pacifistes et humanistes.
David Lescot resserre habilement et heureusement l’œuvre aux dimensions colossales et conserve son aspect documentaire grâce à la projection d’images d’archives en noir et blanc en fond de scène. Devant un miroir-écran, quatre acteurs passent d’un rôle à l’autre et enchaînent les saynètes ponctuées d’intermèdes musicaux. Damien Lehman joue au piano les grands compositeurs viennois du début du XXe siècle (Franz Schreker, Arnold Schönberg) et accompagne Sylvia Bergé, diva apprêtée qui chante deux lieds crépusculaires signés de Berg puis Zemlinsky avec une solide technique de soprano mais des moyens vocaux désormais bien fatigués.
Une allégresse et un humour indéniables s’offrent aux spectateurs mais tout semble complaisant, peu inventif, moins incisif encore. Les acteurs paraissent livrés à eux-mêmes dans des compositions et des numéros dessinés à gros traits. Denis Podalydès à qui revient la plus grosse part du texte braille et surjoue tandis que rivalise Bruno Raffaelli en en faisant des caisses. Plus fine est Pauline Clément, dernière pensionnaire entrée dans la troupe et seule touche de fraîcheur de la représentation tant le reste semble éculé. Elle fait une bien mignonne et touchante ingénue et devrait faire merveille dans les jeunes premières du répertoire classique, pour peu qu’il soit cette fois davantage revitalisé.

 

Christophe Candoni

 

Du 27 janvier 2016 au 28 février 2016

Prix : 31 €
 
Théâtre du Vieux-ColombierAdresse :21 Rue du Vieux Colombier , 75006, Paris
Telephone :01 44 39 87 00
No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
January 7, 2016 8:09 PM
Scoop.it!

«Roméo et Juliette», vendetta pas lasse

«Roméo et Juliette», vendetta pas lasse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Lançon pour Next/Libération

 

A la Comédie-Française, Eric Ruf signe une nouvelle production de la pièce de Shakespeare, dont il déplace l’action en Sicile. Un parti pris qui tempère le sentiment amoureux au profit d’un charme sombre et folklorique.


La scène d'intro se déroule lors d'une fête villageoise. Photo Pascal Victor. Artcomart

 


Vérone est en Sicile, c’est-à-dire nulle part. Ou, si l’on préfère, au théâtre. Les Montaigu et les Capulet sont des clans ennemis, comme on sait. Ils ressemblent ici à des sardines en boîte : tout est sec, teigneux, endimanché, huileux, tout n’est que profils et lames de fer-blanc entre ruines du Guépard. A ce jeu, le meilleur est Pierre Louis-Calixte, qui joue Mercutio, le pote de Roméo. Louis-Calixte interprète à merveille, physiquement, les rôles d’oiseaux nerveux, sarcastiques et déchirés. Ce qui tombe bien : si Mercutio n’appartient à aucune des deux familles, il est l’un des personnages fondamentaux de la pièce, sa clé de voûte peut-être. Lorsqu’il meurt, d’une certaine façon, tout s’écroule. Poignardé pour avoir défendu l’honneur de Roméo - qui voulait «faire au mieux», tu parles ! - il emporte avec lui la joie, le plaisir, les nuits gaillardes, l’amitié de la jeunesse, et probablement les possibilités de réconciliation entre ces maudites familles à la mémoire contondante et stupide. Plus tard, ce sera l’honnête et civilisé frère Laurent, très bien interprété par Serge Bagdassarian, dont les manœuvres échoueront. Il croit trop au bon Dieu, celui-là, et pas assez en la cruauté du destin. Ceux qui veulent sauver Roméo échouent, peut-être parce que Roméo lui-même ne veut pas être sauvé. Il ne veut pas réussir : ni à aimer, ni à affronter la réalité, ni à séduire les Capulet. Il ne veut pas réussir à vivre.

Mélancolique et rêveur
Mais reprenons par le début. Dans la première scène, il y a bal public et l’on danse. Serge Bagdassarian, excellent merle également, chante des airs populaires italiens. C’est le Parrain IV, scénario de Shakespeare, mis en scène par Eric «Coppola» Ruf. Il y a de beaux mouvements de petite foule, des parfums musqués de vendetta. L’énergie et l’hostilité passent, les clichés circulent, la jeunesse aussi. Voici Roméo, qui aime alors Rosalinde, ou plutôt son fantôme. Tout va très vite, n’est pas très clair, ce n’est pas grave, Roméo non plus n’est pas très clair. Il n’est qu’inconstant. C’est un jeune homme sensible, immature, un peu brute, qui court derrière des femmes qu’il imagine un peu trop. Dans la préface à sa traduction (qui n’est pas celle que Ruf coupe et adapte, ayant opté pour la version du fils Hugo), Yves Bonnefoy trouve que le jeune amant de Vérone n’est pas du tout un bel amoureux, mais d’abord un mélancolique qui rêve un peu trop, même (et surtout ?) quand il consomme. Sa mélancolie le conduit tantôt à la faiblesse, tantôt à l’erreur ; elle en fait le responsable de tous les malheurs, les siens, ceux de Juliette et des autres.

Transposer la pièce en Sicile est un pari esthétiquement tenu : la mise en scène est cohérente et maîtrisée de bout en bout. Mais ce qu’elle gagne en jeu de précision avec le folklore, elle le perd d’abord en émotion. Pourquoi ? On peut imaginer cent idées de mise en scène de la pièce, les amants survivent à toutes puisqu’ils en meurent, mais celle de l’écrivain Antoine Volodine (1) nous éclaire sur les limites du projet d’Eric Ruf : «J’aimerais l’abstraire de son contexte italien et médiéval. Plus de clans ennemis, plus de ville nommable. Seulement des humains déchirés, en noir et blanc, avec une hostilité générale entre individus et entre hordes, une nuit permanente, du vent, beaucoup de révolte inaboutie et de silence. Une humanité redevenue nomade. Et alors, comme un joyau qui réconcilierait le spectateur avec le monde désolant de l’espèce humaine, surgirait l’amour impossible de deux enfants.» Ce n’est plus le Parrain IV, c’est un roman russe post-apocalyptique d’Antoine Volodine. Mais l’essentiel y est préservé : le jaillissement de l’amour, de son innocence au cœur des ténèbres - et la sensation profonde, intime, que le spectateur doit avoir de cette apparition sentimentale. C’est ce qui manque dans la première partie du spectacle de la Comédie-Française.


Balcon en clair-obscur
Juliette est une adolescente de 13 ans, souvent jouée par des femmes plus âgées, comme ici Suliane Brahim, mais est-il nécessaire qu’elle pérore comme une petite fille riche de 7 ans ? Roméo est un garçon bien faible, bien flottant, mais doit-il être, comme le trapu Jérémy Lopez, à ce point dépourvu du charisme de la fragilité ? L’amour est là, peut-être, on l’écoute, mais on ne le sent pas saisir ces êtres, les isoler du monde et contre leur destin. Et, cependant, peu à peu, quelque chose de sombre et d’énergique se met en place dans la beauté du décor et l’unité du parti pris. La scène du balcon, dans un clair-obscur, dépose Juliette sur la corniche d’un palais détruit au bas duquel Roméo joue le chat. Le chat ? Pauvre chat : c’est elle la féline qui, à tous points de vue, domine et ose. Elle donne le ton et, dès cet instant, la gamine Brahim éclôt différemment, elle devient une chatte aux griffes latentes et au museau aventurier.

En Sicile, c’est la mort qui finit par donner le sens et la perspective de tout ce qu’on voit et endure - qui donne du talent et leur lumière aux misères vécues. Il faut donc attendre le dernier acte pour que la mise en scène, les acteurs et les personnages se justifient et se rejoignent, dans une sorte d’apothéose amoureuse et morbide. La fin a lieu dans une reconstitution des catacombes de Palerme, face à ces momies que le photographe cubain Jesse Fernández a si bien et frontalement saisies. Non seulement c’est splendide, mais soudain tout l’amour qui manquait dans l’action des amants fleurit dans le deuil des mourants. Juliette endormie est l’une des momies décorées, pharaonne todo modo en route pour l’au-delà. Quand elle s’éveille, tout le monde est mort autour d’elle : son amant et mari Roméo, son promis Pâris. Et nous voilà dans la tombe avec elle, féline devenue biche aux abois, cherchant poison et poignard pour faire retomber le rideau anglo-palermitain. Eric Ruf, comme Peter Brook en 1947, coupe la réconciliation finale entre les deux familles. Il arrête tout au suicide de l’héroïne, dont l’éphémère supplément de vie n’est déjà plus qu’un cauchemar annonçant la minute où elle ne rêvera plus. On aurait bien pris, juste pour le plaisir, un supplément de Didier Sandre, né pour le fouet et l’alpaga, idéal de nuances chic et de violence chienne dans le rôle du père Capulet. On l’aurait volontiers entendu crier : «O ciel ! Ma femme ! Vois comme notre fille saigne…» Mais ce n’aurait pas été dans la logique de ce dynamique projet sicilien.

 

(1) Interview en préface à l’édition de Roméo et Juliette chez Garnier-Flammarion, dans la traduction de Pierre-Jean Jouve et Georges Pitoeff.

Philippe Lançon



Roméo et Juliette de Shakespeare m.s. Eric Ruf. Comédie-Française, salle Richelieu, 1, place Colette, 75001. A 20 h 30. Jusqu’au 30 mai. Rens. : www.comedie-francaise.fr

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
December 18, 2015 4:56 PM
Scoop.it!

Eric Ruf réveille « Roméo et Juliette »

Eric Ruf réveille « Roméo et Juliette » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde :

 

L’amour lui aussi serait-il un mirage, une ombre qui passe, s’agite et se pavane un moment sur la scène, puis que l’on n’entend plus ? Tel est-il, en tout cas, dans le superbe Roméo et Juliette qu’offre Eric Ruf à la Comédie-Française, et qui signe d’une éclatante réussite sa première mise en scène en tant qu’administrateur de la Maison de Molière.

« Demain, demain, demain, demain se faufile à pas de souris de jour en jour », pour encore paraphraser une autre pièce de Shakespeare – Macbeth –, dans ce spectacle qui restera comme une vraie redécouverte de ce « tube » du romantisme qu’est Roméo et Juliette, qui croule sous les clichés sirupeux ou ceux liés à son plus célèbre avatar, West Side Story. C’est par une série de subtils décalages, sans jamais violenter le spectateur, qu’Eric Ruf propose une vision neuve, tout en étant formidablement romanesque, de la pièce, qui n’avait pas été jouée au Français depuis… 1954.

Tout est beau, sans afféterie

L’administrateur de la maison signe ainsi un spectacle grand et tout public comme notre théâtre en offre finalement assez peu, à l’image du Cyrano de Bergerac de son ami Denis Podalydès, que l’on peut voir également au Français, où il est repris en cette période de fêtes et de sorties en famille.

Tout est beau, sans afféterie, dans ce Roméo et Juliette qui transpose l’histoire tragique des amants de Vérone dans une Italie du Sud aux couleurs crépusculaires. Le décor signé par le maître des lieux lui-même, qui est un remarquable scénographe, évoque plutôt, avec ses hauts murs gris écaillés, blessés comme une peau, les palais décatis de Naples ou de Palerme. Les costumes de Christian Lacroix, magnifiques comme toujours, situent la pièce dans une époque qui irait des années 1930 aux années 1960 : hommages discrets au Visconti de Rocco et ses frères et du Guépard, et à toute une histoire du cinéma italien.

L’histoire, éternelle, intemporelle, de l’amour des deux jeunes gens sacrifié sur l’autel de la lutte immémoriale entre deux clans rivaux, apparaît d’emblée dans toute sa dimension romanesque. Bakary Sangaré, que l’on retrouve ici, avec un immense plaisir, dans toute l’étendue de son talent d’acteur-conteur, apparaît sur le devant de la scène pour dire que va nous être racontée l’histoire de ces « deux amoureux aux étoiles contraires », et de leur « fin malencontreuse et lamentable ».

Hamlet avant l’heure

Et la voilà, cette histoire, recadrée tout en finesse notamment grâce au travail qu’a effectué Eric Ruf sur le personnage de Roméo. Et ce recadrage est aussi passionnant que pertinent quant à l’œuvre de Shakespeare. Si l’histoire de Roméo et de Juliette est tragique, semble nous dire le metteur en scène, ce n’est pas tant à cause de cette fameuse guerre entre les Capulet et les Montaigu – qui, au début de la pièce, a plutôt l’air d’être en voie de s’apaiser, malgré les ultimes provocations d’un des jeunes membres du clan Capulet, Tybalt.

Non, si l’histoire va si mal finir, cela tient plutôt à la personnalité de Roméo, à son inaptitude à vivre, qui fait de lui une sorte d’Hamlet avant l’heure, dans cette pièce de jeunesse de Shakespeare, écrite aux alentours de 1595, quinze ans avant Hamlet. Du coup, cela donne un Roméo qui n’est pas très flamboyant, ce dont certain(e)s se plaignent déjà, mais qui, dans la peau de l’acteur Jérémy Lopez, est tout à fait en accord avec la vision du metteur en scène : un Roméo bien peu solaire, comme absent à lui-même, qui semble contenir en lui le désir inconscient de la mort.

SI L’HISTOIRE VA SI MAL FINIR, CELA TIENT PLUTÔT À LA PERSONNALITÉ DE ROMÉO, À SON INAPTITUDE À VIVRE
Car la mort rôde, partout, dans ce Roméo et Juliette où elle ne se dissocie jamais de l’amour. A l’image de cette scène saisissante où Eric Ruf, s’inspirant des célèbres catacombes des Cappuccini de Palerme, met en scène les retrouvailles au tombeau des deux amants.

Comme un rêve

Et du coup, Juliette est une autre Ophélie, sacrifiée sur l’autel de la mélancolie de ce Roméo pour qui elle ne semble être qu’un mirage de plus, alors qu’elle est une jeune fille éclatante de fraîcheur et de désir de vivre. Suliane Brahim la joue de manière merveilleuse, cette Juliette que l’on découvre ainsi, sorte d’Audrey Hepburn d’une grâce et d’une légèreté inouïes, malicieuse, qui n’a pas froid aux yeux, et qui se fane et meurt en un clin d’œil, comme une fleur vive entre les mains d’un garçon pris dans les rets de sa morbidité.

Alors il file comme un rêve, ce spectacle de presque trois heures, qui s’appuie, en un choix qui peut paraître surprenant au premier abord mais s’avère tout à fait judicieux, sur la traduction de la pièce par François-Victor Hugo, dont Eric Ruf livre une adaptation scénique contemporaine, à la fois poétique et très efficace sur le plan théâtral.

Ainsi s’accomplit ce Roméo et Juliette, que porte une superbe distribution, composée de la fine fleur des Comédiens-Français. Pierre Louis-Calixte magnétise une fois de plus dans le rôle de Mercutio, sorte de bandit de grand chemin poétique. Didier Sandre sait mettre toute sa connaissance des grands névrosés du théâtre occidental au service du père Capulet. Claude Mathieu, Serge Bagdassarian, Danièle Lebrun… tous portent avec talent ce récit où le bruit et la fureur shakespeariens se jouent au niveau le plus intime.

Roméo et Juliette, de William Shakespeare (version scénique d’après la traduction de François-Victor Hugo). Mise en scène : Eric Ruf. Comédie-Française, place Colette, Paris 1er. Tél. : 01-44-58-15-15. A 20 h 30 ou 14 heures en alternance. De 5 € à 41 €. Jusqu’au 30 mai 2016. www.comedie-francaise.fr

Fabienne Darge
Journaliste au Monde

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
December 16, 2015 7:37 PM
Scoop.it!

Guerre des sexes à la Comédie-Française

Guerre des sexes à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Machos, moches et méchants… Eh oui, voilà comme ils sont, ces Rustres que ce cher Goldoni croque à sa manière : avec un sens de l’observation rarement égalé, et un sourire amusé toujours teinté d’une légère mélancolie. Ainsi en va-t-il dans cette pièce absolument formidable, écrite par l’auteur vénitien aux alentours de 1760 et qui, curieusement (faut-il y voir le signe d’une résistance inconsciente, dans ce bastion longtemps masculin qu’a été la Comédie-Française ?), n’avait jamais été jouée entre les murs de notre temple national du patrimoine théâtral.

Ainsi sont-ils, donc, ces Rustres que l’on redécouvre avec plaisir, malgré la mise en scène malheureusement assez grossière que signe Jean-Louis Benoît au Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris (6e), qui ne rend pas, tant s’en faut, justice à la finesse goldonienne et à ce raffinement dans l’observation des mœurs du temps. Mais les acteurs s’en donnent à cœur joie, ce qui suffit pour offrir un plaisir sur lequel on ne mégotera pas.

Masques et stratagèmes

La scène, donc, est à Venise, dans la maison du marchand Lunardo, à la fin du carnaval. La fille de Lunardo, Lucietta, et sa deuxième épouse, Margarita, se morfondent devant leurs machines à coudre : le maître de céans leur interdit de participer à la fête et aux plaisirs. A partir de là va se nouer un imbroglio avec déguisements, masques et stratagèmes, dans cette pièce qui, selon une tradition vieille de 2 500 ans puisqu’elle remonte à Aristophane, met en scène une véritable guerre des sexes – que les femmes remporteront, bien sûr, mais en une victoire au goût bien doux-amer.

La pièce va en effet opposer ces rustres d’hommes – Lunardo et ses amis Canciano, Maurizio et Simon – à leurs épouses ou belles-sœurs – Margarita, Marina et Felice, la bien nommée –, ces dernières tentant de faire entendre raison, au moins sur la question du mariage de Lucietta, à ces tyrans domestiques qui s’en vont répétant à longueur de temps : « C’est moi le maître, ici » ou « c’est moi qui commande ».

Gestuelle de pantin

Si la pièce fonctionne, malgré tout, malgré cette mise en scène un peu… rustre, c’est d’abord et avant tout grâce à Christian Hecq qui, une fois de plus, est génial dans le rôle de Lunardo. Avec son jeu extrêmement physique, ses mimiques, ses grimaces, sa gestuelle de pantin, c’est une étourdissante réinterprétation des fondamentaux de la commedia dell’arte qu’il offre ici, et c’est peu de dire qu’il fait rire le public, qui se délecte de cette interprétation.

Autour de lui évoluent des comédiens bien à leur affaire, malgré la direction d’acteurs de Jean-Louis Benoît, qui les incite à forcer le trait. Rebecca Marder et Christophe Montenez, tout nouveaux pensionnaires, sont charmants et justes dans les rôles des fille et fils à marier. Coraly Zahonero apporte à Margarita toute la subtilité et la mélancolie d’une jeune femme qui se retrouve dans le rôle ingrat de deuxième épouse d’un homme vieillissant et autoritaire. Les autres assurent, avec leur savoir-faire de comédiens-français. Tout est bien qui finit bien : les « sauvages » ont été domestiqués par les femmes. Pour combien de temps ?

Les Rustres, de Carlo Goldoni (traduction de Gilbert Moget). Mise en scène : Jean-Louis Benoît. Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colombier, Paris 6e. Tél. : 01-44-39-87-00. Mardi à 19 heures, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 heures, jusqu’au 10 janvier. De 9 € à 31 €. Durée : 2 heures. www.comedie-francaise.fr

Fabienne Darge
Journaliste au Monde
No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
December 8, 2015 7:16 PM
Scoop.it!

Roméo et Juliette : une féérie tragique

Roméo et Juliette : une féérie tragique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot pour son blog "Le Grand Théâtre du monde"


Eric Ruf signe une mise en scène très originale du chef d'oeuvre de Shakespeare. Il offre à chaque interprète l'occasion d'exprimer tous ses dons. Dans les rôles titres, Jérémy Lopez et Suliane Brahim sont bouleversants.

En attendant d'en parler dans les colonnes du Figaro et du Figaroscope, quelques mots sur ce spectacle remarquable, aussi personnel que fédérateur, signé, scénographie et mise en scène, par l'Administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf.

Un grand rideau de couleur bise ferme le plateau de la salle Richelieu. On dirait une grand voile, un peu affalée, à laquelle le vent aurait donné des plis de théâtre.

Surgit Bakary Sangaré, voix de bronze et sourire d'enfant : il est le choeur et dit le prologue -sans oublier de signaler qu'il faut éteindre les portables et ne pas prendre de photographies- avant de disparaître. On le retrouvera en Frère Jean, et il viendra clore la représentation.

D'entrée, la gravité et la fantaisie sont inscrites.

Que le rideau se lève est l'on est sur la place d'une ville aux hauts palais d'un blanc de craie qui font penser aux Pouilles plus qu'à Vérone, au sud plus qu'au nord sévère.

Au fond, sur une estrade, un homme chante en italien. On reconnaît cette voix, ce visage, ce regard. Serge Bagdassarian -physiquement métamorphosé sans rien perdre de sa présence magnétique et profonde. Plus tard il sera Frère Laurent.

Ca chante, ca danse, c'est la joie de la jeunesse ! C'est West Side Story qui paie sa dette à Roméo et Juliette. 

Frappent immédiatement les costumes, robes tendrement acidulées, vêtures des garçons qui évoquent le XXème siècle. Vêtements imaginatifs, harmonieux, seyants, de la main de Christian Lacroix.


Ca ressemble aux Pouilles, au sud, et à la fin on sera encore plus loin du côté descatacombes de Naples ou de Palerme avec leurs momies dans des vêtements d'apparat beaux comme la robe de mariée de Juliette...

Deux heures trente durant -dont un entracte- on aura suivi la tragédie terrible d'une jeunesse pure qui meurt d'amour.

Car ils sont des coeurs purs, ils sont encore des adolescents, tous ces personnages devant lesquels se dresse la volonté aveuglée des parents.

N'étaient les deux Frères, n'était la Nourrice, les grandes personnes sont déraisonnables et dures dans ce monde, même si elles se retournent, doutent, se ravisent, puis s'enfoncent à nouveau dans l'aveuglement des ogres.

C'est frappant pour les parents de Juliette, sa mère, Danièle Lebrun, toujours habillée comme une jeune fille rêveuse, son père, Didier Sandre, si aimant et pourtant si cruel avec sa fille adorée, rétive à ses décisions.

Il y a là des scènes d'une violence de cauchemar accentuées par le travail sur la version scénique. Eric Ruf s'appuie sur la traduction de François-Victor Hugo, mais a transformé, coupé, escamoté, actualisé discrètement.  

Ce qui est le plus puissant dans ce travail, c'est que chaque personnage est donné dans sa complexité. Il n'y a pas les très méchants et les très innocents : les enfants mènent leur jeu avec l'appui de quelques adultes, les adultes font du mal poussés par des forces destructrices qui les dépassent.

Avoir su, avec chaque personnage, mettre en lumière -subtilement, sans rien surligner- toutes les moirures des âmes, est sans doute la plus grande et discrète puissance de ce spectacle nourri d'une distribution magnifique.

Il faudrait des pages pour analyser chaque parcours, alors que l'essentiel serait de vous dire : courez y !

Reste que chacun, ici, est éblouissant sans que personne ne fasse "son" numéro.Chaque comédien a sa ligne mélodique, avec ses ruptures, ses éclats.

Saluons-les : Michel Favory, la sage noblesse du Prince, Christian Blanc, un Montaigu ferme et mélancolique, Danièle Lebrun, on l'a citée, la maman grisée par l'éveil de sa fille, Didier Sandre, un homme qui veut en finir avec la haine recuite, un père qui aime profondément sa fille et la perdra pourtant, un père que le metteur en scène ne craint pas de déchirer en l'affublant d'un tablier à volants pour le conduire aux moments les plus terribles. Didier Sandre est sur deux fils, impressionnant.

Le soir où nous avons vu le spectacle, Laurent Lafitte jouait Benvolio -Nâzim Boudjenah joue en alternance ce qui nous donnera une bonne raison de revoir le spectacle...Lafitte, qui chante au début avec Bagdassarian, est lui aussi parfait, sur une trajectoire tenue, rigoureuse, tout en touches subtiles par-delà la présence forte qu'exige le personnage.

Des élèves comédiens étoffent la troupe : la jeunesse de Vérone, les musiciennes.Pénélope Avril, Vanessa Bile-Audouard, Théo Comby-Lemaître, Hugues Duchêne, Marianna Granci, Laurent Robert : ils ont de la chance !

Passons aux amis ou rivaux  : Mercutio, passionnant personnage, est incarné par l'ultra sensible et précis Pierre Louis-Calixte tellement nuancé et aigu, Tybalt, l'excellent et très nuancé, lui aussi, Christian Gonon.

Les duels sont escamotés. Pas de cliquetis de fers croisés, mais des taches de sang, comme des coquelicots qui se développent à vue. Fascinante manière de se débarrasser des scènes lourdes et de leur donner un supplément de poésie et quelque chose de magique, de fantastique, d'onirique en même temps. C'est superbe.

Souvent maltraité, le Comte Pâris, prétendant de Juliette, est dessiné avec un tact et une profondeur bouleversante par un Elliot Jenicot d'une sobriété magnifique. A la fin, pauvre jeune homme pantelant, pantin abandonné au pied de la robe de Juliette, en miroir de Roméo qui s'effondrera bientôt. Morts, tous morts.

Claude Mathieu est la nourrice, aimante, compréhensive, lumineuse. Elle est d'une humanité qui comble. Comme l'est Serge Bagdassarian, Frère Laurent, par qui l'on pense que viendra une issue heureuse, mais non. L'épidémie interdit la sortie de la ville, Roméo ne recevra pas sa lettre, il ne saura pas que Juliette n'est pas morte...C'est un très grand, Bagdassarian.

Venons en aux amoureux. Et sans avoir rien dit des mouvements du décor, des courses poursuites, des trouvailles d'espaces.

Jérémy Lopez est un Roméo très jeune, encore moelleux d'enfance, un peu maladroit, mais saisi et grandi par l'amour. Il est idéal car c'est un adolescent, moins mûr sans doute que Juliette. C'est un garçon. Les scènes avec ses camarades sont délicieuses. Il a une voix bien placée, il est tendre, doux et braque un peu. Une belle idée que d'avoir confié Roméo à ce comédien là !

Suliane Brahim est Juliette. Peu dire que cette fine, gracile, belle comédienne ait déjà fait ses preuves. Elle a toujours été grande. Ici, elle se surpasse, sublimée par le rôle.

Eric Ruf aime l'audace. Rassurez-vous, elle est tenue...mais la scène vertigineuse du balcon a rarement été aussi impressionnante et l'interprète aussi magistrale. Elle est haut au-dessus du plateau comme elle est haut dans l'intelligence du rôle. Suliane Brahim possède une voix qui donne la chair de poule, un frémissement de tout l'être, une fragilité d'enfant et une ténacité de guerrière.

Les scènes avec son père sont déchirantes, la scène de la solitude dans la chambre est exceptionnelle et la mort est terrible. On a le coeur déchiré par les coups de couteau acharnés de Juliette...

Bref un immense spectacle, pensé, à la fois heureux -et l'on rit, et l'on est ému, et l'on admire et ça passe à toute allure- et à la fois tragique. Atroce histoire. On ne l'oublie jamais. Mais il y a aussi de la féérie. Ne serait-ce que dans le bonheur évident des interprètes. 


Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance jusqu'au 30 mai. A 20h30 en soirée et 14h30 en matinée (01 44 58 15 44).
www.comedie-francaise.fr
 

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 26, 2015 1:38 PM
Scoop.it!

"20 000 lieues sous les mers" à la Comédie Française - YouTube

Reportage par Culturebox :

Avis de grand frais : La Comédie- Française plonge dans « 20 000 Lieues Sous les Mers »


C'est un spectacle inédit qui inscrit les arts de la marionnette à son répertoire. 

Avec l’adaptation du roman de Jules Verne la Comédie-Française prend le large et se lance un nouveau défi. Pour la première fois, l’institution fait rentrer au répertoire, le jeu et le maniement de ces personnages articulés. Un exercice méconnu pour les comédiens qui ont du apprendre à jouer et faire corps avec leurs animaux et autres poissons construits de mousse sous le regard de Valérie Lesort et Christian Hecq, deux marionnettistes chevronnés issus de la compagnie de Philippe Genty. Les deux compères sont également « metteur en scène » et créateurs du spectacle. Un bel hommage rendu à l’univers fantastique de Jules Verne et au talent des comédiens du Français, capables de jouer tous les répertoires.

 

Une première à découvrir au Théâtre du Vieux Colombier jusqu’au 8 novembre 2015, 21 rue du Vieux Colombier. 75006 Paris

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 23, 2015 7:18 PM
Scoop.it!

« Père », le vertige d’un amour en déliquescence

« Père », le vertige d’un amour en déliquescence | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde :

 

A la Comédie-Française, où rien ne se passe tout à fait comme ailleurs, les générales de presse ont lieu le lundi, jour de relâche dans les théâtres. Celle du 21 septembre était particulièrement attendue : ouverture de la première saison programmée par Eric Ruf, le nouvel administrateur général, et première mise en scène du cinéaste Arnaud Desplechin. Il y avait du beau monde, salle Richelieu, où avaient pris place Lionel Jospin, Yasmina Reza, Claire Chazal, Eric de Chassey… (Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, est attendue mardi 22). La réussite fut à la hauteur de l’espérance : avec Père, de Strindberg, Arnaud Desplechin a montré comment théâtre et cinéma peuvent aller main dans la main, et s’offrir l’un à l’autre en cadeau.


Son spectacle est magnifique. Il rend hommage à la fois à August Strindberg, à Ingmar Bergman et aux acteurs. Il suffit parfois de pas grand-chose pour déplacer le regard et faire apparaître une pièce sous un autre jour. Avec Arnaud Desplechin, ce pas grand-chose s’appelle la simplicité. Une simplicité née du choix d’une traduction, la plus inexorable, celle d’Arthur Adamov, et d’une lecture intime de la pièce. On sait le goût du réalisateur de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) pour les conflits entre hommes et femmes. Avec Père, il est au cœur du sujet. S’il fallait résumer la pièce en une phrase, ce pourrait être ainsi : un capitaine, marié depuis vingt ans, devient fou et meurt après que le doute sur sa paternité s’est installé en lui.

« La guerre des cerveaux »

August Strindberg (1849-1912), qui vécut sa vie conjugale (trois mariages) comme un enfer et frôla la démence, décrit dans Père « la guerre des cerveaux » que peuvent se livrer les deux sexes. Il n’a pas son pareil, misogynie comprise, pour dépecer les oripeaux de l’amour moribond, et montrer comment un couple peut en arriver au désastre. Il introduit même, dans Père, une dimension incestueuse entre le mari et la femme, qui vient encore creuser l’abîme dans lequel il entraîne le Capitaine et son épouse, Laura, et nous avec eux. Il fait tant et si bien qu’à la fin, alors que l’on croyait avoir des clefs pour comprendre ce qui s’est passé, on se rend compte que, non, on n’a pas compris, et que l’on ne peut sans doute pas comprendre.

C’est cette dimension qu’Arnaud Desplechin met en scène : le vertige d’un amour en son ultime déliquescence. Le réalisateur ne cache pas le tribut qu’il doit à Bergman, lequel ne cachait pas le tribut qu’il devait à Strindberg. Ainsi se boucle une boucle sur le plateau de la salle Richelieu où la pièce se joue en costumes d’époque, ce qui permet d’admirer le savoir-faire unique de la Comédie-Française en la matière et de signaler habilement que l’on est dans une autre époque, celle du féminisme naissant. Le beau décor de Rudy Sabounghi offre des pièces en enfilade, et la lumière de Dominique Bruguière fait merveille.

Tous ces éléments sont en accord avec la tonalité qu’Arnaud Desplechin donne à Père. Il y a quelque chose de cinématographique dans sa mise en scène, qui semble «  cadrer » les personnages, de façon à concentrer à chaque instant toute l’attention sur le jeu. Quelle distribution ! Anne Kessler et Michel Vuillermoz, elle blonde et fine, lui brun et fort, forment indéniablement un couple de scène, et le couple de Père. Claire de La Rüe du Can s’affirme en Bertha, leur fille, et Thierry Hancisse, le Pasteur, montre une nouvelle fois toute sa finesse. C’est lui qui dit le dernier mot : « Amen ! » Peu avant, le Capitaine avait dit à Laura le caressant sur son lit de mort : « Pense à ce qu’était notre vie et à ce qu’elle est devenue. Tu ne voulais pas qu’elle devînt cela, je ne le voulais pas non plus, et pourtant elle est devenue cela. Qui dirige la vie ? » C’est toute la question.

Lire aussi : Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-Française  http://www.lemonde.fr/scenes/article/2015/09/17/un-petit-miracle-bob-dylan-a-la-comedie-francaise_4761355_1654999.html

Père, d’August Strindberg. Traduction : Arthur Adamov. Mise en scène : Arnaud Desplechin. Avec Martine Chevallier, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Alexandre Pavloff, Michel Vuillermoz, Pierre Louis-Calixte, Claire de La Rüe du Can. Comédie-Française, place Colette, Paris 1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. De 5 € à 41 €. Durée : 2 heures. En alternance, jusqu’au 4 janvier 2016. www.comedie-francaise.fr

Brigitte Salino
Journaliste au Monde

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 18, 2015 6:58 PM
Scoop.it!

Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-Française

Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge pur Le Monde ;

 

Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas exagérer –, mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec Comme une pierre qui…, le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.

En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement. 16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en être changée, définitivement.

L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique.


Foirage en règle

Car au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu. S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.

Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de ses camarades.

Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965. Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller. Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.

Un Dylan habité de l’intérieur

Voilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français. Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.

Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».

Comme une pierre qui…, d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, Paris-1er. Mo Palais-Royal. Tél. : 01-44-58-15-15. Du mercredi au dimanche à 18 h 30, jusqu’au 25 octobre. De 9 à 20 €. Durée : 1 h 10. www.comedie-francaise.fr

Fabienne Darge
Journaliste au Monde

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
September 12, 2015 2:26 PM
Scoop.it!

Le rock s'invite à la Comédie Française avec "Comme une pierre qui..."

Le rock s'invite à la Comédie Française avec "Comme une pierre qui..." | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Reportage FranceTV info :

 

Comme chaque vendredi, Youssef Bouchikhi est en plateau ce vendredi 11 septembre pour présenter une sélection de spectacles.

"Comme une pierre qui..." est le nouveau spectacle du studio-théâtre de la Comédie-Française. Il raconte l'histoire de 'Like a Rolling Stone', cette chanson mythique de Bob Dylan, que les spécialistes avaient qualifiée de plus grande chanson de tous les temps. "Le spectacle décortique le processus de création et la magie qui transforment une chanson dans un studio en oeuvre mythique", explique Youssef Bouchikhi.

La rentrée de l'Opéra de Paris
Nadia Roz, révélation de la scène comique, sera à découvrir à l'Apollo avec "Ça fait du bien". "Elle s'attaque entre autres à l'image de la femme dans les contes de fées qu'elle détourne et ça fait mouche à chaque fois. Elle se moque aussi des hommes dont l'ambition est de battre le record du monde de temps passé sur le canapé", raconte le journaliste de France 2 en plateau.

L'Opéra de Paris fait également sa rentrée avec deux spectacles en alternance : "Madama Butterfly", une histoire d'amour tragique entre un officier américain et une Geisha, et "Platée", "une comédie réjouissante qui plaira même aux plus jeunes", souligne Youssef Bouchikhi.

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
August 28, 2015 4:41 AM
Scoop.it!

Arnaud Desplechin, le premier fils qui dirige Père

Arnaud Desplechin, le premier fils qui dirige Père | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Patrice Trapier dans le JDD

 

Le cinéaste de Trois Souvenirs de ma jeunesse met en scène Père, de Strindberg, en septembre à la Comédie-Française. Le parcours hors norme d’un intellectuel autodidacte.

 

A 7 ans, Arnaud Desplechin avait décidé qu'il serait cinéaste. Rien autour de lui ne l'y prédisposait si ce n'est une époque où le cinéma était encore un artisanat pas une industrie de flux. Rien autour de lui ne l'y prédisposait si ce n'est sa mère, Mado, qui était abonnée à Télérama et qui, le dimanche matin, décortiquait sans fin les films qu'elle avait vus la veille avec Robert, son mari.

 

Sur une fiche à l'école, Arnaud ­Desplechin écrivit que son métier, plus tard, serait "trucman". Il avait compris, si jeune, que le cinéma appartenait au merveilleux. Que la vie réinventée au moyen de la lanterne magique était plus grande, plus belle, plus intense, plus intelligible. Qu'il tenait là un espace de protection et de projection, un lieu où, abrité par une armée de sièges et par l'obscurité, il avait tout l'univers à sa disposition, les facéties des animaux du Livre de la jungle, les multiples tours de Fantômas, John Wayne poursuivant des méchants dans un désert.

 

Lire l'article entier : http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Arnaud-Desplechin-le-premier-fils-qui-dirige-Pere-746761

 

A la Comédie-Française, salle Richelieu, à partir du 19 septembre, en alternance.

Site de la Comédie-Française : http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=1463&id=516

 

No comment yet.