Revue de presse théâtre
2.5M views | +1 today
Follow
Revue de presse théâtre
LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
Your new post is loading...
Your new post is loading...

Quelques mots-clés

Current selected tag: 'Elise Chatauret'. Clear
Scooped by Le spectateur de Belleville
May 7, 2023 3:36 PM
Scoop.it!

« Monsieur, est-ce que ça existe les violences justes ? »      Critique du spectacle "Les moments doux" (Elise Chatauret / Thomas Pondevie) par Jean-Pierre Thibaudat 

« Monsieur, est-ce que ça existe les violences justes ? »      Critique du spectacle "Les moments doux" (Elise Chatauret / Thomas Pondevie) par Jean-Pierre Thibaudat  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog, le 7/05/23

 

Après « Ce qui demeure », « Saint-Félix, enquête sur une hameau français », « A la vie ! » ou « Pères », depuis huit ans la compagnie Babel dirigée par Élise Chatauret et Thomas Pondevie poursuit, avec force et acuité, son exploration de notre société avec « Les moments doux ». Une subtile approche de la violence fondée sur des témoignages à travers un triple prisme : école, famille, travail.

C’est la fin de la pièce. On se retrouve à l’école primaire comme tout début du spectacle. Entre temps, de multiples scènes de violences à la maison, au bureau, à l’école sont passées par là. Le maître qui vient de parler de la Révolution française pose la question aux enfants (et donc au public) : « Faut-il nécessairement faire couler le sang pour faire progresser les droits ? Peut-on faire aboutir les droits sans passer par la violence ? Faire aboutir des droits par la violence, est-ce encore de la violence ? Vous par exemple, vous seriez prêt à vous battre pour défendre vos copains et vos copines ? Pour défendre votre pays ? Pour défendre vos parents ? Vos idéaux ? » Alors la petite Sofa demande : « Monsieur : est-ce que ça existe les violences justes ?».

 

 

Ce sont là les derniers mots de la pièce et ils résument son questionnement. C’est peu dire qu’à l’heure de l’Ukraine, de la répression policière lors des manifs contre la loi sur les retraites et celles contre les méga-bassines, des violences au parlements et dans les chambres conjugales et nombre de faits divers récurrents, ce spectacle tombe on ne peut plus juste alors que ses références en matière de violence sociale sont volontairement datées : l’affaire des chemises déchirées des cadres d’Air France et la casse sociale à France Télécom et sa vague de suicides. Dans un dynamique montage, les auteurs nous font passer tout au long du spectacle de la violence à l’école à la violence domestique et à la violence au travail (astucieuse scénographie de Charles Chauvet). Les trois axes cohabitent dans un formidable et pertinent entrelacement.

 

 

Comme pour chacun de leurs spectacles, Chatauret & Pondevie, accompagnés par leurs actrices et acteurs ont d’abord mené un long travail d’enquête. Témoignages, rencontres et nombre de lectures. Les témoignages sont enregistrés et servent de base pour le travail sans s’en tenir à un paresseux verbatim. Tout est repris et relancé dans la sphère du travail théâtral : improvisations, discussions, écriture, montage. Un formidable théâtre documenté, affiné au fil des spectacles depuis Ce qui demeure (lire ici) jusqu’à Nos pères (lire ici), en passant par Saint-Félix, enquête sur un hameau français (lire ici) et A la vie ! (lire ici).

 

 

 

On retrouve Solenne Keravis, Manumatte et Charles Zévaco vus lors de précédents spectacles, ils ont été rejoints par François Clavier, acteur buriné d’aventures théâtrales, le plus chevronné de tous, la presque débutante Samantha Le Bas (en troisième année du Conservatoire de Paris) et Julie Moulier. Tous, excellents, font troupe, bloc, manipulent le décor en le recomposant et jouent tous les rôles : le maître d’école, pour ne citer que lui, est joué tour à tour par chacun d’entre eux ou presque, le manager ici sera l’employé malmené deux scènes plus loin, etc. Le titre du spectacle st volontairement paradoxal : Les moments doux.

 

 

Le spectacle commence, si l’on peut dire, en douceur, avec des scènes de violences à l’école : le maître interroge une image de bande dessinée où un kangourou, en train de sauter à la corde, se fait embêter zzzz par une abeille sous l’œil médusé d’un lapin. L’histoire se poursuivra dans d’autres scènes intercalées, le kangourou va se rebiffer en attaquant la ruche et les enfants se demanderont si sa réaction n’a pas été « disproportionnée ». On passe à une scène familiale au retour de l’école: Manon s’est battue avec Linda qui l’énervait, résultat un nez cassé pour l’une un conseil de discipline pour l’autre. La réaction des parents (« on n’utilise pas la violence physique ») sera éclairée plus loin par une autre scène similaire où les parents auront une réaction strictement inverse (« notre fils se fait tabasser et mettre en sang et lui il répond pas mais putain je vais tout casser moi ! »). Chatauret & Pondevie pratiquent un art savant du montage.Et d'éclairages internes. Ce qui leur permet d'intercaler  cette jolie scène sucre d'orge: le dialogue entre un homme et une femme mariés, travaillant dans la même entreprise et débordés, se renvoyant à la face la liste des tâches domestiques à faire.

 

 

C’est par le biais un peu tordu de l’école qu’on en vient à ce que les spectateurs ont plus ou moins en mémoire : l’histoire de France Télécom Orange et le plan de départ de 22000 salariés avec un détour par les écoles de management et ses jeux de rôles, du théâtre dans le théâtre donc.Par la suite, l’affaire des licenciements à Air France et des chemises déchirées des hauts cadres organisateurs du licenciement massif nous vaudra un désopilant effet de réel : une séquence audio où l’on entendra Manuel Vals, impayable, déclarer « Air France est sous le choc et quand Air France est sous le choc, c’est toute la France qui est sous le choc». L’une des dernières séquences, en forme d’arroseur arrosé, montre la troupe du spectacle réunie : les réductions budgétaires imposent le licenciement d’un des membres de l’équipe, mais qui ? Aussi cruel que savoureux. François, le plus ancien donc le plus menacé, se rebiffe : « je croyais qu’on s’appréciait, qu’on était une équipe ! Qu’on était censé vivre ensemble des moments doux. ».

 

 

Le spectacle a été créé au CDN de Nancy. Il est passé par Saint-Étienne, Sevran, Béthune (où nous l’avons vu), il sera à l’affiche du Théâtre de Malakoff les 11 et 12 mai. Puis, à la rentrée prochaine, au Théâtre des Quartiers d’Ivry du 10 au 22 octobre, avant Sète, Villefranche-sur-Saône, Fontenay-sous-Bois et la MC2 de Grenoble.

 

Crédit photo :  © Christophe Raynaud de Lage

No comment yet.
Scooped by Le spectateur de Belleville
January 11, 2022 5:52 AM
Scoop.it!

L'art puissant d'Elise Chatauret : "A la vie"

L'art puissant d'Elise Chatauret : "A la vie" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 10  janvier 2022

Légende photo : Au fond Charles Zevaco, devant, Solenne Keravis. Questions torturantes…Christophe Raynaud de Lage. DR.

 

 

Sur un texte composé avec Thomas Pondevie et la compagnie Babel, elle met en scène des comédiens sensibles dans une réflexion profonde sur la mort, le passage, qu’elle intitule « A la vie ! ». Et c’est formidable. 

 

Une bousculade de citations, une explosion de phrases. Un amoncellement de corps sans vie sur le plateau. Cela commence ainsi, A la vie !  Par des personnages arrachés au cadre de la pièce qui les protège…Ils surgissent, venus d’horizons très divers. De la tragédie à la farce grinçante, des antiques aux contemporains. Je meurs-Je sens que je me meurs-Mourons donc…

 

 

Les artistes qui ont composé le spectacle ne cherchent en rien à égarer le public, mais au contraire à l’éclairer. Avant d’entrer dans la salle, on vous remet un « recueil des emprunts aux textes dramatiques ». Vous saurez tout.

 

 

Dans une scénographie volontairement « théâtrale » de Charles Chauvet, qui signe également les costumes avec Morgane Ballif, espace fardé de lumières mouvantes de Léa Maris et d’un travail sur le son, subtil -micros compris- de Lucas Lelièvre et Camille Vitte, se déploie A la vie !

 

On commence par rire, d’un bon rire franc devant l’ouverture ironique et joyeuse, de ce moment de théâtre haut et puissant. Ils y passent tous : Hugo et Racine, Shakespeare comme Copi et plus tard Ionesco. Et les interprètes aussi, toutes et tous : Justine Bachelet, Solenne Keravis, Juliette Plumecocq-Mech, Emmanuel Matte, Charles Zévaco.

 

Mais ce prologue en costumes –que l’on retrouve à la fin dans une composition inspirée d’un tableau de Giotto, qui referme la représentation sur l’ombre d’ailes angéliques et chrétiennes- n’est là que pour mieux nous précipiter au cœur du chaudron d’un propos dérangeant. Non pas mourir, mais choisir de mourir, vouloir mourir. Et comment ? Et qui pour décider ? Et qui pour agir ?

Des questions graves, taillées dans le théâtre même. Des contradictions déchirantes. Les interprètes passent du « rôle » de patient à celui de « soignant », le temps d’enfiler une blouse blanche. Tout s’enchaîne à folle allure. Spectateurs, nous sommes confrontés à une cascade de « cas », de situations.

 

Mais rien ici qui emprunte à un catalogue éthique, sociologique, médical, dont on nous présenterait des exemples avec scènes illustrant des conflits, des difficultés morales ou scientifiques. Ici, il y a effectivement la vie, comme ne ment pas le titre, et le théâtre. C’est cela qui frappe et offre une assise magistrale à ce travail qui revendique l’enquête, la recherche. Mais qui est tout entier théâtral.

 

L’intelligence de la construction, la fermeté de la direction, l’humanité sans mièvrerie qui irrigue chaque scène, tout concourt à donner une force rare à la représentation. Le groupe des interprètes, familiers de l’univers d’Elise Chatauret, et esprits actifs de la conception de l’ensemble, est composé de personnalités rares. La jeune Justine Bachelet, présence et harmonie, vivacité, Juliette Plumecocq-Mech, précise comme fine lame et très sensible, Solenne Keravis, celle qui traverse les apparences, Emmanuel Matte, dans la densité, la métamorphose, Charles Zévaco, vif argent épanoui dans une danse époustouflante, sont unis et singuliers.

 

On ne connaissait pas le travail d’Elise Chatauret. Il arrive que des artistes et leurs créations nous échappent. Qu’on les rate. Après Ce qui demeure, dialogue entre une jeune femme et une femme de 93 ans, après Saint-Félix, enquête sur un hameau français, après Pères enquête sur les paternités d’aujourd’hui, trois productions de la compagnie Babel, trois mises en scène d’Elise Chatauret, sur des textes composés avec son groupe de comédiens et Thomas Pondevie dont on connaît aussi le travail au Théâtre de Montreuil et les propres recherches, telles celles ayant abouti à Supernova.

 

Mourir, la belle affaire, la grande affaire. Mourir, au théâtre, rien de mieux. Le Roi qui se meurt : « Vous tous, innombrables, qui êtes morts avant moi, aidez-moi. Dites-moi comment vous avez fait pour mourir, pour accepter. »

« Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir », ainsi qu’il est dit dans Suréna de Corneille.

 

 

Armelle Héliot 

 

 

« A la vie ! », des Quartiers d’Ivry, Manufacture des Œillets, jusqu’au 16 janvier. A 20h30 en semaine, 18h00 le samedi, 17h00 le dimanche. Durée : 1h30. Tél :  01 43 90 11 11.

– 30 novembre > 4 décembre MC2 Grenoble, Scène nationale
– 22 mars 2022 : Théâtre de Chelles
– 29 mars 2022 : Verdun – Transversales
– 12/04 > 15/04/2022 : Théâtre Dijon Bourgogne, CDN

Les précédents spectacles d’Elise Chatauret, Thomas Pondevie et la compagnie Babel sont en tournée en France. Consultez les lieux et dates sur le site : www.compagniebabel.com

 

 

 

No comment yet.