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November 30, 2024 3:34 AM
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Eric Ruf, l’homme qui a insufflé un vent nouveau à la Comédie-Française

Eric Ruf, l’homme qui a insufflé un vent nouveau à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Clément Ghys dans M le magazine du Monde - 30 nov. 2024

 

 

PORTRAIT     En dix ans à la tête de la Comédie-Française, l’acteur, metteur en scène et scénographe a profondément transformé l’institution théâtrale. Fin connaisseur de la maison, il a su y apaiser les tensions, et a contribué à la dépoussiérer. A quelques mois de passer le flambeau d’administrateur général, il s’attaque à l’œuvre monument de Paul Claudel, «Le Soulier de satin ».

Lire 'article sur le site du "Monde" : 

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/11/30/eric-ruf-l-homme-qui-a-insuffle-un-vent-nouveau-a-la-comedie-francaise_6421510_4500055.html

Marina Hands a arrêté de fumer. Elle a également cessé de boire de l’alcool et de manger du sucre. L’actrice met toute son énergie pour préparer un marathon. Mais la course dans laquelle elle s’apprête à se lancer est d’un genre particulier, elle durera plusieurs heures. Sept heures trente exactement, sur la scène de la salle Richelieu de la Comédie-Française, à Paris.

A partir du 21 décembre, la 542e sociétaire de l’institution sera Dona Prouhèze, l’héroïne du Soulier de satin, monumentale pièce de Paul Claudel datant de 1929. Des onze heures prévues par le texte intégral, le metteur en scène Eric Ruf en a gardé les deux tiers.

L’action, un amour impossible au temps des conquistadors, se déroule sur vingt ans et sur plusieurs continents. Les dialogues évoquent la foi catholique et la recherche de l’absolu, la grandeur de l’art et le poids du péché. Ce sera dur. « Eprouvant, même, précise la comédienne. Il faut adorer le théâtre pour accepter une chose pareille. » Elle sourit : « C’est mon cas. »

 

Avec elle, ils seront une vingtaine, débutants comme vétérans, à interpréter rois d’Espagne, grandes dames de la cour, suivantes, soldats et aventuriers… Tous vêtus par le couturier Christian Lacroix, tous impressionnés par cette œuvre tentaculaire et tous très fiers. Comme Birane Ba, 29 ans, dont la vocation est née quand, collégien en sortie scolaire, il était venu à la Comédie-Française. « Dans une vie d’acteur, on se dit qu’on ne jouera jamais Le Soulier de satin. Là, on atteint le Graal. »

Pièce mythique du répertoire

La pièce est si longue, si complexe à mettre en scène, qu’elle a rarement été montée. Un bon mot circule à son sujet, tantôt attribué à Jean Cocteau, tantôt à Sacha Guitry. Sortant d’une repré­sentation du Soulier de satin, l’un des deux aurait lancé : « Heureusement qu’il n’y avait pas la paire. »

 

La première a eu lieu dans le Paris occupé, en 1943 à la Comédie-Française, mise en scène par Jean-Louis Barrault, qui reprend la pièce quelques années plus tard, à l’Odéon. En 1987, Antoine Vitez marque les esprits au Festival d’Avignon et Olivier Py propose sa version au Théâtre de la Ville, en 2003. La pièce est un mythe du théâtre hexagonal, la baleine blanche des metteurs en scène.

« Ecoutez bien, ne toussez pas et essayez de comprendre un peu. » Le soir du 21 décembre, l’apostrophe de Claudel aux spectateurs lancera la course. En coulisses, Eric Ruf observera chaque détail. L’administrateur général de la Comédie-Française depuis 2014 sait que ce Soulier marque une étape dans sa carrière.

A 55 ans, l’acteur, metteur en scène et scénographe, sociétaire depuis 1998, vit ses derniers mois à la tête de l’institution. Le 4 août 2025, son mandat arrivant à son terme et la durée totale de sa mission ne pouvant excéder onze ans, il quittera son poste. Après une décennie à tenir le gouvernail de la plus vieille institution théâtrale française, Le Soulier de satin est sa bulle d’air, son bouquet final.

 

Dans son bureau aux murs couverts du trombinoscope de la troupe et où le célèbre portrait de Molière en costume antique semble le surveiller, ses yeux de félin s’animent quand il parle de Claudel. Depuis ses années de jeunesse, quand, débarqué de Belfort, il avait intégré le Cours Florent après des études d’arts appliqués, il a « joué et rejoué, écouté et réécouté cette langue lumineuse et mystique, profonde et drôle ».

 

Claudélien comme d’autres sont shakespeariens, il dit avoir eu l’idée de monter Le Soulier de satin au printemps 2021, alors que l’épidémie de Covid-19 avait fermé les salles. Une lecture intégrale de la pièce par plusieurs comédiens de la Comédie-Française a alors été filmée et diffusée sur YouTube. « Ça aurait pu être l’Odyssée, la Bible, la Torah ou le Coran… » La journaliste Laure Adler, grande connaisseuse du théâtre et admiratrice d’Eric Ruf, se réjouit de voir « ce grand metteur en scène se lancer dans un pari supposément impossible. Il en a les capacités, avec son sens inouï de l’apaisement et de la diplomatie ».

Calmer les ego

La paix. C’est ce qu’avait promis Eric Ruf en 2014. L’institution est complexe et son fonctionnement unique au monde. La troupe, colonne vertébrale de la Maison de Molière, comporte deux grades, les pensionnaires, aujourd’hui au nombre de 23, et, au-dessus, les sociétaires, actuellement 38. Ce sont ces derniers qui votent pour l’admission des premiers au rang de sociétaires. Les rivalités peuvent être tenaces. A l’administrateur général la charge de veiller au bon fonctionnement, de calmer les ego.

Il s’agit aussi d’équilibrer la programmation des 900 représentations annuelles, d’organiser les agendas, d’alterner classiques du répertoire et auteurs contemporains. A cela s’ajoute la supervision des trois salles : Richelieu, place Colette, le Studio-Théâtre, situé dans le Carrousel du Louvre, toutes deux dans le 1er arrondissement parisien, et le Vieux-Colombier, dans le 6e arrondissement… Il faut aussi encadrer les 400 employés de la maison, divisés en plus de 70 métiers, dont beaucoup au sein des ateliers de décors et costumes.

Au début des années 2010, la Maison de Molière vit un moment compliqué. Administratrice générale depuis 2006, Muriel Mayette-Holtz (nommée par Jacques Chirac en 2006 et renouvelée par Nicolas Sarkozy en 2011) est contestée par la troupe, qui lui reproche son interventionnisme et ses choix artistiques. Le Français n’a plus la cote dans le paysage du théâtre contemporain, assurent sociétaires et critiques.

En 2014, à l’issue d’un pataquès digne d’un vaudeville qui a vu s’opposer les défenseurs de Muriel Mayette-Holtz et plusieurs candidats, le président François Hollande nomme Eric Ruf (sur proposition, comme il se doit, du ministre de la culture, à l’époque Aurélie Filippetti). S’ouvre une décennie de plus grande sérénité et de succès pour la Comédie-Française.

L’héritage de Vitez

Après vingt-trois ans d’absence, la troupe fait son retour dans la cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, avec une adaptation du film Les Damnés, de Luchino Visconti, mise en scène par Ivo van Hove en 2016. D’autres grands noms du théâtre contemporain viennent monter des spectacles, comme les Français Julie Deliquet et Christophe Honoré, l’Allemand Thomas Ostermeier, la Brésilienne Christiane Jatahy.

Récemment, en arrivant place Colette, Laure Adler a vu Eric Ruf accueillir les spectateurs. « La file d’attente était très longue et il passait de l’un à l’autre pour les rassurer, dire que cela n’allait pas durer. Eux ne le reconnaissaient pas, mais il tenait son poste, comme un artisan. »

 

 

Le tableau en évoque d’autres, célèbres dans l’histoire du théâtre français : Peter Brook, qui, jusqu’à sa mort, en 2022, déchirait lui-même les tickets à l’entrée des Bouffes du Nord (Paris 10e) ; Ariane Mnouchkine, elle aussi systématiquement présente pour accueillir le public à l’entrée de la Cartoucherie de Vincennes, servant de la soupe après une représentation et remboursant les spectateurs si la pièce avait été mauvaise ; Antoine Vitez, obsédé par l’idée d’un « théâtre élitaire pour tous », écoutant les réactions du public à la sortie de Chaillot.

 

Antoine Vitez… Ce sont ses traces qu’Eric Ruf essaie aujourd’hui de suivre. Mort en 1990 à l’âge de 60 ans, figure majeure du théâtre, connu pour avoir interprété les classiques de manière nouvelle, formé des générations d’acteurs et de metteurs en scène, son nom est encore omniprésent dans les conservatoires comme à la Comédie-Française (dont il a été l’administrateur de 1988 à sa mort).

 

Ruf a monté en 2022 La Vie de Galilée, de Bertolt Brecht, trente-deux ans après Vitez, dans la même salle Richelieu. Et le voici qui dirige Le Soulier de satin, cette même pièce grâce à laquelle Vitez a, en 1987, bouleversé le public du Festival d’Avignon. Le comédien Marcel Bozonnet (administrateur général du Français de 2001 à 2006) revoit encore « les spectateurs, emmitouflés dans des couvertures, et, au lever du jour, les hirondelles qui s’envolent au-dessus des acteurs ». Eric Ruf, qui ne l’a pas vu à l’époque, en parle comme s’il s’agissait d’un épisode mythologique : « Les acteurs s’endormaient en coulisses, à même le sol. Il fallait les enjamber, comme des corps dans un champ de bataille, pour rejoindre les planches de la cour d’honneur. »

 

 

La critique de 1987 : Article réservé à nos abonnés "Le Soulier de satin", mis en scène par Vitez : La communion avec l'aurore
 

Il s’inscrit à sa manière dans cette histoire. Pour le rôle de Don Pélage, le mari de Dona Prouhèze, qu’Antoine Vitez lui-même tenait en 1987, il a choisi Didier Sandre, qui, il y a près de quarante ans, était Don Rodrigue, l’amour impossible de Prouhèze. « Ce personnage est celui dont on me parle le plus, il n’a cessé de m’accompagner, confie le comédien au regard intense. Eric me fait un cadeau en m’offrant celui de Pélage, dont je découvre, des années après Antoine, la force. » Le théâtre est aussi fait de ces histoires intimes… La Dona Prouhèze d’Antoine Vitez, Ludmila Mikaël, est ainsi la mère de Marina Hands. « J’avais 12 ans, j’ai le souvenir précis d’être la seule enfant dans le public, raconte cette dernière. C’était vivant et c’était drôle. »

Chef de troupe et mentor

Comme son modèle autrefois, Eric Ruf fait aussi vivre des acteurs émergents. Ce qu’il était d’ailleurs lui-même à son arrivée dans la troupe, en 1993. « Des jeunes premiers aussi impressionnants, on n’en avait pas eu depuis bien longtemps », sourit Marcel Bozonnet.

Aujourd’hui, pour le rôle de Rodrigue, il a choisi Baptiste Chabauty, entré à la Comédie-Française en novembre 2023 en tant que pensionnaire et qui s’apprête à jouer pour la première fois dans la salle Richelieu. « Et pas avec n’importe quel rôle ! C’est beau d’être, à peine arrivé, plongé dans une telle histoire du théâtre », sourit l’acteur à la longue silhouette et aux cheveux blonds décolorés – « Je ne les aurai plus dans Le Soulier, Eric me l’a demandé », précise-t-il.



Avec sa haute taille, son autorité naturelle, Eric Ruf joue à merveille le rôle de chef de troupe qui tente de désamorcer les moments de tension avec une blague. En répétition, ce jour d’octobre dans un sous-sol du théâtre, une expression de Claudel, « reprendre son âme », déstabilise les comédiens. « Je n’y comprends rien, s’amuse Eric Ruf. Est-ce qu’il y a des catholiques dans la salle ? »

Surtout, il apprécie d’être un mentor. « Je m’adapte aux acteurs, explique-t-il. Marina, que je connais très bien, est comme un pur-sang pour qui je dois trouver le bon terrain. Avec Baptiste, c’est différent. » Il lui donne des conseils pratiques. « Dis le texte sans y penser, comme si tu récitais une formule mathématique. Deux plus cinq fois quatre plus cent divisé par six… » Baptiste Chabauty s’exécute. Le metteur en scène lui demande d’élever la voix : « Pense au public. Il est là depuis cinq heures, il s’endort. Il faut le réveiller un peu. »

 

Même attention pour Edith Proust, la petite nouvelle de la troupe, entrée en avril. Elle joue la suivante de Dona Prouhèze. La jeune femme est impressionnée. « Mais je suis avec des pros, sourit-elle. Marina, une très grande dame du théâtre, m’emmène. Et Eric me guide. » Quand, au cours d’une scène, elle fait tomber une chaise, le metteur en scène fait une plaisanterie, comme pour la rassurer : « On va la laisser comme ça, on dira que c’est ma scénographie. »

Des comédiens « bankables » au cinéma

En dix ans, il a fait entrer de nombreux pensionnaires. Sa plus grande fierté est « l’ouverture à la diversité » : « C’est Marcel Bozonnet qui avait lancé cet élan révolutionnaire. Je l’ai suivi. Des acteurs noirs comme Birane Ba, Claïna Clavaron, Séphora Pondi ou Sefa Yeboah sont arrivés. C’est capital de les considérer comme ce qu’ils sont, d’excellents comédiens, et de leur donner des rôles classiques. »

Ainsi de Birane Ba, qui s’apprête à jouer plusieurs rôles, dont celui du vice-roi de Naples. Il salive déjà à l’idée de ces moments où, assis en coulisses entre ses scènes, il ne perdra pas une miette des interprétations de ses camarades. Les jeunes assistent, fascinés, à l’aisance de leurs aînés. Ainsi de Serge Bagdassarian, sociétaire haut en couleur. Il répète une scène comique, puis décrit son costume : « Christian Lacroix m’a dessiné une gambas royale. C’est merveilleux. Mon chapeau ? Un Annapurna ! » Eclat de rire général.



Eric Ruf tient à faire de ces répétitions joyeuses le symbole de l’esprit apaisé qu’il a voulu insuffler à la Comédie-Française. Longtemps, la troupe s’est écharpée au sujet des « congés », ces moments accordés par l’administrateur général, au cours desquels pensionnaires et sociétaires allaient jouer dans d’autres théâtres ou dans des films.

La direction doit trouver le bon dosage entre des absences à volonté, qui font exister la troupe par le biais de la mention « de la Comédie-Française » dans les génériques, et un agenda plus contraint, nécessaire à un bon fonctionnement. « Quand je suis arrivé, seule une poignée de sociétaires tournait des films. Aujourd’hui, ils sont partout », se réjouit Ruf.

Certes, les grands noms (Denis Podalydès, Guillaume Gallienne, Michel Vuillermoz…) brillent, mais d’anciennes jeunes pousses ont réussi à se faire une jolie place : Benjamin Lavernhe, Sébastien Pouderoux… Au point que certains ont même quitté la Comédie-Française pour se consacrer au cinéma, tels Rebecca Marder, en 2021, et Laurent Lafitte, en 2024. Eric Ruf est ravi : « La troupe est bankable pour les directeurs de casting. »

Quel successeur pour le « jardinier » Ruf ?

Mais c’est une autre audition, très discrète, qui se joue en ce moment. Le Tout-Paris de la culture s’interroge sur le nom de son successeur, qui sera désigné par le locataire de l’Elysée. Le producteur de spectacles Jean-Marc Dumontet, proche du couple présidentiel, assure que « Brigitte et Emmanuel Macron sont des passionnés de théâtre et de la Comédie-Française ». « Ils s’y rendent souvent et le président suit de très près le dossier », dit-il. Selon l’usage, la nouvelle nomination devrait être annoncée peu de temps avant le départ d’Eric Ruf, soit au début de l’été.

Dans les couloirs de la Comédie-Française ou à la terrasse du Nemours, café de la place Colette où la troupe a ses habitudes, on se perd en conjectures. L’acteur et metteur en scène Clément Hervieu-Léger, 47 ans, serait candidat et aurait les faveurs de la troupe. D’autres noms, qui ne sont pas issus du Français, circulent.

Les questions se multiplient : Emmanuel Macron suivra-t-il, sur ce sujet précis, la proposition de la ministre de la culture, Rachida Dati ? Et écoute-t-il Guillaume Gallienne, l’une des rares personnalités culturelles présentes à son investiture, en mai 2022 ? Ou l’acteur et metteur en scène Christian Hecq, dont il apprécie le travail ?

 

Eric Ruf, de son côté, se dit « prêt à donner son avis » au ministère ou à l’Elysée : « Je pourrais faire mine de ne pas vouloir savoir, mais nous avons la chance d’avoir une maison qui va bien. Autant en profiter pour que le tuilage se déroule correctement. » Il sait qu’à un moment « la tutelle [le ministère et l’Elysée] va me demander mon avis ». A-t-il un candidat en tête ? Il assure que non.

Il se souvient de ses propres mots à François Hollande, lors de son entretien de candidature : « Vous avez le choix entre un jardinier et un paysagiste [Eric Ruf, donc, et le metteur en scène Stéphane Braunschweig]. Entre quelqu’un qui n’est peut-être pas révolutionnaire, mais qui connaît très bien le terrain, qui sait comment réagit l’humus, qui a l’historique des lieux, et un autre qui a une magnifique vision d’ensemble, mais qui risque de faire des erreurs avec les plantes. » Le pragmatisme l’avait emporté. L’époque est-elle la même ? Il ne répond pas, mais semble pencher pour qu’un « jardinier » – quelqu’un de la troupe – lui succède. Et donc, Clément Hervieu-Léger.

« Par les temps qui courent, assure Eric Huf, Il faut savoir naviguer dans le monde politique, avoir quelques numéros de téléphone. Les montées de sève idéologiques, ce n’est pas nécessaire. » Sans le démentir, Laure Adler précise néanmoins : « C’est formidable que des jeunes metteurs en scène, des gens qui ont une vision nouvelle, candidatent à la Comédie-Française. Cela dit la vitalité de l’institution. » Jean-Marc Dumontet, adepte du « en même temps » macroniste, assure qu’il faut « mêler la tradition et l’audace ».

Incertitudes budgétaires et politiques

La réalité, elle, est incertaine. En avril, dans le cadre d’une baisse de crédits de 204 millions d’euros pour le ministère de la culture, la Comédie-Française s’est vue amputée d’une enveloppe de 5 millions d’euros, le budget de 24,6 millions d’euros devant être conservé pour l’année 2025. D’autres institutions parisiennes (l’Opéra, le Louvre, les théâtres nationaux de Chaillot et de la Colline, entre autres) ont également été affectées.

Eric Ruf connaît « les coups de bambou des décisions budgétaires ». « La très grande déception » de ses mandats, comme il dit lui-même, aura été l’échec de la Cité du théâtre, ambitieuse opération lancée par François Hollande en 2016, visant à réunir sur le site des Ateliers Berthier (Paris 17e), le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, de nouveaux espaces pour le Théâtre national de l’Odéon (déjà présent dans les lieux) et une nouvelle salle pour la Comédie-Française. Le budget ayant explosé et les pouvoirs publics étant terrifiés par des accusations de parisianisme, le projet a été abandonné à l’automne 2023. « Je ne peux que souhaiter au Français d’avoir, enfin, cette nouvelle salle tant attendue. »

 

En deux mandats, Eric Ruf aura vécu deux élections présidentielles, au cours desquelles Marine Le Pen a, à chaque fois, accédé au second tour. Lui-même a, à plusieurs reprises, évoqué la figure de son père, cardiologue à Belfort, homme de haute culture et adhérent du Front national (aujourd’hui Rassemblement national).

 

En mai 2017, dans l’entre-deux-tours, il écrit dans Le Figaro une tribune où il raconte, « pour l’avoir vécu (intimement), ce que donneraient des générations nourries au lait empoisonné du Front national ». Il confie alors : « Mon père était un homme peu aimable, je l’ai aimé, je suis son fils, mais il m’a malheureusement légué une grande part de ses angoisses et de son incapacité au monde. (…) Mon métier, le théâtre, m’a sauvé. »

En 2027, son successeur verra-t-il sa tutelle passer à l’extrême droite ? Place Colette, l’angoisse est la même que dans les autres institutions patrimoniales (Le Louvre, l’Opéra…), où l’on craint l’ingérence d’un pouvoir qui les instrumentaliserait et en ferait les modèles d’une culture française étroite et cocardière.

Richelieu dans « Les Trois Mousquetaires »

La dernière du Soulier de satin aura lieu le 13 avril. Quelques mois plus tard, Eric Ruf quittera Molière et son bureau. Il assure ne pas savoir ce qu’il va faire. Diriger un autre théâtre ? « Aucun ne vaut la Comédie-Française. » Il ne balaie pas l’idée de prendre la tête d’une école, d’une maison d’art lyrique.

Devenu sociétaire honoraire au Français, titre prestigieux, il aimerait continuer d’y jouer et d’y faire des scénographies. Il voudrait faire plus de cinéma : l’exposition que lui a apportée son rôle du cardinal de Richelieu dans les deux volets des Trois Mousquetaires (2023), de Martin Bourboulon, n’est pas pour lui déplaire.

Sur un mur qui jouxte le bureau de l’administrateur général, une plaque de marbre porte le nom de tous ceux qui ont dirigé la troupe, de Molière à Muriel Mayette-Holtz, Antoine Vitez inclus. Il n’y a plus de place pour aucun nom. Un panneau sera alors installé sur le mur d’en face, avec celui d’Eric Ruf inscrit en lettres dorées. Il sera en bois. « Le marbre, ça fait monument aux morts. Là, c’est une page qui se tourne et une autre qui s’ouvre. » Pour lui comme pour la troupe.

 

Clément Ghys / Le Monde

 

Légende photo : Eric Ruf  Photo © BENJAMIN MALAPRIS POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

 

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January 13, 2022 12:54 PM
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Eric Ruf : « Molière a tout organisé pour qu’on fantasme sa figure »

Eric Ruf : « Molière a tout organisé pour qu’on fantasme sa figure » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Fabienne Darge dans Le Monde - 13 janvier 2022 

Légende photo : Eric Ruf, à la Comédie-Francaise, à Paris, le 12 janvier 2022. JEROME BONNET / MODDS POUR « LE MONDE »

 

Dans un entretien au « Monde », Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, explique que l’irrévérence est essentielle pour représenter et jouer ce génial dramaturge.

 

La Maison de Molière fête son patron, dont on célèbre, à partir du 15 janvier, le 400e anniversaire de la naissance. Jusqu’à la fin juillet, la programmation de la Comédie-Française sera entièrement moliérienne, avec une vingtaine de spectacles et de propositions diverses : douze créations signées par Ivo van Hove, Julie Deliquet, Lilo Baur ou Louise Vignaud, et les reprises d’excellents spectacles. Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, revient sur cette saison Molière.

Molière est-il un célèbre inconnu ?

J’ai un peu cette impression. Si on considère qu’il n’est pas un homme sur un piédestal avec du plâtre partout, qui est-il ?

J’aime beaucoup le film réalisé par Ariane Mnouchkine en 1978, avec Philippe Caubère dans le rôle de Molière : elle le montre avant tout comme un homme, avant d’être une grande figure nationale. Et elle le filme dans son mystère, ce qui me plaît beaucoup et me semble très juste. On s’est rendu compte en travaillant sur cette saison Molière et sur les expositions avec la Bibliothèque nationale de France (BNF), que, à force de se pencher sur lui, on ne faisait qu’amplifier ce mystère, au lieu de l’éclaircir.

 

Est-ce dû notamment au fait que Molière n’a pas laissé de manuscrits, de lettres ou d’écrits intimes ?

Certainement. C’est étrange d’ailleurs que quelqu’un qui n’a pas laissé d’écrits soit aussi célébré. Molière ne se savait pas Molière ni quelle trace il allait laisser dans l’histoire. Son cas est vraiment étonnant : c’est comme s’il avait tout organisé pour qu’on fantasme sa figure.

Dans le cadre de cette saison Molière, j’ai demandé à Agathe Sanjuan, l’archiviste en chef de la Comédie-Française, de me sortir soixante portraits de lui. Il n’y en a pas un qui ressemble à l’autre et il y a des différences énormes entre certains portraits. Lequel est le vrai ? On dit que ce sont les portraits des frères Mignard, Nicolas et Pierre, lesquels sont les portraits officiels, qui sont les plus proches de la vérité du modèle. Mais en même temps on sait ce que veulent dire les portraits officiels…

Comment expliquez-vous cette absence d’écrits ? Est-ce dû à un Molière homme extrêmement occupé, acteur, auteur, chef de troupe, organisateur des plaisirs du roi ? Ou ces documents constitueraient-ils un trésor enfoui quelque part ?

Je ne me risquerai pas à commenter les diverses légendes qui courent depuis le XVIIe siècle… Je me dis juste qu’un hyperactif aurait justement eu le temps d’écrire ses propres mémoires, sa propre légende.

Mais on voit bien que sa vie fut d’une rare densité – d’ailleurs la richesse de son œuvre est sans doute due au fait qu’il écrivait aussi pour dénouer des nœuds contemporains. Ecrire très vite, suivre le goût du public, convenir à la demande, en tant que directeur de troupe, même quand ce n’était pas forcément ce qu’il aimait lui, faire en sorte que le roi soit content et donc être obligé d’allier ses propres tropismes aux plaisirs royaux… Tout cela a fait que, entre ce qu’il voulait écrire profondément, là où il ne s’oubliait pas, et là où il répondait à la commande, il y a une grande richesse.

 

 

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés Christian Hecq et Denis Podalydès, à propos de Molière : « Un rire de qualité est toujours accompagné de noirceur »

Mais je trouve beau que celui qui est le plus resté dans l’histoire soit celui qui pensait le moins s’y inscrire. Il ne cultivait pas sa propre légende de son vivant, il n’y faisait pas du tout attention. Je ne crois pas trop à l’existence d’écrits qui auraient été perdus. Généralement on dissémine beaucoup au cours d’une vie, surtout une vie comme la sienne. On aurait donc dû logiquement retrouver certains de ces papiers s’ils avaient existé.

Quelles sont les grandes lignes qui ont présidé à cette saison Molière ?

Ce que je voulais absolument, c’est que l’on puisse y voir des mises en scène et des pensées très différentes. Que l’on ressorte avec un éventail large, que l’irrévérence soit de mise et la découverte aussi.

Ce sera le cas avec ce Tartuffe « inédit » recréé par le grand spécialiste de Molière qu’est Georges Forestier et que met en scène Ivo van Hove en ouverture de cette saison. Je suis particulièrement fier de pouvoir dire que l’on fait une création mondiale d’une pièce de Molière en 2022 à la Comédie-Française !

Pourquoi l’irrévérence vous semble-t-elle si importante pour représenter Molière aujourd’hui ?

Les notions de respect et d’irrespect sont magnifiquement intéressantes au théâtre. Le respect parfois tue totalement les pièces, d’où l’admiration que j’ai pour des metteurs en scène comme Ivo van Hove ou Thomas Ostermeier, dont j’aurais rêvé qu’il fasse partie de cette programmation, ce qui n’a malheureusement pas pu être possible. Il faut savoir faire preuve de sauvagerie par rapport au répertoire, retrouver du muscle, pour respecter le muscle d’origine des grands auteurs.

Il ne s’agit donc pas de s’agenouiller devant une statue qui ne lui ressemble pas. Ce serait absurde. C’est un écrivain extraordinaire, mais, à partir du moment où on dit aux jeunes générations qu’il faut le respecter, on prend le risque de l’empeser. Et il est plutôt logique d’être irrévérencieux avec quelqu’un qui l’était lui-même.

Vous proposez non seulement des mises en scène des pièces mais aussi des spectacles sur Molière, signés par Julie Deliquet et Louise Vignaud notamment. Pourquoi ?

Au départ, c’est parti de cette obsession que j’ai pour Molière vu par les acteurs et pour les liens entre sa troupe et la nôtre, quatre cents ans après. Ce qui me fascine, ce sont les passations qui se sont faites d’un acteur à l’autre, au fil de ces quatre siècles.

J’en ai parlé à Julie Deliquet, pour qui la question de la troupe est au cœur du théâtre. Elle a eu envie de se lancer dans un portrait, en découvrant nombre d’aspects méconnus de la vie de Molière et de sa troupe : c’étaient des gens qui vivaient de manière confortable mais dans une marge de citoyenneté qui n’était pas simple. Mais, dans cette marge, ils avaient établi des principes d’égalité très étonnants pour l’époque, notamment entre hommes et femmes, qu’il s’agisse des salaires ou des prises de décision dans la troupe.

 

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Quant à Louise Vignaud, elle a eu envie de s’intéresser au sujet passionnant de la fascination de l’écrivain russe Mikhaïl Boulgakov pour Molière et de mettre en regard ces deux figures qui ont eu maille à partir avec la censure. Tout cela participe du même désir, du même principe de départ, de se dire que l’on a le droit de construire à partir de Molière.

Vous avez peu joué Molière vous-même, sauf au début de votre carrière, et vous ne l’avez pas mis en scène, sauf pour un « théâtre à la table ». Dans cette œuvre très diverse, quel est votre Molière ?

Il y a trois grandes qualités chez Molière : c’est un dramaturge hors pair qui sait écrire avec une rare efficacité. Il est un analyste précis des défauts humains, qui n’ont pas beaucoup changé. Et puis il y a le Molière qui travaille, un être obscur, qui, à l’intérieur de toute cette comédie, dit des choses de lui et a des réflexions sur son art. Avec beaucoup de courage, souvent, voire d’amertume.

 

 

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Ce Molière-là me touche beaucoup. Il y a quelque chose de pirandellien chez lui, une dimension métathéâtrale d’une grande modernité. Et une manière de creuser ses propres pulsions, sa psyché et la nôtre, avec une honnêteté incroyable. Une profondeur, aussi, dans le rapport à la mort comme dans Le Malade imaginaire, la pièce qu’il jouait quand il est mort lui-même. Je ne dis pas cela pour aller dans le sens des légendes autour de sa disparition, mais sa manière de mettre en jeu la présence de la mort dans cette pièce est troublante.

Que diriez-vous à un jeune d’aujourd’hui pour qui Molière semblerait appartenir à une planète lointaine ?

Qu’il faut venir le voir à la Comédie-Française ! J’aimerais que, à l’issue de ces créations, des jeunes se disent : « Waouh, on a le droit de faire cela avec Molière ? » Que les spectateurs puissent sortir avec plus de questions que de réponses, en se trouvant ébahis qu’un auteur vieux de 400 ans soit encore capable d’inspirer des modes, des formes, des pensées sur le théâtre, des manières de décorer et de costumer si différentes.

 

 

Lire aussi  Article réservé à nos abonnés La folle aventure du « Tartuffe » de Molière

Je dirais surtout que Molière est un personnage beaucoup plus complexe, plus libre, plus ombré que n’en laisse voir son statut d’auteur imposé dans les programmes scolaires. On a un peu tendance à vouloir faire lire les classiques aux jeunes sans leur expliquer que seul le sentiment d’appartenance et d’appropriation relève du classique. Si Molière est un classique, c’est parce qu’il y a encore quelque chose qui nous parle là-dedans et qu’il faut aller chercher, en intégrant une dimension ludique. Jouer avec Molière autant que jouer Molière, autrement dit.

 

 

Programmation
  • A la Comédie-Française (Salle Richelieu)

Le Tartuffe ou l’Hypocrite, mise en scène Ivo van Hove. Du 15 janvier au 24 avril.

Le Misanthrope, mise en scène Clément Hervieu-Léger. Du 2 février au 22 mai.

Le Malade imaginaire, mise en scène Claude Stratz. Du 21 février au 3 avril.

L’Avare, mise en scène Lilo Baur. Du 1er  avril au 24 juillet.

Les Fourberies de Scapin, mise en scène Denis Podalydès. Du 22 avril au 10 juillet.

Le Bourgeois gentilhomme, mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort. Du 7 mai au 21 juillet.

Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres…, par Julie Deliquet. Du 17 juin au 25 juillet.

 

  • Théâtre du Vieux-Colombier

Dom Juan, mise en scène Emmanuel Daumas. Du 29 janvier au 6 mars.

Les Précieuses ridicules, mise en scène Sébastien Pouderoux et Stéphane Varupenne. Du 25 mars au 8 mai.

Le Crépuscule des singes, d’après les vies de Molière et Boulgakov, par Alison Cosson et Louise Vignaud. Du 1er juin au 10 juillet.

 

  • Studio-Théâtre

Six propositions par les acteurs de la troupe, du 27 janvier au 3 juillet.

 

Exposition : Molière en costumes : Centre national du costume de scène et de la scénographie, Moulins, du 26 mai au 1er novembre.

A lire : Molière, de Georges Forestier (Gallimard), 24 €.

A voir : Molière, par Ariane Mnouchkine, en Dvd, 33 €. Ou en Vod sur BelAir classiques, à partir de 4,99 €.

 

Fabienne Darge

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May 4, 2017 5:55 PM
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Éric Ruf : «Mon père, électeur du Front national»

Éric Ruf : «Mon père, électeur du Front national» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

TRIBUNE publiée dans Le Figaro  - L'administrateur général de la Comédie-Française évoque l'engagement de son père, homme de haute culture. Une réflexion courageuse et digne qu'il nous livre sous l'incipit : «Mon père était un homme intelligent...».



Mon père était un homme intelligent et lettré. Il vantait à sa descendance la lecture nécessaire des classiques, l'éduquait à la musique, il était de ces gens qu'on qualifie d'élite.


Mon père était électeur du Front national, à une époque où il était dur de le dire. Sur la table du salon, côtoyant les grands auteurs qui sont le socle de notre conscience au monde, se trouvait National Hebdo, le journal du Front national au discours haineux et à la prose déficiente. Je ne comprenais pas ce paradoxe mais il m'est vite apparu alors que les thèses de Jean-Marie Le Pen, loin de faire appel à l'intelligence ou aux qualités d'analyse de mon père, ne faisaient que répondre à ses peurs et à sa solitude profonde en leur donnant un moyen d'expression et une justification aisés.


«Ni l'âge, ni le sexe, ni le niveau de diplôme, ni la culture, ni la couleur de peau n'ont autorité au théâtre»


Mon père était un homme peu aimable, je l'ai aimé, je suis son fils, mais il m'a malheureusement légué une grande part de ses angoisses et de son incapacité au monde.


J'ai peur mais cette peur qui m'appartient, qui me taraude, je refuse de la remettre en des mains indélicates et intéressées. C'est à moi de la combattre et de la transformer si je puis.


Mon métier, le théâtre, m'a sauvé. Je l'ai choisi et il est devenu ma vie parce qu'il m'oblige tous les jours à rebattre mes cartes, à rencontrer sans cesse de nouvelles personnes et de nouvelles méthodes, parce que ni l'âge, ni le sexe, ni le niveau de diplôme, ni la culture, ni la couleur de peau n'y ont autorité, parce qu'il ne travaille que sur l'universalité du monde et qu'il le brasse dans son infini mystère. Le théâtre me sauve parce qu'il m'oblige à sortir de ma tanière et travaille le meilleur de moi-même en ne laissant pas grandir le pire. Ce combat en moi n'est et ne sera jamais gagné mais je sais, pour l'avoir vécu, ce que donneraient des générations nourries au lait empoisonné du Front national.


«Marine Le Pen n'est que le simple réceptacle de nos peurs et de nos colères individuelles»


Ce parti auquel adhérait mon père, celui qui accède au second tour de l'élection présidentielle aujourd'hui, n'a pas changé. Sa force consiste toujours à remuer en nous nos facilités, notre dépit, notre haine de nous-mêmes et des autres. Actuellement on parle de peur du déclassement ou du refus de la mondialisation mais la recette est la même qu'hier: vanter des solutions simplistes en désignant des boucs émissaires, faire croire qu'un État plus fort, plus autoritaire, plus protectionniste aurait des solutions à tous nos problèmes, et donner crédit à cette omnipotence au simple prétexte que ceux-là on ne les aurait pas encore essayés. C'est faux. Aucune équation simple ni aucune posture martiale ne dénoueront jamais la complexité du monde dans lequel nous sommes précipités et l'Histoire témoigne douloureusement d'expériences plus que malheureuses, d'essais avérés et terrifiants.


Ce n'est pas Marine Le Pen qui est dangereuse, c'est nous qui le sommes à nous-mêmes. Si des millions d'électeurs lui apportent leur suffrage, ce n'est pas parce que son autorité est grande, elle n'est finalement que le simple réceptacle de nos peurs et de nos colères individuelles. Si ce n'était elle, nous en inventerions un autre.


Alors, pour interdire qu'on élève en nous ce que nous devons refuser de voir poindre, je voterai Emmanuel Macron sans aucune hésitation.


Eric Ruf

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February 21, 2017 5:48 PM
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Théâtre : Eric Ruf remplace Jacques Lassalle au pied levé

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Par Fabienne Darge dans Le Monde


L’administrateur de la Comédie-Française mettra en scène « Bajazet » à la place de « La Cruche cassée » au Vieux-Colombier.


Le metteur en scène Jacques Lassalle, qui fut administrateur de la Comédie-Française de 1990 à 1993, ne mettra pas en scène La Cruche cassée, d’Heinrich von Kleist. Suite à des difficultés insurmontables dans le montage de la production, la Comédie-Française a dû renoncer à ce spectacle qui était programmé au Théâtre du Vieux-Colombier, la deuxième salle de la Comédie-Française, du 29 mars au 7 mai.

C’est l’administrateur de la maison de Molière, Eric Ruf, qui s’est chargé de remplir le vide ainsi créé dans sa saison. Il mettra en scène Bajazet, de Racine, avec la distribution qui était prévue pour La Cruche cassée : Denis Podalydès, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella, Alain Lenglet, Anna Cervinka… Le spectacle, programmé du 5 avril au 7 mai, permettra de retrouver l’une des pièces les moins jouées du maître de la tragédie classique à la française, écrite en 1672 et qui, au Français, n’a pas été montée depuis 1995.

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June 28, 2016 4:19 PM
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Théâtre : Éric Ruf "refuse d'être un militant à la petite semaine"

Théâtre : Éric Ruf "refuse d'être un militant à la petite semaine" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

"Entretien par Igor Hansen-Love pour l'Express



A Avignon, nous allons nous mesurer à ce qui se fait de mieux en Europe", estime Éric Ruf.
L'administrateur général de la Comédie-Française a fait revenir sa troupe à Avignon, où elle n'avait pas joué depuis vingt-trois ans. Volubile, il évoque la place de la politique au théâtre, l'avenir du spectacle vivant et la pièce Les Damnés, événement du Festival.

Pourquoi a-t-il fallu attendre vingt-trois ans pour que la Comédie-Française revienne au Festival d'Avignon? 

Avignon est le plus beau festival de théâtre au monde. Les possibilités de programmation sont extrêmes et les places peu nombreuses. Depuis sa création, tous ses directeurs font des choix personnels pour mettre en valeur un certain style de théâtre. Les derniers en date, Vincent Baudriller et Hortense Archambault, étaient tournés vers des écritures contemporaines, à mille lieues du répertoire de textes et de sens de la Comédie-Française. Il n'y a eu aucune fâcherie, nous n'étions simplement pas dans leur angle de vision. Avec l'arrivée en 2014 du directeur actuel, Olivier Py, l'éventualité de notre retour a été de nouveau envisagée. 

Qu'avez-vous à y gagner? 

En France, tout nous distingue: la Comédie-Française est le seul théâtre avec une troupe permanente, elle bénéficie de la subvention la plus importante, ses conventions collectives et modes de rémunération sont uniques... Et cette configuration, si particulière, peut nous couper du monde. Au Festival d'Avignon, nous allons nous mesurer à ce qui se fait de mieux en Europe. Nous aurons aussi la possibilité de toucher un public qui n'est pas le nôtre. Et, si le spectacle est réussi, il incitera sûrement de nouveaux metteurs en scène à venir créer des pièces chez nous. Notre maison doit revenir dans le concert des nations théâtrales. D'ailleurs, j'avais évoqué l'idée de ce retour à Olivier Py avant même de devenir administrateur général. L'enjeu est très important. 

La pièce que vous jouerez, Les Damnés, est l'adaptation d'un film de Luchino Visconti réalisé en 1969. La Comédie-Française n'a pas l'habitude de puiser dans le répertoire du cinéma... 

Au dernier Festival de Cannes, le jeune réalisateur Xavier Dolan a remporté le grand prix avec Juste la fin du monde, l'adaptation d'une pièce de Jean-Luc Lagarce. Pourquoi, en retour, le théâtre ne pourrait-il pas s'inspirer du cinéma? C'est de bonne guerre! En France, nous avons tendance à sacraliser certaines oeuvres. A l'étranger, les grands metteurs en scène n'hésitent pas à couper, à recoller, à mélanger les textes et bousculer les genres. Et ainsi, souvent, je trouve qu'ils accèdent mieux à la substantifique moelle de l'oeuvre. Par ailleurs, Ivo van Hove, l'artiste belge qui a choisi de mettre en scène Les Damnés, ne se contentera pas de reproduire le film sur un plateau; il ne l'a pas vu depuis vingt ans. 

"Au sein de la nouvelle génération, les femmes sont bien meilleures que les hommes. A la mise en scène comme au jeu", soutient Éric Ruf. 
Dans ce film, il est question de la montée du nazisme. Aujourd'hui, les partis d'extrême droite s'imposent en Europe. Le choix de ce texte est-il aussi politique? 

Bien sûr. 

Par le passé, la maison de Molière n'avait pas pour vocation de s'engager. Faut-il y voir un changement? 

Attention, si cette pièce traite de politique, son choix n'est pas un acte militant. Les Damnés est un spectacle politique au même titre que Britannicus de Racine, que nous jouons actuellement salle Richelieu. La Comédie-Française n'a pas à apporter de solutions toutes faites; elle doit faire réfléchir. En l'occurrence, ce texte pose la question suivante: comment un peuple entier a-t-il pu être fasciné par le nazisme ? Visconti y répond en faisant appel à Shakespeare... Tandis que Shakespeare, lui, faisait appel aux tragédiens antiques. Le temps du théâtre n'est pas celui de l'actualité; c'est sa force. Son histoire et sa culture montrent qu'il y a plusieurs siècles, les mêmes problèmes existaient déjà. 

Ce constat n'est-il pas désolant? 

Je ne trouve pas. Il rend philosophe. 

Tout de même ! On peut réfléchir et prendre position. 

Vous voulez me faire dire que je suis contre l'extrême droite? Ce n'est pas évident? Si je résiste à cette question, c'est parce que je refuse d'être un militant à la petite semaine. Premièrement, le choix des Damnés n'est pas le mien, mais celui d'Ivo van Hove. Ensuite, je ne conçois pas un plateau de théâtre comme une agora mais comme le fruit du travail d'une administration, des comédiens, des costumiers, des accessoiristes, des metteurs en scène... Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des politiciens qui nous assènent des solutions prétendument simples pour sauver la France. Le rôle du théâtre, à mon sens, consiste à rendre compte de l'état du monde de façon moins didactique, plus complexe et plus contradictoire que ce que l'on voit tous les jours sur BFM TV. 

Faudra-t-il continuer à défendre le régime spécifique d'assurance-chômage des intermittents? 

Bien sûr ! L'intermittence est juste. S'il est nécessaire de lutter contre certains abus, l'équation fondamentale reste simple : sans ce régime, pas de spectacle vivant. Les périodes où les artistes ne se produisent pas revêtent un caractère aussi important que leur activité visible. Il me paraît logique que l'exception culturelle française s'accompagne d'une organisation exceptionnelle. 

L'économie et la pratique des arts ont été mises sens dessus dessous par la révolution numérique. Le théâtre restera-t-il toujours imperméable aux mutations technologiques? 

Internet a modifié la façon de réserver nos places de spectacle, mais, au fond, cet art n'a pas vraiment changé depuis plus de deux mille ans. L'invariant est là: les gens auront toujours besoin d'aller voir des acteurs, sur scène, dans le plus grand dénuement. Et voilà pourquoi: un comédien a beau apprendre son texte au rasoir, moduler délicatement sa voix ou enregistrer ses déplacements au millimètre, le public n'est jamais aussi captivé que lorsque l'acteur oublie ses répliques, déraille, et se met à rire. La possibilité même de cet événement met le spectateur dans une disposition d'esprit unique. Elle engendre des émotions d'une puissance inégalable. Le théâtre est organisé pour que l'éclat de la vie surgisse sur scène. C'est ce qui le rend imperméable à la technologie. 

Vous avez programmé une majorité de femmes metteurs en scène la saison prochaine. Pratiquez-vous une politique de discrimination positive? 

Absolument pas. Je me suis appuyé uniquement sur des critères artistiques. Je ne suis pas le héros d'une cause, mais le simple témoin d'une évolution. Ma prédécesseur, Murielle Mayette-Holtz, cherchait la parité, mais ce fut difficile car certaines artistes souffraient encore d'un souci de légitimité. Les temps ont changé; j'en suis ravi. Je constate même qu'au sein de la nouvelle génération les femmes sont bien meilleures que les hommes. A la mise en scène comme au jeu. 


Pouvez-vous l'expliquer? 

Un exemple. Denis Podalydès, qui a récemment mis en scène Lucrèce Borgia de Victor Hugo, a confié le rôle de Gennaro à la comédienne Suliane Brahim. Ce personnage, je le connais par coeur car je l'ai joué il y a vingt ans à la Comédie-Française. De toute évidence, elle s'en sortait bien mieux que moi. Longuement, je l'ai observée et j'en suis venu à la conclusion que les femmes sont plus polysémiques que les hommes. Sur scène, les enjeux liés à notre virilité peuvent poser problème. Jamais je n'aurais réussi à jouer la stupé faction comme elle l'a fait. 

Votre mandat se termine dans trois ans. Que reste-t-il à faire? 

Le grand chantier, c'est l'acquisition d'une nouvelle salle modulable qui permettrait d'accueillir des spectacles contemporains. Ainsi, la Comédie-Française pourrait véritablement se tourner vers l'avenir. Nous espérons nous installer sur le site des Ateliers Berthier, porte de Clichy. Il s'agit d'un dossier politique, très compliqué, qu'il faut absolument mener à bon port. 

Jean-Pierre Vincent, qui a dirigé le Français de 1983 à 1986, a dit: "Le poste d'administrateur de la Comédie-Française est le plus difficile de France, avec Matignon." Qu'en pensez-vous? 

Qu'il devait avoir l'ambition de devenir Premier ministre! Jean-Pierre Vincent a eu une expérience très douloureuse à la tête de la Comédie-Française. Il a voulu faire la révolution trop rapidement. Je ne suis absolument pas dans ce cas de figure. Je suis entré dans cette maison en 1993, j'en connais chaque recoin, je sais comment décoincer une situation intuitivement, les comédiens me font confiance... C'est l'un des avantages de venir de l'intérieur. 

Jouer sur scène vous manque-t-il? 

La seule chose qui me manque réellement, c'est la possibilité de faire le con. Aujourd'hui, lorsqu'il m'arrive de blaguer dans les couloirs avec mes anciens camarades de jeu, immanquablement, dix minutes plus tard, je les retrouve dans mon bureau. Angoissés, ils me demandent si je plaisantais, comment ils doivent interpréter ce que je viens de leur dire... Je suis systématiquement suspect de vouloir faire passer une idée. Au sujet de la comédie maintenant, c'est paradoxal. Evidemment, j'aurais adoré jouer sous la direction d'Arnaud Desplechin ou d'Ivo van Hove. Mais je n'aurais pu les programmer si j'étais resté comédien! 




"L'invariant est là: les gens auront toujours besoin d'aller voir des acteurs, sur scène, dans le plus grand dénuement", lance Éric Ruf.

Mini bio Eric Ruf


1969 Naissance à Belfort (Territoire de Belfort).  

De 1992 à 1994 Etudes au Conservatoire national supérieur d'art dramatique.  

1993 Entre à la Comédie-Française. 

2003 Joue Phèdre, de Racine, mis en scène par Patrice Chéreau.  

2012 Met en scène Peer Gynt, de Henrik Ibsen.  

2014 Devient administrateur de la Comédie-Française. 

LES DAMNÉS, d'après Luchino Visconti, mise en scène d'Ivo van Hove. Cour d'honneur du palais des Papes. Avignon (Vaucluse), du 6 au 16 juillet. 


Photo (c)  MARC CHAUMEIL POUR L'EXPRESS

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January 7, 2016 8:09 PM
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«Roméo et Juliette», vendetta pas lasse

«Roméo et Juliette», vendetta pas lasse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Philippe Lançon pour Next/Libération

 

A la Comédie-Française, Eric Ruf signe une nouvelle production de la pièce de Shakespeare, dont il déplace l’action en Sicile. Un parti pris qui tempère le sentiment amoureux au profit d’un charme sombre et folklorique.


La scène d'intro se déroule lors d'une fête villageoise. Photo Pascal Victor. Artcomart

 


Vérone est en Sicile, c’est-à-dire nulle part. Ou, si l’on préfère, au théâtre. Les Montaigu et les Capulet sont des clans ennemis, comme on sait. Ils ressemblent ici à des sardines en boîte : tout est sec, teigneux, endimanché, huileux, tout n’est que profils et lames de fer-blanc entre ruines du Guépard. A ce jeu, le meilleur est Pierre Louis-Calixte, qui joue Mercutio, le pote de Roméo. Louis-Calixte interprète à merveille, physiquement, les rôles d’oiseaux nerveux, sarcastiques et déchirés. Ce qui tombe bien : si Mercutio n’appartient à aucune des deux familles, il est l’un des personnages fondamentaux de la pièce, sa clé de voûte peut-être. Lorsqu’il meurt, d’une certaine façon, tout s’écroule. Poignardé pour avoir défendu l’honneur de Roméo - qui voulait «faire au mieux», tu parles ! - il emporte avec lui la joie, le plaisir, les nuits gaillardes, l’amitié de la jeunesse, et probablement les possibilités de réconciliation entre ces maudites familles à la mémoire contondante et stupide. Plus tard, ce sera l’honnête et civilisé frère Laurent, très bien interprété par Serge Bagdassarian, dont les manœuvres échoueront. Il croit trop au bon Dieu, celui-là, et pas assez en la cruauté du destin. Ceux qui veulent sauver Roméo échouent, peut-être parce que Roméo lui-même ne veut pas être sauvé. Il ne veut pas réussir : ni à aimer, ni à affronter la réalité, ni à séduire les Capulet. Il ne veut pas réussir à vivre.

Mélancolique et rêveur
Mais reprenons par le début. Dans la première scène, il y a bal public et l’on danse. Serge Bagdassarian, excellent merle également, chante des airs populaires italiens. C’est le Parrain IV, scénario de Shakespeare, mis en scène par Eric «Coppola» Ruf. Il y a de beaux mouvements de petite foule, des parfums musqués de vendetta. L’énergie et l’hostilité passent, les clichés circulent, la jeunesse aussi. Voici Roméo, qui aime alors Rosalinde, ou plutôt son fantôme. Tout va très vite, n’est pas très clair, ce n’est pas grave, Roméo non plus n’est pas très clair. Il n’est qu’inconstant. C’est un jeune homme sensible, immature, un peu brute, qui court derrière des femmes qu’il imagine un peu trop. Dans la préface à sa traduction (qui n’est pas celle que Ruf coupe et adapte, ayant opté pour la version du fils Hugo), Yves Bonnefoy trouve que le jeune amant de Vérone n’est pas du tout un bel amoureux, mais d’abord un mélancolique qui rêve un peu trop, même (et surtout ?) quand il consomme. Sa mélancolie le conduit tantôt à la faiblesse, tantôt à l’erreur ; elle en fait le responsable de tous les malheurs, les siens, ceux de Juliette et des autres.

Transposer la pièce en Sicile est un pari esthétiquement tenu : la mise en scène est cohérente et maîtrisée de bout en bout. Mais ce qu’elle gagne en jeu de précision avec le folklore, elle le perd d’abord en émotion. Pourquoi ? On peut imaginer cent idées de mise en scène de la pièce, les amants survivent à toutes puisqu’ils en meurent, mais celle de l’écrivain Antoine Volodine (1) nous éclaire sur les limites du projet d’Eric Ruf : «J’aimerais l’abstraire de son contexte italien et médiéval. Plus de clans ennemis, plus de ville nommable. Seulement des humains déchirés, en noir et blanc, avec une hostilité générale entre individus et entre hordes, une nuit permanente, du vent, beaucoup de révolte inaboutie et de silence. Une humanité redevenue nomade. Et alors, comme un joyau qui réconcilierait le spectateur avec le monde désolant de l’espèce humaine, surgirait l’amour impossible de deux enfants.» Ce n’est plus le Parrain IV, c’est un roman russe post-apocalyptique d’Antoine Volodine. Mais l’essentiel y est préservé : le jaillissement de l’amour, de son innocence au cœur des ténèbres - et la sensation profonde, intime, que le spectateur doit avoir de cette apparition sentimentale. C’est ce qui manque dans la première partie du spectacle de la Comédie-Française.


Balcon en clair-obscur
Juliette est une adolescente de 13 ans, souvent jouée par des femmes plus âgées, comme ici Suliane Brahim, mais est-il nécessaire qu’elle pérore comme une petite fille riche de 7 ans ? Roméo est un garçon bien faible, bien flottant, mais doit-il être, comme le trapu Jérémy Lopez, à ce point dépourvu du charisme de la fragilité ? L’amour est là, peut-être, on l’écoute, mais on ne le sent pas saisir ces êtres, les isoler du monde et contre leur destin. Et, cependant, peu à peu, quelque chose de sombre et d’énergique se met en place dans la beauté du décor et l’unité du parti pris. La scène du balcon, dans un clair-obscur, dépose Juliette sur la corniche d’un palais détruit au bas duquel Roméo joue le chat. Le chat ? Pauvre chat : c’est elle la féline qui, à tous points de vue, domine et ose. Elle donne le ton et, dès cet instant, la gamine Brahim éclôt différemment, elle devient une chatte aux griffes latentes et au museau aventurier.

En Sicile, c’est la mort qui finit par donner le sens et la perspective de tout ce qu’on voit et endure - qui donne du talent et leur lumière aux misères vécues. Il faut donc attendre le dernier acte pour que la mise en scène, les acteurs et les personnages se justifient et se rejoignent, dans une sorte d’apothéose amoureuse et morbide. La fin a lieu dans une reconstitution des catacombes de Palerme, face à ces momies que le photographe cubain Jesse Fernández a si bien et frontalement saisies. Non seulement c’est splendide, mais soudain tout l’amour qui manquait dans l’action des amants fleurit dans le deuil des mourants. Juliette endormie est l’une des momies décorées, pharaonne todo modo en route pour l’au-delà. Quand elle s’éveille, tout le monde est mort autour d’elle : son amant et mari Roméo, son promis Pâris. Et nous voilà dans la tombe avec elle, féline devenue biche aux abois, cherchant poison et poignard pour faire retomber le rideau anglo-palermitain. Eric Ruf, comme Peter Brook en 1947, coupe la réconciliation finale entre les deux familles. Il arrête tout au suicide de l’héroïne, dont l’éphémère supplément de vie n’est déjà plus qu’un cauchemar annonçant la minute où elle ne rêvera plus. On aurait bien pris, juste pour le plaisir, un supplément de Didier Sandre, né pour le fouet et l’alpaga, idéal de nuances chic et de violence chienne dans le rôle du père Capulet. On l’aurait volontiers entendu crier : «O ciel ! Ma femme ! Vois comme notre fille saigne…» Mais ce n’aurait pas été dans la logique de ce dynamique projet sicilien.

 

(1) Interview en préface à l’édition de Roméo et Juliette chez Garnier-Flammarion, dans la traduction de Pierre-Jean Jouve et Georges Pitoeff.

Philippe Lançon



Roméo et Juliette de Shakespeare m.s. Eric Ruf. Comédie-Française, salle Richelieu, 1, place Colette, 75001. A 20 h 30. Jusqu’au 30 mai. Rens. : www.comedie-francaise.fr

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December 17, 2015 6:18 PM
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Eric Ruf, parrain d'Allons enfants de la culture ! | Forum Opéra

Eric Ruf, parrain d'Allons enfants de la culture !  | Forum Opéra | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Christophe Rizoud pour Forum Opéra  | mer 16 Décembre 2015 

 

Il y a un an, le Théâtre des Champs-Elysées et la Comédie Française annonçaient leur volonté d'aider les jeunes à découvrir le spectacle vivant . Nom de l'opération : « Allons enfants de la culture ! ». En tant que metteur en scène des deux spectacles concernés (La Clémence de Titus et Lucrèce Borgia), Denis Podalydès jouait le rôle d'artiste référent. Cette année, on prend les mêmes – ou presque – et on recommence. Le Théâtre des Champs-Elysées et la Comédie Française renouvellent leur partenariat avec l’Ecole Normale Supérieure Ulm et le Lycée d’Etat Jean Zais autour cette fois de Mitridate de Mozart, côté opéra, et Roméo et Juliette de Shakespeare, côté théâtre. En toute logique, Eric Ruf est le parrain de cette édition puisqu'il a réalisé la scénographie du premier spectacle et qu'il met en scène le second. Dans un communiqué, l'Administrateur général de la Comédie Française se déclare heureux de parrainer aux côtés de Michel Franck un telle initiative :  « Rentrer dans les ors historiques de ces lieux est un bonheur, mais se rendre compte qu’ils abritent tant de corps de métier, de techniques diverses, de méthodologies différentes, de savoir-faire et de réalités est toujours, pour de jeunes regards, une surprise, et souvent, le début d’une longue carrière de spectateur. » Comment ne pas lui donner raison...

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December 8, 2015 7:16 PM
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Roméo et Juliette : une féérie tragique

Roméo et Juliette : une féérie tragique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot pour son blog "Le Grand Théâtre du monde"


Eric Ruf signe une mise en scène très originale du chef d'oeuvre de Shakespeare. Il offre à chaque interprète l'occasion d'exprimer tous ses dons. Dans les rôles titres, Jérémy Lopez et Suliane Brahim sont bouleversants.

En attendant d'en parler dans les colonnes du Figaro et du Figaroscope, quelques mots sur ce spectacle remarquable, aussi personnel que fédérateur, signé, scénographie et mise en scène, par l'Administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf.

Un grand rideau de couleur bise ferme le plateau de la salle Richelieu. On dirait une grand voile, un peu affalée, à laquelle le vent aurait donné des plis de théâtre.

Surgit Bakary Sangaré, voix de bronze et sourire d'enfant : il est le choeur et dit le prologue -sans oublier de signaler qu'il faut éteindre les portables et ne pas prendre de photographies- avant de disparaître. On le retrouvera en Frère Jean, et il viendra clore la représentation.

D'entrée, la gravité et la fantaisie sont inscrites.

Que le rideau se lève est l'on est sur la place d'une ville aux hauts palais d'un blanc de craie qui font penser aux Pouilles plus qu'à Vérone, au sud plus qu'au nord sévère.

Au fond, sur une estrade, un homme chante en italien. On reconnaît cette voix, ce visage, ce regard. Serge Bagdassarian -physiquement métamorphosé sans rien perdre de sa présence magnétique et profonde. Plus tard il sera Frère Laurent.

Ca chante, ca danse, c'est la joie de la jeunesse ! C'est West Side Story qui paie sa dette à Roméo et Juliette. 

Frappent immédiatement les costumes, robes tendrement acidulées, vêtures des garçons qui évoquent le XXème siècle. Vêtements imaginatifs, harmonieux, seyants, de la main de Christian Lacroix.


Ca ressemble aux Pouilles, au sud, et à la fin on sera encore plus loin du côté descatacombes de Naples ou de Palerme avec leurs momies dans des vêtements d'apparat beaux comme la robe de mariée de Juliette...

Deux heures trente durant -dont un entracte- on aura suivi la tragédie terrible d'une jeunesse pure qui meurt d'amour.

Car ils sont des coeurs purs, ils sont encore des adolescents, tous ces personnages devant lesquels se dresse la volonté aveuglée des parents.

N'étaient les deux Frères, n'était la Nourrice, les grandes personnes sont déraisonnables et dures dans ce monde, même si elles se retournent, doutent, se ravisent, puis s'enfoncent à nouveau dans l'aveuglement des ogres.

C'est frappant pour les parents de Juliette, sa mère, Danièle Lebrun, toujours habillée comme une jeune fille rêveuse, son père, Didier Sandre, si aimant et pourtant si cruel avec sa fille adorée, rétive à ses décisions.

Il y a là des scènes d'une violence de cauchemar accentuées par le travail sur la version scénique. Eric Ruf s'appuie sur la traduction de François-Victor Hugo, mais a transformé, coupé, escamoté, actualisé discrètement.  

Ce qui est le plus puissant dans ce travail, c'est que chaque personnage est donné dans sa complexité. Il n'y a pas les très méchants et les très innocents : les enfants mènent leur jeu avec l'appui de quelques adultes, les adultes font du mal poussés par des forces destructrices qui les dépassent.

Avoir su, avec chaque personnage, mettre en lumière -subtilement, sans rien surligner- toutes les moirures des âmes, est sans doute la plus grande et discrète puissance de ce spectacle nourri d'une distribution magnifique.

Il faudrait des pages pour analyser chaque parcours, alors que l'essentiel serait de vous dire : courez y !

Reste que chacun, ici, est éblouissant sans que personne ne fasse "son" numéro.Chaque comédien a sa ligne mélodique, avec ses ruptures, ses éclats.

Saluons-les : Michel Favory, la sage noblesse du Prince, Christian Blanc, un Montaigu ferme et mélancolique, Danièle Lebrun, on l'a citée, la maman grisée par l'éveil de sa fille, Didier Sandre, un homme qui veut en finir avec la haine recuite, un père qui aime profondément sa fille et la perdra pourtant, un père que le metteur en scène ne craint pas de déchirer en l'affublant d'un tablier à volants pour le conduire aux moments les plus terribles. Didier Sandre est sur deux fils, impressionnant.

Le soir où nous avons vu le spectacle, Laurent Lafitte jouait Benvolio -Nâzim Boudjenah joue en alternance ce qui nous donnera une bonne raison de revoir le spectacle...Lafitte, qui chante au début avec Bagdassarian, est lui aussi parfait, sur une trajectoire tenue, rigoureuse, tout en touches subtiles par-delà la présence forte qu'exige le personnage.

Des élèves comédiens étoffent la troupe : la jeunesse de Vérone, les musiciennes.Pénélope Avril, Vanessa Bile-Audouard, Théo Comby-Lemaître, Hugues Duchêne, Marianna Granci, Laurent Robert : ils ont de la chance !

Passons aux amis ou rivaux  : Mercutio, passionnant personnage, est incarné par l'ultra sensible et précis Pierre Louis-Calixte tellement nuancé et aigu, Tybalt, l'excellent et très nuancé, lui aussi, Christian Gonon.

Les duels sont escamotés. Pas de cliquetis de fers croisés, mais des taches de sang, comme des coquelicots qui se développent à vue. Fascinante manière de se débarrasser des scènes lourdes et de leur donner un supplément de poésie et quelque chose de magique, de fantastique, d'onirique en même temps. C'est superbe.

Souvent maltraité, le Comte Pâris, prétendant de Juliette, est dessiné avec un tact et une profondeur bouleversante par un Elliot Jenicot d'une sobriété magnifique. A la fin, pauvre jeune homme pantelant, pantin abandonné au pied de la robe de Juliette, en miroir de Roméo qui s'effondrera bientôt. Morts, tous morts.

Claude Mathieu est la nourrice, aimante, compréhensive, lumineuse. Elle est d'une humanité qui comble. Comme l'est Serge Bagdassarian, Frère Laurent, par qui l'on pense que viendra une issue heureuse, mais non. L'épidémie interdit la sortie de la ville, Roméo ne recevra pas sa lettre, il ne saura pas que Juliette n'est pas morte...C'est un très grand, Bagdassarian.

Venons en aux amoureux. Et sans avoir rien dit des mouvements du décor, des courses poursuites, des trouvailles d'espaces.

Jérémy Lopez est un Roméo très jeune, encore moelleux d'enfance, un peu maladroit, mais saisi et grandi par l'amour. Il est idéal car c'est un adolescent, moins mûr sans doute que Juliette. C'est un garçon. Les scènes avec ses camarades sont délicieuses. Il a une voix bien placée, il est tendre, doux et braque un peu. Une belle idée que d'avoir confié Roméo à ce comédien là !

Suliane Brahim est Juliette. Peu dire que cette fine, gracile, belle comédienne ait déjà fait ses preuves. Elle a toujours été grande. Ici, elle se surpasse, sublimée par le rôle.

Eric Ruf aime l'audace. Rassurez-vous, elle est tenue...mais la scène vertigineuse du balcon a rarement été aussi impressionnante et l'interprète aussi magistrale. Elle est haut au-dessus du plateau comme elle est haut dans l'intelligence du rôle. Suliane Brahim possède une voix qui donne la chair de poule, un frémissement de tout l'être, une fragilité d'enfant et une ténacité de guerrière.

Les scènes avec son père sont déchirantes, la scène de la solitude dans la chambre est exceptionnelle et la mort est terrible. On a le coeur déchiré par les coups de couteau acharnés de Juliette...

Bref un immense spectacle, pensé, à la fois heureux -et l'on rit, et l'on est ému, et l'on admire et ça passe à toute allure- et à la fois tragique. Atroce histoire. On ne l'oublie jamais. Mais il y a aussi de la féérie. Ne serait-ce que dans le bonheur évident des interprètes. 


Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance jusqu'au 30 mai. A 20h30 en soirée et 14h30 en matinée (01 44 58 15 44).
www.comedie-francaise.fr
 

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August 17, 2015 4:44 AM
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Éric Ruf, le « jardinier » de la Comédie-Française

Éric Ruf, le « jardinier » de la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Didier Méreuze dans La Croix :

 

LA COMÉDIE-FRANÇAISE (1/5) Entré au Français il y a vingt-deux ans, en 1993, nommé à sa tête il y a un an, en 2014, l’administrateur général livre son regard sur la Maison de Molière, qu’il dirige.

 

 

Lire l'article : www.la-croix.com/Culture/Theatre/Eric-Ruf-le-jardinier-de-la-Comedie-Francaise-2015-08-17-1344954

Lire aussi Denis Podalydès " Eric Ruf, l'homme de l'intérieur qui ira vers l'extérieur" : http://www.la-croix.com/Culture/Theatre/Denis-Podalydes-Eric-Ruf-homme-de-l-interieur-qui-ira-vers-l-exterieur-2014-07-16-1179805

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June 15, 2015 12:05 PM
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Eric Ruf invite le rock et les maîtres au Français

Eric Ruf invite le rock et les maîtres au Français | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Brigitte Salino dans Le Monde :  

 

Arnaud Desplechin et Bob Dylan ouvrent la première saison de la Comédie-Française programmée par Eric Ruf. L’administrateur général, qui a succédé à Muriel Mayette-Holtz en août 2014, entend donner un nouvel essor à la Maison de Molière, qu’il connaît par cœur : il y est entré à 23 ans et y a mené belle carrière de comédien, qu’il met de côté, à 46 ans, pour se consacrer à sa fonction. Mais Eric Ruf tient à garder un lien avec le plateau. Il met en scène et signe le décor de Roméo et Juliette, de Shakespeare, qui s’inscrit dans une saison marquée par l’ouverture sur une nouvelle génération de metteurs en scène, essentiellement féminine, et le retour de maîtres venus de l’étranger, comme le Russe Anatoli Vassiliev. Si ces changements n’annoncent pas une révolution, ils incitent, d’une manière élégante et vivante, à prendre le chemin de la Comédie-Française. Eric Ruf les commente, sans langue de bois : il reconnaît ses faiblesses au même titre qu’il affirme ses engagements.

Quelle était votre ambition, pour votre première saison ?

Remettre de la pensée. Ces derniers temps, je trouvais qu’on était souvent confronté à des metteurs en scène qui n’avaient pas suffisamment travaillé. Moi qui aime faire entendre au mieux les textes, ce qui est la base même du métier de comédien, je regrettais qu’on ne soit pas assez convoqué à ressentir ce plaisir, et à pratiquer cet art. J’avais donc à cœur de proposer des spectacles qui, dans le mariage entre les metteurs en scène et les pièces, offrent un théâtre qui soit une matière à réfléchir, et permettent à la troupe d’exercer son solfège.

Les deux premiers spectacles sont Père, de Strindberg, mis en scène, salle Richelieu, par le cinéaste Arnaud Desplechin, qui travaille pour la première fois au théâtre, et Comme une pierre qui…, d’après le livre de Greil Marcus Like a Rolling Stone, mis en scène par Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, au Studio. Cette rencontre entre Desplechin et Dylan, est-ce un hasard ou un manifeste ?

Dans le cas d’Arnaud Desplechin, c’est une suite d’heureux hasards. J’ai fait des essais avec lui il y a vingt ans, il s’en souvenait, je m’en souvenais. J’ai vu le film qu’il a réalisé à partir de La Forêt, d’Ostrovski, qui avait été représentée à la Comédie-Française, et je l’ai trouvé magnifique. Et puis cela fait très longtemps que je croise Arnaud Desplechin dans les salles de théâtre. Quand on voit ses films, on se dit : mais pourquoi ne fait-il pas de théâtre ? En septembre 2014, j’ai tourné un jour avec lui dans Trois souvenirs de ma jeunesse. Ce jour-là, au-dessus de la table de régie, j’ai proposé à Arnaud Desplechin de travailler à la Comédie-Française. Il est tombé un peu des nues, mais il n’a pas dit non.

Nous avons eu ensuite une série de rendez-vous. Au cours de l’un d’entre eux, il m’a fait la liste de tous les cinéastes qui se sont plantés en venant au théâtre. Elle était d’une longueur incommensurable. Je m’attendais à ce qu’il refuse ma proposition. Il l’a acceptée. Le théâtre compte beaucoup pour lui. Il m’a raconté qu’il relit des pièces avant chaque tournage. Il m’a beaucoup parlé de son souvenir de Père, mis en scène par Patrice Kerbrat à la Comédie-Française, en 1991, avec Jean-Luc Boutté, Catherine Hiegel, Catherine Samie… Nous nous sommes mis d’accord sur cette pièce. Je trouvais très beau qu’une première fois réponde à une mémoire vive. Si le spectacle ouvre la saison, c’est parce que c’était le seul créneau possible pour Arnaud Desplechin. Mais je vois, dans ce hasard, un manifeste.

Et dans Bob Dylan aussi ?

Bob Dylan, lui, arrive par Marie Rémond, que je suis depuis longtemps. J’avais vu ses spectacles, André, inspiré par l’histoire du joueur de tennis André Agassi, et Vers Wanda, inspiré par celle de l’actrice Barbara Loden. Elle a accepté de travailler au Studio, où les conditions financières ne sont pourtant pas bonnes. Cette petite salle a été ouverte en 1996 par Jean-Pierre Miquel, qui s’était dit : ouvrons la salle, et les subventions viendront. Comme les subventions ne sont jamais venues, on travaille à l’économie, au Studio. Ce que j’aime chez Marie Rémond, c’est qu’elle travaille avec de jeunes comédiens de la troupe, dont Sébastien Pouderoux… Il y a déjà des cabarets à la Comédie-Française, celui de cette année est consacré à Léo Ferré. Avec le spectacle sur Dylan, on passe à un cabaret rock, dont le sujet me fait penser de loin à celui de L’Ecole des femmes : parler d’art au prétexte d’une discussion entre deux portes, dans la pièce de Molière, entre deux prises en studio d’enregistrement, dans le spectacle. Et je trouve réjouissant que soit entendu le bordel joyeux du rock à la Comédie-Française.

Marie Rémond fait partie, avec Chloé Dabert, Maëlle Poésy et David Lescot, d’une nouvelle génération de metteurs en scène que vous invitez. Est-ce par souci de parité qu’il y a essentiellement des femmes ?

Pas du tout. C’est parce que, dans cette génération, les filles sont plus fortes que les garçons. Elles sont étonnantes. Elles savent exactement ce qu’elles veulent et vous le font entendre, quand vous les avez dans votre bureau. C’est agréable de travailler avec elles, parce que c’est carré. Maëlle Poésy, je la connais par sa sœur Clémence, une amie de longue date qui fait une carrière internationale depuis qu’elle a tourné dans Harry Potter, avec Daniel Radcliffe, en 2005.

Quand j’invitais Clémence à me voir jouer à la Comédie-Française, elle venait avec sa petite sœur Maëlle, qui fait maintenant de la mise en scène. Je suis allé voir son Candide, en banlieue parisienne, et j’ai été séduit. Chloé Dabert, je l’ai rencontrée par le festival Impatience, qui fait découvrir de jeunes metteurs en scène. Elle connaît très bien Suliane Brahim, qui est pensionnaire de la Comédie-Française.

Je suis attentif à ces connexions dans une génération. C’est important de voir comment ça fonctionne entre eux, et de savoir ce dont ils ont envie. David Lescot est un peu plus âgé que les filles. Il a un beau parcours, et lui aussi connaît beaucoup de monde dans la troupe. Cela compte, parce que ceux qui ont des copains à la Comédie-Française n’ont pas de mauvais fantasmes sur la Maison. Ils considèrent que c’est une étape dans leur carrière, ils en prennent tout le sel, sans se monter le bourrichon. Ils sont joliment sérieux.

Anatoli Vassiliev revient, après avoir mis en scène Bal masqué, de Lermontov, en 1992, et Amphitryon, de Molière, en 1994. Quel rôle jouent les grands maîtres européens, comme lui, à la Comédie-Française ?

Un rôle essentiel. Avec des camarades de mon âge, Jérôme Pouly, Thierry Hancisse, Florence Viala… j’ai joué dans Amphitryon. Et, pour nous tous, il y a un avant et un après Vassiliev. Souvent les gens parlent de la Comédie-Française en disant que c’est la famille des Atrides. Je leur réponds : dites-le si vous voulez, c’est vendeur, mais les vraies familles du Français, ce sont celles qui se reconnaissent dans l’autorité d’un maître avec qui elles ont travaillé, que ce soit Piotr Fomenko, Bob Wilson ou Anatoli Vassiliev, qui va présenter La Musica deuxième, de Marguerite Duras. Alain Françon est aussi un maître. C’est pour cela que je l’ai invité cette saison, où il va mettre en scène La Mer, d’Edward Bond. Il est important que la troupe, et surtout les jeunes comédiens, fassent cette expérience fondatrice que nous avons eu la chance de connaître.

On aurait pu penser que vous accorderiez plus de place à l’international…

Oui. Mais c’est compliqué, pour plusieurs raisons : ceux qui sont connus internationalement ont beaucoup de propositions ; ils sont plutôt chers. Certains d’entre eux travaillent d’une façon qui ne correspond pas aux contraintes de la salle Richelieu, où un décor doit être monté et démonté en une heure, à cause de l’alternance ; s’il y a des décors trop sophistiqués, ou de la vidéo, c’est très difficile à mettre en place. La dernière raison tient à un constat que j’ai fait en rencontrant des metteurs en scène comme Deborah Warner, Katie Mitchell ou Michael Thalheimer : la Comédie-Française n’est pas un spot d’atterrissage, pour eux, en France. Cela fait des années qu’ils ne sont plus invités, il faut discuter avec eux, tisser des liens. Je m’y attelle. Mais je dois dire qu’il y aura un autre maître étranger, en fin de saison, à la Comédie-Française. Je l’annoncerai fin juillet, quand les contrats seront signés.

Autre point faible : les auteurs contemporains sont peu présents. Pourquoi ?

C’est vrai. Cela peut paraître comme un trou dans la raquette, mais cela s’explique par le fait que j’ai suivi les propositions des metteurs en scène, et que je ne suis pas arrivé en disant : cet auteur-là, je veux absolument le monter. C’est aussi parce que, comme acteur, j’ai peu travaillé le répertoire contemporain. Comme on joue beaucoup, dans cette Maison, on a guère le temps d’aller voir ailleurs. Cette année, je me suis rattrapé, jusqu’à l’overdose, et ça m’a fait un bien fou. Je commence à me faire à cette culture contemporaine, mais je ne mentirai pas, je ne l’avais pas.

Vous signez la mise en scène de Roméo et Juliette. Pourquoi ?

Parce que c’est important, pour mon équilibre personnel. Quand on est administrateur général, on passe son temps à organiser et à prévoir ce qui va être programmé, deux saisons à l’avance. L’autorité que je peux avoir en tant que metteur en scène et scénographe, il me faut l’exercer, à la fois pour moi et par rapport à la troupe. Je ne peux imposer des choses, pour le bien ou pour le mal parce que, parfois, on fait des erreurs de jugement, qu’à partir du moment où j’ai maille à partir avec les comédiens. Je ne veux pas renoncer à l’artistique, parce que mon terrain de prédilection, de connaissance et de maîtrise éventuelle, c’est celui du plateau, vraiment.

La saison 2015-2016
Seize nouvelles productions sont à l’affiche de la saison 2015-2016 de la Comédie-Française, dont quatre dans le saint des saints, la salle Richelieu : Père, de Strindberg, mis en scène par Arnaud Desplechin ; Roméo et Juliette, de Shakespeare, mis en scène par Eric Ruf ; La Mer, d’Edward Bond, mis en scène par Alain Françon et Britannicus, de Racine, dont Eric Ruf a eu l’élégance de confier la mise en scène à son principal rival au poste d’administrateur général, Stéphane Braunschweig. Lequel dirigera Dominique Blanc dans Agrippine, qui entrera dans la troupe à cette occasion. Au Théâtre du Vieux-Colombier, il y aura en particulier Les Derniers Jours de l’humanité, de Karl Kraus, mis en scène par David Lescot, et La Musica deuxième, de Duras, mis en scène par Anatoli Vassiliev. Au Studio, Maëlle Poésy mettra en scène Le Chant du cygne et L’Ours, de Tchekhov. Chloé Dabert présentera au Centquatre Nadia C., d’après Lola Lafon.

Brigitte Salino
Journaliste au Monde

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December 24, 2014 7:17 AM
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Entretien avec Eric Ruf, nouvel administrateur de la Comédie-Française

Entretien avec Eric Ruf, nouvel administrateur  de la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié dans Télérama : La sévérité de son père, ses premiers pas sur les planches, son petit côté “Gepetto” bricoleur... Comédien et metteur en scène, Eric Ruf est, à 45 ans, à la tête du Français. Mélancolique en quête d’insouciance, travailleur acharné, il veut en bousculer les habitudes. CLIQUER SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ENTRETIEN D'ERIC RUF AVEC FABIENNE PASCAUD SUR LE SITE DE TÉLÉRAMA

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October 15, 2014 5:53 PM
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Eric Ruf, l’enfance d’un cerf

Eric Ruf, l’enfance d’un cerf | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Petit-fils de pasteur, le nouvel administrateur de la Comédie-Française vient d’une famille faite de clavecins et de ruptures.

 

Le Président a nommé un cerf à la tête de la Comédie- Française : grand, élancé, fin et racé, nageur et coureur de fond, délicat et puissant, une longue gueule aux yeux clairs et fendus, toute en lame et fourreau, à qui ne manquent que les bois, mais peut-être pousseront-ils à l’usage des cérémonies et des ors : l’acteur, scénographe et metteur en scène Eric Ruf n’a que 45 ans. Son premier rôle ici fut dans le Dom Juanmis en scène par Jacques Lasalle. Il a vu passer quatre administrateurs. Son soleil s’est levé sans peine et peu à peu sur les velours du comité. Avec lui, les quadras s’installent.

Sa voix est douce et son regard menace qui pourrait la durcir. Dans Lucrèce Borgia, son dernier rôle, il est toute cette menace, souffrante et manipulatrice, à travers une formidable interprétation du jaloux Alphonse d’Este. En ville, il mange le moins possible. Son aliment préféré est le pamplemousse. Il buvait trop, mais ne boit plus :«Tout ce qu’il fait ou ne fait pas, dit sa compagne, la comédienne Florence Viala, ce n’est jamais à moitié.» Il joue du basson. Leur maison en Bretagne, une ancienne école de Penmarc’h dans le Finistère Sud, il en a détruit et refait les murs et les portes lui-même. Elle est située non loin de celle d’un comédien du Français qu’il admire : Roland Bertin. Tous ses amis parlent du calme de Ruf, de son aura, de sa«force tranquille», il est d’ailleurs de gauche, de son talent artisanal et panoramique, et aussi, au revers de cet impressionnant costume, la cravate de ses colères. Qu’est-ce qui le rend furieux ? Florence Viala, après avoir réfléchi : «La bêtise et l’impuissance qu’elle provoque en lui. Il ne supporte pas d’être bloqué.»

Sa loge est pleine de maquettes, de papiers collés, de pinceaux : essais de décor de scène. «C’est l’atelier de Gepetto», dit la comédienne Elsa Lepoivre. En changeant de fonction, il change le décor : cette loge sera désormais occupée par les metteurs en scène invités. Successeur de Muriel Mayette, il en voudrait venus d’ailleurs, exigeants et populaires : «Pas des gens qui se méfient du spectacle en faisant obstacle au texte ; et pas non plus des gens d’une trop grande radicalité, car au Français viennent le grand-père, le père et le petit-fils, et on n’aurait pas le temps de les y habituer. L’une de nos missions est de fabriquer un public.» Son ami et sociétaire Denis Podalydès, dont il scénographie les spectacles, l’a décrit dans Ruy Blas comme «le partenaire idéal».

Un cerf, donc, mais croisé avec un renne : son grand-père maternel était un pasteur luthérien venu de Norvège. Il fuit le pays natal et rencontre sa future femme sur un bateau pour Madagascar. Le cerf a également du sang suisse. Son grand-père paternel était pasteur adventiste, près du lac, dans le canton de Vaud. Son père, fuyant famille, religion et pays, rencontre sa mère à Madagascar. Il prend la nationalité française et devient cardiologue. L’homme qui assure la continuité de la vieille institution théâtrale a une «famille fondée sur des conversions violentes».

Car l’histoire ne s’arrête pas là. Eric Ruf a grandi à Belfort dans un double appartement aux murs recouverts de moquette sombre, avec ses deux sœurs et son frère aînés : «Mon enfance est une chanson de Brel, Je suis un soir d’été. Plutôt heureuse et interminable, comme le temps de la fin d’août au bord de la Savoureuse…» Le père est un patriarche autoritaire, très à droite. Son cabinet se trouve en face, sur le palier : «C’est là qu’on était convoqués quand on avait de mauvaises notes.» La mère, prof d’anglais, sert de passerelle et d’amortisseur. Les parents sont mélomanessans être musiciens : Daniel Ruf a «donné» Bach à son fils. Il a des passions successives, l’électronique, la voile. Surtout, il répare et bâtit des clavecins : «Il a mis les mains du chirurgien qu’il aurait voulu être à leur service. Les clavecins étaient dans l’appartement, qui n’était pas si grand. Il y en a eu jusqu’à six. Ses passions menaient une guerre de tranchées, il fallait qu’elles envahissent l’espace des autres. Quand mon frère et moi sommes partis faire nos études, à notre retour, à la place de nos lits, il y avait des clavecins.» Le grand claveciniste Gustav Leonhardt venait parfois manger à la maison. De son père, Eric Ruf a une obsession muette, organique, des choses bien faites.

En Bretagne, Daniel Ruf amène ses enfants faire de la voile. Les bordées peuvent durer soixante-douze heures. Il ne prend pas les quarts, «il disait que le capitaine devait rester lucide en cas de problème». Le fils évoque sa mort comme une scène de théâtre, puisque la vie, la vie la plus intime, est peut-être d’abord une mise en scène et un songe : «A la fin, il s’était extrêmement asséché, ne mangeait plus. Sa barbe avait poussé. Ses yeux sont devenus d’un bleu insensé, comme s’il voyait des horizons marins qui nous étaient invisibles. Et, surtout, il n’avait plus aucune odeur. On le veillait et je me suis aperçu qu’on reprenait les tours de quart de notre enfance.» Sur la tombe, Eric Ruf récite la Mort du loup, de Vigny : «Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, c’est vous qui le savez, sublimes animaux !» Au temple, le pasteur parle : «J’étais heureux de l’entendre interpréter aussi bien la parole d’un autre.» Celle des Evangiles. Théâtre, toujours : «Mon père, qui n’aimait guère les fêtes et avait tendance à gâcher celles des autres, est mort entre Noël et le jour de l’An. Par miracle, nous étions tous là.»

Au chevet, outre lui et son frère Jean-Yves, hautboïste et également homme de théâtre, il y a donc leurs sœurs. Avec elles, la rupture continue : converties à l’islam, toutes deux habitent les Emirats arabes unis. L’une, médecin, est mariée à un Afghan. L’autre, mariée à un Egyptien, dirige un lycée international. Leur père n’a pas supporté leur choix, il «les a considérées comme mortes», dit Jean-Yves, mais, vieilli, atteint par Alzheimer, dit Eric, «lui qui était d’une grande violence contre les religions et en politique, a commencé par oublier tout ça». Eric Ruf a trois enfants. Ses nombreux neveux parlent l’anglais, l’allemand, l’arabe, le français, circulent entre toutes les cultures : «Ce sont de vrais citoyens du monde. Mais, comme mes sœurs, ils détestent parler de l’islam avec les autres. Ils en ont assez d’avoir à se justifier de leurs vies, de leurs choix.»

Sa ligne de rupture est passée par le théâtre, cet autre pays lointain : «Chacun a essayé de s’en sortir comme il pouvait», résume son frère. Mais lointain, ce pays l’était-il vraiment ? Le rituel, le sacré sont nés dans l’appartement sombre où n’entrait quasiment aucun copain : aucun public. Plus tard, Eric Ruf est entré au Conservatoire. Une semaine avant son décès, il a revu Patrice Chéreau. «Je lui ai demandé : "C’est quoi le plus dangereux ?" Il m’a répondu : "Reste pas dans ton bureau !"» Le voici dedans, admiré et plébiscité par ses pairs. Ses ancêtres murmurent qu’il n’y vieillira pas.

EN 7 DATES

21 mai 1969 Naissance à Belfort. 

1993 Entrée à la Comédie-Française.

1996 Clitandre, mis en scène par Muriel Mayette.

2001 Ruy Blas, mis en scène par Brigitte Jacques.

2002 Amphitryon, mis en scène par Anatoli Vassiliev.

28 décembre 2013 Mort du père. 

2014 Administrateur de la Comédie-Française.

 

Par Philippe Lançon  pour Libération du 16 octobre 2014

 

Photo Frédéric Stucin

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September 10, 2014 12:32 PM
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Eric Ruf enterre joliment sa vie d’acteur à la Comédie Française

Eric Ruf enterre joliment sa vie d’acteur à la Comédie Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

C'est une révolution à la fois prometteuse et tranquille que l'administrateur du Français vient d'annoncer, quelques jours après sa prise de fonction. Sa déclaration la plus spectaculaire ne concerne d'ailleurs pas son nouveau rôle mais son ancienne vie, et fut lancée presque sans y penser, au détour d'une phrase. Eric Ruf, c'est-à-dire l'un des acteurs les plus émouvants et les plus virtuoses de la Comédie Française ne veut plus "jamais" y être comédien. "J'aime cette maison, où je suis entré il y a vingt et un ans, mais je ne veux pas y passer quarante ans. Avant de la quitter, je suis heureux de pouvoir mettre ma connaissance des lieux et des gens au service de son épanouissement", résume celui dont l'aura sur scène a souvent sauvé des spectacles qui laissaient à désirer.

Mais justement, en écoutant parler cet homme de l'art, on se prend à espérer que sous sa gouverne, les spectacles qui laissent à désirer se feront de plus en plus rares. Au-delà des déclarations tout à fait belles sur l'importance de "mutualiser le rêve",  de garantir "ce supplément d'âme" qui fait qu'un spectacle peut entrer dans la mémoire collective, ou encore sur son désir de "pousser l'objet artistique le plus loin possible",  on a envie de faire confiance au nouveau patron de la maison de Molière. Parce que son horizon, c'est  de marquer à vie les gamins : "je veux qu'ils puissent dire vingt ans après 'j'ai vu telle pièce' et je m'en souviens encore..." , mais aussi parce que lui-même parle de théâtre avec un enthousiasme d'enfant.

 

La chose est d'autant plus remarquable qu'il refuse encore de dévoiler la moindre idée d'auteur ou de metteur en scène pressenti pour la saison prochaine. Mais malgré cette obstination à "ne pas donner de noms", et son choix d'évoquer des dossiers plutôt concrets, comme l'éternel projet d'avoir une salle modulable à la périphérie de Paris, ou l'envie (ô combien légitime) de renouer avec le Festival d'Avignon ou de travailler avec le Festival d'Automne, Eric Ruf ne peut pas s'empêcher de parler de spectacles, et toujours avec dans le regard des petites éclats la fois réjouissants et contagieux. Le Phèdre de Chéreau, où il jouait Hippolyte, et dont la création inaugura les Ateliers Berthier du théâtre de l'Odéon (un modèle de salle polyvalente, justement); Les Coréens de Vinaver mis en scène par Schiaretti au vieux Colombier, où la troupe du Français a pu travailler avec celle de la comédie de Reims (un modèle d'ouverture...); sa rencontre avec le metteur en scène Vassiliev, dont Ruf dit qu'elle a joué un rôle décisif dans son travail d'acteur, "même si elle n'a peut-être pas été aussi forte pour le public"...

Ce mélange de passion et de clairvoyance laisse espérer bien des choses. En attendant, Eric Ruf hérite d'une saison entièrement conçue par Muriel Mayette, et promet de l'accompagner pour qu'elle soit "la plus belle possible", ce qui est déjà tout un programme.

 

Judith Sibony pour son blog "Coup de théâtre" dans Le Monde

 

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June 20, 2024 12:30 PM
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«Narcissique», «sectaire», «dans le déni»... La culture est inoffensive face au RN, selon Ariane Mnouchkine et Éric Ruf

«Narcissique», «sectaire», «dans le déni»... La culture est inoffensive face au RN, selon Ariane Mnouchkine et Éric Ruf | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Article d'Elie Pillet dans Le Figaro - 18 juin 2024

 

Dans une tribune publiée par Libération, la fondatrice du Théâtre du Soleil dénonce la responsabilité des artistes dans la montée de l’extrême droite. Un constat d’impuissance partagé par Éric Ruf dans Le Monde.

 

 

«Qu'est-ce qu'on n'a pas fait ? Ou fait que nous n'aurions pas dû faire ? On pensait qu'on avait trois ans pour y réfléchir et soudain, ce geste du président de la République (...) et nous n’avons plus que trois semaines». Après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron dans la stupeur générale le 9 juin, Ariane Mnouchkine, la créatrice du Théâtre du Soleil, s’est interrogée dans Libération sur la responsabilité des artistes par rapport à la montée de l’extrême droite en France. Son verdict est sans appel. Et sans aucune mansuétude pour le monde de la culture qu’elle juge narcissique.

 

Sa peur de l’arrivée au pouvoir du parti à la flamme date de 2002, «quand, pour la première fois, le FN est arrivé au second tour de l’élection présidentielle», précise-t-elle dans sa tribune du 12 juin. La potentielle victoire du Rassemblement national aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet serait sa «hantise». Le cri d’avertissement de l’artiste de 85 ans s’adresse notamment aux artistes de l’Hexagone. «Oui, nous allons nous trouver très vite, immédiatement peut-être, devant un dilemme moral : que ferons-nous lorsque nous aurons un ministère de la Culture RN, un ministère de l'Éducation nationale RN, un ministère de la Santé RN ? Un ministère de l'Intérieur RN ? Je ne parle pas de l'incompétence probable, que je mets à part. Je parle du moment où nous risquons de devenir des collaborateurs», s’alarme-t-elle encore. Avant d’ajouter : «Quand décide-t-on de fermer le (Théâtre du) Soleil ? Au contraire, va-t-on se raconter qu’on résiste de l’intérieur  Elle qualifie ces futures institutions ministérielles de «loups» qui joueront les «renards», qui chercheront à gâter, flatter ou financer les mondes de l’art. «Je ne veux pas être un personnage de la pièce que nous avons joué en 1979, Mephisto, d'après Klaus Mann », affirme-t-elle dans la tribune.

«Narcissisme» et «sectarisme»

Pour Ariane Mnouchkine, les premiers «responsables», ce sont justement les «gens de culture»«On a lâché le peuple, on n'a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu'ils voyaient, on leur disait qu'ils se trompaient, qu'ils ne voyaient pas ce qu'ils voyaient», déplore-t-elle dans Libération. D’après elle, même si les artistes se mobilisaient aujourd’hui contre le parti de Jordan Bardella, il serait trop tard. «Je ne suis pas certaine qu'une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive», analyse-t-elle encore. En effet, Ariane Mnouchkine considère que ses «concitoyens en ont marre» des gens de culture, de leur «impuissance», de leurs «peurs», de leur «narcissisme», de leur «sectarisme» et de leurs «dénis». Une réflexion «sombre» que l’auteure de la tribune assume avant de faire appel à la bienveillance du «public» et de sa «troupe».

 

 

Le constat d’Ariane Mnouchkine est partagé par Éric Ruf, dans un entretien accordé au Monde le 16 juin. Et la même interrogation court sur les lèvres de l’actuel administrateur de la Comédie-Française : «Cela fait longtemps que Tiago Rodrigues, moi et beaucoup d'autres faisons ce cauchemar, longtemps que l'on se demande : le jour où le RN passe, qu'est-ce que je fais ?», a-t-il confié au Monde.

 

 

La vision d’Éric Ruf sur le secteur du spectacle vivant s’apparente à celle d’Ariane Mnouchkine : «La culture n'a plus aucun poids dans le débat politique, affirme-t-il auprès du MondeUn doute fondamental s'est installé, chez les politiques, et conséquemment dans les médias et dans la société, sur son utilité, un doute qui touche spécifiquement le théâtre. À quoi ça sert, la Comédie-Française, ses quatre cents salariés, ses quatre-vingts métiers, son expertise ?»

À moins de deux semaines du premier tour des élections législatives, face à ce constat d’«impuissance» dans le débat politique, les syndicats de la culture appellent, eux, à la mobilisation «contre l'extrême droite».

 
 
Légende photo : Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française et la directrice du Théâtre du Soleil Ariane Mnouchkine constatent dans deux tribunes différentes l’impuissance actuelle des gens de culture face à la montée de l’extrême droite. AFP / JOEL SAGET / AFP / CHARLY TRIBALLEAU
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August 15, 2017 10:29 AM
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A quoi sert le théâtre ? par Eric Ruf

A quoi sert le théâtre ? par Eric Ruf | Revue de presse théâtre | Scoop.it
« S'il est une chose dont on préfère ne pas avoir à parler – parce que les réponses sont trop compliquées à formuler, trop nombreuses, forcément incomplètes et parce que les raisons de toute façon sont pratiquement indicibles – c’est pourquoi fait-on du théâtre ? Et surtout à quoi cela sert-il ? Et plus précisément, qu’est-ce qu’on espère toucher ? On évite souvent de répondre, on peut même passer toute une carrière à ne pas y songer. 

On avance la défense et la présentation de notre répertoire et par extension de la langue française, la recherche et l’accueil de tous les publics, la transmission aux plus jeunes, l’aide aux écritures contemporaines, la permanence de l’exception culturelle française (et de l’économie qui la fait vivre), la décentralisation… Tout cela bien sûr, heureusement, fondamentalement. 

Mais l’on n’aura alors toujours pas répondu à la question. On pourrait se perdre en circonvolutions éternelles, néanmoins la réponse est je crois plus bête, plus crasse et plus simple. Que l’on s’adresse à l’âme ou à la conscience des spectateurs, ils viennent mais surtout reviennent au théâtre, à tout âge et sans forcément de fidélité à tel ou tel guignol, à tel ou tel répertoire, parce qu’ils ont connu quelquefois, rarement, cette émotion à nulle autre pareille d’avoir aperçu, là, sur scène, quelque chose de leur vie, un éclat qui leur appartient. Coincés entre deux parfaits inconnus et parmi tant d’autres, ils se sont sentis soudain faire partie d’une humanité plus grande qu’ils ne le pensaient. 

Tout ça pour ça, alors ? Rien que ça ? Tant d’argent, de sciences, de travail, de monde pour cette pêche malingre et hasardeuse ? Mais oui, tout ça pour ça. 

Le théâtre, parce qu’il ne craint pas la contradiction, parce qu’il se nourrit du paradoxe, parce qu’il n’impose aucune lecture ou hiérarchie définitive est un outil extraordinaire pour qui veut s’attacher à comprendre. » 

Éric Ruf 
Comédien, metteur en scène, administrateur de la Comédie-Française depuis 2015

(extrait de l'éditorial du programme 2015-2016 de la Comédie-Française) 

Photo: Éric Ruf © Gilles Vidal
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March 11, 2017 1:09 PM
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Eric Ruf : « Le mouvement pour l’égalité des sexes dans le théâtre est irréversible »

Eric Ruf : « Le mouvement pour l’égalité des sexes dans le théâtre est irréversible » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Clarisse Fabre et Fabienne Darge dans Le Monde


L’administrateur de la Comédie-Française estime qu’il y a « plus de talent chez les femmes que chez les hommes » dans la nouvelle génération.



« Tiens, c’est drôle, il y a une sorte de parité qui s’est faite… » Comme l’on dirait en descendant dans son jardin, « tiens, les fleurs se sont ouvertes », l’administrateur de la Comédie-Française Eric Ruf, âgé de 47 ans, observe l’air de rien la révolution douce qui s’est accomplie dans l’institution théâtrale qu’il dirige depuis 2014 : il y a autant, et même plus de femmes que d’hommes à l’affiche de la saison 2016-2017. Question de talent, explique le comédien et metteur en scène qui refuse de « brandir le drapeau de la parité », citant « l’éternelle phrase de Molière » : « Il faut faire et non pas dire. » Il n’empêche, Eric Ruf assume sa volonté de mener une politique égalitaire dans un univers, le théâtre, qui ne l’est pas.


Comment fabrique-t-on une saison paritaire, à la Comédie-Française ?

Je ne l’ai pas fait exprès, ce qui est plutôt rassurant. Cela veut dire que je suis plutôt le témoin d’une évolution, notamment dans la nouvelle génération. Quand je prépare une saison, je cherche des projets singuliers. Le premier réflexe que j’ai, c’est de choisir des artistes dont je sens qu’ils ont un rapport fertile aux comédiens, et ça, c’est un critère unisexe ! Ces dernières saisons, ce sont plutôt les jeunes femmes qui ont marqué le coup en faisant des choses retentissantes. Dans cette génération, il y a plus de talent chez les femmes que chez les hommes.

J’ai rencontré et programmé Marie Rémond, Julie Deliquet, Chloé Dabert, etc. Quand je les reçois dans mon bureau, je ne sens aucunement des jeunes femmes qui taperaient sur la table pour exiger leur dû… Je les trouve surtout assez impressionnantes. Quand Julie Deliquet a présenté la maquette de son spectacle Vania (d’après Oncle Vania) devant l’équipe du Français, elle a déroulé son projet avec une maîtrise étonnante. D’ailleurs Julie va revenir, je pense qu’elle est prête pour la salle Richelieu [la salle historique, où ont été présentés plus de 3000 textes du répertoire depuis 1680]. Il faut juste qu’elle abandonne son éternelle table de collectif, parce que dans un théâtre à l’italienne, cela bloque la vue [rires].

Qu’apportent selon vous ces artistes femmes ?

Prenons un exemple : je cherchais quelqu’un pour monter du Feydeau. Je connaissais Isabelle Nanty, elle a ce rapport à la vie, à l’humour qui me plaisait. En même temps, elle a ce côté norvégien qui la plombe, et elle n’a pas la carrière qu’elle mérite. Elle va donc mettre en scène L’Hôtel du libre-échange. Marie Rémond, elle, a fait le bonheur de cette maison avec son spectacle sur Bob Dylan - Comme une pierre qui… –, coécrit avec Sébastien Pouderoux. Je suis aussi en compagnonnage avec Chloé Dabert – elle sera au Français la saison prochaine –, que j’ai rencontrée au festival Impatience. Quant à Christiane Jatahy, qui présente actuellement La Règle du jeu, d’après le film de Jean Renoir, j’étais simplement amoureux de ses spectacles, c’est aussi simple que ça. Elle est tellement libre par rapport aux œuvres, alors qu’il existe souvent un respect à la lettre chez les metteurs en scène français. En ce sens, elle est exotique, et tellement pertinente ! Mais elle se serait appelée Markus Jatahy, cela aurait été la même chose…

Tout de même, on sent chez vous une attention à la question de la place des femmes…

Il faut dire aussi que j’ai eu plus de professeures femmes que d’hommes : Madeleine Marion, Catherine Hiegel, Joséphine Derenne… Au lycée, je faisais partie des deux ou trois garçons qui voulaient bien faire du théâtre au milieu d’un aréopage de filles – et avec un professeur de lettres qui était une femme. J’ai donc été nourri à l’autorité féminine, à un âge où je ne me posais pas la question de remettre ça en cause. Et les filles sont tellement plus douées, pour ce métier-là ! Mais il y a une injustice : au Conservatoire, les filles sont plus nombreuses, et l’on se retrouve à être un peu moins exigeant avec les garçons parce qu’il faut faire des promotions paritaires. Ensuite, dans la vie professionnelle, il y a plus de rôles pour les garçons dans le répertoire, ce qui dessert les filles…

Les femmes peuvent-elles jouer des rôles d’hommes ? En 1993, Maria Casarès avait interprété Le Roi Lear, dans la mise en scène de Bernard Sobel… Glenda Jackson vient de faire de même, à Londres, sous la direction de Deborah Warner…

Cela se fait parfois. Une comédienne de la troupe, Françoise Gillard, va remplacer un comédien parti en tournée dans 20 000 lieux sous les mers, parce que ça l’intéresse, et aussi parce qu’elle est très douée physiquement et va pouvoir manipuler des marionnettes.

Dans le Lucrèce Borgia de Denis Podalydès, la comédienne Suliane Brahim jouait Gennaro à la création [elle a depuis été remplacée par Gaël Kamilindi]. Et je dis bravo Denis ! J’avais moi-même interprété ce rôle dans le passé et elle s’en est mieux sortie que moi. Pour jouer l’adolescence chez Victor Hugo, qui est toujours tétanisée, stupéfaite, on a tendance à y mettre du muscle quand on est un homme – d’ailleurs j’étais un jeune premier un peu musculeux. Suliane, elle, n’est pas encombrée par sa masculinité. Je lui ai entendu des accents de stupéfaction qu’un bonhomme ne pourrait pas avoir…

Par ailleurs, je rappellerai juste qu’à l’époque de Shakespeare, un homme pouvait jouer le rôle d’une femme tout simplement parce que les femmes ne pouvaient pas jouer. Ce n’était pas un point de vue libertaire…

Comment trouver davantage de rôles pour les comédiennes ?

Il existe quelques « tubes » de pièces avec de beaux rôles de femmes : La maison de Bernarda Alba, de Federico Garcia Lorca, que l’on a présenté en 2015, et le Dialogue des Carmélites, de Georges Bernanos, que l’on montera sans doute un jour. Je suis aussi attentif, quand je lis des pièces du répertoire – c’est un travail que je fais en ce moment avec la metteuse en scène Lilo Baur, par exemple, qui va sans doute revenir travailler dans cette maison, et nous réfléchissons sur Gorki, Hanokh Levin… – à cette question de trouver des rôles pour les comédiennes. Quand je suis allé outre-Rhin voir Katharina Thalbach [actrice et metteuse en scène allemande qui, à partir du 1er avril, met en scène La Résistible Ascension d’Arturo Ui, de Bertolt Brecht, salle Richelieu], je lui ai demandé quels étaient les grands rôles pour des femmes de son âge. Elle m’a fait une liste de rôles que je ne connaissais pas, extraordinaires, issus de pièces russes ou allemandes.

La troupe de la Comédie-Française n’est pas paritaire…

Nous avons un gros tiers de femmes dans la troupe. C’est déjà très généreux, si je puis dire, au regard du répertoire qui comprend une grande majorité de rôles masculins. Arriver à la parité serait absurde. Ce serait joli sur le papier, mais s’il n’y a pas de rôles à
donner aux femmes, elles me demanderaient très vite pourquoi elles ont été  engagées, à quoi elles servent, etc. Mais la Comédie-Française reste une maison assez protégeante, où l’on peut traverser quelques creux de hamac moins difficilement qu’à l’extérieur. Les comédiennes peuvent faire des enfants, elles sont attendues à leur retour. La coopérative d’acteurs est très généreuse.

Concernant les femmes auteurs, les autrices : y a-t-il une possibilité de redécouvrir des œuvres qui auraient été gommées dans le passé ?

Au comité de lecture, qui lui est paritaire, nous travaillons sur le sujet, et nous allons essayer d’exhumer des pièces. Mais j’ai une responsabilité, notamment avec la salle Richelieu : si l’auteur (trice) est méconnu(e), il m’est difficile de remplir la salle. Dans ce cas-là, je dois être très vigilant à trouver un(e) metteur(e) en scène emblématique, pour attirer le public.

Est-ce que l’égalité d’accès aux moyens de production, entre les hommes et les femmes, est inscrite dans le cahier des charges de la maison ?

C’est inscrit dans les mœurs… L’égalité de salaires est la règle, et les doyennes ont été ces dernières années plus nombreuses que les doyens. Certes, le système des « feux » [le cachet que touchent les acteurs du Français à chaque représentation] favorise les hommes, puisqu’ils jouent plus que les femmes… Mais la différence n’est pas énorme. Encore une fois, je pense que le mouvement pour l’égalité est vraiment en marche, et irréversible, dans le milieu du théâtre. Les derniers des Mohicans à qui cette question donne encore des boutons sont de plus en plus regardés comme des momies.

Clarisse Fabre
Reporter culture et cinéma


Fabienne Darge
Journaliste au Monde

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December 26, 2016 4:24 PM
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Eric Ruf, tous les métiers du théâtre (1/5) : Apprendre

Eric Ruf, tous les métiers du théâtre (1/5) : Apprendre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Une série de cinq émissions, entretien réalisé par Arnaud Laporte pour France-Culture


Ecouter l'émission : https://www.franceculture.fr/emissions/voix-nue/eric-ruf-tous-les-metiers-du-theatre-15-apprendre



Comédien-scénographe-metteur en scène-Administrateur de la Comédie Française ; sa carte de visite est très longue, et nous déclinerons donc dans cette série d’A Voix Nue les différentes facettes et différents métiers d’Eric Ruf.


Depuis l'enfance d'Eric Ruf à Belfort jusqu’à ses fonctions actuelles, en passant par le Conservatoire de Musique, l'École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art, le Cours Florent, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, nous évoquerons aussi ses rencontres marquantes avec Anatoli Vassiliev ou Patrice Chéreau, ses débuts de scénographe, puis de metteur en scène, et les différents plaisirs selon les différents postes qu’il occupe dans une production.

Grand lecteur, Eric Ruf conserve un goût particulier pour la musique, comme l’ont aussi montré ses mises en scènes d’opéra.

Spectateur passionné, Monsieur l’Administrateur fait souffler un vent nouveau sur le Français, en y faisant venir les grands noms du théâtre mondial, mais aussi les jeunes talents les plus prometteurs.

Avec Eric Ruf, c’est d’un quart de siècle de vie théâtrale qu’il sera question.


Par Arnaud Laporte. Réalisation : Anne-Laure Chanel. Attachée de production : Claire Poinsignon. 


Intervenants
Eric Ruf : administrateur général de la Comédie française et comédien.


Eric Ruf• Crédits : Christophe Raynaud De Lage - Maxppp

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March 24, 2016 6:40 PM
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Eric Ruf : pourquoi la Comédie-Française sera de retour à Avignon en 2016

Eric Ruf : pourquoi la Comédie-Française sera de retour à Avignon en 2016 | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Photo :  Ivo van Hove © JAN VERSWEYVELD


Par Fabienne Pascaud dans Télérama :


L'administrateur du Français explique pourquoi ce retour après vingt-trois ans d'absence, et le choix du metteur en scène flamand Ivo Van Hove pour monter une adaptation des “Damnés” de Visconti.


Ce fut une belle surprise ! Le retour de la Comédie-Française au Festival d’Avignon où on ne l’avait pas vue depuis 1993. Soit depuis la mise en scène par Jacques Lassalle du Dom Juan de Molière dans la cour d’honneur du palais des Papes avec Andrzej Seweryn dans le rôle-titre, la jeune Jeanne Balibar dans Elvire… et déjà, dans un petit rôle, l’actuel administrateur de la maison, Eric Ruf, frais émoulu du Conservatoire. Et selon lui encore peu habile, voire très mauvais dans son petit rôle. Est-ce par désir de revanche qu’il souhaite aujourd’hui faire revenir sa troupe sous ce mistral qu’elle avait régulièrement affronté lorsque Pierre Dux, Jean-Pierre Vincent ou Antoine Vitez la dirigeait ?


Questions à Eric Ruf descendu lui-même à Avignon annoncer ces Damnés, d’après le film de Luchino Visconti, mis en scène par Ivo Van Hove avec Didier Sandre, Guillaume Gallienne, Elsa Lepoivre, Denis Podalydès, Eric Genovèse. Le spectacle bouclera aussi sa première saison salle Richelieu, à Paris …


Pourquoi ce désir de revenir à Avignon, où la troupe n’a pas réussi que des chefs-d’œuvre par le passé ?


L’absence – depuis 23 ans ! – de la Comédie-Française dans un festival où se voit ce qu’il y a de mieux en matière de théâtre, me semblait dommageable pour notre maison, renforçait son côté insulaire, son refus de se confronter aux comparaisons, aux évaluations. Sachant qu’Olivier Py aimait ces grands textes dont nous sommes si porteurs, ayant beaucoup aimé certains de ses spectacles, comme La Servante bien sûr, à Avignon même, je lui ai fait des propositions. Peer Gynt, par exemple, que j’avais moi-même mis en scène avec les comédiens français. Nous avons commencé à discuter, lors d’un dîner chez lui, à Ouessant, après un tournage commun…


Il était d’accord sur le choix du Flamand Ivo van Hove ; je pensais que c’était bien d’avoir un grand artiste étranger dans la Cour… On a tourné avec ce dernier autour de Shakespare. Mais je me méfiais de Shakespeare, il est trop identifié au palais des Papes, à son côté opératique. C’est certes rassurant, mais je ne pense pas qu’on gagne en rassurant.


Ivo van Hove a proposé Les Damnés, il a souvent monté au théâtre des adaptations de films… En plus, Visconti a toujours dit que Les Damnés était son œuvre la plus directement inspirée de Shakespeare ; on y revenait malgré tout… Certes, c’est aussi un pari scénographique, puisque le spectacle doit revenir ensuite salle Richelieu… Mais ce pari excite intellectuellement Ivo van Hove, m’a-t-il dit... Et moi je trouve que cette histoire de grand capital et de haine, ce côté tragédie antique convient parfaitement à la salle Richelieu.


Pourquoi le choix d’Ivo van Hove ?


J’ai vu sa mise en scène de Marie Stuart à Amsterdam, en flamand, sans comprendre. Et rien qu’à regarder le spectacle, je saisissais les lignes de force de la pièce. Quel metteur en scène ! Je l’ai rencontré. Et j’ai été fasciné aussi par son côté droit, posé, sa radicalité tranquillement affirmée. Sans posture. Je rencontrais une espèce de pasteur, comme il y en avait dans ma famille. J’étais en confiance.


Que vous évoque Avignon ?


J’ai toujours annoncé que je souhaitais renouer le travail avec les grandes institutions théâtrales. Or Avignon en est une. Essentielle. Par la profusion de propositions qui y sont faites au public et par la joie d’être bousculé par ces propositions. Son côté « grand théâtre national populaire » aussi m’émerveille. « Populaire », pour que les gens viennent ; mais exigeant, pour qu’ils restent…

Comme comédien, j’ai enfin vécu dans la cour d’honneur, pendant Dom Juan, une expérience à la fois désastreuse et extraordinaire. D’abord, j’avais peur parce que je venais de rentrer au Français et que j’étais mis en scène par l’administrateur même de la maison. Ensuite je n’avais pas la technique, je ne comprenais pas comment faire les pianissimo nécessaires, même dans ce lieu immense. Mais quelle beauté de jouer là-bas... Sur scène, on voit encore les étourneaux voler, on les entend, la nuit descend, avec cette masse noire du public devant vous, ça devient étrangement un concentré d’érotisme. Le vent vous caresse la joue et soulève votre chemise… Quel acteur n’a rêvé d’avoir le vent qui balaie ses cheveux et fasse flotter sa chemise ?

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December 18, 2015 4:56 PM
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Eric Ruf réveille « Roméo et Juliette »

Eric Ruf réveille « Roméo et Juliette » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Fabienne Darge dans Le Monde :

 

L’amour lui aussi serait-il un mirage, une ombre qui passe, s’agite et se pavane un moment sur la scène, puis que l’on n’entend plus ? Tel est-il, en tout cas, dans le superbe Roméo et Juliette qu’offre Eric Ruf à la Comédie-Française, et qui signe d’une éclatante réussite sa première mise en scène en tant qu’administrateur de la Maison de Molière.

« Demain, demain, demain, demain se faufile à pas de souris de jour en jour », pour encore paraphraser une autre pièce de Shakespeare – Macbeth –, dans ce spectacle qui restera comme une vraie redécouverte de ce « tube » du romantisme qu’est Roméo et Juliette, qui croule sous les clichés sirupeux ou ceux liés à son plus célèbre avatar, West Side Story. C’est par une série de subtils décalages, sans jamais violenter le spectateur, qu’Eric Ruf propose une vision neuve, tout en étant formidablement romanesque, de la pièce, qui n’avait pas été jouée au Français depuis… 1954.

Tout est beau, sans afféterie

L’administrateur de la maison signe ainsi un spectacle grand et tout public comme notre théâtre en offre finalement assez peu, à l’image du Cyrano de Bergerac de son ami Denis Podalydès, que l’on peut voir également au Français, où il est repris en cette période de fêtes et de sorties en famille.

Tout est beau, sans afféterie, dans ce Roméo et Juliette qui transpose l’histoire tragique des amants de Vérone dans une Italie du Sud aux couleurs crépusculaires. Le décor signé par le maître des lieux lui-même, qui est un remarquable scénographe, évoque plutôt, avec ses hauts murs gris écaillés, blessés comme une peau, les palais décatis de Naples ou de Palerme. Les costumes de Christian Lacroix, magnifiques comme toujours, situent la pièce dans une époque qui irait des années 1930 aux années 1960 : hommages discrets au Visconti de Rocco et ses frères et du Guépard, et à toute une histoire du cinéma italien.

L’histoire, éternelle, intemporelle, de l’amour des deux jeunes gens sacrifié sur l’autel de la lutte immémoriale entre deux clans rivaux, apparaît d’emblée dans toute sa dimension romanesque. Bakary Sangaré, que l’on retrouve ici, avec un immense plaisir, dans toute l’étendue de son talent d’acteur-conteur, apparaît sur le devant de la scène pour dire que va nous être racontée l’histoire de ces « deux amoureux aux étoiles contraires », et de leur « fin malencontreuse et lamentable ».

Hamlet avant l’heure

Et la voilà, cette histoire, recadrée tout en finesse notamment grâce au travail qu’a effectué Eric Ruf sur le personnage de Roméo. Et ce recadrage est aussi passionnant que pertinent quant à l’œuvre de Shakespeare. Si l’histoire de Roméo et de Juliette est tragique, semble nous dire le metteur en scène, ce n’est pas tant à cause de cette fameuse guerre entre les Capulet et les Montaigu – qui, au début de la pièce, a plutôt l’air d’être en voie de s’apaiser, malgré les ultimes provocations d’un des jeunes membres du clan Capulet, Tybalt.

Non, si l’histoire va si mal finir, cela tient plutôt à la personnalité de Roméo, à son inaptitude à vivre, qui fait de lui une sorte d’Hamlet avant l’heure, dans cette pièce de jeunesse de Shakespeare, écrite aux alentours de 1595, quinze ans avant Hamlet. Du coup, cela donne un Roméo qui n’est pas très flamboyant, ce dont certain(e)s se plaignent déjà, mais qui, dans la peau de l’acteur Jérémy Lopez, est tout à fait en accord avec la vision du metteur en scène : un Roméo bien peu solaire, comme absent à lui-même, qui semble contenir en lui le désir inconscient de la mort.

SI L’HISTOIRE VA SI MAL FINIR, CELA TIENT PLUTÔT À LA PERSONNALITÉ DE ROMÉO, À SON INAPTITUDE À VIVRE
Car la mort rôde, partout, dans ce Roméo et Juliette où elle ne se dissocie jamais de l’amour. A l’image de cette scène saisissante où Eric Ruf, s’inspirant des célèbres catacombes des Cappuccini de Palerme, met en scène les retrouvailles au tombeau des deux amants.

Comme un rêve

Et du coup, Juliette est une autre Ophélie, sacrifiée sur l’autel de la mélancolie de ce Roméo pour qui elle ne semble être qu’un mirage de plus, alors qu’elle est une jeune fille éclatante de fraîcheur et de désir de vivre. Suliane Brahim la joue de manière merveilleuse, cette Juliette que l’on découvre ainsi, sorte d’Audrey Hepburn d’une grâce et d’une légèreté inouïes, malicieuse, qui n’a pas froid aux yeux, et qui se fane et meurt en un clin d’œil, comme une fleur vive entre les mains d’un garçon pris dans les rets de sa morbidité.

Alors il file comme un rêve, ce spectacle de presque trois heures, qui s’appuie, en un choix qui peut paraître surprenant au premier abord mais s’avère tout à fait judicieux, sur la traduction de la pièce par François-Victor Hugo, dont Eric Ruf livre une adaptation scénique contemporaine, à la fois poétique et très efficace sur le plan théâtral.

Ainsi s’accomplit ce Roméo et Juliette, que porte une superbe distribution, composée de la fine fleur des Comédiens-Français. Pierre Louis-Calixte magnétise une fois de plus dans le rôle de Mercutio, sorte de bandit de grand chemin poétique. Didier Sandre sait mettre toute sa connaissance des grands névrosés du théâtre occidental au service du père Capulet. Claude Mathieu, Serge Bagdassarian, Danièle Lebrun… tous portent avec talent ce récit où le bruit et la fureur shakespeariens se jouent au niveau le plus intime.

Roméo et Juliette, de William Shakespeare (version scénique d’après la traduction de François-Victor Hugo). Mise en scène : Eric Ruf. Comédie-Française, place Colette, Paris 1er. Tél. : 01-44-58-15-15. A 20 h 30 ou 14 heures en alternance. De 5 € à 41 €. Jusqu’au 30 mai 2016. www.comedie-francaise.fr

Fabienne Darge
Journaliste au Monde

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December 9, 2015 6:41 PM
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"Roméo et Juliette" à redécouvrir à la Comédie-Française

"Roméo et Juliette" à redécouvrir à la Comédie-Française | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Voir la Vidéo : http://www.francetvinfo.fr/culture/spectacles/romeo-et-juliette-a-redecouvrir-a-la-comedie-francaise_1214147.html

 

Élise Lucet recevait en plateau ce mercredi 9 décembre, Eric Ruf, directeur de la Comédie-Française pour présenter sa pièce "Roméo et Juliette". Eric Ruf dirige le célèbre théâtre depuis septembre dernier. Ces trois premiers spectacles ont été de francs succès. "J'ai voulu que ce théâtre vivant puisse réunir en son sein des spectateurs qui ont envie de voir des choses du répertoire classique, mais aussi des choses modernes", explique-t-il en plateau.

Une oeuvre modernisée
Eric Ruf pour sa première mise en scène en tant qu'administrateur de la Comédie-Française a choisi "Romeo et Juliette" de William Shakespeare. Un choix "pour faire plaisir et attirer bêtement les gens qui ont le goût du classique et des titres immémoriaux du théâtre", se justifie Eric Ruf. L'oeuvre a été retravaillée et modernisée. "J'ai beaucoup dégraissé et beaucoup coupé. C'est plutôt les coupes et l'ordonnance des choses qui remusclent et donnent une impression de modernité", souligne le directeur de la Comédie-Française. Les costumes de la pièce sont signés Christian Lacroix. La pièce est à découvrir jusqu'au 30 mai prochain.

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September 11, 2015 3:24 AM
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«La Comédie-Française a besoin d’être bousculée»

«La Comédie-Française a besoin d’être bousculée» | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Hugues Le Tanneur pour Libération. Photo Chr. Raynaud de Lage

 

Alors que démarre sa première saison, le nouvel administrateur, Eric Ruf, détaille les projets qu’il développe pour la vénérable maison.

 

 

Il ne renverse pas la table, ne fait pas la révolution. L’arrivée d’Eric Ruf, nommé le 4 août 2014 à la tête de la Comédie-Française, marque cependant une rupture significative avec les méthodes souvent controversées de Muriel Mayette, qui a dirigé la maison pendant huit ans sans grandes prises de risques.

Entré à la Comédie-Française en 1993, Eric Ruf s’y est illustré en tant qu’acteur mais aussi comme metteur en scène et scénographe. Dans son bureau où il nous reçoit l’œil vif et pétillant, il affiche l’assurance sereine d’un capitaine de vaisseau tout à son affaire, qui vient de passer plus d’un an à rencontrer des metteurs en scène de renommée internationale afin de les confronter à la troupe. Avec Arnaud Desplechin en ouverture de saison, mais aussi Bob Dylan raconté par Greil Marcus plus tard et 20 000 lieues sous les mers monté par Christian Hecq, ainsi que le projet d’une salle modulable prévue d’ici 2020, il entend insuffler un vent nouveau à l’institution.

Votre première programmation en tant qu’administrateur tranche avec ce qui s’est fait dans les années précédentes. Vous avez voulu marquer un renouveau ?


Non pas exactement. Je connais la maison de l’intérieur, je sais que ce n’est pas à l’aune d’une mandature qu’on peut changer quoi que ce soit. Déjà si à la fin de mon mandat la maison continue à bien fonctionner, je pourrai m’estimer heureux.

Quelle vision avez-vous, à l’orée de cette première saison, de votre mission d’administrateur ?


C’est un exercice d’équilibre assez fragile. Il y a deux choses à réussir à la Comédie-Française : l’une est de satisfaire la demande du public ; l’autre est de satisfaire les aspirations de la troupe. Les deux ne se conjuguent pas toujours.


Dans une telle maison, au fonctionnement quasi autarcique, avec ce côté patrimonial dont les origines remontent au XVIIe siècle, quelle est votre marge de manœuvre pour faire bouger les choses ?


La Comédie-Française est une maison qui a besoin d’être bousculée, mais dans le bon sens. L’idée n’est pas de tout remettre en question sur le plan administratif ni sur le plan artistique. C’est une question de méthodologie. Le public entretient une relation très particulière avec la Comédie-Française. J’ai signé des autographes intergénérationnels pendant toute ma carrière. Rares sont les théâtres où existe une relation de cet ordre avec le public.

 

 

Lire l'article entier : http://next.liberation.fr/culture-next/2015/09/10/la-comedie-francaise-a-besoin-d-etre-bousculee_1379714

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June 17, 2015 5:01 PM
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"Comme une pierre qui…" : nouveau souffle à la Comédie-Française avec Eric Ruf

"Comme une pierre qui…" : nouveau souffle à la Comédie-Française avec Eric Ruf | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Presque un an après sa nomination, le nouvel administrateur de la Maison de Molière a dévoilé le 15 juin la programmation pour la saison 2015/2016, la première de son cru. Metteurs en scène invités, à commencer par le cinéaste Arnaud Desplechin, entrées au répertoire, adaptation d’oeuvres non théâtrales – dont un livre sur Bob Dylan -, création de nouveaux rendez-vous avec le public : à la tête de cette maison qu’il connait bien pour y être entré il y a plus de vingt ans, et en toute conscience des contraintes, Eric Ruf entend y « pousser le théâtre vers sa modernité« .

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February 20, 2015 3:26 AM
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Eric Ruf : "Rien n'est à la hauteur de ce que j'imaginais"

Eric Ruf : "Rien n'est à la hauteur de ce que j'imaginais" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

 Éric Ruf, acteur et metteur en scène, à la tête de la Comédie française est sur le plateau de France 3.

 

Depuis cet été, Eric Ruf est l'Administrateur général de la Comédie-Française. Il confie à France 2 ses impressions : "Rien n'est à la hauteur de ce que j'imaginais, c'est beaucoup plus haut, beaucoup plus complexe, c'est beaucoup plus difficile et passionnant mais la passion est vraiment au-delà".
Au sujet de la programmation de l'année 2014-2015 établie par sa prédecesseure, Murielle Mayette-Holtz, il déclare : "je défends ses choix avec coeur, je m'inscris dans une continuité, Murielle était dans cette troupe depuis bien avant moi", explique-t-il.

Des costumes réalisés par Jean-Paul Gaultier

Concernant ses prochaines ambitions, Eric Ruf souhaite poursuivre l'excellence du célèbre théâtre parisien. "J'ai la même ambition que n'importe quel directeur de théâtre, proposer le plus grand théâtre, c'est-à-dire de faire venir les plus grands metteurs en scène et de trouver les mariages les plus fertiles entre les titres et ces grands metteurs en scène".
Pour l'entrée à la Comédie-Française de l'auteur Dea Loher avec sa pièce "Innocence", les costumes seront réalisés par le couturier Jean-Paul Gaultier.

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October 22, 2014 8:51 AM
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Lot de consolation pour les perdants de la Comédie-Française - France Inter

Cet été François Hollande a nommé le comédien et scénographe Eric Ruf à la tête de la Comédie-Française en replacement de Muriel Mayette-Holz au poste très convoité d’administrateur de la Comédie-Française. Une nomination contre l’avis de la ministre de la Culture de l’époque, Aurélie Filippetti, qui avait choisi le directeur du théâtre de la Colline, Stéphane Braunschweig. L’autre candidat, le directeur du TNP de Villeurbanne, Christian Schiaretti n’avait même pas été reçu par l’Elysée. Grand seigneur, Eric Ruf a proposé aux deux recalés de mettre en scène un spectacle lors de la saison 2015/2016 (ou des saisons suivantes selon les emplois du temps des uns et des autres). Ils ont accepté et réfléchissent à la pièce du répertoire qu’ils vont proposer. Un geste qui honore le nouvel administrateur de la Comédie-Française.

Par Stéphane Capron, Mardi 21 octobre à 14h25
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September 11, 2014 7:33 AM
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Eric Ruf : « Redonner un lustre artistique au Français »

Eric Ruf : « Redonner un lustre artistique au Français » | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Le nouveau patron de la Comédie-Française présente ses priorités : plus de metteurs en scène étrangers, de partenariats…

 

Avec Eric Ruf, nommé le 16 juillet administrateur de la Comédie-Française, en remplacement de Muriel Mayette-Holtz, le premier théâtre de France entame une nouvelle ère, prometteuse. Comédien, scénographe et metteur en scène renommé, le patron de la maison de Molière, âgé de 45 ans, vit depuis vingt ans au Français, dont il connaît les arcanes les plus secrets. Installé depuis une dizaine de jours dans le vaste bureau directorial, au premier étage (celui de la scène) de la vénérable maison, il détaille son projet et ses ambitions. Maître mot : ouverture.

 

Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous porter candidat à ce poste d'administrateur de la Comédie-Française qui, selon le mot célèbre de Jean-Pierre Vincent , est « le plus difficile de France avec Matignon » ?

J'ai senti que c'était le bon moment. Depuis toujours, la troupe guette, ausculte, en son sein, qui peut être à même d'assumer cette responsabilité paradoxale. Depuis un certain nombre d'années, j'ai été pressenti. J'ai 45 ans, je me suis demandé si j'avais envie de passer quarante ans dans cette maison, et j'ai répondu : non. Je me suis donc dit que je pouvais assumer ce rôle, pour pouvoir vivre une autre vie après.

 

Allez-vous faire la révolution ?

Non… Je pense d'ailleurs que si j'ai été choisi, par rapport à cet excellent candidat venu de l'extérieur qu'était Stéphane Braunschweig , c'est bien dans l'idée de maintenir une certaine continuité. Quoi que l'on en dise, cette maison est extrêmement solide, elle dispose de forces vives, artistiques et techniques, formidables, et je suis persuadé que c'est en respectant ces forces au préalable que l'on peut réformer la maison, qui en a besoin, par ailleurs.

 

Quels sont les grands axes de la réforme que vous souhaitez mettre en œuvre ?

Je souhaite d'abord redonner un certain lustre artistique à la maison. Faire revenir des artistes qui ont des visions éclairées, partageantes, non didactiques sur le présent, le monde dans lequel on vit, et qui, en même temps, sont capables d'aimer ce que j'appelle les « oripeaux théâtraux » : le décor, la joie du jeu, les grands génériques qui saluent, les costumes… C'est très important pour la Comédie-Française, dont une des missions est d'être une fabrique de spectateurs.

J'ai donc le désir que puisse s'exprimer au Français une forme de spectacle total, qui réunirait le fond et la forme, la profondeur de la pensée et la joie de la toile peinte et du jeu. Nous sommes une maison aimantée par le passé, parce que le fauteuil de Molière est là, parce que les gens goûtent les velours, les pampilles et les atlantes, mais il faut tenter d'inscrire tout cela au présent.

 

A quels artistes pensez-vous pour déployer ce théâtre à la fois spectaculaire et engagé dans le présent ?

J'aimerais beaucoup pouvoir faire venir Jean-François Sivadier et Thomas Ostermeier , qui, pour moi, sont emblématiques, chacun dans leur genre, de ce théâtre qui tient ensemble ces deux pôles. Je souhaiterais que la maison redevienne celle des maîtres du théâtre français, qu'Alain Françon et Jacques Lassalle puissent y poursuivre leur travail, mais aussi que d'autres, comme Stéphane Braunschweig, Christian Schiaretti ou Jean-Louis Martinelli puissent y revenir ou y être enfin accueillis. Et cela m'intéresserait de trouver une place pour ces chefs de troupe qui renouvellent le théâtre à la tête de leurs collectifs, à l'image de Rodolphe Dana ou de Sylvain Creuzevault.

 

L'envie d'inviter Thomas Ostermeier reflète-t-elle votre volonté de rouvrir le Français sur l'étranger ?

Oui, c'est indispensable. Je suis bien placé pour le savoir, moi qui ai travaillé, jeune, avec le metteur en scène russe Anatoli Vassiliev. Le public comme les comédiens du Français ont besoin de se confronter avec d'autres esthétiques, d'autres façons d'aborder notre langue.

 

Cette volonté de réancrer la Comédie-Française dans le présent passe-t-elle aussi par le répertoire contemporain ? Est-ce la mission de la maison de Molière, par rapport à d'autres théâtres nationaux comme celui de la Colline ?

Bien sûr que cela fait partie de la mission de la Comédie-Française que de faire entrer au répertoire des œuvres nouvelles qui deviendront les classiques de demain. Et c'est une mission délicate, une responsabilité énorme.

 

Quels auteurs auriez-vous envie de voir venir ?

Je n'ai guère eu le temps encore de me pencher sur ce sujet, et je souhaite travailler en grande concertation avec le comité de lecture. Mais je songe à Laurent Mauvignier, par exemple.

 

Quels seront les obstacles à la mise en œuvre de ces projets ?

La question capitale, qui demande à être réglée depuis des années, est celle de l'obtention, enfin, d'une nouvelle salle, modulable, qui permette d'accueillir les esthétiques contemporaines dans un cadre adapté. Ce sera mon principal chantier. Tant que ce problème ne sera pas réglé, le Français ne pourra pas vraiment entrer dans la modernité.

 

Aurez-vous les moyens de faire tout ça ?

Sans doute que non… Mais il faut imaginer, trouver de nouvelles manières de faire, réactiver les partenariats, par exemple, avec le Festival d'Avignon – cela fait vingt ans que le Français n'est pas allé y jouer ! –, le Festival d'automne ou les théâtres en région…

 

Que devient Mme Mayette-Holtz ?

Elle redevient comédienne dans la troupe : elle avait négocié avec le ministère de retrouver ses parts dans la société des comédiens si elle n'était pas renouvelée. Elle n'apparaîtra pas dans la saison qui commence, puisque c'est elle qui l'a programmée, mais, dès la saison suivante, il me reviendra de la distribuer, au même titre que les autres membres de la troupe.

 

 

Fabienne DargeArticle paru dans le Monde du 12 septembre
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