Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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January 1, 2021 5:53 PM
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Robert Hossein, show d'avant 

Robert Hossein, show d'avant  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération du 1er janvier 2021

 

Rendu célèbre par son rôle de balafré dans «Angélique, marquise des anges», le comédien et metteur en scène a marqué le théâtre par une suite de superproductions à sujets historiques. Il est mort à 93 ans.

 

Marguerite Duras disait de lui qu’il était un homme de la nuit et que c’était la raison pour laquelle elle l’avait choisi aux côtés de Delphine Seyrig, dans son premier film la Musica coréalisé avec Paul Seban, en 1967, A la sortie du film, il répondait qu’il ne comprenait rien à ce qu’elle lui avait demandé ni à l’intérêt de l’histoire, mais que jamais de sa vie, il n’avait eu de meilleurs critiques et que c’était toujours ça à prendre. Cet homme de la nuit, qui aimait les habits de lumière, incarnait un théâtre monumental et incroyablement populaire, et était capable de transformer la vie du pape Jean Paul II, de Jésus ou l’histoire de la Révolution française en shows qui attiraient jusqu’à 700 000 spectateurs avec l’appui du narrateur historien vedette de télé Alain Decaux, ne verra pas 2021. Il est mort à 93 ans, ce jeudi, quelques heures après son anniversaire. Son décès a été annoncé par son épouse, la comédienne Candice Patou.

 

 

Sa mère était de Kiev, son père de Samarcande, et lorsqu’il naît, le couple a déjà migré à Paris et vit chichement. Leur fils ne cesse de se faire renvoyer des pensions, il arrête l’école après la primaire. Les cinémas de quartiers où il passe ses après-midi font le reste de son éducation et cette profusion de films suscite sa vocation. Il a une voix, un regard, une gueule, de l’ambition et du culot et après guerre, à Saint-Germain-des-Prés, il croise l’intelligentsia – Sartre notamment, Boris Vian et Genet également sans qu’on puisse le vérifier, les rencontres n’ayant pas laissé de traces, et Duras, donc. Le jeune homme apprend l’art dramatique au cours Simon, c’est un jeune acteur qui en veut et qui n’a rien à perdre. Dès 1949, il met en scène une première pièce au théâtre du Vieux Colombiers, les Voyous. Voyou, délinquant, ce qui l’aurait pu être, et ce qui l’a frôlé, à l’adolescence.

 

Au sommet de la popularité dans les années 60

Robert Hossein n’a pas rencontré la nouvelle vague et peu de cinéastes novateurs, mais peut-être n’est-ce pas ce qu’il cherchait. Tout juste remarque-t-on dans sa filmographie, le nom de Duvivier, avec lequel il tourne Chair de poule en 1963. Ou encore celui de Marcel Bluwal dont le film le Monte-charge, sort l’année d’avant. En revanche, son succès fut rapide : très vite, dans les années 50, son nom grimpe en haut de l’affiche aux côtés de stars. Dans Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, il joue face à Magali Noël, et affronte Gabin dans le Tonnerre de Dieu, de Denys de La Patellière. Parmi ses contemporains, Roger Vadim en fait sa vedette, d’abord dans Sait-on jamais… avec Françoise Arnoul et Christian Marquand, puis, dans les années 60, dans le Repos du guerrier avec Brigitte Bardot, titre demeuré célèbre, grâce au roman féministe de Christiane Rochefort duquel il est adapté – ou trahi, c’est selon.

 

Avant même le succès des Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie qui le consacre star, Robert Hossein tourne ses propres films. On peut rêver sur les titres : Les salauds vont en enfer, en 1955 d’après un roman de Frédéric Dard ou encore Toi, le venin, en 1959 avec la très jeune et magnifique Marina Vlady, qu’il a épousée. Durant toutes les années 60, grâce aux Angélique, donc, Robert Hossein est au sommet de la popularité et on suit ses mariages et ses nouvelles conquêtes dans les journaux people, Paris Match en tête, ce qui fera dire à Duras, une de ces piques dont elle a le secret, qu’il est un «Casanova de bazar».

 

Superproductions théâtrales

On a oublié la plupart de ses films, mais quand on dit le nom de Robert Hossein, on se souvient aisément que c’est lui, le premier, qui repéra Isabelle Adjani et la distribua à Reims, où il dirige une scène subventionnée, dans la Maison de Bernarda de Lorca avant qu’elle n’entre à la Comédie-Française. Croit-il suffisamment à l’attraction du théâtre ? A Reims, son slogan pour attirer les spectateurs est qu’on s’y sent «comme au cinéma». Il quitte Reims et l’aventure du théâtre subventionné pour des superproductions dont la première, est dès 1975, la Prodigieuse Aventure du cuirassé Potemkine, d’après le film d’Eisenstein, au Palais des congrès. Ce sont des blockbusters dûment mécénés, notamment par François Pinault qui le finance largement pour Celui qui a dit non, coécrit par Alain Peyrefitte et Alain Decaux, un spectacle sur De Gaulle, en 1999.

 

Jouant la carte du show immersif, il fait à plusieurs reprises voter le public en rejouant de grands procès, celui de Marie-Antoinette ou de l’affaire Seznec. A ce sujet, il expliquait à Libération : «Ne croyez pas que mon nom suffit pour que les gens se précipitent. Ça peut démarrer à fond la caisse et retomber comme un soufflé. Je ne suis d’aucun parti et je ne lèche pas les couloirs des ministères.» Le vent finit par tourner, et après quelques nouveaux projets XXL ne rameutant plus les foules en dépit des budgets de production tel un Ben Hur en 2004 monté au Stade de France, Hossein, ayant récupéré le théâtre Marigny, se lance dans des mises en scènes de textes plus classiques et à moins grand budget dans les années 2000. En 2011, fidèle à sa ferveur catholique, il monte Une femme nommée Marie à Lourdes pour une représentation unique devant un public de malades en pèlerinage. On gardera de la dernière période de l’acteur une image de Robert Hossein dans Vénus Beauté (Institut), de Tonie Marshall, où il incarne très bien la mélancolie d’un vieux voyeur octogénaire, amoureux collant d’une apprentie esthéticienne jouée par Audrey Tautou.

 

Anne Diatkine
 
Légende photo  Robert Hossein dans le Meurtrier de Claude Autant-Lara, en 1962. Photo Ullstein Bild. Getty Images
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December 23, 2020 4:49 AM
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Amélie Grand, figure de la danse contemporaine, est morte

Amélie Grand, figure de la danse contemporaine, est morte | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde  22/12/2020

 

 

Créatrice puis directrice pendant plus de trente ans des Hivernales d’Avignon, elle a su allier la danse au théâtre et à la chanson, articulant la programmation avec des cours et des ateliers. Elle est morte le 17 décembre, à l’âge de 84 ans.

Lumineuse, offensive, Amélie Grand attirait l’attention par sa seule énergie rayonnante et le sourire qui allait avec. Cette personnalité majeure de la danse contemporaine depuis le milieu des années 1970, à la tête du festival Les Hivernales d’Avignon, de 1977 à 2009, n’a eu de cesse de soutenir les danseurs et les chorégraphes pour les faire grimper en haut de l’affiche. Elle est morte jeudi 17 décembre, chez elle, à Mouriès (Bouches-du-Rhône), entourée de Julia Grand, la fille qu’elle eut de son mariage avec le sculpteur Toni Grand (1935-2005), et de ses amis musiciens, qui l’ont accompagnée jusqu’au bout avec des concerts à la guitare et à l’accordéon. Elle avait 84 ans.

 

 

Amélie Grand est né, le 17 juillet 1936, aux Sables-d’Olonne (Vendée). Ultrasportive, elle sort diplômée de l’Ensep (Ecole normale d’éducation physique), tout en s’aventurant, avec l’ardeur qui était la sienne quoi qu’elle fasse, dans des spectacles de théâtre et de cabaret. Elle donnait encore son atelier chansons à Avignon avant la crise sanitaire. « La danse perd une vibrante dame, confie le chorégraphe Dominique DupuyL’histoire d’Amélie Grand, folle de chansons, qui laisse d’un coup ses grandes amours pour se consacrer pendant des années corps et âme à la danse à laquelle elle fait vivre une aventure des plus singulières, dont je suis fier d’avoir été un des premiers héros, est incroyable. La chanson ne l’ayant pas quittée, Amélie Grand, à sa sortie des Hivernales, a rempilé, chantant et rechantant à qui mieux mieux. Ceux de la danse cependant ne pourront oublier cette convaincue, concoctant dans sa ville aux couleurs du théâtre, des moments de danse fulgurants pour lesquels elle inventa le beau titre tout en blancheur des Hivernales. »

 

Amélie Grand : « On était juste une bande d’amis qui a soudain eu une idée folle : organiser une semaine de danse dans la ville du théâtre »

 

En 1960, à Paris, sa passion toute fraîche pour la danse contemporaine se muscle auprès de la chorégraphe allemande Karin Waehner (1926-1999), nourrie d’expressionnisme, puis se diversifie au gré de différents stages. Cinq ans plus tard, Amélie Grand commence à enseigner la danse à l’université de Nanterre. Elle collabore, à partir de 1968, avec le metteur en scène Gabriel Monnet, au Théâtre de Nice, tout en dirigeant des formations en danse pour les classes préparatoires au professorat d’éducation physique. Elle est nommée conseillère « danse et théâtre » à la direction départementale de la jeunesse et des sports du Vaucluse en 1974.

 

Dans la foulée, elle ouvre les premiers cours de danse contemporaine à l’université d’Avignon, puis lance la Semaine de danse d’Avignon, en 1977. Ce qui va devenir le festival Les Hivernales d’Avignon, toujours dans la course, à l’enseigne depuis 1996 du Centre de développement chorégraphique pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, prend son élan. « On était juste une bande d’amis qui a soudain eu une idée folle : organiser une semaine de danse dans la ville du théâtre, rappelait en riant Amélie Grand, en 2018. J’avais envie de faire aimer cet art et j’ai appris sur le tas à construire et diriger ce qui est devenu un festival. »

« Une femme forte »

En lutteuse, elle va imposer l’art chorégraphique dans une ville dédiée dévolue historiquement au texte et au théâtre. « C’était une femme forte qui a su tisser des liens avec d’autres partenaires institutionnels et tenir tête aux politiques pour affirmer la présence de la danse, commente Isabelle Martin-Bridot, directrice des Hivernales depuis 2017, qui a collaboré avec elle dès 2004. C’était aussi une artiste qui savait être à l’écoute des danseurs et leur parler. »

L’identité de cette manifestation s’appuie sur les différentes passions d’Amélie Grand pour brosser une vision populaire, multicolore et joyeuse de la danse contemporaine, les bras grands ouverts au théâtre, à la chanson, au rire. L’idée forte des Hivernales : articuler la programmation des artistes avec des cours et ateliers. « Il ne s’agit pas de consommer mais de construire une culture. Les chorégraphes diffusés donnent obligatoirement une semaine de cours à des débutants ou à des professionnels qui vont assister à des représentations le soir », expliquait-elle lors d’une rencontre en 2001.

 

Aux Hivernales d’Avignon, on trouve un savant équilibre entre signatures repérées et jeunes pousses

 

D’où une communauté de passionnés faisant bouillir la marmite de la danse contemporaine du matin au soir dans la cité des Papes. On y croise, dans un savant équilibre entre signatures repérées et jeunes pousses, Elsa Wolliaston, Susan Buirge, Maguy Marin, Daniel Larrieu, Mark Tompkins…, mais aussi Yvann Alexandre, Hamid Ben Mahi, la compagnie Naïf Production…

Toujours au taquet, Amélie Grand lance, en 1997, Les Hivernales en été, et parallèlement le programme Sujet à vif, en complicité avec le Festival d’Avignon. En 2000, dans le cadre d’Avignon « ville européenne de la culture », elle met en œuvre un réseau qui relie Avignon avec des institutions de Bergen, Bologne, Bruxelles, Cracovie, Helsinki, Prague, Reykjavik, pour faire tourner dix compagnies sélectionnées dans ces différentes villes à l’enseigne d’un festival itinérant intitulé Trans Danse Europe 2000. « Amélie était une personnalité avec de l’autorité pour défendre la danse contemporaine, se souvient Bernard Faivre d’Arcier, directeur du Festival d’Avignon de 1980 à 1984, puis de 1993 à 2003. On a beaucoup collaboré ensemble et je lui demandais régulièrement conseil. C’était une excellente partenaire de travail. Elle savait résister à la mollesse du milieu avignonnais et s’est révélée une bonne tacticienne pour bâtir son festival. Elle était réaliste et idéaliste en même temps. »

 

Amélie Grand en quelques dates
 

17 juillet 1936 Naissance aux Sables-d’Olonne (Vendée).

 

1977-2009 Crée et dirige le festival Les Hivernales d’Avignon.

 

1997 Lance Les Hivernales en été.

 

2000 Met en œuvre un réseau qui relie Avignon et des institutions de Bergen, Bologne, Bruxelles, Cracovie, Helsinki, Prague, Reykjavik.

 

17 décembre 2020 Mort à Mouriès (Bouches-du-Rhône).

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November 27, 2020 12:28 PM
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Betty Jones, danseuse et chorégraphe américaine, est morte

Betty Jones, danseuse et chorégraphe américaine, est morte | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Rosita Boisseau dans Le Monde  27/11/2020

 

Figure historique du spectacle vivant, pédagogue d’exception, elle a formé des générations de danseurs et de danseuses à New York comme au Centre national de la danse à Lyon. Elle est morte le 17 novembre, à l’âge de 94 ans.

 

La danseuse, chorégraphe et pédagogue américaine Betty Jones avait beau habiter à Honolulu (Hawaï), où elle avait installé, au milieu des années 1960, sa compagnie, créée avec son mari le danseur Fritz Ludin (né en 1941), elle donnait des ateliers dans le monde entier. Très demandée par les artistes et les interprètes, elle pilotait encore une master class en 2019 à New York. Figure historique du spectacle vivant, Betty Jones est morte le 17 novembre. « Elle ne se sentait pas très bien depuis quelque temps, mais elle est morte soudainement, en une semaine, a confié Fritz Ludin dans un mail envoyé à leurs amis. Son vœu est d’être incinérée et que ses cendres soient éparpillées dans l’océan Pacifique. » Betty Jones avait 94 ans.

 

Remarquée dès la fin des années 1940 dans la troupe du chorégraphe américain d’origine mexicaine José Limon (1908-1972), dont elle interprète des pièces phares comme La Pavane du Maure (1949) et avec lequel elle dansera pendant vingt-cinq ans, Betty Jones est née le 11 juin 1926 à Meadville (Pennsylvanie). Enfant, elle prend ses premiers cours de danse à Albany (New York), où sa famille a déménagé. Elle pratique les claquettes et apprend à chanter.

 

Elle se lance professionnellement dans des études de danse classique à l’âge de 15 ans sous la direction des stars de l’époque Anton Dolin (1904-1983) et Alicia Markova (1910-2004). Dès 1942, elle participe à des pièces de la chorégraphe Bronislava Nijinska (1891-1972) tout en gagnant sa vie au gré de différents petits boulots : elle joue et chante dans la comédie musicale Oklahoma !, d’Oscar Hammerstein, lors d’une tournée de soutien à l’armée américaine, en 1945.

 

Parallèlement à ses engagements de danseuse de premier plan, sa fibre de pédagogue se développe vite : elle assiste Limon dans ses cours, en particulier à la Juilliard School, à New York, où elle donnera des master class pendant vingt ans, tout en collaborant avec l’American Dance Festival (Caroline du Nord). Elle est régulièrement invitée en France. « Toujours joyeuse, bienveillante et généreuse avec les élèves », selon Françoise Benet, formatrice au Centre national de la danse de Lyon, et toujours accompagnée par Fritz Ludin, son enseignement s’enracine dans les principes de Doris Humphrey (1895-1958), pionnière de la danse moderne américaine, et ceux de José Limon, qui travailla avec Humphrey.

Chute et suspension

Sur des musiques très variées, de Bach à Philip Glass, en passant par des ragas indiens, Betty Jones transmettait dans ses cours le fameux « Fall and Recovery » d’Humphrey, autrement dit la chute et la suspension, ou encore le rebondissement et le rétablissement. Elle reliait ce principe dynamique, qui impulse un mouvement profond et miroitant, à une recherche sur le rythme, le poids, le rapport au sol.

« Quand on voyait danser cette femme libre et pétillante qu’était Betty, cette suspension était comme un moment de rêve, une sorte d’apnée, où l’espace et le temps se confondaient quelques secondes, se rappelle Corine Duval Metral, chef du département de pédagogie au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. C’est une technique très fondatrice et structurante pour un danseur. »

Nombreux sont ceux qui ont profité de l’enseignement de Betty Jones. En 1973, lorsqu’elle fonde, toujours à Honolulu, une troupe consacrée à la transmission du répertoire d’Humphrey et Limon, elle engage comme interprète Didier Deschamps, aujourd’hui directeur de Chaillot-Théâtre national de la danse, alors jeune danseur de 18 ans. « J’avais suivi un de ses ateliers à Vichy [Allier] lorsque j’avais 15 ans, et j’avais beaucoup aimé, se souvient-il. Lorsqu’elle m’a proposé d’intégrer la compagnie, j’ai dit oui, et ça a été mon premier contrat professionnel. Le répertoire d’Humphrey et Limon est magnifique. La dramaturgie de leurs pièces repose sur une histoire qui déclenche le mouvement mais sans l’illustrer. On ne voit malheureusement plus assez leurs œuvres aujourd’hui en France. »

 

Cet héritage puissant, Betty Jones l’avait coloré à sa façon. « Mon approche de la danse offre beaucoup de similitudes avec la philosophie de Doris Humphrey et José Limon, peut-on lire dans Le Ballet (Bordas, 1981), qu’elle a coécrit. Mon objectif est que le corps suive les lois physiques naturelles, qu’il obéisse à son poids et soit articulé de manière à exprimer tout ce qu’il désire. »

 

Un but merveilleux que cette artiste, qui faisait du roller à 85 ans dans les rues de Lyon, a incarné jusqu’au bout de sa vie. Ses archives, photos, films et albums, collectés par sa mère dès ses débuts, sont conservés à la New York Public Library.

 

 

Betty Jones en trois dates

11 juin 1926 – Naissance à Meadville (Pennsylvanie)

Années 1960 – Crée sa compagnie

17 novembre 2020 – Mort à Honolulu (Hawaï)

Rosita Boisseau

 

Légende photo : Betty Jones et Fritz Ludin dans « The Winged » (1966), de José Limon. Philip A. Biscuti, Courtesy Jacob’s Pillow

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November 24, 2020 6:19 PM
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Disparition de Jean-Marie Boeglin 

Disparition de Jean-Marie Boeglin  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 24 nov. 2020

 

Il n’a pas écrit ses mémoires, il n’a pas fait un roman de sa vie et pourtant sa vie fut on ne peut plus romanesque, mêlant l’amour du théâtre et l’anti-colonialisme sous le signe commun de l’engagement. A 92 ans, Jean-Marie Boeglin vient de disparaître. Le théâtre à Lyon, à Grenoble et à Alger perd un vieux compagnon de route.

Un rebelle engagé assorti d’une irrévérence anar chaleureuse mâtinée de discrétion, tel était Jean-Marie Boeglin. Né en 1928 à Châlons-en Champagne d’un père cheminot et d’une mère femme de ménage, à quinze ans comme d’autres gamins de son âge n’ayant pas froid aux yeux, il s’engage dans la Résistance dans les pas de son père, résistant lui aussi. Il devient agent de liaison FTP. A la Libération, il commet un beau doublé : exclu des Jeunesses communistes en 1947 puis exclu de la Fédération anarchiste quatre ans plus tard. L’orthodoxie, c’est pas son truc. Objecteur de conscience, le voici au trou pour six mois. Parallèlement à ces engagements, il a très tôt chopé le virus du théâtre. Il a été inscrit aux cours Dullin, a fondé une compagnie de théâtre amateur, « Les tréteaux du terroir ». Il croise Antonin Artaud ou Arthur Adamov, dit avoir été « biberonné au surréalisme ».

En 1950, il devient instructeur régional d’art dramatique et, par la suite, dirigera des stages d’« éducation par le jeu dramatique ». C’est de ce giron que sortiront quelques pointures de la décentralisation dramatique. Lors des Rencontres internationales de la jeunesse de la Loreley en 1951, il fait deux rencontres capitales : Roger Planchon et Mohamed Boudia. Avec le premier, quatre ans plus tard, il vivra l’aventure naissante du Théâtre de la Cité à Villeurbanne dont il deviendra le secrétaire général tout en s’occupant de l’école. Avec le second, plus tard encore, après l’indépendance de l’Algérie, il allait créer le Théâtre national d’Alger.


Mais entre-temps, c’est la guerre d’Algérie. Il est, bien sûr, pour l’Indépendance. La mort sous la torture d’un étudiant algérien grenoblois le révolte et le pousse à militer pour le FLN. « J’ai été embarqué », dira-t-il. Il organise des réseaux, continue le travail au Théâtre de la Cité et à l’école, mène ces « trois vies parallèles ». Le réseau est bientôt infiltré. On le recherche. Le 26 novembre 1960, un journal lyonnais titre : « le chef du réseau métropolitain d’aide au FLN est activement recherché » et sous-titre : « il s’agit de Jean-Marie Boeglin, le secrétaire général du Théâtre de la Cité ». Il fuit à l’étranger. Condamné par contumace à dix ans de prison, il se réfugie au Maroc où il crée une société de films portant le nom de Nedjma, héroïne et titre d’une œuvre de son ami le poète Kateb Yacine.


Après l’indépendance, il gagne Alger. Commence l’aventure du Théâtre national d’Alger avec Mohamed Boudia et Mustapha Kateb. Boeglin y signe des spectacles comme la traduction de L’Exception et la Règle de Brecht qu’il avait rencontré des années auparavant à Berlin. Il met aussi en scène Foehn, pièce du dramaturge Mouloud Mammeri, première œuvre du TNA jouée en français. Le pouvoir algérien, se méfiant des électrons par trop libres, lui montre la porte de la sortie en octobre 1968. On le retrouve, dix ans plus tard, dans l’équipe de Georges Lavaudant au Centre dramatique national des Alpes. Entre-temps, son fils Bruno Boeglin a signé ses premières mises en scène. Secrétaire général puis conseiller artistique, Jean-Marie Boeglin restera auprès de Lavaudant jusqu’en 1988. C’est dans ces années grenobloises qu’on le rencontre. Affable mais discret. Ne faisant pas exploit de sa vie. Mais quelle vie !

 

Légende photo :  Jean-Marie Boeglin en 1984 à Chalons © dr

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November 19, 2020 5:51 PM
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Hubert Jappelle, fondateur du Théâtre de l'Usine à Éragny-sur-Oise, est décédé 

Hubert Jappelle, fondateur du Théâtre de l'Usine à Éragny-sur-Oise, est décédé  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Julien Ducouret dans Actu.fr      Publié le 19 Nov 20 

 

 Fondateur et directeur du Théâtre de l'Usine d'Éragny-sur-Oise, dans le Val-d'Oise, s'est éteint mercredi 18 novembre 2020 à l'âge de 82 ans.

 

 
 

Fondateur et directeur du Théâtre de l’Usine d’Éragny-sur-Oise, dans le Val-d’Oise, depuis plus de 40 ans, Hubert Jappelle est décédé.

 

Mercredi 18 novembre 2020 dans la matinée, il s’est éteint d’un arrêt cardiaque dans son sommeil à l’âge de 82 ans.

Pionnier du Festival Off d’Avignon

Metteur en scène, pionnier du Festival Off d’Avignon, précurseur dans ses recherches sur la marionnette, pédagogue, Hubert Jappelle n’a cessé de défendre un théâtre populaire en direction de tous les publics. 

"Au-delà de toute technique, il s’intéressait avant tout au texte, à l’interprétation théâtrale, à la transmission et à la perception du public, avec qui il a entretenu une constante relation de confiance. Il laisse derrière lui un grand vide mais aussi un patrimoine inestimable..."

Les membres du théâtre de l'Usine d'Éragny-sur-Oise

Hubert Jappelle fonda sa première compagnie en 1959 et devint l’un des pionniers du festival off d’Avignon. De 1966 à 1968, il fut régisseur pour le festival d’Avignon.

 

À Cergy-Pontoise en 1975

C’est en 1975 qu’il découvre Cergy-Pontoise, toute jeune Ville nouvelle. Un coup de cœur puisqu’il sera missionné avec sa troupe de participer à la création de la cellule de création au Centre d’action culturelle de Cergy-Pontoise.

Trois ans plus tard, direction Éragny-sur-Oise où il s’installe dans une ancienne papeterie.

Il décide de créer son propre théâtre à Éragny au début des années 80 afin d’y reconsidérer la question de l’acteur et de la transmission des œuvres.

 

La compagnie y accueille du public pour la première fois en 1981. C’est à partir de 1984, lorsque Hubert Jappelle décide d’y mener une activité régulière, que naît vraiment le Théâtre de l’Usine.

Spectacles et résidences

Rénové entièrement en 1994 et en 2008, puis agrandi en 2011 d’une salle de répétition, la salle de 200 places accueille aujourd’hui un public nombreux et varié, touché par les mises en scène d’Hubert Jappelle et par les spectacles des compagnies accueillies en résidence chaque année.

Le choix d’un lieu non théâtral a permis de créer un environnement pour chaque spectacle et la marionnette a été régulièrement choisie pour interpréter les grands auteurs dramatiques ou littéraires de tous les temps (Ben Jonson, Sophocle, Franz Kafka, Marcel Aymé, Karl Valentin, Nicolas Gogol…).

 

Également pédagogue, Hubert Jappelle a été chargé de cours à l’université de Paris-VIII Saint-Denis puis à celle de Paris-X Nanterre, à la Comédie de Caen, ainsi qu’au Conservatoire national de région de Cergy-Pontoise. Il a écrit Les Enjeux de l’interprétation théâtrale (L’Harmattan, 1997).

Source : https://wepa.unima.org/fr/hubert-jappelle/

 

 

Légende photo : Metteur en scène, pionnier du Festival Off d’Avignon, précurseur dans ses recherches sur la marionnette, pédagogue, Hubert Jappelle n’a cessé de défendre un théâtre populaire en direction de tous les publics.  (©D. Chauvin)

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November 19, 2020 12:48 PM
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Hommage à Michel Robin, par Eric Ruf

Hommage à Michel Robin, par Eric Ruf | Revue de presse théâtre | Scoop.it
HOMMAGE
 
Éric Ruf, administrateur général, la société des Comédiens-Français, la Troupe et l’ensemble des personnels de la Comédie-Française ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Michel Robin survenu le 18 novembre 2020, à l’âge de 90 ans, des suites de la Covid-19.
 
 
« Cette époque nous éprouve cruellement et nous la haïrons de nous priver soudainement des plus fragiles et des meilleurs d’entre nous.
 
Nous avons tous un souvenir précis de Michel, parti il y a dix ans déjà de notre théâtre. De sa tendresse et de son humour dévastateur. De sa dent aussi, carnassière et drôle. Nous comptions énormément pour Michel qui gardait un attachement indéfectible à notre Maison. De sa retraite, il prenait de nos nouvelles et suivait nos activités avec le même intérêt qu’il lisait "L’Équipe" et le destin de ses formations sportives préférées.
Il était revenu la saison dernière témoigner de son immense parcours lors d’un Paradoxe(s)
 
à devenir acteur alors qu’il désirait être notaire. Michel, donc.
Les répétitions ne lui servaient qu’à contrarier sa solitude tant son art était simple. Dès la première lecture tout était là, de son évidence et de son charme. Un monde d’humanité et d’intelligence contenu dans cette longue et humble silhouette courbée.
Michel a toujours joué les vieux, très tôt dans sa carrière. Il concédait il y a peu qu’il avait enfin l’âge du rôle et que cela le contrariait. Nous perdons un grand-père, un père de théâtre, un ami, un grand comédien.
 
Toutes nos pensées et notre tristesse accompagnent Amélie, sa fille, et Gaspard, son petit-fils, que Michel adorait. » Éric Ruf
 
Pour en savoir plus sur son parcours 
 

Entré à la Comédie-Française en 1994 ; sociétaire en 1997.

Michel Robin est engagé comme pensionnaire à la Comédie-Française le 1er novembre 1994. Il est nommé 495e sociétaire le 1er janvier 1997. Au cours de la saison 2008/2009, il interprète le Vieux dans Les Chaises de Ionesco mises en scène par Jean Dautremay au Studio-Théâtre ainsi que Brid’oison dans Le Mariage de Figaro par Christophe Rauck, repris Salle Richelieu.

Michel Robin débute au théâtre chez Roger Planchon et joue de 1958 à 1964 dans 17 spectacles dont Les Trois MousquetairesGeorge Dandin, Les Âmes mortes. Il intègre ensuite la compagnie Renaud-Barrault pour plusieurs saisons et interprète notamment En attendant Godot de Samuel Beckett, puis du même auteur joue dans Fin de partie sous la direction de Guy Rétoré au Théâtre de l’Est Parisien.


De sa carrière théâtrale hors Comédie-Française, on peut retenir des spectacles tels Les Oiseaux d’Aristophane, Le Balcon de Jean Genet, La Nuit des rois de Shakespeare, La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux. Il reçoit en 1990 le Molière du meilleur second rôle pour La Traversée de l’hiver de Yasmina Reza mise en scène par Patrice Kerbrat.


En 1994, Jean-Pierre Miquel, l’administrateur général, lui ouvre les portes de la Comédie-Française pour tenir le rôle de Trivelin dans La Double Inconstance de Marivaux.


Il incarne entre autres rôles Monsieur Rémy des Fausses Confidences mises en scène par Jean-Pierre Miquel, Firs de La Cerisaie mise en scène par Alain Françon, Louka Loukitch Khlopov dans Le Revizor mis en scène par Jean-Louis Benoit. Attaché aux personnages secondaires, il aborde son premier grand rôle au Français, en 1996, sous les traits de Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme de Molière dirigé par Jean-Louis Benoit. Au cours des années 2000, il interprète notamment le rôle-titre du Gna de Pierre-Henri Loÿs, Don Guritan dans Ruy Blas, Gérôme dans Le Dindon, Karp dans La Forêt, Tirésias dans Les Bacchantes, le Poète dans Ophélie et autres animaux, Basque dans Le Misanthrope mis en scène par Lukas Hemleb, un Bourgeois, Poète, Capucin et Cadet pour la reprise de Cyrano de Bergerac monté par Denis Podalydès.


Il incarne également Barry Derrill au côté de Michel Duchaussoy dans La Fin du commencement de Sean O’Casey mise en scène par Célie Pauthe et joue dans Cinq dramaticules de Samuel Beckett mis en scène par Jean Dautremay.

Acteur au cinéma, il passe de Goretta à Zulawski, Doillon, Lang ou Costa-Gavras. Il obtient en 1979 le Grand prix d’interprétation du jury du Festival de Locarno pour Les Petites fugues d’Yves Yersin. On a également pu l’apercevoir dans Merci pour le chocolat réalisé par Chabrol, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain et Un long dimanche de fiançailles par Jeunet. Il fait de nombreuses apparitions à la télévision : héros humain de la version française de Fraggle Rock dans les années 80 et personnage récurrent de la série Boulevard du Palais.

 

Michel Robin a quitté la troupe le 31 décembre 2010.

 

(Légende photo : Michel Robin en 2014 dans Les méfaits du tabac de Tchekhov, son dernier rôle au théâtre, sous la direction de Denis Podalydès, aux Bouffes du Nord )

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November 14, 2020 9:49 AM
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Nelly Kaplan, la fiancée des sortilèges

Nelly Kaplan, la fiancée des sortilèges | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 13 novembre 2020

 

Cinéaste, romancière, femme d’une intelligence éblouissante, elle s’est éteinte à 89 ans, vaincue par la covid. Juste trois lignes pour saluer cette artiste d’exception.

Elle nous manquait. On ne la croisait plus dans Paris depuis quelques saisons et au 34 Champs-Elysées, le téléphone sonnait dans le vide.

Elle décrochait rarement son portable. On savait qu’elle était en Suisse. Elle nous manquait et on espérait bien qu’on la reverrait un jour avec ses yeux étincelants d’intelligence et d’amour, de joie.

Sa belle voix, ce très subtil accent qui faisait que l’on n’oubliait jamais qu’elle était née en Argentine, le 11 avril 1931, dans une famille d’origine, en partie, russe.

On aimait son goût de l’aventure. Elle avait quitté son pays natal parce qu’elle ne voulait pas être enfermée dans les normes. Elle avait été une petite fille rebelle, une adolescente passionnée de livres et de films.

 

Elle ne parlait pas encore le français, mais elle s’était embarquée avec quelques sous, une lettre de recommandation du directeur de la cinémathèque de Buenos Aires pour Henri Langlois et l’énergie d’une toute jeune femme d’à peine 22 ans.


Rien que cela, cet épisode fondateur, forçait l’admiration. Après, c’est Paris, et les rencontres dont elle fait un destin. Henri Langlois l’accueille, elle envoûte Abel Gance, bien sûr, Philippe Soupault en 1955, André Breton, en 1956? la croisent par hasard mais ne la lâchent plus…Elle, Nelly, croyait aux forces décisives et savait, notamment pour Breton, rencontré dans une exposition d’art précolombien, que quelque chose allait advenir…

Pages très connues dont elle a très bien parlé, dans des entretiens, des livres, des films. Le plus bel hommage à Nelly Kaplan est signé ce matin Marie-Noëlle Tranchant : Nelly Kaplan était sa marraine de journalisme et se livrait avec une sincérité profonde à son interlocutrice-miroir…Il faut lire leurs entretiens…

C’était bien après les premières années de la beauté argentine qui faisait beaucoup penser, à des années de distance, évidemment, à une autre farouche et lumineuse venue d’Argentine, la peintre Leonor Fini. Comme Nelly, très sensible aux univers oniriques, aux chats, au surréalisme et aux univers parallèles. Sensibles aux créatures du monde, fussent-elles fées ou sorcières, anges, démons, et jusqu’aux monstres. Femmes sensibles, sensuelles, audacieuses, et très secrètes en même temps.

Dès 1954, elle assiste Gance pour La Tour de Nesle et joue Alice. Le film sort l’année suivante. Dès Austerlitz, en 60, si elle joue Madame Récamier, elle dirige la seconde équipe.

C’est elle qui applique le procédé de la « polyvision » à J’accuse.

Dès ces années là, elle écrit, publie. Des histoires souvent un peu vénéneuses, érotiques, mystérieuses. Des textes qui seront plusieurs fois republiés, sous d’autres formes : elle a un pseudonyme, Belen pour a Géométrie dans les SpasmesDélivrez-nous du Mâle et La Reine des Sabbats.

Elle ne brise pas, loin de là, avec le 7ème art, tournant des courts-métrages très beaux Le peintre Gustave Moreau, l’écrivain André Pieyre de Mandiagues avec qui elle entretiendra une longue correspondance, publiée par Tallandier en 2009;

Elle compose des portraits très lumineuse du cinéaste de génie qu’elle a accompagné longtemps : Abel Gance hier et demain, en 1963, et, vingt ans plus tard, un film d’une heure : Abel Gance et son Napoléon.

Avec Le Regard de Picasso, elle reçoit un Lion d’or à Venise en 1967.

 

 

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November 7, 2020 10:42 AM
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Jean-Pierre Vincent, coeur ardent

Jean-Pierre Vincent, coeur ardent | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 6 novembre 2020

 

 

Ancien administrateur général de la Comédie-Française de 1983 à 1986, il avait été, auparavant, le très énergique directeur du Théâtre national de Strasbourg et, plus tard, celui de Nanterre-Amandiers. Il s’est éteint dans la nuit de mercredi 5 à jeudi 6 novembre. Il avait 78 ans.

 

 

Avec lui, on refaisait le monde. On discutait, on disputait, on bataillait. Et surtout, on partageait et on applaudissait. Jean-Pierre Vincent était un esprit qui ne jugeait pas les personnes sur des critères d’appartenance –à tel ou tel journal, par exemple. Il s’intéressait aux autres, il était un citoyen engagé et n’avait jamais conçu son travail d’homme de théâtre autrement. Pourtant, il était d’abord un artiste, un être sensible, susceptible d’être blessé. Mais la camaraderie avait toujours éclairé sa vie et c’est en camarade qu’il allait sa vie.

 

Il s’est éteint dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 novembre, vaincu par des ennuis de santé en cascade : au printemps, il avait été saisi par la COVID avant de subir deux AVC coup sur coup. Il avait eu 78 ans le 26 août dernier.

 

Camarades, copains d’école : le très jeune Jean-Pierre Vincent fait ses premiers pas d’homme de théâtre, comédien, metteur en scène, homme de troupe, au Lycée Louis-le-Grand à la fin des années 50. Un groupe légendaire auquel appartiennent les jeunes Jérôme Deschamps, Michel Bataillon, Patrice Chéreau.  On ne refera pas ici la grande histoire de ce noyau d’une fertilité éblouissante. Au départ, il joue, met en scène, est le lieutenant du jeune voyant, plus du côté du dessin, de la scénographie que de la direction d’acteurs, alors, Chéreau. Le très jeune Vincent trouvera un peu plus tard son propre chemin. Il a épousé Hélène, Hélène Vincent, et, un peu plus tard, en 1964, naît Thomas, aujourd’hui réalisateur connu et original. Hélène et Jean-Pierre s’étaient séparés, et on ne peut évoquer Jean-Pierre Vincent, sans saluer Nicole Taché, ancienne co-directrice du festival d’Avignon, femme essentielle.  L’amour de la nature, du sud, des animaux et des dîners du dimanche soir (seul soir de liberté des gens de théâtre, ne l’oubliez pas) dans la maison de Nanterre et plus tard à Mallemort, entre Marseille et Avignon.

 

Plus de soixante ans durant, Jean-Pierre Vincent se sera consacré au théâtre et il avait des projets que le confinement avait suspendus, notamment avec les élèves de l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, à l’invitation de Stanislas Nordey, qu’il avait justement autrefois accueilli à Nanterre. Il devait mettre en scène Antigone, après L’Orestie d’Eschyle.

 

C’est en rencontrant Jean Jourdheuil, à l’orée de 1968, que Jean-Pierre Vincent va continuer d’affirmer sa personnalité : forte et partageuse. Tout son chemin est marqué par la lumière des années Louis-le-Grand : ensemble et intensément. On ne fera pas ici tout son parcours (on l’a écrit, rapidement, pour Le Figaro), mais on peut souligner qu’il s’est toujours conduit en citoyen, en serviteur du théâtre. Il n’a jamais lâché le fil du public, il ne s’est jamais fait gloire de ses responsabilités. Diriger le TNS, la Comédie-Française, Nanterre-Amandiers, ce n’était pas exercer du pouvoir. Mais conduire les spectateurs à découvrir de grands poètes dramatiques, de Sophocle et Shakespeare, à Jean-Claude Grumberg, Ivane Daoudi, en s’entourant toujours de ses amis, son premier cercle de travail, Dominique Muller, disparu il y a quelques mois, Michel Deustch, ou Bernard Chartreux, bien sûr, le premier des dramaturges de cet artiste marqué par son chemin avec le germaniste et philosophe Jean Jourdheuil et par son séjour à Strasbourg. Les jeunes du TNS que sont Vincent et ses proches rivalisent avec la Schaubühne de Berlin….Il y a un peu plus de deux ans, en septembre 2018, on avait organisé, pour Le Figaro, les retrouvailles de Peter Stein, l’aîné et de Jean-Pierre Vincent. On aurait pu écrire un livre…

 

Dans les années qui suivent Sartrouville, de Dijon à Toulouse en passant par Paris, il multiplie les mises en scène : Brecht comme Goldoni ou Marivaux, Labiche, mais aussi Serge Rezvani. Capitaine Schelle, Capitaine Eçço, un événement, au TNP-Chaillot, en 1971, puis Le Camp du drap d’or. Il choisit aussi Jean-Claude Grumberg. L’année suivante naît la Compagnie Vincent-Jourdheuil/Théâtre de L’Espérance et ils poursuivent leur exploration du répertoire de langue allemande, Brecht toujours, et Büchner, et Grabbe. Ils vont même jusqu’au Palace qui est alors une salle de théâtre d’avant-garde.

 

Indissociable de son parcours est aussi le peintre Jean-Paul Chambas, qui aura signé de très belles scénographies, colorées, aérées et très denses de sens

 

 

Michel Guy qui veut la jeunesse à la tête des institutions, le nomme donc à la direction du Théâtre national de Strasbourg. Il est homme de troupe, de groupe. Ceux que nous avons cités plus haut et tous ces comédiens magnifiques, André Wilms, Philippe Clévenot disparu très prématurément, Evelyne Didi, Michèle Foucher, Andrée Tainsy, Bérangère Bonvoisin, Alain Rimoux, Jean-François Lapalus, tant d’autres. Et puis, évidemment, metteur en scène frère, André Engel et son comédien premier, Gérard Desarthe.

 

Dans ces années -à, Strasbourg est la capitale du théâtre, avec Villeurbanne où règne Planchon. Les textes marquants sont des plongées dans  l’ Histoire de France : Vichy fictions (1980), ou de fantastiques coupes dans le réel : Le Palais de Justice (1981), ou encore des réflexions sur le présent comme Dernières nouvelles de la peste (83) donné dans la cour d’Honneur du palais des Papes. De ces années-là date son merveilleux Peines d’amour perdues, dans la belle traduction de Jean-Michel Déprats à qui il restera toujours fidèle, notamment pour Macbeth, quelque temps plus tard, lorsqu’il aura été nommé administrateur général de la Comédie-Française. Il avait forgé sa formule –qu’on lui a souvent piquée, depuis- : « Diriger depuis le plateau ». Il commence par Félicité de Jean Audureau, Le Suicidé de Nikolaï Erdman. Il connaît la troupe qu’il a dirigée dans Les Corbeaux de Henri Becque, un grand succès. De 1983 à 1986, avec fermeté et loyauté, il affronte tout ce qu’il peut y avoir de compliqué au cœur de cette troupe.

 

Il reprend sa liberté. Il travaille avec des jeunes. Cela le galvanise. Il le fera jusqu’à ces derniers mois. Dans cette parenthèse sans responsabilité d’institution, en 1987, il met en scène un formidable Mariage de Figaro, avec notamment Didier Sandre, Dominique Blanc, Denise Chalem, Roch Leibovici, André Marcon, pour n’en citer que quelques-uns et dans le désordre…Et il retrouve la Comédie-Française pour La Mère coupable en 1990.

C’est cette année-là qu’il succède à Patrice Chéreau à la direction de Nanterre-Amandiers. Programmé dans la cour d’Honneur, il signe Les Fourberies de Scapin dans un magnifique décor de Jean-Paul Chambas et avec Daniel Auteuil dans le rôle du valet malin. A Nanterre, il invitera Stanislas Nordey à partager les responsabilités et le plateau, mettra en scène de merveilleux Musset mais aussi de jeunes auteurs, telle Fatima Gallaire, disparue il y a très peu de temps ou Bruno Bayen, lui aussi mort tôt. A cette époque, en 1996, Jean-Pierre Vincent est rappelé au Français et monte l’étrange Léo Burckart de Gérard de Nerval. Plus tard, on s’en souvient, en 2012, il mettra en scène Dom Juan de son cher Molière.

 

Saluer un artiste comme Jean-Pierre Vincent revient à énumérer des spectacles car tous nous ont laissé beaucoup de souvenirs d’émotions, de questionnements. En 1999, les Pièces de guerre d’Edward Bond, comme en 2000, Lorenzaccio, avec Jérôme Kircher, jambe cassée, comme Novarina avec des amateurs magistralement portés, tout nous aura frappés, spectateurs et professionnels.

 

Du côté de l’opéra, également, il signait de beaux spectacles. Mozart souvent. Puis, ayant retrouvé sa liberté de jeune homme avec le « Studio », nouvelle compagnie, il aborde Jean-Luc Lagarce, renouant avec son goût féroce du rire avec Les Prétendants avec notamment Anne Benoit et sa fibre très sensible avec Derniers remords avant l’oubli. Dans les hommages qui saluent l’artiste, il y a Dominique Bluzet qui a souvent accueilli les créations de Jean-Pierre Vincent, à Marseille ou Aix. En 2013, Iphis et Iante d’Isaac de Benserade, puis les Suppliantes d’Eschyle, avec des comédiens et des amateurs du Gymnase, ou encore En attendant Godot en 2015.

 

On ne résume pas une telle vie. Elle se confond complètement avec la passion du théâtre. Un homme direct et fin, très cultivé mais secret, d’une certaine manière, Jean-Pierre Vincent. Un grand qui allait son chemin, généreux, croyant en la jeunesse, transmettant depuis toujours. Un artiste qui a apporté énormément au théâtre des XXème et début XXIème siècles.

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November 5, 2020 4:14 PM
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Jean-Pierre Vincent, le père fédérateur 

Jean-Pierre Vincent, le père fédérateur  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan - 5 novembre 2020

 

 

Jean-Pierre Vincent ne signera plus de mises en scène, ne dirigera plus aucun cours, ne découvrira plus de pièces méconnues. À 78 ans, atteint du Covid, le corps de ce combattant du théâtre vivant a lâché, emportant avec lui son ironie mordante, sa fraternité, sa pugnacité, son civisme en actes. Père parmi ses pairs, fédérateur obstiné, il avait porté haut les mots collectif et transmission

 

C’est presque par hasard qu’à seize ans, enfants du quartier, Jean-pierre Vincent se retrouve dans le groupe de théâtre du Lycée Louis Legrand en 1958. L’année suivante, arrive un autre très jeune homme dont les parents sont artistes, lui veut absolument faire du théâtre, c’est Patrice Chéreau. Vincent joue, c’est un acteur né (et aussi un sacré imitateur) et met en scène La cruche cassée de Kleist tandis que Chéreau signe la mise en scène remarquée de L’intervention de Victor Hugo, deux pièces alors méconnues. Quand Vincent se souvenait de cette époque ces dernières années, il parlait plus de Chéreau que de lui, il en parlait comme d’un visionnaire du théâtre, un metteur en scène follement inspiré comme le fut en Allemagne Klaus Grüber, (que Vincent plaçait au dessous de tous). Vincent était d’une autre trempe, moins poétique peut-être, mais plus durablement civique et politique, un homme obstiné et jamais versatile, un homme de théâtre au cœur de la cité soucieux de parage et de transmission.

 

 

Avec Patrice Chéreau, Jean Jourdheuil

Leur compagnonnage durera dix ans , toutes les aventures de Vincent tourneront de huit à dix ans exceptée celle, on le verra, de la Comédie-française. Repérée à Louis le Grand , la bande de Louis Le Grand auto constituée autour de Chéreau et Vincent se fait (re) connaître passera par Gennevilliers où Bernard Sobel à fondé un théâtre, par Nancy oû Jack Lang a fondé un festival et surtout par le CAC ( centre d’animation culturelle) de Sartrouville accueilli durablement par Claude Sévenier. Des années fructueuses, tumultueuses, qui se solderont par un déficit.

Alors que Chéreau part en Italie, Vincent se retrouve en Bourgogne appelé par Jacques Fornier. Entre temps, dans un stage d’été, Vincent a rencontré Jean Jourdheuil. Commence un second compagnonnage. Avec un premier spectacle en 1968 La noce chez les petits bourgeois de Brecht (gros succès en Bourgogne et nombreuses représentations par la suite) qui va sceller trois ans plus tard la naissance de la compagnie Vincent-Jourdheuil alias le Théâtre de l’espérance.

 

Entre le dramaturge, maoïste de mai 68, et le citoyen de gauche, sous l’œil de Brecht revisité, la tension est productive. Jourdheuil fait entrer dans l’aventure des peintres comme Lucio Fanti ou Gilles Aillaud qui allaient secouer la scénographie. Autour d’eux une groupe d’acteurs se forme, nombre d’entre eux ont été rencontrés sur le tournage des Camisards de René Allio. Et les spectacles se multiplient affirmant la force de cette génération qui prend le relais des pères fondateurs de la décentralisation. A Théâtre Ouvert qui vient de naître au festival d’Avignon, la compagnie Vincent-Jourdheuil fait connaître le théâtre de Rezvani. Au Palace parisien (au temps de sa splendeur), elle monte Woyzeck de Büchner ou La tragédie optimiste de Vsevolod Vichnevski. Un théâtre de troupe, de commando avec comme astre référentiel le Berliner ensemble auquel succédera bientôt le Schaubhune de Peter Stein et Klaus Grüber.

 

Les années TNS

En 1975, Secrétaire d’état à la culture sous Giscard d’Estaing Michel Guy nomme cette nouvelle génération à la tête de grandes maisons : Lavaudant à Grenoble, Bayen à Toulouse, Gironès à Lyon, etc. Vincent, lui, est nommé à la tête du Théâtre National de Strasbourg. Il n’arrive pas en terrain inconnu, il y a déjà monté La cagnotte de Labiche en 1971 dans une mise en scène décapante. Et bon nombre de ses acteurs sont sortis de l‘école du TNS. Ce n’est pas un metteur en scène qui est nommé, mais une équipe, un esprit, en un mot un collectif. Avec comme membres permanents des dramaturges, Dominique Muller et Bernard Chartreux, un auteur, Michel Deutsch, un jeune metteur en scène qui va sortit le théâtre des théâtres, André Engel, des acteurs allant de Gérard Desarthe à Philippe Clevenot en passant par Evelyne Didi, André Wilms, Bernard Freyd, Michèle Foucher, Jean-François Lapallus, Laurence Mayor, Christiane Cohendy, Bérangère Bonvoisin, j’en oublie. Et une liaison permanente avec l’école, cet antre de la transmission, Un modèle dont se souviendra plus tard Stanislas Nordey lors qu’il arrivera à la direction du TNS. Jourdheuil, très critique vis à vis des institutions, n’est pas du voyage. Mais il reviendra comme metteur en scène.

 

C’est avec joie que l’on prenait le train depuis Paris pour aller découvrir des œuvres marquantes comme GerminalLe Palais de JusticeDimanche, le diptyque Vichy fictions et Violence à VichyConvoet ruines et puis, comment l’oublier le Misanthrope avec Philippe Clevenot, l’acteur sublime et emblématique des ces années-là. Et, hors des théâtres, les spectacles d’André Engel, aux antipodes de ceux de Vincent (comme les deux extrémité d’un arc tendant sa corde)  ; Baal ,Week-end à YaïkEt ils allaient obscurs dans la nuit solitaireKafka-théâtre complet... Et c’est les yeux bordées de reconnaissance qu’on reprenait l’Orient express de 2H12 (quand on ne le ratait pas) pour revenir à Paris au petit matin essayer sans attendre de rendre compte tant bien que mal des chocs émotionnels, politiques, esthétiques et amoureux que l’alcool ne parvenait pas à apaiser.

 

Je me souviens de la dernière de Dernières nouvelles de la peste ( à l'époque où Le Pen montait en puissance) à Strasbourg puis, dans la Cour d’honneur à Avignon alors que l’on savait que Vincent allait quitter Strasbourg après huit saisons, pour la Comédie-Française. C’était la fin d’une aventure, la fin d’une époque me disais-je. C’était déchirant. Cela ne pouvait pas se terminer comme cela, c’était si beau, si fort.

 

Comédie Française, Conservatoire

Certains acteurs suivirent Vincent Place Colette, d’autres s’y refusèrent. l’Administrateur Jean-Pierre Vincent ne devait rester que trois saisons à la Comédie-Française faisant découvrir un auteur français contemporain, Jean Audureau, nous régalant avec Le suicidé l’exquise comédie du russe Nicolas Erdman ou se ratatinant avec Macbeth , la pièce maudite. Quand ce spectacle fut repris dans la Cour d’honneur du Palais des papes le mistral s’amusa à soulever les robes parachutes de Thierry Mugler et décoiffer les têtes couronnées.

 

Jean-pierre Vincent devait retrouver ses marques au Conservatoire en devenant professeur activité qu’il poursuivra avec bonheur jusqu’à aujourd’hui à l’ENSATT, à l’ERAC, à l’école du TNS et ailleurs, formant nombre d’élèves et se nourrissant d’eux aussi bien. Respecté comme un père , un pédagogue hors pair, plus peut-être que comme un maître, il mit alors en scène des spectacle produits par de grands théâtres comme Chaillot (Le mariage de Figaro), le TNP de Villeurbanne (Le faiseur de théâtre de Thomas Bernhard). Au festival d’Avignon 1989, retrouvant l’esprit de Strasbourg , il signa une fabuleuse trilogie Oedipe ou les oiseaux avec sa garde rapprochée et fidèle : Bernard Chartreux à la dramaturgie (et relayant Sophocle pour dernière partie) ,Jean-Paul Chambas son décorateur attitré depuis ses années TNS, Patrice Cauchetier aux costumes et Alain Poisson aux lumières

 

 

Les années Nanterre et après

Dernière grande aventure à la tête d’une institution, Nanterre, où il succède à Patrice Chéreau en 1990. Antoine Vitez meurt cette année. Cette grande figure disparue, Vincent, plus que d’autres (comme Ariane Mnouchkine) allait devenir au fil des années comme la conscience du théâtre français. Celui qui fédère, celui aussi qui interpelle les élus, le ministère de la culture. Un père qui accueillera à Nanterre le jeune Stanislas Nordey meurtri par son aventure au TGP. Et bien d’autres. A Nanterre, Vincent reprend d’anciens spectacles, se lance avec bonheur dans un cycle Musset, monte aussi bien Marivaux que Bond, L’échange de Claudel que Thyeste de Sénèque. Et signe un Karl Marx Théâtre inédit, spectacle que je ne console pas de ne pas avoir pu voir alors (j’étais en poste à Moscou). En 2001 , après trois bons et loyaux mandats, il quitte Nanterre, fonde le Studio libre, une compagnie, il a soixante ans.

 

Sa curiosité reste intacte comme son goût des textes anciens et nouveaux. Il commence cette nouvelle aventure qui le conduira jusqu’à aujourd’hui par une extraordinaire mise en scène de la pièce de Jean-Luc Lagarce, Les prétendants, sur la nomination d’un nouveau directeur dans une structure en province type scène nationale. Dix sept personnages, autant d’acteurs et actrices. C’est rythmé, hilarant, époustouflant. Jamais rassasié , toujours avide, Jean-Pierre aime circuler entre les genres, les époques, découvrir un texte ou en revisiter un autre , s’interroger en 2007 sur Le silence des communistes ( italiens) avant d’enchaîner la saison suivante avec L’école des femmes de Molière puis en 2009 avec un Ubu roi où il retrouve la troupe de la Comédie-française. Régulièrement il signe des spectacles avec des élèves des écoles où il enseigne ou des élèves amateurs.

 

Qui d’autre que lui, à part Bernard Sobel, aurait songé à monter Iphigénie en Tauride de Goethe. Il le fait avec des acteurs qu’il aime et sa garde rapprochée inchangée en retrouvant la grande scène du TNS et il fait mouche. Sa dernière grande passion aura été En attendant Godot qu’il met en scène après avoir et relu l’article que Günther Anders consacre à cette œuvre de Beckett dans L’obsolescence de l’homme, un livre que Vincent gardait toujours auprès de lui.

 

Au TNS ces prochaines saisons, il devait retrouver Beckett avec Fin de Partie puis mettre en scène Antigone de Sophocle. C’était une joie pour Nordey qui avait été son élève et qui l’avait accueilli à Nanterre avec bienveillance. La saloperie de virus en a décidé autrement. Stanislas Nordey, dévasté, vient de déclarer : « C’est la personne la plus importante de ma vie théâtrale. D'abord parce qu'il a été mon professeur. C’était un pédagogue extraordinaire qui n’a jamais cessé d’enseigner. Pour lui, la transmission était au centre de tout. Ce que j’ai beaucoup aimé chez lui, c’est qu’il n’a jamais mis en scène sa postérité, contrairement à des gens comme Jean Vilar ou Antoine Vitez qui ont énormément écrit, ce que je trouve très respectable aussi. Jean-Pierre construisait obstinément le théâtre français, allait énormément au théâtre et suivait les jeunes compagnies avec bienveillance. C’était quelqu’un qui était toujours au premier plan dès qu’une crise se produisait liée à la culture et il le faisait toujours avec mesure, justesse et en même temps, si nécessaire, avec emportement. Il était partageur. »

 

Oui, il était partageur autant que fédérateur. Sa parole, la finesse de ses analyses, ses traversées du répertoire, ses découvertes et ses fidélités, sa défense sans appel du service public nous manqueront. Merci Jean-Pierre.

 

 

Mais assez parlé de lui. Laissons lui la parole. C’était un homme qui aimait parler, encore parler. Il ne laisse derrière lui aucun livre – le seul conséquent, Le désordre devivants (Les solitaires intempestifs) est un livre d’entretiens (avec Dominique Darzacq). C était donc en 2015, lors du festival de Dijon où il présentait son Godot. Vincent était le parrain du festival et devait rencontrer les jeunes troupes présentes et discuter avec elles. Ce qu’il fit avec avidité. Mais avant, interrogé par Olivier Neveux, devant le public d’une ville qu’il avait arpenté à ses débuts, il allait revenir sur son itinéraire. Ecoutez-le.

 

 

Conversation avec Jean-Pierre Vincent (animée par Olivier Neveux à Dijon en 2015) (vidéo intégrale)

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November 5, 2020 1:54 PM
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Hommage à Jean-Pierre Vincent, par Stanislas Nordey

Hommage à Jean-Pierre Vincent, par Stanislas Nordey | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 

Suite au décès du metteur en scène et directeur de théâtre Jean-Pierre Vincent jeudi 5 novembre, nous lui rendons hommage avec Stanislas Nordey, metteur en scène et actuel directeur du Théâtre National de Strasbourg.

Le  metteur en scène de théâtre Jean-Pierre Vincent est mort dans la nuit du 4 au 5 novembre 2020 à l’âge de 78 ans, a annoncé son entourage. Il aura, entre autres, été le compagnon de route de Patrice Chéreau au début de sa carrière, mais aussi dirigé le Théâtre National de Strasbourg et la Comédie-Française.

 

 

Le théâtre de Jean-Pierre Vincent est un théâtre profond et joyeux, ou plutôt, d'une joie profonde. C'est une foi absolue dans la littérature, dans le théâtre, dans les acteurs, dans le théâtre public particulièrement. Parmi tous les metteurs en scène de sa génération, il n'a jamais travaillé dans le privé. Le concept du théâtre public était une chose très importante pour lui.      
Stanislas Nordey

 


Ce qui résume le mieux pour moi Jean-Pierre Vincent, c'est l'art de la transmission. C'était un grand pédagogue qui a passé sa vie à transmettre. Stanislas Nordey

 

 

Légende photo : Jean-Pierre Vincent, lors des répétitions de sa création "Iphigénie en Tauride" au Théâtre National de Strasbourg, en 2016. Crédits : JL Fernandez

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November 5, 2020 7:58 AM
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Les hommages à Jean-Pierre Vincent (1942 - 2020) - Presse et réseaux sociaux

Les hommages à Jean-Pierre Vincent (1942 - 2020) - Presse et réseaux sociaux | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Grande tristesse ce matin.
Jean-Pierre Vincent a été, tout au long d'une carrière de metteur en scène de plus de cinquante ans, un artiste attentif au sens, à l'engagement, aux acteurs. Un pédagogue et un directeur de théâtre enthousiaste et bienveillant, soucieux d'accompagner et de soutenir de jeunes artistes. Un artiste attentif aux autres, d'une curiosité insatiable, généreux dans son travail, rigoureux dans sa pensée, d'une profonde humanité, toujours préoccupé par la dimension citoyenne et politique de ses actions.

 

 

L'hommage de Sceneweb

http://bit.ly/hommagevincent

 

L'hommage de Fabienne Arvers dans Les Inrocks :

https://abonnes.lesinrocks.com/2020/11/05/scenes/scenes/lhomme-de-theatre-jean-pierre-vincent-est-decede/

 

L'hommage de Philippe Chevilley dans Les Echos :

https://www.lesechos.fr/weekend/spectacles-musique/la-mort-de-jean-pierre-vincent-un-grand-homme-de-theatre-1262342

 

L'article du Huffington Post (source AFP) :

https://www.huffingtonpost.fr/entry/mort-de-jean-pierre-vincent-le-metteur-en-scene-avait-78-ans_fr_5fa3db3dc5b660630aeea26a

 

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Le metteur en scène Stanislas Nordey réagit à la mort de Jean-Pierre Vincent

05/11/20 15h33
Directeur du TNS de Strasbourg, le metteur en scène Stanislas Nordey fut l’élève de Jean-Pierre Vincent. Il l’avait invité à créer Antigone de Sophocle cette année. Il réagit à sa disparition.

“Je suis par terre, la mort de Jean-Pierre me dévaste. On savait qu’il n’allait pas bien du tout depuis son Covid au printemps dernier, mais on n'imaginait pas qu'il parte si vite. C’est la personne la plus importante de ma vie théâtrale. D'abord parce qu'il a été mon professeur. C’était un pédagogue extraordinaire qui n’a jamais cessé d’enseigner. Pour lui, la transmission était au centre de tout. Ce que j’ai beaucoup aimé chez lui, c’est qu’il n’a jamais mis en scène sa postérité, contrairement à des gens comme Jean Vilar ou Antoine Vitez qui ont énormément écrit, ce que je trouve très respectable aussi. Jean-Pierre construisait obstinément le théâtre français, allait énormément au théâtre et suivait les jeunes compagnies avec bienveillance. C’était quelqu’un qui était toujours au premier plan dès qu’une crise se produisait liée à la culture et il le faisait toujours avec mesure, justesse et en même temps, si nécessaire, avec emportement.

 

Il était partageur. Il a commencé sa première aventure avec Patrice Chéreau, a continué avec Jean Jourdheuil, puis avec Bernard Chartreux. Il a marqué le théâtre français par des aventures théâtrales énormes. Le TNS de Strasbourg dirigé par Jean-Pierre Vincent, c’était quelque chose. Il a fait venir des philosophes, des peintres, il a créé un collectif d’artistes, a pris des risques. Ensuite, il se retrouve à la Comédie-Française et continue de prendre des risques. Le premier spectacle qu’il y monte, c’est Félicité de Jean Audureau et il se met un peu la troupe à dos. Il fait rentrer le théâtre contemporain dans la Salle Richelieu. Quand il reprend le théâtre Nanterre-Amandiers après Patrice Chéreau, ce n’est pas facile. Mais il y va et en fait complètement autre chose. Il fait venir Didier-Georges Gabily, Olivier Py. C’était quelqu’un d’accueillant et d’inspirant.

 

Ces dernières années, je lui disais pour le faire rigoler : “Tu deviens le Claude Régy du théâtre français” parce que son théâtre allait de plus en plus vers l’épure, que ce soit En attendant Godot de Beckett (2015) ou Iphigénie en Tauride de Goethe (2016). Quand je suis arrivé au TNS, ça avait du sens pour moi que Jean-Pierre soit là au milieu de la jeune génération avec Julien Gosselin, Thomas Jolly et Sylvain Creuzevault. Je l’ai fait venir à l’école et plusieurs fois dans la programmation. Il devait faire Antigone de Sophocle au TNS et créer Fin de partie de Beckett la saison prochaine. Il voulait terminer sa carrière avec ce spectacle au titre prémonitoire.

Surtout, il avait un œil politique sur les choses. Il ne faut pas oublier qu’il a fait Vichy fictions (1980) ou Le Palais de Justice (1981). Pour moi, il n’a fait aucune faute de goût. Jamais Jean-Pierre n’aurait été jouer dans le théâtre privé. Jamais. Je ne dis pas que ceux qui le font ont tort, mais lui a défendu le théâtre public jusqu’au bout des doigts avec une grande conviction. Il m’a tout appris et c’était une épaule sur laquelle on pouvait aller se reposer quand il fallait. Je suis bien triste.”

Propos recueillis par Fabienne Arvers / Les Inrocks

 

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Mort de Jean-Pierre Vincent, formidable héraut du théâtre contemporain

 

Joëlle Gayot / Télérama   - Publié le 05/11/20

Compagnon de théâtre au lycée de Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau, il fut à la tête du Théâtre national de Strasbourg, de la Comédie-Française ou de la scène nationale de Nanterre-Amandiers. Mais le théâtre, pour lui, restait un art du collectif, profondément enraciné dans l’actualité du monde.

 

C’était un homme de conviction. Un de ces artistes vers qui on se tournait pour recueillir son avis sur les politiques culturelles. Un de ces metteurs en scène qui transformait le plateau en une arène où le sensible et le sens ne se dissociaient jamais. Jean-Pierre Vincent vient de mourir. Il avait 78 ans et une énergie qu’on pensait indomptable. C’était compter sans le Covid qui a eu raison de sa vitalité, sapant notamment sa création (prévue à l’automne 2020 au Théâtre national de Strasbourg) d’Antigone, de Sophocle.

Sa mort, survenue le 5 novembre, sonne peu ou prou le glas d’une époque qui démarre, en 1959, dans le groupe théâtral du lycée Louis-le-Grand, à Paris. C’est là que le jeune étudiant né en 1942 rencontre de turbulents camarades, Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau. Le trio (« férocement brechtien », dira-t-il) donne le coup d’envoi d’aventures légendaires, de celles dont le théâtre aime s’enorgueillir. Pour Jean-Pierre Vincent, l’histoire emprunte un chemin ascendant qui le propulse de direction en direction.

Après avoir suivi Chéreau à Gennevilliers puis à Sartrouville, il s’installe en 1975 aux manettes du Théâtre national de Strasbourg. Il n’arrive pas seul. Avec lui les dramaturges Jean Jourdheuil (tous deux ont fondé, en 1968, la compagnie Vincent-Jourdheuil et arpenté ensemble le répertoire allemand), Michel Deutsch, Bernard Chartreux, le metteur en scène André Engel, et des scénographes qui sont aussi des peintres de talent : Nicky Rieti, Jean-Paul Chambas, Lucio Fanti ou Titina Maselli. L’épopée strasbourgeoise est viscéralement collective. Elle s’éloigne des textes classiques orthodoxes pour leur préférer une écriture contemporaine composite. Elle fait de la pensée politique activée à même le plateau l’alpha et l’oméga des représentations.

Homme de gauche

Les mises en scène que signe Jean-Pierre Vincent explorent aussi bien la condition ouvrière (Germinal, en 1975) que les pans cachés de l’histoire française. Parmi ellesles représentations en 1980 de Vichy-Fictions et Violences à Vichy (textes de Michel Deutsch et Bernard Chartreux) feront date. Expérimentations, avant-gardisme, spectacles joués hors les murs du théâtre, le TNS est alors le lieu de tous les possibles.

 

 

Avec “En attendant Godot”, Jean-Pierre Vincent réalise un vieux rêve : mettre en scène Beckett

 

Le patron est un homme de gauche. Et c’est en homme de gauche qu’il réintègre Paris pour occuper un poste où personne ne l’attend. Sauf Jack Lang, ministre de la Culture depuis 1981, qui le nomme administrateur de la Comédie-Française, rompant ainsi avec la tradition (le poste était réservé aux sociétaires de la maison). Le nouveau venu ne restera que trois ans à la tête de la vénérable institution. Le temps d’inaugurer son mandat par la création de Félicité, de Jean Audureau (1983). Le temps de supprimer les « abonnements habillés » (des soirées bloquées pour un public payant plus cher le privilège de se retrouver entre soi). Le temps d’inviter pour la première fois l’immense metteur en scène allemand Klaus Michael Grüber (Bérénice, en 1983). Le temps de comprendre, enfin, qu’il préférait demeurer un artiste plutôt que de surir dans la peau d’un patron véhiculé par un chauffeur dans une voiture de fonction. En 1986, Jean-Pierre Vincent retrouve sa liberté, redevient metteur en scène indépendant, enseigne au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Et ouvre, mine de rien, son registre : il crée des pièces de Beaumarchais et Musset ; il s’attaque à Sophocle.

Jean-Pierre Vincent aimait travailler avec de jeunes comédiens. Il a monté ainsi L’Orestie d’Eschyle au Festival d’Avignon en 2019.

 

Mais il n’en a pas fini avec les responsabilités. Le voilà qui succède au complice de toujours, Patrice Chéreau, à la direction du Théâtre Nanterre-Amandiers. 1990-2001 : une décennie de spectacles tous azimuts qui mélangent auteurs classiques (Musset, encore, Shakespeare, Marivaux, Molière, Brecht évidemment) et écrivains vivants. Curieux de tout, Jean-Pierre Vincent explore aussi bien le fracas britannique à la sauce Edward Bond (Pièces de guerre, en 1999) que les circonvolutions langagières de Valère Novarina (Le Drame de la vie, en 2001). De cette période, on se souvient enfin de ses bras ouverts à Stanislas Nordey, 27 ans à l’époque, qui trouve dans la maison une terre d’asile. Nommé artiste associé en 1994, Nordey fera souffler dans les murs le vent de la jeunesse avant de s’envoler en 1997 pour assumer, seul, la direction d’un autre établissement de la banlieue parisienne : le Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis.

Éclairer la confusion de nos esprits

Le goût des générations émergentes n’abandonnera jamais Jean-Pierre Vincent. Une fois achevée l’aventure de Nanterre, il dirigera souvent de jeunes acteurs en formation. Trouvant dans leur fraîcheur et leur énergie le moyen le plus sûr pour explorer sans relâche les dires des poètes. Eschyle, surtout, vers qui il revenait inlassablement comme on revient s’abreuver à la source, dans une quête insatiable des origines de l’humanité. Ces spectacles, portés par la fougue des élèves, pouvaient être maladroits. Mais à l’image de L’Orestie d’Eschyle (cinq heures de représentation en 2019 au Festival d’Avignon par les étudiants du TNS), les représentations étaient fidèles à l’obsession de leur metteur en scène : en découdre avec le monde actuel.

 

“Pour museler les idioties, rien de mieux que renforcer la pensée”, Jean-Pierre Vincent, metteur en scène

 

Qu’il observe ce monde depuis les rives tragiques ou contemporaines, Jean-Pierre Vincent ne quittait jamais son époque du regard. Il pouvait l’affronter avec rudesse en fonçant dans le tas. Sa représentation en 2007 du Silence des communistes (Avignon, toujours, et texte de Vittorio Foa) avait contraint chacun à s’interroger sur la désertion de la gauche italienne. Mais parce qu’il était un homme engagé, cultivé, vif d’esprit que rien n’indifférait, et surtout pas les soubresauts de notre société, Jean-Pierre Vincent savait que la politique n’était pas juste affaire d’idéologie. Sa lucidité puisait au-delà des clivages gauche/droite des raisons de s’indigner. Les conflits de classes, la relation homme-femme, c’est de cela que rendait compte l’une de ses dernières créations en 2018 : Georges Dandin, de Molière. C’en est aujourd’hui terminé de ses coups de gueule et de ses lumières qui savaient si bien éclairer la confusion de nos esprits. Il manquera. Il manque déjà.

 

Joëlle Gayot / Télérama

 

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Article de 2015
Les artistes français ont-ils déposé les armes ?

Entretien avec Fabienne Pascaud paru dans Télérama le 21/03/2015

 

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Vidéo 

Conversation avec Jean-Pierre Vincent (intégralité) entretien avec Olivier Neveux, à Dijon en 2015 :

https://www.youtube.com/watch?v=p5uSfKSoJME

 

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Message de Jack Lang 

Jack Lang  (sur Facebook)

 La disparition de Jean-Pierre Vincent me bouleverse. Ensemble, nous étions guidés par une très belle et très forte complicité, et partagions une vision commune des lettres, du théâtre et des arts.

Avec Ariane Mnouchkine et Patrice Chéreau, il représentait une génération théâtrale qui a ouvert au monde des classiques trop longtemps engoncés dans un immobilisme poussiéreux. Avant-garde, Il a été aussi un authentique découvreur de dramaturges contemporains qu’il ne cessera jamais de promouvoir. Il a joué les plus grands, de Molière à Musset, en passant par Goldoni, Brecht et Shakespeare. Il avait fait de sa scène l’astre autour duquel gravitait une galaxie européenne. Sa générosité sans réserve, l’élégance simple de ses mises en scènes, ses idées innombrables et novatrices avaient fait son génie.
Il a été un des hommes phares de la nouvelle politique du théâtre de la gauche en 1981. Ainsi, au même moment où je confiais la direction du théâtre des Amandiers à Patrice Chéreau et Catherine Tasca, je désignais l’emblématique Jean-Pierre Vincent comme administrateur général de la Comédie française pour y insuffler une air neuf et enchanteur.
Jean-Pierre Vincent et moi avions une inébranlable passion pour un théâtre d’art qui soit en même temps un théâtre citoyen. Nous rêvions d’une république du théâtre qui réconcilierait art populaire, art classique et art contemporain, et se constituerait pour les publics de tous les horizons en miroir de ses combats et de ses quêtes. Un théâtre capable d’être le reflet et la source des justes revendications de notre société.
Avec lui, ce rêve restait toujours vivace. Il a insufflé une vie dense et intense aux grands textes qui lui étaient chers, et essaimé, à Strasbourg, Nanterre, Avignon, Paris, toute une nouvelle génération de talents, dont Stanislas Nordey, Julie Deliquet et bien d’autres. Jean-Pierre Vincent n’est plus mais les germes qu’il a plantés sont là, et l’esprit de son action nous est aujourd’hui plus que jamais nécessaire.
Il me manquera comme à ses amis. Je pense à son épouse Nicole, à son fils et à ses proches

Jack Lang

 

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Photographie: PATRICK KOVARIK | Crédits : AFP

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October 19, 2020 8:13 PM
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Wojciech Pszoniak, acteur de cinéma et de théâtre polonais et français, est mort

Wojciech Pszoniak, acteur de cinéma et de théâtre polonais et français, est mort | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Le Monde avec AFP Publié le 19/10/2020

 

 

Apprécié particulièrement pour ses prestations avec Andrzej Wajda ou au Théâtre national de Chaillot à Paris, Wojciech Pszoniak est mort lundi à l’âge de 78 ans.


Grand homme de cinéma et de théâtre polonais et français, Wojciech Pszoniak, apprécié particulièrement pour ses prestations avec Andrzej Wajda ou au Théâtre national de Chaillot à Paris, est mort lundi 19 octobre d’un cancer généralisé, a annoncé un proche ami de la famille de l’acteur.

« Wojciech Pszoniak est décédé aujourd’hui, à 6 h 08 du matin, à l’âge de 78 ans. Un des plus grands, un des géants du film et du cinéma polonais de l’après-guerre », a écrit sur le site du journal catholique Wiez le père Andrzej Luter, qui accompagné l’artiste jusqu’aux dernières heures de sa vie.

Né le 2 mai 1942 à Lviv (aujourd’hui en Ukraine), il a mené une carrière très riche en films et en spectacles, tous d’une grande diversité. Il s’est éteint à Varsovie, selon les médias polonais.

Insallé en France depuis les années 1980
Sous la houlette d’Andrzej Wajda, il a interprété Robespierre dans Danton, le Juif Moryc Welt dans la série La Terre de la grande promesse, ou encore le rôle éponyme de Korczak. Il a également collaboré avec Volker Schlöndorff ainsi qu’avec Peter Handke, et ce aux côtés de Gérard Depardieu, de Michel Piccoli ou de Michel Aumont.

Dans les années 1980, il avait fui le régime du général Wojciech Jaruzelski pour s’installer en France. Il s’y était vu remettre, en 2008, les insignes d’officier de l’ordre national du Mérite.

 

Légende photo : Wojciech Pszoniak en 1990 dans « Korczak », d’Andrzej Wajda. BBC / ERATO FILMS / ERBOGRAPH CO / REGINA ZIEGLER FILMPRODUC / Ronald Grant Archive/The Ronald Grant Archive / Photononstop / BBC / ERATO FILMS / ERBOGRAPH CO / REGINA ZIEGLER FILMPRODUC / Ronald Grant Archive/The Ronald Grant Archive / Photononstop

 

 

Ses grands rôles au théâtre en France :

 

2007 La Locandiera de Carlo Goldoni mise en scène Philippe Mentha

 

2001 La Boutique au coin de la rue d'après Miklós László… mise en scène Jean-Jacques Zilbermann

 

1998  L'Atelier de Jean-Claude Grumberg mise en scène Gildas Bourdet

 

1994  Marchands de caoutchouc de Hanoch Levin mise en scène Jacques Nichet

 

1992  Ubu roi d’Alfred Jarry mise en scène Roland Topor

 

1983  Par les villages de Peter Handke mise en scène Claude Régy

 

1980  Ils ont déjà occupé la villa voisine de Stanislaw Ignacy Witkiewicz mise en scène Andrzej Wajda

 

1978  Les gens déraisonnables sont en voie de disparition d'après Peter Handke mise en scène Claude Régy

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October 18, 2020 6:27 PM
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Mémoire d’acteur, Michael Lonsdale : deux heures d'extraits d'enregistrements radiophoniques. 

Mémoire d’acteur, Michael Lonsdale : deux heures d'extraits d'enregistrements radiophoniques.  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Montage par Jean-Pierre Jourdain, à partir des archives des enregistrements radiophoniques de Michael Lonsdale. Diffusé sur France Culture sur le programme des Fictions  le 18 octobre 2020

 

Lien pour écouter l'émission en ligne (2h)

 

 

Suite à la disparition de Michael Lonsdale (21/09/2020) nous avons voulu partager avec vous ces 2 heures durant lesquelles nous retrouvons Michael Lonsdale et des auteurs, Duras, Ionesco, Beckett, Aperghis, Césaire… autant d’auteurs, d’inventeurs, avec lesquels il dit avoir été le plus heureux à la radio.

 

 

Dans les années 50 je me suis présenté à la Maison de la radio pour passer un examen, mais j’ai été refusé parce qu’il fallait lire des classiques, des alexandrins qui m’enquiquinaient… La seconde fois, de même… Si bien que j’ai tiré une croix sur la radio. Ils sont venus me chercher 10 ans plus tard, au début des années 60, après m’avoir vu jouer au théâtre. Alors je me suis pris de passion pour les pièces radiophoniques : j’en ai fait des dizaines, des centaines.      
Michael Lonsdale

 

Ainsi s’exprime le grand comédien de théâtre et de cinéma. Durant deux heures nous reviendrons sur ses plus significatifs et symboliques enregistrements pour la radio en réécoutant, en sa compagnie, des extraits que sa mémoire voudra bien prolonger, amplifier : Duras, Ionesco, Beckett, Aperghis, Césaire… autant d’auteurs, d’inventeurs, avec lesquels Michael Lonsdale dit avoir été le plus heureux :

 

«Ils m’ont permis de laisser apparaître l’inconnu qui se promène en moi. Quelque chose peut alors surgir du plus profond et qui n’est pas intellectuel, qui n’est pas pensé».

 

Son métier d’acteur, qu’il vit comme un acte de transmission, de passeur, lui permet de rester enfant, de continuer à jouer.      
Jean-Pierre Jourdain

 

 

 

Entretien avec l'acteur et choix d'archives INA par Jean-Pierre Jourdain. 

 

 

Choix des archives INA par Jean-Pierre Jourdain

Réalisation Véronique Vila Conseillère littéraire Caroline Ouazana Equipe de réalisation Pierre Mine, Cédric Chatelus

 

 

Photo : Michael Lonsdale (en 2012) Crédits : ullstein bild Getty

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December 23, 2020 9:17 AM
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Artistes disparus en 2020  - Théâtre et danse

Artistes disparus en 2020  - Théâtre et danse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Artistes disparus en 2020

 

 Chaque nom est un lien à cliquer qui vous fera accéder à un article en hommage ou à une notice biographique

 

 

Théâtre :

 

Isaac Alvarez comédien, mime, pédagogue (03/11/2020) - Marie-Paule André  comédienne (29/03/2020)  -  Jean-Marc Avocat comédien (05/10/2020) - Maurice Barrier comédien (12/04/2020)Guy Bedos comédien, humoriste (28/05/2020) Jenny Bellay comédienne (03/12/2020)Didier Bezace comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (11/03/2020)Christian Biet, historien et universitaire spécialiste du théâtre (13/07/2020)Hervé Blanc comédien (16/08/2020)Jean-Marie Boëglin comédien, animateur culturel (23/11/2020)Jean Bois auteur, metteur en scène (30/10/2020)Olindo Bolzan comédien (19 /05/2020)Xavier Boulanger comédien (20/10/2020)Claude Brasseur comédien (22/12/2020)Elisabeth Carecchio photographe de théâtre (09/06/2020)  -   Roger Carel comédien, acteur de doublage (11/09/2020) - Hélène Chatelain comédienne, réalisatrice, écrivaine (12/04/2020)  -  Jean-Laurent Cochet, comédien, pédagogue   (07/04/2020)Saskia Cohen-Tanugi metteuse en scène (20/07/2020)Flaminio Corcos comédien (07/05/2020)Gigi Dall' Aglio comédien, metteur en scène (05/12/2020) -   -  Alexis Danavaras comédien (28/01/2020)  -  Jean Darnel comédien, metteur en scène, pédagogue (20/11/2020)Simon Eine  comédien  (30/09/2020) Claude Evrard (comédien)  (20/04/2020) Ahmed Ferhati comédien, pédagogue (10/02/2020) Jacques Fornier comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (14/11/2020) Patrice Fourreau  directeur de théâtre (01/10/2020) -  David Gabison comédien (22/06/2020)  -   Fatima Gallaire  dramaturge (15/09/2020) Jean-François Garreaud comédien (09/07/2020) -   Philippe Grombeer directeur de théâtre (26/04/2020) Gérard Hardy comédien (02/09/2020) Eric Hémon comédien (11/04/2020) Israël Horovitz dramaturge (09/11/2020) - Robert Hossein comédien, metteur en scène (31/12/2020) -  Hubert Jappelle comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (18/11/2020) Jutta Lampe  comédienne (03/12/2020) Vannick Le Poulain comédienne (20/11/2020) Frie Leysen directrice de festival (22/09/2020) Michael Lonsdale  comédien, metteur en scène (21/09/2020) Robert Lucibello comédien (27/04/2020) Marcel Maréchal comédien, metteur en scène, directeur de théâtre (11/06/2020) Bernard Meulien conteur, poète (19/07/2020) Ricardo Montserrat écrivain, dramaturge, nouvelliste (18/10/2020) Bruce Myers comédien (16/04/2020) Philippe Nahon comédien (19/04/2020) Michel Piccoli comédien (12/05/2020) André Pomarat comédien, metteur en scène, directeur de théâtre  (30/04/2020) Jean-François Poron comédien (03/09/2020) Wojciech Pszoniak comédien (19/10/2020)  -  Malka Ribowska comédienne (05/09/2020) Michel Robin  comédien (18/11/2020) Elisabeth Saint-Blancat directrice de théâtre (19/08/2020) Jean-François Save  directeur de théâtre (06/2020) Murray Schisgal dramaturge, scénariste (01/10/2020) Martine Spangaro directrice adjointe théâtre (31/05/2020)  -   Antonio Tarantino dramaturge (21/04/2020) Fred Ulysse comédien (24/10/2020) Brigitte Verlières directrice de théâtre (01/01/2020) Roman Viktiouk metteur en scène, pédagogue (17/11/2020) Jean-Pierre Vincent metteur en scène, directeur de théâtres (04/11/2020) Gérard Vivane comédien, pédagogue (05/09/2020) Wladimir Yordanoff comédien (06/10/2020)

 

 

Danse

 

Philippe Chevalier danseur, pédagogue (25/02/2020) -  Amélie Grand directrice des Hivernales (17/12/2020) Zizi Jeanmaire danseuse, chanteuse (17/07/2020) -    Betty Jones danseuse, chorégraphe, pédagogue (17/11/2020)   -    Nejib Ben Khalfallah danseur chorégraphe (24/07/2020)   -  Ann Reinking danseuse, actrice, chorégraphe (12/12/2020) -  Monet Robier danseuse, pédagogue (04/12/2020)  -  Maria Jesus Sevari danseuse, chorégraphe, pédagogue (20/12/2020) - Ousmane Sy chorégraphe (27/12/2020)

 

 (en préparation, les listes pour le cinéma, la musique, la danse et les arts visuels : cette liste sera complétée chaque jour jusqu'au 5 janvier 2021)

 

 

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December 22, 2020 10:14 AM
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Claude Brasseur est mort

Claude Brasseur est mort | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Luc Douin dans le Monde 22/12/2020

 


Issu d’une dynastie de comédiens et d’acteurs, le comédien a joué dans une centaine de films, de nombreuses pièces de théâtre et a reçu deux Césars. Il est mort ce mardi à l’âge de 84 ans.

Plus de cent films à son actif, et le souci perpétuel de s’effacer derrière ses rôles. « Je n’aime pas parler de moi, disait-il. Ce n’est pas un sujet passionnant. Le travail d’une vie consiste à préciser la marge entre ce que l’on veut et ce que l’on peut. » Modeste, pudique, considérant son métier comme un jeu plutôt qu’un labeur, déterminé à se penser comme « un artisan qui appartient à un collectif », le comédien Claude Brasseur est décédé mardi 22 décembre à l’âge de 84 ans, a annoncé son agent à l’AFP.

« Claude Brasseur est décédé ce jour dans la paix et la sérénité entouré des siens. Il n’a pas été victime du Covid. Il sera inhumé à Paris dans le respect des règles sanitaires et reposera aux côtés de son père, au cimetière du Père-Lachaise à Paris », a annoncé Elisabeth Tanner, à la tête de l’agence Time Art.

 

« Brasseur Père et Fils, Maison fondée en 1820 » : le sous-titre du livre de mémoires qu’il publie en 2014 (Merci !, Flammarion) souligne l’importance à ses yeux d’avoir appartenu à une dynastie. De son vrai nom Claude Espinasse, celui qui devient populaire en incarnant Vidocq pour la télévision au début des années 1970 aura donc hérité d’un pseudonyme familial.

 

Le premier Brasseur fut Jules Dumont, commis gantier à la Chaussée d’Antin reconverti aux planches, acteur comique et fondateur du Théâtre des Nouveautés. Son fils Albert lui succède, porté sur l’opérette, qui épouse une certaine Germaine, bientôt vedette du Théâtre du Palais-Royal, et si complice avec un certain Georges Espinasse, hallebardier de la troupe de Sarah Bernhardt, qu’elle donne naissance à Pierre, l’inoubliable prince des histrions à verve truculente, le séducteur sûr de lui qui aborde Arletty au début des Enfants du paradis de Marcel Carné : « Ah, vous avez souri ! Ne dites pas non, vous avez souri… »

 

Claude Brasseur était le fils de Pierre (et de cette autre star que fut Odette Joyeux, l’héroïne boudeuse du Mariage de Chiffon et de Douce, de Claude Autant-Lara). Il était aussi le père d’Alexandre, avec lequel il est monté sur scène en 2007 dans Mon père avait raison, de Sacha Guitry, et qui a évoqué son grand-père en 2016 sur la scène du Petit-Saint-Martin, dans Brasseur et les Enfants du paradis.

L’enfance, un souvenir douloureux

Né à Neuilly-sur-Seine le 15 juin 1936, il grandit entouré de têtes couronnées, Malraux, Jouvet, Sartre, Casarès… parmi lesquelles un ami de son père nommé Ernest Hemingway, qui est son parrain. Mais l’évocation de son enfance sera toujours douloureuse : ses parents ne s’occupent pas de lui. « Je n’ai aucun souvenir de ma vie avec eux et je dois dire que je m’en fous. » Ces parents égocentriques vont se séparer très vite, Odette Joyeux conservant un tel mauvais souvenir de Pierre Brasseur qu’elle en voudra à son fils d’adopter son pseudo.

 

« Tu ne peux pas rester journaliste avec un nom pareil, il faut que tu sois acteur ! » la comédienne Elvire Popesco

 

En pension, Claude Brasseur côtoie Philippe Noiret, Jean-Jacques Debout, et Jacques Mesrine. Peu porté sur les études, qu’il abandonne en classe de 2de, le gamin n’ose pas avouer qu’il a envie d’être acteur. Grâce à son père, le voilà journaliste à Paris Match, assistant du photographe Walter Carone. C’est en allant interviewer Elvire Popesco, reine du boulevard, qu’il voit son destin basculer : « Tu ne peux pas rester journaliste avec un nom pareil, lui dit la comédienne. Il faut que tu sois acteur ! » Et celle qui vient d’acheter le Théâtre de Paris lui signe illico un contrat, pour qu’il interprète, en 1955, trois rôles dans le Judas de Marcel Pagnol qu’elle s’apprête à monter : charpentier, apôtre et frère de Judas, avec fausse barbe. Après cela, Claude Brasseur entre au Conservatoire, tout en commençant à jouer au cinéma. En 1959, dans Rue des prairies, de Denys de La Patellière, il est le fils de Jean Gabin et coureur cycliste sur piste.

 

Fidèle lecteur de L’Equipe, Claude Brasseur aurait pu embrasser une carrière de sportif. Tenté par le vélo au point de s’entraîner avec le futur vainqueur du Tour de France Stephen Roche, il a été deux fois champion de France de bobsleigh (victime en 1964 d’un grave accident durant les Jeux olympiques à Innsbruck), il remporte le Paris-Dakar en 1983 comme copilote de Jacky Ickx, et joue au football dans l’équipe folklorique des Polymusclés. Mais la tradition familiale va éloigner ce grand bourru des terrains sportifs.

Pierre et Claude se côtoient sur le plateau des Yeux sans visage, de Georges Franju, de Lucky Jo, de Michel Deville (1964), où le vrai père joue un père fictif. Séquence émotion post mortem dans Les Acteurs, de Bertrand Blier (2000), où Claude Brasseur joue le rôle de… Claude Brasseur : son téléphone sonne dans la rue, c’est Pierre Brasseur qui l’appelle, puis qui lui passe Bernard Blier… ; Claude refile son portable à son metteur en scène, Bertrand. Sur le plan affectif, les deux hommes se sont ratés, mais Claude respectera toujours la carrière de son géniteur : « Mon père est mort ? Je ne sais pas, je l’ai vu hier soir à la télé ! »

Personnages emblématiques

« Si tu cherches à me ressembler ou à ne pas me ressembler, tu risques de fuir ta véritable nature et de devenir un acteur bâtard », lui avait dit ce père disparu. Message reçu. Claude sera lui-même, avec son accent de titi parisien, et s’il ne peut renier cette voix rauque, le timbre vibrant si légendaire de l’ogre paternel, il prêtera plutôt son visage à des personnages emblématiques (Rouletabille dans Le Mystère de la chambre jaune, de Jean Kerchbron, Vidocq pour 13 aventures orchestrées par Marcel Bluwal, Sganarelle pour le Don Juan avec Michel Piccoli à la télévision, Maupassant, le Georges Dandin de Molière ou le Leopold Trepper de L’Orchestre rouge au cinéma, Joseph Fouché dans Le Souper et Clemenceau dans La Colère du Tigre au théâtre). Ou bien il s’effacera derrière ses personnages, privilégiant l’attrait des rencontres humaines et professionnelles au critère de l’importance du rôle.

 

Claude Brasseur est tout sauf vaniteux. Ce n’est pas sans émotion qu’il endosse le personnage d’avocat véreux et maître chanteur dans Une belle fille comme moi, en 1972, parce que François Truffaut lui demande de revêtir un smoking, le même que celui porté par son père dans Les Portes de la nuit, de Marcel Carné. Ou qu’il se fait grimer comme le fut Pierre Brasseur interprétant Othello dans Josepha, de Christopher Frank, en 1981, jouant un acteur de théâtre dans la dèche et la déconfiture conjugale.

Ses rôles, il les choisit au feeling, sans jamais se poser « la question de la reconnaissance »

Il remporte ses deux Césars avec humour (« Depuis le temps qu’on me dit de me faire un prénom ! ») et humilité (« La popularité n’est pas un critère de qualité »). Le premier, en 1977, honore son interprétation de l’un des quatre copains d’Un éléphant ça trompe énormément, d’Yves Robert : il n’a accepté le rôle qu’à condition de donner à cet homosexuel l’allure d’un hétérosexuel, de ne « pas jouer les grandes folles ». Le second, en 1980, consacre le succès de La Guerre des polices, de Robin Davis, où il est un commissaire traquant un ennemi public.

Aucun plan de carrière

A cette époque, il oscille volontiers du flic (Une affaire d’hommes, de Nicolas Ribowski, La Crime, de Philippe Labro, Dancing Machine, de Gilles Béhat) au bandit (Un cave, de Gilles Grangier, Une robe noire pour un tueur, de José Giovanni), voire au détective privé (Il faut vivre dangereusement, de Claude Makovski), ou au juge (La Banquière, de Francis Girod) : « Un jour je suis le gendarme, un jour je suis le voleur. » On se souvient de lui aussi en prisonnier d’un stalag (Le Caporal épinglé, de Jean Renoir, 1962), écrivain impliqué dans un meurtre (Les Seins de glace, de Georges Lautner, 1974), écrivain alcoolique (Descente aux enfers, de Francis Girod, 1986), trafiquant raciste (L’Etat sauvage, de Francis Girod, 1978), amant dont s’éloigne Romy Schneider (Une histoire simple, de Claude Sautet, 1978), vétérinaire harcelé par une inspectrice des impôts (Signes extérieurs de richesse, de Jacques Monnet, 1983), flic macho tiraillé par le désir (Sale comme un ange, de Catherine Breillat, 1991), industriel pied-noir (L’Autre côté de la mer, de Dominique Cabrera, 1996), sans oublier le personnage de Jacky Pic, le beauf retraité de Melun, amateur de pastis en tongs, abonné à l’emplacement 17 aux Flots Bleus de Pyla-sur-mer (Camping, de Fabien Onteniente, 2005).


Ses rôles, il les choisit au feeling, sans jamais se poser « la question de la reconnaissance », et sans aucun plan de carrière. Il refusera ainsi le rôle porteur, finalement tenu par Philippe Léotard, dans La Balance, de Bob Swaim, parce qu’il vient de faire La Guerre des polices et ne veut pas se spécialiser dans le polar. Il arrête aussi de jouer Le Dîner de cons au théâtre en plein triomphe, afin d’honorer ses contrats de cinémas ; Francis Veber lui en voudra tellement qu’il s’opposera à ce qu’il reprenne son rôle dans le film (Thierry Lhermitte en héritera). S’il joue le père de Vic/Sophie Marceau, l’ado dans La Boum, de Claude Pinoteau, en 1980, c’est parce qu’il pense qu’il aimerait être le spectateur d’une telle comédie, et que s’il avait eu une fille, il l’aurait élevée de la même manière que celle que professe son personnage fictif dans le film.

Humilié et blessé

Au summum de ses prestations figurent sans doute Daniel, le vendeur de voitures d’Un éléphant ça trompe énormément et de Nous irons tous au paradis, aux côtés de Jean Rochefort, Guy Bedos et Victor Lanoux, avec cette scène réellement vécue au temps du Conservatoire, Belmondo, Marielle et Rochefort en complices : avec ses potes, il fait semblant d’être aveugle dans une brasserie, canne blanche brandie en arme de destruction prétendument passive (Brasseur aime la déconnade, bien bouffer, lever le coude…).

 

Restent aussi, sans aucun doute, ses deux collaborations avec Jean-Luc Godard : dans Bande à part d’abord, en 1964, l’histoire de deux voyous (lui et Sami Frey) amoureux d’Anna Karina, avec la fameuse visite record de la Grande Galerie du Musée du Louvre parcourue en courant en 9 minutes 43 secondes. Et la danse madison scandée dans un café, devant un juke-box. Godard disait alors de lui : « Claude Brasseur a l’innocence et la folie des enfants lorsqu’ils jouent aux billes ou à la guerre. C’est-à-dire à la fois la brutalité nécessaire et la candeur suffisante. »

 

En 1985, Brasseur est pilote de ligne, en passe de séparation avec Nathalie Baye qui en pince pour Johnny Hallyday, dans  Détective. Peut-être son rôle le plus touchant, intériorisé, blessé. Une épreuve. Car durant le tournage, Godard se conduit mal avec lui, l’humilie : « Mon pauvre Claude, lui dit-il, il y a vingt ans tu avais encore quelques qualités, maintenant t’as tout perdu. Il ne te reste plus rien du tout. » Godard enfonce le clou dans les Cahiers du cinéma « Claude est un bon acteur mais surévalué, qui ne sait plus ce qu’il doit faire, qui ne fait que de mauvais films… » (n° 373, juin 1985). L’acteur a la dignité de réagir positivement : « Quand on se fait traîner dans la merde, on est secoué et ça nettoie. »

 

 

Claude Brasseur en quelques dates
 

15 juin 1936 Naissance à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

1959 « Rue des Prairies »

1962 « Le Caporal épinglé »

1964 « Bande à part »

1976 « Un éléphant ça trompe énormément »

1977 « Nous irons tous au paradis »

1977 César du meilleur second rôle (« Un éléphant ça trompe énormément »)

1979 « La guerre des polices »

1980 César du meilleur acteur (« La guerre des polices »)

1980 « La Boum »

1993 « Le dîner de cons » (théâtre)

2000 « Les Acteurs »

2016 « Camping 3 »

Décembre 2020 Mort à Paris

 

 

Légende photo : Claude Brasseur dans le téléfilm « Les Eaux mêlées », en 1969. GEORGES GALMICHE/INA/AFP

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November 26, 2020 4:18 PM
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Jean Darnel, professeur d'excellence

Jean Darnel, professeur d'excellence | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog le 23/11/2020


Pédagogue, metteur en scène, très grand collectionneur, il s’est éteint à Paris à l’âge de 97 ans. La musique comme le théâtre lui doivent beaucoup.

C’était un esthète. Un homme qui aura consacré sa vie à l’art. Il était né en 1923 et s’était très tôt pris de passion pour la musique et le théâtre. A peine ses bacs en poche, il veut devenir comédien et commence par faire de la figuration, à Paris, dans les années 40. Il souriait, amusé de sa timidité d’alors, en se remémorant ces premiers pas sur les planches ou les plateaux de cinéma. Il joue un page dans Les Visiteurs du soir. Il n’est pas le seul : les jeunes François Chaumette, Alain Resnais, Jean Carmet et le très jeune Jean-Pierre Mocky sont eux aussi de jeunes serviteurs…Mais lui, Jean Darnel, il devait servir à boire à Jules Berry…le Diable ! On est au Moyen-Age car Carné et Prévert ont voulu avoir la paix avec la censure de l’Occupation.

 

Jean Darnel racontait cette histoire et des centaines d’autres. Avant d’être un comédien, un metteur en scène, un créateur de festivals, un professeur d’art dramatique, Jean Darnel était en effet un homme d’une érudition profonde. Et puis son esprit souvent caustique donnait à ses récits, ses anecdotes, un inoubliable piquant…

 

Dans ces années quarante-cinquante, le monde du théâtre parisien n’est pas énorme et l’on trouve des rôles assez facilement. Jean Darnel est non seulement doué, avec une voix très bien timbrée, une discipline, une connaissance déjà profonde de la littérature dramatique, mais il est très beau. Il a un physique de jeune premier.

 

Il se forme auprès de grands maîtres, d’aînés qu’il admire, tel Pierre Fresnay.

 

Dès 1945, il triomphe sur la scène du Châtelet où Maurice Lehmann met en scène L’Aiglon d’Edmond de Rostand. Le rôle, depuis sa créatrice, Sarah Bernhardt, est le plus souvent tenu par des femmes. Mais Jeanne Boitel attend un enfant et doit s’interrompre. C’est Jean Darnel qui joue le Roi de Rome. La critique s’enflamme pour lui dès ce moment-là.

 

Il pourrait enchaîner les engagements, mais, s’il joue et pas les moindres personnages chez Shaw, Shakespeare, Hugo, son goût le conduit vers la mise en scène de ces auteurs, entre autres : Hamlet, Ruy Blas, Cyrano de Bergerac, Roméo et Juliette, dans les années 50-60, puis des œuvres de Molière, Musset, Racine.

 

Mais surtout, il dirige des chanteurs dans de grands et beaux ouvrages, tel Didon et Enée de Purcell, dès 63, à Saint-Jean-de-Luz. Il n’a pas attendu la mode baroque, il la précède…

Il aime aussi les œuvres plus légères, les opéras bouffes d’Offenbach et de Rossini, notamment.

 

Jean Darnel qui avait grandi, en partie, à Bayonne, fonde en 1960, Musique en côte basque, un festival qui existe toujours et qui s’est allié au festival Ravel pour une entité unique depuis quelques saisons.

 

En 1971, c’est lui qui, avec Jacques Bourgeois, reprend le flambeau du théâtre antique d’Orange avec « Les Nouvelles Chorégies ».

On ne peut ici détailler tous ses rôles, toutes ses mises en scène, tous les artistes qu’il a mis en lumière en les engageant dans ses différents festivals. N’oublions pas Les Fêtes romantiques de Nohant

 

Voici ce qu’a écrit Yves Henry, actuel président de la manifestation : « Il avait été à l’origine du Nohant Festival Chopin avec son ami Aldo Ciccolini. Jean Darnel nous a quittés cette nuit à l’âge de 97 ans, rejoignant Aldo, qui s’était éteint en 2015 à près de 90 ans. Tous deux étaient tombés sous le charme de Nohant et avaient su y faire venir les plus grands artistes des mondes de la littérature et de la musique. De Samson François à Laurent Terzieff, d’Arthur Rubinstein à Elisabeth Schwarzkopf, de 1966 à 1990, ils ont façonné avec passion ce Festival, intitulé à l’époque Fêtes Romantiques de Nohant, et rebaptisé depuis 2011 Nohant Festival Chopin.

 

Jean Darnel était un homme de théâtre, un pédagogue passionné et exigeant, et un directeur artistique qui a également contribué à deux autres grandes manifestations : les Chorégies d’Orange et Musique en Côte basque. Grâce à lui, de nombreux spectateurs ont pu vivre des moments exceptionnels dont ils conserveront longtemps le souvenir. Grâce à lui, des générations de comédiens perpétuent un art théâtral particulier dans lequel le rapport à la musique et aux musiciens a une place prépondérante. Grâce à lui enfin, de nombreux jeunes artistes, qu’ils soient musiciens ou comédiens, ont pu développer leur expérience professionnelle. Il avait créé et dirigé à Paris l’association pour l’insertion professionnelle des jeunes artistes. »

 

Jean Darnel, en effet, aura également été un professeur, aussi exigeant que fidèle quand ses élèves avaient la pugnacité, le talent, la volonté d’entreprendre. Il aura été Directeur de l’École d’art dramatique de la ville de Paris (devenue École supérieure d’art dramatique -ESAD- en 2008) et inspecteur des Conservatoires.

Il a donc fondé avec le soutien de l’État et de la ville de Paris l’Association pour l’Insertion Professionnelle des Jeunes Artistes (IPJA) et l’a dirigée pendant vingt-deux ans.

 

Il avait ouvert, en 1966, un cours privé à son nom. Jusqu’à il y a quelques années, il réunissait les élèves dans le « grenier » du Théâtre de l’Atelier, dans la lumière de Charles Dullin et les fantômes gentils de Barrault, Artaud…C’était un professeur parfois très sévère, mais ses fidèles admiraient le maître et lui sont très reconnaissants : Nicolas Vaude, Nicolas Briançon, entre autres.

Ces toutes dernières années, Jean Darnel animait une fois par mois Le Libre journal du spectacle sur Radio Courtoisie. Voix bien timbrée, humour, saveur, il construisait des pages de récits savoureux et pétris d’amour.

 

Sa vie durant, dès qu’il avait trois sous, il avait acheté des souvenirs du monde du théâtre ou de l’art lyrique. Il aimait les objets, mais aussi les lettres. Il avait la merveilleuse couronne de Phèdre de Sarah Bernhardt, d’autres bijoux, des photographies. Il adorait le XIXème siècle et subissait avec chagrin les approximations artistiques de ces dernières années…

 

C’est lundi 30 novembre, à 13h00, au cimetière du Père-Lachaise, salle Maumejean, que ses amis, ses élèves, diront un dernier adieu à Jean Darnel.

Entrée : 71 rue des Rondeaux, Paris XXème.

Légende photo : Toujours très élégant. Et toujours très érudit … Photographie DR.
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November 22, 2020 4:37 PM
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Penseurs de théâtre : hommage à Jean-Pierre Vincent. Une émission de 2005 rediffusée par France Culture

Penseurs de théâtre : hommage à Jean-Pierre Vincent. Une émission de 2005 rediffusée par France Culture | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Sur la page de l'émission de Blandine Masson  Fiction / Théâtre et Cie le 22 nov. 2020 

 

 

Le récit d'une dynamique collective, d'une aventure intellectuelle, esthétique et politique au Théâtre national de Strasbourg

 

Hommage au metteur en scène Jean-Pierre Vincent mort le 4 novembre 2020.

 

Retour sur les « années TNS », les huit saisons passées entre 1975 et 1983 au Théâtre National de Strasbourg par Jean-Pierre Vincent avec un collectif d’artistes et dramaturges.

Ecouter l'émission en ligne (2h)

 

L’aventure de Strasbourg  est un moment important de l’histoire du théâtre, dont il est important de se souvenir au même titre que la fondation du TNP évoquée la semaine dernière dans Théâtre & Cie sur France Culture. Une aventure qui commence en 1973  dans une rupture historique, la fin du gauchisme actif,  la fin de 68 marquée par la mort de Pierre Overney, comme le dit Jean-Pierre Vincent  dans un documentaire de Bruno Tackels que nous allons rediffuser ce soir.  Les années TNS de Jean Pierre Vincent, c’est une nébuleuse d’artistes, d’intellectuels, dramaturges, peintres, une nouvelle génération issus souvent du théâtre universitaire, comme Mnouchkine, Lavaudant, Françon , Chéreau, marquée  par  Bertolt Brecht mais aussi par  l’histoire de Jacques Copeau, des Copiaus, du TNP. Nous étions des brechtiens dans la maison de Jacques Copeau dit avec humour l’écrivain Michel Deutsch qui fit partie de l’aventure avec André Wilms, Evelyne Didi, Michèle Foucher, Jacques Blanc, Jean Pierre Jourdheuil, André Engel, Bernard Chartreux, Dominique Muller, Alain Rimoux, Philippe Clevenot, Bérangère Bonvoisin, Laurence Mayor, Hélène Vincent, Christiane Cohendy, Bernard Freyd, Gérard Desarthe,  …je ne peux malheureusement pas tous les citer. Nous voulions renverser  des montagnes lorsque nous sommes arrivés dit encore Michel Deutsch dans un film qu’il a consacré à ces années TNS. Nous voulions diviser le public, en finir avec le théâtre académique. Les spectacles n’étaient pas seulement des spectacles, c’était des expériences de vie, un voyage au bout du théâtre. 

 

Blandine Masson 

 

C’est avec André Wilms, que nous ouvrons cette soirée d’hommage à Jean-Pierre Vincent et à une génération de théâtre aventureuse, en deuil aujourd’hui.

 

Puis nous entendrons Michel Deutsch qui a consacré un film à l‘aventure du TNS.  Il en parle ce soir à Blandine Masson comme d’une expérience de vie, et dit : "Le travail du collectif du TNS  expérimental et populaire au sens de Brecht, voulait déconstruire le spectacle, comprendre comment cela modifiait notre vision du monde". Michel Deutsch nous raconte comment cette déconstruction  était aussi une entreprise de déstabilisation  permanente, symbolisée peut-être par la première affiche du TNS années Vincent : Un éléphant qui fait du trapèze 

 
  • Penseurs de théâtre 

Avec Jean Pierre Vincent , Stéphane Braunschweig, Bernard Chartreux, Michel Deutsch, Evelyne Didi

Le 15 juillet 2005, nous avions invité Jean Pierre Vincent au Musée Calvet pendant le Festival d’Avignon, pour la lecture d’un texte inédit autour de la mise en scène. Cette lecture entrait dans une collection intitulée « Ecrits de metteurs en scène » pour laquelle Jean Pierre Vincent avait souhaité écrire sur un spectacle invisible pour le public français. C’était  Sept contre Thèbes, une tragédie d’Eschylle qu’il avait mise en scène en italien pour le théâtre grec de Syracuse, un théâtre mythique en plein air de 8000 places.

 

autre liens audio en rapport avec Jean-Pierre Vincent

À RÉÉCOUTER
 
Réécouter Hommage à Jean-Pierre Vincent

 

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November 19, 2020 1:11 PM
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Le comédien Michel Robin est mort

Le comédien Michel Robin est mort | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde  19/11/2020

 

Au long de soixante ans de carrière, c’est le théâtre qui aura été son lieu de prédilection, pour servir les plus grands auteurs, Beckett ou Tchekhov. Sociétaire de la Comédie-Française, second rôle dans de nombreux films de cinéma ou de télévision, il est mort, le 18 novembre, à l’âge de 90 ans.

 

Avec lui disparaît un acteur-poète, et un homme aussi merveilleux que discret : le comédien Michel Robin est mort, mercredi 18 novembre, à l’âge de 90 ans, des suites du Covid-19. Il était né à Reims, le 13 novembre 1930. Il s’était illustré à la télévision et au cinéma dans de nombreux seconds rôles, notamment dans Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), La Chèvre (1981) ou Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2000), mais c’est le théâtre qui a été son royaume, au long de plus de soixante ans d’une carrière où il a mis son art de comédien funambule au service des plus grands auteurs.

 

Ce royaume du théâtre, pourtant, lui avait d’abord paru inaccessible, dans son enfance rémoise tranquille et bourgeoise. « Je pensais que c’était irréalisable, nous racontait-il dans un entretien, en avril 2003. D’abord, j’étais trop moche : dans ma jeunesse, au début des années 1950, l’Acteur, c’était Gérard Philipe… » Michel Robin se lance quand même, arrivant à Paris en 1956, à l’âge de 26 ans, pour entrer à l’école du Théâtre national populaire (TNP), alors installé au Théâtre de Chaillot et dirigé par Jean Vilar.

 

Roger Planchon, qui en 1957 se voit confier le Théâtre de la Cité de Villeurbanne, l’engage six mois plus tard. « Au début, je tenais les hallebardes, et puis je suis resté dix ans… », se souvenait Michel Robin. Il joue dans une petite vingtaine de spectacles du maître, de George Dandin aux Trois Mousquetaires en passant par toute une collection de Shakespeare, de Richard III à Falstaff.

La révélation Beckett

En 1970 a lieu la grande rencontre théâtrale de sa vie, celle de Samuel Beckett, qui restera jusqu’au bout son auteur de prédilection, avec Tchekhov. Roger Blin l’engage pour jouer Lucky dans En attendant Godot, qu’il avait créé en 1953 et dont il propose une nouvelle mise en scène. Pour Michel Robin, c’est une révélation. Dix ans plus tard, en 1980, il retrouve Beckett pour Fin de partie, dans lequel il joue Clov, sous la direction de Guy Rétoré.

Il jouera de nouveau la pièce en 1986, avec Marcel Maréchal, et, en 2011, avec Alain Françon. Le rôle et la pièce de sa vie. « Fin de partie, pour moi, c’est encore plus magnifique que Godot, plus simple, moins bavard. Ça peut paraître très prétentieux, mais, chez Beckett, je suis chez moi. C’est tellement drôle, et tellement affreux, en même temps. Il s’approche de choses tellement mystérieuses, tellement graves, qu’il n’y a plus qu’à en rire. Il n’y a rien à comprendre chez Beckett, il faut se laisser porter, comme par la mer, par l’émotion… »

 

C’est avec Beckett, surtout, que Michel Robin a compris quel acteur il voulait et pouvait devenir. Comme l’auteur de Godot, il était fasciné par les grands clowns d’autrefois, dont il estimait que l’art s’était perdu, sauf chez Raymond Devos. « Mon rêve, ce serait de pouvoir entrer en scène, de m’asseoir sur une chaise, de ne rien faire, et de faire rire et pleurer en même temps », disait-il en livrant ainsi le secret de son art de comédien.

« Ça peut paraître très prétentieux, mais, chez Beckett, je suis chez moi. C’est tellement drôle, et tellement affreux, en même temps »

 

Au fil des années 1970 et 1980, il a peaufiné cet art en jouant avec les metteurs en scène importants de l’époque, de Jean-Louis Barrault à Claude Régy en passant par Alfredo Arias, Lucian Pintilie ou Jérôme Savary. En 1994, son ami Jean-Pierre Miquel l’appelle pour lui proposer d’entrer, sur le tard, dans la troupe de la Comédie-Française. Il joue son premier grand rôle dans la maison en 1996 , Monsieur Jourdain, dans Le Bourgeois gentilhomme, puis il en devient le 495e sociétaire en 1997. Il va y rester jusqu’en 2010, et y donne pendant quinze ans une grandeur inédite aux rôles de vieux serviteurs, de Marivaux à Molière en passant par Feydeau.

Art profond et aérien

Mais c’est surtout avec les Russes Tchekhov et Ostrovski qu’il va donner une épaisseur humaine inouïe à ces personnages qui ont passé leur vie dans les coulisses de l’existence : Firs dans La Cerisaie et Feraponte dans Les Trois Sœurs, sous la direction d’Alain Françon, Karp dans La Forêt d’Ostrovski, mise en scène par Piotr Fomenko.


En 2014, Denis Podalydès rend un magnifique hommage à cet art profond et aérien en mettant en scène Michel Robin, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, dans le rôle du vieux Nioukhine dans Les Méfaits du tabac, de Tchekhov. « Pour moi, toute l’essence de Tchekhov est dans ce que dit Firs à la fin de La Cerisaieobservait alors Michel Robin : “La vie, elle a passé, on a comme pas vécu”. Tchekhov porte un regard d’une tendresse infinie sur ces êtres dont la vie a été gâchée, mais qui ne sont pas des ratés. »


 

Ce fut le dernier rôle de Michel Robin, dont la présence familière évoquera d’autres souvenirs à nombre de spectateurs. A l’image du Pipe du film d’Yves Yersin Les Petites Fugues (1979), un vieux paysan qui faisait souffler un vent de liberté sur son vélomoteur, et qui lui a valu le prix d’interprétation au festival de Locarno. Ou du Doc de la série télévisée Fraggle Rock (1983), qui en a fait le grand-père imaginaire d’une génération. Il y avait bien « un monde d’humanité et d’intelligence contenu dans cette longue et humble silhouette courbée », comme l’écrit Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, dans l’hommage qu’il rend au comédien au nom de toute la Maison de Molière, où Michel Robin était infiniment aimé et admiré par ses pairs, toutes générations confondues.

 

Michel Robin en quelques dates

13 novembre 1930 : Naissance à Reims

1957 : Entrée dans la troupe de Roger Planchon

1970 : « En attendant Godot », de Beckett, sous la direction de Roger Blin

1979 : Prix d’interprétation au festival de Locarno pour « Les Petites Fugues »

1997 : Devient sociétaire à la Comédie-Française

2014 : « Les Méfaits du tabac », de Tchekhov

18 novembre 2020 : Mort des suites du Covid-19

 

Lire aussi  Michel Robin fait encore un « Tabac »

Lire aussi : Les "Trois Sœurs" dans un portrait de groupe figé

 

Légende photo : Michel Robin en avril 1990, après avoir reçu le Molière du meilleur second rôle dans « La Traversée de l’hiver » lors de la cérémonie au Théâtre du Châtelet à Paris. PIERRE VERDY/AFP

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November 19, 2020 10:42 AM
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L'acteur Michel Robin, figure de la Comédie-Française, est mort à l'âge de 90 ans des suites du Covid-19

L'acteur Michel Robin, figure de la Comédie-Française, est mort à l'âge de 90 ans des suites du Covid-19 | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Mélisande Queïnnec - franceinfo Culture
France Télévisions Rédaction Culture

 

Le comédien, particulièrement apprécié au théâtre, avait fait des incursions fréquentes remarquées au cinéma et à la télévision ("La Chèvre", "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", "Un long dimanche de fiançailles"...).

Michel Robin, ex-sociétaire de la Comédie-Française et acteur de cinéma, est mort le 18 novembre 2020 des suites du coronavirus. "L’ensemble des personnels de la Comédie-Française ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Michel Robin survenu [...] à l’âge de 90 ans, des suites de la Covid-19", a annoncé la Comédie-Française dans un communiqué. "Nous avons tous un souvenir précis de Michel, parti il y a dix ans déjà de notre théâtre. De sa tendresse et de son humour dévastateur. De sa dent aussi, carnassière et drôle", a ajouté l'administrateur général de l'institution, Eric Ruf.

Grand comédien de théâtre

Né le 13 novembre 1930 à Reims (Marne), Michel Robin débute sa carrière sur les planches. Elève du cours Dullin, il entre d'abord dans la troupe de Roger Planchon au Théâtre national populaire à Villeurbanne. Entre 1958 et 1964, il joue dans 17 spectacles, avant d'intégrer la compagnie Renaud-Barrault et d'interpréter la pièce marquante En attendant Godot de Samuel Beckett. 

 

L'acteur, en plus de ses nombreuses apparitions au cinéma, avait été longtemps sociétaire de la Comédie Française. (Raphaël Gaillarde / Christophe Raynaud de Lage / Comédie Française)

 

Avant son entrée à la Comédie-Française en 1994 - il en restera sociétaire jusqu'en 2010 - Michel Robin s'illustre déjà sur les planches. Dans Le Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare par Petrika Ionesco, Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier mis en scène Marcel Maréchal ou encore Le Balcon de Jean Genet, dirigé par Luis Pasqual. 

Dans la maison de Molière, il joue sous la direction de Brigitte Jaques-Wajeman, Piotr Fomenko, Lukas Hemleb, Denis Podalydès... On se souvient de son interprétation dans Les Fausses Confidences de Marivaux en 1996 avec Jean-Pierre Miquel à la mise en scène, Le Bourgeois gentilhomme de Molière par Jean-Louis Benoît en 2000, Le Dindon de Feydeau par Hemleb deux ans plus tard ou Ubu roi d'Alfred Jarry dirigé par Jean-Pierre Vincent en 2009.

 

Au cours de sa longue carrière, il aura manié les mots de Feydeau, Ionesco, Beaumarchais, Anton Tchekhov ou encore Beckett, toujours avec succès. En témoigne un Molière du comédien dans un second rôle pour La Traversée de l'hiver de Yasmina Reza en 1990. Sa dernière apparition au théâtre a lieu en 2014 pour Les Méfaits du tabac de Tchekhov, mis en scène par Denis Podalydès au Théâtre des Bouffes du Nord.

Acteur complet

Au cinéma, on se souviendra notamment de lui pour ses seconds rôles - souvent des vieillards au regard doux. Il apparaît entre autres dans deux films de Claude Chabrol (Le Cheval d'orgueil, Merci pour le chocolat), dans La Chèvre de Francis Veber, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet ou encore L'Aveu de Costa-Gavras... "Je ne comprends pas pourquoi on me distribue toujours à contre-emploi dans ces rôles de vieux larbins alors que je suis fait pour jouer le Cid !", plaisantait-il en 2003 dans Le Monde.

 

 

Son rôle dans Les Petites Fugues d'Yves Yersin lui vaudra en outre, en 1979, le Grand prix d'interprétation du jury du Festival de Locarno. Michel Robin s'était également fait une place de choix à la télévision, notamment avec un rôle récurrent dans Boulevard du Palais, Les Enquêtes du commissaire Maigret, et dans tous les épisodes de la version française de Fraggle Rock (1983).

Chevalier de l'Ordre national du Mérite, officier des Arts et des lettres, l'acteur avait ainsi enchaîné les projets artistiques (cinéma, théâtre, télévision, doublage) au cours d'une carrière d'une grande richesse. "Nous perdons un grand-père, un père de théâtre, un ami, un grand comédien", conclut Eric Ruf dans le communiqué.




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November 10, 2020 10:16 AM
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Disparition du metteur en scène Jean-Pierre Vincent  - Communiqué sur le site du Théâtre du Nord, direction Christophe Rauck

Disparition du metteur en scène Jean-Pierre Vincent  - Communiqué sur le site du Théâtre du Nord, direction Christophe Rauck | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié sur le site du Théâtre du Nord  CDN - Direction Christophe Rauck


On attendait avec impatience de voir prochainement sa version d’Antigone de Sophocle, au Théâtre National de Strasbourg. Qu’aurait-il fait de ce mythe vieux de 2500 ans et de son héroïne? Comment aurait-il fait exploser au plateau l’intelligence du texte, sa sensibilité, pour mieux en découdre avec le monde d’aujourd’hui ?

 

Quand Jean-Pierre Vincent était venu présenter à notre équipe Iphigénie en Tauride – celle de Goethe et non celle d’Euripide – qu’il était en train de répéter en 2016, il avait exprimé le bonheur qu’il avait de se ressaisir des classiques, de les explorer pour les mettre en scène, avec la revigorante modernité qui était la sienne.
Le 12 mars 2016, il avait participé, à l’invitation de Christophe Rauck, à une journée de rencontres autour du personnage de Figaro, pour évoquer, également avec Jacques Lassalle, leur mise en scène respective du Mariage de Figaro. En 1987, Jean-Pierre Vincent déjà, montrait combien les femmes menaient le jeu autour du couple maître-valet…

 
Jean-Pierre Vincent, c’était d’abord une énergie. Blouson de cuir noir, œil vif et toujours un projet, une bataille, voire un combat à mener.
Ce passionné d’histoire aimait à dire qu’il avait horreur du passé : « Je travaille pour que le passé serve le présent et pas l’inverse comme dans la culture réactionnaire française, bien calée bien traditionnelle, catholique et cuistre ».

 
Directeur du Théâtre National de Strasbourg (1975-1983), du Théâtre Nanterre- Les Amandiers (1990-2001), administrateur de la Comédie-Française (1983-1986) sur laquelle Mitterrand via Jack Lang lui demande de souffler un vent nouveau, Jean-Pierre Vincent avait repris sa liberté en 2002 en créant la compagnie Studio libre qui ne manquait pas de lui laisser du temps pour travailler avec de jeunes comédiens dont il adorait l’énergie. Brillant pédagogue, il a été découvreur de talents, et nombre de grands comédiens d’aujourd’hui peuvent se réclamer de son enseignement.  

 
Jean-Pierre Vincent, c’était aussi la fidélité à ceux qui avaient bâti avec lui la centaine de mises en scène qu’on lui doit et, notamment, Bernard Chartreux son dramaturge et Jean-Paul Chambas, son scénographe.


Avec ses camarades du club-théâtre du lycée Louis-Le-Grand (1958), Patrice Chéreau (1944-2013) et Jérôme Deschamps, Jean-Pierre Vincent a été de cette génération de metteurs en scène, qui a donné le grand coup de pied salvateur dans le théâtre bourgeois de l’après-guerre.


Sa disparition nous laisse orphelins, comme avant lui, celle de son compagnon de route, Patrice Chéreau, nous avait coupé les ailes. Il reste des captations et le souvenir de ses spectacles présentés au Théâtre du Nord : Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux (1999) ; Lorenzaccio d’Alfred de Musset (2001) ; Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce (2005) ; L’Eclipse du 11 août de Bruno Bayen (2007) ; Le Silence des communistes (2008) ; Iphigénie en Tauride de Goethe (2016). 

Le Théâtre du Nord

 

► https://www.theatre-contemporain.net/video/Figaro-divorce-rencontre-avec-J-Lasalle-J-P-Vincent-et-C-Rauck

 

► https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2020/11/05/le-metteur-en-scene-jean-pierre-vincent-est-mort_6058662_3382.html#:~:text=Le%20metteur%20en%20sc%C3%A8ne%20Jean-Pierre%20

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November 5, 2020 4:47 PM
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La mort de Jean-Pierre Vincent : Un demi-siècle de grandes mises en scène

La mort de Jean-Pierre Vincent : Un demi-siècle de grandes mises en scène | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Gilles Costaz dans Sceneweb - 5 novembre 2020 


L’un des plus importants metteurs en scène français vient de mourir : Jean-Pierre Vincent, décédé à l’âge de 78 ans, victime du covid-19. Rien que la liste des établissements qu’il a dirigés au cours de sa carrière donne la dimension de ce qu’il a représenté dans le paysage théâtral français : il a été directeur du Théâtre national de Strasbourg de 1975 à 1983, administrateur général de la Comédie-Française de 1983 à 1986 et directeur de Nanterre-Amandiers de 1990 à 2001. Mais, au départ, il y a le Groupe théâtral du lycée Louis-le-Grand, à Paris, où deux très jeunes gens s’affirment : Jean-Pierre Vincent et Patrice Chéreau, qui resteront amis toute leur vie. Plutôt brechtien, Vincent crée sa troupe, s’entourant de personnalités comme Jean Jourdheuil, puis plus tard André Engel, impose un style radical qui, ouvert à la réflexion politique et aux esthétiques européennes, démode le classicisme dominant de l’époque. Sa femme, la grande comédienne Hélène Vincent, le peintre-scénographe Jean-Paul Chambas et le dramaturge Bernard Chartreux sont de l’aventure et y joueront des rôles importants. Infatigable, Vincent va poursuivre une activité créatrice qui aura duré 60 ans (de 1959 à 2019). Il appartenait au petit nombre de ces artistes qui, surdoués, n’ont jamais raté une mise en scène.


Un inoubliable Mariage de Figaro
A la tête du TNS, il révise et re-lit les classiques, comme Le Misanthrope ou les Shakespeare traduits par Jean-Michel Déprats ; il s’affirme comme l’un des pionniers du théâtre documentaire, avec la mise au théâtre de comptes rendus de tribunaux, Le Palais de justice. Au Français, il n’obtient pas une entente parfaite avec les acteurs mais il y monte des spectacles marquants comme Félicité de Jean Audureau, Le Suicidé de Nicolas Erdman (plus tard, il reviendra présenter un très beau Léo Burckart de Nerval). Avant de reprendre la responsabilité d’une grosse structure, il a le temps de mettre en scène un Mariage de Figaro mémorable, joué notamment par André Marcon, Dominique Blanc, Didier Sandre, Denise Chalem, à Chaillot : un miracle d’équilibre entre le brio des sentiments et l’éclat sombre de la comédie sociale. Puis, à Nanterre, il donne à voir des spectacles à la fois exigeants et populaires, comme Les Fourberies de Sapin avec Daniel Auteuil (d’abord créé à Avignon) et un cycle Musset auquel participent Auteuil et Emmanuelle Béart. Et se confronte au théâtre d’Edward Bond (Pièces de guerre).


Redevenu indépendant, ayant constitué sa compagnie Studio libre, il exhume des textes oubliés (Benserade), s’intéresse au théâtre de Jean-Luc Lagarce, revient à l’un de ses domaines favoris, la tragédie grecque - son dernier grand spectacle sera, à Avignon, L’Orestie jouée par de jeunes comédiens sortant de l’école du TNS. La maladie l’aura empêché de monter Antigone qui était prévue au TNS cette saison. Parmi les metteurs en scène contemporains, Jean-Pierre Vincent était un personnage tout à fait ouvert, passionné par les jeunes générations (il fit beaucoup pour Stanislas Nordey qui le remplace actuellement à la tête du TNS), accueillant, actif à tous les échelons : la formation, le débat politique, l’action culturelle et les relations du théâtre avec les milieux scolaires et universitaires, la défense de la profession… Fasciné par la culture germanique, travaillant à l’allemande (il avait un dramaturge, Chartreux, et n’attaquait pas ses répétitions sans disposer d’un énorme dossier historique), il ne fut pas fermé aux autres inspirations et aux écritures françaises comme celles de Jean-Claude Grumberg, Rezvani, Fatima Gallaire ou Bruno Bayen. Jamais fossilisé dans un répertoire ou une fonction, il allait, avec une belle souplesse, une ample curiosité, d’un univers à l’autre, d’une activité à l’autre. On l’interviewait facilement, et ses propos étaient toujours passionnants. Notre rédaction, qui comprend Dominique Darzacq - laquelle avait réalisé avec Vincent un ouvrage et la série d’entretiens télévisés Mémoires du théâtre -, adresse ses plus vives condoléances à son épouse, Nicole Taché, sa famille et à ses proches.

 

Gilles Costaz - Webthéâtre

 


Photo Artcena.

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November 5, 2020 3:57 PM
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Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent est mort, l'article de Fabienne Darge dans Le Monde

Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent est mort, l'article de Fabienne Darge dans Le Monde | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde, le 5 novembre 2020

 

Cette figure tutélaire du théâtre français est morte le 5 novembre à Mallemort (Bouches-du-Rhône), à l’âge de 78 ans.

 

On le voit encore, le regard vif, la moustache frémissante de combats à venir, tellement vivant. Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent est mort, dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 novembre, à 78 ans, dans sa maison de Mallemort (Bouches-du-Rhône), des séquelles du coronavirus, contracté au printemps et à la suite duquel il avait eu plusieurs AVC. Il était né le 26 août 1942, à Juvisy-sur-Orge (Essonne).

 

Avec lui, le théâtre perd une figure tutélaire : Jean-Pierre Vincent n’a pas seulement signé une centaine de spectacles et dirigé successivement le Théâtre national de Strasbourg (TNS), la Comédie-Française et les Amandiers, à Nanterre (Hauts-de-Seine). Il a aussi été un pédagogue exceptionnel, et le « père » de théâtre de nombre de talents, qu’il s’agisse de Denis Podalydès, de Stanislas Nordey, d’Emmanuelle Béart, de Pascal Rambert et de bien d’autres. Il était toujours le premier à monter au front pour défendre le modèle du théâtre public à la française, qu’il estimait aujourd’hui menacé, et le rôle fondamental qu’il joue dans une société démocratique.

 

On le voit encore, un jour froid de l’hiver 2017, commencer un long voyage dans l’Orestie d’Eschyle avec les élèves de première année de l’école du TNS. Tout Jean-Pierre Vincent était là : la rigueur et l’humour, la passion des textes, de leur histoire, et la nécessité de les lire dans le présent d’aujourd’hui.

« On voulait bouffer le monde ! »

La passion pour l’histoire française, il l’avait chevillée au corps, lui dont l’histoire personnelle a épousé celle de la France de l’après-guerre. Une enfance de titi parisien, dont il garderait toujours la gouaille, une enfance populaire, dont il disait pourtant qu’elle avait été « privilégiée et miraculeuse ».

« Mon père était un petit employé du Palais de justice de Paris, racontait-il lors d’un entretien en 2018. Il s’occupait du matériel : les chaises, les crayons et les buvards des magistrats. Mais le miracle, c’est que ce poste était logé dans le Palais de justice. C’était la fonction publique de la IIIe République. Et donc mon école, c’était celle de la rue du Pont-de-Lodi [Paris 6e], où habitait Pierre Dux [comédien et metteur en scène, 1908-1990] et où Picasso [1881-1973] avait son atelier. Mon collège, c’était Montaigne, mon lycée, Louis-le-Grand. Aujourd’hui, avec le statut de mes parents – ma mère était couturière à la maison –, il serait impossible d’accéder à un tel établissement… »

 

La suite appartient à la légende du théâtre : un jour de 1958, Jean-Pierre Vincent accompagne son meilleur ami à l’audition du club théâtre de Louis-le-Grand. « Dans la salle, ça sentait bon le bois et les planches », se souvenait-il. Il est reçu, et se retrouve avec d’autres jeunes gens qui vont changer la face du théâtre français : Patrice Chéreau (1944-2013), Jérôme Deschamps, Michel Bataillon… Des jeunes gens qui veulent en découdre : « Le théâtre français de l’époque était horrible, pour nous – ces Marivaux joués avec l’accent du 7e arrondissement… On était méchants, on voulait bouffer le monde ! »

 

C’est alors la découverte de Roger Planchon (1931-2009) qui, au Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne (Rhône), révolutionne l’art de la mise en scène. Et celle, fondamentale, de Bertolt Brecht, grâce à Patrice Chéreau qui, à 16 ans, prend le train à travers la RFA et la RDA pour aller voir les spectacles du maître au Berliner Ensemble, et les raconte à ses camarades au retour.

Jean-Pierre Vincent va accompagner Patrice Chéreau tout au long des années 1960, notamment quand celui-ci prend, à 22 ans, en 1966, la direction du Théâtre de Sartrouville (Yvelines). L’expérience dure un an et se solde par des dettes considérables. Chéreau et sa bande doivent partir.

Comique de rupture et critique sociale

Arrive 1968 et son parfum révolutionnaire. Dans un colloque sur Brecht, Jean-Pierre Vincent rencontre un jeune universitaire cinglant et contestataire, à l’humour aussi ravageur que le sien : Jean Jourdheuil. Les deux hommes s’associent, et les « Vincent-Jourdheuil », comme on les appellera dorénavant, forment en France le premier duo entre un metteur en scène et un dramaturge, au sens allemand du terme, c’est-à-dire dégageant les implications historiques, politiques et philosophiques d’un texte.

Ils montent La Noce chez les petits-bourgeois ou Dans la jungle des villes, de Brecht, La Cagnotte, de Labiche, ou Le Marquis de Montefosco, de Goldoni, dans un alliage de comique de rupture et de critique sociale.

 

Ce travail leur vaut une belle reconnaissance et, en 1975, Jean-Pierre Vincent est nommé directeur du TNS. Jean Jourdheuil, rebelle à l’institution, ne le suit pas, mais Jean-Pierre Vincent rencontre un autre universitaire-dramaturge, Bernard Chartreux. Les deux hommes resteront jusqu’au bout professionnellement inséparables. A Strasbourg, Jean-Pierre Vincent fait du théâtre un foyer permanent de recherche et de discussions collectives.

Avec Bernard Chartreux, ils inventent une nouvelle forme de drame historique, notamment avec Vichy-Fictions et Violences à Vichy (1980), dans une France giscardienne qui commence à peine son travail de mémoire sur la seconde guerre mondiale. Une nouvelle forme de drame social, aussi, avec Germinal (1975), réécriture du roman de Zola par l’auteur Michel Deutsch, ou Le Palais de justice (1981), mise en scène de la journée ordinaire d’un tribunal avec ses petits vols, ses délinquants, ses désespoirs.

 

Parallèlement, Jean-Pierre Vincent poursuit son travail de relecture des classiques, signant en 1977 un Misanthrope qui fait date, notamment par sa vision du personnage de Célimène : la prétendue coquette comme son camarade Alceste sont montrés comme des victimes d’une société formaliste, écrasée par la puissance de l’Etat.

Le théâtre comme révélateur de son époque

Jean-Pierre Vincent a 40 ans quand, en 1982, François Mitterrand à peine élu à la présidence de la République, le ministre de la culture Jack Lang l’envoie souffler sur la poussière qui recouvre alors la Comédie-Française. Il y mène pendant trois ans un travail de titan pour faire enfin entrer la « Maison de Molière » dans le grand concert créatif du théâtre européen, qui est alors en pleine effervescence.

Jean-Pierre Vincent crée Félicité (1983), de Jean Audureau, adaptation d’Un cœur simple de Flaubert, aventure sexuelle et quasi animale d’une vieille femme seule. Fait entrer au répertoire de la maison Le Balcon, de Jean Genet. Invite le metteur en scène allemand Klaus Michael Grüber (1941-2008), qui signe une sublime Bérénice, de Racine, entrée dans l’histoire du théâtre.

Mais le nouveau directeur se heurte à l’opposition obstinée de certains sociétaires de la troupe, acharnés à défendre une vision plus conservatrice de l’institution. En 1986, Jean-Pierre Vincent claque la porte, lançant, en une formule restée célèbre, que le poste d’administrateur de la Comédie-Française est « le plus difficile, avec celui de Matignon ».

 

Il reprend sa liberté de metteur en scène, jurant qu’on ne l’y reprendrait plus. Le Mariage de Figaro (1987), de Beaumarchais, un de ses meilleurs spectacles, et Le Faiseur de théâtre (1987), de Thomas Bernhard, prolongent sa réflexion sur le théâtre comme révélateur de son époque.

 

Mais, en 1990, son ami Patrice Chéreau l’appelle, le priant de prendre sa suite à la tête du Théâtre des Amandiers de Nanterre. Jean-Pierre Vincent va y rester dix ans, appelant à ses côtés Stanislas Nordey – actuel directeur du Théâtre national de Strasbourg –, et faisant travailler une flopée de jeunes comédiens qui vont faire leur chemin, de Denis Podalydès à Emmanuelle Béart en passant par Eric Elmosnino et Jérôme Kircher. C’est lui aussi qui donne sa chance à Daniel Auteuil en tant que comédien de théâtre, en le mettant en scène dans Les Fourberies de Scapin dans la Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, en 1990.

 

En 2001, il quitte définitivement l’institution, sans nostalgie, estimant qu’une nouvelle génération doit prendre les commandes. Il fonde, avec Bernard Chartreux, sa compagnie, Studio libre, avec laquelle il cultive l’alternance qu’il aime pratiquer entre mises en scène de textes du répertoire, pièces d’auteurs contemporains et projets documentaires et historiques. C’est ainsi qu’Ubu roi, d’Alfred Jarry (2009), et le Dom Juan de Molière (2012) cohabitent avec Dernier remords avant l’oubli, de Jean-Luc Lagarce (2004), ou Onze débardeurs, d’Edward Bond (2003), et avec Le Silence des communistes (2007), qui se penche sur l’évolution du communisme italien, en miroir de la situation française.

 

Et c’est dans la dernière décennie, à partir de 2010, qu’il signe plusieurs de ses meilleurs spectacles, comme un artisan ayant longuement peaufiné ses outils et son geste. En 2015, il offre une vision magnifique d’En attendant Godot, de Beckett, vivante, charnelle et drôle, à rebours des clichés abstraits qui collent à la pièce – un Godot qui met en regard la catastrophe de la seconde guerre mondiale et des camps avec celle de la destruction écologique du monde aujourd’hui.

 

En 2018, George Dandin, le cauchemar du paysan parvenu de Molière, lui inspire un spectacle où s’emboîtent avec une précision imparable les mécanismes de la lutte des classes et de la guerre des sexes.

 

Un classique trempé dans la modernité

L’ancien jeune homme en colère est devenu un classique, mais un classique trempé dans la modernité, avec sa manière unique de lier l’histoire et l’actualité, le comique et le tragique. « Je suis profondément passionné par l’Histoire, viscéralement, depuis toujours, mais j’ai horreur du passé. Je travaille pour que le passé serve le présent, et pas l’inverse, comme dans la culture réactionnaire française bien calée, bien traditionnelle, catholique et cuistre », revendiquait-il dans nos colonnes, en 2018. « Le théâtre n’est pas un art d’actualité. Quand il s’y essaie, il s’y perd. Le théâtre parle du présent, dans toute son épaisseur (passé et avenir compris) », précisait-il dans un autre entretien, en 2015.

Comme ses camarades du lycée Louis-le-Grand, Jean-Pierre Vincent avait fait sienne la première phrase de Petit Organon pour le théâtre, le grand texte programmatique de Brecht : « Le théâtre est un divertissement, c’est la meilleure définition qu’on puisse en donner. Mais [Et le « mais » a toute son importance] il y a divertissement simple, et divertissement complexe. » Jean-Pierre Vincent n’avait cessé de tirer la sonnette d’alarme, ces dernières années, face à un théâtre à nouveau fortement happé par le divertissement et la facilité, notamment de la part d’un monde politique qu’il estimait largement déculturé.

 

Avec lui s’en va l’un des hommes emblématiques de cette génération nourrie par le XVIIIe siècle des Lumières et par l’analyse marxiste, dont il estimait qu’elle était toujours utile pour décrypter les rapports sociaux, dans le monde postmoderne d’aujourd’hui.

Au cours de cette saison si particulière pour le théâtre français, celui qui n’avait pas son pareil pour choisir le bon moment pour monter une pièce aurait dû créer sa version d’Antigone, de Sophocle, au Théâtre national de Stasbourg. Antigone, une toute jeune femme dressée contre l’arbitraire du pouvoir, Antigone qui se bat pour enterrer son frère dignement…

Le Covid-19 aura rattrapé Jean-Pierre Vincent avant qu’il ne puisse se pencher sur cette étrange coïncidence entre un virus du XXIe siècle et un mythe vieux de deux mille cinq cents ans.

 

Fabienne Darge

 

 

Liens vers d'autres articles du Monde (archives)

 

 

 Lire la critique de « Violences à Vichy » en 1980 : Le temps des monologues

 

 Lire la critique de 1987 : "Le Mariage de Figaro" à Chaillot : La folle nuit

 

Lire la critique de 1987 : " Le Faiseur de théâtre ", de Thomas Bernhard Un râleur enragé

 Lire la critique de 1990 : "LES FOURBERIES DE SCAPIN", DE MOLIÈRE, MIS EN SCENE PAR JEAN-PIERRE VINCENT Les escarmouches d'un galopin

 

 Lire aussi (1994) : THÉÂTRE Changement de cap à Nanterre-Amandiers Les nouvelles ambitions de Jean-Pierre Vincent

 

Lire aussi Denis Podalydès évoquant Jean-Pierre Vincent en 2005 : "L'éphémère absolu crée le sentiment de la beauté"

 

 Lire l’entretien avec Jean-Pierre Vincent en 2007 : "Aucun communiste français ne parlerait comme les Italiens"

 

Lire l’entretien (en 2015) : Jean-Pierre Vincent : « Dans “Godot”, plus c’est drôle, plus c’est tragique »

Lire aussi (2016) : Jean-Pierre Vincent ramène Iphigénie sur nos rivages

 

 Lire la critique (en 2018) : Théâtre : George Dandin, ce dindon de la farce

 

 Lire le portrait de 2018 : Jean-Pierre Vincent, une histoire française

 

Légende photo : Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent en 2019. Jean-Louis Fernandez

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November 5, 2020 1:31 PM
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Jean-Pierre Vincent, une vie pour le théâtre

Jean-Pierre Vincent, une vie pour le théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans Le Figaro - 5 novembre 2020

 

DISPARITION - Administrateur de la Comédie-Française, directeur de grandes institutions, à Strasbourg ou Nanterre, le metteur en scène s’est éteint dans la nuit du 4 au 5 novembre. Il avait 78 ans.

La jeunesse! Il inspirait le sentiment d’une jeunesse profonde et n’aimait rien tant que de travailler avec des jeunes. Jean-Pierre Vincent s’est éteint dans la nuit de mercredi 4 à jeudi 5 novembre. Il avait subi l’attaque du Covid au printemps dernier, puis avait été touché par deux AVC. Il avait eu 78 ans, le 26 août dernier. Il n’aura jamais cessé de servir l’art du théâtre.

Jean-Pierre Vincent fit partie du légendaire groupe de théâtre du lycée Louis-le-Grand. En 1958, il a 16 ans, il rencontre ses amis, ses pairs, Jérôme Deschamps, Michel Bataillon, auprès de Planchon des années durant et, évidemment, Patrice Chéreau qu’il accompagnera longtemps. C’est dans le cadre de ce groupe que Jean-Pierre Vincent endosse ses premiers rôles et met en scène ses premières pièces: La Cruche cassée de Kleist, Scènes populaires d’après Henri Monnier. Il est le double de Patrice Chéreau, dans ces années-là et l’accompagne à Gennevilliers puis à Sartrouville. Il rencontre sa femme, la comédienne Hélène Vincent. Leur fils, Thomas Vincent, est réalisateur. Ils sont séparés depuis longtemps. Jean-Pierre Vincent avait épousé une autre femme de théâtre, notamment ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, Nicole Taché.

Chéreau poursuit sa route avec Richard Peduzzi, et Jean-Pierre Vincent, qui a rencontré l’universitaire Jean Jourdheuil, signe des spectacles mémorables dans des institutions diverses, de Dijon à Toulouse en passant par Paris. Brecht comme Goldoni ou Marivaux, Labiche, mais aussi Serge Rezvani. Capitaine Schelle, Capitaine Eçço, un événement, au TNP-Chaillot, en 1971, puis Le Camp du drap d’or. Il choisit aussi Jean-Claude Grumberg. L’année suivante naît la Compagnie Vincent-Jourdheuil/Théâtre de L’Espérance et ils poursuivent leur exploration du répertoire de langue allemande, Brecht toujours, et Büchner, et Grabbe. Ils vont même jusqu’au Palace qui est alors une salle de théâtre d’avant-garde.

Grandes années
Michel Guy, secrétaire d’État à la Culture, renouvelle le cercle des directeurs d’institution et nomme Jean-Pierre Vincent à la tête du Théâtre national de Strasbourg, le TNS, pourvu d’une école. De très grandes années. Il forme son équipe: le regretté Dominique Muller, Bernard Chartreux, Michel Deutsch, et le peintre essentiel dans l’ensemble du parcours du metteur en scène, Jean-Paul Chambas. Des textes interrogent l’histoire de France: Vichy fictions (1980), Le Palais de Justice (1981), Dernières nouvelles de la peste (1983). Et des comédiens souverains éclairent ces spectacles: Philippe Clévenot, Évelyne Didi, André Wilms, on ne saurait tous les citer.

Jack Lang va lui confier la Comédie-Française, où il a mis en scène, avec un grand succès, en 1982, Les Corbeaux d’Henry Becque. Jean-Pierre Vincent trouve alors cette formule: «Diriger depuis le plateau». De 1983 à 1986, la maison, pas facile, on le sait, voit les créations, par son administrateur général, de Félicité de Jean Audureau, du Suicidé de Nicolaï Erdman et plus tard, dans la Cour d’honneur d’Avignon, de Macbeth. Le mistral s’en mêle et le spectacle est affaibli par ce coup du sort.

C’est de lui-même que Jean-Pierre Vincent choisit de quitter le Français pour retrouver un peu de liberté. Il enseigne au Conservatoire. Il adore transmettre et sera également, plus tard, professeur à l’Érac, l’école de Cannes. Il montera des spectacles avec des jeunes, comme il le fera à l’ENSATT-Lyon (l’ancienne «Rue Blanche»). Il est très sollicité et monte un inoubliable Mariage de Figaro, en 1987, à Chaillot: Didier Sandre est un Almaviva extraordinaire et Dominique Blanc, une Suzanne délicieuse. Il met aussi en scène Musset, Bernhard, Sophocle comme Ivane Daoudi. Il revient salle Richelieu pour La Mère coupable de Beaumarchais, en 1990.

Il aimait les acteurs
Mais Vincent est décidément quelqu’un sur qui les tutelles s’appuient et, en 1990, il est nommé, succédant à Patrice Chéreau, à la tête du Théâtre de Nanterre-Amandiers. Encore de très brillantes années. Il n’a pas 50 ans, il est dans le rayonnement de ses talents. On lui a commandé l’ouverture d’Avignon, cet été-là. Ce sont Les Fourberies de Scapin avec Daniel Auteuil, l’une des plus belles créations de l’histoire du Festival. À Nanterre, Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart vont porter de leurs radieuses personnalités, un cycle Musset. Le directeur accueille le jeune Stanislas Nordey et lui confie la codirection, travaillant régulièrement pour des maisons d’opéra ou le festival d’Aix. Au théâtre, il révère Molière, au lyrique, il adore Mozart.

On ne saurait, au moment de saluer cette belle vie, ce grand parcours, citer les dizaines et dizaines de mises en scène de Jean-Pierre Vincent. Après Nanterre, il avait repris la route et signé de merveilleux spectacles, tels Les Prétendants et Derniers Remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce, à La Colline, à l’Odéon. Les contemporains, les classiques. Isaac de Benserade, par exemple. Et toujours Molière, L’École des Femmes à l’Odéon, avec Daniel Auteuil, formidable, et Dom Juan à la Comédie-Française avec Loïc Corbery et Serge Bagdassarian, Suliane Brahim, et leurs camarades, magnifiques.

Un très long et beau chemin qu’il poursuivait, se passionnant toujours pour la jeunesse. Il aimait les acteurs. Il aimait lire. Il se tenait toujours au courant des affaires du monde, mais c’est au plus profond des livres qu’il trouvait ses bonheurs et sur un plateau qu’il était pleinement heureux.

 

Légende photo : Jean-Pierre Vincent en 2016 au théâtre des Abbesses. PATRICK KOVARIK/AFP

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October 27, 2020 6:32 PM
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La mort de Fred Ulysse

La mort de Fred Ulysse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Stéphane Capron dans Sceneweb le 27 octobre 2020

 

Le comédien Fred Ulysse est mort à l’âge de 86 ans. Toujours sur les planches depuis le milieu des années 50, il devait être dirigé l’année prochaine par Arnaud Meunier dans Tout mon amour de Laurent Mauvignier.

Formé aux cours André Bauer, Pierre Valde et Tania Balachova, Fred Ulysse débute sa carrière en 1956 au Centre dramatique de l’Ouest, il joue sous la direction d’Hubert Gignoux dans Noë d’André Obey.. Claude Régy le met en scène en 1965 dans L’Accusateur public de Fritz Hochwälder au Théâtre des Mathurins. A la télévision, il est le père de Jacquou le Croquant dans la série de Stellio Lorenzi. En 2007, au Festival d’Avignon, il participe à l’aventure des Feuillets d’Hypnos de René Char dans la Cour d’honneur sous la direction de Frédéric Fisbach. Il travaille sous la direction de Luc Bondy à l’Odéon dans Tartuffe et Ivanov. Il devait partager l’affiche l’année prochaine de Tout mon amour de Laurent Mauvignier dans la mise en scène d’Arnaud Meunier avec Anne Brochet, Romain Fauroux, Ambre Febvre, Philippe Torreton.

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October 19, 2020 6:54 PM
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Disparition. Ricardo Montserrat, le cœur à l’ouvrage collectif

Disparition. Ricardo Montserrat, le cœur à l’ouvrage collectif | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jérôme Skalski dans L'Humanité - 19/10/2020

 

L’écrivain et dramaturge s’est éteint ce week-end à Concepcion, au Chili, à l’âge de 66 ans. Homme engagé, au singulier comme au pluriel, il avait animé des dizaines d’ateliers de création, afin que ceux à qui on ne donne jamais la parole prennent la plume et s’expriment.

 

« Mon ami, mon camarade, écrivain et dramaturge Ricardo Montserrat avec qui j’ai tant fait et tant échangé est décédé (…) d’un arrêt cardiaque à Concepcion au Chili, où il était parti vivre depuis trois ans », écrit Babouse dans l’hommage que rend le journaliste et dessinateur à celui qui, souligne-t-il, « était de ceux qui redonnent un peu de foi en cette vacharde putassière Humanité. »

 

 

Né en 1954 à Saint-Brieuc de parents antifascistes espagnols catalans exilés en Bretagne, Ricardo Montserrat Galindo se rend au Chili en pleine dictature pour, en tant que professeur de langue à l’Alliance française de Concepcion, s’engager par le théâtre et l’écriture contre le régime de Pinochet.

De Lorient à Roubaix, avec les chômeurs

De retour en France au début des années 1990, il poursuit son engagement par la littérature, le théâtre et le cinéma, avec des œuvres abordant aussi bien le thème de la mémoire politique et historique que celui des résistances sociales. Animateur d’ateliers d’écriture tels ceux qui formèrent la base de la série des Aventures de Nour et Norbert, portée par Colères du présent, il signera une vingtaine d’autres romans écrits en collaboration, dont Zone mortuaire, rédigé avec quatorze chômeurs du quartier Kervenanec de Lorient, qui sera publié en 1997 dans la collection « Série noire », ainsi que Ne crie pas, coécrit avec des salariés privés d’emploi de Roubaix et paru dans la même collection en 2000, qui servira de base au scénario de Sauve-moi, film réalisé par Christian Vincent la même année.

 

« Je suis revenu en France en 1990, après avoir vécu une dictature politique au Chili. Je me suis aperçu que l’on parlait aux chômeurs français de la même manière que la dictature parlait à ses opposants, qu’elle nommait les “antisociaux” : “Taisez-vous, laissez-nous agir, attendez, tout ira bientôt mieux.” Ils étaient considérés comme totalement hors jeu, quasiment morts », expliquait-il à l’Humanité au lendemain de son expérience roubaisienne, le 20 novembre 1999.

Un « accoucheur de mots qui permettait aux gens de se raconter »

« Ricardo a accompagné Colères du présent pendant plusieurs années, notamment sur le volet “éducation populaire” de l’association », explique François Annicke : « Sous son chapeau et de sa petite voix souriante, il savait emmener un groupe dans une aventure d’écriture collective et susciter l’envie d’écrire chez ceux à qui on ne donne que rarement la parole. Se qualifiant lui-même de maïeuticien, d’accoucheur de mots, il permettait aux gens de se raconter et d’imaginer des histoires communes. » « La collection qu’il a créée avec Colères du présent et les éditions Baleine, Nour et Norbert,  a laissé des traces chez de nombreuses personnes qui parlent encore de ce lien fort et original que Ricardo savait nouer avec elles », souligne le coordinateur de Colères du présent. « Tu vas pouvoir retrouver tous ceux qui t’ont manqué si fort même quand ils étaient vivants », écrit pour sa part Reynaldo Montserrat Galindo en hommage à son frère disparu : « Sûr que tu vas leur tendre la main là où leur enfance et leurs rêves se sont cassés, dans les Pyrénées. Va, mon frère, chante avec Neruda et Jara, tu avais déjà rejoint leur pays… et puis Durruti et les écrivains des Brigades internationales, et Blum et Anaïs Nin, et Alfred Jarry. »

 

Vivant à Saint-Malo non loin de Saint-Cast, dormant « tout au fond du brouillard », et de Cancale, où René Vautier passa ses derniers moments, Ricardo Montserrat était retourné au Chili depuis trois ans. Il avait 66 ans. 

 
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