Revue de presse théâtre
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April 25, 10:14 AM
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Mort de Jean-Paul Montanari, grand nom de la danse contemporaine en France et en Europe, il avait 77 ans

Mort de Jean-Paul Montanari, grand nom de la danse contemporaine en France et en Europe, il avait 77 ans | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabrice Dubault dans Le Midi Libre - Publié le 25/04/2025

 

L'emblématique directeur du festival "Montpellier danse" de 1983 à 2024 est décédé ce vendredi 25 avril 2025 à l'âge de 77 ans, des suites d'un cancer. Né à Alger en 1947, il a été une figure majeure de la culture à Montpellier et de la danse en France et en Europe.

 

Il a été Le Monsieur danse à Montpellier durant 42 ans. Il y est décédé ce 25 avril 2025.

 

En 1983, Jean-Paul Montanari est devenu conseiller pour la danse à l’Opéra de Montpellier puis, en 1984, membre de la Commission d’attribution des subventions aux compagnies chorégraphiques du ministère de la Culture (jusqu’en 1991).

 

Entre-temps, il est nommé membre du Conseil supérieur de la danse (1991). En 1996, il prend en charge la saison danse qui est aujourd’hui la saison danse de l’Opéra national de Montpellier. En 2001, il quitte la direction du Zénith de Montpellier qu’il occupait depuis 1999, pour revenir se consacrer pleinement au festival et à la saison danse.

Depuis 2010, il dirigeait l’Agora, cité internationale de la danse, un lieu consacré à la danse unique en Europe réunissant tous les aspects du travail de la danse, de la création à la diffusion d’un spectacle.

 

 

Retrouvez Jean-Paul Montanari en 2021, pour les 40 ans de Montpellier danse.

 

Voir la vidéo 

 

Retraité depuis octobre 2024, il avait laissé sa place à un quatuor à la direction de L'Agora, nouvelle Cité internationale de la danse à Montpellier. Jann Gallois, Hofesh Shechter, Dominique Hervieu et Pierre Martinez viennent en effet d'être nommés à la tête de la structure qui regroupe le festival Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national de la ville.

 

"Il s’est battu toute sa vie, au service d’un seul maître, la danse"

Dans un long communiqué, le maire de Montpellier retrace sa vie, son parcours unique dans l'Hérault en faveur de la danse contemporaine et lui rend hommage.

 

"Jean-Paul est cet enfant de la terre d’Algérie, né dans une famille modeste et aimante, ce petit garçon de Boufarik et de la plaine de Mitidja : cette Algérie qu’il a gardée au cœur, et qu’il évoquait si souvent et avec tant d’intelligence et d’émotion. Cette Algérie qu’il verra se soulever et gagner son indépendance, et qu’il devra quitter.
Il est cet adolescent découvrant la métropole et Lyon, où sa famille s’installe en 1962, ce jeune homme bien de son temps épris de philosophie et de littérature, qui s’initie au chinois, découvre le cinéma et le théâtre, se passionne pour les créations de Planchon et Chéreau. Déjà, il sait que sa vie sera vouée à la scène : 'Je n’en suis jamais sorti. Mon monde était là', écrira-t-il encore récemment.
Il est cet étudiant engagé qui découvre la joie et la fraternité des luttes en mai 68, ce militant qui fonde en 1975 le Groupe de libération homosexuel de Lyon : le courage des convictions, déjà. Ces mêmes convictions qui l’amèneront, une décennie plus tard, à incarner ici la lutte contre le SIDA.


Chez lui, la vie, la politique et l’art sont intimement liés ; à la même époque, il intègre le Centre dramatique national de Lyon, en devient le programmateur pour la danse, invite Maguy Marin, Dominique Bagouet, d’autres encore, lance à Villeurbanne Viva, un festival de danses et de musiques extra-européennes. Il ne sait pas encore que son destin va s’écrire plus au sud, tout près de cette Méditerranée dont il est l’enfant".

 

Et Michaël Delafosse poursuit :

 

"Jean-Paul Montanari a éveillé nos regards. Il nous a appris à regarder la danse, patiemment. Avec lui, nous avons compris que 'tous les corps sont des corps politiques.' Nous lui devons d’avoir été bouleversé, ému, parfois choqué, par les créations d’artistes venus du monde entier. Il a programmé et a accueilli ici les plus grandes, les plus grands : Trisha Brown, Merce Cunningham, William Forsythe, Ohad Naharin, Angelin Preljocaj, Anne Teresa De Keersmaeker, Emanuel Gat... Et Raimund Hoghe, ce véritable 'chamane', pour reprendre le mot de Jean-Paul, disparu en 2021 et dont une place de notre ville porte depuis le nom.


Jean-Paul Montanari rappelait sans cesse que rien ne s’obtient sans effort".

 

Fabrice Dubault / Le Midi Libre

 
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November 15, 2024 11:43 AM
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Au Festival TNB, à Rennes, le théâtre sur les chemins de la fragilité humaine

Au Festival TNB, à Rennes, le théâtre sur les chemins de la fragilité humaine | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge (Rennes, envoyée spéciale de Libération) le 15 nov. 2024

 

Sous la conduite d’Arthur Nauzyciel, la manifestation est marquée par une attention particulière aux souffrances qui montent dans nos sociétés.

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/11/15/au-festival-tnb-a-rennes-le-theatre-sur-les-chemins-de-la-fragilite-humaine_6395656_3246.html

 

 

A Rennes, en novembre, les amateurs de spectacle vivant, d’ici ou d’ailleurs, ont leur rendez-vous : le Festival TNB du Théâtre national de Bretagne qui, de son vaisseau amiral à la façade de verre ouverte sur la ville, se déploie sur toute l’agglomération rennaise tout en gardant ses antennes pointées sur le monde. L’édition 2024, sous la conduite d’Arthur Nauzyciel, le directeur du TNB, n’affiche pas de thématique particulière. Mais on peut lire dans ce festival qui s’est ouvert le mercredi 13 novembre et se poursuit jusqu’au samedi 23, une attention particulière aux souffrances, aux fragilités qui montent dans nos sociétés, notamment à la question du handicap et de la « création adaptée ».

 

 

 

Les deux soirées d’ouverture des 13 et 14 novembre ont d’ores et déjà offert des bonheurs divers. Outre le Léviathan, de Lorraine de Sagazan, et le Hamlet créé par Chela De Ferrari avec des acteurs atteints de trisomie 21, déjà chroniqués dans nos colonnes, on a pu y découvrir deux belles créations semblant aux antipodes l’une de l’autre, mais réunies par une même confiance dans les pouvoirs poétiques du théâtre : Sur le chemin des glaces, par Bruno Geslin, et Comment se débarrasser de son crépi intérieur, par Valérie Mréjen.

 
La première se met dans les pas du cinéaste allemand Werner Herzog, alors que vient d’être publiée en France sa passionnante autobiographie, Chacun pour soi et Dieu contre tous (Séguier, 400 pages, 24, 90 euros). En 1974, Herzog a 32 ans, il a déjà réalisé Aguirre, la colère de Dieu (1972). Il apprend que son amie Lotte Eisner, grande critique et historienne du cinéma, est gravement malade, et qu’elle risque de mourir. Il décide alors d’entreprendre à pied le voyage de Munich à Paris, avec l’idée que cette course de 900 kilomètres contre la mort la sauvera.

Une poésie folle

De ce voyage initiatique, halluciné, il rend compte quelques années plus tard, en 1978, dans Sur le chemin des glaces, qui est bien plus qu’un carnet de route, plutôt le récit d’un voyage intérieur hanté par les fantômes et la folie. Herzog se met en marche, avec ses bottes, un sac et une boussole. Il dort sous des Abribus, dans des granges, dans des maisons de campagne où il entre par effraction. Il traverse des paysages déserts, dans un état proche de la transe, sous la pluie, la grêle, la neige, par le brouillard, le vent glacial. Le voyage d’hiver est une manière de mettre le corps à l’épreuve, de défier la mort. Lotte Eisner survivra, et vivra encore pendant dix ans.

 

Lire le portrait | Article réservé à nos abonnés Werner Herzog, les folies de la grandeur
 
 

Ce matériau a priori peu théâtral trouve une superbe traduction scénique, sous la conduite de Bruno Geslin, un des francs-tireurs les plus intéressants de la scène française. Il s’agissait pour lui d’« arpenter le récit comme un paysage », de « traverser une écriture autant qu’une géographie ». La cage de scène est une vaste chambre d’écho, où le texte, les images et la musique s’accordent magnifiquement pour mettre en route tout un imaginaire très allemand marqué du sceau d’un romantisme noir.

 

L’acteur qui porte le récit, Clément Bertani, remarquable – il a le style et la précision dans la diction d’un Stanislas Nordey –, offre son corps à la bataille. Il marche, tout du long, en une sorte de vaste plan-séquence, sur un tapis roulant installé en diagonale sur le plateau, tandis que l’espace se peuple d’images et de sons, de paysages comme dessinés en ombres chinoises, de riffs de guitare électrique ou de lieder. Le spectacle est d’une poésie folle, hypnotique, qui emmène chacun dans ses questions existentielles – qui, aujourd’hui, ferait 900 kilomètres à pied pour conjurer la mort d’un ami ?

L’étrangeté de la vie ordinaire

Avec Valérie Mréjen, on est en apparence dans un registre plus léger, que semble indiquer le titre irrésistible de son spectacle, Comment se débarrasser de son crépi intérieur. En apparence seulement. L’autrice, plasticienne, vidéaste et désormais metteuse en scène n’a pas son pareil, au théâtre comme ailleurs, pour se saisir de manière impavide de l’étrangeté de la vie ordinaire.

De quoi est-il question ici ? Une femme plus très jeune (l’excellente comédienne Charlotte Clamens) est assise, les deux mains posées bien à plat sur une table. Elle raconte à une autre femme, assise en face (Valérie Mréjen), qui pourrait être une amie, une psy ou une policière, quelques petites catastrophes de la vie quotidienne. Rien de grave, non : une bouteille d’huile d’olive qui explose dans un appartement de location, un sac à main oublié dans un train, des protections pour plaques électriques qui brûlent.

 

 

Valérie Mréjen note sur son ordinateur, et pose de temps en temps une question aussi précise qu’inutile (« Le sac, il était vert bouteille ou vert sapin ? »). Entre les deux femmes, un objet transitionnel d’un nouveau genre : un plateau de table tournant fonctionnant grâce à une télécommande, qui permet à Mréjen de servir à sa compagne des verres d’eau sans avoir à se lever pour aller jusqu’à elle.

Sens du burlesque

Anecdotique ? Pas du tout, c’est là que Valérie Mréjen est très forte. Son sens du burlesque fin et mélancolique l’inscrit dans une filiation où il s’agit bien de parler de la fragilité humaine – ici, en l’occurrence, l’inadaptation que l’on peut ressentir face à un monde de processus automatisés, d’objets inutiles, de systèmes absurdes.   L’autrice-metteuse en scène crée des rimes, des variations, des glissements qui troublent et intriguent : tout à coup, les deux femmes portent le même pull, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Quelque chose déraille doucement, très doucement, un petit chien prénommé Pina fait des siennes, et l’on rit, à n’en plus pouvoir, avant que le plateau de table tournant ne se transforme en minipodium pour une chorégraphie très personnelle sur la chanson Diamonds, de Rihanna.

 

 

Arpenter le monde chaussé de bottes de sept lieues ou l’embrasser de manière minimaliste dans ses détails qui en disent long : entre les deux, on ne choisit pas.

 

 

Festival TNB, au Théâtre national de Bretagne et dans toute l’agglomération rennaise, jusqu’au 23 novembre. Sur le chemin des glaces : Théâtre 71, Scène nationale de Malakoff, les 28 et 29 novembre, puis tournée à Pau, Albi et Douai (Nord).

 

Fabienne Darge (Rennes, envoyée spéciale)

 

Légende photo : « Sur le chemin des glaces », par Bruno Geslin, à Montpellier, en octobre 2024. SANDY KORZEKWA

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August 26, 2024 8:44 AM
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Au Grand-Bornand, le festival Au bonheur des mômes invite à « lâcher les écrans » en famille

Au Grand-Bornand, le festival Au bonheur des mômes invite à « lâcher les écrans » en famille | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Cristina Marino (Le Grand-Bornand [Haute-Savoie], envoyée spéciale du Monde) le 26 août 2024 

 

Pour sa 32ᵉ édition, jusqu’au 29 août, la manifestation reste fidèle au projet d’origine de son fondateur et directeur, Alain Benzoni : proposer du spectacle vivant de qualité au jeune public.


Lire l'article sur le site du "Monde" :
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/08/26/au-grand-bornand-le-festival-au-bonheur-des-momes-invite-a-lacher-les-ecrans-en-famille_6295388_3246.html

 

Quand on découvre Le Grand-Bornand pour la première fois, on est d’emblée frappé par le côté carte postale de ce petit village touristique de Haute-Savoie – environ 2 100 habitants et autant de vaches –, niché dans l’écrin naturel de la chaîne montagneuse des Aravis. Fidèle à sa réputation de station de ski, berceau de plusieurs champions comme Tessa Worley ou Benjamin Daviet, et de traditionnelle étape du Tour de France.

 

 

On s’attend moins à y voir débarquer quelque 60 000 festivaliers chaque année pendant cinq jours sur la dernière semaine d’août, « une bulle de détente » avant la rentrée scolaire. Et ce pour participer à la plus importante manifestation internationale et pluridisciplinaire de spectacles jeune public, mêlant théâtre, musique, danse, marionnettes, cirque et arts de la rue. Avec un mot d’ordre affiché fièrement un peu partout : « Lâche tes écrans, viens voir du vivant ! »

 

Né en 1992, le festival Au bonheur des mômes est avant tout le fruit du rêve un peu fou d’un « saltimbanque », comme il aime lui-même se qualifier, Alain Benzoni, surnommé « Benzo ». Né en 1955 à Chamonix (Haute-Savoie), il a fondé, en 1977, le Théâtre de la Toupine (d’abord appelé le Théâtre du petit rond, jusqu’en 1979), installé depuis 2004 à Evian (Haute-Savoie). Fidèle depuis toujours à une phrase d’Oscar Wilde, qu’il se plaît à citer – « La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit » –, Alain Benzoni n’a jamais fait les choses à moitié, notamment en tant que directeur général et artistique d’Au bonheur des mômes. L’échec d’une première mouture de cette manifestation en 1985-1986, baptisée le Festival en culottes courtes, ne l’a guère empêché à l’époque de persévérer dans sa volonté de créer un événement avant-gardiste pour les enfants.

 

Plusieurs rencontres décisives lui ont permis de mener à bien ce projet et de l’inscrire dans la durée dans les années 1990. Notamment avec le maire actuel du Grand-Bornand, André Perrillat-Amédé (divers droite), réélu depuis mars 2014, après déjà trois mandats à son actif, de 1989 à 2008. Ce dernier a su voir l’intérêt pour sa commune de développer une politique culturelle ambitieuse à l’époque où d’autres stations de la région préféraient tout miser sur « l’or blanc », en privilégiant les activités liées à la neige. Autre rencontre importante pour la pérennité d’Au bonheur des mômes, celle avec l’office de tourisme du Grand-Bornand, plus particulièrement avec sa directrice, Isabelle Pochat-Cottilloux, en poste depuis 2005, également directrice générale et administrative du festival.

« Respect mutuel »

Cette alliance entre une compagnie théâtrale et un village semble fonctionner à merveille depuis plus de trente ans au Grand-Bornand. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 300 bénévoles, véritables chevilles ouvrières du festival, sans qui rien ne serait possible ; 150 professionnels, employés municipaux et techniciens ; près de 300 programmateurs ; 84 compagnies (dont 16 venues d’Europe et d’ailleurs) attendues cette année pour 97 spectacles, soit 597 représentations. Avec, en outre, des réalisations concrètes, comme La Source, un parc d’attractions alternatif ouvert en 2021 pour mettre en valeur le patrimoine régional.

 

La clé de cette réussite ? Sans doute « le respect mutuel des valeurs fondamentales, de ce qui fait l’âme même de notre festival », comme le souligne Alain Benzoni. « Jamais, dans l’histoire d’Au bonheur des mômes, je n’ai connu de pressions de la part du maire ou de l’office de tourisme, j’ai toujours joui d’une totale liberté pour ce qui concerne la programmation artistique, précise-t-il. Cette confiance réciproque entre tous les partenaires est essentielle pour la bonne organisation de l’événement. »

Des valeurs essentielles que le fondateur et directeur artistique tient à rappeler : le respect du jeune public, qui, contrairement aux idées reçues, est plutôt difficile et exigeant – « Ici, on ne prend les enfants ni pour des imbéciles ni pour des porte-monnaie sur pattes » ; la qualité des spectacles proposés (pas de « off », car Alain Benzoni veut assumer pleinement tous les choix de programmation) ; le souhait de former les spectateurs de demain et de s’inscrire dans une démarche de transmission entre les générations.

Eclectisme

Comme chaque année, la programmation de cette 32e édition s’annonce placée sous le signe de l’éclectisme, de la diversité artistique et linguistique (avec plusieurs compagnies venues d’Italie, d’Espagne, de Suisse et de Belgique). Des thèmes d’actualité seront abordés, mais toujours sous un angle ludique et pédagogique, accessible même aux tout-petits. Ainsi, le Théâtre des Marionnettes de Genève traitera de l’un des sujets forts de cette édition, le harcèlement scolaire, sous un angle original dans son spectacle Ultra Saucisse (2021), présenté pour la première fois en France : une petite chipolata, Charlie, est la cible des moqueries et des humiliations de ses camarades dans la devanture d’une boucherie.

 

Une autre spécificité d’Au bonheur des mômes est la collaboration de la psychologue et psychanalyste Sophie Marinopoulos, fondatrice des espaces solidaires pour les familles Les Pâtes au beurre et marraine du festival. Après y avoir lancé en 2022 un plaidoyer national intitulé « Quels enfants laisserons-nous à la planète ? », elle participera, mercredi 28 août, à une conférence-débat avec le philosophe et essayiste altermondialiste Patrick Viveret sur « Ce que les enfants nous enseignent », animée par Eric de Kermel, directeur du magazine Terre sauvage.

Enfin, le festival doit s’achever cette année par une manifestation contre le harcèlement scolaire et numérique organisée jeudi 29 août dans les rues du village, avec une « Fabrique à slogans ». Histoire de rester fidèle à l’esprit rebelle et militant des origines.

 

 

Au bonheur des mômes, Le Grand-Bornand (Haute-Savoie), jusqu’au 29 août. Passe journée : 7 € et passe semaine : 24 €. Puis tarification spécifique de 4 € à 14 € pour les spectacles hors accès libre.

 

 

Cristina Marino / LE MONDE  (Le Grand-Bornand [Haute-Savoie], envoyée spéciale)

Légende photo : « Fabulleux !!! », une déambulation avec bulles de la compagnie Un nouveau regard, dans la rue principale du Grand-Bornand Chinaillon (Haute-Savoie), lors de la parade d’ouverture du festival Au bonheur des mômes, le 25 août 2024. T. VATTARD/AU BONHEUR DES MÔMES
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December 19, 2023 3:26 PM
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Impatience couronne le jeune théâtre belge

Impatience couronne le jeune théâtre belge | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Chevilley dans Les Echos - 19 déc. 2023

 

 

Trois spectacles belges, « En une nuit », fine évocation de Pasolini, « Abri », réjouissant OVNI apocalyptique, et « La Fracture », émouvante autofiction de Yasmine Yahiatène, ont été couronnés au Festival du théâtre émergent 2023. Revue de détails.

 

La Belgique triomphe au Festival du jeune théâtre émergent Impatience. Trois jeunes compagnies d'outre-Quiévrain ont été distinguées lundi 18 décembre à l'issue de cette édition 2023. Le quatuor formé par Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer a reçu le Prix du jury et le Prix du public pour « En une nuit - Notes pour un spectacle ». Le comité des fêtes/Silvio Palomo a remporté le Prix SACD pour « Abri ou les Casanier.es de l'apocalypse ». Yasmine Yahiatène a pour sa part été distinguée par les lycéens pour « La Fracture ».

 

 

Parmi les neuf propositions montrées au 104 Paris - partenaire historique de l'évènement avec Télérama -, au Théâtre Louis Aragon à Tremblay, au Théâtre 13, aux Plateaux Sauvages et au Jeune Théâtre National, ces trois spectacles se sont facilement imposés. Le jury professionnel (composé également de journalistes, dont nous-même) était présidé cette année par l'administrateur de la Comédie-Française, Eric Ruf, fidèle compagnon de route d'Impatience.

La grande parade

« En une nuit » est une jolie variation sur la mort de Pasolini. Mort d'un poète qui dérange, mort d'un monde gangrené par la société de consommation, mais pas la mort de l'espérance tant que le théâtre saura ranimer la flamme rebelle. Sur la scène, mi-plage, mi-terrain vague, une silhouette couchée (chaque acteur à tour de rôle) évoque la fin tragique de Pier Paolo en novembre 1975.

S'inspirant de la méthode des « notes » de l'écrivain-cinéaste, le collectif propose l'esquisse d'un spectacle composé de saynètes ardentes et contrastées, tour à tour drôles ou poignantes. Témoignages des proches, vraies fausses interviews, vraie fausse enquête policière, surprises poétiques, jusqu'à cette réjouissante parade des films en forme de revue flamboyante : les quatre comédiens surdoués nous projettent avec intelligence et justesse dans le chaos des questionnements d'aujourd'hui. Avec Pasolini pour guide. Deux prix bien mérités donc !

 

Six personnages en quête de hauteur

« Abri » est un drôle d'ovni, mystérieusement sous-titré « Les Casanier.es de L'Apocalypse ». Si c'est de survivants qu'il s'agit, les six héros de la pièce ont l'air quelque peu déphasés, voire aphasiques. Six personnages en quête de hauteur… et de sens. Sortant d'une petite cabane en bois plantée dans un décor du même matériau aux allures de boîte géante, ils font assaut de bienveillance, échangent des banalités, applaudissent des lieux communs, comme pour singer un hypothétique « vivre ensemble ».

 

Puis ils se lancent dans des projets absurdes, en mode pilotage automatique : ils emboîtent de grands panneaux pour former un horizon de montagnes, se déguisent en rochers… Alors que le langage patine et s'étiole, l'environnement se fait plus fantastique et menaçant. Jeux de lumière, de fumée, maison qui lévite… Plastiquement, ce spectacle - modèle de « non sense » - est une pure merveille. Un beau prix de la SACD…

 

Prime à l'émotion

Les quinze lycéens, venus de plusieurs établissements d'Ile-de-France, ont été conquis par l'émotion et la radicalité de «La  Fracture ». Seule en scène, traçant à la craie un terrain de foot sur le plateau puis manipulant avec dextérité des images souvenirs et une caméra vidéo, Yasmine Yahiatène évoque la tragédie d'un père kabyle détruit par l'alcoolisme. Ce père né dans la même région que la famille de Zinedine Zidane, apparemment bien intégré en Europe, est lesté par le poids de son départ forcé d'Algérie et celui des exactions de l'armée française à l'égard de sa famille.

Evitant les pièges d'une autofiction compassée ou d'un spectacle-tract, l'artiste plasticienne délivre son auto fable aussi intime que politique par fragments, en composant des images et des gestes flash qui vont droit au coeur et à l'âme. Recevoir le prix des lycéens, celui de la jeunesse, l'a visiblement bouleversée.

Dès le 1er janvier, de jeunes compagnies pourront poser leur candidature pour l'édition 2024 d'Impatience (ouverte pour la première fois à la Suisse). En 2023, elles ont été près de 250 à postuler. L'émergence se bouscule au portillon. Le (jeune) théâtre a visiblement de beaux jours devant lui.

 

Philippe Chevilley

 

Le Festival Impatience 2023 s'est tenu du 8 au 18 décembre à Paris.

 
Dossiers de candidature 2024 à déposer à partir du 1e janvier 2024

www.festivalimpatience.fr

 
Légende photo : « En une nuit », spectacle furieusement pasolinien, prix du jury professionnel et du public. (© Annah Schaeffer)
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December 18, 2023 11:02 AM
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Nomination d’Aurore Fattier à la direction de la Comédie de Caen, Centre dramatique national de Normandie

Nomination d’Aurore Fattier à la direction de la Comédie de Caen, Centre dramatique national de Normandie | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Communiqué de presse du ministère de la Culture - 18.12.2023

 

Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, en plein accord avec Joël Bruneau, maire de Caen, Rodolphe Thomas, maire d’Hérouville-Saint-Clair, Jean-Léonce Dupont, président du conseil départemental du Calvados et Hervé Morin, président du conseil régional de Normandie, a donné son agrément à la nomination d’Aurore Fattier à la direction de la Comédie de Caen, Centre dramatique national de Normandie.

 

 

Formée à l’Institut national supérieur des arts du spectacle de Bruxelles avant de fonder sa compagnie Solarium, Aurore Fattier poursuit depuis plusieurs années un travail artistique sur de grands formats de spectacles en collaboration avec d’illustres maisons de théâtre européennes comme le Théâtre de Liège, le Grand Théâtre de la ville de Luxembourg, le KVS-Koninklijke Vlaamse Schouwburg, le Théâtre national Wallonie-Bruxelles ou le Teatre nacional de Catalunya.

 

 

Aurore Fattier porte un projet fédérateur et résolument transdisciplinaire pour la Comédie de Caen. Accompagnée d’une équipe d’artistes complices et notamment de quatre metteurs en scène, Julien Gosselin, Julie Duclos, Céline Ohrel et Claude Schmitz, elle souhaite transmettre les grands textes classiques et contemporains au plus large public possible. Elle entend réaffirmer la dimension européenne du théâtre et en faire un lieu vivant, ouvert et généreux.

 

 

Aurore Fattier prendra ses fonctions le 1er janvier 2024, succédant ainsi à Marcial Di Fonzo Bo, nommé en juillet au Centre dramatique national d’Angers. Rima Abdul Malak salue l’action de celui-ci à la tête de la Comédie de Caen, dont il a fait un établissement de référence pour les écritures contemporaines et l’accompagnement des jeunes artistes.

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July 24, 2023 4:33 PM
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Bussang : le Théâtre du Peuple et sa nouvelle saison estivale 

Bussang : le Théâtre du Peuple et sa nouvelle saison estivale  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thomas Flagel dans Poly.fr 29 juin 2023

 

Edmond Rostand et Marguerite Duras sont les deux icônes de la saison estivale du Théâtre du Peuple de Bussang.

 

À l’orée de ses 130 ans, le Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher connaît une saison 2023 de transition. La nouvelle artiste-directrice Julie Delille prendra ses fonctions à l’automne, devenant la première femme à la tête de ce haut lieu d’utopie artistique, dont la devise « Par l’art pour l’humanité », inscrite de chaque côté du cadre de scène, témoigne de ses idéaux humanistes. Les deux spectacles, programmés par Simon Delétang avant son départ pour le Centre dramatique national de Lorient, couvrent deux pages intenses de la littérature française. D’abord, Cyrano de Bergerac, écrit deux ans après la fondation des lieux, en 1897. La tragédie romantique la plus connue du répertoire avec sa tirade du nez, sa verve sans pareille et l’inoubliable Depardieu dans le rôle-titre du film de Jean-Paul Rappeneau. Hasard des calendriers, c’est Rodolphe Dana (qui vient de quitter la direction du théâtre de… Lorient !) et Katja Hunsinger qui s’attaquent à cette langue magnifique d’Edmond Rostand, « inspirée d’Hugo, mais débarrassée de son emphase, touchant au sublime par la simplicité. C’est fluide, c’est un enchantement, un bonheur pour les acteurs », assure un duo qui croit, « plus que jamais, en la philosophie de Maurice Pottecher. » L’amour empêché de Cyrano pour sa cousine Roxane, conduit le disgracieux héros à protéger son grand rival Christian. Sa légendaire éloquence poétique va de pair avec des quiproquos improbables – dont le public est complice, en sachant plus que les personnages – et une flopée de rôles qui iront comme un gant au mélange de comédiens amateurs et professionnels caractéristique du grand spectacle de l’été. La seconde proposition n’a rien à envier à la première. Dans Je voudrais parler de Duras, Katell Daunis et Julien Derivaz s’intéressent à Yann Andréa, compagnon de l’écrivaine autant que personnage fictionnel de ses romans, pris dans une relation de domination absolue – mais consentie jusqu’à l’extrême – par souci de l’art. Ou peut-être par amour fou. Telles sont quelques-unes des interrogations de cette pièce dans laquelle s’entremêlent comme rarement fiction et réalité, désir et création, abandon et don de soi. Dans un retournement savoureux, voilà bien l’histoire d’un homme soumis face à une femme brillante et dévorante. Au centre de tout cela, il y a la littérature, comme toujours chez Duras. Ainsi, Julien Derivaz n’interprète-t-il pas Yann Andréa, jouant à la lisière des mots qui font l’être, à moins que ce ne soit la lettre qui dise les maux.

 

Thomas Flagel / Poly.fr

 

Au Théâtre du Peuple (Bussang), Cyrano de Bergerac du 29 juillet au 2 septembre (jeudi au dimanche, à 15h, dès 9 ans) et Je voudrais parler de Duras du 11 août au 2 septembre (jeudi au samedi, à 20h, dès 14 ans) theatredupeuple.com

 

Légende photo : Bussang : Théâtre du Peuple © Matthieu Edet

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June 3, 2023 5:49 PM
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Au Printemps des comédiens, Ivo van Hove et Julien Gosselin à cor et à cri

Au Printemps des comédiens, Ivo van Hove et Julien Gosselin à cor et à cri | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Joëlle Gayot (Montpellier, envoyée spéciale) dans Le Monde,  le 3 juin 2023 

 

 

 Avec « Après la répétition/Persona » et « Extinction », les deux metteurs en scène mettent à vif les nerfs des spectateurs, secoués par des débordements physiques et émotionnels.

Lire l'article sur le site du "Monde" : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/06/03/au-printemps-des-comediens-a-montpellier-ivo-van-hove-et-julien-gosselin-font-du-theatre-a-cor-et-a-cri_6176040_3246.html

Le théâtre est hors de lui et il le fait savoir. Au Printemps des comédiens, deux artistes expédient leurs spectacles aux confins du raisonnable. Le premier, Julien Gosselin, en forçant les limites de ce que peut, veut et va endurer le public. Le second, Ivo van Hove, en imposant une scène où les sanglots et les cris sont les carburants d’un jeu épidermique.

 

 

Avec sa mise en scène d’Extinction, d’après Thomas Bernhard (1931-1989), Julien Gosselin livre une épopée furieuse de plus de cinq heures en terre d’écriture autrichienne. Elle est portée par une équipe exceptionnelle d’acteurs français et allemands (ces derniers viennent de la Volksbühne à Berlin). Cette traversée fracassante démarre par un concert techno avec danse collective autour des DJ. Elle se poursuit par une immersion dans les nasses psychologiques d’Arthur Schnitzler (1862-1931) dont trois textes sont tricotés entre eux (La Nouvelle rêvée, La Comédie des séductions, Mademoiselle Else).

 

 

 

Elle s’aventure dans Lettre de Lord Chandos, de Hugo von Hoffmannsthal (1874-1929) avant de s’achever par les mots de Bernhard. Alors seulement, la tempête s’apaise, abandonnant les décibels sonores, les volutes de cigarettes, le brouhaha des corps, les vociférations des acteurs, les vidéos noir et blanc tournées en live par des cameramen voltigeurs. Seule sur une estrade, l’actrice Rosa Lembeck dit calmement le début d’Extinction, la mort des parents et du frère, le retour du narrateur vers le château familial où se tapit le nazisme persistant d’une Autriche qu’il exècre.

Derrière la culture, le pire de l’humain

On reçoit ce récit les nerfs à vif, fourbu par le chaos qui l’a précédé. Certains ont déserté la salle. Ceux qui ont résisté reconsidèrent ce qu’ils viennent de vivre. Eclairés par la rhétorique lucide de Bernhard, ils se repassent le spectacle depuis sa mise en bouche (le concert immersif) jusqu’au plat de résistance : les deux heures trente en compagnie des protagonistes schnitzleriens, une communauté d’hommes et de femmes dont l’élégance accouchera du pire de l’humain. Filmés par un groupe de caméras, les comédiens évoluent derrière un décor de façade juxtaposant une chambre à coucher, un vestibule, un salon et une salle de bains.

 

 

Chandeliers, verres à pied, cigares, piano et dîner chaleureux : les Autrichiens du début du XXe siècle sont des épicuriens lettrés. Ils parlent de musique, de littérature, de peinture. Ils sont beaux, spirituels. Rien ne permet de soupçonner ce qu’ils vont devenir. Sauf les femmes sur lesquelles s’attardent les objectifs et qui, leurs regards fixés vers un horizon invisible, semblent deviner qu’une tragédie se profile. Albertine, Aurélie et Else vont défaire méthodiquement ce qui fait couple, famille, société, morale. La première en avouant à son mari ses pulsions sexuelles (La Nouvelle rêvée, de Schnitzler, a inspiré à Stanley Kubrick son film Eye Wide Shut). La seconde en couchant avec son frère. La troisième en sacrifiant sa pudeur pour sauver son père de la faillite. Toutes trois manient le masochisme et le sadisme avec un égal talent, tandis que le vernis civilisé des hommes se craquelle insidieusement. C’est donc chez ces êtres propres sur eux que mature une perversité appelée à se muer en monstruosité, chez ces phraseurs qui citent Mondrian et Schönberg que s’épanouit le nazisme.

 

 

Fascisme rampant

Julien Gosselin prend plus de deux heures avant de mettre les points sur les i du fascisme rampant, non sans avoir opéré un détour par Hoffmannsthal dont la poésie est impuissante à stopper le cauchemar : les masques tombent lors d’une scène apocalyptique convoquant un cinéma d’angoisse (des Oiseaux d’Hitchcock à Melancholia de Lars von Trier). Rendus à leur sauvagerie, les Autrichiens enfilent des costumes bavarois et s’adonnent à un jeu de massacre. Sans tronçonneuse mais à coups de hache sanglante.

 

L’ambiance à couper au couteau précipite le public entre exaspération, fascination, épuisement et sidération. La confusion du spectateur n’est pas anecdotique. Elle signifie que Gosselin a su agir sur lui avec un aplomb diabolique en le piégeant dans les filets serrés de l’intellect et du sensible.

 

 

Ecrivant Extinction, Thomas Bernhard visait sa propre désintégration. A son corps défendant, le public subit une même expérience. Si beaucoup peut être reproché au metteur en scène (ses outrances, sa noirceur ou son usage immodéré du cinéma), une chose est sûre : il croit tellement au théâtre, à son pouvoir de contamination et à sa mission émancipatrice, qu’il prend en son nom des risques inconsidérés. Ça passe ou ça casse. Mais le fait est : la scène est ici le lieu d’un enjeu artistique et politique qui place chacun à hauteur d’homme et de citoyen.

Personnages au bout du rouleau

Avec Ivo van Hove, metteur en scène belge, le théâtre se fait plus intime mais tout aussi urticant : personne n’aime voir un homme, une femme ou un couple se donner en spectacle. Or nous sommes au spectacle de gens qui se donnent en spectacle, et plutôt deux fois qu’une, puisque le metteur en scène belge propose (douze ans après l’avoir créé avec des acteurs hollandais) un diptyque associant Après la répétition et Persona. Rapatriés du grand écran aux planches de bois, ces drames du suédois Ingmar Bergman dissèquent, à grand renfort de débordements physiques et émotionnels, les subjectivités d’artistes au bout du rouleau.

Présentés dans l’ordre inverse de leur création – Après la répétition date de 1984 et Persona de 1966 –, les scénarios se donnent la réplique. L’un convoque un metteur en scène qui ne veut pas quitter le théâtre, le second une actrice qui l’a fui en se réfugiant dans le silence. Dans les deux cas, l’art est incapable de réparer les dégâts causés par la vie (et vice versa). En proie à des tortures mentales et sentimentales abyssales, les héros traversent l’enfer sur terre.

 

 

Après la Répétition surexpose les affres de Vogler, metteur en scène vieillissant (Charles Berling) aux prises amoureuses et professionnelles avec une jeune actrice. Elle le trouble d’autant plus qu’elle est la fille d’une comédienne dont il fut l’amant et qui revient hanter sa mémoire. Portrait dévastateur d’un homme cramponné à ses fantasmes d’un art qui ne l’affecterait pas : « Je ne participe pas au drame, je fais en sorte qu’il existe », assène le personnage. Sauf que la plainte de Rachel, son ex-maîtresse morte de n’avoir plus été désirée parce que trop délabrée, le rappelle à sa réalité. Lui aussi a le corps mou et se dirige vers la fin de son rôle. Il peut bien vivre nuit et jour dans une salle de répétition, rien n’empêchera la vérité d’en franchir le seuil.

« La paix, l’ordre et la courtoisie »

C’est par une étroite porte que Rachel, venue réclamer justice, entre sur scène. Un froid rectangle gris avec canapé, chaises, table, caméra sur trépied, toile blanche (le cinéma est cité avec parcimonie). Reclus entre ses murs, Charles Berling porte sur ses épaules le poids des désillusions. Il incarne avec abnégation l’impuissance d’un homme castré par le couperet de l’âge et le tranchant de la culpabilité. Lui qui voulait « la paix, l’ordre et la courtoisie » en prend pour son grade. L’irruption d’Emmanuelle Bercot en Rachel est synonyme de crises de nerfs répétées. Une façon de jouer l’exacerbation qu’Ivo Van Hove remet au goût du jour, sans craindre la surenchère de pathos.

 

 

La seconde partie du diptyque, Persona, amplifie le naufrage de ces artistes en perdition. Après un entracte, les lumières se lèvent sur une table de fer où Emmanuelle Bercot – dont il faut souligner le don sans réserve qu’elle fait d’elle-même à cette représentation – s’allonge nue. Focus, cette fois, sur une héroïne qui a choisi le mutisme après avoir joué Electre. Sous la houlette de sa supérieure (Elizabeth Mazev), une jeune infirmière (Justine Bachelet) tente de briser l’enfermement de la malade en monologuant à marche forcée sur tout et sur rien. Ses mots opèrent une trouée dans le silence. Ce qui se traduit par une explosion du cadre scénique. Les murs s’effondrent, le plateau est un radeau précaire qui flotte sur un lac étale. Des ventilateurs latéraux vrombissent, arrosant les interprètes d’une pluie torrentielle. Elles sont trempées, nettoyées, purifiées. Si l’image est splendide, la métaphore est plus qu’insistante. Mais nous sommes au spectacle de héros qui se donnent en spectacle et ce, jusqu’à extinction totale des lumières. Ivo Van Hove fait en sorte qu’on ne l’oublie pas. Son parti pris est agaçant mais d’une cohérence sans faille.

 

Extinction, d’après Thomas Bernhard, Arthur Schnitzler et Hugo von Hofmannsthal. Mise en scène de Julien Gosselin. Les 3 et 4 juin au Printemps des comédiens (Montpellier), les 12 et 13 juin au Wiener Festwochen (Vienne), du 7 au 12 juillet au Festival d’Avignon, puis tournée jusqu’en mars 2024.

 

 

Après la répétition/Persona. Ingmar Bergman. Mise en scène d’Ivo van Hove. Les 3 et 4 juin au Printemps des comédiens (Montpellier), du 28 septembre au 1er octobre à Châteauvallon-Liberté (Toulon) et du 6 au 24 novembre au Théâtre de la Ville (Paris), puis en tournée jusqu’en mai 2024.

 

Joëlle Gayot(Montpellier, envoyée spéciale)

 

Légende photo : Charles Berling et Justine Bachelet dans « Après la répétition/Persona », d’Ivo van Hove, en mai 2023. MARIE CLAUZADE

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June 2, 2023 6:44 AM
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Mathieu Maisonneuve, directeur du festival des arts de la rue Exit : « A Toulouse, il s’agit de retisser des liens avec ces cousins perdus et la jeunesse catalane »

Mathieu Maisonneuve, directeur du festival des arts de la rue Exit : « A Toulouse, il s’agit de retisser des liens avec ces cousins perdus et la jeunesse catalane » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Rosita Boisseau dans Le Monde - 2 juin 2023

 

Le responsable de la manifestation, qui accueille dans la Ville rose une quinzaine de compagnies espagnoles du 2 au 4 juin, estime, dans un entretien au « Monde », que les différentes « crises » traversées par les créateurs pour l’espace public ont restreint l’imaginaire et entravé la liberté d’expression.

Lire l'article sur le site du "Monde" :

https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/06/02/mathieu-maisonneuve-directeur-du-festival-des-arts-de-la-rue-exit-a-toulouse-il-s-agit-de-retisser-des-liens-avec-ces-cousins-perdus-et-la-jeunesse-catalane_6175883_3246.html

Pour sa seconde édition, du 2 au 4 juin, le festival Exit, piloté par l’Usine, Centre national des arts de la rue et de l’espace public, à Toulouse, accueille une quinzaine de troupes dont des compagnies catalanes et baléares, présentées dans la Ville rose ainsi que dans cinq communes de la métropole toulousaine. Mathieu Maisonneuve, directeur de l’Usine et de la manifestation, raconte le passé commun de la ville et de Barcelone.

Il y a deux ans, les metteurs en scène, danseurs et comédiens qui travaillent dans la rue avaient alerté le ministère de la culture de leurs difficultés. Où en sont-ils aujourd’hui ?

La situation des 1 000 compagnies travaillant dans la rue ne s’améliore pas du tout. Aucune mesure concrète n’a abouti mais le dialogue continue avec le ministère de la culture. C’est un secteur qui reste en souffrance, notamment du point de vue de la diffusion, même s’il s’exporte toujours bien à l’international. Les artistes ont énormément créé pendant la pandémie et les circuits de diffusion sont aujourd’hui complètement bouchés. Le réseau des treize Centres nationaux des arts de la rue et de l’espace public (Cnarep) et des festivals, dont ceux d’Aurillac et de Chalon dans la rue [Saône-et-Loire], ne suffit pas à accueillir toutes ces productions.

 

 

Seule une accélération des coopérations entre les théâtres permettra de trouver une issue à cette crise. Il faut souligner les ouvertures grandissantes, depuis deux ans, du côté des Centres dramatiques nationaux, des Scènes nationales et des Centres chorégraphiques nationaux, qui commencent à inviter des artistes de la rue, en partenariat et souvent à l’initiative des Cnarep. C’est le cas pour notre festival, Exit, qui associe le Théâtre Garonne.

 

Esthétiquement, comment le secteur évolue-t-il ?

On note que les formes monumentales façon parade à la Royal de Luxe sont de moins en moins nombreuses. En revanche, et surtout du côté de la nouvelle génération, qui me fascine et qui vient de différents milieux dont celui de la danse, on observe une attention à l’écologie et à la création de formes plus légères et intimes, qui voyagent plus facilement et sont nettement moins carbonées. La question de l’incarnation dans l’espace est aussi beaucoup plus présente chez les jeunes artistes, comme le collectif Balle perdue, ou encore la Ktha Compagnie. Il faut souligner combien les différentes « crises » traversées par les créateurs pour l’espace public ont selon moi restreint l’imaginaire et entravé la liberté d’expression.

 

 

Entre la crise économique de 2008, la crise sécuritaire de 2015, celle sanitaire de 2020 et les Jeux olympiques qui arrivent et vont empiler tous les festivals au même moment, limitant les possibilités des compagnies d’être programmées à différents endroits, les arts de la rue doivent réaffirmer leur singularité. Ce qui m’a frappé d’ailleurs dans les créations de nos voisins catalans, c’est qu’elles sont libres, émancipées, joyeuses et lumineuses.

Pourquoi cette invitation massive à des créateurs catalans ?

Le contexte politique est important. Le maire de Toulouse et la présidente de la région ont fait un déplacement récemment à Barcelone pour que la ligne TGV entre nos deux capitales soit remise en marche prochainement. Par ailleurs, l’histoire de Toulouse est intimement liée à la Catalogne par la Retirada, qui s’est déroulée entre 1936 et 1939 et au cours de laquelle plus de 500 000 réfugiés ont fui l’Espagne devenue franquiste. Environ 200 000 sont arrivés à Toulouse en à peine trois ans. La ville a grandi avec toutes ses présences durant ces quatre-vingts dernières années.

 

Il s’agit de retisser des liens avec ces cousins perdus et la jeunesse catalane. L’attente est grande du côté des Catalans de Toulouse avec lesquels nous avons collaboré. Le propos s’articule autour d’une confrontation entre deux points de vue et des pratiques différentes des espaces publics, dans une Europe qui se fissure avec la guerre en Ukraine, le Brexit, la montée des extrêmes droites aux discours nationalistes…

Quels sont les thèmes abordés par les artistes catalans que vous programmez ?

J’ai invité des compagnies repérées comme El Conde et Joan Catala, mais aussi des troupes plus jeunes. Je suis admiratif de leurs récits et leurs écritures dramaturgiques. Chacun possède son propre regard sur le monde, qu’il s’agisse d’évoquer des conflits, la désillusion des jeunes générations, la transition écologique ou encore la question du genre.

De quelles façons avez-vous travaillé avec les Catalans de Toulouse ?

Nous avons collaboré en profondeur avec des associations catalanes en plongeant dans leurs archives et en imaginant une exposition et la diffusion du film d’animation de Marc Ménager Boléro Paprika. Il raconte l’histoire de Diego, un fils de républicains en exil. Il sera projeté à l’hôpital Joseph-Ducuing, fondé en 1944 à Toulouse par des résistants républicains espagnols. Nous y avons mis en place un projet d’éducation artistique et culturel en direction de la jeunesse, notamment pour que la mémoire perdure.

 

 

Exit, du 2 au 4 juin. L’Usine, à Toulouse.

 

Rosita Boisseau / Le Monde 

 

Légende photo : La compagnie 1WATT, sur la place de la Légion d’Honneur, à Toulouse, le 23 avril 2023. LORAN CHOURRAU

 

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September 18, 2022 3:31 AM
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A Marseille, les croisements identitaires du festival Actoral

A Marseille, les croisements identitaires du festival Actoral | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Fabienne Darge   dans Le Monde - 17 septembre 2022

 

 

La manifestation multidisciplinaire, qui se déroule jusqu’au 9 octobre, affiche un programme riche de découvertes.

Pointu, transdisciplinaire, éclectique et pourtant doté d’une identité bien à lui, festif et exigeant : c’est le festival Actoral de Marseille. Vingt-deux ans déjà que le rendez-vous créé par l’auteur et metteur en scène Hubert Colas ouvre la cité phocéenne sur la modernité scénique contemporaine, et ses croisements entre théâtre, danse, performance, vidéo, musique, littérature et poésie. Actoral fait désormais figure de petit frère marseillais du Festival d’automne parisien, avec lequel il a bien des points en commun.

 

 

L’édition 2022, lancée le week-end du 9 au 11 septembre sur les terrasses du MuCEM, largement ouvertes sur la Méditerranée, en est, une nouvelle fois, l’illustration : elle affiche un programme riche de découvertes et de fidélités à des créateurs reconnus, qu’Actoral a d’ailleurs souvent contribué à faire connaître. Un programme qui se déploiera à partir du 20 septembre : après ce solaire week-end d’ouverture, le festival fait une pause. Il reprendra ensuite sa vitesse de croisière pour trois semaines, jusqu’au 9 octobre.

Ce lancement a permis de découvrir deux créateurs qui seront présents ensuite au Festival d’automne. Le premier s’appelle Marcus Lindeen, il est suédois mais vit désormais en France. Il a présenté Wild Minds, le premier volet d’une Trilogie des identités, dont la suite sera également montrée à Actoral. Lindeen, qui a été journaliste avant de devenir metteur en scène, s’inscrit dans une mouvance qui fait florès dans le théâtre contemporain, celle du documentaire intime. Mais il la détourne et l’aborde d’une manière toute personnelle.

Rêveurs compulsifs

Pour Wild Minds, il s’est intéressé à ceux que l’on pourrait appeler « rêveurs compulsifs », dont on apprend, à cette occasion, qu’ils sont désormais épinglés comme relevant d’un trouble psychologique – à soigner et à éradiquer, donc. Ces êtres qui se réfugient pendant de longues heures dans des mondes imaginaires,   au détriment de leur vie réelle, Marcus Lindeen les a écoutés avec attention.

 

Leurs témoignages, qu’il a évidemment choisis et montés, sont à la base de son spectacle, qui met en place un dispositif singulier. Les spectateurs sont installés en cercle sur de banales chaises en plastique. Des comédiens sont parmi eux, indécelables au premier abord, qui vont endosser la parole de ces rêveurs, en un troublant passage de frontière entre réel et fiction. Dans ce cercle un peu magique, tout repose sur le jeu de ces comédiens, un jeu rêveur, naturel et calme, comme s’ils nous chuchotaient un secret.

Le spectacle « Wild Minds » de Marcus Lindeen donne bien le ton de cet Actoral, très politique mine de rien

Le spectacle, qui s’offre comme un moment de partage hypnotique et doux, diffuse ses ondes émotionnelles par cercles concentriques, le très particulier de ces cas individuels ouvrant sur des interrogations insondables. Quelle est la valeur de cette « vie réelle » que ces êtres fuient dans leurs fictions intérieures ? Quelle est la vraie singularité de ces mondes intérieurs qui semblent noyautés par un imaginaire formaté par les industries du divertissement ? Que révèlent ces rêves du sentiment d’impuissance éprouvé aujourd’hui ? Quelle est la parenté, ou la différence, entre les rêveurs et les artistes ? Un rêveur est-il juste un artiste sans œuvre ?

 

 

Le spectacle de Marcus Lindeen donne bien le ton de cet Actoral, très politique mine de rien, mais où les questions qui traversent notre monde en miettes sont abordées par le prisme de l’intime. En témoigne aussi l’auteur et metteur en scène thaïlandais Wichaya Artamat, qui a présenté, pour la première fois en France, sa pièce This Song Father Used to Sing (Three Days In May).

Artamat y met en scène un frère et une sœur, sur trois années distantes dans le temps, qui se retrouvent, à la date anniversaire de la mort de leur père, pour célébrer le culte des ancêtres. Lui étudie le théâtre et le management, elle a un studio de yoga qu’elle va délaisser pour se lancer dans la cuisine. Dans le petit appartement qui était celui de leur père, le temps s’étire, les souvenirs remontent par bribes effilochées.

 

 

Peu à peu, sous la surface des choses, le quotidien un peu absurde – le riz du repas au défunt a brûlé dans le rice cooker –, on découvre qu’ils ont sans doute du mal à trouver leur place dans une société thaïlandaise pas forcément très accueillante pour les « déviants », quels qu’ils soient. Le frère est probablement homosexuel, la sœur, peu disposée à correspondre au cliché de la belle Thaïlandaise pour touristes occidentaux.

Questions écologiques

Rien n’est vraiment dit, dans ce spectacle fin et délicat, au point d’en devenir un peu ténu, à l’image des bulles de savon que son protagoniste souffle sur le plateau et qui éclatent, fragiles, dans l’air nocturne. Rien n’est asséné, mais tout se joue sans doute dans les petites transgressions que les deux héros s’accordent face au culte des ancêtres et à l’immobilisme de la société dans laquelle ils vivent.

 

A partir du 20 septembre, le programme au menu des trois semaines de festival sera tout aussi passionnant, témoignant de l’intérêt de la jeune génération pour les questions écologiques, pour celles de la transidentité de genre et des croisements d’identités géographiques et culturelles. Il y aura des noms connus : Miet Warlop, avec One Song. Histoire du théâtre IV, formidable spectacle performance qui a été un des grands succès du dernier Festival d’Avignon ; Jeanne Balibar, avec Les Historiennes, une création sur trois femmes oubliées de l’histoire ; Vimala Pons et son génial Périmètre de Denver

 

 

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés Les auteurs de théâtre donnent de la voix

Mais Actoral va aussi permettre la découverte de créateurs émergents qui, de plus en plus, sont des créatrices – souvent d’origine africaine. Last but not least, Romeo Castellucci, dont très peu de pièces ont été montrées au public marseillais, sera en clôture du festival au Théâtre des Calanques, avec une performance intitulée The Third Reich. Actoral traverse allègrement les frontières de genre, et toujours avec style.

 

 

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés A Marseille, le Festival Actoral regarde vers le large

Festival Actoral, Marseille, du 20 septembre au 9 octobre, dans divers sites culturels de la ville. www.actoral.org. Tél. : 04-91-94-53-49. La Trilogie des identités, de Marcus Lindeen : Festival d’automne, au T2G de Gennevilliers, du 6 au 16 octobre. This Song Father Used To Sing (Three Days In May), de Wichaya Artamat : Festival d’automne, Théâtre Paris-Villette, du 28 septembre au 5 octobre.

 

 

Fabienne Darge(Marseille, envoyée spéciale)

 

Légende photo : De gauche à droite : Claude Thomas, Hida Sahebi, Barbara French, El Hadj Abdou Aziz Diaw et Anne-Sophie Ungouf dans « Wild Minds », de Marcus Lindeen, en 2017 à La Comédie de Caen. MAYA LEGOS/MYRA

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May 6, 2021 5:37 AM
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« Nous avons plus que jamais besoin de théâtre… »

« Nous avons plus que jamais besoin de théâtre… » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Baudouin Eschapasse dans Le Point - 6 mai 2021

ENTRETIEN. Un festival de théâtre d’un nouveau genre se tiendra les 6 et 7 mai à Bordeaux. Catherine Marnas évoque sa genèse et sa programmation.

 
Catherine Marnas entend « transformer son théâtre en une ruche bourdonnante d'artistes en répétition... » © Frédéric Desmesure

 

 

Ce sera un festival en petit comité… comme une répétition générale avant la grande reprise du 19 mai prochain. « Focus », la manifestation dédiée à la création contemporaine qui se tient cette semaine au théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TnBA) n'en devrait pas moins permettre aux jeunes troupes invitées de montrer enfin leur travail au public. À l'origine de ce nouveau festival, Catherine Marnas, directrice de ce centre dramatique national, en explique le principe.

 

Le Point : Le festival Focus, dont vous organisez la première édition les 6 et 7 mai prochains à Bordeaux, intervient juste avant la réouverture des salles de spectacle. Allez-vous pouvoir accueillir du public avant les autres théâtres ?

 

Catherine Marnas : Non. Nous ne pourrons malheureusement pas ouvrir nos portes au grand public. Cette édition sera réservée à un auditoire restreint de professionnels : programmateurs et directeurs de salle. Si l'une des propositions sera montrée en extérieur, ce ne sera que dans le cadre d'un protocole sanitaire très strict. Mais nous avons bon espoir que les spectacles qui seront montrés au TnBA pourront tourner dans l'Hexagone la saison prochaine. Comme tous les théâtres de France, nous attendons le 19 mai avec impatience…

 

Comment avez-vous vécu la saison dernière ?

 

Nous n'avons pu jouer que 19 fois sur la saison 2020-2021, là où, d'habitude, nous proposons entre 170 à 180 représentations par an. Mais nous avons quand même beaucoup travaillé. C'est tout le paradoxe de la crise que nous traversons. Notre lieu avait beau ne pas accueillir de spectateurs, nous n'avons pas cessé de répéter dans les trois salles de notre centre dramatique national. Si j'osais une image, je dirais que nous avons réalisé un travail de Pénélope. Comme la femme d'Ulysse, nous détricotions le soir ce que nous avions tissé pendant la journée. Certains de nos spectacles ont été repoussés quatre fois ! Cela veut dire que nous devions être prêts à la date dite, mais que les circonstances nous ont, chaque fois, contraints à retarder le moment où nous pourrions montrer le résultat de notre travail. Alors, nous reprenions les répétitions…

 

À LIRE AUSSI Scène – L'art de se réinventer

 

Le festival que vous créez cette année est-il une réponse à la crise que nous traversons ?

 

Je l'ai imaginé avant la pandémie. Son objectif est de mettre en avant la création contemporaine. Je suis engagée de longue date dans ce projet qui vise à aider une nouvelle génération d'hommes et de femmes de théâtre à émerger. Je suis entourée de beaucoup de jeunes compagnies. Je dirige l'École supérieure de théâtre de Bordeaux Aquitaine (Estba), d'où sortent, tous les trois ans, quatorze diplômés. Si j'aime l'idée qu'ils se frottent à la vraie vie en sortant de chez nous, je souhaite néanmoins leur offrir la possibilité de montrer ce qu'ils font ici. Nous avons en Aquitaine de nombreux créateurs de talent, nous avons conduit avec eux de nombreux entretiens par vidéo pendant le premier confinement. Et tous nous ont dit la même chose : les conditions de production et de distribution sont de plus en plus difficiles.

Pourquoi ?

Les temporalités sont cruelles. Il faut deux ans en moyenne pour mettre sur pied un projet, pour réunir une coproduction, répéter et trouver des dates. Or, le monde change à une telle vitesse que ces jeunes ont envie de partager immédiatement leur travail. L'idée du festival Focus est de leur permettre de montrer une forme, même inaboutie, de ce qu'ils préparent. Un peu comme si un peintre organisait une journée « portes ouvertes », pour qu'on voie où il en est.

 

Vous allez montrer neuf spectacles, à différentes étapes de leur réalisation. Le premier d'entre eux fait penser à une chanson de Dominique A puisqu'il s'intitule Le Courage des oiseaux

Oui. C'est une lecture-performance de Baptiste Amann. Ce sera un geste en forme de « making-of » de la trilogie qu'il a écrite et qui sera programmée au Festival d'Avignon cet été. Cela va bientôt faire sept ans que Baptiste développe ce projet intitulé « Des territoires ». C'est une exploration géographique et générationnelle de la scène qui vise à répondre à une question : quelle histoire écrire lorsque'on est, comme ses personnages, héritiers d'un patrimoine sans prestige et représentants d'une génération que l'on décrit comme désenchantée ?… Les deux premiers spectacles ont été créés en 2015 et 2017. Baptiste ne présentera pas ici le troisième opus de ce projet, mais un spectacle où il racontera les sept années qu'il a passées sur les routes pour créer ces trois œuvres. Je ne sais pas encore très bien la forme que cela prendra. Je peux juste vous dire qu'il a demandé un piano sur scène et que je ne doute pas que cela sera très abouti.

 

Est aussi annoncée une lecture de Jérémy Barbier d'Hiver. De quoi s'agit-il ?

Ce sera un texte très personnel que Jérémy a écrit : le monologue d'un homme qui parle à la tombe d'un père qu'il n'a pas connu. Cette pièce dont le titre provisoire est Mine de rien est en quelque sorte une suite à la « carte blanche » que notre théâtre lui avait déjà proposée. Ce sera son premier spectacle personnel. Il en proposera une lecture au plateau…

 

Cet ancien élève de l'Estba est aujourd'hui membre du collectif « Les Rejetons de la reine » qui sera également programmé cette semaine.

 

Effectivement. Ce collectif, constitué outre de Jérémy, de Clémentine Couic, d'Alyssia Derly et de Julie Papin, s'est formé au cœur de l'Estba en 2019. Il présentera sa première création : Un poignard dans la poche. Un texte de Simon Delgrange qui sera d'ailleurs à l'affiche du TnBA en octobre 2021. L'histoire se développe autour d'un repas de famille. On y parle beaucoup de politique et cela dégénère très vite. C'est du théâtre contemporain de l'absurde que je situerais volontiers entre Roland Dubillard et Roger Vitrac.

 

Une table ronde, organisée le vendredi 7 mai, de 9h30 à midi, permettra aux « compagnons » du TnBA de partager avec le public la manière dont ils envisagent les « nouvelles relations entre équipes artistiques et lieux culturels ».© Pierre Planchenault

 

Quels seront les autres temps forts du festival ?

Julien Duval, fondateur du Syndicat d'initiative, proposera une forme courte, avec son acolyte Carlos Martins, autour d'une formule bien connue de Voltaire qui résonne étrangement par ces temps de Covid : « Il faut cultiver son jardin. » Une pièce qui est susceptible d'être jouée en appartement. Le collectif Os'o composé par des élèves de la première promotion de l'école (Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard, Roxane Brumachon et Tom Linton. Denis Lejeune étant « invité » pour l'occasion) mettra en scène un spectacle « jeune public » qui parlera d'ovnis et de science-fiction (Qui a cru Kenneth Arnold ?). Une pièce qui sera proposée, à la rentrée, dans les écoles du territoire. De son côté, Aurélie Van Den Daele adaptera La Chambre d'appel de Sidney Ali Mehelleb, un beau texte qui parle de mémoire. Enfin, Monique Garcia, cofondatrice du Glob Théâtre qu'elle dirige avec Anne Berger, jouera dans la rue une pièce étonnante (Fortune Cookie) à l'attention d'un seul spectateur à la fois. Pour ce faire, elle l'embarquera pour quelques minutes dans un tuk-tuk pour une parenthèse enchantée où il sera question de divination et de magie.

 

Les deux dernières propositions du festival présentent la particularité d'être très biographiques…

Yacine Sif El Islam et son compagnon, Benjamin Yousfi, raconteront l'agression homophobe dont ils ont été victimes en septembre 2020 et qui les a conduits à l'hôpital. En jetant ce choc sur le papier, en partageant les comptes rendus médicaux et l'avancée de l'enquête de police, Yacine met à distance ce traumatisme et signe un spectacle touchant (Sola Gratia) qui met en perspective cet événement avec des moments de son enfance.

 

Reste votre propre pièce qui raconte le destin d'un hermaphrodite du XIXe siècle, Herculine Barbin. Pourquoi avoir choisi d'adapter sur scène le destin de cette femme, devenue homme ?

J'étais partie pour adapter Le Rouge et le Noir, mais la pandémie m'a poussée à reporter ce projet. En racontant la vie d'Herculine, née femme en 1838, puis « réassignée » homme en 1860, sous le nom d'Abel, après examen médical, j'ai l'impression de traiter d'un sujet brûlant dans notre société. Lorsque je participe aux jurys qui doivent départager les 750 jeunes qui déposent un dossier pour intégrer notre école, je me rends compte que cette question de genre taraude cette génération. Je ne compte plus les candidats et candidates qui évoquent devant nous ce sujet lors des oraux. Or, c'est cela le théâtre pour moi : traiter dans l'urgence d'une question, à chaud. Partager avec des spectateurs, le temps d'une cérémonie païenne, une expérience qui nous bouleverse.

 

Allez-vous modifier votre programmation pendant l'été ?

Bien sûr. Nous allons prolonger les spectacles tout au long de l'été. Et jouer dehors s'il le faut. Le square en face du théâtre nous le permet. Nous avons plus que jamais besoin de théâtre…

2021ENTRETIEN. Un festival de théâtre d’un nouveau genre se tiendra les 6 et 7 mai à Bordeaux. Catherine Marnas évoque sa genèse et sa programmation.

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April 6, 2021 12:20 PM
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Festival du Conservatoire,  organisé par le  NTP à Beaufort-en-Anjou  en avril (pros) et en août (public)

Festival du Conservatoire,  organisé par le  NTP à Beaufort-en-Anjou  en avril (pros) et en août (public) | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Communiqué du NTP - 6 avril 2021

 

Pour le printemps 2021, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique PSL, à Paris, a demandé à la troupe du Nouveau Théâtre Populaire de créer un spectacle avec ses élèves ; fidèle à ses habitudes, le Nouveau Théâtre Populaire lui en a proposé trois ! C’est donc un véritable mini-festival qui se prépare, aux Halles de Beaufort-en-Anjou, qui sera l’occasion d’ancrer sur le territoire encore davantage la présence de la troupe – et du théâtre ! – à l’année, et où l’on retrouvera les principes qui ont fait la force du Nouveau Théâtre Populaire : un théâtre de tréteaux, une programmation éclectique, et la place centrale accordée aux comédiens.

Compte-tenu des restrictions liées à la crise sanitaire, le Festival du Conservatoire ne pourra accueillir de public au mois d’avril. Les représentations seront réservées aux professionnels. Des représentations exceptionnelles auront lieu au mois d’août, toujours aux Halles de Beaufort-en-Anjou.

GRAND GUIGNOL / DE LORDE & MAUREY

15, 18 AVRIL, 14H
20 AOÛT, 17H

 EN SAVOIR PLUS

 

PLUS OU MOINS L’INFINI / WEILL

15, 18 AVRIL, 16H30
21 AOÛT, 17H

 EN SAVOIR PLUS

 

LA NUIT DES ROIS / SHAKESPEARE

16, 17 AVRIL À 16H30
22 AOÛT, 17H

EN SAVOIR PLUS

 

 


 

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April 6, 2020 11:41 AM
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Entretien avec Dominique Delorme, directeur des Nuits de Fourvière 

Entretien avec Dominique Delorme, directeur des Nuits de Fourvière  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

« Nous sommes les soutiers »
Par Trina Mounier pour le site Les Trois coups - 6 avril 2020


À moins de deux mois du lancement, et alors que le festival se construit sur un an, les conséquences de la pandémie, en termes de distanciation sociale et de confinement, donnent du fil à retordre à l’équipe d’organisation, son directeur en tête.

J’imagine que pour vous, 2020 est une année particulière et difficile à appréhender !

Nous n’avons jamais autant travaillé. D’un seul coup, nous voilà occupés à chercher une multitude d’informations, tandis que nous devons répondre à beaucoup de questions. Cela représente plusieurs dizaines de coups de téléphone par jour, des heures et des heures sur Skype.

Au programme de cette édition, 150 représentations, une soixantaine de spectacles différents, c’est-à-dire une centaine de créations différentes, car certains comportent plusieurs productions. Voici quelques exemples qui vont vous donner une idée de la complexité.

Cent productions, cent sujets

Pour un soir et sur le même plateau (le 23 juillet), nous avons réuni la franco-malienne Rokia Traoré, la marocaine Oum et Sona Jobarteh qui vient de Gambie. Cette soirée n’existe pas en tant que telle, car c’est nous qui l’avons combinée. Donc un spectacle : trois concerts, trois productions. Or, chaque production mobilise dix à cinquante personnes. Soit une cinquantaine de nationalités.

Autre exemple : la création de Joseph Nadj, dont l’atelier est actuellement à Budapest, où il est actuellement coincé car Viktor Orbàn a fermé ses frontières. Le spectacle qu’on produit, dont la première est prévue aux Nuits de Fourvière, Omma, est une chorégraphie pour huit danseurs africains répartis un peu partout en Europe et en Afrique. Les répétitions doivent commencer en avril à Bobigny. Sauf que nous ne sommes pas en mesure de les réunir le premier jour des répétitions.

Dernier exemple avec le spectacle d’ouverture, Message in a bottle, de la chorégraphe Kate Prince (danse hip hop). Le Saddler’s Wells Theatre de Londres, qui en est le producteur, a décidé de fermer ses deux théâtres jusqu’au 8 juin. Nos représentations commencent le 2 juin. Les répétitions devaient se dérouler dans un des deux théâtres du Slader’s Wells. Comment fait-on ?

Cent productions, cent sujets. Mais tout cela n’est que la face artistique. Côté technique, il faut aussi compter avec la centaine d’intermittents mobilisés sur le festival. Autant de personnes qui s’inquiètent, veulent en savoir plus. Voilà pourquoi on travaille beaucoup. Notre équipe (technique, administration, communication) est en télétravail. Et il y a de quoi faire !

Même si ça fait froid dans le dos, imaginez-vous une éventuelle annulation ?

Pour l’instant, non. Mon métier n’est pas d’annuler un festival, mais de le créer. Il faut travailler dans l’ordre. On sait que le début du montage est planifié les derniers jours d’avril. La fin du confinement est prévue le 15 avril. Même s’il risque d’être prolongé, je suis comme le capitaine sur un bateau dans une tempête. Mon travail n’est pas de couler le bateau, mais de le mener à bon port.

L’art est un élément essentiel de la reconstruction sociale

Nous sommes décidés à tenir notre place, car le public en aura besoin après le confinement. Les gens auront soif de rendez-vous publics où l’on se retrouve. Quoi de mieux que de se rassembler autour d’un spectacle, d’une oeuvre d’art ? L’art est un élément essentiel de la reconstruction sociale. Sous quelle forme, je l’ignore ! On verra en fonction de la situation, mais nous devrons être au service du besoin que les gens exprimeront à ce moment-là.

Nous avons aussi une responsabilité sociale vis-à-vis de tous ceux qui vivent grâce au festival. Cela représente entre 450 et 500 salariés. Les Nuits de Fourvière durent deux mois, plus un mois de montage, 15 jours de démontage, sans compter toute la préparation. Si ça s’arrête, ça laisse 500 personnes en plan.

Les gens n’imaginent pas : sur un bateau, les passagers regardent le paysage sans savoir qui est aux machines et comment sont préparés les repas. Nous sommes les soutiers. ¶

Trina Mounier

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November 3, 2019 1:33 PM
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Des corps nouveaux sur scène à Rennes : Laëtitia Kerfa, Cécilia Bengolea, Marion Siefert, Vanessa Larré

Des corps nouveaux sur scène à Rennes : Laëtitia Kerfa, Cécilia Bengolea, Marion Siefert, Vanessa Larré | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Aurélie Charon sur le site de son émission Tous en scène sur France Culture 3 novembre 2019

 


Une émission spéciale autour du Festival TNB à Rennes 2019, avec quatre femmes artistes qui y participent. Marion Siéfert met en scène dans "Du Sale!" la rappeuse Laëtitia Kerfa. Cécilia Bengolea propose une nuit de dance hall comme en Jamaïque. Vanessa Larré présente "La Passe".

 


Emission spéciale autour du festival TNB 2019 à Rennes,pour fêter l’évènement porté par Arthur Nauzyciel et l’équipe du Théâtre National de Bretagne, du 06 au 17 novembre, dans 10 lieux partenaires à Rennes et en métropole. 

Marion Siéfert, auteure, metteure en scène et performeuse. Du sale ! est présentée du 06 au 09 novembre au CCN de Rennes et de Bretagne : cette pièce d’actualité N°12 avait été créée au Théâtre de la Commune (Aubervilliers), où elle sera reprise du 16 au 20 décembre. Deux jeunes femmes au plateau, l’une rappe, l’autre danse. Marion Siéfert a écumé les battles de la région parisienne pour les rencontrer et les réunir sur scène. 

Laetitia Kerfa aka Original Laeti, rappeuse. Elle est l’une des deux interprètes de Du sale ! avec Janice Bieleu, danseuse de popping et de lite feet. 

Cécilia Bengoléa, chorégraphe franco-argentine. Oneness – Party Animal constitue l’une des deux soirées musicales du festival, le 09 novembre à UBU (Rennes). La scène se transforme en dancefloor géant avec light show, projection vidéo et sound-system. Sur l’écran tourne en boucle un mix de chorégraphies filmées par l’artiste en Jamaïque. Un DJ s’installe aux manettes, quatre performeurs investissent l’espace, qui devient une fête. Le dancehall débarque au TNB ! 

Vanessa Larré, comédienne, auteure et metteure en scène. La Passe est présentée du 15 au 17 novembre à la salle Parigot (Rennes). La saison passée, Vanessa Larré avait installé deux cabines téléphoniques dans le hall du TNB, dans lesquelles le public pouvait écouter des entretiens menés avec des prostituées et des clients. Le dispositif de cette nouvelle performance, qui met en scène deux comédiennes et une prostituée, invite les spectateurs à s’immerger dans la pièce par l’arrière du décor, pour explorer la condition féminine à travers le prisme des 3 archétypes aliénants : la Mère, la Vierge et la Putain. 

LIVE : Laetitia Kerfa aka Original Laeti interprète deux morceaux en studio, dont un inédit ! 

 

Crédit photo : 
Du Sale ! mise en scène Marion Siéfert• Crédits : Willy Vainqueur

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December 10, 2024 6:25 PM
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Aides au théâtre émergent : des tremplins face au trop-plein 

Aides au théâtre émergent : des tremplins face au trop-plein  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Sonya Faure dans Libération, le 8 déc. 2024

 

Dans un secteur du spectacle vivant en crise et saturé, les jeunes compagnies sont vulnérables. Des structures existent pour aider les artistes émergents, comme le réseau Prémisses ou le festival Impatience, qui s’ouvre le 10 décembre.

 
 

Un texte exigeant, très littéraire, que porte seule la comédienne en scène, Ambre Febvre, comme elle porte sa lourde robe-armure en bris de verre. Ce jour de novembre, c’est le filage de la pièce la Cavale, dans la salle Christian-Bérard du vieux théâtre de l’Athénée. Une histoire de traque, de folie et de cauchemar. Le texte écrit par Noham Selcer, 34 ans, est entièrement dégenré ; un comédien ou une comédienne peuvent indifféremment jouer le personnage de la Cavale sans qu’un seul son ne change car «la peur, explique Noham Selcer, concerne tout le monde». Le spectacle sera joué pour la première fois le lendemain, dans la même salle. «Là on arrive au moment où il nous faut jouer devant un public pour avancer», dit le jeune metteur en scène Jonathan Mallard, qui a créé sa compagnie il y a trois ans. Ambre Febvre enchaîne : «Je n’ai pas de partenaire et j’ai maintenant besoin de sentir des réactions dans la salle, des souffles, des raidissements, des petits rires pour aller plus loin.» Le spectacle bougera chaque soir, expliquent-ils, «c’est pour cela que c’est si important d’avoir une série longue».

 

 

Une «série longue», c’est-à-dire une dizaine de jours à être programmés dans une même salle, pouvoir s’installer dans ses murs et prendre le temps de faire évoluer à la marge le jeu ou les lumières. Patiner le spectacle. Se conforter, se consolider. Et avoir le temps de profiter des retombées du bouche à oreille s’il est bon. Or jouer dix jours dans un même lieu est devenu un petit luxe dans les théâtres, surtout pour des compagnies émergentes qui sont les premières à pâtir de la crise économique du spectacle vivant. L’inflation (des prix de l’énergie notamment) et la stagnation des subventions publiques ont contraint les salles à réduire leur budget consacré à la programmation, reportant, de factoles difficultés sur les compagnies dont le nombre de représentations a baissé, quand elles n’ont pas tout simplement été annulées. Proposer des formes innovantes pensées par de jeunes artistes inconnus ? Trop risqué pour la plupart des lieux qui doivent s’assurer d’attirer un maximum de public pour «faire de la billetterie». «Le constat se précise d’année en année : les jeunes compagnies connaissent un immense problème de précarité. Précarité sociale surtout mais aussi manque de moyens pour monter leurs créations, témoigne Arnaud Antolinos, secrétaire général de la Colline à Paris et administrateur de la Fondation Entrée en scène, créée en 2020 par l’Ensatt et la Colline comme un «incubateur de talents». Elles ont un cruel besoin de visibilité, au risque de se faire arnaquer par des salles sans scrupule.» Et quand on n’a pas encore de carnet d’adresses, comment montrer son travail ? «La saturation du réseau est telle que les jeunes compagnies n’arrivent même plus à rencontrer des programmateurs, confirme Véronique Bellin, directrice adjointe du Théâtre public de Montreuil. C’est là que se sont montées «les Permanences du TPM», trois journées portes ouvertes par saison où les jeunes artistes peuvent rencontrer n’importe quel membre de l’équipe, de la diffusion à la technique en passant par les relations presse, pour lui poser des questions précises et se faire aider dans ses démarches.

 

 

De nombreux dispositifs ont été mis sur pied pour soutenir les compagnies émergentes. Des festivals, des résidences, des mécanismes de subvention, comme le Jeune théâtre national (JTN) qui contribue aux salaires des élèves issus d’écoles d’art dramatique, des compagnonnages, comme celui de l’association Actée, ou des collectifs créés par les jeunes compagnies elles-mêmes comme Urgence Emergence. Ce mois-ci, pas moins de deux festivals consacrés à la jeune création lancent leur nouvelle édition : Impatience, déjà bien installé dans le paysage, et le plus jeune festival du Nouveau théâtre de l’Atalante. Au téléphone, José-Manuel Gonçalvès, le directeur de la salle du Centquatre, à Paris, à l’origine du festival, le répète : Thomas Jolly, le pape des cérémonies des Jeux olympiques, est passé par Impatience en 2009, tout comme Julie Deliquet, Yuval Rozman ou Chloé Dabert. C’est d’ailleurs Jolly qui présidera le jury cette édition. Ces dernières  années, le festival recevait 240 dossiers de candidatures.  Il en a reçu 340 en 2024.

 

 

Si Noham Selcer, l’auteur de la Cavale, a quant à lui eu l’opportunité de faire jouer son texte près de deux semaines dans la petite salle d’un théâtre de renom, l’Athénée, c’est grâce au réseau de Prémisses. Le dispositif existe depuis sept ans et accompagne chaque année plusieurs jeunes diplômés des écoles supérieures d’art dramatiques afin qu’ils structurent leur compagnie. «L’idée, c’est de mutualiser les moyens sur les artistes formés dans nos écoles publiques, leur assurer une bonne insertion professionnelle : qu’ils travaillent et qu’ils travaillent correctement», rapporte Raphaël de Almeida, qui a repris la direction de Prémisses à la suite de Claire Dupont, aujourd’hui directrice du Théâtre de la Bastille. «Le risque d’une jeune compagnie c’est de mal prévoir la suite et d’utiliser 10 000 euros de subventions simplement dans une location de salle à Avignon pour une poignée de dates. Voire même de s’endetter pour cela. Le spectacle n’existe plus après ces quelques représentations», détaille-t-il. Le budget du dispositif est de 60 000 euros par an, financé par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Ile-de-France. Chaque année, Prémisses lance un appel à projet et sélectionne plusieurs candidats qui présenteront une maquette de leur projet devant 70 professionnels. Pendant trois ans au moins, le lauréat sera accompagné pour construire ses premiers spectacles (que Prémisses coproduit), apprendre à rédiger une fiche de paie ou une demande de subvention publique, cibler la diffusion, travailler avec les collectivités locales, organiser sa communication…

 

Aujourd’hui Prémisses suit une dizaine de jeunes artistes : les lauréats des trois dernières années mais aussi ceux parmi les plus anciens dont le Covid a retardé les projets «et d’autres qui n’ont pas fini lauréats, mais que nous ne voulons pas lâcher pour autant», ajoute Raphaël de Almeida. Noham Selcer l’a emporté en 2021. Il est aujourd’hui auteur associé au Théâtre des Amandiers. Comme la comédienne et metteuse en scène Mina Kavani qui a joué I’m deranged, pour la première fois dans la salle Christian-Bérard de l’Athénée l’année dernière… et le jouera dans la Grande Salle le mois prochain. Ou encore les géniales autrices du Collectif Marthe dont Rembobiner tourne à salles pleines depuis plus de deux ans et dont le nouveau spectacle sera créé en janvier à la MC2 Grenoble avant d’être joué au Théâtre de la Bastille à Paris.

«On ne veut pas être un hypermarché de la jeune création»

En septembre dernier, c’est Joaquim Fossi, 26 ans, qui est devenu le nouveau lauréat de Prémisses. Il a présenté, en vingt minutes comme c’est la règle, la maquette de son spectacle le Plaisir, la Peur, le Triomphe : une performance en forme de stand up avec vidéoprojecteur, sur les images de catastrophes et ce qu’elles créent de peur en nous. Gros succès. A l’issue de la journée de sélection, Joaquim Fossi était devenu artiste associé à la Scène nationale d’Orléans, et avait déjà la certitude de créer le Plaisir… au Théâtre de la Bastille en janvier 2026, puis d’enchaîner sur une tournée de trois mois dans toute la France. «Notre but, maintenant, c’est de calmer le jeu, d’éviter les spéculations sur un spectacle,  tempère Raphaël de Almeida. On ne veut pas être un hypermarché de la jeune création.» C’est d’ailleurs un reproche parfois fait aux festivals dédiés à l’émergence : ils offrent une visibilité formidable aux spectacles… qui peut les mettre en danger. «Ça nous est arrivé», reconnaît Arnaud Antolinos, du théâtre de la Colline. «Grâce à l’un de nos programmes de soutien à la jeune création, nous avions repéré l’auteur d’un texte brillant, qui n’a finalement pas réussi à faire une mise en scène à la même hauteur. Quand on a montré le spectacle, on a dû éviter qu’on en parle trop en mal. Le public habitué à voir de grands metteurs en scène dans un théâtre national n’est pas forcément préparé à voir de jeunes artistes.»  Depuis le théâtre accompagne toujours des projets, mais ne les montre plus à domicile.

 

 

«Dans nos écoles d’art dramatique, nous avons été formés à la mise en scène, pas à devenir chefs d’entreprise», résume Matthieu Roy, metteur en scène et aujourd’hui responsable, avec Johanna Silberstein, de la Maison Maria-Casarès, à Alloue, en Charente.   «Seul opérateur culturel dans un rayon de 30 kilomètres», précise-t-il. Avec le dispositif Jeunes pousses, financé par la Drac Nouvelle-Aquitaine, la Maison Maria-Casarès est devenue un lieu   «d’incubation artistique» lors de résidences d’un mois. Les équipes sont logées, nourries, et ont un plateau technique à disposition. Marion Conejero a bénéficié de Jeunes Pousses en 2017 quand elle montait l’Eveil du printemps. Sept ans après son «incubation» à la Maison Maria-Casarès, son nouveau spectacle la Vague a été retenu pour le festival Impatience ce mois-ci… on reste décidément longtemps émergent dans le théâtre. «L’écosystème du secteur est saturé, confirme Matthieu Roy. Il y a eu un déplacement : aujourd’hui,  un festival comme Impatience ne découvre plus, il confirme et légitime des artistes au parcours déjà long.» Marion Conejero, 32 ans, dit qu’elle n’aurait «jamais émergé sans Jeunes Pousses». Elle a implanté sa compagnie en Charente, dont elle n’est pas originaire, travaille beaucoup dans les lycées du département,  est désormais artiste associée à la scène nationale d’Angoulême. Mais elle dit aussi qu’elle ne sait pas bien «à quel moment on sort de l’émergence…» Sa situation est encore vulnérable : «J’ai fait le choix avec la Vague de monter un gros spectacle avec six acteurs au plateau, ce qui coûte très cher… j’ai bénéficié de subventions mais j’ai aussi injecté de l’argent… bref j’ai tout mis. Et pour l’instant ma compagnie… ce n’est que moi. C’est un peu épuisant.»

 

 

A tel point qu’on ne sait plus très bien ce que veulent dire ces mots, «émergence» ou «jeune création» . Quels critères choisir : l’âge ? Le nombre de spectacle déjà mis sur pied ? On dit de plus en plus souvent que ce qui fait l’émergence, c’est avant tout la précarité. Le mois dernier, lors d’une table ronde consacrée au sujet aux Assises de la mise en scène tenues à Poitiers, Baptiste Amann, metteur en scène très «émergé», lui, puisque son spectacle Lieux communs jouait cet été dans le In du festival d’Avignon, disait toute sa prudence face à ce mot «apparu il y a dix ou quinze ans» : «Le terme émergence est utilisé pour des dispositifs “vitrine”, concurrentiels : c’est quoi le nouveau gagnant du festival Impatience ? Il y a un effet de consommation, comme si l’émergence c’était la nouveauté, la fraîcheur, là où s’inventent les nouveaux génies… Pour moi c’est plutôt ce moment de bascule où petit à petit tu comprends ce que c’est ce métier. Le passage d’une nécessité évanescente à la mise en place matérielle de ce qu’on a dans la tête : est-ce que tu t’intéresses aussi à la technique et à l’administratif ? Est-ce que tu te couches et te lèves avec ton projet en tête ? Est-ce que tu es prêt à faire ta vie avec ça ?»

«Impatience», du 10 au 19 décembre au Centquatre Paris, au Théâtre 13, au Jeune Théâtre National, au Théâtre Louis-Aragon à Tremblay-en-France, aux Plateaux Sauvages et au Théâtre de Suresnes Jean-Vilar, avec Télérama. «Festival NTA 2024», du 27 novembre au 20 décembre au Nouveau Théâtre de l’Atalante, 75018.

Sonya Faure / Libération

 

 

Légende photo : Le collectif Marthe, dont le spectacle «Rembobiner» est un succès, fait partie des lauréats de Prémisses. (Theatre du Point du Jour/Marthe Prod)

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September 10, 2024 4:27 AM
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«Molière et ses masques», le tour de farce de Simon Falguières 

«Molière et ses masques», le tour de farce de Simon Falguières  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Copélia Mainardi pour Libération - 9 septembre 2024

 

 

Le Moulin de l’Hydre, ancienne filature normande reconvertie en lieu de résidence théâtrale, accueillait ce week-end son festival annuel. Le metteur en scène y a présenté sa dernière création, un détour prometteur par la comédie.

 

 
 

Il est des lieux qui façonnent le destin d’une troupe, où s’ancrent les aventures passées et à venir, où se fondent les contours des âmes qui les font grandir. L’auteur et metteur en scène Simon Falguières a projeté dans le Moulin de l’hydre des rêves aussi larges que les épais murs de pierre qui le soutiennent. Cette ancienne filature de coton à la frontière de l’Orne et du Calvados est son île d’utopie : une «fabrique théâtrale», inaugurée en mai après deux ans et demi de chantier participatif colossal. Espace de création, de stockage, de construction, d’hébergement, le Moulin est le fruit d’un rigoureux travail de bâtisseurs, habitués des aventures collectives et des projets déraisonnables. Les fenêtres de la grande salle de répétition offrent une vue imprenable sur le bien nommé mont de Cerisy-Belle-Etoile, contre les flancs duquel semblent appuyés les gradins de la scène extérieure. Au fond du jardin serpente le Noireau, dont le glou-glou a des airs de seconde bénédiction.

C’est la troisième année que s’organise ici un festival de rentrée, soit deux jours de spectacles et concerts qui rassemblent presque autant de monde que compte d’habitants la petite commune ornaise de Saint-Pierre d’Entremont – environ 660 personnes. Il faut pour s’y rendre sillonner les routes sinueuses de cette Suisse normande vallonnée et surtout ne pas craindre la pluie – aujourd’hui torrentielle, de l’aveu de locaux qui n’en sont pourtant pas à leur première averse. Concert écourté, spectacle mis sur pause, public massé sous des barnums et autour de braseros, taux d’humidité record : les conditions un peu âpres font partie de l’expérience.

Ni lumière ni décor

Les gradins sont pourtant pleins à craquer quand débute Molière et ses masques, la nouvelle création de Simon Falguières, auteur et metteur en scène de 36 ans révélé par son Nid de cendres, une épopée théâtrale de treize heures écrite par ses soins qui avait conquis le public avignonnais il y a deux ans. Ni lumière ni décor cette fois, seulement du jeu, des costumes, et basta : du pur théâtre de tréteaux, démontable en un rien de temps et exportable un peu partout. Molière, le «plus connu des chefs de troupe français», a passé la moitié de sa carrière sur les routes et c’est donc en itinérance que son histoire se racontera.

 

 

La petite troupe se produira dans les villages du coin en septembre avant de partir dans la Meuse et, au printemps, de gagner Caen à pied, cheminant le long de l’Orne aux côtés de qui voudra. Si ces formes nomades sont généralement économes en moyens humains, ce n’est pas le cas ici : il fallait à Falguières un minimum de six acteurs, des fidèles de la première heure, aussi enthousiastes à raconter l’histoire d’une troupe qu’ils l’ont été à construire la leur, désormais constituée en compagnie, Le K.

Maîtrise d’équilibriste

Le choix, forcément, interroge : pourquoi Molière, figure tutélaire d’un théâtre classique vu et archi-revu ? «C’est un passe-droit, reconnaît-il. Pour la vie de Molière jouée sur la place du village, les gens se déplacent. Peu de noms font le même effet.» Pragmatisme mis de côté, l’auteur reconnaît s’être pris aux jeux des parallèles entre cette époque et la nôtre, et avoir trouvé dans le XVIIe siècle, «période de changements climatiques, de résurgences obscurantistes et d’instabilité politique», une puissante matière théâtrale qui puise aux sources de l’épopée, du tragique, mais surtout de la comédie. «De nature optimiste», selon ses dires, mais jusqu’ici plutôt adepte des formes graves, Falguières a voulu se frotter à ce genre et ses contradictions, en livrant une farce sur celui qui les abhorrait autant qu’il y excellait. La comédie requiert une maîtrise d’équilibriste, mais cette proposition resserrée et efficace, tenue de bout en bout et en parfaite adéquation avec ce qu’elle prétend être, a vite balayé nos réserves. Les comédiens, tous excellents, jonglent entre les masques, les rôles et les registres sans que jamais leur valse n’étourdisse : seul déborde le plaisir du jeu, dans lequel naît le rire.

 

C’est la troisième année que s’organise ici un festival de rentrée, soit deux jours de spectacles et concerts qui rassemblent presque autant de monde que compte d’habitants la petite commune ornaise de Saint-Pierre d’Entremont – environ 660 personnes.

 

 

Avec son Molière (Anne Duverneuil dans le rôle-titre), Simon Falguières affirme son goût pour un «théâtre populaire» – expression galvaudée, mais qui recouvre une réalité avec laquelle il entend renouer sans polémiquer – et s’enracine un peu plus dans ce bocage normand qui l’a vu grandir. En parallèle de son travail d’écriture et de mise en scène, il mène de lourdes démarches administratives pour subventionner les prochains travaux du Moulin, qui n’en est qu’à ses débuts : la suite prévoit la création d’un théâtre intérieur, qui gardera les murs de pierre, les grandes fenêtres (rendues occultables)… Et tentera une ouverture sur la forêt, dans l’esprit du Théâtre du Peuple de Bussang. «Nous ne sommes pas Molière, mais notre art est le même», nous met-on en garde dans le prologue. Nous voici avertis : un chef de troupe peut en cacher un autre.

Molière et ses masques, mise en scène Simon Falguières. Avec Antonin Chalon, Louis de Villers, Anne Duverneuil, Charly Fournier, Victoire Goupil, Manon Rey. En itinérance autour du Moulin les 13-14 septembre, avec Transversales Scène conventionnée de Verdun la semaine du 23 septembre, et avec la Comédie de Caen sur la saison 2024-25.
 
 

Légende photo : Les comédiens, tous excellents, jonglent entre les masques, les rôles et les registres sans que jamais leur valse n’étourdisse. (Xavier Tesson)

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June 5, 2024 11:47 AM
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Printemps des comédiens à Montpellier : ça saigne toujours autant chez les Atrides

Printemps des comédiens à Montpellier : ça saigne toujours autant chez les Atrides | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Marie-José Sirach dans L'humanité - 2 juin 2024

Montpellier (Hérault), envoyée spéciale.

 

 

Le Printemps des comédiens a démarré en fanfare. Avec notamment, le samedi 1er juin, un Portrait de famille, une histoire des Atrides, mis en scène par Jean-François Sivadier, une saga aussi terrible que déjantée. Au programme également, deux Tchekhov, Platonov et Gaviota, une Mouette argentine. L’événement se tient jusqu’au 21 juin.

 

 

La grande salle du théâtre du Domaine d’Ô salue, debout, les 14 élèves-comédiens du Conservatoire national dont il faut souligner la formidable énergie, la fougue et le talent de cette troupe éphémère mais bien réelle. Quatre heures durant, les spectateurs ont suivi, sans jamais en perdre une miette, l’incroyable saga des Atrides, famille dysfonctionnelle au possible, où l’on se tue de père en fils, de mère en fille, etc.

Parricides, matricides, infanticides, viols, trahisons, il faut bien admettre que les Atrides débordent d’imagination pour commettre leurs méfaits. La vengeance tient de la tradition familiale et d’aucuns n’hésitent à provoquer des guerres… pour une simple histoire d’adultère.

Ainsi Ménélas, roi de Sparte, largué par Hélène, qui a mis les voiles avec Pâris, prince troyen, va-t-il déclencher la fameuse guerre de Troie. L’honneur de la famille étant en jeu, il mouille son frère Agamemnon, roi de Mycènes, qui accepte de sacrifier sa fille Iphigénie pour complaire à la déesse Artémis et permettre à son armada de voguer vers Troie.

Des cadavres à tous les étages, des rivières de sang

Dix ans de siège, des cadavres à tous les étages, des rivières de sang, bref, nul ne sait très bien si la guerre de Troie a vraiment eu lieu mais on nous la raconte encore. Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende, n’est-il pas ? Alors on croise Homère, carnet et stylo à la main, dans la peau d’un reporter de guerre faisant son job. Est-il à Troie, au Vietnam, en Afghanistan, dans les Balkans, en Syrie ou dans la bande de Gaza ?

 

 

Comme dans tout théâtre épique qui se respecte, la pièce commence par un prologue qui permet aux spectateurs modernes que nous sommes – et qui n’auraient plus qu’un lointain souvenir des Atrides – de recontextualiser l’histoire. Un prologue où certains mots dérapent, inconsciemment, façon Pierre Repp.

Certes Eschyle, Euripide, Sénèque, Sophocle, Racine ou encore Giraudoux ont écrit sur le sujet et chacun y est allé de son interprétation des faits. Jean-François Sivadier s’est inspiré librement de tout ce matériau pour écrire et mettre en scène ce Portrait de famille, une histoire des Atrides, une saga à la fois terrible et aussi déjantée que les personnages qui la composent.

Formidable aventure théâtrale, l’écriture de Sivadier fait mouche, à chaque instant, à chaque réplique. Même si la guerre est omniprésente, en toile de fond (et on pense à deux tableaux,   l’Origine du monde, de Courbet, et l’Origine de la guerre, d’Orlan), le premier discours d’Agamemnon, qui se tient droit dans ses bottes, avec des pointes de trémolos macroniens dans la forme comme dans le fond (« Chacun fait des erreurs/je reconnais volontiers les miennes. Je n’ai pas su expliquer ma position/Quant à la situation de crise que nous traversons aujourd’hui »), est une entrée en matière savoureuse. Sur un ton sentencieux, condescendant, chaque mot distille une mauvaise propagande militaire pour justifier l’intervention à Troie. Toute ressemblance avec l’actualité serait purement fortuite…

Une arme de résistance massive : le comique

Bref, si le fond de l’air est à la tragédie, Sivadier la remet sur le métier pour mieux la dynamiter. Face aux discours anxiogènes, il oppose une arme de résistance massive, le comique. Non pour nous divertir au sens trivial du terme mais pour insuffler du courage, de la force, redonner du sens à l’humanité. Ses héros se débattent dans la fange et le sang mais Sivadier réaffirme la puissance du théâtre pour que nous redevenions des êtres pensants.

Dans ce grand plateau du Théâtre d’Ô qu’occupent vaillamment les acteurs, la scénographie ingénieuse, réalisée par les étudiants des Arts décoratifs de Paris, permet de démultiplier les espaces de jeu à l’infini dans ces ruines aux lumières cendrées, tandis que les choix musicaux – Prokofiev, Verdi, The Animals ou Rachid Taha – ne sont en rien illustratifs tant ils s’inscrivent dans la dramaturgie.

Ici, les miracles sont des entourloupes créées de toutes pièces par des dieux égoïstes qui se prélassent sur le mont Olympe en buvant de l’ambroisie.

L’idée, shakespearienne, de l’arrivée d’une troupe d’amateurs qui vient rejouer l’histoire de cette famille devant les derniers survivants provoque des éclats de rire en cascade alors qu’Electre s’apprête à tuer Clytemnestre pour venger son père… Sans cesse, on oscille entre tragédie et comédie. Sivadier provoque des électrochocs salutaires, des flash-back pour ne pas oublier l’Histoire, rompre avec ce sentiment de fatalité inéluctable où il nous faudrait choisir entre « l’histoire se répète » et la fumeuse « fin de l’histoire ».

Ici, les miracles sont des entourloupes créées de toutes pièces par des dieux égoïstes qui se prélassent sur le mont Olympe en buvant de l’ambroisie. Sivadier laisse aux acteurs, en l’occurrence Oreste, le soin de conclure : « J’abandonne mon rôle et je le dis sans peur/Je commence aujourd’hui une carrière d’acteur/Vive la justice vive le théâtre/Merci à tous et bonne soirée ! »

Le Printemps des comédiens réserve toujours d’heureuses surprises

Deux Tchekhov étaient aussi au programme de ces 1er et 2 juin. Sur l’autre rive, adaptation très lointaine de Platonov par Cyril Teste, ne nous a pas convaincus. Musique, écrans vidéo, brouhaha, les acteurs, entourés d’une trentaine de convives amateurs, sont à la peine, s’épuisent, courant derrière on ne sait quoi, on ne sait qui. Les images projetées ne nous racontent rien, on n’entend pas Platonov. Hélas…

Le Printemps des comédiens réserve toujours d’heureuses surprises. Il nous a permis de découvrir cette année une compagnie argentine qui a présenté Gaviota (la Mouette), mis en scène par Guillermo Cacace. En resserrant la pièce autour de cinq personnages, il ne trahit pas Tchekhov mais lui insuffle une puissance insoupçonnable qui contraste avec la simplicité du dispositif scénique.

 

 

Autour de cette table, il y a Arkadina, actrice de renom, Trigorine, son amant et écrivain mondain sur le déclin, Kostia, fils d’Arkadina et lui-même écrivain, Nina, son amoureuse qui rêve de devenir actrice, et Masha, la gouvernante. Le metteur en scène a confié les rôles à cinq actrices.

 

Assises devant un micro aux côtés du public, elles vont jouer Gaviota, terrible histoire de désenchantement amoureux, avec les mots de Tchekhov mais aussi les silences et les regards. On est totalement pris par leur jeu, hypnotisés par cette tension palpable qui nous envahit. On est au travail avec elles, à leurs côtés. Un grand moment de théâtre.

 

Marie-José Sirach / L'Humanité 

 

Le Printemps des comédiens se tient jusqu’au 21 juin. Rens : printempsdescomediens.com
Tournées : Une histoire des Atrides, du 18 au 29 septembre au Théâtre de la Commune, Aubervilliers. Puis, d’octobre à juin : Sainte-Maxime, La Rochelle, Poitiers ; Antony, Châtenay-Malabry, Béthune et, du 19 au 29 juin 2025, au Théâtre du Rond-Point à Paris.


Sur l’autre rive : du 27 septembre au 13 octobre, aux Amandiers de Nanterre. Puis, d’octobre à mars : Chalon-sur-Saône, Théâtre du Rond-Point, Châteauroux, Maison de la culture d’Amiens, Le Mans du 11 au 23 décembre, Roubaix, Louvrais, Cergy-Pontoise, Valence, Lyon, Douai, Sénart, Scène nationale, Lieusaint.

 


Gaviota : du 22 au 27 août au Festival Noorderzon, aux Pays-Bas, et du 29 au 31 août, au FITT Noves Dramaturgies, à Tarragone en Espagne

 
 
Légende photo : Dans « Portrait de famille, une histoire des Atrides », nul ne sait très bien si la guerre de Troie a vraiment eu lieu mais on nous la raconte encore. Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende… Photo © Christophe Raynaud de Lage
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December 18, 2023 6:21 PM
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Le festival Impatience 2023 : le palmarès 

Le festival Impatience 2023 : le palmarès  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Sceneweb le 18 décembre 2023

 

L’édition 2023 du festival Impatience s’est déroulée du 8 au 12 décembre au CENTQUATRE-PARIS, Jeune Théâtre National, Les Plateaux Sauvages, TLA – scène conventionnée à Tremblay-en-France et Théâtre 13, avec Télérama. En une nuit – Notes pour un spectacle récolte deux prix. Voici le palmarès : 

 

Prix du jury et prix Public : Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer – En une nuit – Notes pour un spectacle

 


Prix SACD : Le Comité des fêtes / Silvio Palomo – ABRI ou les casanier·es de l’apocalypse


Prix Lycéen : Yasmine Yahiatène – La Fracture

 

Encourageant les démarches scéniques innovantes, stimulant les expérimentations et éveillant la curiosité, Impatience met en lumière les ambitions artistiques, scénographiques et textuelles des metteurs, metteuses en scène et collectifs émergents.

 

Pour cette 15e édition, 9 spectacles avaient été présentés dans 5 lieux en Ile-de-France

 

Les Sept colis sans destination de Nestor Crévelong
Nom de la compagnie : Théâtre de la Suspension
Mise en scène et écriture : Bertrand de Roffignac

 

 

La Taïga court / Bleu Béton
Nom de la compagnie : Azür
Mise en scène : Timothée Israël
Écriture : Sonia Chiambretto

 

 

FORTUNE – Récits de littoral #2
Nom de la compagnie : ATLATL
Mise en scène et écriture : Jennifer Cabassu et Théo Bluteau

 

 

En une nuit – Notes pour un spectacle
Nom du collectif, mise en scène et écriture : Collectif Ferdinand Despy, Simon HardouinJustine Lequette et Eva Zingaro-Meyer (d’après Pier Paolo Pasolini)

 

 

Grand crié
Nom de la compagnie : Ensemble Facture
Mise en scène et écriture : Nicolas Barry

 

 

La Fracture
Nom de la compagnie : Little Big Horn
Mise en scène et écriture : Yasmine Yahiatene, Sarah-Lise Maufroy Salomon, Zoé Janssens, Olivia Smets, Samy Barras, Jérémy David, Charlotte Ducousso

 

 

Sirènes
Nom de la compagnie : 52 Hertz
Mise en scène et écriture : Hélène Bertrand, Margaux Desailly et Blanche Ripoche

 

 

Entre ses mains
Nom de la compagnie : Cie le Grand Nulle Part
Mise en scène : Julie Guichard
Écriture : Julie Rossello-Rochet

 

 

ABRI ou les casanier·e·s de l’apocalypse
Nom de la compagnie : Le Comité des Fêtes
Mise en scène : Silvio Palomo
Écriture : Comité des fêtes

 

 

avec le CENTQUATRE-PARIS, le Jeune Théâtre National, Les Plateaux Sauvages, le TLA – scène conventionnée d’intérêt national à Tremblay-en-France et le Théâtre 13, en complicité avec Télérama

Le festival Impatience est soutenu par la Région Ile-de-France.
Le festival Impatience est conventionné par le Ministère de la Culture.
Avec le soutien d’ARTCENA, Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre.

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October 2, 2023 3:11 PM
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À Marseille, alors qu'Actoral nous émerveille, Montévidéo est en danger absolu

À Marseille, alors qu'Actoral nous émerveille, Montévidéo est en danger absolu | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Arvers dans Les Inrocks - 2 oct. 2023

 

En plein festival Actoral, porté haut ce week-end au Mucem par Lisette Lombé, Cloé du Trèfle et Mohamed El Khatib, Hubert Colas apprend son expulsion prochaine de Montévidéo.

 

Signez la pétition de soutien à Montévidéo !

 

La soirée avait si bien commencé. Explosive et charnelle avec la performance de Lisette Lombé et Cloé du Trèfle, Brûler Danser, lancement pyrotechnique de leur disque homonyme, au plus près des mots et de l’intensité, rageuse ou sensuelle, pour retracer le parcours tumultueux d’une femme, nommée Remontada.

 

Le slam de Lisette Lombé sublimé par la musique électronique de Cloé du Trèfle, Brûler Danser est aussi un album concept à la façon de L’Homme à la tête de chou de Serge Gainsbourg.  

Une reconquête de soi

Un concept ultra limpide : débusquer tous les sens possibles d’un mot, remontada, bien connu des aficionados du foot pour évoquer la victoire inespérée du match FC Barcelone-PSG du 8 mars 2017 par la Barça à 6-1, lors du match retour des huitièmes de finale de la Ligue des Champions. En l’appliquant au parcours d’une femme, nommée Remontada, qui reprend en main les rênes de son destin. “Elle était une fois“, l’histoire de celle que “nous appellerons l’incandescence“ qui retrace à mots, façonnés par l’âpreté de l’expérience, les espérances déçues. Le renoncement progressif à l’envie d’être en vie qui émiette volonté et désir. L’impuissance face aux injustices. Combative, la Remontada décide au mitan de sa vie de ne pas renoncer, de sceller “les retrouvailles avec l’estime de soi“, de rendre hommage à “la puissance du ventre“ pour invoquer une “reconquête de soi, une remontée de soi-même“ qui en passe souverainement par le corps. La danse de Lisette Lombé est un langage aussi puissant et percussif que ses mots, en osmose parfaite avec la musique de Cloé du Trèfle.

R12 ou 504, le meilleur numéro qu’une voiture puisse vous faire

Pour le vernissage de son exposition Renault 12 au Mucem, Mohamed El Khatib proposait de son côté une performance en plein air, perchée au fort Saint-Jean et baignée par la clarté de la pleine lune, accompagnant le film-installation 504, constitué de témoignages, essentiellement des habitant·es de Marseille, relatant “leurs périples à travers l’Espagne et le Maghreb avant d’arriver au bled“. Au même titre que la Renaud 12 familiale, la Peugeot 504 break constitue le numéro fétiche de tous·tes les Maghrébin·es ayant traversé la Méditerranée pour venir vivre en France, l’increvable “chameau mécanique“ au bord duquel s’entassaient chaque été familles et bagages pour un long périple dans les années 1970.

Une transhumance qui constitue un pan essentiel de l’histoire du pays, de son immigration, de la décolonisation et du charivari mental provoqué par l’exil et l’attente annuelle du retour au pays.

Sublimer les marges

Comme l’explique Mohamed El Khatib en introduction, tout a commencé par le tournage de son film Renaud 12 en 2018 lorsque, suite au décès de sa mère, son oncle lui propose de venir chercher son héritage dans le Rif marocain, à la condition expresse qu’il fasse le voyage à bord de la Renaud 12 familiale. Quatre ans plus tôt, on découvrait à ce même festival Actoral Finir en beauté, son premier spectacleoù il relatait la maladie et la mort de sa mère, suivi de son périple au Maroc pour l’enterrer au pays, avec une délicatesse tissée d’humour qui reste le fil rouge de toutes ses créations. Comme toujours avec Mohamed El Khatib, seule l’humanité en partage l’intéresse et le passionne, la rencontre avec des gens et le montage de récits et de témoignages qui construisent, de performance en performance, une histoire collective qui honore l’intime et magnifie l’ordinaire, en sublimant les marges. Elles ont de la gueule ces Renaud 12 qui accueillent le public dès l’entrée dans le hall du Mucem et s’étalent, alignées au sommet du bâtiment, majestueuses, gonflées à bloc ou cabossées, parées d’objets, de musiques, de valises et d’histoires que l’on découvre en poussant les portes pour s’asseoir derrière le volant.

 

Pour la performance 504, les témoins du film sont là, devant nous, pour raconter leurs souvenirs. Anecdotes perlées d’humour pour Soraya, vénérant son père, “l’as du volant“ ou Khadidja, à qui son mari interdit de doubler quand elle conduit lors de ces interminables voyages et qui profite de son sommeil pour prendre de la vitesse sous les hourras de ses enfants. Installation, film et performance se doublant en fin de soirée d’un DJ set de Mehtoze en hommage aux bandes-sons, fournies par l’autoradio ou les magnéto à bandes de l’époque, de ces périples au long cours.

Montévidéo expulsable à la mi-octobre

Oui, c’était une belle soirée. Mais en croisant Hubert Colas, directeur du festival Actoral, la nouvelle est tombée comme un couperet. Depuis le mois de mai où il apprenait la possibilité pour le propriétaire de Montévidéo de vendre ce qui, depuis plus de vingt ans, est le lieu de résidence de sa compagnie, mais également d’autres artistes ainsi que l’espace fondateur du festival Actoral, on espérait que les tutelles trouvent une solution pour éviter le désastre d’une expulsion. Las, de réunion en réunion entre la DRAC, la ville de Marseille, le département et la région, aucune solution pérenne n’a été sérieusement et rapidement mise en place.

Le 29 septembre au soir, un coup de fil prévenait Hubert Colas de la nécessité de se préparer à quitter les lieux sous quinzaine, l’expulsion étant désormais inévitable. Comment la Ville de Marseille peut-elle laisser s’éteindre Montévidéo ? Comment se passer d’un festival, Actoral, à la pointe de la création transdisciplinaire depuis deux décennies ? Comment priver un artiste de son lieu de création, ouvert depuis toujours à une multitude d’artistes ? Comment faire pour empêcher cette expulsion ? En signant, déjà, massivement la pétition Urgence Montévidéo lancée par des artistes en mai dernier. Se battre jusqu’au bout, ne pas renoncer et soutenir coûte que coûte une aventure artistique nécessaire pour nous toutes et tous.

 

Festival Actoral, Marseille, jusqu’au 14 octobre

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June 22, 2023 3:29 PM
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«Dracula» : en Norvège, des mordus de théâtre

«Dracula» : en Norvège, des mordus de théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Anne Diatkine dans Libération - 22 juin 2023

 

 

Dans le cadre du Festival international de Stamsund, petit port de pêche du nord du pays, la directrice du Figurteatret, Yngvild Aspeli, a présenté son adaptation avec marionnettes et comédiens du mythe de Bram Stoker, qu’on pourra aussi découvrir dans le off d’Avignon.

 

Où sont les gens ? A quelques heures de la parade qui ouvre le Festival international de théâtre de Stamsund, un port de pêche d’environ 1 100 habitants, sur les lointaines îles Lofoten en Norvège, on s’inquiète. On a bien vu quelques flyers rose fuchsia collés sur des façades en bois, pléthore d’agneaux sur l’herbe vert fluo des montagnes qui tombent à pic dans l’eau, une famille d’orques s’ébattre, ô joie, sous le soleil de minuit dans la mer de Norvège, une loutre se sécher rapidement sur un rocher avant l’ondée suivante. On marche le long des maisons de pêcheurs en bois rouges rutilantes sur pilotis accordées à des bateaux de pêche tout aussi nickels – la saison est terminée –, on contemple des têtes de morue séchées suspendues comme des gousses d’ail sur des sortes d’étendoirs en bois. Mais les humains ? Les spectateurs du «Stamfest», et des trois théâtres que compte le village – bientôt quatre puisque le principal, le Figurteatret, a besoin d’une extension. D’où vont-ils surgir ? Même la Coop, l’unique magasin d’alimentation-presse-pharmacie de la ville, est déserte.

Combinaisons de ski

Vue de France, la stimulante appétence pour l’art vivant dans ce petit port de pêche, par ailleurs très actif, est énigmatique. Pour comprendre cette effervescence, il faut faire un détour par la «crise du poisson» qui a secoué le pays dans les années 80, au moment du krach boursier de 1987 avant que la Norvège n’exploite tous ses gisements de pétrole. Thorbjørn Gabrielsen, le directeur artistique du festival lancé il y a vingt-cinq ans, et propriétaire du Teater Nor, a été le premier artiste à s’installer dans la région. «Les lumières des maisons de Stamsund s’éteignaient une à une, les pêcheurs s’exilaient, il fallait sauver la région de la désertification», explique le sexagénaire à la longue silhouette fine et aux cheveux longs. Thorbjørn Gabrielsen d’abord, puis deux trois artistes amis puis une nuée de compagnies prennent donc le large vers Stamsund, s’aimantant les uns les autres. Une vieille dame, spectatrice de la première heure du festival et toujours fidèle, se souvient du choc vital produit par leur arrivée. «Du théâtre ici ? La région était pauvre et rude. Certains étaient sceptiques. Mais on a tous aidé les nouveaux venus à retaper les maisons et les friches, on leur offrait des meubles. C’était formidable de voir ainsi le port se repeupler. Ici, si l’on n’est pas solidaire entre nous, on ne tient pas.» Tout ne fut pourtant pas idyllique durant cet exode communautaire, si l’on en croit Thorbjørn Gabrielsen, qui nous raconte abruptement que, très vite entre les amis, «la haine» fit son apparition. Le mot «haine» fait lever le stylo, mais le directeur le maintient – et l’on se souvient alors qu’à part le fumage du saumon, l’autre spécialité norvégienne est le polar sanglant.

 

C’est le moment où la toute nouvelle habitante de Stamsund, Yngvild Aspeli, artiste, marionnettiste, directrice artistique de la compagnie Plexus Polaire – et dont le fantastique et troublant Dracula sera découvert très prochainement dans le off du Festival d’Avignon –, fait son entrée. Ouf, elle ne fait pas partie des personnes honnies… En septembre, la metteuse en scène quadragénaire, dont les créations oniriques tournent dans le monde entier, a plié bagage avec son mari vidéaste français et leurs deux très jeunes enfants, et quitté le dense XVIIIe arrondissement parisien pour diriger le Figurteatret, qu’on pourrait (mal) traduire par «théâtre d’objets», subventionné par la région de Nordland, la municipalité, et l’Etat. L’équivalent de nos centres dramatiques nationaux ou scènes nationales ? Pas vraiment. Ne serait-ce que parce que si le théâtre, qui dispose de son propre atelier de fabrication et de couture, a bien la charge d’accueillir quatre à six équipes artistiques en résidence par an et d’assurer des coproductions, la diffusion des spectacles n’est pas prioritaire. Il serait absurde de l’exiger dans une région si peu peuplée. Cependant, la construction d’un nouveau bâtiment identitaire, dont les travaux ont été retardés en raison de l’inflation du prix des matériaux, avec un grand plateau et plusieurs salles, devrait accroître le nombre de spectacles montrés.

 

Lumières aurorales

Avant cette «crise du poisson», la grande bâtisse en bois qui abrite le Figurteatret appartenait à celui qu’on appelait le «maître» de Stamsund, qui possédait également l’atelier de laine et l’usine de poissons de la ville et contrôlait tous les pêcheurs «selon une organisation quasi féodale», explique Yngvild Aspeli. Le théâtre qu’on visite jusqu’à son sauna, a gardé l’aspect cosy d’une maison : une grande cuisine, plusieurs ateliers de fabrication, une imprimante 3D dernier cri, un bureau-bibliothèque doté d’une curieuse cheminée ronde, et une marionnette de rat suspendu semblant saluer le visiteur. Il a «raté son casting dans mon dernier spectacle Dracula», sourit la jeune directrice. On note deux combinaisons de ski accrochées aux portemanteaux pour pourvoir au dicton local : «Il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais vêtements.» Une absence surprend le regard français : il n’y a pas de bar du théâtre ! Aucun lieu de convivialité où spectateurs et artistes se rejoignent après un spectacle. «J’y travaille», rétorque Yngvild Aspeli.

 

 

Yngvild a grandi dans un village encore plus isolé que Stamsund, elle allait à l’école en ski. Lorsqu’elle part en France faire ses études sans parler un mot de français, d’abord à l’école de comédiens Jacques-Lecoq à Paris, puis l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette (Ensam) à Charleville-Mézières. La ville natale de Rimbaud lui paraît immense et briller de mille feux avec tous ses cafés et la grande vie étudiante ! Avant sa nomination, Yngvild connaissait déjà bien les solitaires îles Lofoten et le Figurteatret pour y avoir été artiste résidente à plusieurs reprises depuis 2011. Qu’est-ce qui l’impressionne le plus, maintenant qu’elle y vit ? «Le vent ! Il me fait presque peur. Aucune tension ne tient face à la nature.» C’est cette «bulle créatrice quand on n’a rien d’autre à faire que regarder la mer et fabriquer de l’art» qu’elle souhaite offrir aux compagnies norvégiennes et internationales en résidence.

 

Où sont les gens ? Et bien, ils arrivent sans bruit et sans courir en même temps que le ferry quotidien de 19 heures, rupture sonore dans une journée sans nuit. Eux aussi surprennent. On n’a pas l’habitude de voir des gens marcher lentement lorsqu’ils vont au théâtre, ne pas craindre d’être en retard parce qu’ils ne sortent d’aucun bureau – la journée de travail est plus courte en Norvège – et à qui on ne demande jamais avant le début du spectacle de fermer leur portable parce que ça va de soi. La salle est comble, elle le sera pour tous les autres spectacles, alors même qu’aucune affiche ne les annonce. La sociologie du public, uniformément en tenue colorée imperméable, ne se laisse pas deviner mais le directeur du festival assure qu’il y a une bonne partie de pêcheurs parmi les spectateurs. Et puisque la scénographie de Dracula impose un large plateau, la pièce se joue dans un hangar à poissons bien aéré au bord de l’eau. Dans cette revisitation du roman épistolaire de Bram Stoker, Yngvild Aspeli emporte dans un monde hypnotique où les acteurs se confondent et se dédoublent avec leurs marionnettes à taille humaine aussi vivantes et expressives qu’eux. Des lumières ciselées et aurorales, des personnages qui se volatilisent le temps d’un battement de cils, des images vidéo comme en 3D : tout concourt à ce qu’on ne distingue plus le vivant de son avatar et Yngvild Aspeli n’a nul eu besoin d’actualiser le mythe pour que le contemporain s’invite. Dans ce spectacle quasi sans parole, l’inquiétude est accrue par le travail sur le son, la respiration rauque du vampire prédateur qu’on devine avant de le percevoir, la comptine rythmée qui évoque le compositeur polonais Krzysztof Komeda. Tandis que la précision tranchante des lumières n’est pas sans rappeler l’atmosphère concentrée des intérieurs dans certaines toiles de Hopper… Une mouette entre sur le plateau. Une marionnette ? Ou bien s’est-elle égarée ?

Cercle au feutre noir

Est-ce un vestige des anciennes dissensions ? La programmation du festival est conçue par les trois directions des théâtres, qui chacune suit une ligne spécifique. Le festival dispose de subventions – 400 000 couronnes, soit 34 000 euros environ. C’est peu pour un festival international, mais suffisant pour «inviter des jeunes artistes coréens si j’en ai envie», explique un brin bravache Thorbjørn Gabrielsen. C’est sous sa houlette que l’on découvre l’artiste la plus connue du festival, la Norvégienne Mette Edvardsen, installée à Bruxelles, qui nous fait malheureusement supplier le dieu de l’ennui que le temps de la représentation ne se confonde pas avec celui du coloriage d’un gigantesque cercle au feutre noir par sa fille adolescente. Les spectateurs déchaussés sont assis à même le sol autour du cercle, beaucoup ferment les yeux, certains s’allongent, s’étirent, mais nul n’envoie de textos en douce, ni, suprême stupeur, ne quitte la salle. Ou comment faire rejouer en live et à leur insu à une cinquantaine de spectateurs l’Ange exterminateur, le chef-d’œuvre surréaliste de Buñuel, symbole de l’impossibilité physique et psychique de quitter un lieu.

 

 

On ne s’y attendait pas, mais c’est bien au Stamfest, qu’on découvre le joyau Go ! de Polina Borisova, elle aussi formée à l’Ensam, à Charleville-Mezières. Le spectacle bref (quarante-cinq minutes salut compris) a l’ampleur d’une saga. Polina Borisova saisit, sans le moindre mot, la quintessence d’une existence à l’heure de son éclipse, la vie de ses aïeux et sa rémanence dans son propre corps. Inoubliable est cet intérieur rempli peu à peu à l’aide d’un ruban adhésif, qui dessine une fenêtre, un chat sur la fenêtre, une porte, une poignée sur la porte, l’art de quitter une pièce ou la vie. Go ! suscite un enthousiasme qui ne s’éteint pas au fil des années, il tourne dans le monde entier depuis sa création, il y a douze ans. On y retourne le lendemain. «Vous aimez Go ! ?» nous interroge Yngvild Aspeli qui l’a programmé au Stamfest. «Moi aussi, c’est mon spectacle préféré. Parmi tous ceux que j’ai vus dans ma vie.» Le spectacle n’a pourtant jamais été programmé ni au Festival d’Avignon ni à Paris.

 

 

On a eu tort de s’inquiéter. Les cuivres s’accordent aux mouettes, les drapeaux volent, les lettres en zigzag du Stamfest se dépareillent puis s’assemblent. La parade a bien lieu, elle est menée bon train par Thorbjørn Gabrielsen, en smoking et ongles fuchsia coordonnées à la couleur du logo. Quelques soirs plus tard, le hangar à poissons connaît une nouvelle métamorphose, en salle de concert flamboyante au sens propre, grâce aux féministes Witch Club Satan, toujours programmées par Yngvild Aspeli. Un théâtre nous manque, le E & G, un ancien cinéma devenu théâtre et lieu de résidence, qu’ont acheté un couple novergien-hispanique Andreas Eilertsen et Cristina Granados, mais ils sont bien là, fans des Witch Club Satan. Soudainement, c’est toute la jeunesse des îles Lofoten qui surgit, le son emplit l’espace terrestre et marin, ébranle les cageots à poissons. Les orques s’étonnent mais n’attaquent pas.

 

 

 

Dracula – Lucy’s dream à la Manufacture, au off du Festival d’Avignon du 7 au 24 juillet. 

 

Witch Club Satan, au off du Festival d’Avignon, le 12 juillet.

 

 

 Légende photo : Après plusieurs années en France, Yngvild Aspeli a pris la tête du Figurteatret de Stamsund, en septembre. (Olivier Frégaville-Gratian d'Amore)
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June 2, 2023 7:04 AM
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«Extinction» de Julien Gosselin, rallumer le feu 

«Extinction» de Julien Gosselin, rallumer le feu  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Eve Beauvallet dans Libération, 1er juin 2023

 

Des civilisations en train de s’effondrer, un set électro, deux générations qui s’affrontent entre nihilisme et révolte. Intrusion, début mai, sur les répétitions de la nouvelle pièce multimédia du metteur en scène calaisien, attendue ce vendredi 2 juin en ouverture du festival le Printemps des comédiens.

 

 

Qu’ils sont beaux, qu’ils sont distingués, ces Viennois des années 1910, dans le faste de leurs costumes froufroutants, la magnificence de leurs meubles, la beauté de la langue d’Arthur Schnitzler, l’effervescence de leur art ! Bientôt, ils crèveront tous. Julien Gosselin ne sait pas encore comment aura lieu ce crash civilisationnel, peut-être dans une sorte de danse tyrolienne, dit-il avec élan. En tout cas il s’agira de montrer, avec ce nouveau monument multimédia Extinction, que la fin d’un monde peut coïncider avec le point le plus pur et sophistiqué de la culture. Youpi ? Précisément : l’apocalypse totale donne à ce metteur en scène baudelairien un indéniable peps. Et ainsi poursuit-il un road trip aux confins du Mal entamé depuis une bonne dizaine d’années, chemin tortueux sur lequel il a croisé les semi-remorques de la littérature occidentale Michel Houellebecq, Roberto Bolaño ou Don DeLillo, et admiré ceux qui jouaient avec le plus de paradoxes sur la glissière de sécurité philosophique.

Bougon ambivalent

Début mai, sur le plateau de répétition où glissent les caméras, semble suinter la bile noire du Melancholia de Lars von Trier. Gosselin dévale, remonte, redévale les gradins de la grande halle du Channel à Calais, change de siège, multiplie les points de vue, peaufine ses orientations de jeu – «moins ch’ti, plus Elon Musk» – teste, échoue, recommence. Il cherche l’image parfaite du diable, ne la trouve pas. Il faut quelque chose de «plus étrange», de plus «dégueu», qui tranche davantage avec ce décor bourgeois au bord de l’effondrement. Une partie de l’équipe d’acteurs, franco-allemande, patiente en veston et clope au bec. Il leur dit : «C’est une après-midi un peu frustrante, je sais. Mais on va vraiment échouer encore plusieurs fois, faites-moi confiance on finira par trouver la bonne version.»

 

 

Dans la version idéale d’Extinction – peut-être celle que découvriront les spectateurs du Printemps des comédiens et du Festival d’Avignon – il y aurait donc trois tableaux. Le premier serait un set electro. Le second, un drame théâtral capté-monté en live qui représente une époque révolue et une forme d’art dépassée, le théâtre académique. Le troisième est un monologue lance-flammes signé Thomas Bernhard. Encore un bougon ambivalent comme il les aime, c’est vrai. Mais un bougon éruptif qui porte en lui, contre le nihilisme amorphe, et dans les glaviots vivifiants qu’il crache à la face du lecteur, la possibilité d’une île : celle de la colère comme puissance motrice. Le combat, voilà l’issue, peut-être.

 

Monde voué à brûler

La trajectoire de la pièce, «si j’y arrive», poursuit Gosselin, ce serait celle d’une nouvelle ère qui observerait une civilisation éteinte. Il y avait déjà ce regard rétrospectif dans sa pièce le Passé. Et aussi dans l’ouverture des Particules élémentaires, ce roman de Michel Houellebecq qu’il a adapté en 2013 et tourné à l’international. «A l’époque, je trouvais intéressant de ramener au théâtre une littérature de droite minoritaire. Aujourd’hui, le discours est tellement banalisé que je ne le remonterai pas.» A la suite de la tournée des Particules, justement, plusieurs jeunes gens, notamment des femmes, souvent à l’étranger, ont signifié au metteur scène qu’ils n’aimaient pas sa vision du monde, celle que Gosselin a nourrie pendant des années de lectures et visionnages des Michael Haneke ou Bret Easton Ellis. Aujourd’hui, dans Extinction, c’est cette «tension» entre deux conceptions de l’art qu’il aimerait mettre en scène, celle d’une jeune génération combative versus la sienne il y a dix ans. Le texte radical de Thomas Bernhard sera craché sur scène par une jeune femme, et à cet endroit précis le genre et l’âge importent.

 

 

Donc, il faut bien 4 heures 30 de représentation. Silence. Julien Gosselin croit déceler une accusation de notre part : «Non, vraiment, moi aussi, je suis le premier à soupirer quand j’entre en salle et qu’on m’annonce une telle durée mais j’y arrive pas avec moins.» Il admire les petites formes futées, plus pauvres, minimales de l’Amicale de Production ou le théâtre povera d’un Gwénaël Morin avec trois bouts de cartons, «mais je suis incapable de faire ça et inversement sûrement». C’est ainsi, son imaginaire à lui s’allume devant les formes baroques et monumentales de Krystian Lupa et Krzysztof Warlikowski. Il sait que ce genre de grosse production multimédia expérimentale est une espèce en voie d’extinction en France, un monde voué à brûler sur l’autel d’une nouvelle réalité économique. Mais n’y a-t-il pas un zeste de beauté dans les combats perdus d’avance ? A propos de changement d’ère et de combat, on a bien fait, bifurque-t-il, d’assister à une répétition pile ici à Calais, dans la friche artistique de son adolescence : «Vous avez vu ce qui se passe en ce moment, entre la ville et le Channel ?»

Extinction, de Julien Gosselin. Textes de Thomas Bernhard, Arthur Schnitzler et Hugo von Hofmannsthal. Du 2 au 4 juin au festival le Printemps des comédiens, Montpellier. Du 7 au 12 juillet au Festival d’Avignon In.
Légende photo :  Lors des répétitions d'«Extinction» de Julien Gosselin, monument multimédia composé en trois sets. (Simon Gosselin)
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November 22, 2022 6:29 AM
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Mention TB pour le festival du TNB à Rennes 

Mention TB pour le festival du TNB à Rennes  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par Anne Diatkine, Envoyée spéciale à Rennes pour Libération - 21 nov. 2022

 

Machine joyeuse qui rassemble des publics variés, le festival du Théâtre national de Bretagne offre un condensé de pièces ayant fait leurs preuves et de fraîches découvertes qui s’entrechoquent autant qu’elles se font signe.

 

C’est tout de même une chance que de pouvoir hésiter entre Howl 2122 de Laure Catherin, un spectacle d’étudiants en art conçu juste après le confinement qu’on a très envie de voir en raison même de sa matière – l’alliance entre le poème d’Allen Ginsberg écrit en 1955 sur les désirs et les désarrois de la jeunesse américaine, et ceux des étudiants soumis à l’épidémie de Covid aujourd’hui sur le campus de Rennes – et Sur la voie royale d’Elfriede Jelinek monté par Ludovic Lagarde, et incarné par l’exceptionnelle Christèle Tual dont c’est la dernière représentation en 2022 – impossible à rater, donc. Puis de pouvoir se faufiler à la mi-temps de Stadium, ce blockbuster de Mohamed El Khatib avec des comédiens supporteurs de Lens, tous présents cinq ans après la première à la Colline et c’est l’entièreté du théâtre qui est mis sens dessus dessous, fanfare et odeurs de frites comprises. Et encore, d’assister à la (re)création de la Chanson [reboot], le premier spectacle de Tiphaine Raffier qui raconte comment le désir de créer vient à l’esprit d’une toute jeune fille en rupture de ban.

Curiosité attisée du public

A quoi reconnaît-on qu’un festival est une machine vivante et joyeuse qui s’engouffre dans les rues, prend son élan et suscite un désir partagé qui déborde bien largement le cercle des seuls passionnés de théâtre et des professionnels venant faire leur marché ? Pas seulement au nombre de créations – il y en a beaucoup au festival rennais du Théâtre national de Bretagne (TNB) imaginées par son directeur, le metteur en scène Arthur Nauzyciel, et à l’heure où les spectacles ont des durées de vie de plus en plus courtes, ce type de rassemblement sur un temps concentré sert aussi, et peut-être encore plus, à offrir aux Rennais un condensé de plusieurs saisons. Pas seulement au ratio artistes anciens et fraîches découvertes, même si on a hâte de voir Par autan de François Tanguy, notamment.

 

C’est à des petits signes plus impalpables et moins mesurables, qu’on saisit qu’un festival prend : la curiosité attisée du public qui remplit la jauge effroyable et absurde de 930 places, y compris lorsque c’est un monologue particulièrement ardu signé d’Elfriede Jelinek qui est à l’affiche. Ou la manière dont les œuvres s’entrechoquent et se font signe : comment résonne par exemple la tessiture de la prix Nobel Jelinek grâce à la performance ultra-ouvragée de Christèle Tual, qui ne cesse de se métamorphoser à vue et glisse d’une figure à l’autre, en duo avec la maquilleuse habilleuse Pauline Legros, et la simplicité bouleversante de Marie-Sophie Ferdane, lorsqu’elle lit Notre Solitude de Yannick Haenel, sans chercher le moins du monde à s’interposer entre les images que suscitent la lecture et l’écoute.

 

 

La scène est donc transformée en boîte blanche et éblouissante, avec un fauteuil tulipe, pour Sur la voie royale de Jelinek. Deux lycéens anxieux, derrière nous : «1h40 ! Je prie pour que mon téléphone ne sonne pas.» Ils seront saisis, les mouches absentes, ne volent pas, mais on les entendrait s’il y en avait. Christèle Tual arrive telle qu’en elle-même, haut de survêtement, et c’est immédiatement qu’elle nous entraîne dans l’écriture sphérique de Jelinek, ce monologue entamé la nuit de l’élection de Donald Trump, se métamorphosant tantôt en voyante aveugle, en Jelinek elle-même, puis en Donald Trump ou sa femme Melania, poupée Barbie de synthèse.

Défier la mort

Incroyable est la manière dont Christèle Tual se laisse maquiller, démaquiller, coudre les yeux, perruquer, habiller sans jamais interrompre une logorrhée parfaitement intelligible et insaisissable, sans point d’appui dans le glissement d’une identité à l’autre. Le spectacle est promis à tourner en 2023-2024. La comédienne dira ensuite qu’évidemment, l’apprentissage du monologue qui se présente comme l’escalade d’une muraille lisse a été le plus dur, ligne à ligne pendant le confinement, mais aujourd’hui, la langue de Jelinek lui semble limpide, plus aucun silence ou menues variations ne lui échappent.

 

Aux antipodes, autre type de cadeau, avec la lecture de Notre Solitude de Yannick Haenel qui de septembre à décembre 2020 a suivi le procès de la tuerie du 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo. Jean noir, tee-shirt blanc, cheveux relevés mise de l’effacement, dans une toute petite salle : magnifique est la manière dont Marie-Sophie Ferdane s’efface pour laisser vivre un texte, qui parle tout autant de l’écriture, de la paralysie ou de son impossibilité d’autant plus gigantesque que l’auteur se donne pour tâche de défier la mort tant qu’il écrira. Marie-Sophie Ferdane porte le livre qu’elle lit, passeuse dégagée de l’incarnation et du par cœur, qui avance au rythme des phrases, dont la voix rend sensible toutes sortes d’images pas seulement horrifiques. «Je ne veux pas passer par la force, je veux croire en la fragilité comme une façon de s’intéresser au monde», dit Yannick Haenel. C’est chose faite avec cette lecture.

 

Anne Diatkine / Libération

 

Festival du Théâtre national de Bretagne à Rennes, du 15 au 27 novembre.

 

 

Légende photo : «La Chanson» [reboot]», premier spectacle de Tiphaine Raffier, raconte comment le désir de créer vient à l’esprit d’une toute jeune fille en rupture de ban. (Photo :Simon Gosselin)

 
 
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November 27, 2021 5:48 PM
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Brigitte Lefèvre, directrice du Festival de danse de Cannes : « J’apprécie les combattantes et les constructrices »

Brigitte Lefèvre, directrice du Festival de danse de Cannes : « J’apprécie les combattantes et les constructrices » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Rosita Boisseau pour Le Monde - 27/11/21

 

 

L’ancienne directrice de la danse de l’Opéra de Paris a choisi de mettre en avant des chorégraphes femmes pour sa dernière édition à la tête de la manifestation.

Brigitte Lefèvre est une histoire de l’art chorégraphique à elle seule. De l’école de l’Opéra qu’elle intègre à l’âge de 8 ans au poste prestigieux de directrice de la danse de l’Opéra national de Paris de 1995 à 2014, du ballet au théâtre, des scènes aux bureaux du ministère de la culture de 1985 à 1992, elle a traversé soixante ans de danse sans rien lâcher de sa passion intransigeante.

Aux manettes du Festival de danse de Cannes depuis 2015, cette fan de Gaston Bachelard signe son ultime édition placée sous le signe de la femme et de la Terre avec vingt-huit compagnies nationales et internationales, à l’affiche du 27 novembre au 12 décembre, dans neuf théâtres de Cannes et des villes environnantes.

 

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Pour cette programmation particulière, vous mettez de nombreuses femmes chorégraphes en avant dont la pionnière américaine Martha Graham (1894-1991) ou la nouvelle star flamenca Rocio Molina. Dans quel esprit avez-vous conçu ce menu féminin et même féministe ?

Pendant la crise sanitaire, j’ai relu deux autobiographies : Ma vie, d’Isadora Duncan, et Mémoire de la danse, de Martha Graham. Leurs destins m’ont de nouveau émue et surtout donné envie de construire cette édition autour des femmes. J’apprécie les combattantes et les constructrices. L’œuvre de Martha Graham, qui est transmise contre vents et marées par Janet Eilber, directrice artistique de la compagnie américaine depuis 2005, pose le socle de la modernité dès les années 1930. Elle est enracinée dans une lecture des mythes grecs et de Freud. Elle propose un point de vue personnel sur différents thèmes dont celui de la complexité de la sexualité féminine. A partir de là, j’ai invité des artistes de toutes les générations comme Louise LecavalierMaud Le Pladec ou encore la très jeune Eugénie Andrin. C’est un plaisir de les soutenir car elles représentent une forme de puissance. Mais je tiens à dire qu’il y a aussi des hommes à l’affiche, dont Pierre Pontvianne.

Les chorégraphes femmes abordent-elles selon vous des sujets particuliers ?

Je dirais que les chorégraphes masculins ont un point de vue souvent plus global que les femmes qui, elles, me semblent pénétrer plus profondément dans les thèmes qu’elles traitent sur le plateau. Elles m’apparaissent moins conceptuelles et plus volontaristes dans l’exposition de leur sensibilité. L’onirisme de Carolyn Carlson, qui clôt la manifestation avec Crossroads to Synchronicity, est très écologique et c’est important aujourd’hui. Quant à Bintou Dembélé, elle se confronte à son histoire et ses racines africaines en inventant son propre rituel pour son solo Strates.

 

Vous avez endossé tous les rôles, danseuse, chorégraphe, première « déléguée à la danse » au ministère de la culture de 1985 à 1992, directrice de la danse à l’Opéra national de Paris… Quelle casquette préférez-vous ?

Celle de danseuse. La danse m’a permis de découvrir la musique, la littérature, le théâtre, les arts plastiques… Au-delà de ce que j’ai appris à l’Opéra national de Paris, j’ai particulièrement aimé collaborer, dans les années 1970, avec le chorégraphe Michel Caserta qui avait travaillé lui-même avec l’Afro-Américain Alvin Ailey dont le style sensuel et balancé me plaisait beaucoup. J’ai aussi interprété en 1971 un solo comique improbable intitulé La Curieuse, de Norbert Schmucki, dans lequel j’arborais des couettes rouges. Entendre rire le public de la Cour d’honneur d’Avignon, ça ne s’oublie pas. J’aime rire et faire rire ! Je n’étais pas, je pense, une interprète classique exceptionnelle mais j’étais travailleuse : il faut beaucoup travailler pour faire vivre la technique et c’est un chemin qui n’a pas de fin. J’adorais faire des découvertes. Pendant les différents confinements, je me suis surprise à danser seule chez moi. Quand on danse, on s’oublie, on se perd dans le mouvement.

Vous avez également chorégraphié une vingtaine de spectacles lorsque vous dirigiez le Théâtre du Silence, avec Jacques Garnier (1940-1989), à La Rochelle, à partir de 1974. Avez-vous eu la sensation que c’était plus difficile à l’époque d’être à la tête d’une institution pour une femme que pour un homme ?

Lorsque je dirigeais le Théâtre du Silence avec Jacques, je me sentais parfois, et quelle que fût notre amitié, institutionnellement en retrait, comme une sorte de cerise sur le gâteau. Quand il a décidé de retourner à l’Opéra de Paris en 1980 pour fonder le Groupe de recherche chorégraphique de l’Opéra de Paris (GRCOP), je n’ai pas souhaité le suivre. Je me suis retrouvée seule à la direction de la compagnie. Je me suis d’abord demandé comment j’allais faire. J’ai dû m’imposer face aux réactions des élus et du ministère qui s’inquiétaient que je puisse vraiment diriger la troupe sans lui. Il fallait que je prouve que j’étais capable de tenir la barre. J’ai mis fin au Théâtre du Silence en 1985. Même si j’aime rassembler, chorégraphier, le temps était passé.

Comment la situation a-t-elle évolué selon vous pour les femmes dans la danse depuis vos débuts ?

J’ai souvent envie de répondre à cette question par une formule de Marguerite Yourcenar qui dit : « Ni homme ni femme, je fais partie de l’espèce. » J’ai la sensation que, en même temps que les femmes s’expriment, elles émettent toujours un doute sur ce qu’elles affirment. Et qu’il s’agit aujourd’hui de gommer irrémédiablement ce doute pour que leurs paroles soient vraiment entendues et sur tous les sujets, en particulier celui du harcèlement sexuel. Je suis heureuse de voir aujourd’hui que nombre d’entre elles dirigent des institutions. Au passage, j’ai envie de remercier des personnalités comme Martha Graham, Pina Bausch ou encore Françoise Dupuy.

Cette édition fait cohabiter les styles, du classique au hip-hop, mais aussi les troupes contemporaines et les ballets d’opéra dont celui de Bordeaux. Est-ce une façon de souligner votre point de vue sur la situation globale de la danse en France ?

On ne considère pas assez les ballets d’opéra en province comme ceux de Bordeaux, de Toulouse ou de Nice. Or, ces troupes font un travail très intéressant dans le registre classique avec une ouverture contemporaine marquée qu’il faut soutenir absolument. Mais qu’il s’agisse de ces institutions ou des Centres chorégraphiques nationaux, la danse a besoin de places fortes et de moyens financiers constants. Il faut aussi conserver l’équilibre entre les différents styles, valoriser bien sûr la création mais pas seulement, et veiller à ce que les spectacles soient davantage diffusés au bénéfice du public. La danse est en bonne santé mais il reste des aspects sociétaux à toujours considérer, comme la diversité.

 

 

Festival de danse de Cannes, du 27 novembre au 12 décembre. Tél. : 04-92-98-62-77.

Rosita Boisseau



Légende photo : Brigitte Lefèvre, le 4 octobre 2021, au Palais des festivals et des congrès de Cannes. PALAIS DES FESTIVALS ET DES CONGRÈS DE CANNES  

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May 4, 2021 4:21 AM
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Théâtre. Derrière les portes closes du TnBA, « la rumeur créative des artistes »

Théâtre. Derrière les portes closes du TnBA, « la rumeur créative des artistes » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Gérald Rossi dans L'Humanité  -  Mardi 4 Mai 2021
Légende photo : Les artistes compagnons et compagnonnes du TnBA. © Pierre Planchenault

 


Au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, où l’école d’art dramatique n’a pas cessé de fonctionner, ni les auteurs, comédiens, techniciens de répéter, se déroulera les 6 et 7 mai la première édition du festival Focus. Entretien avec Catherine Marnas, directrice du TnBA.

 

 
 
Au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, où l’école d’art dramatique n’a pas cessé de fonctionner, ni les auteurs, comédiens, techniciens de répéter, se déroulera les 6 et 7 mai la première édition du festival Focus. Entretien avec Catherine Marnas, directrice du TnBA.
 

Le TnBA n’ouvrira pas ses portes au public avant plusieurs semaines, mais l’activité des apprentis comédiens ne s’est pas interrompue dans les salles de ce théâtre national à Bordeaux. De nombreux professionnels s’y sont aussi retrouvés afin de lancer des créations, de poursuivre des répétitions. Sa directrice, Catherine Marnas, s’explique sur cette activité foisonnante comme sur l’urgence d’une réouverture, pour les acteurs, auteurs, techniciens, comme pour le public. Rencontre.

Le TnBA, comme tous les théâtres, n’accueille pas encore à nouveau le public, mais que se passe-t-il derrière les portes closes de cette belle bâtisse de la place Pierre-Renaudel ?

 

CATHERINE MARNAS Le lieu est forcément fermé au public, mais nous n’avons cessé d’accueillir des équipes pour des répétitions, et surtout notre école de théâtre, avec ses 14 élèves, n’a pas cessé ses activités. C’est un jeune cœur de troupe que l’on entend battre au quotidien et c’est réconfortant.

Entre des demandes de remboursement de spectacles annulés et la tentative d’élaboration d’une programmation sans cesse remise sur le chantier, quelle chance, pour nous, que de pouvoir entendre des bribes de Shakespeare, de Claudel… Une partie des cours est dispensée à distance, mais les autres se font sur place, dans le respect des règles sanitaires, avec des tests réguliers, etc.

Vous parlez d’accueil d’équipes…

CATHERINE MARNAS Je pense par exemple à la compagnie de Raphaëlle Boitel, qui s’est retrouvée dans l’impossibilité de continuer à travailler à l’Opéra de Bordeaux, et qui risquait de perdre les sommes engagées pour le filmage de son spectacle, qui s’est finalement déroulé au TnBA.

Le TnBA est-il solidaire des actions revendicatives ?

CATHERINE MARNAS La banderole accrochée sur la façade en témoigne. Le soutien à la lutte est clair. Tout comme l’engagement des jeunes de notre école, très motivés pour dénoncer le projet gouvernemental de réforme de l’assurance-chômage. Ils ont passé des heures et des jours à convaincre d’autres jeunes, des danseurs, à la fac, au conservatoire, à l’école de cirque, etc.

 

À l’approche de l’été, de la période des festivals, comment vivez-vous cette situation inédite ?

CATHERINE MARNAS Je suis très vigilante pour le respect des consignes sanitaires, des gestes barrières, du télétravail pour le maximum de personnes, mais vraiment il est temps que l’on en sorte. Les équipes veulent revenir au travail, se rencontrer réellement. C’est bien la preuve que les technologies, aussi performantes soient-elles, ne remplacent pas les échanges humains, la proximité, le contact d’une main…

 

 

 Nous avons décidé de donner leur chance au plus grand nombre de spectacles, en restant ouverts jusqu’à la fin du mois de juillet. 

Comment imaginez-vous la reprise ?

CATHERINE MARNAS C’est en vérité encore difficile à imaginer concrètement. Certains spectacles en sont à leur quatrième report. D’ailleurs, nous n’avons pas encore édité une nouvelle plaquette de programmation. On ne veut pas gâcher du papier comme du travail. Une certitude : nous avons décidé de donner leur chance au plus grand nombre de spectacles, en restant exceptionnellement ouverts jusqu’à la fin du mois de juillet, comme en tentant de transformer des pièces initialement pensées pour être jouées dans des salles en spectacles de rue.

 

 
 

 N’oublions pas que notre mission est notamment d’attirer un public autre que celui qui se sent directement concerné par le spectacle vivant.

Mais vous n’envisagez pas de raccourcir la durée d’exploitation des spectacles pour en accueillir davantage ?

CATHERINE MARNAS Non. On essaie seulement de pousser un peu les murs. D’autant que nous serons sans doute contraints à une limitation du nombre de spectateurs par représentation, distanciation oblige. N’oublions pas que notre mission est notamment d’attirer un public autre que celui qui se sent directement concerné par le spectacle vivant. Nous n’avons pas le droit moral de nous couper d’une partie de nos spectateurs. Et pour cela il faut du temps et de l’espace d’accueil. Il y a une autre inconnue : est-ce que tous ces gens vont revenir immédiatement ? Est-ce que cette vie de repli sur soi qui nous est imposée depuis des mois ne va pas trop laisser de traces ?

 

En attendant, pourquoi avez-vous décidé de lancer Focus, festival de la ruche, qui se déroulera les 6 et 7 mai, un festival sans public ?

CATHERINE MARNAS C’est un projet relativement ancien, et nous avons décidé de le maintenir en dépit du contexte. Parce qu’il est conforme au désir de transmission, au mien comme à celui de beaucoup de « compagnons et compagnonnes » qui travaillent ici. Je parle des artistes associés au TnBA, qui sont comédiens, metteurs en scène, auteurs, techniciens, musiciens…

L’idée de départ était de montrer au public tout un pan du travail habituellement invisible. Lorsque l’on organise des répétitions publiques, on sait le plaisir de ceux qui découvrent la face cachée de la création théâtrale. Alors nous nous sommes dit : arrêtons le travail à un moment « T » pour le montrer en construction. Sauf que seuls quelques professionnels pourront y assister. Mais poursuivre le projet nous est vite apparu indispensable pour nous-mêmes.

Et pourquoi « la ruche » ?

CATHERINE MARNAS Nous avons gardé le mot « festival », parce que ces deux journées seront à l’opposé des spectacles congelés que l’on aurait fabriqués chacun dans son coin et, par ailleurs, j’ai souvent parlé du TnBA comme d’une ruche vibrante de la rumeur créative des artistes en répétition, en laboratoire, en recherche… C’est toujours vrai. Et ce n’est pas près de finir.

Quelle en est l’affiche ?

CATHERINE MARNAS Il y aura une dizaine de spectacles, certains très avancés, d’autres à peine ébauchés. Ce sera l’occasion de découvrir les aventures proposées par Baptiste Amann, Jerémy Barbier d’Hiver, Julien Duval, Monique Garcia, Aurélie Van Den Daele, qui travaille sur son prochain spectacle,   Soldat inconnu, et qui propose là une première forme, Spectacle inconnu, Yacine Sif El Islam, les Rejetons de la reine, le collectif OS’O et sa petite forme pour le jeune public, pour ne citer qu’eux, sans oublier une table ronde sur le thème : « Pour une éthique de la relation entre artistes et lieux culturels ».

Ce sera l’occasion de retrouver quelques anciens élèves de notre école, et d’autres partenaires, qui ont trouvé là un abri, un lieu de partage, de croisements de leurs expériences et cela me semble particulièrement sensible de le dire dans la période trouble que nous traversons tous.

 

 

Vous présenterez aussi l’ébauche de votre prochaine création…

CATHERINE MARNAS Ce sera une première approche, une lecture avec Yuming Hey d’un texte écrit par Herculine Barbin, née en 1838 dans un corps de garçon mais déclarée comme fille. Herculine s’est suicidée à 28 ans. Et ce texte est comme une bouteille à la mer pour parler du genre aujourd’hui. C’est le témoignage d’une personne que l’on disait à l’époque hermaphrodite et dont le témoignage douloureux avait été sauvegardé par le médecin qui a procédé à son autopsie ; texte retrouvé des années plus tard par Michel Foucault lors de ses recherches pour écrire son Histoire de la sexualité. Je devais d’abord m’attaquer au Rouge et le Noir de Stendhal, cet hiver, mais l’ambiance Covid ne m’a pas donné l’énergie nécessaire pour gravir cette montagne… Ce sera une future création.

 

 

Entretien réalisé par Gérald Rossi

 

 

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September 4, 2020 5:18 AM
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Rentrée des spectacles : le théâtre brave l'épidémie

Rentrée des spectacles : le théâtre brave l'épidémie | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Chevilley dans Les Echos - 3 septembre 2020

 

Proust revu par Christophe Honoré, Dostoïevski mis en pièces par Sylvain Creuzevault, un doublé chamanique de Tiago Rodrigues, un portrait de Boris Charmatz… Entre la toute nouvelle saison de la Comédie-Française, le Festival d'automne, la Semaine d'art en Avignon, les créations audacieuses du public et du privé, les amateurs de théâtre et de danse ont l'embarras du choix cet automne. Une invitation à reprendre le chemin des théâtres, le cœur léger et le visage masqué.

 

Malgré l'effort conséquent consenti par de l'Etat (les 432 millions d'aides, la prolongation du dispositif de chômage partiel et du crédit d'impôt spectacle, l'année blanche pour les intermittents, etc.), la rentrée s'annonce délicate pour le spectacle vivant. L'épidémie de Covid 19, toujours vivace, impose des contraintes sanitaires lourdes aux équipes de création (artistes, techniciens) et aux spectateurs (port du masque obligatoire, distanciation en zone rouge). Les théâtres vont devoir gérer une organisation complexe, des réservations de dernière minute… Si le théâtre subventionné peut supporter des jauges réduites, les théâtres privés, situés pour l'essentiel à Paris et donc en zone rouge, redoutent que la distanciation qui leur est imposée (avec des sièges vides) menace à terme leur survie. Pas question de baisser les bras pour autant. La saison ô combien funambule de cet automne 2020, s'annonce riche en beaux projets.

Les « musts » du Français

La Comédie-Française a fait durer le suspense, en attendant le 2 septembre pour révéler sa programmation jusqu'à la fin 2020. Plusieurs « highlights » au menu. A Marigny (qui remplace la Salle Richelieu en travaux) le très attendu « Du côté de Guermantes » adapté de Proust par Christophe Honoré sera créé fin septembre ; et c'est un grand cabaret festif, « Mais quelle comédie », orchestré par le couple d'exception Serge Bagdassarian - Marina Hands, qui clôturera l'année. Au vieux Colombier, on se réjouit de la reprise de « Hors-La-Loi » de Pauline Bureau dès la mi-septembre - pièce choc sur le combat des femmes pour l'avortement qui met en scène notamment Gisèle Halimi -   ; elle sera suivie, mi-novembre, de la création de « Sans famille » d'Hector Malot, par Léna Braban. Au Studio théâtre, le traditionnel conte de Noël sera « Hansel et Gretel » des frères Grimm, revu par Rose Marine, à compter de la mi-novembre.

Foisonnant Festival d'automne

 
Signe que le théâtre reprend du poil de la bête, le Festival d'automne nous propose un programme roboratif en quelque 80 propositions. Sylvain Creuzevault poursuit sa flamboyante mise en pièces de Dostoïevski, avec « Le Grand Inquisiteur » (fin septembre) et « Les frères Karamazov » (mi-novembre) à L'Odéon. Milo Rau, se saisit à nouveau d'un macabre fait divers, pour décrypter cette fois la « Famille » (début octobre) à Nanterre-Amandiers). Le chaman Portugais Tiago Rodrigues est doublement présent : avec une nouvelle création au titre pour le moins intrigant « Catarina et la beauté de tuer les fascistes » (fin novembre) aux Bouffes du Nord et avec la reprise du merveilleux « Sopro », fable fantomatique sur le théâtre dont le héros est une souffleuse (en tournée en banlieue). Quant au «portrait» du festival cette année, il est dédié au chorégraphe Boris Charmaztz (à travers huit spectacles).

« Sopro », superbe fable fantôme sur le théâtre signée Tiago Rodrigues. Festival d'automne.

Avignon en octobre

Le festival d'Avignon n'a pas eu lieu cet été, mais propose, en guise sde consolation, une « semaine d'art » du 23 au 31 octobre . Avec entre autres à l'affiche « Le Jeu des ombres » de Valère Novarina mis en scène par Jean Bellorini, un « No moderne » de Kaori Ito et Yoshi Oida, un duo danse/chant d'Israel Galvan et Nino del Elche, une version Théâtre-Marionnettes de «Moby Dick», le nouveau spectacle de Raoul Collectif intitulé « Cérémonie ».

Hors festival, on est curieux de découvrir la relecture d'« Iphigénie » de Racine par le directeur de l'Odéon, Stéphane Braunschweig (fin septembre) et le nouvel opus de Pascal Rambert, « Mes frères » mis en scène par le directeur du Théâtre national de Bretagne Arthur Nauzyciel (également fin septembre) à La Colline . Le nouveau spectacle des Chiens de Navarre promet, avec son titre potache « La peste c'est Camus, mais la grippe est-ce Pagnol ? » (mi-octobre) aux Bouffes du Nord ). L'inventif Clément Poirée s'attaque pour sa part à une réécriture du « Triomphe de l'amour » de Marivaux par Emmanuelle Bayamack-Tam, « A l'abordage » (mi-septembre) dans son théâtre de la Tempête.

Des reprises ce choix sont également proposées en septembre : « Contes et légendes », géniale fable futuriste de Joël Pommerat aux Bouffes du Nord, « Les Sorcières de Salem » d'Arthur Miller finement mises en scène par Emmanuel Demarcy-Mota à l'Espace Cardin ( Théâtre de la Ville ) et « Un Conte de Noël » d'Arnaud Desplechin, adapté par Julie Deliquet ( au TGP de Saint-Denis ).

Les promesses du privé

Côté privé, une autre belle reprise attend le public de La Scala Paris : « Une histoire d'amour » le mélo moderne d'Alexis Michalik, dès le 11 septembre. Plusieurs créations prometteuses sont par ailleurs à l'affiche : au Poche-Montparnasse , depuis le 1er, « Le laboureur de Bohême » de Johannes Von Tepl (mise en scène par Marcel Bozonnet) et « Mademoiselle Else » d'Athur Schnitzler (mis en scène par Nicolas Briançon) ; au Théâtre de l'Atelier, le 22 septembre, « Crises de nerfs », trois farces de Tchekhov compilées par Peter Stein, avec Jacques Weber (le 22) et au Théâtre de la Porte-St-Martin , à partir du 8 octobre, « Avant la retraite » de Thomas Bernhard mis en scène par Alain Françon avec Catherine Hiegel, Noémie Lvovsky et André Marcon.

Tour de danse

Outre le portrait « Boris Charmatz » du festival d'automne, plusieurs rendez-vous incontournables attendent les amateurs de danse. A partir du 19 septembre, jusqu'à fin décembre, Montpellier Danse propose une édition d'automne avec les stars Anne Teresa De Keersmaeker, Emanuel Gat, le Ballet de Lyon ou Kader Attou. Les Italiens d'Atetballetto montreront leur virtuosité au Théâtre national de Chaillot avec le « Dom Juan » du très doué chorégraphe Johan Inger, du 14 au 18 octobre. L'Opéra de Paris présentera à partir du 22 octobre des solos et duos classiques avec étoiles et premiers danseurs sur le proscenium de Garnier. Enfin, au Théâtre des Champs-Elysées , la star russe du Bolchoï, Svetlana Zakharova, dansera un hommage à Coco Chanel, les 24 et 25 octobre. Le plaisir du spectacle retrouvé vaut bien un masque et du gel…

 

Philippe Chevilley

 

 

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February 25, 2020 9:40 AM
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Printemps des Comédiens : le programme !

Printemps des Comédiens : le programme ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Printemps des Comédiens : le programme !

Julien Gosselin, Joël Pommerat, Romeo Castellucci, Philippe Torreton, Emmanuelle Devos, Krzysztof Warlikowski , Ivo van Hove sont les têtes d’affiche du Printemps des Comédiens du 29 mai au 27 juin. Une trentaine de spectacles sur un mois pour une édition prolifique entre jeunes créateurs(rices) et stars européennes.


L’an dernier, la publication du programme du Printemps des Comédiens avait suscité une pétition réclamant la parité dans l’un des plus importants festivals de théâtre français. Publiée par LOKKO et Mediapart, ignorée des médias locaux, elle avait recueilli 500 signatures. Cette initiative sans précédent a-t-elle été utile ? Même si elles ne trustent pas le haut de l’affiche, reflétant un état du théâtre, une série de créatrices pourraient faire le sel de cette édition, à l’ombre de quelques ténors. Mais, au regard des critères des féministes, le compte n’y est pas…

Avec « Oraison », la circassienne Marie Molliens est de retour. La beauté plastique de ses spectacles a des fans à Montpellier. On va pouvoir enfin voir « La tentation des pieuvres » de la montpelliéraine Maguelone Vidal : un banquet musical, passé par la Philharmonie de Paris, et jamais vu à Montpellier. Du côté du « matrimoine » : Marguerite Duras est à l’honneur dans une mise en scène de Isabelle Lafon, découverte l’an dernier au théâtre de La Colline (« Les imprudents »). Hommage aussi à la poétesse américaine Sylvia Plath, compagne de Virginia Woolf, suicidée à 31 ans, par une signature de la mise en scène européenne Fabrice Murgia. Avec neuf comédiennes.

La franco-argentine Claudia Stavisky, directrice du théâtre des Célestins à Lyon met en scène « La vie de Galilée » de Bertolt Brecht sur la responsabilité de la science, après Hiroshima. Avec Philippe Torreton. On ne manquera pas « Les petites filles » de la montpelliéraine Marion Pellissier sur une communauté de femmes enfermées. La rennaise Mélanie Leray adapte « Viviane », une femme à la dérive, le premier roman de Julia Deck, qui n’a pas son pareil pour croquer les bobos.

Une star : Emmanuelle Devos

Après Isabelle Adjani, l’an dernier, la grande actrice française de cette édition sera Emmanuelle Devos, impressionnante d’après les critiques dans « L’heure bleue » de David Clavel, au cœur d’une famille en décomposition, entre « Phèdre » et « Festen ».

Quatre premières françaises

-Le néerlandais Ivo van Hove, roi des planches européennes, adapte « Qui a tué mon père ? » du romancier français Edouard Louis qui a fait une entrée fracassante en littérature avec « En finir avec Eddy Bellegueule ». Le récit des retrouvailles avec un père homophobe, usé par la vie. Un monologue confié au grand acteur néerlandais Hans Kesting.
-Effet de l’accord entre le Printemps des Comédiens et le Poly Théâtre, consortium chinois de la culture, on verra « The New Wilderness » du Magnificient Theater. Du théâtre traditionnel sur la Chine rurale qui fait un peu contraste avec le reste de la programmation. Avec ou sans virus ?
-Première française également pour « Contre-enquêtes » de Nicolas Stemann d’après le roman « Meursault, contre-enquête » de l’Algérien Kamel Daoud qui revisite « L’étranger » de Camus, du côté du colonisé. Un dialogue entre les deux oeuvres, entre Meursault et Haroun.
-« Sacre » de Circa : dix danseurs-acrobates australiens, fidèles du festival. Ils évolueront sur « Le Sacre du Printemps » de Stravinsky.

Des créations, des poids-lourds

Un des morceaux de bravoure du festival [et une création] : « Dekalog » de Krzysztof Kieślowski par Julien Gosselin avec les élèves du Théâtre national de Strasbourg. Le metteur en scène français, connu pour avoir brillamment adapté « Les particules élémentaires » de Michel Houellebecq, a travaillé sur la suite de dix petit films du réalisateur polonais inspirés du Décalogue de la Bible. Un monument du cinéma. Photo ci-dessous.

Autre grand créateur polonais : dans « L’Odyssée », le metteur en scène Krzysztof Warlikowski ravive le souvenir de la Shoah. Izolda, pour retrouver son mari déporté, veut se faire envoyer dans un camp elle-même.

Joël Pommerat est une valeur sûre du théâtre français et du Printemps des Comédiens. Il avait séduit avec « Ça ira (1) Fin de Louis », performance révolutionnaire, un des grands succès de l’amphi d’O. Son sujet, ici : l’adolescence dans une proposition plus intimiste.

Un tube de l’opéra-théâtre, et un peu de légèreté…, avec « Italienne » dans une mise en scène de Jean-François Sivadier. Les folles coulisss de « la Traviata ».

Une création participative

Pour « Utopolis Montpellier » avec le collectif berlinois Rimini Protokoll inspirée par «La république de la nouvelle île d’Utopie», de Thomas More, « le public commence la soirée dans différents endroits du centre de Montpellier, en groupes. Peu à peu, il se rassemble dans des lieux de plus en plus grands, interagissant avec d’autres groupes de spectateurs. Le résultat final est une foule hétéroclite d’individus qui s’unissent pour demander si une autre société pourrait exister ». Un spectacle sonore itinérant avec casques audio.

Photos : Jean-Louis Fernandez

www.printempsdescomediens.com

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