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Le spectateur de Belleville
December 13, 2024 8:47 AM
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Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 12 déc. 2024 Pour cette pièce donnée au Centre Pompidou, le metteur en scène a confié à Reda Kateb le rôle de l’intellectuel dont le retour au pays natal se heurte à l’hostilité des habitants.
Lire l'article sur le site du "Monde" : https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/12/12/avec-par-les-villages-de-peter-handke-l-envol-vers-la-litterature-de-sebastien-kheroufi_6444751_3246.html
On ne sait pas ce que Sébastien Kheroufi murmure à l’oreille de ses comédiens lorsqu’il les prend à part pour évoquer, avec eux, la scène qu’ils viennent de répéter. Agenouillé en bord de plateau, il regarde à peine ce qu’il se passe sous ses yeux. Sa main ondule, ses doigts claquent. Il écoute. « Je ne dirige qu’à l’oreille. Une fois que la phrase sonne juste, je peux observer les acteurs », confie le metteur en scène de 32 ans dont le spectacle, Par les villages, est programmé dans le cadre du Festival d’Automne au Centre Pompidou à Paris, puis, en janvier, au Théâtre des Quartiers d’Ivry (Val-de-Marne). Découvert en 2023 avec une première mise en scène rugueuse et déterminée de l’Antigone, de Sophocle, cet artiste franco-algérien n’a pas de temps à perdre. « Si je me plante, je foire ma vie. » Il se tait, puis insiste : « C’est vrai ! » Né dans les quartiers populaires des Hauts-de- Seine, Sébastien Kheroufi est élevé par sa mère. L’un de ses frères est incarcéré, l’autre abandonne le foyer familial. A 17 ans, le jeune homme retrouve son père mort dans un foyer Emmaüs : « Cette vision a tué l’enfant en moi. » Il frôle de près la délinquance : l’argent facile et l’état d’urgence permanent. Miracle des rencontres et des confiances accordées, une échappée belle s’offre à lui. Il ne laisse pas s’enfuir la chance. Un « grand de la cité » l’héberge à Londres, il y découvre le cinéma et, faute de parler l’anglais, se raccroche « aux lumières, à la musique, à la carrosserie des films ». Retour en France. Dans un conservatoire de banlieue, des femmes l’incitent à préparer l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris. Il est pris. Les nuits, il dévore avec « la rage de l’inculte » les pièces de Heiner Müller ou Thomas Bernhard. Par les villages, de Peter Handke, est la première qu’il lit en entier. Nasser Djemaï, directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry, le programme. « Il a eu ce courage. S’il n’avait pas été là, j’aurais pu tout abandonner. » Sébastien Kheroufi sait ce qu’il doit et à qui. Il sait aussi ce à quoi il ne veut pas être réduit : « Je refuse d’être le porte-parole de la misère sociale. Je ne défends que la poésie. Mon acte de création a beau partir d’une colère, le théâtre n’est pas une thérapie. Je veux surpasser mon identité et mon histoire. » Explorateur attentif Les mots de Handke l’encouragent. « Je ne me plains pas, je porte plainte », assène la Vieille Femme qu’incarne Anne Alvaro. L’actrice a déjà dit ces mots voici un an, lorsque Kheroufi a créé une première mouture du spectacle au Théâtre des Quartiers d’Ivry. Elle voulait être cette « figure de coryphée, déesse tragique » qui nomme les désastres. Elle tourne en rond dans les lueurs rasantes des projecteurs : « Je trace un cercle chamanique. Je me tiens à la lisière d’un cimetière. Au seuil d’une frontière au-delà de laquelle il n’y a plus rien. » Le sol est tapissé d’un sable noir sur lequel se dresse une cage de verre : c’est une cabane de chantier avec ses lits en fer superposés, son réchaud à gaz, son magnétophone à cassettes. L’endroit où travaille Hans, un ouvrier à qui Gregor, son frère écrivain, vient réclamer sa part d’héritage. Nouveau venu dans l’équipe, Reda Kateb interprète l’intellectuel de retour au pays natal qui se heurte à l’hostilité des habitants de la vallée. Un personnage avec lequel il partage une même courbe émancipatrice. « Je suis l’enfant d’Ivry devenu acteur de cinéma. Entre Sébastien et moi existe une fraternité liée à nos enfances en banlieue. » Mis à part quelques lectures, l’acteur n’était plus apparu sur scène depuis dix-sept ans. Son tout dernier spectacle ? Par les villages. Autant dire qu’il connaît les densités et les intensités de ce texte. « Cela faisait des années que je cherchais un projet théâtral. Revenir avec Handke est la meilleure chose qui pouvait m’arriver. » Il entre dans ses longs monologues en explorateur attentif, ses pas arpentant l’épaisseur d’une forêt où se multiplient « les lianes et les broussailles ». Pas plus que Kheroufi, il n’aimerait que le spectacle soit confiné dans ses marges sociales. « Le thème du transfuge de classe est présent, dit-il. Mais Gregor souffre aussi d’une forme de handicap et d’impuissance. Derrière la grande figure de l’écrivain, je vois un invalide incapable d’être avec les autres dans des relations immédiates, limpides et simples. » Reda Kateb évoque L’Albatros entravé par ses ailes de géant. Une convocation baudelairienne qui rappelle le réel : né avec un pied-bot, Sébastien Kheroufi a dû marcher avec des attelles. Ce n’est pas ce (léger) boiteux qui contraindra des corps sur un plateau. Il est plutôt de ces artistes qui élèvent le théâtre vers les hauteurs d’une littérature jusqu’où se hissent, parce qu’il le veut et qu’ils le peuvent, tous les acteurs présents en scène. Par les villages, de Peter Handke. Mise en scène : Sébastien Kheroufi. Avec Amine Adjina, Anne Alvaro, Dounia Boukersi ou Bilaly Dicko en alternance, Casey, Marie-Sohna Condé ou Gwenaëlle Martin en alternance, Hayet Darwich, Ulysse Dutilloy-Liégeois, Benjamin Grangier, Reda Kateb, Minouche Nihn Briot, Sofia Medjoubi ou Miya Josephine en alternance. Jusqu’au 22 décembre au Centre Pompidou (Paris 4e), puis du 22 au 26 janvier 2025 au Théâtre des Quartiers d’Ivry (Val-de-Marne). Joëlle Gayot / Le Monde Légende photo : Reda Kateb et Sébastien Kheroufi, lors d’une répétition de « Par les villages », au Centre Pompidou, à Paris, le 9 décembre 2024. CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE
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Le spectateur de Belleville
February 2, 2024 7:05 AM
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Par Kilian Orain dans Télérama - 31 janvier 2024 REPÉRÉ – Rien ne le prédestinait au théâtre. À 31 ans, il excelle pourtant dans l’exercice de la mise en scène, notamment en transposant “Par les villages”, de Peter Handke. Lire sur le site de Télérama : https://www.telerama.fr/theatre-spectacles/le-metteur-en-scene-sebastien-kheroufi-j-essaie-de-guerir-de-mon-histoire-7019098.php Actualité En juin dernier, il a présenté son adaptation d’Antigone, de Sophocle. Succès immédiat pour ce metteur en scène inconnu, repéré par Nasser Djemaï à sa sortie d’école. Le directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry (94) accueille, jusqu’au 11 février, Par les villages, le deuxième volet de son triptyque consacré à l’histoire de sa famille, transposé de l’ouvrage éponyme de Peter Handke. Ne lui parlez pas d’adaptation, « c’est une contextualisation dans les années 1990, dans les cités de banlieues ». Ascendants Il grandit à Meudon-la-Forêt (92) entre une mère élevant seule ses trois enfants et un père vivant dans un foyer Emmaüs parisien, à qui il rend visite chaque week-end — « Ma mère y tenait ». À 16 ans, il retrouve celui-ci mort dans sa chambre. « Là, je me dis que je ne veux pas finir ma vie dans un foyer. » Après un BEP mécanique, il enchaîne les petits boulots avant de s’installer à Londres, à 24 ans. « Tout le monde autour de moi était en prison, il fallait que je parte. » Homme de ménage dans un cinéma, il apprend l’anglais en lisant les sous-titres des films pour malentendants, et découvre un cinéma d’auteur. « Cette poésie m’a touché tout de suite. » Signes particuliers De retour en France, il s’inscrit au conservatoire de Meudon-la-Forêt, découvre la puissance des mots, et réussit le concours de l’École supérieure d’art dramatique de Paris (Esad). « Je fais ma rentrée en 2018, j’ai 26 ans, et là, je prends une claque. Je me sens humilié parce que je n’ai pas la bonne culture. » Mais il travaille avec acharnement et saisit toutes les opportunités. « Je n’ai jamais rien eu dans ma vie, donc tout ce qu’on me donne, je le prends. » Au gré des rencontres et grâce à sa force de persuasion, le jeune metteur en scène trace son sillon dans un milieu réputé difficile, hanté par une question : « Pourquoi moi j’arrive à m’en sortir ? » Projets Le mot « endroit » revient souvent dans ses phrases. Sans doute parce qu’il évolue dans des sphères différentes, et s’adapte en permanence, tel un caméléon. En mars, il entrera en résidence à la Villa Médicis, à Rome, pour écrire le troisième et dernier chapitre de sa fresque. « Avec ces trois pièces, j’essaie de guérir de mon histoire. Rien que d’en parler, ça me remue. Mais je refuse d’écrire avant d’entrer en résidence, c’est trop douloureux. Une fois là-bas, je vais sortir tout ce qui m’habite. Et après, je verrai ce que je ferai. » Par les villages, de Peter Handke, mis en scène par Sébastien Kheroufi, jusqu’au 11 fév., TQI, Ivry-sur-Seine (94) ; 16-18 fév., Centre Pompidou, Paris 4e ; 7 fév., L’Azimut, Châtenay-Malabry (92). Légende photo : Sébastien Kheroufi : « Je n’ai jamais rien eu dans ma vie, donc tout ce qu’on me donne, je le prends. » Photo Welane Navarre
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Le spectateur de Belleville
February 5, 2024 6:28 AM
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Par Armelle Héliot dans son blog - 4 février 2024 Metteur en scène révélé par une « Antigone » de rupture, il y a quelques mois, ce trentenaire met en scène à la Manufacture des Œillets, une version puissante de « Par les villages », chef-d’œuvre du jeune Peter Handke.
Artiste associé au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre dramatique national du Val-de-Marne, à la Manufacture des Œillets, Sébastien Kheroufi est un artiste qui, pour le moment a choisi le théâtre pour s’épanouir, s’affirmer, mais dont on devine qu’il saura se déployer sur d’autres médiums. Il est déjà sur tous les fronts : lauréat de la Villa Médicis qu’il s’apprête à rejoindre, célébré dès son premier spectacle public, en juin dernier, à la Cartoucherie. Prolixe, ne craignant pas les représentants et représentantes de la critique, ouvert, très intelligent et hyper-offensif. Etre la coqueluche du petit monde de ceux et celles qui régentent la fragile notoriété des planches, ne le gêne pas. Il en sourit en sous cape, on en est certain. Qui, quoi, comment, où, pourquoi et maintenant ? Et maman et papa ? Il a l’habitude et sert sans agacement ni superbe les réponses. Il est saisissant et le premier mot qui vient lorsque commence la représentation de Par les villages de Peter Handke, dans la traduction de Georges-Arthur Goldschmidt (Gallimard), vient de ce sentiment. On est saisi. Assis sur des chaises, dans le grand hall de la Manufacture des Œillets, en situation bi-frontale, avec son couloir entre les rangées de sièges qui se font face, on pense à Koltès : c’est ici même, à la Manufacture des Œillets que Chéreau joua lui-même Dans la solitude des champs de coton… Sébastien Kheroufi ne peut pas avoir été là. Un enfant ! Mais il a de la mémoire. Il est curieux, savant, soucieux des héritages. Deux « personnages » se font face. Ils nous accueillent. Ils nous avertissent du chemin. Ils sont inscrits dans une forme très archaïque. On est aux sources de la tragédie. Lyes Salem commence. Algérien d’origine, on le connaît pour ses films. Il est Gregor, le frère qui retrouve les paysages et le monde de son enfance, de son adolescence. Face à lui, bientôt, déterminée, puissante, voici Casey, célèbre dans le monde de la musique, du rap en particulier. Elle ouvre fermement le spectacle, elle le fermera, en un monologue impressionnant. La traduction de Georges-Arthur Goldschmidt est précise et belle. L’on monte ensuite dans la plus petite des deux salles et l’on s’installe face au décor. Une baraque de chantier qui tient lieu de dortoir pour ouvriers. Trois heures durant on retrouve les personnages désormais indissociables de l’histoire même du théâtre, notamment par la mise en scène de Claude Régy et 1983, dans la grande salle de Chaillot, puis, il y a quelques années, dans la cour d’Honneur du palais des Papes, celle de Stanislas Nordey. Pour la première fois, on a le sentiment de la vie même des protagonistes, comme si Sébastien Kheroufi allait au cœur de l’écriture même, sans chercher aucune posture, aucune complication formelle. La distribution est forte, la manière de mettre en scène puissante, les rythmes excellents. Le metteur en scène a convié des amateurs, habitants de la ville, qui forment un chœur, touchant et attentif. Lumière, son, musique, déplacements, tout ici est réglé d’une manière claire et ultra-sensible. Sébastien Kheroufi a travaillé en dialogue avec Peter Handke et l’on assiste sans doute à l’avènement le plus pur d’une des très grandes œuvres dramatiques du XXème siècle. Nous en reparlerons plus précisément. Théâtre des Quartiers d’Ivry, à 16h00 ce dimanche 4 février, à 20h00 le vendredi 9 février, à 18h00 le samedi 10 février, à 16h00 le dimanche 11 février. Durée ; 3h20 sans entracte. Puis au Centre Georges-Pompidou, vendredi 16 et samedi 17 à 20h00, dimanche 18 février à 17h00. Quartiers d’Ivry : www.theatre-quartiers-ivry.com Tél : 01 43 90 11 11. Photo : Casey, dans "Par les villages", mise en scène Sébastien Kheroufi. Photo © Christophe Raynaud de Lage
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Le spectateur de Belleville
June 26, 2023 3:06 AM
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Par Anne Diatkine dans Libération - 26 juin 2023 Adaptation de Sophocle, la première mise en scène du prometteur Sébastien Kheroufi convainc par son épure et son geste intemporel. Il arrive qu’une mise en scène se confonde avec le lieu qui l’accueille, que le plateau en terre battue soit la continuité du chemin qui mène au théâtre, et que même le décor – un arbre sec qui ploie sous la chaleur, un puits où l’on rêverait se rafraîchir – paraisse surgir de l’environnement immédiat. Cette Antigone, programmée dans le festival «Départ d’incendies» dédié aux artistes émergents sous l’égide d’Ariane Mnouchkine, est la première création de Sébastien Kheroufi. On lit ces mots écrits à la main sur une ardoise en 1987 par l’hôte des lieux : «A voir la pugnacité avec laquelle certains essayent de tuer le théâtre, ça doit vraiment servir à quelque chose. Ça sert à la lumière.» Celle qui dit «non», l’Antigone ici, c’est Mnouchkine, et l’entièreté de cette création est conçue comme en hommage à l’aînée. Ça peut surprendre. Pour sa première mise en scène, Sébastien Kheroufi, qu’on avait rencontré lors des occupations à la Colline pendant le Covid, effectue un geste à l’esthétique intemporelle, qui aurait pu naître il y a soixante ans, mais dans un tout autre contexte. Car aujourd’hui, cette sobriété revendiquée a un caractère politique. De même que la diversité du plateau, avec des résidentes du centre d’hébergement d’urgence d’Emmaüs à Saint-Maur-des-Fossés qui forment un merveilleux chœur aux côtés de très jeunes acteurs – convaincantes Mona Chaïbi-Antigone et Louisa Chas-Ismène – tandis que François Clavier, septuagénaire, est un formidable Créon. Echo à l’actualité Donc, un puits côté jardin et un arbre côté cour. Un paysage désertique, méditerranéen, qui s’accorde avec l’étuve de la salle. Les spectateurs sont bien traités, ils ont pu se munir à l’entrée de la salle d’éventails naturels en jonc. Pas de micro, les acteurs portent leur voix, ce dont on n’a (presque) plus l’habitude. Une pénombre, les yeux s’habituent, puis l’éclairage se fera essentiel. Une langue simple, celle de Sophocle traduite par la grande helléniste Florence Dupont, qui percute. La polyphonie et mélopée du chœur emportent. Antigone est donc celle qui préfère mourir plutôt que d’accepter une loi inique, en l’occurrence celle de son oncle, le roi Créon, qui interdit à quiconque d’enterrer son frère Polynice. Où qu’elle se joue, et pour peu qu’elle soit bien traduite, que sa langue ne nous en éloigne pas, la particularité de la pièce, ancienne de 442 ans avant J.-C., est de faire écho à l’actualité la plus saisissante. Les Antigone d’aujourd’hui, ce sont évidemment toutes les Iraniennes. Dommage cependant que Kheroufi ne tienne pas jusqu’au bout l’épure. Cette création est le premier volet d’un triptyque, qui comprendra Par les villages de Peter Handke et une pièce originale pas encore écrite, conçu comme un voyage indirect dans la propre histoire du metteur en scène. Transfuge de classe, grandi en Seine-Saint-Denis et diplômé de l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris, Sébastien Kheroufi a passé une partie de son enfance auprès de son père émigré après la guerre d’Algérie, qui vécut ses dernières années dans une chambre chez Emmaüs. Il découvre l’Algérie après la mort de son père. Antigone de Sophocle, mis en scène par Sébastien Kheroufi, à la Cartoucherie de Vincennes le 1er juillet, puis tournée. Légende photo : L'acteur François Clavier est un formidable Créon. (Jérôme Zajdermann)
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