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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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July 27, 2022 12:50 PM
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Richard II, de Shakespeare, m.e.s. Christophe Rauck : Regarde les hommes tomber

Richard II, de Shakespeare, m.e.s. Christophe Rauck : Regarde les hommes tomber | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thierry Jallet dans Wanderer, le 28 juillet 2022

 

 

Avignon, Lycée Aubanel, dimanche 24 juillet 2022, 18h

 


De retour dans le "In", nous nous sommes rendus au Gymnase du lycée Aubanel pour assister à Richard II dans la mise en scène qu’en propose Christophe Rauck. Pièce emblématique montée en 1947 par Jean Vilar qui en tenait le rôle-titre dans la Cour d’honneur, passée par la tradition kabuki grâce à Ariane Mnouchkine qui la reprend en 1982, de retour dans la Cour d’honneur en 2010 avec Denis Podalydès dans une mise en scène de Jean-Baptiste Sastre, Richard II est une pièce qui appartient au cycle shakespearien des Histoires et qui, pourtant, reste une des moins jouées de l’auteur. Récit historique en vers, inspiré du règne de Richard II d’Angleterre, elle évoque un XVème siècle anglais instable et sanglant où les unions succèdent aux trahisons, les trahisons à d’autres trahisons. Déjà programmé en 2018 avec Le Pays lointain (un arrangement) de Jean-Luc Lagarce, Christophe Rauck revient donc avec Shalespeare en Avignon pour cette soixante-seizième édition. Et c’est le comédien Micha Lescot avec qu’il a déjà dirigé qui lui a proposé de reprendre ce rôle. Après avoir brièvement hésité, le directeur de Nanterre-Amandiers a finalement accepté reconnaissant que son Richard II est « l’histoire d’une destitution » et « l’histoire d’une rencontre entre un acteur et [lui] ». Nous étions présents dans la salle en cette fin d’après-midi dominicale où la foule se pressait pour voir le spectacle dont nous rendons compte ici.

 

 

Alors que les spectateurs entrent et prennent place dans les gradins, on perçoit une certaine fébrilité autant liée à la chaleur accablante qui règne sur Avignon qu’à l’empressement à découvrir la mise en scène de Christophe Rauck dont on parle avec beaucoup d’enthousiasme dans les rangs. Pour autant, plongé dans l’obscurité, le plateau reste inaccessible aux regards impatients. Le sons des célèbres trompettes de Maurice Jarre indiquant les début imminent de la représentation, les vibrations de la salle s’apaisent. Sur un tulle sombre fermant la scène est projeté le mot « Windsor » apportant immédiatement une précision didascalique sur l’espace où les événements se déroulent – comme ce sera le cas chaque fois, au fil du spectacle à cet endroit lorsque le voile sera tiré, ou bien au lointain. A travers le tulle opacifiant sensiblement la vue du plateau, on devine la présence d’un vieil homme – Jean de Gand, campé par Thierry Bosc révélant avec grande maîtrise toute la solidité de l’homme d’Etat au service de son roi à qui il révèlera quand même ce qu’il pense de lui dans ses derniers instants de vie. Derrière lui, deux silhouettes immobiles, debout face au public, ombres vagues dans un faisceau brutal de lumière blanche – Bolingbroke, puissant Éric Challier qui traduira les ambiguïtés du futur roi aimé par ses sujets mais en manque d’une parole performative à propos de son encombrant prédécesseur destitué ; Mowbray, duc de Norfolk, soigneusement interprété par Guillaume Lévêque. Frappée d’irréalité, l’image renvoie à une sorte de tribunal de cauchemar, filtrant à travers les brumes de l’Histoire.

 

 

Les deux hommes sont en effet accusés d’avoir tramé la mort de Woodstock, duc de Gloucester, exprimant d’emblée le climat délétère et continuellement menaçant de l’époque marquée par de multiples complots contre le pouvoir en place. Une autre silhouette tourne autour du rond de lumière dans lequel chacun se trouve, déambulant ensuite sur les degrés qu’on entrevoit à jardin et à cour. Une silhouette gracile, arborant un costume plus clair : le roi Richard II – et Micha Lescot irradie dès cette première scène. La voix est claire et retentit dans l’espace de la salle. Il est celui qui a fomenté la mort de Gloucester, comme on le comprend dans la scène suivante. Les gestes sont mesurés, les placements de chaque personnage porteurs de sens, dans un environnement virilisé à l’extrême. C’est un authentique exercice de pouvoir qui est retranscrit ici, comme l’Histoire en compte de nombreux. Un mâle pouvoir déjà fragilisé pourtant – peut-être en raison de l’allure presque androgyne du souverain. Après un affrontement avec Mowbray à qui il exprime son exercice du pouvoir tout en verticalité – « les lions domptent les léopards » – le Roi ne condamne aucun des deux suspects mais s’en remet au Jugement de Dieu, en leur proposant un duel. Un premier retrait. Une première erreur pour entamer la chute inexorable. Et déjà une étrange et paradoxale forme de grandeur sans nulle autre pareille.

 

Ce duel donne lieu a une scène au visuel tout à fait remarquable où les deux bretteurs engagent le combat avec des lumières stroboscopiques et une musique aux sons saturés exaltant la violence de la lutte. C’est alors qu’une autre image spectaculaire apparaît. La phrase « Arrêtez, le roi a jeté son bâton ! » apparaît sur le tulle. Un mince faisceau éclaire Richard qui, bras en avant, tend son sceptre doré et va interrompre le duel pour prononcer contre toute attente une peine de bannissement pour les deux opposants. D’une parole donnée à une parole reprise et modifiée, l’enjeu de la pièce est finement tracé par le travail de Christophe Rauck avec ses comédiens : Richard II est le récit d’une chute et d’un retranchement dans la parole. Richard est seul, à distance de tous les autres autour de lui – rappelons ici le jeu sur les formidables costumes de Coralie Sanvoisin qui font contraster la blancheur de celui de Richard avec celui des autres, notamment les facétieux motifs Prince de Galles des autres hommes. Comme l’affirme le metteur en scène, il s’agit de « l’histoire de ce roi qui n’écoute plus les autres et qui, face au jeune Henri Bolingbroke, aimé des gens, finit par être destitué ».

 

Richard a cependant ses soutiens : Aumerle, fils du duc d’York – le jeu d’Emmanuel Noblet est toujours riche de nuances, ici entre droiture dans l’accompagnement du pouvoir royal en place et perte de sang froid au moment où son père York – Thierry Bosc, sublime dans ce rôle également– le confond avec véhémence et veut le dénoncer au nouveau roi, avant que sa mère – Murielle Colvez proposant ce qui peut être une fine caricature de la mère éplorée – n’intercède en sa faveur pour obtenir la clémence de Bolingbroke devenu Henri IV ; Bushy et Greene – Pierre-Thomas Jourdan et Louis Albertosi, tous deux très justes – qui, accusés d’avoir perverti le roi, sont confrontés à un Bolingbroke au faîte de sa puissance, qui les soulève de terre, exerçant contre eux une force physique relayant celle qu’il obtient par la faveur de ses soutiens – ses partisans les regardent sur les deux gradins les enfermant en contrebas.

 

Christophe Rauck compose de sublimes tableaux grâce au remarquable travail scénographique d’Alain Lagarde et aux lumières délicates d’Olivier Oudiou, évoquant des lieux enténébrés souvent barrés d’un tranchant faisceau, depuis la Chambre des Communes jusqu’à la prison, tombeau cryptique de Richard. Avec la présence au plateau de techniciens efficaces et précis, les gradins sont mobiles, bougent, sont lancés dans un mouvement rotatif presque effrayant comme dans l’ultime face-à-face entre Richard et la reine – Cécile Garcia Fogel, troublante et sombre – toute de blanc vêtue comme son époux défait, en chemise longue, emportés tous deux dans le tourbillon de l’Histoire.

 

Le texte shakespearien, formidablement servi ici, résonne clairement, les mots flamboient et on ne peut pas ne pas citer la dernière scène de l’acte III, où le jardinier à l’allure inquiétante – Pierre-Henri Puente sur une échelle au lointain, le visage recouvert d’un masque défigurant – annonce à la reine la déchéance à venir du roi dans un discours empreint malgré tout d’une vibrante poésie dans la traduction de Jean-Michel Déprats :

 

« Pauvre reine, si cela pouvait adoucir ta condition,
Je voudrais que mon art subisse ta malédiction.
Ici, elle a versé une larme. Ici, à cette place
Je planterai un massif de rue, cette plante amère, herbe de grâce.
Bientôt on la verra, symbole de pitié
Fleurir en souvenir d’une reine éplorée » (III, 4 )

 

 

Pour finir, revenons sur la figure de Richard et sur l’authentique incarnation qu’en propose Micha Lescot. Son personnage, singularisé par rapport aux autres qui gravitent autour de lui pour mieux le servir au théâtre qu’en tant que roi, est travaillé en profondeur et dévoile avec une obscure brillance un homme en pleine possession du pouvoir royal, au sommet d’une Angleterre avec laquelle il va peu à peu se retrouver en rupture, ce qui va le précipiter dans l’abîme. Car il est le roi qui rompt avec son peuple. La volonté obsessionnelle et inarrêtable de mener à tout prix une guerre sur le sol irlandais dès le premier acte atteste pleinement de ce divorce consommé. Seul ou mal entouré, il s’éloigne et se découvre simple homme – au sens propre comme dans la scène de destitution où il quitte ses vêtements pour ne garder qu’une chemise longue, à peine garante de sa dignité. Le jeu fiévreux de Micha Lescot montre les angles morts, les tourments d’un homme découvert, déclassé qui court à sa perte. Un roi nu ou presque, au bord de la folie, à moins qu’il n’atteigne ici la plus grande sagesse dont il n’ait jamais pu être capable avec la couronne d’Angleterre sur la tête. Un roi nu ou presque tantôt déchirant dans son désespoir tantôt drôle dans son cynisme à l’égard de ceux qui le supplantent, le trahissent. Et cette couronne qu’il enfile sans user de ses mains, en rampant à quatre pattes avant de la donner à Bolingbroke devient métonymiquement sa malédiction à lui. Il le perçoit distinctement et l’exprime avec une extraordinaire acuité qui lui confère toute sa paradoxale grandeur, conscient de la submersion prochaine qui va l’emporter – comme l’annonce la monumentale projection au lointain, créée par Étienne Guiol, du flux et le reflux des vagues gagnant peu à peu en hauteur.

 

Ce splendide Richard II, intelligemment relu et mis en scène, joué avec virtuosité exerce un troublant magnétisme sur les spectateurs, et prend très légitimement sa place parmi les créations de cette pièce qui compteront dans l’histoire du Festival d’Avignon. Quittant le Gymnase du lycée Aubanel, on reste encore frappé par la modernité toujours extraordinaire du théâtre de Shakespeare et les échos contemporains de la pièce. « Elle résonne avec le monde d’aujourd’hui (…) disons que certains éléments résonnent avec l’actualité » comme l’affirme Christophe Rauck. Facilité du parallèle avec lequel il convient de rester prudent ? Certainement. Pourtant ne faudrait-il pas considérer davantage nombre de récits au théâtre à l’exemple de Richard II, comme autant de précieux vade-mecum. Des récits réputés superficiels mais éclairant souvent un chemin sûr à suivre. Y compris dans l’exercice du pouvoir sans doute.

 

Thierry Jallet / Wanderer 

 

 

 

 

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April 3, 2021 11:21 AM
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Christophe Rauck, clarté du passage

Christophe Rauck, clarté du passage | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - le 30-03-21

 

De Lille à Nanterre, « Dissection d’une chute de neige » de la Suédoise Sara Stridsberg, dessine le chemin d’un théâtre toujours exigeant qui repose sur une direction subtile, une interprétation sensible. A suivre, donc

Une longue boîte de verre qui ne pivotera que vers la fin, une longue boîte de verre dans laquelle tombe une neige douce qui a formé depuis longtemps un tapis moelleux dans lequel on peut disparaître.

 

La scénographie d’Alain Lagarde et les lumières d’Olivier Oudiou, induisent immédiatement l’idée d’un conte, comme si l’on n’était pas complètement dans la réalité. De même agissent les costumes de Fanny Brouste, et l’ensemble des éléments qui soutiennent la représentation : coiffures, maquillages, vidéo, notamment.

 

Après La Faculté des rêves, en 2020 -un spectacle que nous n’avons pas vu- Christophe Rauck revient à l’auteure contemporaine suédoise Sara Stridsberg et met en scène Dissection d’une chute de neige, pièce inspirée de la vie de la reine Christine, immortalisée par Greta Garbo.

 

Donné pour quelques représentations, au Théâtre du Nord, devant un public de professionnels et d’élèves, le spectacle devrait être repris en tournée à partir de novembre prochain, faisant notamment halte à Nanterre-Amandiers. Depuis le 1er janvier dernier, Christophe Rauck, après sept années à Lille, en est le nouveau directeur, tandis que Philippe Quesne a retrouvé une relative liberté : une compagnie et de nombreux projets pour un artiste très demandé.

 

Nous reparlerons longuement de ce travail à ce moment-là. Pour le moment, saluons les artistes, sans nous appesantir.

 S’il fallait glisser une réserve sur le spectacle, tel qu’il se présente, on dirait que par moments le texte de Sara Stridsberg, traduit par Marianne Ségol-Samoy (Arche éditeur) patine un peu. On a le sentiment que l’action n’avance pas, qu’il y a des redites, des scènes trop longues. Sans faiblesse de rythme ni de jeu, pourtant : on devine que le metteur en scène est heureux que chacun ait une belle partition et l’on constate que les très talentueux interprètes sont investis de tous leurs nerfs dans ces personnages de conte sinon de jeu de cartes.

 

Et reconnaissons que les deux heures dix que dure la représentation ne pèsent pas. Il y a une fluidité et des numéros de bravoure. Le jour où nous avons découvert Dissection d’une chute de neige, les jeunes invités étaient enthousiastes, touchés par ce qu’il y a de libre dans les sentiments et d’enthousiasmant dans l’harmonie esthétique de l’ensemble. Sous le charme, en quelque sorte.

 

Mais le drame gagnerait à être resserré, on en est certain et la suspension de quelques mois des représentations devrait produire une naturelle décantation…Et qu’ainsi les enjeux politiques qui innervent le projet d’une jeune auteure résolument féministe, apparaîtraient plus aigus.

 

On l’a dit, l’écrivain s’inspire de la vie de la reine Christine, qui, dans la réalité, fut bien loin de Garbo ou de Marie-Sophie Ferdane, qui, dans la mise en scène de Christophe Rauck, incarne une éblouissante jeune femme, grand caractère, audace. Et beauté éclaboussante… La véritable reine Christine, fille de Gustave Adolphe II, mort au combat en 1632, alors qu’elle n’a que six ans, n’était pas très belle, sinon ingrate, petite et mal à l’aise avec son corps.

 

Mais qu’elle fut d’une intelligence profonde, d’un désir de savoir large, qu’elle mit son autorité à juguler en elle toute féminité convenue, qu’elle fut une subtile diplomate, qu’elle se passionna pour les arts, les lettres, la philosophie et la science et voua à Descartes une amitié lumineuse, tout cela est avéré.

Cela n’intéresse pas Sara Stridsberg. Elle utilise la reine Christine pour une démonstration plus ou moins nuancée, féministe, politique, mais le jeu subvertit tout.

 

On l’a dit, nous reparlerons avec précision, du fond et de l’interprétation, à la rentrée. Mais saluons la formidable composition de Thierry Bosc, le père, le roi, le mort qui revient –comme dans Hamlet… ? Ce comédien singulier excelle à jouer sur les tableaux de la fable…tout en instillant quelque chose de vrai, de plus que vrai…Face à sa fille, il est irrésistible.

 

Saluons Carine Goron, Belle, l’amoureuse de la Reine, fine, déliée, charmeuse, saluons Murielle Colvez, aigüe Maria Eleonora. Ces comédiennes sont idéales.

 

Côté garçons, la distribution est également excellente : Christophe Grégoire figure le Pouvoir. Net et intransigeant personnage, vite débordé… Emmanuel Noblet, avec sa grâce d’éternel jeune premier, est un « Love », vif-argent, insistant mais rejeté, car ici l’héroïne impose sa loi et ses exclusions, malgré les remarques sensées et qui s’évaporent du Philosophe, le merveilleux Habib Dembélé.

Et puis bien sûr, longue, souple, pleine d’autorité, féroce et amoureuse, décidée et oscillante, Marie -Sophie Ferdane, belle, ravageuse, dans l’accomplissement de tous ses dons, de sensibilité, d’audace, d’esprit.

 

On l’entend : le bonheur ici tient à l’intelligence d’une mise en scène, le regard d’un artiste puissant dans ses pensées, ses visions, sa direction de jeu et doux dans ses manières, Christophe Rauck. Et à une équipe artistique d’excellence.

 

Prochains rendez-vous : France Culture le 25 avril, 20h00.

A l’automne, une tournée : Théâtre de Caen, les 18 et 19 novembre 2021. Théâtre des Amandiers-Nanterre, du 25 novembre au 18 décembre 2021. Autres dates à préciser : Le Quai, Centre Dramatique National d’Angers, Théâtre National Populaire de Villeurbanne, Théâtre de Lorient, Centre Dramatique National.

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March 7, 2016 5:52 AM
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"Figaro divorce" au Théâtre du Nord : l'élégance de la nuance

"Figaro divorce" au Théâtre du Nord : l'élégance de la nuance | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Audrey Chaix pour Toutelaculture.com


Au lendemain d’une révolution qui aurait pu être la Révolution Française si Ödön von Horváth n’avait situé l’intrigue de son Figaro Divorce dans les années 1930, quatre réfugiés sont capturés par la police aux frontières allemandes : le lecteur de Beaumarchais y retrouve le comte Almaviva et sa femme, accompagnés de leurs valets, Figaro et son épouse Suzanne. Si Le Mariage de Figaro symbolisait le Siècle des Lumières et l’imminence de la Révolution Française, prête à balayer les privilèges, Figaro Divorce brosse un portrait désenchanté de l’après-révolution, alors que les nobles sont dépossédés de leurs biens, mais que les valets ne sont pas mieux lotis, alors que Figaro s’enfonce dans une petite bourgeoisie que Suzanne désapprouve au point de quitter son époux …











Metteur en scène du Mariage à la Comédie-Française en 2007, Christophe Rauck reprend ici ses habitudes avec le personnage de Figaro pour sa toute première création au Théâtre du Nord, qu’il dirige depuis 2014. Tâche ardue, puisque ce Figaro Divorce est une pièce compliquée, aux personnages nombreux et aux scènes qui s’enchaînent avec rapidité, alors que l’on passe du salon de coiffure de Figaro au château des Almaviva, en faisant un détour par les pistes de ski où les Almaviva prennent leurs quartiers d’hiver, le cabaret où travaille Suzanne après son divorce, ou encore le poste des douaniers qui surveillent les frontières en jouant aux échecs et en discutant de la longueur des jambes de femmes aux mœurs légères …

Contourner cet écueil permet à Rauck de dynamiser une pièce qui aurait pu vite faire sentir au public une certaine lourdeur tant elle est bavarde : les bords de plateau, à découvert, permettent d’élargir le champ de jeu des comédiens, qui participent aux changements de décor à vue. Des écrans escamotés dans le plancher, des chaises et des tables amenés promptement aux repères qui les attendent sur le plateau, quelques guirlandes de lumière et des bougies … on passe très rapidement d’une ambiance à l’autre, d’autant plus que musique et vidéo sont parties prenantes du spectacle.

Car Christophe Rauck a fait le pari de mêler ces deux arts à sa pièce pour mieux la décrypter : la musique, incarnée par un piano et deux chanteurs lyriques, rappelle les origines des personnages – l’arrivée de Figaro sur scène est annoncée à deux reprises par un air des Noces de Figaro de Mozart. On saluera d’ailleurs les deux chanteurs, Nathalie Morazin (également pianiste et interprète de Fanchette) et Jean-François Lombard, un ténor contre-haute qui interprète, entre autres, Chérubin. Quant à la vidéo, elle permet de jouer sur les scènes de dialogues entre les personnages – l’un des protagonistes, en gros plan sur l’écran, est mis en avant par le truchement de la caméra, ce qui crée un autre niveau de jeu, et donc un autre niveau de lecture. Elle permet aussi l’utilisation de scènes hors champ, tirées d’images d’archives, et introduit une dimension de comédie ou d’émotion, sans toutefois trop appuyer l’une ou l’autre direction.

Mené par une troupe où chaque comédien est au diapason des autres, de John Arnold en Figaro désabusé, à Flore Lefebvre des Noëttes, impayable en sage-femme de (plus ou moins) bon conseil, ce Figaro Divorce est le résultat d’une belle mise en scène, qui ne sombre jamais dans la facilité tout en jouant de nuances et de non-dits savamment orchestrés. Sans chercher à en mettre plein la vue, mais toujours avec beaucoup d’élégance, Christophe Rauck met en lumière les parallèles avec notre époque, qui ne sont cependant pas trop appuyés, tout en gardant l’esprit de la pièce. D’après l’auteur, nous sommes en Allemagne, dans les années 1930. Chez Rauck, nous pourrions tout aussi bien être dans le même pays, quelques mois avant août 1914, ou bien dans les années 1970, à l’aube de la crise pétrolière, ou encore en mars 2016, en plein crise européenne … Sans prendre parti ni moraliser, Christophe Rauck se contente de proposer des clefs de lecture au spectateur, à qui est laissée l’entière liberté de s’approprier le propos. Ou tout simplement, d’apprécier deux heures trente d’excellent théâtre, que l’on ne voit pas passer. Une belle réussite.

Tournée 2015 / 2016 …

Les 23 et 24 mars – Théâtre de Cornouaille à Quimper
Les 8 et 9 avril – Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France
Du 14 au 24 avril (relâche le 18 avril) – Kléber Méleau à Renens-Malley (Suisse)
Les 27 et 28 avril – Forum Meyrin à Meyrin (Suisse)
Les 11 et 12 mai – Comédie de Caen
Les 17 et 18 mai – Maison de la Culture d’Amiens
Du 26 mai au 11 juin (relâches le 30 mai, et 6 juin) – Le Monfort à Paris

Photos : © Simon Gosselin

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March 5, 2016 5:37 AM
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Au Théâtre du Nord à Lille : dans un monde en révolution qui s’effondre, Figaro divorce… - La Voix du Nord

Au Théâtre du Nord à Lille : dans un monde en révolution qui s’effondre, Figaro divorce… - La Voix du Nord | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Marie Duhamel pour La Voix du Nord 


Pour sa première création lilloise au Théâtre du Nord, Christophe Rauck signe une mise en scène intelligente et visuellement séduisante de la pièce du dramaturge allemand Ödön von Horvath.

Première scène dans la pénombre d’une forêt : fugitifs en cavale, le comte et la comtesse Almaviva, Figaro et Suzanne quittent leur pays en révolution. Deuxième tableau, le poste de douane où ils sont interrogés. Ambiance Tintin en Syldavie tandis que sont égrenées au piano les premières notes de Mozart (Les Noces de Figaro bien sûr). Beaumarchais laissait ses héros du Mariage à (l’avant)-veille de la prise de la Bastille : près de deux cents ans plus tard, Horvath les reprend alors que « l’ouragan de la révolution balaie les siècles » comme souligne un douanier. Émigrés comme on disait à l’époque, Almaviva et ses compagnons vont tenter de se refaire une vie : le comte et la comtesse, réfugiés dans l’amertume de leur condition déchue, son valet ouvre un salon de coiffure dans une petite ville allemande pétrie de conventions petites-bourgeoises. Suzanne étouffe, veut un enfant Voilà pour l’argument à la surface duquel il faut se garder de rester.

Christophe Rauck, qui se frotte pour la première fois à l’auteur allemand (mort en 1938), déroule la pièce en une saisissante succession de tableaux scéniques qui sont autant de clés pour en prendre toute l’épaisseur : pas de décor monumental mais un habile dispositif mené par les comédiens pour transformer la scène en salon de coiffure, hôtel de montagne, salle de bal, bar de nuit. Des objets et des accessoires, des effets lumières, des projections et un jeu d’écrans vidéo renvoyant différentes perspectives d’une même scène, fixant les visages en plans serrés comme au cinéma. Et puis le piano et les voix, éléments clés de la scénographie autant que de la distribution (mention spéciale à la pianiste-chanteuse-comédienne Nathalie Morazin). Pendant qu’un monde ancien s’effondre, que la révolution s’essouffle, qu’un régime policier s’insinue, Figaro et Suzanne, qui se sont aimés, se déchirent (un sombre John Arnold, une torturée Cécile Garcia-Fogel), le comte (Jean-Claude Durand) tente de survivre. Trois beaux comédiens, portant haut avec leurs camarades de jeu une production intelligente autant que séduisante.


Jusqu’au 20 mars au Théâtre du Nord. Tél. : 03 20 14 24 24. 27/7 €. Jeudi 10, rencontre avec l’équipe artistique après la représentation.

PAR JEAN-MARIE DUHAMEL

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October 19, 2021 5:20 AM
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De Shakespeare à Komsomolsk-sur-Amour 

De Shakespeare à Komsomolsk-sur-Amour  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan - 19 octobre 2021

Photo :  Scène de Henri  VI © Simon Gosselin

 

D’un côté « Henry VI » de Shakespeare », un spectacle fleuve de la promotion 6 sortante de l’École du Nord, mis en scène par Christophe Rauck. De l’autre « Le bonheur » un spectacle alerte du théâtre KnAM venu de l’extrême orient russe, mis en scène par Tatiana Frolova. En commun l’art de faire du théâtre avec presque rien. Sauf l’essentiel : des mots, des voix et des corps qui frappent fort..

 

 

 

Henry VI de Shakespeare est une pièce-continent, une épopée monstrueuse rarement montée dans son intégralité. Or c’est cette somme -cent cinquante personnages - qui ouvre la salle éphémère (qu’on voudrait pérenne tant on s’y sent bien) du théâtre de Nanterre-Amandiers en attendant la fin des travaux (deux ans à tout le moins)..Quel beau signe que de faire sortir de sa torpeur ce théâtre devenu quasi moribond en faisant le pari de la jeunesse. Le nouveau directeur de Nanterre -Amandiers ,Christophe Rauck, avec raison, y fait venir sa mise en scène du spectacle de sortie de la promotion 6 de l’école du Théâtre Nord qu’il avait recruté et accompagné jusqu’à son terme en juin dernier lorsqu ‘il était en poste à Lille.

Un spectacle fleuve mené à bien en compagnie de Cécile Garcia Fogel (collaboration artistique), Philippe Jamet (travail du corps), deux piliers de l’école avec Lucie Pollet (directrice des études) jusqu’au changement de direction. Hormis deux (désormais anciens comme les autres) élèves retenus ailleurs  par des tournages et des répétitions (Suzanne de Baecque et Oscar Lesage), ils sont tous là y compris des auteurs de la promotion sortante: Louis Albertosi, Mathilde Auneveux, Maxime Crescini, Adèle Choubard, Orlène Dabadie, Simon Decobert, Joaquim Fossi, Nicolas Girard-Michelotti, Antoine Heuillet, Pierre-Thomas Jourdan, Solène Petit, Constance de Saint Remy, Noham Selcer, Rebecca Tetens, Nine d’Urso, Paola Valentin. Tous vaillants, inventifs, volontaires, souvent surprenants, tenant le cap tout au long des cinq heures que dure le spectacle (trois pièces en enfilade), conçu comme une course de fond.

 

La traduction utilisée est celle de Stuart Seide qui avait mis en scène Henri VI en 1993 au Théâtre de Gennevilliers et l’année suivante au Festival d’Avignon. Vingt ans plus tard, au Théâtre National de Bretagne, le jeune Thomas Jolly reprenait le flambeau avec sa compagnie La Piccola famila, dans une traduction de Line Cottegnies et vingt et un actrices et acteurs le plus souvent peu ou pas connus. Des panneaux  expliquant  la généalogie étaient accrochés au fond du plateau et une  exquise actrice venait à chaque entracte nous rappeler les épisodes précédents et ce qui se préparait aidant le public à s’y retrouver dans le spectacle qui durait 13h dans sa version intégrale. Contre  5 à Nanterre.

 

 

La pièce commence à la mort du roi Henri V et s’achève avec celle violente de son successeur, le roi Henri VI devenu souverain à l’âge de 9 ans, assassiné à la tour de Londres par le futur roi Richard III. Shakespeare , un siècle après, raconte sans trop s’éloigner des faits pour l’essentiel des pans sanglants et tourmentés de l’histoire d’Angleterre. C’est le temps de la Guerre des roses entre les York et les Lancastre, de Jeanne La pucelle faite prisonnière, etc. Un temps de guerres, de haine (contre les Français, contre les rivaux), d’alliances de circonstances, de trahisons, de luttes incessantes pour le pouvoir, de mariages et d’amitiés stratégiques, de morts violentes. Bref, comme disent les  critiques de théâtre,  on ne s’ennuie pas un instant.

Le théâtre est à la fête à Nanterre avec ses épées de pacotille qui sont parfois des cannes der golf (comme chez Thomas Jolly), ses canons portatifs à fumée, son petite rideau rouge et, seul accessoire durable et convoité, un trône solitaire qui va et vient sur le plateau. Pas de décor mais un double plateau tournant judicieusement utilisé. Mais encore une beau travail de costumes (Fanny Brouste), de lumières (Olivier Oudiou ) et de son (Sylvain Jaques). Christophe Rauck et Cécile Garcia Fogel qui ont suivi de près tous ces actrices et acteurs durant trois ans, les ont parfaitement distribués.Luis Albertosi dans le rôle écrasant et comme lunaire d’Henri VI, Mathilde Auneveux dans celui de la Reine Marguerite, Simon Decobert -Warwick, Nicolas Girard Michelotti -Somerset, Antoine Heuillet - Gloucester, Pierre-Thomas Jourdan - York, Paola Valentin – Jeanne d’Arc. Certains et certaines comme Noham Selcer, Adèle Choubard, Orlène Dabadie, Solène Petit ou Nine d’Ursa se régalent et nous régalent en interprétant trois ou quatre rôles, voire plus. Filmés en gros plans , micro en main des envoyés spéciaux au cœur des batailles, nous donnent des nouvelles du front. Une bâche en plastique suffit pour enrouler un mort ou un agonisant. Ça file à toute allure, ça dépote, ça bouge bien. Cette histoire lointaine nous parle aussi par ricochet de ce qui nous entoure, car comme toujours chez Shakespeare l’histoire présente est prise dans la nasse du passé. On peut voir dans ce ballet macabre peuplé d’intrigues et d’intrigants une métaphore exacerbée ce que nous vivons actuellement et médiocrement à six mois des prochaines élections pour le trône présidentielles : intrigues de palais, courtisans et prétendants, alliances de circonstance, manque de grandeur, avancées masquées, postures poltronnes, épouvantails en veux tu en voilà encore etc. Loin de ce spectacle médiocre, cet Henri VI haletant est une réjouissante réussite

 

 

La Russe Tatiana Frolova avait déjà créé le Théâtre KnAM depuis dix ans lorsque Christophe Rauck créa compagnie en 1995 après avoir parfait sa formation au Théâtre du Soleil et découvert la Russie où il reviendra plus d’un fois .La suite fut simple et belle pour lui : remarqué dès son premier spectacle, le voici bientôt à la direction du Théâtre du peuple à Bussang, puis à celle du théâtre du Nord et aujourd’hui à celle du Théâtre de Nanterre-Amandiers. Un parcours exemplaire.

 

Frolova, elle, vient d’une petite ville au fin fond de l’Extrême est de la Russie, loin, très loin de Moscou, à des milliers de kilomètres, et des fuseaux horaires qu’une seule main ne suffit pas à compter. Elle vient de Komsomolsk-sur-Amour, nom doublement fallacieux car la ville pas été construite par les Komsomols (jeunesse communistes) mais par les zeks, les prisonniers du Goulag, et l’amyr (dites amour) le nom du fleuve qui traverse la ville est une mot de la langue nanaî dont la polysémie est nullement glamour..

 

Les deux capitales (Moscou et Saint Petersbourg) ignorent ce qui se passe dans ces coins perdus de Russie hormis les très grandes villes et quand on veut faire du théâtre mieux vaut partir. Tatiana Frolova n’ est pas allé loin, elle a étudié le théâtre à Khabarovsk, grande ville de la région (forte des plus riches musées ethnologiques du monde), après quoi elle est revenue chez elle à Komsomolsk. Ne voulant pas s’engluer dans l’académisme poussiéreux et mortifère du théâtre dramatique de sa ville, elle a préféré fonder le sien. Un geste courageux et téméraire à moins de vingt cinq ans. C’était en 1985, au temps de l’URSS, un théâtre indépendant (mot toujours honni en Russie) , une exception sans doute rendu possible car loin de tout, loin du pouvoir central et même régional. C’est après la perestroïka et la fin de l’URSS qu’on entendra parler dans les années 90 du teatr KnAM (Komsomolsk na AMyr). La petite troupe (cinq personnes) avait bricolé un théâtre au pied d’un immeuble gris et triste comme en compte tant la ville (sinistrée depuis la chute de l’URSS qui a vu l’effondrement de son industrie obsolète). Un petit théâtre de 24 places fait main, petit mais chaleureux, comme une flamme de vie au cœur de cette ville où tout (les rues, les parcs, l’eau du fleuve) semble fatigué. La petite troupe commence par monter des pièces du répertoire russe et étranger, Le fait qu’il y ait une troupe à Komsomolsk en dehors des structures officielles, est déjà un miracle. Il dure encore trente cinq ans après. Trois des cinq membres fondateurs - outre Tatiana Frolova, Dmitri Bocharov et Vladimir Dmitriev -sont toujours là.

Un virage s’est produit au milieu des années 2000 lorsque Tatiana Frolova a perdu sa mère. Elle décide de lui consacrer un spectacle. «  j’ai essayé de raconter, à travers l’histoire de la vie d’une femme simple, la vie de toute une génération « effacée », « mutilée  par la guerre et les répressions» Tout l’Extrême orient russe fut un haut lieu du Goulag. Le passé y pèse lourd, les mémoires demeurent tourmentées et souvent hantées par le passé soviétique. Dès lors, le KnAM se tourne vers la vie et délaisse le répertoire. Les spectacles s’inspirent de textes de Dostoïevski, de Kafka qui dialoguent avec des témoignages recueillis par la troupe. Une guerre personnelle en s’inspirant du livre éponyme du journaliste russe Arkady Babtchenko parle sans fard des guerres en Tchétchénie, un autre spectacle traite des prisons russes en s’appuyant sur des lettres et des témoignages, etc. Du théâtre documenté mais non documentaire car tous ces spectacles sont embrasés par leur puissance esthétique, une magie faite de bouts de ficelle.

 

 

Les derniers spectacles du KnAM se recentrent sur la ville de Komsomolsk et de ses habitants. Comment on y vit, comment on y survit, comment on y meurt d’ épuisement, de tristesse, comment les morts pèsent sur le présent, comment aussi la mythologie et les croyances des petits peuples de la région s’infiltrent dans l’espace post soviétique. Et comment on résiste. Tout cela est présent dans leur nouvelle création, Le bonheur, qui n’est plus une idée neuve dans ce bout du monde mais une vieille chandelle qui s’éteint tout le temps et qu’on essaie chaque jour de rallumer. Il n’y a pas une histoire, une intrigue dans les spectacles du KnAM mais un étourdissant patchwork de témoignages, et de scènes comme oniriques, des bouts de destin, d' images rescapées de l’enfance des habitants de Komsomolsk dont ceux des acteurs et des actrices du KnAM, les trois historiques et ceux qui les ont rejoint : Irina Tchernoussova, German Iakovenko et Ludmila Smirnova, tous né.e.s dans la région et y vivant. Dans Le bonheur, on parle de Gagarine (durable fierté) , de Poutine et de Navalny, les temps se mêlent, le passé hante toujours le présent en Russie. L’un de leurs spectacles précédents avait pour titre Je suis, les suivants auraient pu s’appeler « Nous sommes ».

Le Bonheur, spectacle au titre à la fois paradoxal, ironique et frondeur, a été crée la semaine dernière au CDN de Besançon, important coproducteur (la troupe a pu bénéficier de trois semaines de répétition sur place) .il est à l’affiche du festival Sens Interdits où le KnAM a ses habitudes. Il y avait présenté en 2017 Nous ne sommes pas encore nés, spectacle qui constitue un puissant diptyque avec Le bonheur.

Le credo du spectacle est semblable à celui de l’ Henry VI  de Rauck : des corps et des mots d’abord. Pour cette petite troupe du bout du monde occidental, cela ne vas pas sans une ingéniosité sans pareille à faire merveille d’une bâche en plastique transparent (élément commun avec Henry VI), d’un seau de terre brune, d’une tasse ébréchée, de photographies de tués et de tueurs, d’une pluie d’étoiles qui ne sont pas rouges mais argentées et d’un double usage de la vidéo comme capteur de témoignages et comme agent poétique. Le KnAM est une des troupes qui a poussé le plus loin l’usage poétiques et la maîtrise technique des nouvelles caméras miniatures.

Au fil des témoignages, le Faust de Goethe et celui de Gounod s’invitent à Komsomolsk sur Amour, des morts reviennent nous parler (« Aujourd’hui,, après ma mort, je veux déclare que je n’ai jamais été un traître, mais j’ai tout signé sous la torture »), plusieurs se souviennent de la fin de l’URSS en 1991 et aujourd’hui assistent, tristes et médusés, à son retour poutinesque Tous s’accrochent au théâtre comme à une bouée, espérant peut-être ou plutôt jouant à espérer qu’elle les fera dériver vers un monde meilleur. Pour eux le théâtre est un rempart, voire le seul, contre le désespoir et la barbarie. Le bonheur, c’est, par exemple, ce que dit Ira, la comédienne la plus âgée ::
« Je ne suis pas comédienne, mais je connais ces personnes depuis plus de 35 ans...
Je suis née moi aussi à Komsomolsk-sur-Amour, et comme tous les enfants de ma génération, j’ai
grandi avec l’obsession de la conquête spatiale... : il y avait des fusées comme ça à tous les coins
de rue et on jouait aux cosmonautes...
En regardant cette fusée aujourd’hui, je me dis qu’elle ressemble beaucoup aux barreaux d’une
prison, de cette prison qu’était notre ville, filiale du Goulag...
D’ailleurs, regardez, ce mirador ressemble lui aussi à une fusée...
C’est difficile de vivre dans une ville construite sur des os, dans un pays où l’humain est sacrifiable,
jetable...
Mais malgré cela, j’ai appris à être heureuse.
Je me demande toujours : « Qui suis-je ? Une femme ? Une mère ? Une artiste ? ».
Et je voudrais dire : « Je suis une rivière. Je suis l’eau 
»...

 

 

Henri VI, le spectacle été créé le 14 sept au Théâtre de l’Idéal à Tourcoing, il est donné au Théâtre éphémère de Nanterre Amandiers jusqu’au 24 oct : mer 19h30 premier épisode, second épisode le jeudi à 19h30, intégrales les ven à 18h, sam et dim à 15h. Chaque épisode 2H, intégrale 4h45 entractes compris.

Le bonheur a été créé au CDN de Besançon (producteur délégué du spectacle) du 12 au 16 oct, le spectacle sera donné au Théâtre des Célestins à Lyon dans le cadre du festival Sens interdits du 23 au 30 octobre puis en tournée : les 3 et 4 nov Festival euro-scene Leipzig; le 9 nov, Théâtre de Choisy-le-Roi ; les 12 et 13 nov Théâtre populaire romand, La Chaux-de-Fonds ; du 18 au 20 nov La Manufacture ,CDN de Nancy ; les 25 et 26 nov Fabrique de Théâtre, Bastia ; le 30 nov, Théâtre des 4 saisons, Gradignan.

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February 10, 2021 7:39 AM
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"Cela ne m'enlèvera pas mon enthousiasme" : Christophe Rauck, nouveau directeur du théâtre des Amandiers, raconte sa prise de fonction en pleine crise sanitaire

"Cela ne m'enlèvera pas mon enthousiasme" : Christophe Rauck, nouveau directeur du théâtre des Amandiers, raconte sa prise de fonction en pleine crise sanitaire | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Thierry Fiorile pour Radio France 9/02/21

 

 

 

Christophe Rauck a pris les rênes du théâtre des Amandiers à Nanterre (Hauts-de-Seine) en début d'année. Il raconte comment se réinventer et gérer le casse-tête de la programmation alors que les lieux culturels sont toujours fermés.

 

Ecouter l'entretien 

 

"Moi, je suis enthousiaste de cette arrivée, cela ne m'enlèvera pas mon enthousiasme". En début d'année, Christophe Rauck a reçu les clefs du théâtre des Amandiers à Nanterre. Théâtre toujours fermé au public en raison de l'épidémie de Covid.

Il démarre alors une mission étrange, dans laquelle il doit prendre possession des lieux et se réinventer, comme le suggérait Emmanuel Macron au mois de mai. "Une fois qu’on a travaillé sur internet, qu’on peut encore jouer dans les lycées quand les chefs d’établissements le veulent bien, je ne sais pas ce que l’on peut réinventer d’autre", regrette le nouveau directeur du théâtre.

 

On se réinvente, mais on tourne en rond

Christophe Rauck  à franceinfo

 
 

À son arrivée, Christophe Rauck doit gérer le casse-tête de la programmation. Entre les spectacles prévus par l'ancienne direction mais annulés par la crise sanitaire et le désir de lancer les artistes qui feront la nouvelle saison à partir de septembre, il faut trouver des solutions. 

"Certaines productions ne peuvent pas être prolongées sur la saison prochaine, il y a des problèmes de disponibilité, explique Nathalie Pousset, co-directrice du théâtre des Amandiers. Et puis, on a besoin aussi d’arriver avec des artistes, qui viennent avec nous. Il faut arriver à ménager tout cela, en ayant soin de ne pas écarter des artistes qui, sans cette reprise, se retrouveraient dans des situations impossibles. Donc tout cela est en discussion en ce moment". 

Un théâtre qui accompagne le public

Pour réussir cette nouvelle mission, Christophe Rauck compte sur l'histoire du théâtre des Amandiers. Il l'a découvert quand il était jeune comédien et qu'il allait y voir les mises en scène de Patrice Chéreau dans les années 1980. Il revendique l'ambition d'un théâtre qui accompagne le public. "C'est tout ce qui fait ce que je suis : la question de la place du public, la question de la responsabilité des subventions que l'on a vis à vis des citoyens, donc du public", estime celui qui est passé par le théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine. "C'est cette communion avec le public, reliée à cette grande histoire artistique, poétique et politique menée par Ariane et le théâtre du Soleil qui faisait que d’un coup le public se racontait sa propre histoire à travers les histoires qui étaient racontées par ce théâtre", ajoute-t-il.

 

En septembre, quand débutera la première saison du nouveau directeur, le théâtre des Amandiers sera en travaux pour deux ans. Il recevra le public dans une salle éphémère. Peu importe pour Christophe Rauck, persuadé que ce chantier réanimera "l'utopie théâtrale et politique" qu'il veut partager.

 

 

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March 5, 2016 10:11 AM
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Figaro divorce en chantant !

Figaro divorce en chantant ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Stéphane Capron pour son site Sceneweb :


Pour sa première création en tant que directeur du Théâtre du Nord, Christophe Rauck monte Figaro divorce de Odön von Horváth. Si on connaît bien Don Juan revient de guerre, cette pièce est plus rare. Une épopée dans les années 1930 bâtie comme une suite du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Un spectacle éclairant et porté par une belle distribution.

Le comte Almaviva (Jean-Claude Durand), Figaro (John Arnold) et Suzanne (Cécile Garcia-Fogel) fuient la Révolution dans l’obscurité de la forêt. Ces nouveaux émigrés se retrouvent aux prises avec les douaniers dans le bureau des réfugiés. Analogie avec l’actualité, non loin de Lille, à Calais. Mais Christophe Rauck ne force pas le trait et se concentre sur l’épopée humaniste de Odön von Horváth, une pièce compliquée à monter avec comme souvent chez l’auteur allemand une multitude de personnages et de lieux.

Christophe Rauck a choisit la vidéo pour contourner la difficulté. Avec réussite. Le plateau est ouvert. Au centre sur un large praticable noir des écrans sortent du sol. Les éléments du décor et les accessoires sont installés sur les côtés à cour et à jardin. Ils permettent de multiplier les espaces. Les scènes se jouent soit au centre, soit sur les côtés. Elles sont filmées et projetées. Cela donne de la profondeur et du rythme. On passe en deux temps trois mouvements du salon de coiffure de Figaro au cabaret dans lequel est employé Suzanne.

La pièce est d’une grande richesse. Elle parle de la fuite, du couple et des émigrés. Odön von Horváth écrit ce texte dans l’Allemagne de 1936, au cœur de la montée du nazisme. « Les émigrés, on aurait jamais du les faire venir », « Étranger de mes deux ! », « L’immigration détruit tout. » Il règle déjà ses comptes avec les nationalistes.

Le spectacle de Christophe Rauck est aussi musical avec la présence de deux excellents chanteurs : Nathalie Morazin, la pianiste Fanchette et Jean-François Lombard (Mr de Chérubin) qui interprètent des Lied de Hugo Wolf. Cécile Garcia-Fogel excelle aussi dans le chant et dans son rôle de Suzanne, femme divorcée et apatride. On retrouve avec bonheur John Arnold, en grande forme, à l’aise dans le rôle de Figaro dans ce spectacle nerveux qui tient en haleine et rend très lisible le texte de Odön von Horváth.

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr

Figaro divorce De Ödön von Horváth
Traduction : Henri Christophe et Louis Le Goeffic ©L’Arche Editeur.
Mise en scène : Christophe Rauck
Avec John Arnold, Caroline Chaniolleau, Marc Chouppart, Jean-Claude Durand, Cécile Garcia Fogel, Flore Lefebvre des Noëttes, Guillaume Lévêque, Jean-François Lombard, Pierre-Henri Puente, Marc Susini, Nathalie Morazin
Dramaturgie : Leslie Six
Scénographie : Aurélie Thomas
Costumes : Coralie Sanvoisin
Son : David Geffard
Lumière : Olivier Oudiou
Vidéo : Kristelle Paré
Conseiller musical : Jérôme Correas
Production Théâtre du Nord – CDN Lille Tourcoing Région Nord Pas-de-Calais
© L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté par www.arche-editeur.com
Durée: 2h20

Théâtre du Nord
3 mars › 20 mars 2016
Lille – Grande salle
TOURNEE 2015/2016
Les 23 et 24 mars
Théâtre de Cornouaille
Les 8 et 9 avril
Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France
Du 14 au 24 avril
(relâche le 18 avril) – Kléber Méleau à
Renens-Malley (Suisse)
Les 27 et 28 avril
Forum Meyrin à
Meyrin (Suisse)
Les 11 et 12 mai
Comédie de Caen
Les 17 et 18 mai
Maison de la Culture d’Amiens
Du 26 mai au 11 juin
(relâches le 30 mai, et 6 juin) – Le Monfort àParis

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