Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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May 8, 8:35 AM
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« L'Hôtel du Libre-Echange », les (très) drôles d'oiseaux de Feydeau et Nordey

« L'Hôtel du Libre-Echange », les (très) drôles d'oiseaux de Feydeau et Nordey | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Amélie Blaustein Niddam dans Cult.news - 7 mai 2025

 

 

Sur le papier, le roi de la radicalité et celui du vaudeville ne pouvaient pas se rencontrer. Voici un stéréotype bien ancré sur le théâtre public : il serait très austère. Eh bien non ! On peut y rire !  Plongez dans l’écriture au cordeau de Feydeau, porté par la direction marathonienne des acteurs et des actrices de la troupe de Nordey. Vous y laisserez sans doute quelques plumes semées par Raoul Fernandez  entre deux portes qui claquent. Ciel ! C’est génial !

 

« On vous a défié de prendre un amant, et bien, je relève le défi ! »

Régulièrement, les plus grands metteurs en scène montent des Feydeau pour en montrer la finesse et l’exigence, loin de l’idée d’un théâtre de boulevard, un théâtre du divertissement bête. Sivadier en 2009 faisait voler les portes à claquer dans La Dame de chez Maxim, et Nordey déjà en 2003 explorait La Puce à l’oreille. Plus de vingt ans après, il revient donc à Feydeau en reprenant les mêmes motifs scénographiques. La première scène s’ouvre dans le texte. Nous sommes face à un mur qui porte les premiers mots de la pièce et ses didascalies.  Les murs sont pleins de mots. La scène, elle, est plutôt épurée. Dans l’espace blanc, on trouve une table d’architecte, deux portes, une chaise, un grand élément non identifiable recouvert d’un drap. Nous voici dans le cabinet d’entrepreneur de Monsieur Pinglet (Cyril Bothorel), Angélique son épouse (Hélène Alexandridis) le retrouve rapidement pour lui parler chiffon. La pièce a commencé depuis moins de cinq minutes que déjà, les joutes ont commencé. Il est odieux, misogyne et macho, il la méprise et lui parle très mal. Elle se défend délicieusement, « vous n’avez pas de goût » lui dit-elle. Entre eux deux, la routine et son lot d’aigreur a remplacé la passion des débuts. Il en va de même pour l’architecte et sa femme, monsieur et madame Paillardin (Marie Cariès et Claude Duparfait) et leur neveu Maxime (Damien Gabriac).  S’ajoutent, Victoire, la bonne très directive (Anaïs Muller) et la visite d’un ami de province et de ses quatre filles aux noms de fleurs, (Laurent Ziserman, Tatia Tsuladze, Sarah Plume, Ysanis Padonou et Alexandra Blajovici). Rapidement, une dispute arrive entre les deux couples, car Paillardin doit découcher pour le travail. Il doit aller passer la nuit à l’hôtel du Libre Échange, 220, rue de Provence, pour une expertise : le lieu serait hanté, il faut démêler le vrai du faux. Par des hasards absurdes, absolument tous nos protagonistes se retrouvent dans cet hôtel de passe dirigé par Bastien, un drôle d’oiseau de cabaret campé par Raoul Fernandez. Le premier acte est là, dans sa composition, pour poser les gongs des 197 portes à claquer dans le second acte. 197 !

« Dans le lit, un homme !»

De Paris à la Province, mais aussi des quartiers chics de Paris à ceux populaires, Feydeau et Nordey nous baladent dans les faux-semblant de la bourgeoisie qui s’ennuie, utilise ses domestiques comme des esclaves corvéables et manipule à coup de corruption les fonctionnaires. La critique est aussi clinique que le texte est rapide,  demandant à la troupe de jouer à un rythme fou en suivant à la fois les demandes de Feydeau et celles de Nordey, tous les deux finalement d’accord à quelques décennies d’écart sur le fait qu’un texte, ça se porte avec le corps. Mais alors que la grivoiserie est de mise, Raoul Fernandez aux costumes, choisit de couvrir ces corps justement avec des allures de poussins blancs aux jambes maigrichonnes. Tous et toutes se promènent avec une robe en forme de cloche qui paraît s’envoler, c’est hautement délicieux ! Dans une alliance du classique et du contemporain, les crinolines sont suggérées tout comme les basques qui soulignent les hanches.

 

«Dieu ! Quoi ! Qu’est-ce qu’il y a ? Mon Mari !»

On se jette dans ce plaisir de les suivre se planter, se cacher derrière ces portes qui ne cachent rien. Les filles mènent le jeu malgré la puissance des hommes. Ce sont elles qui négocient avec leurs consentements et deviennent malgré elles des spectres permettant aux idées solides de s’effondrer. On rit aux éclats en même temps qu’on est subjugué par le talent et la dextérité conjointe de la mise en scène, de la scénographie et de ces courts dialogues, incisifs. Au XXIe siècle, on pourrait dire que Feydeau est le roi de la punchline. On entend  «On ne peut pas demander à un manchot de jouer du violon » par exemple. Et ça fuse, et ça n’arrête pas. Le texte joue aussi du comique de répétition, et s’amuse à nous manipuler, nous spectateurs et spectatrices, nous tordant de rire avant qu’une scène inévitable advienne. Seule la jeunesse s’en sort dans cette histoire, libre de se barrer du couvent ou de vivre un amour en se foutant des classes sociales.

En alliant la beauté à l’humour, le cynique au burlesque, Nordey donne à entendre la part engagée de ce texte. Il révèle au-delà du rire une caricature cinglante d’une époque de domination pas si éloignée de la nôtre, où des puissants se croient au-dessus des lois. Mais chez Feydeau, les méchants chutent et les gentils gagnent, dans un énième éclat de joie.


Jusqu’au 13 juin au Théâtre de l’Odeon - 6è

Visuel : ©Jean-Louis Fernandez

 

Amélie Blaustein Niddam / Cult.news

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December 16, 2021 11:00 AM
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L’implacable folie de Georges Feydeau dans « La Pléiade »

L’implacable folie de Georges Feydeau dans « La Pléiade » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde 16/12/2021

 

 

Le maître du vaudeville et fin observateur de la nature humaine entre dans la prestigieuse collection avec un choix de treize pièces hilarantes.


« Théâtre », de Georges Feydeau, édité par Violaine Heyraud, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1 776 p., 62 €.

Georges Feydeau est mort il y a cent ans, le 1er juin 1921, à 58 ans, au sanatorium de Rueil-Malmaison, où il était soigné pour la syphilis. La maladie l’avait rendu fou. Il collait des fleurs en papier sur les murs de sa chambre et se prenait pour Napoléon III, qui aurait été son géniteur, selon une rumeur insistante : il portait la même barbiche et les mêmes moustaches pour prouver la ressemblance. Etrange fin pour un homme à l’esprit étincelant, qui avait si bien su montrer la folie des lapsus et des portes qui claquent – celle du vaudeville, dont il fut et reste le roi. Il n’y a pas aujourd’hui une saison sans que son nom soit à l’affiche, et les théâtres publics, qui l’ont longtemps regardé de haut, comme un auteur attaché à un genre désuet, léger, grivois et bourgeois, le considèrent aujourd’hui pour ce qu’il est : un observateur de la nature humaine.

 

Feydeau ne croyait pas à sa postérité. Tout en défendant le vaudeville, il souffrait de ne pas recevoir la reconnaissance littéraire liée à un genre théâtral noble, comédie ou tragédie. Il pensait que seule lui survivrait Feu la mère de Madame (1908). La pièce est dans le volume qui paraît dans « La Pléiade », avec douze autres, éditées par Violaine Heyraud, universitaire spécialiste de Feydeau, à qui elle a consacré plusieurs livres. Elle l’a découvert en regardant « Au théâtre ce soir », à la télévision, dans sa vie natale, Saint-Etienne. Puis, explique-t-elle au « Monde des livres », « je ne l’ai pas retrouvé dans mes études, ni au lycée ni à l’université. C’est mon professeur de théâtre qui m’en a parlé quand je cherchais un sujet de thèse. Je l’ai lu, j’ai éprouvé un intense plaisir intellectuel, et j’ai renoué avec un bonheur de rire presque enfantin ».

Personnages poussés à bout

Dans les années 1970, Henry Gidel avait mené les premiers grands travaux sur le comique chez Feydeau, en explorant la fabrique du rire. Violaine Heyraud creuse le sujet : elle s’intéresse aux mécaniques de répétition, et examine « la machine à vertiges », pour reprendre le titre d’un de ses ouvrages (Classiques Garnier, 2012). Ces vertiges, tout spectateur les connaît. Ce sont ceux de personnages pris en faute, et qui essaient de s’en sortir. Feydeau les pousse à bout, il les piège dans leurs pulsions. Leurs corps agissent moins qu’ils ne sont agis : ils semblent détachés de leur esprit, qui leur court après. Une fois entraînés, rien ne les arrête, la machine s’emballe, les objets s’en mêlent, le langage éclate, les actions s’enchaînent et se déchaînent. Alors le public rend les armes : complice parce qu’il voit tout, et dupe parce qu’il est mené par le bout du nez, il cède devant l’absurdité orchestrée d’une manière implacable. « En organisant les folies qui déchaîneront l’hilarité du public, disait Feydeau, je n’en suis pas égayé, je garde le sérieux, le sang-froid du chimiste qui dose un médicament. »

 

 

Le lecteur de ce volume, où les treize pièces choisies sont éditées suivant un texte validé par Feydeau lui-même en son temps, peut prendre la mesure de ce sang-froid : il jongle entre les répliques et les didascalies – indications scéniques dont l’accumulation n’a d’égale que la précision. Rien de psychologique dans ces didascalies, mais des « yeux hors des orbites », des « ne perdons pas le nord », « saisissons la balle au bond » : le langage et l’émotion passent toujours par une expression physique, comme si la pensée elle-même était en train de marcher.

Feydeau écrivait souvent sur le moment, au fil des répétitions, et il accordait un soin maniaque aux placements des comédiens sur le plateau. Aucun détail, bibelots compris, n’était négligé pour atteindre le but : faire rire en montrant la lâcheté, l’égoïsme et la bêtise de la bourgeoisie moyenne. Les couples s’ennuient, quand ils ne se harcèlent pas. Ils prennent, ou voudraient prendre maîtresse ou amant, mais leur désir cède devant la pression sociale. Feydeau se montre impitoyable, et aussi corrosif avec les hommes qu’avec les femmes. Il met au jour leur hypocrisie fondamentale, il étale leurs viscères, il traque leur inconscient, à une époque où Charcot et l’hypnose enthousiasment les foules. Tout explose, la folie guette, on s’en délecte comme un pansement hilarant. C’est ainsi que, traversant le temps, Feydeau est grand.

 

Brigitte Salino

 

Légende photo : Une scène de « Tailleur pour dames », de Georges Feydeau, avec Véronique Barrault et Sébastien Castro, mise en scène d’Agnès Boury, 2015. PASCAL VICTOR/ARTCOMPRESS VIA LEEMAGE

 

 

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April 2, 2021 5:33 PM
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Feydeau à la folie, un documentaire d'Anne-Sophie Plaine, à voir en streaming

Feydeau à la folie, un documentaire d'Anne-Sophie Plaine, à voir en streaming | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Voir le documentaire

Feydeau à la folie, conçu et réalisé par Anne-Sophie Plaine (52 mn)

 

 

Présenté sur France 5 le 2 avril 2021

 

Auteur de théâtre souvent méprisé, Feydeau a pourtant connu une gloire internationale de son vivant. Ses pièces ont essuyé de nombreuses critiques, mais ont résisté à toutes les attaques et tiennent toujours le haut de l’affiche. Portrait de l’un de nos plus grands génies comiques.

En 1951, une pièce de Georges Feydeau est mise en scène pour la première fois à la Comédie-Française : Le Dindon provoque un séisme et divise le public. Les situations vaudevillesques et la trivialité des dialogues heurtent les spectateurs, partisans d’une mission éducative du Français. Ce qui choque le plus : le lit installé au milieu de la scène. Mais le public en redemande et la pièce restera à l’affiche pendant dix ans. « L’effet Dindon » s’avère très rentable pour l’institution. « Aujourd’hui, Feydeau est devenu un classique, explique la conservatrice-archiviste Agathe Sanjuan. On le joue très souvent… plus que Corneille ! » Longtemps Feydeau « était presque de l’ordre de l’interdit dans le théâtre public », rappelle le metteur en scène Alain Françon. Mais, depuis les années 2000, il a désormais le vent en poupe.

 

Acteurs, metteurs en scène, critiques et spécialistes éclairent, dans ce documentaire illustré de nombreuses archives, les différentes facettes du dramaturge. Un « auteur noble » pour Isabelle Nanty, qui a monté L’Hôtel du Libre-Échange en 2017 à la Comédie-Française : « Plus on le travaille, plus on découvre des choses, c’est extrêmement profond. » Le théâtre vaudevillesque de Georges Feydeau est sans doute nourri par son histoire personnelle : celle d’un fils qui doute de sa filiation réelle avec Ernest Feydeau. Sa mère, une courtisane polonaise, est aussi la maîtresse du duc de Morny et même de Napoléon III. Passionné par le théâtre qu’il découvre à 7 ans, il écrit très jeune des dizaines de pièces. Le succès arrive avec Tailleur pour dames, qui ne sera reprise que dans les années 1980. Ce grand amateur de peinture et joueur invétéré était « un grand mélancolique », selon Jean-Louis Barrault. L’habitué de chez Maxim’s finira par s’installer à l’hôtel pendant dix ans. Sa vie de noctambule en marge de son foyer nourrit sa peinture de la société bourgeoise qu’il décrit dans son théâtre. Ses interminables didascalies témoignent du soin apporté à la mise en scène — « une dramaturgie de l’instant » — et son sens du comique atteint parfois le subversif. « Je crois que les surréalistes avaient une profonde admiration pour Feydeau, rappelle Alain Françon. Je pense qu’il est très sur-réel… c’est un auteur des extrêmes. »

 

Anne-Laure Fournier

 

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February 28, 2020 7:40 PM
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Toute nue – Variation Feydeau Norén, mise en scène d’Emilie Anna Maillet.

Toute nue – Variation Feydeau Norén, mise en scène d’Emilie Anna Maillet. | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello - 28 février 2020

 

Toute nue – Variation Feydeau Norén, mise en scène d’Emilie Anna Maillet. Et à lire « La révolution du féminin » par Camille Froidevaux-Metterie – Edition actualisée et préface inédite de l’auteur, Gallimard, Folio Essais N°659.

 Le féminisme a produit bien plus qu’une dynamique d’égalisation des conditions féminine et masculine, il a profondément transformé nos sociétés occidentales en initiant un double processus de féminisation du social et de masculinisation de l’intime, écrit l’autrice et philosophe Camille Froidevaux-Metterie (La révolution du féminin, nouvelle édition de l’ouvrage de 2015, actualisée et préfacée par ses soins).

Au-delà des inégalités discriminatoires et des violences, reste active une mutation de l’histoire humaine, la convergence des genres pour la venue d’un individu générique.

A l’orée d’un monde neutre et égalitaire, la condition incarnée de nos existences revêt un sens nouveau. Affranchie des déterminismes naturels et culturels, la sexuation des corps est d’abord singulière, tel un projet de libre volonté individuelle.

Analyser les modalités de l’expérience du féminin revient à définir ce dernier comme un rapport à soi, au monde et aux autres qui passe spécifiquement par le corps.

Le théâtre donne à voir les normes sociales traditionnelles comme leur mutations. Si une première vague de mouvements féministes s’est affirmée au XIX è siècle, revendiquant le droit à l’éducation et au vote de citoyenne, la deuxième vague des seventies impose enjeux d’indépendance et de droit des femmes à disposer de soi.

La troisième vague, valorisée par le mouvement #Metoo, se penche sur les relations entre les sexes et porte des enjeux de parité et de « Réappropriation par les femmes de leurs corps dans ses dimensions les plus intimes. » (Camille Froidevaux-Metterie)

Pour les femmes qui n’ont longtemps été que des corps, il s’agit encore et toujours d’éprouver une condition paradoxale vécue, écartelée entre aliénation et libération.

Toute nue, l’audace est belle, pour la metteure en scène Emilie Anna Maillet, de réunir deux auteurs – Feydeau et Lars Norén -, que non seulement un siècle sépare, mais que l’écriture et le monde de l’œuvre respective de chacun opposent.

Humour loufoque et grivoiseries faciles d’une bourgeoisie parvenue pour l’un, et pour l’autre, distance et cynisme amer d’une société décidément indifférente à autrui.

Tel se réalise le spectacle de la metteure en Emilie Anna Maillet, à partir de Mais n’te promène donc pas toute nue ! de Georges Feydeau et des extraits de l’œuvre de Lars Norén tirés de ses pièces La Veillée, Détails, Démons et Munich-Athènes.

Clarisse est l’épouse de Ventroux, un homme politique ambitieux qui n’hésite pas à exposer aux média son couple heureux pour arriver à ses fins. Réduite à n’être qu’un outil de communication et privée de toute intimité, Clarisse fait acte de résistance et décide de se promener toute nue, non par inconscience, mais bien pour exister.

En choisissant le cadre politique, le vaudevilliste critique l’ambition professionnelle, la compétition, le calcul, l’utilisation de l’image et les stratégies politiques dans l’absence même de propos politiques en tant que tels, univers où la femme n’est pas.

Celle-ci existe comme atout, béquille, accessoire, moyen et support, offrant mensongèrement au public et aux électeurs l’image d’un amour de papier glacé.

« La femme d’un homme politique est une machine à gouvernement, une mécanique à beaux compliments, à révérences ; elle est le premier, le plus fidèle des instruments dont se sert un ambitieux ; enfin, c’est un ami qui peut se compromettre sans danger, et que l’on désavoue sans conséquence. », écrit Balzac en son XIX è.

Il n’est qu’à voir Donald Trump et son épouse descendre d’avion, dans la même posture d’unité affichée du couple idéal, et plus proches de nous encore, les couples Macron – Emmanuel et Brigitte -, Sarkozy et Carla Bruni, Hollande et ses ratés promotionnels puisqu’on a vu se succéder à ses côtés, Ségolène, Valérie et Julie.

Dans ce jeu de la représentation sociale, la presse est un outil de promotion qui peut aussi détruire une réputation. D’un siècle à l’autre, rien ne change, tout perdure et s’aggrave, ne serait-ce que les événements récents d’une candidature annulée.

Pour ce qui nous occupe sur le plateau de théâtre d’Emilie Anna Maillet, les rapports de force entre Ventroux, Hochepaix, les concurrents, et le journaliste De Jaival mettent en évidence une éternelle compétition masculine ancestrale et atavique.

Obsédé par la peur de perdre sa place sociale et par le besoin d’être le dominant, l’homme politique en vue, député et peut-être bientôt ministre, est poussé à la folie.

La mise en scène est savoureuse, formellement parlant, faisant feu de tout bois, et d’abord d’un texte mixé, croisé, répété, à l’ombre de la vidéo et des relations par écrans interposés, de l’image en direct de reportages bâclés d’informations volées.

La sphère intime disparaît au seul bénéfice de la sphère sociale – l’espace même de la représentation -, car la scène est un bureau de travail entre un grand écran sur un mur destiné à Skype, iPhone et portables, un fauteuil, et des espaces latéraux qu’une vitre sépare, la cuisine, la salle de bain, le refuge des gradins de la salle.

Les journalistes – caméraman et prise de son – ne sont plus derrière le petit écran ou seulement nommés sur une colonne de papier de journal mais dans le foyer même, circulant où bon leur semble dans le hors-champ du regard des spectateurs.

Sébastien Lalanne dans le rôle de Ventroux, l’homme politique promouvable est parfait, satisfait de lui-même, heureux d’être et soumis à sa propre auto-admiration.

Il entame à l’envi un jeu de répétition des mêmes répliques qui s’enclenchent à n’en plus finir, avec son ancien rival Hochepaix, maire de commune, que joue à merveille Denis Lejeune : les deux s’engagent dans une danse ludique verbale fort délectable.

Matthieu Perotto, pour le rôle du journaliste du Figaro dont le nom n’est jamais correctement retenu – De Jaival -, en alternance avec Simon Terrenoire, incarne les jeunes loups des médias d’aujourd’hui, prêts à tout pour accumuler les scoops.

Le batteur François Merville  – qui joue aussi le discret valet Victor – donne le la à cette partition verbale jazzy, bien balancée et volontairement heurtée, assénée, brusquée et cassée, donnant à entendre avec niaque le monde brutal tel qu’il est.

Un monde qui ne sied guère à l’épouse de Ventroux, Clarisse, qu’interprète avec flegme et belle tranquillité la comédienne Marion Suzanne qui n’en a plus que faire des préoccupations d’un mari indifférent, ne restant occupé que de lui-même.

Elle fait front, via sa nudité – une nudité toujours paradoxale et déconcertante sur une scène de théâtre, à la fois dénonciation d’une condition honnie et complaisance d’un corps exposé aux regards, et d’autant que ces messieurs de la ville sont vêtus.

Sûre d’elle, elle fait front, et sous ses coups de colère, des jets et des filets d’eau d’une bouteille incapable d’étancher sa soif, s’échappent sur les murs blancs quand la rage bat son plein, maculant les murs de taches noires explosées, façon de b.d.

Véronique Hotte

Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès 75019 – Paris, du 27 février au 21 mars, du mardi au jeudi à 20h, vendredi à 19h, samedi à 20h, dimanche à 15h30. Tél : 01 40 03 72 23. Et à lire « La révolution du féminin » par Camille Froidevaux-Metterie – Edition actualisée et préface inédite de l’auteur, Gallimard, Folio Essais N°659.

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March 5, 2016 7:26 PM
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« Chat en poche » à Angers : un Feydeau à grand spectacle

« Chat en poche » à Angers : un Feydeau à grand spectacle | Revue de presse théâtre | Scoop.it

« Chat en poche » à Angers : un Feydeau à grand spectacle © Stéphane Tasse


Par Philippe Chevilley dans Les Echos



Penser Feydeau, c’est rêver un XIXe siècle drôle et burlesque… Pas seulement, démontre Frédéric Bélier-Garcia, directeur du Quai (le CDN d’Angers), en montant « Chat en poche » (1888) de façon spectaculaire et folle. L’action principale de la pièce se déroule dans un salon de parvenus, dont l’un, Pacarel, a fait fortune dans « le commerce du sucre pour l’exploitation des diabétiques ». L’entrepreneur joufflu constate qu’il ne manque à son patronyme que la postérité. Pour ce faire, il se met en tête de faire monter à l’Opéra de Paris un « Faust » ­composé par sa fille. Et vu le mauvais goût paternel, cela ne doit pas être du Gounod !


PYRAMIDE DE QUIPROQUOS


La scénographie, construite à partir de morceaux de décors d’autres spectacles, est grandiloquente. Un immense cheval en bronze, dans le genre de ceux de Marly revisités par Barbedienne, côtoie une toile pompière tout aussi démesurée. L’amoncellement de meubles et d’objets est une allégorie de la pyramide de quiproquos composant la pièce : Pacarel pense s’être attaché les services d’un ténor, qui est en fait le fils d’un ami de Bordeaux, arrivé à l’improviste « faire son droit » à Paris.


Le délire décoratif s’intensifie au deuxième acte, jusqu’à friser le surréalisme. Pacarel raconte comment celui qu’il croyait être un prodige vient de s’illustrer – dans le sens négatif du terme – à l’Opéra. Au récit comique, Bélier-Garcia ajoute l’image : en arrière-plan, Dufausset vocalise sur une banquise de carton-pâte, entouré d’une chorale vêtue de costumes inuits. Une façon de « monumentaliser » la folie de Feydeau. La gestuelle délirante des acteurs dans cet environnement hisse ce « Chat en poche » au rang de performance artistique. Et que dire de la jungle qui remplace les icebergs au troisième acte ? Référence subliminale aux salons Napoléon III, où la verdure accentuait le mauvais goût d’ensembles décoratifs déjà bien chargés.


Frédéric Bélier-Garcia a fait un beau travail de direction d’acteur. A partir de cette courte pièce, il monte un spectacle échevelé de plus de deux heures. Les intentions des répliques sont soutenues par les mimiques, les jeux de regard d’un groupe d’acteurs exubérants. Les situations s’enchaînent comme autant d’illusions d’une vie plus palpitante, moins convenue – que recherchent les personnages. La frénésie, le rire, qui l’emportent sur l’inquiétude et la mélancolie, nous rappellent que, chez Feydeau, rien n’est vraiment sérieux – et c’est bien salutaire.

« Chat en poche » de Georges Feydeau. MS Frédéric Bélier-Garcia. Angers, Le Quai, jusqu’au 12 mars (02 41 22 20 20).

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July 29, 2015 6:38 AM
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Trois Feydeau mis en scène par Didier Bezace au Château de Grignan

Trois Feydeau mis en scène par Didier Bezace au Château de Grignan | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Publié par Fabienne Darge dans Le Monde : Georges Feydeau était un diable d’homme, qui a mal fini : syphilitique et fou. Il a poussé les folies bourgeoises de la IIIe République tellement loin, il les a si bien comprises, pratiquées et disséquées, lui qui serait le fils illégitime que sa mère, la comtesse polonaise Leocadia Boguslawa Zalewska, aurait eu avec Napoléon III… que ça l’a mené à l’asile. Comme tous les vrais dingues, il n’est pas toujours bien compris : soit joué dans le plus pur style boulevard ras des pâquerettes, sans arrière-fond, soit trop intello, et ce n’est pas drôle. L’équilibre est délicat à trouver, avec ce drôle de dindon qu’est Feydeau. Didier Bezace est un des metteurs en scène, dans notre beau pays qui ressemble tant à celui du maître du vaudeville, qui maîtrise le mieux cet exercice de haute voltige. Dans la magnifique cour Renaissance du château de Grignan, dans la Drôme, il propose cet été un bel échantillon de ce talent, en montant à la suite, sous le titre Quand le diable s’en mêle, trois petits chefs-d’œuvre de l’auteur : Léonie est en avance, Feu la mère de madame et On purge bébé. Et c’est drôle, à en suffoquer par moments. Noir, aussi, et doucement absurde. GUERRE DES SEXES DÉCLARÉE Dans Léonie est en avance, Mme Toudoux, toute jeune mariée à M. Toudoux, fait tourner en bourrique son époux, face à la naissance qui s’annonce – celle de Léonie, donc, qui est en avance. Jusqu’à ce qu’arrive une sage-femme accorte et tyrannique, qui va déballonner cette baudruche vide. Feydeau a compris la grossesse nerveuse mieux que n’importe quel psychanalyste. Dans Feu la mère de madame, Lucien, déguisé en Louis XIV, rentre à point d’heure du bal des Quat’z’Arts et réveille sa femme, Yvonne, qui lui fait une scène. Un valet de chambre sonne à la porte, pour annoncer la mort de la mère de madame. Réconciliation, méprise, quiproquo, et nouvelle scène de ménage. Quand le diable s’en mêle, d’après Georges Feydeau. Adaptation et mise en scène : Didier Bezace. Château de Grignan (Drôme), à 21 heures, jusqu’au 22 août. pas de portes qui claquent, dans sa mise en scène, et bourgeoise. Pas besoin d’en rajouter. Didier inventé une machine à jouer qui fait des comédiens les maîtres de la partie : une sorte d’estrade en bois à plan incliné, qui figure à la fois le désert domestique des Toudoux, le lit trop grand d’Yvonne ou le bureau de Follavoine. « S’ils nous font rire, ces lointains descendants déchus d’Adam et Eve, ce n’est pas tant qu’ils sont bêtes, égoïstes et vulgaires, c’est que les folles péripéties de leurs existences ordinaires les mettent littéralement hors d’eux-mêmes », fait fort justement remarquer Didier Bezace. Et c’est ce qu’il montre, grâce à ses bons comédiens, Thierry Gibault, Océane Mozas, Luc Tremblais… Et, surtout, Clotilde Mollet. C’est grâce à elle, notamment, que, dans On purge bébé, le vertige du vide atteint des sommets, qui culmineront quand Bastien Follavoine ne pourra que bafouiller, hébété, devant ses pots de chambre qui se cassent les uns après les autres : « Il est mal cuit, il est mal cuit. » Chez Feydeau, c’est sûr, le mâle est cuit. Quand le diable s’en mêle, d’après Georges Feydeau. Adaptation et mise en scène : Didier Bezace. Château de Grignan (Drôme), à 21 heures, jusqu’au 22 août. Tél. : 04-75-91-83-65. chateaux.ladrome.fr
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January 22, 2015 2:09 PM
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Animal(s)« deux pièces zoologiques » en un acte d’Eugène Labiche, mise en scène de Jean Boillot,

Animal(s)« deux pièces zoologiques » en un acte d’Eugène Labiche, mise en scène de Jean Boillot, | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Théâtre du blog :  

 

Animals, "deux pièces zoologiques" en un acte, La Dame au petit chien et Un mouton à l’entresol d’Eugène Labiche, mise en scène de Jean Boillot, musique  de Jonathan Pothier  

 

 

Eugène Labiche (1815-1888) a écrit quelque 174 pièces dont 164 retrouvées,  dont quatre ou cinq, de sa seule plume, et les autres au sein d’un collectif, comme on dirait maintenant (d’abord sous un pseudo: Paul Dandré),  de dialoguistes et scénaristes, dont Auguste Lefranc, Marc-Michel, et un copain de jeunesse, Alphonse Jolly…  

  

  En fait, ce sont toujours un peu les mêmes pièces d’Eugène Labiche que l’on joue. Mais Jean Boillot a eu la belle idée d’en monter deux d’un acte mais ensemble, l’une assez peu représentée : La Dame au petit chien (1863) et  et l’autre, Un Mouton à l’entresol (1875) puis  Eugène Labiche décida, deux ans plus tard, de ne plus écrire. Toutes les deux sont marquées au sceau de l’amertume (il ne réussit jamais à être joué à la Comédie-Française de son vivant!) et d’une vision pessimiste de l’humanité où personne, bourgeois, domestique, artisan…ne vaut  grand-chose, et où l’argent et le sexe mènent le  bal .  
  
Dénominateur commun : le parasitisme comme mode de vie dans la société bourgeoise. Dans La Dame au petit chien,  Roquefavour, un jeune artiste peintre, couvert de dettes, propose à M. Fontenage, son créancier, de lui confier ses quelques meubles en gage.
Bien entendu, le jeune homme est assez  rusé (il a en plus une petite pratique du droit civil, ce qui est toujours utile!) pour profiter à son tour de la naïveté de M. Fontenage (Philippe Lardaud) qui, lui, n’a aucun scrupule à pratiquer des taux d’emprunt exorbitants.
Vieille fable de l’arroseur arrosé: Roquefavour continue à profiter de sa chambre, même si elle n’est plus à lui : «C’est admirable ! dit-il, cyniquement. Pas de loyer à payer (…) J’ai un logement, et pas de domicile ». Il n’hésite pas à profiter des bons repas de la maison, et Julie, la gentille bonne (Nathalie Lacroix) et Joseph, le brave valet (David Maisse) vont s’occuper ( contre un peu d’argent quand même) de ravauder ses vêtements en piteux état, et, bien entendu, tour à tour flatteur, pleurnicheur, il n’hésite pas une seconde à séduire cette  dame au petit chien, Ernestine  Fontenage ( Isabelle Ronayette) qui n’attend que cela…
  
Les bourgeois d’Un Mouton à l’entresol ne valent pas mieux, Monsieur et Madame Fougalas (David Maisse et Nathalie Lacroix), ont engagé Marianne, une bonne (Isabelle Ronayette) et un valet, Falingard (Guillaume Fafiotte). M. Fougalas a exigé qu’il soit marié, de façon à avoir, comme c’était souvent la règle, un sexe à disposition, sans avoir d’histoires.
Mais ce Falingard a menti trois fois : il n’est pas du tout bossu, n’est pas marié avec Marianne, et n’est pas valet.
C’est une espèce de chercheur amateur, assez  fou, qui veut faire des découvertes à base de produits chimiques sur le tournis du mouton, et qui  se livre à de curieuses expériences  de traitement sur les animaux. Résultat : un cheval, une perruche, un mouton y passeront, sans qu’il en ait le moindre remords… 
  Les personnages de ces deux pièces, au titre évocateur avec ces mots: petit chien et mouton, sont aussi en fait obsédés par leur propre corps, et par une sorte, disons d’humaine animalité, tous mus par des pulsions, d’abord sexuelles, conscientes ou non mais permanentes, et satisfaites ou non. Gérées bien entendu (voir Michel Foucault) par des normes et des dispositifs de contrôles érigés  en faveur du désir masculin. Avec l’accord tacite des épouses ou  maîtresses attitrées (qui sont souvent d’ailleurs les deux et qui n’hésitent pas de leur  côté,  à déjouer le phallocratisme, et à se trouver un ou plusieurs amants  parmi les plus proches et/ou les meilleurs amis de leurs maris. Où pourraient-elles  les trouver ailleurs que dans le cercle familial?
Quant aux domestiques,  ils sont de la même  veine que leurs maîtres; les bonnes acceptent volontiers de passer à la casserole, surtout quand il y a quelques gros billets à la clé… Le mariage, institution sacrée, est donc sauvé, grâce à cette construction instable : on peut tromper l’autre mais attention, il y a des règles non écrites mais bien réelles à observer, dont évidemment le secret, même s’il est de Polichinelle…


 Le corps, chez Eugène Labiche, est un corps sans cesse mu comme par une pulsion impossible à  maîtriser. Et Eugène Labiche, préfigure curieusement (vous y allez quand même un peu fort, du Vignal!), à peine vingt ans avant, les expériences  de la danseuse Loïe Fuller, issue -tiens tiens ! -du vaudeville américain…Et préfigure aussi bien entendu,  les acrobaties du corps burlesque, cinquante ans plus tard, celui de Charlie Chaplin, d’Harold Lloyd, ou de Buster Keaton sur sa General… Courses pour s’enfuir ou du moins échapper au regard, courses pour posséder le corps de l’autre, mobilité physique due à des pulsions physiologiques, voire à des états de conscience oubliés: tout le monde ne cesse de courir et/ou de dissimuler son corps: aucune de ces marionnettes imaginées par Eugène Labiche, véritable précurseur, n’échappe à la règle, et leur corps devient alors même comme une petite scène sur la plus grande. 
« Le corps est ici au centre même de l’art de l’acteur,  comme le dit Jean Boillot,  le corps désirant, exubérant, le corps, siège de la contradiction entre le désir et la volonté (est) un corps symptôme ».  Et chez Eugène Labiche, cela passe aussi par le chant, et par la voix, avec, parfois,  des engueulades au dialogue inaudible, véritable partition vocale dont le sens est tout entier dans la profération
Même si, et surtout, aucun de ce personnage ne suscite ici la moindre sympathie. Les maîtres sont veules, flatteurs, cupides, incapables de la moindre générosité, et quand ils donnent quelque chose, il y a a toujours chez eux une arrière-pensée. Mais leurs domestiques, hommes comme femmes, ne valent pas mieux : tout aussi veules, cyniques, arrivistes au petit pied, ils n’hésitent pas, comme leur maîtres, à considérer toute femme comme un proie sexuelle,  si l’occasion se présente.
Bref, tous les coups sont permis et, comme le dit très justement,  le dramaturge Olivier Chapuis, il y a ici, (mais surtout dans  Un mouton à l’entresol, une pulsion de mort qui envahit tous les personnages qui ne semblent plus rien maîtriser de leur vie personnelle, dans ce jeu de massacre téléguidé, avec  une certaine gourmandise, par Eugène Labiche. 
  Ce qui fait toute la force et l’intelligence de ce spectacle, c’est d’abord la belle idée d’avoir couplé ces deux pièces qui traitent du même thème intemporel: le parasite, le pique-assiette, s’installant dans un logement. Ce genre de personnage a toujours fait les délices du théâtre et du cinéma depuis les Grecs du Vème siècle. mais une autre belle idée est aussi d’avoir fait alterner les rôles de maîtres et domestiques entre les deux pièces.
Jean Boillot a su donner le rythme et la couleur indispensables à ces deux pièces, en gardant la noirceur et  cynisme de ses personnages: “Je l’avoue, dit Fougalas, j’ai un faible pour les femmes de chambre… mariées… C’est pour cela que je recommande toujours aux bureaux de placement de ne m’envoyer que le mari et la femme… c’est plus moral… et plus commode… Pas de chaîne, pas d’ennuis, pas de mobiliers à donner…”.
On est bien ici dans l’univers d’Eugène Labiche, mais légèrement distancié, comme dans cette remraquable Affaire de la rue de Lourcine qui avait autrefois révélé Patrice Chéreau. Avec une scénographie très futée de Laurence Villerot, à mi-chemin entre réalisme et onirisme,  où un gros canapé trois places devient un véritable outil de jeu, et où le mur du salon assez neutre dans la première pièce, s’abat d’un seul coup pour devenir le tapis en peluche violette garanti polyester du Mouton est à l’entresol, tandis que se dresse un mur couvert de tableaux hideux, de trophées de chasse et autres étagères à bibelots immondes, du genre  statues nègres en faux ébène.
Mais ici, les portes  aux seuls montants de tubes carrés de fer, ne claquent pas: on est à la fois dans le dedans et le dehors. Bien vu. Tout le monde  peut observer tout le monde qui est aussi observateur…
  Côté direction d’acteurs,  Jean Boillot sait faire; c’est un parfait sans faute: aucun dérapage, aucune vulgarité: tout est impeccable, et il y a une belle unité de jeu, à la fois textuelle et physique. Guillaume Fafiotte, Philippe Lardaud, David Maisse, Nathalie Lacroix et, en particulier, Isabelle Ronayette, font un travail remarquable.
Côté bémols, c’est le cas de le dire! la musique, au piano à programmation électronique, trop forte et  donc un peu estouffadou, couvre les voix dans les chansons, mais cela devrait vite être mis au point; par ailleurs, certains costumes, même bien réalisés, souffrent un peu d’hypertrophie,  comme dirait Roland Barthes…  
Sinon, quelle jubilation, quel plaisir à déguster cet humour teinté de métaphysique, et ce dialogue  à la férocité exemplaire, surtout après ce bien peu savoureux Platonov concocté sans aucune force ni délicatesse par Rodolphe Dana au Théâtre de la Colline.
Cela valait bien le coup de venir à Thionville, où le public chaleureux du Nest, toutes générations confondues, riait de bon cœur, en ce dimanche après-midi, en voyant cette partition hors-normes d’Eugène Labiche, aussi  bien montée.
Sur les pages de Charlie collées sur mur du hall, Cabu, Wolinski, Charb et tous les autres riaient aussi, mais on ne pouvait s’empêcher de penser à eux qui auraient sûrement été heureux d’être là, avec cette équipe du Nest et avec nous.
Le théâtre, cela sert aussi à cela…



 Philippe du Vignal pour Théâtre du blog



 Nord Est Théâtre/Centre dramatique national de Thionville, jusqu’au 22 janvier; et les 27 et 28 janvier, au Théâtre de la Rotonde, Scènes Vosges d’Epinal; le 3 février, au Minotaure, l’Hectare, Scène conventionnée de Vendôme; les 18 et 19 février, à la Halle aux Grains/Scène nationale de Blois ; le 3 mars, aux Transversales, Théâtre de Verdun; le 7 mars, au Trait d’Union de Neufchâteau; les 12 et 13 mars au Théâtre Ici et Là de  Mancieulles; les 18 et 19 mars, au Studio, Grand Théâtre du Luxembourg ; le 24 mars, au Théâtre Edwige Feuillère de  Vesoul, et les 27 et 28 mars, au Théâtre de Bourg-en-Bresse.
Et en région parisienne : le 6 février, au Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue ; le 3 avril,  au Théâtre de Chelles et les 10 et 11 avril, au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine; le 21 mai, au Centre Des Bords de Marne à Le Perreux-sur-Marne; et les 27, 28 et 29 mai, au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-Centre dramatique national de Sartrouville.

 

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Stanislas Nordey caracole sur les mots de Feydeau, avec « L’Hôtel du Libre-Echange », au Théâtre de l’Odéon

Stanislas Nordey caracole sur les mots de Feydeau, avec « L’Hôtel du Libre-Echange », au Théâtre de l’Odéon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge (Toulouse ) pour Le Monde - 5 mai 2025

 

 

Le metteur en scène donne à voir un ballet étourdissant et burlesque où le langage se fait révélateur de l’inconscient des personnages.

 


Lire l'article sur le site du "Monde"
https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/05/05/au-theatre-de-l-odeon-avec-l-hotel-du-libre-echange-stanislas-nordey-caracole-sur-les-mots-de-feydeau_6603127_3246.html

 

 

Au Théâtre de l’Odéon, à Paris, la saison se termine dans le plaisir. Stanislas Nordey, plus coutumier d’un registre empreint de gravité, s’offre un retour à Georges Feydeau (1862-1921), vingt ans après avoir monté La Puce à l’oreille. Et nous fait le cadeau d’une légèreté bienvenue dans la pesanteur ambiante, avec cet Hôtel du Libre-Echange qui caracole avec une liberté folle dans l’univers du grand vaudevilliste français. Lequel, décapé de ses afféteries bourgeoises, retrouve toute sa fraîcheur, sa folie, sa dimension fantastique et surréalisante.

 

Chez ce Feydeau-là, le plaisir vient d’abord de voir le délire, la panique, monter en tourbillon à partir des situations et des fantasmes les plus communs – fantasmes tenant en un mot : coucher, dans une société reposant sur l’institution du mariage. Soit, donc, une équation simple au départ : deux couples vivant sur le même palier, les Pinglet et les Paillardin. Monsieur Pinglet, à qui sa femme, Angélique, donne visiblement peu de satisfactions au lit, rêve de faire la chose avec Marcelle, la femme de Paillardin – le mal nommé, puisqu’il est de toute évidence peu allant de ce côté-là.

 

Au milieu de ces exaspérations conjugales arrive un prospectus publicitaire vantant les charmes de l’Hôtel du Libre-Echange : « Sécurité et discrétion ! Hôtel du Libre-Echange, 220, rue de Provence ! Recommandé aux gens mariés… ensemble ou séparément !… ». Ni une ni deux, Pinglet propose à Marcelle de s’y retrouver le soir même, pour goûter aux folles joies de l’adultère. La mécanique est enclenchée, qui verra tous les protagonistes de la pièce se retrouver dans cet hôtel de passe au cours d’une nuit totalement dingue, avec – entre autres – quelques fantômes et quatre jouvencelles de Valenciennes tout juste sorties du couvent.

Qu’est-ce qui peut bien intéresser Stanislas Nordey là-dedans, lui qui est plus coutumier de Pasolini et des écritures contemporaines les plus pointues ? Le langage, d’abord, que Feydeau, bien avant Jacques Lacan, manie comme un révélateur de l’inconscient des personnages, avec un pouvoir comique sans égal. Et la dimension kafkaïenne de cet étourdissant ballet où les protagonistes ne savent plus qui ils sont, où ils sont, où la réalité se dérobe sous leurs pas, où la mécanique bourgeoise bien huilée se détraque, où des fantasmes pas bien méchants – néanmoins empreints d’une misogynie crasse – débouchent sur une vision cauchemardesque du monde.

Costumes iconoclastes

Ce qui ne signifie aucunement que le metteur en scène en rajoute dans la noirceur. Tout au long du spectacle se distillent une légère distanciation, un sens du burlesque, tout autant qu’un regard qui ne déshumanise pas ces personnages affolés, dans le miroir qu’ils nous tendent. Exit le décor réaliste et chargé décrit par les longues didascalies de la pièce, dont le texte s’imprime sur les murs blancs du décor, avant que ne se déploient les ors et les rouges un peu miteux du fameux hôtel.

Le plaisir théâtral se déploie aussi dans les costumes iconoclastes signés par Raoul Fernandez, à l’image de la robe-lampadaire d’Angélique Pinglet, qui ne saurait mieux dire à quel point cette femme n’est rien de plus qu’un meuble, un élément de décor, dans le regard de son mari. Ou encore de ces capes de plumes dont sont revêtus ces drôles d’oiseaux lors de la folle nuit à l’hôtel, et qui résonnent avec la photo d’une tête d’autruche, affichée plus tard dans le spectacle.

 

Se mettent-ils la tête dans le sable, ces êtres qui incarnent une société vieillie, privée de vraie pulsion vitale, puisque l’acte sexuel, ici, reste jusqu’au bout inassouvi ? Ils font face en tout cas à une jeunesse à la vitalité éclatante, à l’instar de Victoire – qui ne porte pas son prénom pour rien –, la femme de chambre des Pinglet : c’est elle qui mène le jeu, dans cette mise en scène qui laisse clairement voir que le dernier mot revient à la jeunesse, au plaisir, et à ceux que cette société considère comme inférieurs.

Cette Victoire aussi affûtée que les soubrettes de Molière est formidablement interprétée par Anaïs Muller. Mais toute la distribution est à l’unisson : les acteurs portent haut le type de jeu particulier de Stanislas Nordey, qui projette le langage dans l’espace notamment dans les mouvements des bras. Un jeu superbement incarné dans les corps, par jeux de résonances et de contrastes. Cyril Bothorel (Pinglet), démesurément long et mince, s’oppose à ce tanagra qu’est Marie Cariès (Marcelle Paillardin). Claude Duparfait, comme toujours, n’a pas son pareil pour donner chair au névrosé Paillardin, affligé de tics et de spasmes divers. De même qu’Hélène Alexandridis en Angélique Pinglet, dont la déstabilisation se lit dans tout son être. Avec Feydeau vu par Nordey, c’est le libre-échange entre les mots et les corps qui gagne.

 

 

Voir le teaser vidéo

du spectacle

 

L’Hôtel du Libre-Echange, de Georges Feydeau. Mise en scène : Stanislas Nordey. Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris 6e. Du 6 mai au 13 juin.

 

 

Fabienne Darge (Toulouse ) / Le Monde 

Légende photo : « L’Hôtel du Libre-Echange », de Georges Feydeau, mis en scène par Stanislas Nordey, le 6 mars 2025. JEAN-LOUIS FERNANDEZ

 

 

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September 19, 2021 6:42 PM
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La purge bienfaisante d'Emeline Bayart

La purge bienfaisante d'Emeline Bayart | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Chevilley dans Les Echos  - Oct. 2020

 

La comédienne confirme son génie comique dans « On purge bébé », qu'elle joue, met en scène - et en chansons - au Théâtre de L'Atelier. Sans écraser ses partenaires, elle fait des étincelles en mégère survoltée et transforme le vaudeville de Feydeau en joyeux cauchemar.

Une présence inouïe, un humour dévastateur mix de Jacqueline Maillan et de Valérie Lemercier, le tout enrichi d'une solide expérience du théâtre public (sous la férule de Christophe Rauck, Denis Podalydès ou Clément Poirée) : Emeline Bayart s'affirme comme une des grandes actrices comiques de notre époque. Elle connaît ses classiques, sait de plus chanter… et mettre en scène - comme le démontre sa version au vitriol du vaudeville de Feydeau « On purge bébé » (1910), créée au Théâtre Montansier de Versailles et désormais à l'affiche du Théâtre de l'Atelier à Paris.

 

 

Celle qui fut Bécassine à l'écran fait des étincelles dans le rôle de Julie Follavoine, qui s'escrime à faire absorber un purgatif à Toto, son petit diable de 7 ans, tandis que son mari, fabricant de porcelaine, tente de vendre ses pots de chambre à un fonctionnaire du ministère de la Guerre dénommé Chouilloux. Emeline Bayart met de la démesure dans son personnage de mégère obsessionnelle, mais elle n'écrase pas pour autant ses principaux partenaires - Eric Prat (Bastien Follavoine), Manuel Le Lièvre (Chouilloux) et Valentine Alaqui (Toto et la bonne), tous trois excellents. Plutôt que tirer le fil scatologique et un brin trash de la pièce, elle pousse la satire du couple bourgeois, voulue par Feydeau, jusqu'à la transe cauchemardesque.

Accents de cabaret

La farce est d'autant plus intense qu'elle est musicale - ponctuée de chansons Belle Epoque, volontiers grivoises et grinçantes, finement choisies par la metteure en scène. Accompagnés du pianiste Manuel Peskine, les comédiens s'en donnent à cœur joie. C'est bien sûr Emeline Bayart, dotée d'un joli vibrato, qui donne le « la ». Son interprétation mutine de « Ca ne vaut pas la tour Eiffel » (crée en 1900 par Marguerite Daval) en guise de prologue est un délice.

 

Dans un décor d'époque stylisé (un appartement… avec vue sur la tour Eiffel), le vaudeville aux accents de cabaret se déploie à un train d'enfer, jusqu'au crash final où Madame Chouilloux débarque avec son amant, alors que son mari vient juste d'apprendre qu'il est cocu… Cruelle gorgone, Bayart/Follavoine, survoltée plus d'une heure durant, a allumé toutes les mèches possibles et traverse les flammes sans broncher. Une sacrée purge comique, à ingurgiter sans tarder.

 

 

 

ON PURGE BÉBÉ

Théâtre

de Georges Feydeau

Mise en scène d'Emeline Bayart

Paris, Théâtre de l'Atelier , 01 46 06 49 24

Théâtre de l’Atelier 21H. Dimanche 17H

 

Durée : 1 h 20

Philippe Chevilley

 

 

 

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December 13, 2020 3:00 PM
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Covid-19 : et si les théâtres publics ouvraient pendant les vacances ?

Covid-19 : et si les théâtres publics ouvraient pendant les vacances ? | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Sandrine Blanchard dans Le Monde le 13/12/2020

 

Les confinements et les couvre-feux dus à la pandémie en 2020 poussent les lieux à s’interroger sur l’amplitude de leur ouverture au public.

Les théâtres resteront portes closes au moins jusqu’au 7 janvier 2021. Ils avaient espéré rouvrir le 15 décembre, mais leur espoir a été douché par les mauvais chiffres de l’épidémie de Covid-19 qui ont poussé le gouvernement à maintenir la fermeture des lieux culturels. En réalité, pour bon nombre de théâtres subventionnés, ces trois nouvelles semaines d’arrêt ne correspondent qu’à une semaine sans lever de rideau pour le public.

 

En effet, l’immense majorité des centres dramatiques nationaux (CDN) et une très grande partie des scènes nationales allaient, quoi qu’il en soit, être fermés pendant les vacances scolaires, comme c’est le cas chaque année. Les deux confinements de 2020, qui ont contraint les lieux à réorganiser sans cesse leurs programmations, n’avaient pas pour autant modifié le calendrier traditionnel de fermeture. Mais la crise liée au Covid-19 pousse les lieux à s’interroger sur l’amplitude de leur ouverture au public.

 

« Les vacances scolaires sont très souvent des moments de créations et de résidences d’artistes. Pour cette fin d’année, il y avait peu de changement de planning de représentations, uniquement quelques ajustements qui permettaient de profiter de cette fenêtre entre le 15 et 22 décembre avant la reprise, qui était prévue autour du 6 ou 12 janvier », constate-t-on à l’Association des centres dramatiques nationaux après un sondage auprès des trente-huit centres répartis sur le territoire.

 

 

En dehors de celui de Vire (Calvados), qui prévoyait de maintenir la deuxième édition de son festival Les Feux de Vire, du 26 au 28 décembre, seul le CDN de Nice devait rester ouvert jusqu’au 31 décembre. « Ce n’était pas une habitude ici, explique Muriel Mayette-Holtz, à la tête du Théâtre national de Nice depuis novembre 2019. Mais on a tellement enchaîné de difficultés que des liens de solidarité ce sont créés, et cela avait été facilement accepté par l’équipe. »

« Pas le moment de tout bousculer »

Au CDN de Normandie-Rouen, la question d’ouvrir pendant les vacances de fin d’année « ne s’est pas posée », assure son directeur, David Bobée. « JoeyStarr va venir répéter comme c’était prévu. Le personnel permanent du théâtre est très perturbé, a besoin de repos. Ce n’était pas possible de les mobiliser à nouveau pour tout chambouler sur des calendriers pensés depuis un an. Il ne fallait pas ajouter de la crise à la crise », estime le metteur en scène.

 

A Toulon, Charles Berling, directeur de la scène nationale Châteauvallon-Liberté, a interrogé ses administrateurs sur la possibilité d’un prolongement de la programmation pendant les fêtes. « J’avais obtenu une ouverture jusqu’au 20 au lieu du 18 décembre, mais pas au-delà. Les gens sont tendus, fatigués, ce n’était pas le moment de tout bousculer, argumente-t-il. Les équipes ont été très mobilisées pour faire et défaire la billetterie. J’ai pesé le pour et le contre et ne voulais pas rouvrir à tout prix. Je préférais me battre pour la motivation de l’équipe plutôt que pour ces dix jours. » Sans compter que les théâtres publics « se heurtent aussi au droit du travail », ajoute le comédien, les congés et RTT étant pris pendant les vacances scolaires.

 

« Pourquoi ne pas ouvrir pendant les vacances, lorsque le public est davantage disponible ? C’est une bonne question, reconnaît Frédéric Maurin, coprésident du Syndicat national des scènes publiques. Même si c’est compliqué pour les équipes, le service public des arts et de la culture se doit de remplir au mieux sa mission. » A la faveur de la crise engendrée par le Covid-19, « de plus en plus d’opérateurs s’interrogent sur le rythme de nos maisons, et notamment sur les fermetures pendant les congés scolaires, poursuit M. Maurin. Mais cela a des conséquences en termes de budget et de ressources humaines ».

Déjà, à l’issue du premier confinement, peu de lieux avaient ouvert pendant l’été. Néanmoins, un peu comme s’est posée la question de l’ouverture des bibliothèques le dimanche, le débat est désormais ouvert sur l’étendue du calendrier des théâtres publics.

« A situation nouvelle, réponses nouvelles »

Interrogez Emmanuel Demarcy-Mota sur l’ouverture des théâtres pendant les vacances scolaires et vous ne l’arrêtez plus. « La crise est un révélateur et un accélérateur des carences du système, insiste le directeur du Théâtre de la Ville, à Paris. Il est indispensable de travailler aux modifications structurelles de nos institutions dans le temps présent, car cela permettra de construire le temps d’après. A situation nouvelle, il faut des réponses nouvelles. » Au Théâtre de la Ville, qui a fait le choix de rester ouvert cet été et avait prévu plusieurs spectacles pendant les fêtes pour tous les âges, « les priorités ont été réarbitrées dans une démarche de solidarité avec les artistes, défend Emmanuel Demarcy-Mota. Nous avons utilisé une partie du budget que nous consacrons habituellement à la communication, aux pots de première et aux voyages à l’étranger pour découvrir de nouveaux artistes – bref, tout ce qui a été stoppé à cause du Covid –, pour soutenir les intermittents ».

 

Au CDN de Nice, des propositions ont aussi été faites aux spectateurs pendant tout l’été en extérieur. Et deux spectacles auraient dû se jouer jusqu’au 31 décembre : du théâtre avec Chat en poche, de Georges Feydeau, et de la magie avec Larsene magie« Du fait de la situation, on avait densifié notre calendrier. L’équipe avait conscience qu’on jouait notre avenir en faisant cela, il y avait une grosse envie de rester vivant, sinon on avait l’impression de ne pas être nécessaire », souligne Muriel Mayette-Holtz, pour laquelle « il est logique de jouer pendant les fêtes ». Mais, reconnaît-elle, « c’est grâce à la présence d’une troupe sur place et parce que c’est moi qui fais la mise en scène du Feydeau qu’on a pu réagir très vite ».

 

Emmanuel Demarcy-Mota en est persuadé, « l’année 2020 restera comme un pli dans l’histoire. On ne peut pas en ressortir à l’identique en reprenant les pratiques d’avant. Nos institutions, notre système doivent avoir l’humilité de se réinventer ». De cette crise sans précédent, qui va entraîner un fort embouteillage avec les spectacles reportés sur la saison 2021-2022, émergeront de nouvelles questions. Et Frédéric Maurin de lister tout ce qui pourrait sortir de « positif » de cet annus horribilis : « Il faut réinterroger notre rythme de travail, se questionner sur la possibilité de semestrialiser nos programmations, ouvrir davantage nos séances à un public occasionnel, de non-abonnés, et inventer de nouvelles propositions artistiques, notamment dans les espaces publics. »

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February 20, 2020 5:49 PM
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Un Feydeau entre “2001” et les Monty Python

Un Feydeau entre “2001” et les Monty Python | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Patrick Sourd dans Les Inrocks 13/02/20

Boosté par un happening final orchestré par Les Bâtards dorés avec lasers et fumigènes, ce vaudeville inachevé trouve une nouvelle jeunesse.


S’agissant du roi du vaudeville et pour prendre la mesure de ses dramaturgies, le mieux avec Feydeau est de se référer à l’avis de Sacha Guitry. Dans son recueil Pensées, maximes et anecdotes, le fin connaisseur de la mécanique du rire en appelle avec justesse à la métaphore horlogère pour décrire ses pièces comme des constructions où rien n’est laissé au hasard.

“Faites sauter le boîtier d’une montre et penchez-vous sur ses organes : roues dentelées, petits ressorts et propulseurs – mystère charmant, prodige ! C’est une pièce de Feydeau qu’on observe de la coulisse. Remettez le boîtier et retournez la montre : c’est une pièce de Feydeau vue de la salle – les heures passent, naturelles, rapides, exquises…”

Accueil en fanfare
En montant Cent millions qui tombent, les membres du collectif Les Bâtards dorés s’attaquent à une pièce écrite en 1911 et restée dans la marge de l’œuvre car inachevée. Une opportunité d'explorer en profondeur les deux versants de l’analyse chère à Guitry en entreprenant un improbable dialogue entre le texte et une coda inventée par la troupe, qui témoigne de l’imaginaire mis en branle par le délire vaudevillesque.

Nul besoin d’attendre le lever de rideau pour être dans l’ambiance. Bien avant l’ouverture de cette boîte de Pandore où les portes ne vont cesser de claquer, la présence d’un acteur plongé dans un profond sommeil à l’avant-scène résume en une image sonorisée les ambitions du manifeste. La salle commence par convulser de rire quand la surprise l’emporte sur la gêne et qu’il est clair que l’acteur endormi est seul responsable de l’accueil en fanfare orchestré dans un chapelet de pets intempestifs.

Artillerie lourde
Sous les yeux d’un personnel de maison qui brique l’argenterie comme on se livre à l’onanisme, place donc à la chronique drolatique d’une cocotte surprise par son régulier avec un acteur des grands boulevards dans son lit. Monsieur a misé sa fortune au casino à Monte-Carlo. Revenant ruiné, il se contente d’une chasse au coucou de principe en comptant sur le nouvel arrivant pour payer les factures… avant que l’on apprenne que le valet est l’héritier de cent millions, ce qui le place soudain en tête de liste des amants potentiels de la dame.

Prétexte à bousculer tout l’édifice, ce scoop nous entraîne dans une hallucination jubilatoire où l’étrangeté du texte retraduit en vieux français fait des merveilles tandis que Les Bâtards dorés sortent la grosse artillerie, avec lasers et fumigènes, pour un voyage dans le temps convoquant le Moyen Age des Monty Python et 2001, l’odyssée de l’espace de Kubrick. Un crash-test surréaliste qui dépayse le franchouillard Feydeau et comble de plaisir.

Cent millions qui tombent de Georges Feydeau par le collectif Les Bâtards dorés, avec Romain Grard, Lisa Hours, Ferdinand Niquet-Rioux, Jules Sagot, Manuel Servi et Lucien Valle. Jusqu'au 22 février, TnBA, Bordeaux. En tournée jusqu’au 27 mars

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August 4, 2015 3:09 PM
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Grignan : Du théâtre ambitieux et populaire

Grignan : Du théâtre ambitieux et populaire | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Voilà bientôt trente éditions – l’anniversaire sera fêté l’été prochain avec “Don Quichotte” – que les Fêtes nocturnes du château de Grignan réalisent un pari à peine croyable : concevoir un spectacle inédit chaque été au cœur de cet édifice majestueux. Pendant deux mois, de fin juin à fin août, comédiens et techniciens enchaînent quarante-quatre représentations en plein air par (presque) tous les temps. Pour “Lucrèce Borgia” (2014), les artistes et le public ont bravé la pluie ! Il a fallu la colère des intermittents pour avoir raison de la première. Ici, sept à huit cents spectateurs prennent place chaque soir dans une tribune en arc de cercle aux sièges inconfortables dressée dans la cour sud. Des quadras et des seniors, des gens du pays et des Rhônalpins, des Avignonnais et des Parisiens, des vedettes et des journalistes. Ainsi que les Grignanais : traditionnellement, ils ont la primeur du spectacle. Devant les yeux de cette foule hétéroclite, l’imposante façade Renaissance est un décor naturel que des metteurs en scène tentent tour à tour de s’approprier. Un atout et une contrainte. D’ailleurs, en général, ils viennent sur place prendre la mesure du lieu plusieurs mois avant d’entamer leur adaptation. Retrouvez l'intégralité de cet article et notre dossier dans les éditions Drôme-Ardèche du Dauphiné Libéré de ce mardi 4 août.
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July 3, 2015 4:22 PM
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Le maître-farceur Didier Bezace signe trois Feydeau diaboliques à Grignan

Le maître-farceur Didier Bezace signe trois Feydeau diaboliques à Grignan | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans le blog "Hier au théâtre"

 

Après une Lucrèce Borgia déchirante incarnée par la touchante Béatrice Dalle, les traditionnelles fêtes nocturnes du château de Grignan reviennent à un registre bien plus léger en dégainant la cartouche du vaudeville. Didier Bezace réunit trois courtes pièces de Feydeau (Léonie est en avance, Feu la mère de Madame et On purge bébé) reliées par une fil conducteur pour le moins inattendu : le diable. Colorant ce triptyque d’une pertinente teinte fantastique, l’ancien directeur de la Commune dirige impeccablement sept brillants acteurs-caméléons.

En grand satiriste des mœurs bourgeoises de son temps, Feydeau n’y va pas par quatre chemins et dézingue méchamment mais avec une grande tendresse pour ses personnages la bonne société du second Empire. Singulièrement centrés sur la guerre des sexes et la répartition des pouvoirs entre hommes et femmes, ses vaudevilles décapent aussi bien les lubies de la maternité (Léonie…) que le rapport à la mort et à la belle-famille (Feu…) ou les divergences d’éducation (On purge…).

Monter intelligemment du boulevard relève bien souvent d’un casse-tête. Didier Bezace relève le défi en éclairant ces pièces d’une lueur inquiétante. L’élément perturbateur (toujours incarné par Philippe Bérodot, cartoonesque et salace à souhait), qu’il soit sage-femme sans-gène, valet étourdi ou enfant récalcitrant se transforme concrètement en un diablotin farceur et démiurge dont il est impossible de se dépêtrer. L’idée s’avère payante puisqu’elle crée une cohésion loin d’être artificielle en soulignant la rigoureuse mécanique du genre.

D’ailleurs, la scénographie appuie ce recours au fantastique dans la mesure où le décor unique se présente comme une grande boîte à surprises renfermant une foule d’objets dans ses tiroirs. Cet imposant tréteau de bois incliné enchante par son ingéniosité : tour-à-tour salle à manger puis lit disproportionné ou bureau, il évite une machinerie trop lourde. La concentration scénique permet par contraste d’accentuer les déplacements incessants des personnages qui se révèlent amples dans leurs mouvements, facilités par la belle superficie de la façade du château de Grignan.

Ramassant sa distribution sur sept comédiens, Bezace a eu le flair et la délicatesse de permettre à chacun d’entre eux de se tailler alternativement la part du lion et de varier les plaisirs, les registres et les gammes de jeu pour notre plus grand bonheur.Océane Mozas et Lisa Schuster se régalent en bonnes étrangères mi-paumées, mi-insolentes ; Clotilde Mollet campe une belle-mère couveuse puis une mère bornée et franche avec un abattage savoureux ; Luc Tremblais est un futur papa un peu pataud mais très sympathique puis une domestique survoltée à mourir de rire ; Thierry Gibault effraie en père flambeur aux tics prononcés et surprend en homme d’affaires dépassé. Enfin, Ged Morlon s’avère parfait en mari fêtard et en patron éberlué.

Dans l’ensemble, le rythme s’avère haletant même si un entracte n’aurait pas été du luxe. Bien que chaque pièce dure seulement quarante minutes, enchaîner le triptyque sans temps mort est légèrement indigeste. Quelques maladresses aussi dans les transitions un peu cheap avec des grondements de tonnerre peu inspirés.

En somme, trois Feydeau hauts en couleur et bénéficiant d’une troupe de comédiens formidablement polyvalents. Didier Bezace s’est entouré d’une équipe de choc et propose un spectacle divertissant et estival bien sympathique ! ♥ ♥ ♥ ♥

 
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