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Le spectateur de Belleville
October 21, 2023 8:34 AM
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Par Joëlle Gayot / Le Monde du 20 oct.2023 Au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris, la pièce de Labiche est portée par une distribution éblouissante, où se distinguent notamment Vincent Dedienne, Suzanne de Baecque et Anne Benoît. Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/10/20/avec-son-chapeau-de-paille-d-italie-alain-francon-fait-rire-jaune_6195669_3246.html
Dans Un chapeau de paille d’Italie, présenté au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris, il y a l’histoire que raconte le texte d’Eugène Labiche (1815-1888) et celle que fabrique la mise en scène d’Alain Françon. Soit deux récits qui cohabitent comme deux faces d’une même pièce. Côté pile, on assiste à la cavalcade effrénée de Fadinard, fringant Parisien qui court à la recherche d’un chapeau au lieu de faire ce qu’il est censé faire ce jour-là : épouser sa promise, qui vient d’arriver dans la capitale, flanquée de sa noce familiale, depuis Charentonneau. Côté face, on se coule dans un spectacle qui, sous couvert d’adopter les codes du vaudeville (rapidité, absurdité, quiproquos, comique de situation), propage un salutaire malaise. Dans des décors de Jacques Gabel, qui se dépouillent d’acte en acte pour laisser place à une nuit crépusculaire, Alain Françon dirige en cadence vingt-deux interprètes. Leurs gestes, leurs mimiques et leurs galopades relèvent d’une chorégraphie haut de gamme. Dix-neuf acteurs sur le plateau, trois musiciens dans les corbeilles latérales : le groupe Feu ! Chatterton a signé les partitions. Elles perturbent le cours de dialogues secs, qui sont le carburant de l’action. Cette intrusion d’un groupe de rock dans une fable du XIXe siècle est un anachronisme réjouissant. Car si les costumes sont d’époque, la portée de cette mise en scène est, pour sa part, contemporaine. Elle vient percuter une société dont les tropismes, surgis en filigrane, racontent du monde une tendance actuelle et fâcheuse à radicaliser les différences plutôt que de les apaiser. Représentation au cordeau Ces différences d’origines sociales, géographiques, sexuelles ou intellectuelles s’exposent et s’affrontent dans Un chapeau de paille d’Italie. Elles se rappellent à nous grâce à Fadinard, qui, loin d’être le trait d’union attendu, attise les motifs de division. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre la dureté méprisante du héros avec ses subalternes lorsqu’il menace de les battre (voire de les tuer) pour peu qu’ils le contrarient. Il suffit de l’observer lorsque, enfin marié, il délaisse son épouse et dévore d’un œil concupiscent la femme pour qui il s’est échiné à chercher un chapeau toute la sainte journée. Ces signes ne trompent pas : il y a quelque chose de pourri au royaume du vaudeville et Alain Françon, qui a pour habitude de prendre les mots au pied de la lettre, a su saisir de Labiche une vérité pas uniquement distrayante. L’auteur n’excelle dans la légèreté que pour mieux traduire l’angoisse de l’homme et de la femme, l’individu et le groupe, le citadin et le campagnard, le riche et le pauvre, etc. Le spectacle lui emboîte le pas. Ce qui fait qu’on rit, oui, mais jaune face à une représentation dirigée au cordeau. Ni flou ni bavure : le jeu de la troupe est un modèle de netteté, où chaque comédien est un repère. Vincent Dedienne au premier chef, impérial dans le rôle de Fadinard. Suzanne de Baecque, éblouissante dans celui de la fiancée. Anne Benoît, qui abdique toute féminité pour se transformer en Nonencourt, le beau-père, pépiniériste charentonnais dont le leitmotiv – « Mon gendre ! Tout est rompu ! » – est un appel au secours perdu dans le néant. Un chapeau de paille d’Italie, d’Eugène Labiche, mise en scène d’Alain Françon. Théâtre de la Porte-Saint-Martin, Paris 10e. Jusqu’au 31 décembre. Portestmartin.com Joëlle Gayot / Le Monde
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Le spectateur de Belleville
October 2, 2023 5:49 AM
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Par Philippe Chevilley dans Les Echos - 29 septembre 2023 Le metteur en scène transcende la pièce folle de Labiche au Théâtre de la Porte Saint-Martin grâce à un savant dosage de farce tranquille et d'onirisme débridé. A la tête d'une distribution de haut vol, Vincent Dedienne, fadinardissime, impose son élégance et sa drôlerie. Jour de fête chez Fadinard : le jeune rentier parisien va épouser Hélène, la fille d'un pépiniériste mal dégrossi, Nonancourt. La noce, débarquée de la campagne, s'impatiente, alors que surgissent chez lui une femme et un militaire à cran. Le couple exige qu'il remplace illico le chapeau de paille d'Italie que le cheval de Fadinard a dévoré le matin même au bois de Vincennes. La femme risque les foudres de son mari jaloux si elle revient de son escapade, sans le précieux canotier. Pour éviter le scandale, Fadinard promet d'en dénicher un double au plus vite. Sa quête le conduit chez une modiste, chez une baronne mélomane, puis chez le mari jaloux, qui attend furibond le retour de sa femme volage. A chaque étape, il est rattrapé par la noce qui ne comprend rien à ce qui se passe et sème le désordre. La pièce d'Eugène Labiche est un vaudeville survolté, une fantaisie bourgeoise qui part en vrille pour confiner à l'absurde et au cauchemar. Sous ses abords de farce, elle est très difficile à représenter. Comme Fadinard, le metteur en scène est condamné à courir après les situations, en évitant l'emballement, la surenchère… et l'épuisement du public. A la Porte Saint-Martin, Alain Françon s'est mis avec brio dans les pas pressés de Labiche, grâce à un savant dosage d'humour décalé et d'onirisme poétique. Les chansonnettes pop du groupe Feu ! Chatterton achèvent de transformer ce chapeau de paille en séduisante boule à facettes burlesque. Toujours aussi affûté dans le choix et la direction de ses acteurs, le metteur en scène les déploie tels des clowns cosmiques dans des univers fantasques (la boutique jaune de la modiste, le salon rouge de la baronne, la nuit sous parapluies…). L'atout maître de son casting de rêve est Vincent Dedienne qui démontre une nouvelle fois qu'il n'est pas seulement un merveilleux fantaisiste, mais un grand comédien. Débridé, tonique, jamais cabotin, il impose son élégance et sa grâce élastique, dans un spectacle où le geste comique compte autant que les répliques assassines. A ses côtés, Anne Benoît est irrésistible dans le rôle de Nonancourt, quand Suzanne de Baecque joue les mariées déjantées, façon Olive Oil (la petite amie de Popeye). Chaque fin d'acte est une fête, avec son lot de cotillons, de paillettes, de pastiches pop et de ballets, jusqu'au réjouissant voguing final. Miner les conventions bourgeoises par le rire et l'absurde était l'intention de Labiche. Avec la finesse de Françon, la satire énorme a la saveur subtile d'un divertissement moderne et mordant. Ce « chapeau de paille » en forme de farce tranquille est de nature à coiffer sur le poteau nombre de comédies de la saison. Philippe Chevilley / Les Echos UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE d'Eugène Labiche Paris, Théâtre de la Porte Saint-Martin portestmartin.com Jusqu'au 31 décembre. 2 heures. Légende photo : Le fameux chapeau de paille trouvé in extremis par un Fadinard (Vincent Dedienne) au bout du rouleau. (© Jean Louis Fernandez)
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Le spectateur de Belleville
October 3, 2023 4:22 AM
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Par Laurent Goumarre dans Libération - 3 oct. 2023 Dans sa mise en scène de Labiche, Alain Françon fait résonner l’inquiétude sous le rire, mettant au jour les ressorts de notre époque troublée. Une reprise de la Puce à l’oreille à la Comédie-Française, la création d’Un chapeau de paille d’Italie au Théâtre de la Porte Saint-Martin, de Feydeau à Labiche, le vaudeville met la rentrée du côté des rieurs. C’est le propre des époques troublées ; le monde va à sa perte, dansons sur un volcan. Et c’est Alain Françon qui ouvre le bal en signant son premier Labiche sans nous faire la leçon, merci. Pas de relecture brechtienne ou ostermeierienne de cette comédie de l’union au risque du divorce. Deux mariages rythment l’histoire : celui du Parisien Fadinard avec la provinciale Hélène, qui débarque en robe de mariée avec toute sa famille, et celui plutôt bancal d’Anaïs Beauperthuis qui trompe son époux avec un militaire au bois de Boulogne. Problème, le cheval de Fadinard vient de bouffer le chapeau de paille d’Italie d’Anaïs, qui demande réparation au propriétaire. Sa mission ? Trouver un chapeau absolument identique pour que l’épouse volage puisse rentrer la tête haute chez son cocu de mari. Bref, la journée est une course-poursuite : Fadinard à la recherche de l’objet perdu, poursuivi par sa belle-famille pépiniériste de Charentonneau, totalement paumée et inquiète dans un Paris dont elle ne maîtrise aucun code. Jeu de massacre La pièce multiplie les quiproquos les plus dingues, avec, au passage, un jeu de massacre dont personne ne sort grandi : bourgeois parisiens, salon aristocratique, petits commerçants de province, c’est une belle bande d’imbéciles, même pas heureux. On pourrait pointer bien sûr la violence d’un patriarcat qui ne veut pas lâcher sa fille – le père Nonancourt passe la pièce à gueuler à son futur gendre : «tout est rompu» – ou les sentiments de honte sociale – Fadinard petit-bourgeois rentier en total panique chez la baronne de Champigny. Mais Alain Françon a suffisamment d’élégance pour faire entendre sans rien surligner, dans un art de la comédie qu’il pousse au burlesque avec une série de corps invraisemblables. Vincent Dedienne survolté est un phénomène réactif, un Zelig contaminé par les tics de ses partenaires – mention spéciale à son jeté de cheveux et sa démarche bondissante piqués à Alexandre Ruby, qui joue un Achille de Rosalba aux effets de mèches et de kilt hilarants. Anne Benoit, littéralement extraordinaire, ressuscite Jean Le Poulain en beau-père estropié dans ses chaussures trop petites, tandis que Suzanne de Baecque s’invente un corps génialement désarticulé de grande désossée, mise à mal par une épingle coincée dans sa robe nuptiale – métaphore de sa condition féminine. Scène cauchemardesque Mais au-delà du jeu de tous les interprètes, véritables Formule 1, il faut regarder l’intelligence de la scénographie de Jacques Gabel et des lumières de Joël Hourbeigt. La pièce s’ouvre sur un décor stylisé bourgeois, lumière de jour, et va progressivement s’assombrir au fil des cinq actes jusqu’à virer au noir dans une scène cauchemardesque. Alors la musique electro live de Feu ! Chatterton fait résonner une dernière fois l’inquiétude sous le rire d’une pièce qui travaille vraiment du chapeau. Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche, mise en scène d’Alain Françon, Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris, jusqu’au 31 décembre.
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