Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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I am Europe, texte et mise en scène de Falk Richter

I am Europe, texte et mise en scène de Falk Richter | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello 20/09/2019

 


I am Europe, texte et mise en scène de Falk Richter, traduction Anne Monfort, spectacle en français et en plusieurs langues, surtitre en français.

 L’Europe actuelle est menacée par le retour des nationalismes et des populismes : I am Europe, le spectacle de Falk Richter – il assure l’écriture et la mise en scène – enjoint son public de bourgeois amateurs de théâtre, installé dans la salle des Ateliers Berthier de l’Odéon -Théâtre de l’Europe, à appréhender les termes politiques usés que sont l’origine, la patrie, le foyer, la langue naturelle ou acquise.

Le concepteur allemand a imaginé des ateliers de recherche de plateau – dramatique, musicale et chorégraphique -, et convié des jeunes gens de pays européens différents à réfléchir à la question de l‘Europe et à celle de l’identité que chacun se reconnaît librement ou bien revendique subversivement – ayant trait, entre autres, aux constellations familiales nouvelles et à la diversité des sexualités.

Les interprètes convient sur la scène, par la parole déclamée, leurs histoires personnelles, leurs visions du monde et leurs points de vue civique, leurs passions.

Avoir maille à partir avec une identité queer, un désir d’émancipation, c’est du passé.

Le travail de recherche, initié en 2014 et étendu sur quatre années, à Venise, à Paris, à Berlin, et même à Tel-Aviv, en compagnie des performers, des comédiens et des danseurs, a vu le groupe s’ouvrir et changer, au gré des rencontres nouvelles.

Textes et corps intimement liés, la parole proférée et laissée à son libre cours s’arrête régulièrement afin que les corps seuls s’expriment et racontent leur intimité pour dessiner encore un autoportrait collectif, allant de l’avant, en dépit de tout.

La promesse d’un avenir meilleur dessine une Europe autre et solide, qui élude peu à peu les velléités réactionnaires, les tentations fascistes, les simplifications populistes sous les menaces du fanatisme religieux, du terrorisme et du repli sur soi –des dérives à tendance raciste d’exclusion de l’autre et de négation de la différence.

Avec en fond, le passé colonialiste de la France et les mouvements nationalistes actuels, est répétée à l’envi la nécessité pour le bien-être de l’Europe, que celle-ci ne soit pas livrée aux seules commandes de l’Allemagne et de la France, quand bien même les petits pays sont parfois les plus marqués par la xénophobie.

La signification d’une Europe nouvelle doit naître précisément de la contradiction et de la polyphonie ; chacun est en même temps et alternativement, le même et un autre, selon le miroitement des probabilités imparties à la vie existentielle.

Sous le regard chorégraphique de Nir de Volff, les interprètes se déplacent – contorsions, mouvements de danse et gestuelle singulière sur le plateau, une problématique personnelle qui se coule dans la vue d’ensemble du collectif.

Casser les codes, les conventions, la bienséance, en se contorsionnant et en rampant sur le sol.

Ténacité, engagement, volonté répétée d’exister à l’ombre de son désir, Lana Baric, Charline Ben Larbi, Gabriel Da Costa, Mehdi Djaadi, Khadidja El Kharraz Alami, Douglas Grauwels, Piersten Leirom, Tatjana Pessoa sont les performeurs du spectacle.

I am Europe laisse une impression de déjà vu, tel un inventaire un brin démagogique de lieux communs, de critiques faciles et de visions sociales parfois caricaturales, sans l’invention d’une dramaturgie réellement convaincante.

Véronique Hotte

Odéon – Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès 75017, du mardi au samedi à 20h, du 19 septembre au 9 octobre, dimanche à 15h, relâche le lundi. Tél : 01 44 85 40 40.

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez

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Falk Richter, sur la scène européenne

Falk Richter, sur la scène européenne | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Le metteur en scène allemand Falk Richter reprend "Am Königsweg", monologue de la Prix Nobel de littérature autrichienne Elfriede Jelinek, avec "Sur la voie royale" (à l'Odéon-Théâtre de l'Europe du 20 au 24 février 2019).



La scène monde et européenne de Falk Richter, associé jusqu’à 2017 à la Schaubühne de Berlin, aujourd’hui au Deutsches SchauSpielHaus de Hambourg et notre invité aujourd'hui. Artiste associé au Théâtre National de Strasbourg, le dramaturge allemand met actuellement en scène à l'Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris Am Königsweg, de la Prix Nobel de littérature 2004, l’autrichienne Elfriede Jelinek, Sur la voie royale publié aux éditions de L'Arche. 

Le texte de Elfriede Jelineke st difficile à appréhender, même pour des Allemands. (Falk Richter)

Une mise en scène où il traduit les peurs de l’auteure devant la montée des violence et des égoïsmes nationaux, le sacre des petits Rois et l’aveuglement des oppositions. A voir jusqu’au 24 février 2019.

Du monologue ininterrompu de l’auteure, Falk Richter a fait une pièce polyphonique où l’on entend le Roi et ses opposants, le peuple des dépossédés et celui des gagnant. Et, en toile de fond, le nouveau règne des démocraties illibérales inspiré par l’exemple américain.

[L'humour de Elfriede Jelinek] consiste en la destruction de certaines choses par la langue : Trump, le patriarcat, certaines autorités…[…] Elle se ridiculise elle-même régulièrement.
(Falk Richter) 

Car, pour la petite histoire, Elfriede Jelinek aurait écrit ce texte dans la nuit qui a suivi l’élection de Donald Trump, inquiète de la montée des nationalismes. Pourquoi nos sociétés modernes réempruntent-elles la voie royale, attirée par la figure du chef fort, du roi omnipotent et par la grandeur des nations ? Retour sur une époque tragicomique, faite de revenants, de ces figures que l’on pensait enterrées et qui reviennent nous hanter.



Bande annonce de Sur la voie royale, mise en scène de Falk Richter à l'Odéon-Théâtre de l'Europe
Elfriede Jelinek (France Culture, A voix nue, 03/03/2005)
Stanislas Nordey sur Je suis Fassbinder de Falk Richter
Edouard Louis, "Ecrire pour les sans corps" (France inter, L'Heure bleue, 18/06/2018)

 


INTERVENANTS
Falk Richter
auteur et metteur en scène allemand

 

 

Légende photo : Le metteur en scène Falk Richter• Crédits : Lieberenz/ullstein bild - Getty

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Stanislas Nordey : “J'ai pris le maximum de risques avec Je suis Fassbinder”

Stanislas Nordey : “J'ai pris le maximum de risques avec Je suis Fassbinder” | Revue de presse théâtre | Scoop.it

ENTRETIEN par Adèle Luminy pour le site Place Gre'net



Après My Secret Garden, déjà créé au côté de l’auteur allemand Falk Richter, et Par les villages, la MC2 accueille, du 24 mars au 2 avril, la nouvelle création de l’acteur et metteur en scène Stanislas Nordey. Je suis Fassbinder s’inspire de la figure du cinéaste allemand des années 1970 Rainer Werner Fassbinder pour se colleter avec le présent. Montée des extrêmes droites en Europe, guerre en Syrie… Stanislas Nordey jette avec Falk Richter le théâtre dans l’actualité la plus brûlante et nous livre sa conception d’un théâtre ultra-contemporain, dont Je suis Fassbinder semble être le manifeste.
 
 
Depuis 2014, il dirige le Théâtre national de Strasbourg (TNS) qu’il entend éloigner une bonne fois pour toute des pièces de répertoire. C’est que Stanislas Nordey se place du côté d’un théâtre vivant, qui puisse parler aux spectateurs du monde dans lequel ils vivent.
 

« Je suis Fassbinder », programmée à la MC2 du 24 mars au 2 avril, est sa première création à la tête du TNS. À ce titre, elle se devait d’être en totale adéquation avec cette volonté. Gagné ! Le texte, écrit par le dramaturge allemand Falk Richter, n’a été tout à fait achevé que quelques jours avant la première, le 4 mars.
 
En outre, même si « Je suis Fassbinder » se penche sur le cinéaste allemand du même nom, dont l’essentiel de la carrière s’étend sur la décennie 1960-1970, la pièce résonne avec l’actualité la plus brûlante : les agressions sexuelles du 31 décembre à Cologne, l’état d’urgence décrété par la France, la montée de l’extrême droite en Europe…
 
La pièce marque une fois de plus la richesse du compagnonnage, entamé il y a quelques années déjà, entre l’acteur et metteur en scène Stanislas Nordey et l’auteur dramatique allemand Falk Richter. Le premier signe le texte quand les deux sont aux manettes de la mise en scène. Sur le plateau, Stanislas Nordey, dont le jeu est au moins aussi captivant que l’esthétique théâtrale, se glisse dans le blouson de cuir du cinéaste Fassbinder. Mais comme le présent affleure constamment, son identité propre craquelle régulièrement le vernis du jeu.
 
 
La pièce « Je suis Fassbinder » fait écho au travail du cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder, dont la filmographie couvre principalement les années 1960-1970. Mais elle est également en prise avec l’actualité la plus immédiate. Comment le dramaturge allemand Falk Richter a-t-il réussi à jeter ainsi des ponts entre l’Allemagne contemporaine de Fassbinder et notre présent ?
 
 
Dès le début du processus de travail, qui a duré six mois, toute l’équipe – l’auteur, les acteurs, le musicien, le vidéaste – s’est réunie à Berlin pendant quatre jours chez Falk Richter. On a tout de suite évoqué les échos que provoquait Fassbinder dans notre propre histoire. Parallèlement, on a beaucoup parlé de géopolitique. Ensuite, Falk Richter s’est saisi de tout ce matériau pour écrire.
 
 
 
Quels types d’échos peut-on faire entre le travail d’auteur et de cinéaste de Fassbinder et celui de Falk Richter et vous-même sur la pièce ?
 
 
L’idée de départ est bien de se saisir de Fassbinder comme de quelqu’un qui, en 1975-1977, collait à l’actualité la plus proche. Notamment au sujet de tout ce qui s’est passé avec le groupe de Baader Meinhof de la fraction armée rouge [la bande à Baader, ndlr]. Face à cela, Fassbinder réagissait rapidement. Il y a donc réellement un pont dans l’invention du spectacle entre ce qu’a vécu Fassbinder au moment du terrorisme en Allemagne et ce que nous vivons aujourd’hui avec Daech.
 
 
 
Il y a des ponts thématiques ou contextuels que l’on peut faire entre les deux époques, passées et présentes, comme celui que vous venez d’évoquer. Mais il y aussi des échos formels…
 
Oui, on s’est inspiré de certaines des structures des films de Fassbinder comme Prenez garde à la sainte putain qui évoque le tournage d’un film. On s’est vraiment servi du squelette de ce film pour organiser une partie du spectacle. La chair, c’est Falk Richter, avec le monde d’aujourd’hui, qui l’a apportée. Car c’est véritablement un texte de Falk Richter sur notre actualité.


Ne craignez-vous pas que ces clins d’œil à l’œuvre de Fassbinder échappent aux jeunes spectateurs ?
 
 
Un des enjeux de départ est de prendre la matière de Fassbinder sans perdre ceux qui ne savent rien du cinéaste. Et surtout, on voulait que ce soit un spectacle qui puisse faire le grand écart entre plusieurs générations. On voulait que les gens qui ont connu les années Fassbinder puissent les reconnaître mais que, dans un même temps, les jeunes générations puissent s’y retrouver. Lors des premières représentations, on s’est rendu compte qu’on avait réussi à ne laisser personne de côté. Il faut dire que c’est également lié à la forme du spectacle qui est assez ouverte, bordélique, joyeuse. Une forme fédératrice, dans le bon sens du terme !
 

Pensez-vous que la réactivité qu’avait Fassbinder par rapport à l’actualité fait défaut dans le cinéma et le théâtre d’aujourd’hui ?

En France, on n’a pas cette tradition de coller à l’actualité. Il suffit de constater le peu de films ou de pièces qui ont été réalisés juste après la guerre d’Algérie. À la différence des Américains après la guerre du Vietnam. L’Allemagne a également cette tradition de se saisir de l’histoire proche depuis Bertolt Brecht ou Heiner Müller. En France, ce n’est pas le cas. C’est aussi la raison pour laquelle je peux faire ce spectacle-là avec un écrivain allemand.
 
Pour en revenir à Fassbinder, il n’avait pas peur d’affronter l’actualité de son temps. Il était loin de toute autocensure. Quand on s’est mis à réfléchir au spectacle, c’était après les attentats de Charlie Hebdo. Un moment pendant lequel on s’interrogeait beaucoup sur ce qu’on pouvait encore dire. Un certain nombre d’artistes, de plasticiens, de dessinateurs se posent la question : « Est-ce que je peux parler de tout, librement ? »
 
En ce moment, il y a aussi au théâtre une recrudescence de certaines offensives de la part de groupes d’extrême droite ou liés au mouvement Civitas [groupe catholique traditionnel pour ne pas dire intégriste, ndlr]. On a pu le constater avec les spectacles de Rodrigo García ou de Romeo Castellucci. Falk Richter lui-même, en Allemagne, a été violemment attaqué par des mouvements d’extrême droite lors de sa dernière création, « Peur », à la Schaubühne de Berlin. Il a reçu des menaces de mort. Il y a une crispation bien réelle aujourd’hui.
 
Comment peut-on entendre le titre « Je suis Fassbinder » ?
 
 
C’est d’abord Falk Richter qui dit « Je suis Fassbinder ». Le spectacle est une forme d’identification d’un écrivain à un autre. En même temps, comme j’interprète la figure de Fassbinder dans la pièce, Falk Richter s’amuse à faire des analogies entre moi, Stanislas Nordey le metteur en scène, et l’homme de théâtre et cinéaste qu’était Fassbinder, notamment à travers ses tentatives pour travailler en collectif. Pendant tout le début de sa carrière, Fassbinder avait la volonté de partir du collectif. Mais très vite, il s’est rendu compte que ça ne marchait pas et qu’il était obligé de se transformer en dictateur. Il s’est alors trouvé dans de profondes contradictions.
 
Falk Richter s’amuse à opérer des rapprochements entre la biographie de Fassbinder et la mienne. Puisque dans ma vie aussi, l’action de la troupe et du collectif a eu beaucoup d’importance. Mais en même temps, à un moment donné, je deviens quand même le leader du groupe. Donc il y a bien des jeux de miroirs auxquels Falk et moi-même nous sommes prêtés.
 
 
 
C’est la première pièce que vous mettez en scène et que vous jouez en tant que directeur du Théâtre national de Strasbourg. Est-ce que ça a ajouté une pression supplémentaire au moment de la création ?
 
Au contraire ! L’enjeu pour moi a été de prendre le maximum de risques sur cette première création. Je crois que je ne pouvais pas en prendre plus qu’en démarrant par une pièce qui n’était pas encore écrite au premier jour des répétitions !
 
Il n’y avait pas de pression dans le mauvais sens du terme. Il y avait plutôt la jubilation d’être dans un théâtre plus que contemporain, un théâtre en train de s’écrire.
 
J’ai toujours travaillé comme ça. On n’est jamais meilleur que quand on prend des risques. Je sais bien qu’à chaque fois que je me suis reposé, c’est là que j’ai fait mes spectacles les moins intéressants.
 
 
La presse parle déjà d’un « spectacle manifeste » relativement à l’ensemble de votre parcours et à votre prise de poste récente en tant que directeur du TNS. Qu’en pensez-vous ?
 
L’expression est assez juste dans le sens où il s’agit bien de ma première création au TNS depuis que j’en suis le directeur. Au TNS, je suis en train de bannir les grands classiques. J’essaie de ne faire que des textes contemporains. Non pas par dogmatisme mais simplement parce que je pense qu’aujourd’hui les gens ont envie de paroles d’aujourd’hui. Leur désir premier n’est pas forcément de réentendre pour la millième fois Don Juan ou Tartuffe…
 
Donc, dans ce sens-là, c’est bien un spectacle-manifeste. Quand j’ai rencontré l’écriture de Falk Richter, il y a cinq ou six ans maintenant, j’ai vraiment rencontré l’alter ego que je cherchais depuis longtemps dans le théâtre contemporain. C’est un théâtre qui regarde le monde d’aujourd’hui sans oublier la dimension poétique. La collaboration avec Falk Richter a vraiment du sens pour moi. Je le cherchais depuis longtemps cet auteur contemporain qui m’aiderait à regarder le monde.
 
Comme le texte de la pièce résonne avec une actualité très proche, nécessitera-t-il quelques réajustements à mesure que les dates de la tournée s’éloigneront du moment de l’écriture ?
 
Il y a des parties d’improvisation dans le spectacle. On peut donc déplacer des choses à quelques endroits précis. Mais, de toute façon, malheureusement peut-on dire, on parle de choses qui risquent d’être toujours d’actualité dans quelques années : la crise des réfugiés, le retour des extrêmes droites… Et puis, Falk, au moment où il écrit, choisit des éléments de l’actualité qui sont à la fois suffisamment brûlants et pérennes pour que le spectacle ne s’éteigne pas le lendemain.
 
Par exemple, on parle de ce qui s’est passé le 31 décembre à Cologne, avec les agressions sexuelles. Mais on élargit la question au viol conjugal, à la violence faite aux femmes dans les sociétés occidentales et non pas simplement dans les sociétés méditerranéennes. À chaque fois, dans l’écriture de Falk, il y a cette intelligence de ne pas être simplement dans le commentaire de l’actualité mais d’aller beaucoup plus profondément dans les thématiques qu’elle soulève.
 
 
Propos recueillis par Adèle Duminy
 
 
Infos pratiques 
« Je suis Fassbinder »
Du 24 mars au 2 avril 2016
MC2: Grenoble, 4 rue Paul Claudel
De 6 euros à 25 euros

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Les Inrocks - “Je suis Fassbinder” de Falk Richter : un théâtre réactif et politique

Les Inrocks - “Je suis Fassbinder” de Falk Richter : un théâtre réactif et politique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Patrick Sourd pour Les Inrocks


Prenant un film de Rainer Werner Fassbinder comme modèle, l’auteur allemand Falk Richter s’associe au comédien Stanislas Nordey pour mettre en scène à deux un “un collage d’émotions contradictoires”.

 Qu’il s’agisse des attentats terroristes qui ont endeuillé Paris ou des agressions sexuelles commises le soir du 1er janvier à Cologne, en Allemagne, l’auteur et metteur en scène allemand Falk Richter prend sa plume pour réagir sur scène aux événements dramatiques qui se sont déroulés ces six derniers mois.
Avec Je suis Fassbinder, cette prise de position à chaud est devenue une pièce de théâtre.
“Elargir le champ des compétences qu’on accorde en général à un auteur de théâtre a été mon cheval de bataille depuis que j’ai décidé d’écrire, précise-t-il. Comme je suis aussi metteur en scène, j’ai toujours étendu les limites de ma chambre d’écriture à l’espace du plateau. Travailler à la mise en bouche de mes textes me permet de tester leur contenu avant de les finaliser.”


Décrypter sous l’angle de l’intime les mécanismes du capitalisme
Né en 1969, Falk Richter est ce qu’on appelle un auteur engagé, mais c’est en se réclamant de l’autofiction mêlée de politique qu’il a construit la réputation de ses dramaturgies. Il se fait connaître en Allemagne avec Das System (Le Système) où il réunit dans un cycle plusieurs pièces (dont les plus connues sont Electronic City, Sous la glace et Trust) pour décrypter sous l’angle de l’intime les mécanismes du capitalisme financier mondialisé.


C’est à l’occasion de la mise en scène d’un montage de plusieurs de ses textes puisés dans Das System que débute la collaboration entre l’auteur allemand et Stanislas Nordey au Festival d’Avignon en 2008. Suivra My Secret Garden, un spectacle où, pour la première fois, ils mettent en scène à deux une pièce dont le texte est composé d’extraits du journal intime de Falk Richter.


“Fassbinder réagit en artiste aux événements qui secouent l’Allemagne en 1977”


Avec Je suis Fassbinder, Richter et Nordey renouent avec le désir de monter un spectacle à quatre mains. “Nous avons décidé de prendre pour point de départ la participation de Rainer Werner Fassbinder à un film collectif, L’Allemagne en automne, dont il a réalisé les trente premières minutes. Toutes affaires cessantes, Fassbinder réagit en artiste aux événements qui secouent l’Allemagne en 1977. En s’emparant de sa caméra, il a la volonté de prendre position face à l’état d’urgence décrété suite aux actes terroristes perpétrés par la Fraction armée rouge composée des membres du groupe réuni autour d’Andreas Baader et Ulrike Meinhof.”
“Ce film est d’abord un portrait intime. On le voit dans son appartement avec son amant, téléphonant à Ingrid Caven ou débattant de la situation dans sa cuisine avec sa mère. Fassbinder expose sans pudeur l’ampleur de son désarroi, c’est ce qui nous touche.”

Sur le plateau, Stanislas Nordey et Falk Richter © Jean-Louis Fernandez
Réagir par le théâtre à ce qui se passe aujourd’hui
Prenant modèle sur le film, Falk Richter réveille le cercle des intimes de Fassbinder comme autant de spectres amis pour les faire s’incarner dans le corps des acteurs. “Les époques sont très différentes. Il n’est pas question de calquer mes propos sur ceux du film, pas plus que je ne fais de la pièce un hommage au cinéaste. Ce qui m’intéresse, c’est de me mettre dans la situation de réagir par le théâtre à ce qui se passe aujourd’hui et le faire dans les mêmes conditions d’urgence que celles choisies par Fassbinder.”


Ainsi, le débat portera sur le fait d’“être Charlie” ou pas, sur le “Je suis en terrasse” post-attentats de novembre à Paris et le massacre du Bataclan tout autant que sur la crise des migrants et la montée des mouvements populistes et d’extrême droite en France et en Allemagne.


“Ce qui me rapproche de Fassbinder dans cette démarche, c’est d’assumer le contraste qui existe entre l’épidermique de ma réponse et le fait qu’il s’agisse d’une situation politique qui vise à déstabiliser et terroriser nos nations. Comme lui, je me suis interdit de proposer une analyse, j’essaie d’abord de dire ce que j’éprouve. Je ne prétends pas avoir de recul… Pour Stanislas Nordey et pour moi, il était important de témoigner de ce moment où l’on assume être sous le choc quitte à construire notre spectacle comme un collage d’émotions contradictoires.” 


Je suis Fassbinder de Falk Richter, mise en scène Falk Richter et Stanislas Nordey, avec Thomas Gonzalez, Judith Henry, Eloise Mignon, Stanislas Nordey et Laurent Sauvage, jusqu’au 19 mars au Théâtre national de Strasbourg, tél. 03 88 24 88 00, tns.fr



article issu du numéro 1059 des Inrocks

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la demande d'interdiction de "Fear" de Falk Richter à la Schaubühne est rejetée.

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Post de Falk Richter (en français) sur Facebook :

 

La Schaubühne obtient gain de cause contre Mme von Storch, représentante politique de l’AfD et Mme von Beverfoerde, représentante des chrétiens extrémistes.

 

Le tribunal de Berlin a rejeté la semaine dernière le cours en référé déposé par Madame von Beverfoerde, entendant obtenir l’interdiction que la Schaubühne utilise sa photo dans la pièce « FEAR ».de Falk Richter. Le tribunal a également rejeté un recours en référé similaire déposé par Beatrix von Storch, représentante de la formation politique AfD. Le tribunal s’est exprimé et a démontré qu’il ne voyait pas dans la pièce d’atteinte à la dignité envers les deux plaignantes. La Schaubühne a fait valoir qu’il n’y a pas non plus d’atteinte aux droits de la personne dans la représentation scénique, puisque cette image complexe et portée par une installation multimedia est une représentation artistique des cauchemars des hipsters, où font irruption différents phénomènes de la nouvelle droite, de la réaction ou de l’homophobie, à la fois actuels et historiques, qui y sont « retravaillés » artistiquement. Le tribunal s’est rangé à la conception de la Schaubühne qui dit avoir agi sous couvert de la liberté artistique. La décision du tribunal a affirmé que la pièce n’incite pas à la violence contre les causes ou les personnes. 
Les actes écrits du procès ne sont pas encore disponibles.

 
 -  Lire également, sur le même sujet, l'article des Dernières nouvelles d'Alsace : http://sco.lt/5rmWkT

 

Article de RBB-online (auf deutsch) :

 

Schaubühne darf "Fear" unverändert aufführen

 

Die Berliner Schaubühne darf weiterhin Bilder von Hedwig von Beverfoerde und Beatrix von Storch in dem Stück "Fear" zeigen. Das hat das Berliner Landgericht am Dienstag entschieden. Nach Ansicht der Richter werden  die Persönlichkeitsrechte der "Demo für alle"-Organisatorin und der AfD-Vizechefin nicht verletzt.

 

Die Schaubühne hat sich vor dem Berliner Landgericht gegen die Koordinatorin der familienpolitisch-konservativen Organisation "Demo für alle", Hedwig von Beverfoerde, und die AfD-Vizechefin Beatrix von Storch durchgesetzt. Die Richter hoben am Dienstag zwei Einstweilige Verfügungen auf, die dem Theater untersagten, in dem Stück "Fear" Bilder der beiden Frauen zu zeigen.

 

Mit Zombies gleichgestellt

Die Kunstfreiheit sei im vorliegenden Fall höher zu bewerten als das Persönlichkeitsrecht der beiden Antragstellerinnen, begründete das Gericht sein Urteil. Beide Frauen sahen durch das Theaterstück ihre Menschenwürde verletzt, indem sie etwa durch das Zeigen ihrer Fotos Zombies gleichgestellt und mit Massenmördern oder Neonazis verglichen würden.

 

Das Landgericht teilte diese Einschätzung nicht, "da jeder Besucher erkennen kann, dass es sich nur um ein Theaterstück handelt". Es liege auch keine schwere Persönlichkeitsverletzung vor. Die Antragstellerinnen würden vielmehr als eigenständige Persönlichkeiten gezeigt. "In differenzierter Form" würden ihre öffentlichen Äußerungen zu Themen wie Ehe unter Homosexuellen, Genderforschung oder die Nähe zur AfD wiedergegeben. Eine Gleichstellung mit Massenmördern wie dem Norweger Anders Breivik oder Neonazis erfolge durch die Verwendung der Bildnisse nicht, so die Richter. Gegen das Urteil kann Berufung eingelegt werden.

 

"Fear" indirekt für Brandanschläge verantwortlich gemacht

Nachdem Anfang November ein Brandanschlag auf die Geschäftsadresse der "Demo für alle" in Magdeburg verübt worden war, hatte Beverfoerde das Schaubühnen-Stück "Fear" indirekt für den Anschlag verantwortlich gemacht. Es sei "geistige Brandstiftung, die offenbar direkt zu echter Brandstiftung führt", schrieb sie auf der Homepage der Organisation. In Berlin wurde zudem auf das Auto der stellvertretenden AfD-Bundesvorsitzenden Beatrix von Storch ein Brandanschlag verübt. Der Vorsitzende Richter stellte in der mündlichen Erörterung klar, dass aus Sicht des Gerichts in dem Stück nicht zu Gewalt gegen Personen oder Sachen aufgerufen wird.

 

Eklat zwischen Schaubühne und AfD

Zu einem Eklat kam es, als der AfD-Parteisprecher Christian Lüth eine "Fear"-Aufführung filmte, wie das Nachrichtenmagazin "Spiegel" Anfang November berichtete. Die Kamera habe Lüth erst auf mehrfache Aufforderung eines Schauspielers und nach Drohung mit dem Rauswurf ausgestellt. Lüth behauptete gegenüber dem Theater die Aufnahmen gelöscht zu haben, Teile der illegalen Aufzeichnung wurden jedoch von den Anwälten von Frau von Beverfoerde und Frau von Storch als Beweismaterial vor Gericht vorgelegt.

Theatermacher Falk Richter will mit dem Stück die neuen Ängste in der Gesellschaft thematisieren, die vielfach in Hass, Fremdenfeindlichkeit und Chauvinismus umschlagen. "Es gibt eine ganze Reihe von Protagonisten, die zurzeit Ängste schüren, um politisch an Einfluss zu gewinnen", hatte er im Oktober in einem dpa-Interview gesagt. Diese Protagonisten kämen im Stück vor. "Wir untersuchen ihre Reden, ihre Art zu denken, ihre Rhetorik, klären auf über die verschiedenen Netzwerke, die sich im rechten Spektrum mittlerweile gebildet haben."

 

 

Stand vom 15.12.2015
 
schaubuehne.de"Fear" in der Schaubühne

Das Stück "Fear" von Falk Richter wird wieder im kommenden Jahr aufgeführt, und zwar am 8., 9. und 10. Januar. Die Theaterkritik gibt es hier zum Nachlesen. : https://www.rbb-online.de/kultur/beitrag/2015/10/falk-richters--fear---anti-afd-collage-an-berliner-schaubuehne.html

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La Schaubühne de Berlin est assignée en justice par le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD - Alternative pour l’Allemagne).

La Schaubühne de Berlin est assignée en justice par le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD - Alternative pour l’Allemagne). | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Falk Richter sur Facebook

 

Paru dans les Dernières Nouvelles d'Alsace :

 

La Schaubühne de Berlin est assignée en justice par le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD - Alternative pour l’Allemagne). Ce dernier réclame que la pièce de Falk Richter (auteur associé au TNS à Strasbourg), à l’affiche dans le théâtre berlinois, la photo de la numéro deux du parti, Beatrix von Storch (foto), petite-fille du ministre des finances d’Hitler, ne soit plus présentée en scène. Ce parti, explique Falk Richter, « mène une campagne agressive contre la Schaubühne ». L’artiste rapporte que « le site web facebook de la Schaubühne a été attaqué », « des menaces de mise à feu du théâtre » ont été proférées, ainsi que « des menaces de mort ». Et l’artiste parle d’un climat délétère qu’il décrit précisément dans sa pièce. On a essayé, poursuit Falk Richter, « d’interdire la pièce mais ceci n’est plus possible en Allemagne ». Selon Falk Richter, d’autres théâtres à Dresde et à Mayence ont été visés pour leur programmation et des journalistes ont été assignés en justice par AfD. Alors que le Front National en France devient plus fort, poursuit Richter, AfD, qui a des sièges dans 5 des 16 parlements régionaux, mais pas encore dans le Bundestag, espère progresser de même et pousser en avant « sa propagande ». L’art, poursuit Falk Richter qui dit avoir été menacé de mort, « a le droit d’être critique, de parler de politique et de personnalités politiques ». La pièce Fear (la peur) aborde précisément ces thèmes : « la peur des migrants, la peur des alternatives familiales, la peur des musulmans, la peur de Schengen, la peur de l’euro, toutes sortes de peurs dont certains essayent de tirer profit ». La société, poursuit l’homme de théâtre qui évoque des attaques contre des camps de réfugiés en Allemagne, « est menacée par l’extrême droite et les islamistes et la majorité doit se protéger contre cela ». L’Allemagne connaît en effet aussi Pegida, mouvement des patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident, autre parti qui se glisse outre-Rhin entre la CDU-CSU et les groupuscules néonazis

(Christine Zimmer / Dernieres nouvelles d'Alsace
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Complexity of Belonging, Falk Richter, Anouk van Dijk, Chunky Move

Complexity of Belonging, Falk Richter, Anouk van Dijk, Chunky Move | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 

Publié par Véronique Hotte pour son blog Hottellotheatre

Complexity of Belonging, un projet de Falk Richter et Anouk van Dijk, conception, mise en scène et chorégraphie Falk Richter et Anouk van Dijk

Création commune en langue anglaise, le spectacle Complexity of Belonging procède de la collaboration entre l’auteur et metteur en scène Falk Richter, la chorégraphe Anouk van Dijk et la compagnie de danse australienne Chunky Move, une réflexion à la fois serrée et aérée autour du sentiment d’appartenance et de la question d’identité : « Qu’est-ce qui prime dans la définition de soi ? Le sexe ? L’orientation sexuelle ? La nationalité ? Une culture ? Une histoire ? Une fille, une mère, un amant. » L’ère proclamée et recherchée de la communication généralisée et de la mondialisation – le caractère planétaire de phénomènes économiques et financiers, par l’ouverture des économies nationales et régionales au marché mondial -, ne garantit pas, loin de là, l’existence d’un monde commun, aux ressources équitables.
Mais là n’est pas l’urgence de la question pour ces jeunes gens porteurs de la parole éclairée politiquement de Falk Richter – performers, interprètes et danseurs -, des figures qui vivent en ces temps immédiats mais n’émettent nulle revendication.
Ils subissent, éduqués et cultivés, les conséquences d’un monde qui en laissent beaucoup sur le bord de la route, et dont ils ne font pas partie. Chacun reçoit au moins un don, la vie elle-même, l’existence dans le monde, la possibilité de s’exprimer par le verbe et le corps. La qualité de la vie de ces jeunes gens privilégiés est mise à mal, révélant un ressentiment, au-delà du cosmopolitisme et du dialogue des cultures. Un trentenaire se trouve à vivre au loin dans telle partie de la planète, traitant d’affaires, ne pouvant rejoindre que rarement sa compagne restée en Australie. Celle-ci, psychologue ou coach, est lasse de cet éloignement : elle veut vivre sa vie. Telle autre, européenne, est venue en Australie pour des recherches sur les Aborigènes, les relations de ces derniers avec le reste de la population dominante.
De leur côté, deux hommes gays, désireux d’un enfant, se posent la question de la GPA, la gestation pour autrui. Et tandis que les questions existentielles sont posées, s’exprime en même temps le panache des corps dansants, expressifs et libres.
Avec comme décor, un paysage immense de désert australien, un horizon céleste et terrestre, la scénographie repose sur le jeu d’un écran vidéo, d’une caméra pour les entretiens de la sociologue-ethnologue, et de Skype pour les conversations des partenaires entre eux, quand ils sont éloignés géographiquement. Beaucoup sont rivés à leur ordinateur, entre contacts superficiels et réseaux sociaux.
Tous dansent, arpentant sereinement et magnifiquement l’espace, jouant avec une série de fauteuils design de bureaux, prenant appui sur ces sièges, se cachant derrière et risquant de perdre leur équilibre, les rangeant en ligne pour sauter de l’un à l’autre. Ils gravissent ces obstacles comme autant de barrières de vie, renâclant à considérer leur existence comme confinée dans des open spaces anonymes de grande solitude. Revient régulièrement l’image scénique de l’habitacle d’avion, appareil destiné à s’abîmer dans la mer, une métaphore des vies humaines bousculées et perdues. Une danseuse, déclamant avec panache, énumère plus d’une centaine d’exigences, quant à son désir de l’homme idéal auquel elle s’attacherait : elle danse royalement, tête en bas et corps contorsionné. Les interprètes expérimentés jouent leur partition avec grâce, calculant ensemble leur présence simultanée ou alternée, donnant à voir des corps pleins et vivants.

 

Véronique Hotte

 

Théâtre National de Chaillot, du 3 au 6 juin

 
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Théâtre : une jeunesse en mal d’Europe dans « I am Europe »

Théâtre : une jeunesse en mal d’Europe dans « I am Europe » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans le Monde 21/09/2019

 

A l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Falk Richter met en scène des acteurs de diverses cultures et nationalités qui s’interrogent sur ce qui les lie. Jusqu’au 9 octobre, à Paris.

Depuis le 10 septembre, la culture ne semble plus une priorité pour la Commission européenne de Bruxelles, qui a remplacé l’intitulé du poste par « Innovation et jeunesse » et « Mode de vie européen ». Cela n’empêche pas la culture européenne d’exister et, presque par une ironie du sort, de s’afficher dans un spectacle qui parle justement de l’Europe. Il s’appelle I am Europe et, pour couronner le tout, il est présenté à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris. Ecrit et mis en scène par un Allemand, Falk Richter, coproduit par neuf pays, dont la France, l’Italie, les Pays-Bas et la Croatie, il réunit dans sa distribution un patchwork de nationalités, d’histoires, d’identités, de religions et d’opinions. Autant dire qu’il est européen, soit multiple, complexe, ouvert.

Celles et ceux qui le jouent, quatre hommes et quatre femmes, ont été choisis par Falk Richter au gré de workshops menés depuis 2014 à Venise, Madrid, Paris, Berlin. Acteurs, danseurs ou performeurs, ils ont la trentaine pour les plus âgés, et c’est cela qui a intéressé l’auteur-metteur en scène. Né en 1969, Falk Richter a grandi à une époque où on avait une vision positive de l’Europe, parce qu’elle était considérée comme le meilleur moyen d’éviter la guerre. A 18 ans, il a commencé à voyager avec Interrail, un passe permettant d’aller en train d’un pays à l’autre, en franchissant des frontières. Ceux qui interprètent sa pièce remettent en cause l’Europe, et ils voyagent avec easyJet. Enfin, pas tous : parmi eux, deux Français ont grandi dans les cités, loin d’une façon de vivre dont ils n’avaient même pas idée.

De la fiction documentée
Au début du spectacle, tous se demandent ce qu’est l’Europe. Ils ne le savent pas, mais ils savent qu’ensemble ils sont l’Europe. Il y a Gabriel, qui a passé son enfance en Savoie, où ses parents portugais avaient émigré, et qui vit « un peu partout, dans des Airb’n’b », selon ses engagements artistiques. Il voudrait que soit légalisé le mariage à trois, parce que, avec Tatjana et Luca, son amoureux italien, ils forment une famille. Ils ont acheté une maison à Bruxelles, Tatjana est enceinte, mais pour qu’il soit reconnu père de l’enfant, il lui faudra engager une procédure d’adoption. Lana, elle, a de tout autres préoccupations : Croate, elle se sent « européenne de seconde classe » et aspire à la tranquillité. Elle est la seule à avoir connu la guerre.

Charline a grandi dans une cité, auprès d’une mère française qui vote RN pour se venger de son mari marocain qui l’a quittée. Mehdi se souvient qu’il voulait « tout faire péter » dans sa cité. Jusqu’au moment où il a trouvé la paix en lisant la Bible : musulman, il s’est converti au catholicisme.

Dans cette configuration, Douglas fait figure d’ovni. Il déclare sans sourciller : « Moi aussi, je fais partie d’une minorité que les gens détestent. C’est ceux qui sont à la fois beaux, riches et intelligents. » Il ne faut pas prendre au pied de la lettre sa déclaration, ni celles des autres : Falk Richter a écrit en écoutant longuement chacun, mais ce qu’ils disent sur scène tient de la fiction documentée.

Un grand point d’interrogation
Il y a des moments du spectacle dont on pourrait se passer : quand les comédiens s’adressent à la salle et la prennent à partie, d’une manière facile et démagogique, comme cela arrive souvent au théâtre depuis quelque temps ; ou quand la question des « gilets jaunes » est abordée au lance-pierres verbal. Ces moments contredisent l’intérêt de I am Europe, qui repose sur le talent qu’a Falk Richter d’écrire des pièces où une situation politique, économique et sociale est abordée par le prisme du ressenti des individus qui la vivent et, souvent, la subissent. Depuis ses débuts, son champ s’est élargi : de clinique, son style est devenu beaucoup plus sensible. Dans I am Europe, il s’appuie sur l’émotion, parce que la montée des nationalismes d’aujourd’hui exacerbe les émotions collectives.


Mais Falk Richter voit plus loin : ce qui l’intéresse, c’est l’après, soit imaginer l’Europe débarrassée des nationalismes. Quelle pourrait-elle être ? Pour les huit interprètes du spectacle, c’est un enjeu générationnel. On ne dira pas qu’ils trouvent la solution, I am Europe n’est pas un conte de fées, mais un grand point d’interrogation. Ou, plutôt, une multitude de points d’interrogation, qui sont pétris de rages, de colères, d’espoirs, de rêves, et qui s’incarnent dans des corps jeunes, tourmentés ou exaltés. Charline, Mehdi, Tatjana, Gabriel et les autres s’expriment dans des langues et des langages multiples. Dans des chansons aussi, de Bella ciao à Chiquitita en passant par du rap. Ensemble et singuliers, ils font de l’Europe un personnage.


« I am Europe », de Falk Richter. Avec Lana Baric, Charline Ben Larbi, Gabriel Da Costa, Mehdi Djaadi, Khadija El Kharraz Alami, Douglas Grauwels, Piersten Leirom, Tatjana Pessoa. Ateliers Berthiers - l’Odéon-Théâtre de l’Europe, 1, rue André-Suarès, Paris 17e. De 8 € à 36 €. Durée : 1 h 45. Jusqu’au 9 octobre.

Brigitte Salino

Légende photo : 
Les « gilets jaunes » font une apparition superflue dans la pièce « I am Europe ». © Jean-Louis Fernandez

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L’ombre incendiaire de Fassbinder à Vidy

L’ombre incendiaire de Fassbinder à Vidy | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Par Alexandre Demidoff pour Le Temps.ch : L’Allemand Falk Richter signe et monte à Lausanne «Je suis Fassbinder», spectacle à explosions multiples joué par cinq acteurs stupéfiants.
Le spectateur de Belleville's insight:
Dans une mise en scène de Stanislas Nordey, prochainement à Paris au Théâtre national de la Colline
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Allemagne, retour arrière et travelling : Je suis Fassbinder de Falk Richter, mise en scène Stanislas Nordey

Allemagne, retour arrière et travelling : Je suis Fassbinder de Falk Richter, mise en scène Stanislas Nordey | Revue de presse théâtre | Scoop.it
L’Allemand Falk Richter et le Français Stanislas Nordey mettent en scène ensemble « Je suis Fassbinder » au Théâtre national de Strasbourg. Réflexion sur la destinée d’un grand artiste inscrit dans une époque qui peut évoquer la nôtre. Et leur permet de poser des questions très actuelles.



Ils étaient trop jeunes. Trop jeunes ? Etaient-ils nés ? Oui bien sûr. Mais ils n’avaient pas l’âge : Richter est né en 69, Nordey en 69. Ils auraient pu, petits garçons, croiser Rainer Werner Fassbinder, homme encore bien jeune et qui allait mourir trop tôt : 1945-1982.

Complices, l’Allemand écrivain et metteur en scène, et le Français, comédien et metteur en scène, le sont depuis longtemps. On a vu d’eux des spectacles  très intéressants, dans des configurations diverses : l’un mettant en scène le texte de l’autre ou tous deux jouant, le texte de l’un mis en scène par l’autre avec le renfort non négligeable d’une fille sans doute plus forte qu’eux, Anne Tismer.

Au Théâtre national de Strasbourg, qu’il dirige, Stanislas Nordey frappe un grand coup en choisissant, comme premier geste personnel d’incarner Fassbinder lui-même en montant, avec son ami allemand cette « pièce » faite de bric et de broc, écrite en quelques semaines, montée en moins de temps encore. « Je suis Fassbinder » ne prétend pas être un manifeste, même si la reprise, sans ironie à ce que l’on en a compris de « Je suis Charlie » a quelque chose, mine de rien, de très ambitieux.



Mais ainsi va Stanislas Nordey : mine de rien avec beaucoup d’orgueil et plus encore d’intelligence.

« Je suis Fassbinder » est évidemment dominé par la couleur orange et les tapis en laine à grandes mèches des années 70. Du PVC blanc et de l’aluminium, une mode épouvantablement laide –de celle d’ailleurs qui triomphe avec « Les Larmes amères de Petra von Kant »- mais dont, évidemment, quand on la vit, quand on en est le contemporain, on l’accepte.

Donc, premier point, dans « Je suis Fassbinder », le décor est laid, très laid. Volontairement. Il est dans le goût des années 70. Des plates formes, des plateaux qui se chevauchent –plusieurs hauteurs, plusieurs tailles- pourraient glisser comme glissent les écrans. Il y a l’horizontal, le vertical, il y a les canapés, les sièges et le désordre sans nom qu’inspire l’espace. Des photos, des écrans, des trucs aux murs, des trucs par terre, des machins qu’on ne range jamais, bref, une impression de bordel qui évoque très bien ce que l’on savait de Fassbinder, ce que l’on voit dans ses films ou dans les reportages qui ont été quelquefois réalisés chez lui ou encore des entretiens dans lesquels il s’exprime.

Il a vécu vite. Ardemment. Il pressentait-il cette fin prématurée. Ou bien est-il mort de s’être trop usé ? Ce n’est pas ce qui intéresse Falk Richter et Stanislas Nordey. Ils s’appuient sur un film qui a beaucoup marqué à l’époque, « L’Allemagne en automne », une suite de témoignages très personnels d’artistes, cinéastes, metteurs en scène, comédiens qui parlent de leur pays. Ce n’est plus cette « mère blafarde » dont parlait Brecht (expression qui sera reprise en titre par Helma Sanders-Brahms, décédée il y a moins de deux ans). C’est une Allemagne tiraillée entre une vitalité, une créativité profonde, une Allemagne de l’Ouest opulente mais déchirée par le terrorisme, et notamment la bande à Baader, cette « Fraction armée rouge », si violente. Une Allemagne de la génération des enfants de la guerre, ployant sous la culpabilité.    

Revenons aux plateaux du TNS. On voit arriver les comédiens par le fond de la scène. Ils s’installent à une table. Une télé marche. On est trop loin pour distinguer ce qu’elle diffuse. Et ça commence. Les fils narratifs ne vont cesser de s’enchevêtrer une heure trente à peu près, durant. On a le sentiment d’un théâtre qui naîtrait devant nous. A mi-chemin des recherches des deux concepteurs et de leurs amis embarqués dans ce chantier qu’ils laisseront ouvert, nous incitant à toujours plus de réflexion, de lectures, d’engagement. De courage aussi sans doute. Car rien, ici, à aucun moment n’est complaisance. Tout est sincérité mais aussi distance, humour, ironie, on l’a dit.

Rien que l’on puisse résumer. Des morceaux, des éclats. Des archives. Et des extraits de ce film « L’Allemagne en automne » dans lequel Fassbinder dialoguait d’une manière très frontale avec sa mère. Ici, cela donne des scènes Nordey-Laurent Sauvage, toujours formidable, des scènes qui valent le détour. Mais leurs camarades sont eux aussi sur la crête. Judith Henry, aigüe et fine, portant et ce passé récent et cet aujourd’hui déroutant, avec une profonde clairvoyance, Eloïse Mignon, charmeuse et nuancée, Thomas Gonzalez, énergie canalisée avec esprit.

 

Théâtre National de Strasbourg jusqu’au 19 mars, MC2 de Grenoble du 15 au 20 avril, Théâtre de Vidy-Lausanne, du 26 avril au 4 mai. Théâtre national de la Colline, du 10 mai au 4 juin.
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Etre ou ne pas être Fassbinder

Etre ou ne pas être Fassbinder | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino dans Le Monde : 


C’est un spectacle-choc, qui parle de ce que l’on vit en Europe aujourd’hui, avec au centre la France et l’Allemagne. La montée des nationalismes, les poussées de l’extrême droite, les attentats de Paris, la manifestation contre le mariage pour tous, les viols de Cologne, la crise des réfugiés… tout y est abordé d’une manière frontale, dans une ambiance souvent proche de l’implosion et sous un titre en forme de manifeste : Je suis Fassbinder.

Au départ, il était question du cinéaste Rainer Werner Fassbinder (1945-1982), à qui le dramaturge allemand Falk Richter et le metteur en scène français Stanislas Nordey voulaient consacrer un spectacle. Ils en étaient aux prémices quand a eu lieu la fusillade de Charlie Hebdo, en janvier 2015. Comme tout le monde, ils se sont posé la question : un artiste peut-il tout dire ? Oui, répond Je suis Fassbinder, dont Falk Richter a écrit le texte au jour le jour, en tenant compte des cinq interprètes et de l’actualité, qu’il confronte à celle des années 1970.

Un film est central dans le spectacle : L’Allemagne en automne. Sorti en 1977, il est signé de plusieurs cinéastes, dont Rainer Werner Fassbinder, qui se filme avec son amant et sa mère, avec laquelle il parle de la situation induite par les attentats terroristes de la Fraction armée rouge (RAF). Tension extrême, opinions opposées : la mère pense qu’il faudrait « un gentil Führer » pour mettre fin au chaos, quand Fassbinder voudrait voir détruit le système qui a créé ce chaos.

UN THÉÂTRE QUI COGNE, CONVOQUE FRANÇOIS HOLLANDE, ANGELA MERKEL, VIKTOR ORBAN, MARION MARÉCHAL LE PEN



Partant de là, Falk Richter écrit son « Allemagne en automne », version 2016. Il se fait le chroniqueur du temps, en s’octroyant une liberté qu’il rapproche de celle de Fassbinder  : mettre à nu ce que nous avons dans la tête, sans toujours vouloir nous l’avouer. Pour Falk Richter, il s’agit d’exorciser ce qui se passe quand on est bouleversé, perdu et angoissé, comme c’est le cas aujourd’hui. Il y a une forme de sauvagerie existentielle dans sa pièce, où la libération de la parole s’autorise tout, et où s’affrontent deux camps, comme dans le film de Fassbinder.

Cette sauvagerie envahit le plateau, où Thomas Gonzalez, Judith Henry, Eloise Mignon, Stanislas Nordey et Laurent Sauvage, habillés façon seventies, jouent le va-et-vient entre hier et aujourd’hui. Ils se donnent totalement, comme dans une bacchanale incendiaire, évidemment sexuelle, qui ne faiblit pas un instant. Ils vont même jusqu’à rejouer des scènes de films – ce qui ne passe pas du tout –, à se livrer, dans le cas de Thomas Gonzalez, à une « bite danse » fort goûtée du public ou à chanter, en faisant fondre d’amour les spectateurs.

La peur à l’œuvre

Mais ce rapprochement entre hier et aujourd’hui est aventureux. Le terrorisme suscitait dans les années 1970 une empathie ou une sympathie des artistes impensable en 2016. Falk Richter ne l’ignore évidemment pas, mais, malgré lui, il entretient entre les époques une confusion que l’on peut regretter. Ce qu’il montre bien, en revanche, c’est la peur qui est à l’œuvre, le repli sur soi qu’elle suscite, les instincts bas qu’elle réveille, les clivages qu’elle génère entre ceux qui cherchent les moyens de la combattre, et ceux qui s’en remettent à un pouvoir autoritaire, au risque de causer la perte de la démocratie.

Pour ce faire, Falk Richter va jusqu’au bout. Pas en choisissant la voie d’un théâtre politique, qu’il récuse, mais en chroniquant à voix haute l’Europe d’aujourd’hui. C’est un théâtre d’actualité qu’il écrit et co-met en scène avec Stanislas Nordey. Un théâtre qui cogne, convoque François Hollande, Angela Merkel, Viktor Orban, Marion Maréchal Le Pen ou Beatrix von Storch, petite-fille du ministre des finances d’Hitler, qui siège au Parlement européen à Strasbourg, où est créé Je suis Fassbinder, et déclare qu’on devrait tirer sur les réfugiés qui tentent de passer les frontières, femmes et enfants compris.

Mais c’est aussi un théâtre qui a ses limites  : contrairement à Fassbinder, qui dans ses films inventait un monde en partant de l’état du monde, Falk Richter ne crée pas un monde dans sa pièce. Il reproduit le nôtre, en faisant entendre ce que l’on peut se dire entre amis, ou glaner dans les médias ou au café. Poncifs compris, mais heureusement sauvés par l’interprétation des comédiens qui incarnent nos troubles d’Européens, comme il se doit, d’une manière intempestive et généreuse.

Je suis Fassbinder, de Falk Richter. Mise en scène : Stanislas Nordey et Falk Richter. Avec Thomas Gonzalez, Judith Henry, Eloise Mignon, Stanislas Nordey, Laurent Sauvage. Jusqu’au 19 mars au Théâtre national de Strasbourg. Tél. : 03-88-24-88-00. De 6 € à 28 €. Durée : 1 h 55. A partir du 24 mars en tournée à Grenoble, Rennes, Lausanne, Paris.

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A l’école du TNS quatre élèves metteurs en scène s’approprient «Trust» de Falk Richter

A l’école du TNS quatre élèves metteurs en scène s’approprient «Trust» de Falk Richter | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog de Mediapart : 

 

Je n’avais jamais vu, dans une même ville, un même texte monté simultanément dans quatre versions scéniques différentes et autant d’espaces. Quel autre lieu que l’école de théâtre pour inventer ce genre de merveille ?
 
 

Mathilde Delahaye et Maëlle Dequiedt (groupe 42, troisième et dernière année), Aurélie Droesch et Kaspar Tainturier (Groupe 43, deuxième année), élèves metteurs en scène on chacun  livré une version très personnelle de « Trust ».  Et  tout autant professionnelle : il leur a fallu gérer un budget (le même pour chacun), le travail avec des équipes techniques composites, faire cohabiter des acteurs qui ne se connaissaient pas forcément. Et faire avec un texte imposé et dans un lieu lui aussi imposé, c’était le deal mis sur la table par Stanislas Nordey, directeur du TNS (Théâtre national de Strasbourg) et de son école.

La proposition mêlait, à dessein, les promotions et les équipes. D’une part, chaque spectacle réunissait un même nombre (dix) d’élèves-acteurs, scénographes, costumiers et régisseurs de seconde et troisième année, idéal pour créer de bons frottements. D’autre part, les équipes techniques propres à l’école et au théâtre travaillaient de concert.

La boîte à outils Falk Richter

De fait, tous les services de la maison ont été mis en branle autour de ce projet sans précédent. Les quatre spectacles ont investi, pour deux d’entre eux, les salle de l’espace K.M. Gruber, un peu excentré, et, pour les deux autres,  deux salles du TNS, tandis que dans le grande salle Stéphane Braunschweig (ex directeur du TNS) donnait sa version des « Géants de la montagne », et que, dans les étages de la maison, Christine Letailleur (artiste associée au TNS) menait un atelier réunissant, via une association, des femmes ayant subi des violences, entre autres, conjugales. Le TNS est une ruche et ça butine dans tous les coins.

Le choix du texte de Falk Richter (auteur associé au TNS) est doublement passionnant. D’un côté, c’est un ensemble ouvert d’une série de textes  (certains en plusieurs parties) qu’on peut ou pas considérer comme des monologues lesquels sont le plus souvent adressés ( à soi-même, un partenaire, un inconnu, nous), dès lors, c’est une matière, une boîte à outils, qui contraint la mise en scène à des choix (quels textes dire, et comment ?) sauf à monter tel quel l’ensemble des  textes composant « Trust » ce que n’a fait aucun des quatre.

D’un autre côté, c’est un texte qui ne colle pas avec la génération des quatre jeunes metteurs en scène (comme leurs acteurs et collaborateurs, ils ont entre 21 et 26 ans) mais est évidemment synchrone avec celle d’un auteur (né en 1969), qui a vingt ans de plus que ces interprètes, tout comme Nordey (né en 1966). Cependant, ce  texte créé par l’auteur en 2009  à la Schaubühne de Berlin (Falk Richter avait alors 30 ans), aborde des thèmes qui n’ont rien perdu de leur acuité comme la crise économique ou qui ont un caractère d’éternelle modernité comme la vie à deux et son cortège de doutes. « Des êtres en quête » est le titre de la première séquence, les élèves le sont tous.

« Trust » (ce titre à tiroirs  vaut pour tous les sens qu’il a en français et en anglais), est un texte sur l’effondrement. D’un monde (Richter avait vingt lorsque le bloc soviétique et le mur de Berlin se sont  effondrés et il écrit cette pièce vingt ans plus tard), et plus encore d’un modèle économique néolibéral en crise, de valeurs (l’amour versus le sexe, l’argent versus le temps), un monde où ce ne sont pas seulement les monnaies et les gouvernements qui sont dévaluées mais aussi les croyances, la confiance en soi, en l’autre.

L'effondrement du langage

Ce qui domine, ce sont les ratés, les faillites  de ce mode de transmission et de liaison qu’est le langage. Les mots apparaissent fatigués, usés comme une vieille peluche, lessivés de leurs couleurs, vidées de leur sens, interchangeables (comme cet animateur de radio que je viens d’entendre et qui parle d’un album « surréaliste, romantique »). Un langage dont le logiciel serait en panne après des siècles de surchauffe et qui atteindrait principalement ceux qui savent en user et en connaissent les règles. Richter met en scène des êtres de sa génération, urbaine et plutôt aisée, des êtres paumés, désorientés, le plus souvent en déséquilibre. Il anticipe le monde actuel de l’IPhone où l’on filme les événements en regardant leur image sur l’écran plutôt que de les vivre.

Et pourtant, il y a chez Falk Richter une jubilation qui passe par l’humour, le gag, le foutage de gueule. La jubilation de l’écriture. Comme chez Flaubert. Qui dans son « Dictionnaire des idées reçues » définissait ainsi la peur : « donne des ailes ».

Il n’y a pas d’adhésion pleine et entière des quatre élèves metteurs en scène avec ce texte composite, pas d’osmose. Chacun à sa manière dialogue avec lui en essayant de l’apprivoiser, d’en dégager une ou plusieurs lignes de force, en se les appropriant. 

La plus drôle

Maëlle Dequiedt prend à pleines mains sa dimension drolatique dans un espace panoramique signé Heidi Folliet, fait de grands pans transparents glissant latéralement où l’écriture qui s’y inscrit et le karaoké qui surgit en cadeau bonus, viennent contrecarrer l’open space d’entreprise (avec coin détente, salle de sport) où Cyril Teste aurait pu  inscrire son théâtre/film en direct  « Nobody », un montage puisant dans différents textes de Falk Richter, spectacle réalisé il y a deux ans avec la promotion sortante de l’école de théâtre de Montpellier et qui tourne toujours.

Chacun est dans son coin, les croisements sont le plus souvent source de conflit, les alliances sont provisoires. « La résistance est-elle possible ?» se demande Richter, le spectacle de Maëlle Dequiedt se pose la même question. De quatre propositions, c’est la plus drôle.

La plus noire

Travaillant dans un espace plus confiné, Aurélie Droesch et sa scénographe Emma Depoid placent les spectateurs (en nombre très limité) au centre d’une sombre boite (sur des fauteuils pivotants renvoyant chacun à lui-même), les acteurs évoluant le plus souvent sur le pourtour fait d’échafaudages métalliques, selon un itinéraire individuel, l’écho (mots repris, voire dans une autre langue) tenant lieu de dialogue.

Chaque personnage est comme un fantôme de lui-même, habillé de mystère même quand il lui arrive de se dévêtir. Pas de contact. La solitude est-elle un baume, un poids, une fuite ? Il arrive que les corps se frôlent mais  chacun reste sur son quant à soi. C’est vers le spectateur que se noue parfois un échange possible de regards, un balbutiement de partage. Sans espoir. Des quatre propositions, c’est la plus fragile et la plus noire.

La plus dialectique

Kaspar Tainturier, lui, propose d’abord un tour de chauffe en forme de concert avant  une « installation performance » laquelle dure six bonnes heures pendant lesquelles on peut sortir et revenir à sa guise. Pas de début, pas de fin, pas d’histoire continuelle mais des ritournelles tout comme le texte de Richter. Avec sa scénographe Salma Bordes, Kaspar Tainturier fait évoluer ses acteurs dans un espace  sans cesse en composition et décomposition fait uniquement de cartons de même facture et même couleur mais de plusieurs tailles, constituant des murs (qui  tôt ou tard s’écroulent ou sont malmenés), des chemins, traçant des axes, ménageant d’éphémères fenêtres.

 Le specateur va et vient, s’assoit s’il le souhaite sur des cartons repérables prévus à cet effet (et qui eux-mêmes sont souvent changés de place), s’approche à sa guise des acteurs qui, selon les moments chuchotent leur texte, reprennent celui que l’on entend au loin, où le profèrent paré d’un élément de costume qui en jette (Oria Steenkiste), l’acteur s’affirmant comme tel. Chacun est seul, là aussi, le plu souvent. Mais, a contrario, tout le travail de portage et d’assemblage des cartons est, lui, résolument collectif, comme un contrepoint contestataire et salutaire au texte de Richter. Des quatre propositions, c’est la plus dialectique. 

La plus osée

Mathilde Delahaye elle, fait un bloc de tous ses acteurs, un commando, qui prend le texte comme un fortin à défendre armés de salves de mots, une partition musicalisée au débit saccadé, rythmée. Quand l’un des membres du commando se détache, les autres le regardent comme un porte-parole. Le théâtre se veut explicite et par tous les pores. Au début on dévoile les objets de part et d’autre de la scène, le public étant installé sur deux gradins en miroir (dispositif bi-frontal). Sous des tissus noirs, d’un côté les tables des régies lumière, son vidéo, de l’autre des chaises et tables où évolueront les acteurs sur une même  ligne. 

Au milieu, dépouillé en dernier de son étui de tissu noir lui aussi, un aquarium cylindrique où une méduse va et vient, monte ou descend indécise, calme, quasi sereine, Que signifie cette présence ? Ce que vous voudrez. Une danse d’éternité faite femme, un hommage au liquide amniotique, un interlude entre deux mondes, une métaphore de la façon dont tout corps prisonnier peut s’échapper sans bouger, une ode au silence. Etc.. De Freud à Derrida on a prêté beaucoup de talent à la méduse.  

Les acteurs s’emparent du texte de Richter pour mieux le tordre, le faire grimacer,  l’alanguir après l’avoir accéléré. Le théâtre est artifice en accord avec l’écriture de Richter qui casse tout naturalisme  naissant.

Mathilde Delahaye va plus loin, en introduisant des contre-propositions au texte de l‘auteur. Une actrice revêt une robe de mariée et  carabine en main, tire sur une planche recouverte de formes en plâtre, chaque tir faisant éclater une petite poche de couleurs. Mettant ainsi, face à Richter, la reproduction en acte d’une création (début des années 60) de Nicki de Saint Phalle, à une époque où l’avant garde artistique (à laquelle l’artiste appartenait comme ses amis et compagnons de route, Tinguely, Yves Klein et consorts) œuvrait dans la joie, le jeu et l’irrévérence sans nulle désespérance. Une autre séquence, moins lisible, nous entraine du côté d’une forêt faite de troncs miniatures en carton et de vraies feuilles mortes où deux hommes nus et maculés de boue se branchent mutuellement des électrodes qui relient leurs corps faisant ainsi  circuler le liquide émotionnel, quelque part en Henri Thoreau et les recherches les plus pointues de certains scientifiques. Des quatre propositions, c’est la plus osée.

Théâtre National de Strasbourg, jusqu’au 19 décembre, entrée gratuite, sur réservation.      

 

Et aussi : Reportage de FranceTVinfo, avec extrait en vidéo : http://france3-regions.francetvinfo.fr/alsace/bas-rhin/strasbourg/les-eleves-du-tns-livrent-quatre-versions-de-trust-de-falk-richter-878999.html
                                                                                                                                                                                       

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Printemps des Comédiens, Montpellier : Les forçats du travail en apnée dans un bocal

Printemps des Comédiens, Montpellier : Les forçats du travail en apnée dans un bocal | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Brigitte Salino pour Le Monde : 

(extrait)

Le Printemps des comédiens revit. En 2014, jour après jour, toutes les représentations du festival (sauf une) ont été annulées par la grève des intermittents du spectacle. L’ambiance était tendue sous les feuillages des micocouliers où se tenaient les assemblées générales, dans le magnifique domaine d’O qui accueille le festival, à la lisière de Montpellier. Cette année, le calme est revenu, mais la tempête a laissé des traces : le Printemps des comédiens, qui court du 10 au 28 juin, dure huit jours de moins qu’en 2014. Jean Varela, son directeur, a dû se résoudre à cette amputation pour compenser un manque à gagner de 200 000 euros.

Lire aussi : Le Printemps des comédiens veut faire aussi bien avec moins

Cette situation paraît paradoxale, quand on sait que le festival n’a pas connu de déficit l’année dernière. Son budget prévisionnel s’élevait à 2,3 millions d’euros, dont 1,3 million du conseil général, 200 000 euros de l’agglomération de Montpellier, 400 000 euros de billetterie, 100 000 euros de mécénat, et 400 000 euros de recettes diverses. L’équilibre a été atteint parce que les artistes s’étant mis en grève, leurs contrats n’ont pas été honorés (sauf ceux des compagnies étrangères). Par ailleurs, de nombreux spectateurs n’ont pas demandé le remboursement de leurs billets, par solidarité avec les intermittents, et les mécènes ont dans leur grande majorité maintenu leur participation.

Baisse de subvention

Mais le conseil général (PS) a considéré que l’annulation représentait « un préjudice moral », selon Jean Varela. Il a donc décidé de revoir sa subvention à la baisse, et de n’accorder plus que 1,1 million d’euros au Printemps des comédiens. « L’annulation en 2014 était due à une grève, donc à un motif légal », tient à rappeler le directeur du festival. « La baisse de subvention, c’est le serpent qui se mord la queue : s’il y a moins de spectacles, il y a moins de billetterie, donc moins de recettes. » Comme il ne voulait pas renoncer à ce qui lui tient à cœur, l’accompagnement ou la coproduction de spectacles comme celui de Denis Marleau (L’Autre Hiver) ou de Romeo Castellucci (Go down, Moses), Jean Varela a donc réduit la voilure, en supprimant huit jours au Printemps, et en n’équipant pas des lieux du domaine d’O, comme le bassin.

Tous les spectacles de cette 29e édition ont lieu dans des salles en bon état. C’est ainsi que, le 10 juin, jour d’ouverture, on a pu voir Nobody, d’après Falk Richter, mis en scène par Cyril Teste, au Théâtre d’O. Là, tout n’est que maîtrise et précision, tant dans le jeu que dans la mise en scène. Nobody avait été présenté une première fois, en 2013, comme un exercice d’élèves de l’Ecole nationale supérieure d’art dramatique de Montpellier. Le résultat était si encourageant qu’il a été décidé de transformer l’essai. C’est une vraie réussite. Tout se passe derrière une vitre, où l’on voit un cabinet de consultants. Clinique : des bureaux, des chaises, des ordinateurs. Et des gens, dans la trentaine, femmes vêtues de noir et portant des talons hauts, hommes en costume, sauf le chef, qui s’autorise le jean.

Soleil noir

Ils sont une douzaine, dont Jean, qui sert de soleil noir à la compagnie. C’est le seul dont les pensées nous parviennent, en off. Elles témoignent de la misère sans fond qu’il y a à vivre aujourd’hui dans un monde du travail où tout est fait pour que, au sens propre, on devienne nobody. Personne, sinon une tête et un corps chevillés à la tâche comme des galériens à leurs rames, et privés de la liberté de penser, sinon pour se mouler dans le moule jusqu’à la disparition de soi. Ne parlons pas de la vie privée : c’est une galaxie lointaine, qui devient peu à peu inaccessible, à force de contredire un quotidien où seule compte la rentabilité, au service cynique de conseils à des clients qu’il revient avant tout de dépouiller de leur argent.

Cette triste chanson, on la connaît. Mais l’Allemand Falk Richter sait la décrire comme nul autre. Pas une once de gras, mais, phrase après phrase, un constat sans appel. Les textes de Nobody proviennent de plusieurs de ses pièces (Sous la glace, Peace, Electronic City, Le Système et Ivresse), qui, à certains égards, s’inscrivent dans la lignée de celles de Michel Vinaver décrivant le monde du travail. Mais il y a aussi, chez cet auteur, un côté Botho Strauss : il brosse le portrait d’une génération, la sienne (il est né en 1969), qui flotte dans un entre-deux entre la réalité extérieure et la sienne propre. Jean en est le parfait représentant.

Il faut le voir, avec tous les autres, dans ce cabinet de consultants qui nous est montré comme un bocal. Séances de brainstorming, évaluation des uns par les autres, rentabilité à tous crins : la délation épouse le tutoiement en vigueur, la pression est omniprésente, constante, et l’issue fatale inscrite dans les germes : à la moindre faille, ces femmes et ces hommes seront mis dehors. Ils le savent. Tout cela nous est montré sans états d’âme.

Les comédiens sont filmés en direct, le noir et blanc des images répondent parfaitement au noir et blanc du bocal. Cyril Teste confirme ici son talent qui en fait un des très rares à savoir manier théâtre et vidéo. Il dirige tout aussi bien les comédiens, qui sont excellents. On les quitte déchiré : entre la glace et la brûlure.

Printemps des comédiens, domaine d’O, 178, rue de la Carriérasse, Montpellier (Hérault). Tram n° 1 (arrêt Malbosc). Tél. : 04-67-63-66-66. Jusqu’au 28 juin. Printempsdescomediens.com

Nobody tournera beaucoup la saison prochaine. Voir les dates sur Collectifmxm.com

 

Brigitte Salino (Montpellier, envoyée spéciale) 
Journaliste au Monde



En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/scenes/article/2015/06/13/les-forcats-du-travail-en-apnee-dans-un-bocal_4653432_1654999.html#UQ2yiBulfpyvLfy2.99

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