Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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March 13, 12:03 PM
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« Peer Gynt » ou l’accomplissement

« Peer Gynt » ou l’accomplissement | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog, 11 mars 2025

 

Au Châtelet, Olivier Py met en scène le chef-d’œuvre d’Henrik Ibsen avec la partition composée spécialement par Edvard Grieg. Cela donne un spectacle magistral, une représentation époustouflante, menée par le formidable Bertrand de Roffignac.

Au fond du plateau, au milieu, juste au milieu, comme un point de fuite, une femme mince se tient debout, de dos : c’est la cheffe estonienne Anu Tali. Sa large et longue queue de cheval lisse et blonde, ruban de lumière sur fond de dessins sombres et mouvants, dit d’entrée que la musique, ici, est essentielle. Comme le sont les personnages de femmes. L’orchestre de chambre de Paris, une cinquantaine d’instrumentistes, se déploie sur le plateau immense du Châtelet. Avant le tout début, on devine des images mouvantes, dans des ondoiements sombres. Le surnaturel est ainsi d’emblée inscrit.

 

Olivier Py, qui dirige le Théâtre musical de Paris depuis 2023, frappe un grand coup avec cette production ambitieuse et totalement réussie.  Il avait annoncé qu’il irait au bout d’un projet auquel il pensait depuis longtemps : mettre en scène Peer Gynt, tel qu’Ibsen l’avait rêvé. C’est le dramaturge qui avait demandé à Edvard Grieg de composer, pour sa longue pièce, un poème dramatique ample et audacieux, datant de 1867, une partition. L’écrivain avait d’abord réservé son oeuvre à la lecture. Puis, il s’était préoccupé d’une musique : représentée, la pièce pouvait durer sept heures. Grieg composa plus d’une vingtaine de morceaux dont certains sont demeurés dans les oreilles de chacun…Et pourtant, malgré le triomphe de 1876, à Oslo, on a rarement eu accès à l’ouvrage dans sa pleine ampleur.

 

Reprenons : Olivier Py avait dit qu’il irait au bout de son projet, s’il pouvait travailler avec un artiste susceptible d’être Peer. Bertrand de Roffignac est d’évidence cet artiste. On le connaît depuis une dizaine d’années. De ses débuts au conservatoire, jusqu’aux spectacles d’Olivier Py, en passant par des mises en scène de Xavier Gallais et ses propres travaux d’écriture, de mise en scène, de jeu, il est un comédien en qui se nouent un lyrisme puissant et une fantaisie d’Arlequin, une grande sensibilité et une féroce ironie, une force d’athlète et une grâce de voltigeur. D’ailleurs, ici, il joue, il vole, il virevolte, il chante, il danse, il saute, il court…et parfois Peer s’effondre.

 

Olivier Py signe une adaptation belle, claire, fluide, du texte, tandis que la partition ajoute aux beautés, aux émotions de l’histoire de Peer, ce menteur de Peer, ce fuyard de Peer, mais ce grand cœur malmené, aussi…

 

Un roman d’aventures et une question : qu’est-ce qu’être soi ? L‘être est comme un oignon. Les peaux, les pelures se superposent, sont collées les unes aux autres, et bien malin qui saurait tout dépiauter sans rien déchirer…

 

On ne saurait tout détailler.  Les décors de Pierre-André Weitz, éléments mobiles pour les maisons de bois, signes malicieux (un palmier suffit au désert), utilisation maximale des ressorts du Châtelet (plateau mobile découvrant l’asile psychiatrique, trappes, irruptions magiques), tout ici enchante. A l’avant-scène, un carrousel miniature portant des silhouettes découpées (il rappelle les éléments décoratifs des maisons du nord de l’Europe) projette les ombres et en même temps, donne une allure de conte pour enfant à ce Peer Gynt. On fait le tour du monde; avec lui, et on coule de jeunesse à vieillesse.

Pierre-André Weitz signe également les costumes. Robes sobres des femmes, costumes stricts des hommes et explosion des verts pour les Trolls et leurs drôles de trognes, harmonies vives de l’Orient, tout est idéal. On est sans cesse étonné et sous le charme.

Lumières de Bertrand Killy, son de Stéphane Ozkeritzian (y’a pas que la musique !), chorégraphie d’Ivo Bauchiero, l’harmonie joyeuse –malgré les épisodes graves- qui fait palpiter le plateau, touche chacun au plus profond.

 

 

La distribution réunie par Olivier Py est superbe. Céline Chéenne, comédienne consubstantielle aux écrits et créations de l’artiste, est Aase, la mère de l’insaisissable Peer, tandis que son éternelle fiancée, Solveig, est incarnée par l’ultrasensible Raquel Camarinha. D’autres femmes croisent la route du voyageur : Ingrid, Lucie Peyramaure, Helga, Justine Lebas, Anitra, Clémentine Bourgoin. Tout le monde est embarqué pour plusieurs rôles. On reconnaît. Ou on ne reconnaît pas…A commencer par Olivier Py lui-même, d’un genre à l’autre : maman de Solveig, ou Troll, entre autres.

Si l’on était équitable, il faudrait analyser les parcours de chacun et louer les métamorphoses. Pierre Lebon en huit apparitions, Sévag Tachdjian, six rôles, Hugo Théry, cinq rôles, Marc Labonnette, six figures, Emilien Diard-Detoeuf, cinq stations de Mads au terrible Fondeur. Et encore, Pierre-Antoine Brunet, le forgeron et six autres, Damien Bigourdan, le Roi des Trolls et le Courbe, notamment.

 

 

Quatorze interprètes, cinquante-cinq musiciens –cheffe comprise ! Tout bouleverse, on admire, on est surpris, étonné. Fasciné devant tant de beauté rigoureuse, d’émotion, d’esprit. Bertrand de Roffignac déploie ses ailes et donne le sentiment d’une liberté sans entrave aucune, d’une improvisation heureuse. Sauf qu’il y a là une sévère discipline et une intelligence de tous les instants. Rien qui puisse empêcher ce garçon hyper doué, de gambader, de faire des pirouettes, des acrobaties vocales et corporelles époustouflantes, de ne jamais s’arrêter…Devenu vieux, tout blanchi et grisé, il devient un Bertrand de Roffignac de tragédie déchirante. Solveig est là. On peut se taire. Et pleurer.

 

Armelle Héliot

 

Au Châtelet, jusqu’au 16 mars. Durée : 3h40 dont un entracte de 25 minutes. Tél : 01 40 28 28 40

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June 30, 2024 1:12 PM
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Générosité d’Angélica Liddell

Générosité d’Angélica Liddell | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 30 juin 2024

 

 

Dommage que mes parents soient morts, ils auraient été heureux de voir le nom de leur fille unique projeté sur le mur du palais des Papes d’Avignon. Pour un honneur, c’est un honneur. Merci Madame.

Comment évoquer une production artistique qui vous cloue, d’entrée, au pilori ? Et en grand ? Madame Angélica Liddell a choisi une poignée de journalistes qui la suivent fidèlement depuis ses premières apparitions en France pour clamer haut et fort que les critiques sont des « connards ». De moi-même, Armelle Héliot (comment faire pour ne pas se citer) à Philippe Lançon, en passant par Stéphane Capron, Hadrien Volle, Fabienne Darge, l’artiste se déchaîne contre ceux et celles qui suivent son travail, ses créations et sont les truchements de ses spectacles. Ceux, qui, elle peut prétendre le contraire, ont élargi le cercle de son public, ont donné de l’importance à l’artiste qu’elle est.

Soyons égoïste et disons « je » : elle commence par moi, par un article dans lequel j’expliquais que le monde des institutions européennes et au-delà, s’était entiché de sa personnalité puissante et rugueuse et ne cessait de lui commander de nouveaux spectacles. Ce qui donnait des productions dans lesquelles elle n’avait rien à dire qui vienne du plus profond de son être. J’écrivais que les producteurs devraient être là pour « protéger les artistes ». Et non les exploiter.

Le nom de chacun apparaît en lettres géantes sur la façade du Palais des papes. En signature des extraits des articles. Dommage que mes parents soient morts : « Maman, Papa, Papa, maman, j’ai mon nom sur le palais des Papes ». Pas peu fiers, qu’ils auraient été.

Angélica Liddell s’attaque à des personnes qui, par leur travail, font plus pour élargir les publics du théâtre, de l’art, que beaucoup de machines promotionnelles. Hadrien Volle vit et travaille de l’autre côté de l’Atlantique, depuis bien longtemps. Fabienne Darge, au Monde, a relayé les différentes créations d’Angélica Liddell avec une sincérité et une constance remarquables. Philippe Lançon, qui aime le théâtre comme il aime les beaux-arts et la littérature, est une personnalité d’exception. Mais Madame Liddell ne s’intéresse pas aux autres. En l’occurrence, ici, elle ne s’intéresse qu’à elle-même d’abord.

Elle s’attaque avec une hargne particulière à Stéphane Capron, journaliste à France Inter, fondateur d’un site très fertile, toujours sur la brèche, au travail, sans relâche. Il a toujours suivi Angélica Liddell. Elle s’attaque à son nom, ricane et fait ricaner une salle mondaine et désagréable. Les rires et sourires du petit monde de cette culture qui prend ses quartiers d’été ici, sont lamentables.

Le Syndicat de la critique a réagi cet après-midi pour exposer la situation et défendre l’honneur de l’un des siens.

« Dans Dämon, son spectacle présenté dans la Cour d’honneur, Angelica Liddell s’en prend violemment à la critique, en citant quelques-un.e.s de nos consoeurs et confrères. 

Au même titre que nous soutenons la liberté de création, nous soutenons la liberté de la presse. 

La critique, dans notre pays, est encore libre d’écrire, d’exprimer un point de vue. Les artistes aussi, dans la limite de l’injure publique. 

En détournant le nom de Stéphane Capron, les mots prononcés par la metteuse en scène portent atteinte à l’intégrité morale de notre confrère.

Nous tenons à lui exprimer notre solidarité. »

Avignon, le 30 juin 2024.

Que Stéphane Capron sache que ses confrères ne le lâcheront pas et qu’il serait légitime qu’il porte plainte.

Angélica Liddell a récidivé, ce matin même, lors de la conférence de presse. Elle persiste et signe : la critique dramatique, c’est le vieux monde. Elle a raison : on entrouvre partout la porte de sociétés dans lesquelles il n’y a pas de contradicteurs. Cela se nomme la dictature. Et cela vient, chère Angélica.

Armelle Héliot dans son blog - 30 juin 2024

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January 2, 2023 7:36 AM
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Disparition de Colette Godard 

Disparition de Colette Godard  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan - 2 janvier 2023

 

 

Plume précieuse et appréciée de la rubrique théâtre au quotidien « Le Monde » de 1970 à 1995, Colette Godard fut une spectatrice assidue et curieuse des aventures théâtrales jusqu’au bout de sa vie. Elle est décédée le 31 décembre à l’âge de 96 ans. Adieu Colette.

 

« Alors, comment ça va mon biquet ? », Je n’entendrais plus cette voix grave, délicieusement éraillée, de Colette Godard m’interpeller dans le hall d’un théâtre où nous nous retrouvions naguère, les soirs de première. A vrai dire je ne l’entendais plus depuis un certain temps, l’âge venant et sa santé déclinante jusqu’à sa vue de plus en plus faible, espaçaient ses sorties au théâtre Il y a quelques mois encore, alors qu’elle avait quitté le Monde en 1995, Brigitte Salino (qui lui avait succédé) ou sa fille Nathalie, l’accompagnaient au théâtre, dont elle ne s’était jamais lassée. Colette est parie le dernier jour de l’année 2022 à l’âge de 96 ans.

Après avoir fait ses armes à la radio publique ( France culture) Colette Godard avait succédé à Nicole Zand qui, partant vivre aux États-Unis, lui avait proposé le fauteuil de critique dramatique qu’elle occupait. La direction du Monde l’adouba. Et c’est ainsi qu’en 1970 Colette Godard assura la critique théâtre très attendue du journal. Trois ans plus tard, Yvonne Baby, responsable du service culture, appela à ses côtés Michel Cournot venu à la critique théâtrale après bien des aventures du côté de la littérature et du cinéma. Étrange équipage fondé sur le respect de l’autre. A chacun sa plume et ses engouements. Et , à côté, d'autres plumes comme celle de Mathilde La Bardonnie qui se souvient quelle travailleuse inlassable était Colette. Godard et Cournot ne se ressemblaient pas mais se complétaient. Elle labourant les provinces, suivait les aventures des Lavaudant à Grenoble, Bayen à Toulouse, Gironès à Lyon, Vincent à Strasbourg et de bien d’autres, allant souvent outre Rhin rendre compte de l’effervescence du théâtre allemand et des facéties berlinoises. Et toujours attentive aux spectacles venus d'ailleurs et en particulier des Etats-Unis (Le Bread and Puppet de Peter Schumann, Bob Wilson, Django Edwards) ou bien des personnalités comme Dario Fo ou Carmelo Bene  Elle rassembla tout cela dans un ouvrage précieux Le théâtre en France depuis 1968 qui reste une référence.

 

 

Au micro de Laure Adler, il y a quelques années, elle se souvenait du choc que fut pour elle et pour beaucoup d’autres la découverte de La dispute de Marivaux dans la mise en scène de Patrice Chéreau, « La première version » insistait-elle, « celle de la Gaîté lyrique » qui était un théâtre alors à demi ruiné avant que des travaux n’emportent l’âme de ce lieu magique. Et avant encore l’un des premiers spectacles de Patrice Chéreau, L’affaire de la rue de Lourcine . « J’ai été accrochée tout de suite » disait-elle. Chéreau fut l’une de ses grandes passions, elle lui consacra un livre Patrice Chéreau, un trajet (Éditions du Rocher). 

 

Colette Godard fut une grande et généreuse chroniqueuse de belles aventures de son temps auxquels elle consacra divers livres: Jorge Lavelli, le TSE d'Alfredo Arias, Jérôme Savary et le Grand Magic Circus pour ne citer qu’eux, et, bien sûr, le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine.. Elle aimait les paillettes, le cabaret, la nuit, Berlin. Souvent au théâtre, elle adoptait une position particulière, soutenant son visage par sa main droite, en voyant le spectacle à travers le rideau de ses doigts. Son dernier ouvrage à l’Arche en 2009 rassemblait trois metteurs en scène Emmanuel Demarcy-Mota, Arthur Nauzyciel et James Thierrée sous le titre Un théâtre apatride. Apatride, sa famille l’avait été. Des ancêtres venus d’Ukraine, un père juif d’origine géorgienne et une mère juive d’origine russe. Des parents qui, très tôt, l’emmenèrent au théâtre.

 

 

Légende photo :Colette Godard   © Radio France - Corinne Amar

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L'hommage d'Armelle Héliot

publié dans son blog

 
 

A partir de 1970, depuis les colonnes du « Monde », elle a éclairé toute la vie du théâtre, en France et au-delà. Elle s’était retirée mais travaillait pour le Théâtre de la Ville. Ses livres, recueils d’articles ou essais, demeurent. Elle s’est éteinte le 31 décembre. Elle avait 96 ans.

 

On pensait souvent à elle. Et plus encore il y a deux jours, en rendant hommage à Odette Lumbroso. Les grands témoins des plus belles années du théâtre s’effacent. Colette Godard s’est éteinte hier. Née le 7 mars 1926 à Rouen, où ses parents s’étaient finalement installés, elle fut, pour tous les professionnels et les amateurs de théâtre, et pour ses confrères, un modèle, une référence de premier plan.

 

Elle racontait en riant, toujours, des années et des années après, ses débuts de journaliste à Radio-France. C’était le temps des télescripteurs et des dépêches. Aux jeunes de surveiller les crépitements…Un jour, on est le 11 octobre 1963, elle apporte une dépêche urgente aux hommes –c’était des hommes- de la rédaction. Edith Piaf est morte. Il faut bouleverser les journaux, sinon tous les programmes. Et quelques dizaines de minutes passent, une deuxième dépêche tombe. Jean Cocteau est mort. Il a eu une crise cardiaque en apprenant la mort de la Môme…

 

 

Autant dire que l’actualité était d’une importance extrême pour cette femme étonnante et d’une beauté singulière. Elle était la fille aux yeux d’or. Des yeux dorés de chat, un visage bien construit. On songeait à une déesse égyptienne en la voyant…

 

Ce charme ne fut pas rien dans l’ascendant qu’elle exerça. Elle rompait avec tout ce que l’on connaissait de la sévère et ennuyeuse parfois, critique dramatique. Il faut dire que dans les mêmes années, au Monde où elle était entrée en 1970 et où elle travailla jusqu’en 1995, régnait aussi, dans un autre style, une autre manière, tout aussi en rupture avec les traditions qu’elle, Michel Cournot. Un poète, un homme qui ne suivait pas les chemins balisés.

 

Colette Godard venait d’horizons lointains. Ses parents, Samuel Meghberg, juif d’origine géorgienne, sa mère juive de Russie, venaient d’Ukraine. Ils se réfugièrent en France vers 1910. A Rouen, où naquit Colette, le tailleur avait établi une manufacture de confection.

 

Les parents sont des passionnés de spectacles. On ne disait pas « spectacle vivant ». On disait théâtre, opérette, opéra, concerts, et les enfants, Colette et ses frères et sœurs furent plongés dans ce grand bain, sans oublier leur sens de la citoyenneté, leur courage. Colette Godard n’en faisait pas grand discours. Mais une partie de sa famille avait été raflée en 42, et elle, à son échelle, aidait la Résistance et fut confrontée à des drames profonds.

A la Libération, les journaux sont légion et c’est vers la presse qu’elle se tourne. Elle pense plus à l’information, au journalisme, qu’à la critique dramatique. Mais elle fut justement toujours journaliste avant d’être « critique ». Elle saisit le théâtre comme une matière vivante. De l’actualité pure et dure.

Elle aime l’illusion, le travestissement. Le maquillage. Les êtres qui traversent les murs. Elle donne autant d’importance à Strehler puis à Chéreau et Savary, qu’aux baraques de foire des boulevards du nord de Paris…Elle aime les grands classiques, comme les tout jeunes écrivains.

 

Elle a la voix un peu cassée des femmes de la nuit. Elle séduit, subjugue, elle est très intelligente et sait qu’alors elle peut faire la loi des spectacles. Mais le plus important, sans doute, c’est son écriture. Elle est une femme de style. En la lisant, on l’entend. Elle est magnifiquement sensible et l’encre de ses stylos, de ses machines à écrire, les impressions de ses ordinateurs, nous rendent proches les nuances de sa pensée, les nuances des spectacles dont elle parle. Une grande, un modèle. On peut la lire et la relire en nombreux ouvrages qui témoignent et éclairent l’histoire des spectacles, et sans doute sur le site de Radio France comme sur celui de l’INA, on peut la retrouver.

 

 

Armelle Héliot

 
 
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March 11, 2021 4:36 PM
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Mémoire sans limite : à propos de Hermann, de Gilles Granouillet, mise en scène François Rancillac

Mémoire sans limite : à propos de Hermann, de Gilles Granouillet, mise en scène François Rancillac | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 11 mars 2021

 

François Rancillac crée Hermann de Gilles Granouillet. Une fable touchante pour laquelle une tournée est prévue.

François Rancillac et Gilles Granouillet, c’est une longue histoire : un metteur en scène qui depuis plus de quinze ans revient à une dramaturgie qui le séduit, un metteur en scène qui aura beaucoup fait pour affermir l’art d’un écrivain.

 

Hermann est en effet la sixième pièce de Gilles Granouillet met en scène. Après Le Saut de l’ange en 2004, Zoom en 2009,   Nager/Cueillir en 2013, Ma mère qui chantait sur un phare, la même année et enfin Poucet, pour les grands, cette année
Un compagnonnage, une entente au long cours, une complicité. Une harmonie : c’est souvent le plus frappant dans les traductions scéniques imaginées par François Rancillac.

Il s’appuie sur des artistes qu’il connaît bien. Jérôme Aubert pour la régie, Sébastien Quencez pour la musique et le son. Il y a toujours une atmosphère, des humeurs de jeu et des options de représentation qui ont un lien, qui forment un manifeste personnel.

Ici, une fable. Une histoire dans laquelle se laisser porter. Hermann, du nom du « héros » qu’incarne Clément Proust, jeune homme, homme de combat sinon de guerre, peu saisissable, on le verra…

Et pourtant tout commence par un éveil de la mémoire. Léa Paule, neurologue, reconnaît la voix d’une personne qu’elle a connue autrefois. C’est Hermann. Retour en arrière après cette première scène énigmatique, onirique. Treize ans plus tôt. Elle avait 29 ans. Elle en a 42. Elle a deux enfants… C’est Claudine Charreyre qui est Léa, artiste elle aussi familière de l’univers de François Rancillac.

Que s’est-il passé autrefois ? Que se passe-t-il aujourd’hui ? Un autre homme, cardiologue qui a croisé le chemin de Léa. Daniel Kenigsberg, forte présence, est …Daniel Streiberg.

 

Une autre femme, Olia, l’épouse russe, est un élément essentiel, elle nourrit le mystère et nous mène sur des chemins plus ou moins sûrs. Lenka Luptakova prête sa silhouette et son art du suspens à cette étrangère qui fait peut-être le lien avec Boris Hermann dont on dit qu’il est russe…

 

Contraction du temps, contradictions des dévoilements successifs, tout ce qui est donné pour sûr se dilue, s’évapore. Complexité des espaces, des voyages, des allers-retours. Un seul point fixe, en fait, la neurologie. Le cerveau, ce continent indomptable.

 

François Rancillac imprime un mouvement ferme et vif à la représentation. On peut regretter les micros qui écrasent le grain des voix.

 

Scénographie, lumières de Guillaume Tesson, costumes de Sabine Siegwalt, déplacements des personnages, tout glisse de clarté à obscurité, de compréhension limpide, à résistance à l’entendement.

Il faut accepter. Le quatuor est très bien accordé. Quatre personnalités intéressantes, qui nuancent et s’entendent. Claudine Charreyre, avec sa sensibilité profonde et sa luminosité, Lenka Luptakova avec son autorité et ses irisations, Clément Proust avec son charme et sa manière d’échapper, Daniel Kenigsberg avec cette présence tout en délicats détails.

Bref, que ce spectacle vive ! Que les théâtres rouvrent enfin !

 

Ce spectacle a été vu au Théâtre des 2 Rives, à Charenton, le 5 mars dernier devant un public de professionnels.  Il avait également été donné les deux jours précédents.

 

Normalement la tournée devait conduire le spectacle les 25 et 26 mars à Chambon Feugerolles, le 7 avril à la Maison des Arts du Léman (Thonon-Evian), le 13 avril à Franconville, le 15 avril à Bagneux, le 6 mai à Vélizy-Villacoublay. En attendant la saison 21-22.

 

« Hermann » a été publié par L’Avant-scène théâtre, collection Quatre Vents. Les textes de Gilles Granouillet sont également publiés par Actes Sud-Papiers, Lansman.

 

Légende photo : Daniel Kenigsberg et Claudine Charreyre. Photographie de Christophe Raynaud de Lage.

 

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March 1, 2021 2:19 PM
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Irène Ajer, une vie pour les artistes

Irène Ajer, une vie pour les artistes | Revue de presse théâtre | Scoop.it

par ARMELLE HÉLIOT dans son blog - 1er mars 2021

Elle a été une personnalité essentielle du monde de la culture, du côté de l’Etat, comme des entreprises privées. Lumineuse et spirituelle, elle s’est éteinte à l’aube du 1er mars.

 

Aussi accueillante et souriante que rigoureuse, aussi charmante que savante, aussi disponible que concentrée dans le travail, Irène Ajer était une femme d’exception. Plus de cinquante ans durant, elle aura été une figure essentielle du monde de la culture, en France, en particulier dans le domaine du spectacle vivant, du théâtre, de la musique. Mais pas seulement.

Et lorsqu’elle avait quitté ses fonctions au ministère, elle s’était dévouée pour le monde du théâtre privé, veillant aux réconciliations, notamment du côté des « molières ».

Rayonnante, élégante, elle était une personnalité pudique et discrète. Elle s’est éteinte à l’aube du 1er mars, après un long combat contre la maladie.

 

Née à Nîmes le 20 avril 1940, elle avait suivi les cours de l’Institut d’Etudes Politiques, Sciences Po, tout en se plongeant dans ce qui serait la passion de sa vie : le théâtre. Elle se forme comme comédienne au cours Simon et chez Decroux, participe à l’Université Internationale des Nations et jusqu’au TNP de Jean Vilar.

 

On aurait pu l’imaginer comédienne. Elle est ravissante, avec un physique à la Simone Simon, un petit nez de chat, un regard profond, espiègle. Elle a trop le goût du service de l’Etat pour se lancer du côté du jeu, mais on peut la voir, mignonne et coquine dans Les Demoiselles de Suresnes, un film de la fin des années soixante…

La jeune fille des sixties va devenir « une grande dame » du ministère de la Culture. C’est par ces mots, en lui remettant les insignes d’Officier dans l’ordre national du Mérite, que Frédéric Mitterrand l’avait accueillie dans le grand salon de la rue de Valois, il y a quelques années. « Votre personnalité est bien connue des professionnels du théâtre, reconnue pour votre sens du service public. Vous n’avez cessé d’oeuvrer en faveur de l’art dramatique en France et dans le monde, participant au rayonnement de l’action du ministère de la Culture et à l’histoire du théâtre en France. »
Elle a 25 ans, à peine, lorsqu’elle entre rue Saint-Dominique, à deux pas de l’esplanade des Invalides, une adresse où se jouera des années durant la vie du spectacle vivant. Ses grands aînés vont la guider, appréciant ses qualités d’énergie, d’inventivité : Gaëtan Picon, Pierre Lemoine, Pierre-Aimé Touchard, Blaise Gautier, François Wehrlin, Guy Brajot, Michel Guy.

Emile Biasini, en particulier, compte sur elle. Il a repéré ce « chef du bureau des jeunes compagnies et de la création dramatique » qui veille sur les talents de ceux qui feront la force et l’imagination des scènes françaises, cette « école française du théâtre » dont elle a compris le talent et qu’elle aide, accompagne comme une fée bienveillante doublée d’un haut fonctionnaire qui a du pouvoir…Ariane Mnouchkine, Bernard Sobel, qui sont toujours là et ceux qui nous ont quitté :  Patrice Chéreau, Jean-Pierre Vincent, Jacques Lassalle. Et les auteurs dramatiques, également, sont sous sa bienveillante attention.

Chargée de mission auprès d’Emile Biasini pour l’aménagement de la côte Aquitaine, Commissaire général du Festival « Octobre à Bordeaux », chargée de mission auprès de Philippe Tiry à l’ONDA (Office national de diffusion artistique) qui venait alors d’être fondé, Irène Ajer devient directrice de la Maison de la culture d’Orléans.

 

Dans un entretien qu’elle avait donné le 29 mai 2019 sur les ondes du site « Need Radio », pour l’émission « Entre voix » à Marie-Claire X. qui l’interrogeait notamment sur le « moment le plus riche d’expérience » de son parcours, Irène Ajer répondait que les huit années à Orléans avaient été pour elle, très importantes. On doit être en 1977. Elle a conscience d’être une héritière de Jeanne Laurent et d’œuvrer pour « une vie théâtrale intense sur un territoire assez vierge ». Elle est une pionnière de la décentralisation.

En 1985, c’est au côté de Pierre Boulez qu’elle va reconstruire l’IRCAM, dont elle est nommée administratrice générale. Dans le droit fil de ce travail complexe, elle assure la préfiguration de la Cité et du Musée de la musique.

Pour nous tous, aujourd’hui, c’est sans doute la détermination qu’elle a déployée pour la création d’un musée du costume de scène et de la scénographie et son installation à Moulins, dans un ancien quartier de cavalerie, qui force notre admiration : en ce moment, une rétrospective du scénographe, costumier, metteur en scène Yannis Kokkos, témoigne de la vitalité de ce lieu magnifique.

A la fin de sa carrière de grand serviteur de l’Etat, Irène Ajer est nommée, cheffe du service de l’inspection de la DMDTS. Elle réforme, elle rend tout plus efficient.

 

Spectatrice sans œillère, Irène Ajer a passé sa vie au spectacle : concerts, opéras, festivals, danse, cirque, théâtre public comme théâtre privé, elle expérimente chaque soir la vitalité de la création. Elle est ouverte à tous les arts et connaît tous les milieux.

Les « molières » font appel à ses connaissances, ses compétences, son art de la diplomatie. En 2008, elle est élue présidente de l’association et réconcilie pour un temps public et privé et, sous son règne, on n’oublie pas la belle soirée donnée à la Maison des Arts et de la Culture de Créteil, avec tapis rouges et télévisions, sur le béton de la dalle !

 

Dans le même esprit, Irène Ajer préside la COPAT (Coopérative de production audiovisuelle et théâtrale). On filme les pièces, on enregistre, pour la mémoire de cet art éphémère, les spectacles.

Une vie magnifique au service des autres. Une vie de travail, d’engagement. Une vie de combats, mais sans sectarisme aucun. Elle aimait transmettre et ceux qui travaillaient avec elle lui vouent une reconnaissance profonde, une affection filiale. Ainsi peut on citer, sans être indiscrète, Solange Barbizier, Patrick Ciercolès. Une vie pour la beauté et le partage. Une vie d’amitié aussi, car elle aura réussi le prodige d’être tout entière dans l’action sans jamais abandonner si sa famille ni ses amis. Une « icône » disait Frédéric Mitterrand, mais surtout une femme admirable que nous n’oublierons jamais et qui est un modèle pour chacune, pour chacun.

 
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February 10, 2021 2:57 PM
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Ionesco au crible des neurosciences

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Par ARMELLE HÉLIOT dans son blog 08/02/2021

Médecins de la Salpêtrière et étudiants du cycle « Académie Culture-Santé » ont assisté à la représentation d’un spectacle consacré à l’écrivain et ont décrypté les textes et les personnages.

A l’Espace Cardin, comme aux Abbesses, les équipes sont sur le pont. Dès le premier confinement et la fermeture obligée des salles, sous l’impulsion d’Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Festival d’Automne et du Théâtre de la Ville, il n’y a eu qu’un seul mot d’ordre : « Gardons le lien ! »

Depuis novembre, ce sont près de 70 directs qui ont eu lieu depuis l’une ou l’autre des salles. Pas de public, mais des artistes et techniciens rompus à la discipline d’un exercice difficile, qui exige, par-delà les talents réunis et galvanisés par le travail, une concentration profonde, une souplesse, une vivacité, une réactivité de tous les instants.


Une atmosphère carnavalesque. DR Photographie de Jean-Louis Fernandez.
Hier après-midi, à quelques mètres d’une place de la Concorde déserte et d’une Ambassade des Etats-Unis bien gardée –ne parlons pas, à l’autre bout de l’avenue Gabriel, de la grille du coq de l’Elysée- …dans un Paris un peu morose, le bâtiment blanc de l’Espace Cardin vibrait secrètement, tout en diffusant au loin ses images, puisque les spectateurs enthousiastes qui se manifestèrent à la fin de la représentation et de la rencontre avec savants et futurs savants, se trouvaient en Islande comme aux Etats-Unis, en France, dans toute l’Europe et au-delà…

Avec Luc Bondy qui avait été l’assistant de l’écrivain d’origine roumaine, tout jeune, Emmanuel Demarcy-Mota est l’un des rares metteurs en scène à s’être passionné pour l’œuvre d’Eugène Ionesco et à la défendre de toutes ses fibres.

Ionesco Suite est un spectacle qui honore son titre : non seulement il s’agit d’un montage, très fin et délié d’extraits d’œuvres différentes, une « suite », mais il y a quinze ans, oui, quinze ans, que certains comédiens travaillent. Au fil du temps, certains ont dû s’éloigner, évidemment, et d’autres sont venus revivifier le groupe, mais le metteur en scène, comme son assistant principal Christophe Lemaire, n’ont jamais lâché ce fil.

Le spectacle, très bien filmé par les artistes de la caméra que sont les membres de Multicam, sous la houlette à la réalisation de Pierre-Louis Pléau, est remarquable. Rendu excellent, fidélité de l’esprit de la représentation : qualité de l’image, vélocité des vidéastes qui sont des athlètes qui courent, changent de point de vue, pour donner, à l’écran une proximité qui ne sacrifie jamais l’espace, belles lumières, son, maquillages, tout passait à merveille.

Dans un espace conçu par le scénographe, responsable ici également des lumières, Yves Collet, avec une simplicité fertile : une grande table, des chaises et un mur du fond magnifique, aux moirures changeantes donnant le sentiment de matières très diverses, du métal à une transparence d’écran de papier japonais, sept comédiens –et en coulisses presqu’autant de techniciens- se dépensent sans compter.


Costumes à transformations de Fanny Brouste et Alix Descieux, maquillages de Catherine Nicolas, la troupe s’amuse : Charles-Roger Bour, Céline Carrère, Jauris Casanova, Antonin Chalon, Sandra Faure, Stéphane Krähenbühl, Gérard Maillet traversent avec aisance les différentes couches de texte : Jacques ou la soumission, Délire à deux, La Cantatrice chauve, Exercices de conversation et de diction française pour étudiants américains, La Leçon. C’est noir, féroce, cocasse, grinçant comme un carnaval, Ionesco. Ce n’est pas foncièrement gai, mais c’est drôle, cela fait rire. Cela demeure très étrange. Emmanuel Demarcy-Mota le cite : « J’écris dans la nuit et dans l’angoisse, avec, de temps à autre l’éclairage de l’humour. »

Dans la salle, derrière les écrans qui restituent les images que voient les spectateurs des différents fils qui diffusent en direct, les régisseurs, le metteur en scène et ses assistants, Christophe Lemaire, déjà cité et Julie Peigné, tout un monde rompu à ces directs époustouflants. Le spectacle est accompagné de pages musicales de Jefferson Lembeye et Walter N’Guyen.

Dans la salle également, quelques membres de l’équipe de direction, Michael Chase, Valérie Dardenne, des amis, Michelle Kokosowski, et un groupe particulièrement attentif : dix étudiants en médecine qui ont rejoint l’Académie Culture-Santé, des élèves de Carine Karachi, neurochirurgienne et Cécile Delorme, neurologue, toutes deux médecins de la Pitié-Salpêtrière.

Après la représentation sur plateau glissant et beaux rattrapages langagiers, dans une homogénéité de talent et d’audace formidable –ils sont tous à louer- on dégage un peu le sol et les dix étudiants et leurs professeures montent sur scène.

Analyse des textes, analyses des comportements physiques, reprises par quelques interprètes et diffusion de films brefs montrant des patients, avant et après intervention, ou des patients qu’aucune intervention chirurgicale ne pourra, hélas, soutenir. Interrogés par leurs professeures si savantes et éclairantes, les étudiants risquent des diagnostics, analysent ces « comportements   humains » parfois si déconcertants, tandis que les interprètes expliquent comment ils ont travaillé et « composé » chacun son personnage.  C’est passionnant. Et cela épaissit encore l’encre d’Eugène Ionesco, comme s’il savait beaucoup, et que rien ne tenait du hasard, d’une fantaisie, mais que tout venait du plus profond de l’être humain et de son âme… ou de son cerveau, ce continent que ces deux femmes d’exception explorent.

Pour suivre les prochaines manifestations de « Gardons le lien ! »

Site : theatredelaville-paris.com



Et youtubelive & facebook live

Dès ce soir à 21h00 en direct de l’Espace Cardin et en partenariat avec Les Trois Baudets, à 21h00, concert de Gaël Faure.

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January 12, 2021 1:31 PM
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Dominique Darzacq, les hommages des critiques dramatiques

Dominique Darzacq, les hommages des critiques dramatiques | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Théâtre. Mort de Dominique Darzacq, cheville ouvrière de la critique

Lundi 11 Janvier 2021

Marie-José Sirach / L’Humanité

La présidente d’honneur du Syndicat de la critique dramatique s’est éteinte le 8 janvier, rattrapée par la maladie. Elle allait avoir 89 ans.

 

On la reconnaissait de loin à sa frêle silhouette. Pas très grande en taille mais forte en gueule, incroyablement pudique, elle a consacré toute sa vie à l’exercice de la critique dramatique dont elle fut, jusqu’à son dernier souffle, une représentante émérite.

 

De Combat au JT de TF1

Ses premiers articles paraissent dans Combat. Indépendante jusqu’au bout de sa plume, elle écrira pour Connaissance des arts, le Monde, Révolution, le Journal du théâtre, Théâtre d’aujourd’hui et, ces derniers temps, pour Webthéâtre, un blog théâtral animé entre autres par notre confrère Gilles Costaz… Chroniqueuse un temps à France Inter, elle avait intégré l’ORTF avant de se faire virer en 1968, ce dont elle était fière, disait-elle en riant. C’est Yves Mourousi qui lui offre la possibilité de revenir à la télévision, où elle animera une émission théâtrale sur TF1. Elle avait aimé travailler avec ce journaliste qui lui ouvrait sans souci son JT de 13 heures. « Il ne me demandait même pas de quoi j’allais parler. Il me faisait confiance, et je parvenais à balancer des sujets de plus de six minutes, ce qui aujourd’hui n’est même plus imaginable », me racontait-elle.

 

Un soutien, un pilier, une référence

Pour l’INA, elle a réalisé des documentaires précieux, désormais étudiés à l’université, sous le titre Mémoire du théâtre. Elle a ainsi réalisé les portraits d’Hubert Gignoux, Roger Planchon, René Allio, Jorge Lavelli, Isabelle Sadoyan, Aurélien Recoing, Antoine Bourseiller ou encore Jean-Pierre Vincent. Avec ce dernier, ils ont écrit ensemble le Désordre des vivants. Mes quarante-trois premières années de théâtre, en 2002. En 2006, elle publie Mission d’artistes : les centres dramatiques de 1946 à nos jours, tandis qu’en 1985 elle avait consacré un ouvrage au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, Du théâtre comme il n’était pas à prévoir mais comme il est à espérer.

 

Ses critiques étaient travaillées, exigeantes, chaque mot ayant son importance, jamais choisi au hasard.

Membre très active du Syndicat de la critique dramatique, c’était une figure qui pouvait impressionner les plus jeunes d’entre nous, une lectrice attentive des uns et des autres qui m’appelait souvent le lundi pour réagir aux chroniques de son « cher Léo » (Léonardini) ou à nos papiers. Elle fut un soutien, un pilier, une référence pour beaucoup d’apprentis critiques, une militante sans faille du théâtre, curieuse des artistes, des créations. Ses critiques étaient travaillées, exigeantes, chaque mot ayant son importance, jamais choisi au hasard.

 

Un amour joyeux et courageux

En juin, sa compagne de toute une vie, Martine Spangaro, disparaissait des suites de « ce maudit crabe ». Martine avait dirigé le Théâtre de Sartrouville et, ces dernières années, le Théâtre du Petit Louvre, l’un des lieux les plus emblématiques du off d’Avignon. « La vie sans elle n’a plus de saveur », me confiait-elle il y a quelques jours, « depuis que ma moitié solaire n’est plus ». Elles se sont aimées pendant quarante ans, courageusement, joyeusement face à l’adversité. Leurs vies étaient entièrement dédiées au théâtre. Jusqu’au bout, malgré son cancer dont elle ne parlait jamais, Dominique est restée cette journaliste curieuse du théâtre sous toutes ses coutures sans se préoccuper des modes « qui ne font que passer », comme elle disait. 

 

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Dominique Darzacq, un modèle

 

par ARMELLE HÉLIOT dans son blog

 

Presse écrite, radio, télévision, elle aura partout défendu le meilleur du théâtre. Elle s’est éteinte vendredi 8 janvier. Elle avait 88 ans.

 

Dans les métiers de la transmission, on apprend beaucoup de ses aînés. Et Dominique Darzacq, par sa présence et son travail, a été un modèle pour de nombreux journalistes culturels.

Vice-Présidente d’honneur du Syndicat de la critique, elle aura, sa vie durant, défendu un théâtre d’art, aussi bien dans la presse écrite, la radio, qu’à la télévision.

 

Elle s’est éteinte vendredi, quelques mois après la mort de celle qui avait été une compagne de vie et de passion artistique, Martine Spangaro.

 

Dominique Darzacq avait eu 88 ans au mois de décembre dernier. Elle luttait contre une leucémie et le chagrin la minait depuis la disparition de Martine, en mai 2020. Elle s’est éteinte, entourée d’amis précieux, d’amies fidèles.

 

Une partie de la planche-contact d’une série de portraits du photographe Fernand Michaud en 1984. Dans le cadre du festival d’Avignon DR.

Souvenons-nous d’elle souriante, rieuse, caustique avec les fats, inlassable lorsqu’il s’agissait d’élargir le cercle des spectateurs du théâtre. Une femme engagée, qui était d’abord journaliste et abordait l’art du théâtre comme un grand reporter. Aller à l’aventure, découvrir, faire connaître, faire aimer, défendre.

Si l’on se souvient bien, elle avait débuté à Combat dans les grandes années du quotidien. Ensuite, c’est sans doute France Inter où sa pugnacité fait merveille. Elle travaillera pour Connaissance des arts, Le Monde et même Révolution. Et ces dernières années, elle écrivait aussi pour le site webtheatre.

Mais c’est sans doute en entrant à TF1 et, auprès de Marie-Laure Augry et d’Yves Mourousi, en faisant une place extraordinairement large à l’art dramatique dans les journaux qu’ils présentaient, que Dominique Darzacq aura su, avec rigueur et exigence, faire connaître à un cercle très large le théâtre, les comédiens, les metteurs en scène, les auteurs.

 

Dans ces grandes années 80, elle sillonne la France, de Strasbourg à Marseille, de Nanterre à Saint-Denis ou la MC93. Elle était d’une culture profonde et ondoyante : elle défendait aussi bien le théâtre privé que le réseau public. Elle était une femme de service public.

Elle aime le monde du théâtre. Elle le défend avec ardeur. Elle y puise d’indéfectibles amitiés : René Gonzales notamment.

Dominique Darzacq a également publié quelques livres : Du théâtre comme il n’était pas à prévoir…en 85 (TGP/Solin), Jean-Pierre Vincent, mes quarante-trois premières années dethéâtre (Les Solitaires Intempestifs, 2002) et aussi un ouvrage collectif, Les centres dramatiques de 1946 à nous jours (Théâtrales, 2006).

 

D’elle, resteront également des portraits-entretiens, des films d’une remarquable valeur documentaire, qu’elle a tourné pour l’INA dans une collection qu’elle lança, « Mémoire du théâtre ». René Allio, Hubert Gignoux, Roger Planchon, Jacques Mauclair, Jean-Pierre Vincent, elle savait mener des entretiens, mettre en confiance, laisser sourdre les personnalités profondes des artistes interrogés.

Dominique Darzacq était officier dans l’ordre des Arts et Lettres, et, on l’a dit Vice-Présidente d’honneur du syndicat de la critique. Elle s’intéressait à la place du théâtre dans les médias et à la relève.    

La date de ses obsèques n’est pas encore fixée. Elles devraient se dérouler dans la semaine du 18 janvier.

 

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La mort de Dominique Darzacq

par Gilles Costaz

Une grande figure de la critique et de l’histoire théâtrale

Notre collaboratrice et amie Dominique Darzacq vient de mourir, le 8 janvier. Elle était née à Paris en 1932. C’était une grande figure de la critique et de l’histoire théâtrale, qui avait su s’exprimer sur différents médias, la presse, la radio, la télévision et internet. Elle avait fait ses premiers articles à Combat dans les années 60, sous la houlette de Philippe Tesson. Sa forte personnalité l’avait amenée à être rapidement à la fois un témoin critique, une intervieweuse savante, une réalisatrice de documentaires fouillés et quelqu’un de très proche du milieu théâtral – sa compagne, Martine Spangaro, qui devait devenir son épouse ces dernières années, participa à la direction du théâtre de Sartrouville, au temps de Claude Sévenier, et dirigea longtemps le théâtre du Petit Louvre qui s’ouvre chaque été pendant le festival d’Avignon. Chroniqueuse à France Inter, Dominique Darzacq anima pendant plusieurs années une émission consacrée au théâtre sur TF 1, grâce au patronage d’Yves Mourousi : un exploit, et un exemple quand on pense au peu d’intérêt que les grandes chaînes de télévision manifestent aujourd’hui à l’égard de l’art dramatique quand il n’est pas porté par des vedettes (car elle défendait tous les genres de théâtre).
Sans être une critique à laquelle on confiait un feuilleton ou une collaboration régulière, elle écrivit dans beaucoup de journaux et revues : la revue de l’ATTAC, Connaissance des arts, Le Monde, Révolution, Itinéraire, Le Journal du théâtre, Théâtre aujourd’hui… Elle prolongeait cette intense activité journalistique par des livres qui resteront : C’était du théâtre comme il n’était pas à prévoir mais comme il est à espérer (1985) sur le théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, L’Abécédaire Heyoka Sartrouville (1999 : elle s’intéressa beaucoup au théâtre jeune public et à la marionnette), Le Désordre des vivants (de longs entretiens avec Jean-Pierre Vincent, 2002). Devenue réalisatrice, elle a fait, essentiellement pour l’INA, des documentaires remarquables sous le titre générique de « Mémoire du théâtre » : elle a ainsi fait parler et témoigner Hubert Gignoux, Roger Planchon, René Allio, Jacques Mauclair, Jean-Pierre Vincent, Jorge Lavelli, Isabelle Sadoyan, Aurélien Recoing, Pierre Vial, Antoine Bourseiller… L’histoire du théâtre lui doit, lui devra beaucoup !


Entière dans ses jugements et ses amitiés, elle ne redoutait pas les désaccords et la polémique. En même temps, elle était solidaire de ses confrères et fut toujours très engagée dans l’action du Syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse, dont elle avait été faite vice-présidente d’honneur. C’est dans un ses textes écrits pour le bulletin du Syndicat que nous relevons ce qu’elle dit de l’art de juger : « Alors que pour Émile Zola la critique était « une des choses les plus inutiles et les plus sottes qui se puissent voir », Oscar Wilde, au contraire, affirmait qu’« une époque qui n’a pas de critique est une époque où l’art est immobile ». Pour sa part, le critique Gilles Sandier (1924-1982) la concevait comme « une franchise qui se bat, la partialité éclairée », tandis que Francisque Sarcey (1827-1899) affirmait qu’elle était « la voix de la foule, et son premier cri ». On la classerait plutôt du côté de Gilles Sandier, personnage un peu oublié mais qui fut l’un des ténors de la critique passionnée au cours des années 60-80.


Atteinte par la maladie, elle continua à aller régulièrement au théâtre et à donner ses articles à Webtheatre, malgré des séjours réguliers à l’hôpital. Elle eut la grande tristesse de voir son épouse Martine mourir au mois de juin. Restée seule, elle ne voulait rien abandonner de son activité principale. Les messages qu’elle envoyait à la rédaction étaient combatifs, chaleureux et rieurs. Récemment, elle nous annonçait un entretien avec l’actrice Anne Le Guernec, quand elle fut de nouveau emmenée à l’hôpital où elle devait succomber de crises respiratoires. Webtheatre et la presse théâtrale perdent une observatrice de premier plan, d’une écriture particulièrement gourmande,

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Photo : Dominique Darzacq, par Fernand Michaud, années 80. (Gallica, BN).

 

 

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November 26, 2020 3:18 PM
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Jean Darnel, professeur d'excellence

Jean Darnel, professeur d'excellence | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog le 23/11/2020


Pédagogue, metteur en scène, très grand collectionneur, il s’est éteint à Paris à l’âge de 97 ans. La musique comme le théâtre lui doivent beaucoup.

C’était un esthète. Un homme qui aura consacré sa vie à l’art. Il était né en 1923 et s’était très tôt pris de passion pour la musique et le théâtre. A peine ses bacs en poche, il veut devenir comédien et commence par faire de la figuration, à Paris, dans les années 40. Il souriait, amusé de sa timidité d’alors, en se remémorant ces premiers pas sur les planches ou les plateaux de cinéma. Il joue un page dans Les Visiteurs du soir. Il n’est pas le seul : les jeunes François Chaumette, Alain Resnais, Jean Carmet et le très jeune Jean-Pierre Mocky sont eux aussi de jeunes serviteurs…Mais lui, Jean Darnel, il devait servir à boire à Jules Berry…le Diable ! On est au Moyen-Age car Carné et Prévert ont voulu avoir la paix avec la censure de l’Occupation.

 

Jean Darnel racontait cette histoire et des centaines d’autres. Avant d’être un comédien, un metteur en scène, un créateur de festivals, un professeur d’art dramatique, Jean Darnel était en effet un homme d’une érudition profonde. Et puis son esprit souvent caustique donnait à ses récits, ses anecdotes, un inoubliable piquant…

 

Dans ces années quarante-cinquante, le monde du théâtre parisien n’est pas énorme et l’on trouve des rôles assez facilement. Jean Darnel est non seulement doué, avec une voix très bien timbrée, une discipline, une connaissance déjà profonde de la littérature dramatique, mais il est très beau. Il a un physique de jeune premier.

 

Il se forme auprès de grands maîtres, d’aînés qu’il admire, tel Pierre Fresnay.

 

Dès 1945, il triomphe sur la scène du Châtelet où Maurice Lehmann met en scène L’Aiglon d’Edmond de Rostand. Le rôle, depuis sa créatrice, Sarah Bernhardt, est le plus souvent tenu par des femmes. Mais Jeanne Boitel attend un enfant et doit s’interrompre. C’est Jean Darnel qui joue le Roi de Rome. La critique s’enflamme pour lui dès ce moment-là.

 

Il pourrait enchaîner les engagements, mais, s’il joue et pas les moindres personnages chez Shaw, Shakespeare, Hugo, son goût le conduit vers la mise en scène de ces auteurs, entre autres : Hamlet, Ruy Blas, Cyrano de Bergerac, Roméo et Juliette, dans les années 50-60, puis des œuvres de Molière, Musset, Racine.

 

Mais surtout, il dirige des chanteurs dans de grands et beaux ouvrages, tel Didon et Enée de Purcell, dès 63, à Saint-Jean-de-Luz. Il n’a pas attendu la mode baroque, il la précède…

Il aime aussi les œuvres plus légères, les opéras bouffes d’Offenbach et de Rossini, notamment.

 

Jean Darnel qui avait grandi, en partie, à Bayonne, fonde en 1960, Musique en côte basque, un festival qui existe toujours et qui s’est allié au festival Ravel pour une entité unique depuis quelques saisons.

 

En 1971, c’est lui qui, avec Jacques Bourgeois, reprend le flambeau du théâtre antique d’Orange avec « Les Nouvelles Chorégies ».

On ne peut ici détailler tous ses rôles, toutes ses mises en scène, tous les artistes qu’il a mis en lumière en les engageant dans ses différents festivals. N’oublions pas Les Fêtes romantiques de Nohant

 

Voici ce qu’a écrit Yves Henry, actuel président de la manifestation : « Il avait été à l’origine du Nohant Festival Chopin avec son ami Aldo Ciccolini. Jean Darnel nous a quittés cette nuit à l’âge de 97 ans, rejoignant Aldo, qui s’était éteint en 2015 à près de 90 ans. Tous deux étaient tombés sous le charme de Nohant et avaient su y faire venir les plus grands artistes des mondes de la littérature et de la musique. De Samson François à Laurent Terzieff, d’Arthur Rubinstein à Elisabeth Schwarzkopf, de 1966 à 1990, ils ont façonné avec passion ce Festival, intitulé à l’époque Fêtes Romantiques de Nohant, et rebaptisé depuis 2011 Nohant Festival Chopin.

 

Jean Darnel était un homme de théâtre, un pédagogue passionné et exigeant, et un directeur artistique qui a également contribué à deux autres grandes manifestations : les Chorégies d’Orange et Musique en Côte basque. Grâce à lui, de nombreux spectateurs ont pu vivre des moments exceptionnels dont ils conserveront longtemps le souvenir. Grâce à lui, des générations de comédiens perpétuent un art théâtral particulier dans lequel le rapport à la musique et aux musiciens a une place prépondérante. Grâce à lui enfin, de nombreux jeunes artistes, qu’ils soient musiciens ou comédiens, ont pu développer leur expérience professionnelle. Il avait créé et dirigé à Paris l’association pour l’insertion professionnelle des jeunes artistes. »

 

Jean Darnel, en effet, aura également été un professeur, aussi exigeant que fidèle quand ses élèves avaient la pugnacité, le talent, la volonté d’entreprendre. Il aura été Directeur de l’École d’art dramatique de la ville de Paris (devenue École supérieure d’art dramatique -ESAD- en 2008) et inspecteur des Conservatoires.

Il a donc fondé avec le soutien de l’État et de la ville de Paris l’Association pour l’Insertion Professionnelle des Jeunes Artistes (IPJA) et l’a dirigée pendant vingt-deux ans.

 

Il avait ouvert, en 1966, un cours privé à son nom. Jusqu’à il y a quelques années, il réunissait les élèves dans le « grenier » du Théâtre de l’Atelier, dans la lumière de Charles Dullin et les fantômes gentils de Barrault, Artaud…C’était un professeur parfois très sévère, mais ses fidèles admiraient le maître et lui sont très reconnaissants : Nicolas Vaude, Nicolas Briançon, entre autres.

Ces toutes dernières années, Jean Darnel animait une fois par mois Le Libre journal du spectacle sur Radio Courtoisie. Voix bien timbrée, humour, saveur, il construisait des pages de récits savoureux et pétris d’amour.

 

Sa vie durant, dès qu’il avait trois sous, il avait acheté des souvenirs du monde du théâtre ou de l’art lyrique. Il aimait les objets, mais aussi les lettres. Il avait la merveilleuse couronne de Phèdre de Sarah Bernhardt, d’autres bijoux, des photographies. Il adorait le XIXème siècle et subissait avec chagrin les approximations artistiques de ces dernières années…

 

C’est lundi 30 novembre, à 13h00, au cimetière du Père-Lachaise, salle Maumejean, que ses amis, ses élèves, diront un dernier adieu à Jean Darnel.

Entrée : 71 rue des Rondeaux, Paris XXème.

Légende photo : Toujours très élégant. Et toujours très érudit … Photographie DR.
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November 7, 2020 9:42 AM
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Jean-Pierre Vincent, coeur ardent

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Par Armelle Héliot dans son blog - 6 novembre 2020

 

 

Ancien administrateur général de la Comédie-Française de 1983 à 1986, il avait été, auparavant, le très énergique directeur du Théâtre national de Strasbourg et, plus tard, celui de Nanterre-Amandiers. Il s’est éteint dans la nuit de mercredi 5 à jeudi 6 novembre. Il avait 78 ans.

 

 

Avec lui, on refaisait le monde. On discutait, on disputait, on bataillait. Et surtout, on partageait et on applaudissait. Jean-Pierre Vincent était un esprit qui ne jugeait pas les personnes sur des critères d’appartenance –à tel ou tel journal, par exemple. Il s’intéressait aux autres, il était un citoyen engagé et n’avait jamais conçu son travail d’homme de théâtre autrement. Pourtant, il était d’abord un artiste, un être sensible, susceptible d’être blessé. Mais la camaraderie avait toujours éclairé sa vie et c’est en camarade qu’il allait sa vie.

 

Il s’est éteint dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 novembre, vaincu par des ennuis de santé en cascade : au printemps, il avait été saisi par la COVID avant de subir deux AVC coup sur coup. Il avait eu 78 ans le 26 août dernier.

 

Camarades, copains d’école : le très jeune Jean-Pierre Vincent fait ses premiers pas d’homme de théâtre, comédien, metteur en scène, homme de troupe, au Lycée Louis-le-Grand à la fin des années 50. Un groupe légendaire auquel appartiennent les jeunes Jérôme Deschamps, Michel Bataillon, Patrice Chéreau.  On ne refera pas ici la grande histoire de ce noyau d’une fertilité éblouissante. Au départ, il joue, met en scène, est le lieutenant du jeune voyant, plus du côté du dessin, de la scénographie que de la direction d’acteurs, alors, Chéreau. Le très jeune Vincent trouvera un peu plus tard son propre chemin. Il a épousé Hélène, Hélène Vincent, et, un peu plus tard, en 1964, naît Thomas, aujourd’hui réalisateur connu et original. Hélène et Jean-Pierre s’étaient séparés, et on ne peut évoquer Jean-Pierre Vincent, sans saluer Nicole Taché, ancienne co-directrice du festival d’Avignon, femme essentielle.  L’amour de la nature, du sud, des animaux et des dîners du dimanche soir (seul soir de liberté des gens de théâtre, ne l’oubliez pas) dans la maison de Nanterre et plus tard à Mallemort, entre Marseille et Avignon.

 

Plus de soixante ans durant, Jean-Pierre Vincent se sera consacré au théâtre et il avait des projets que le confinement avait suspendus, notamment avec les élèves de l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, à l’invitation de Stanislas Nordey, qu’il avait justement autrefois accueilli à Nanterre. Il devait mettre en scène Antigone, après L’Orestie d’Eschyle.

 

C’est en rencontrant Jean Jourdheuil, à l’orée de 1968, que Jean-Pierre Vincent va continuer d’affirmer sa personnalité : forte et partageuse. Tout son chemin est marqué par la lumière des années Louis-le-Grand : ensemble et intensément. On ne fera pas ici tout son parcours (on l’a écrit, rapidement, pour Le Figaro), mais on peut souligner qu’il s’est toujours conduit en citoyen, en serviteur du théâtre. Il n’a jamais lâché le fil du public, il ne s’est jamais fait gloire de ses responsabilités. Diriger le TNS, la Comédie-Française, Nanterre-Amandiers, ce n’était pas exercer du pouvoir. Mais conduire les spectateurs à découvrir de grands poètes dramatiques, de Sophocle et Shakespeare, à Jean-Claude Grumberg, Ivane Daoudi, en s’entourant toujours de ses amis, son premier cercle de travail, Dominique Muller, disparu il y a quelques mois, Michel Deustch, ou Bernard Chartreux, bien sûr, le premier des dramaturges de cet artiste marqué par son chemin avec le germaniste et philosophe Jean Jourdheuil et par son séjour à Strasbourg. Les jeunes du TNS que sont Vincent et ses proches rivalisent avec la Schaubühne de Berlin….Il y a un peu plus de deux ans, en septembre 2018, on avait organisé, pour Le Figaro, les retrouvailles de Peter Stein, l’aîné et de Jean-Pierre Vincent. On aurait pu écrire un livre…

 

Dans les années qui suivent Sartrouville, de Dijon à Toulouse en passant par Paris, il multiplie les mises en scène : Brecht comme Goldoni ou Marivaux, Labiche, mais aussi Serge Rezvani. Capitaine Schelle, Capitaine Eçço, un événement, au TNP-Chaillot, en 1971, puis Le Camp du drap d’or. Il choisit aussi Jean-Claude Grumberg. L’année suivante naît la Compagnie Vincent-Jourdheuil/Théâtre de L’Espérance et ils poursuivent leur exploration du répertoire de langue allemande, Brecht toujours, et Büchner, et Grabbe. Ils vont même jusqu’au Palace qui est alors une salle de théâtre d’avant-garde.

 

Indissociable de son parcours est aussi le peintre Jean-Paul Chambas, qui aura signé de très belles scénographies, colorées, aérées et très denses de sens

 

 

Michel Guy qui veut la jeunesse à la tête des institutions, le nomme donc à la direction du Théâtre national de Strasbourg. Il est homme de troupe, de groupe. Ceux que nous avons cités plus haut et tous ces comédiens magnifiques, André Wilms, Philippe Clévenot disparu très prématurément, Evelyne Didi, Michèle Foucher, Andrée Tainsy, Bérangère Bonvoisin, Alain Rimoux, Jean-François Lapalus, tant d’autres. Et puis, évidemment, metteur en scène frère, André Engel et son comédien premier, Gérard Desarthe.

 

Dans ces années -à, Strasbourg est la capitale du théâtre, avec Villeurbanne où règne Planchon. Les textes marquants sont des plongées dans  l’ Histoire de France : Vichy fictions (1980), ou de fantastiques coupes dans le réel : Le Palais de Justice (1981), ou encore des réflexions sur le présent comme Dernières nouvelles de la peste (83) donné dans la cour d’Honneur du palais des Papes. De ces années-là date son merveilleux Peines d’amour perdues, dans la belle traduction de Jean-Michel Déprats à qui il restera toujours fidèle, notamment pour Macbeth, quelque temps plus tard, lorsqu’il aura été nommé administrateur général de la Comédie-Française. Il avait forgé sa formule –qu’on lui a souvent piquée, depuis- : « Diriger depuis le plateau ». Il commence par Félicité de Jean Audureau, Le Suicidé de Nikolaï Erdman. Il connaît la troupe qu’il a dirigée dans Les Corbeaux de Henri Becque, un grand succès. De 1983 à 1986, avec fermeté et loyauté, il affronte tout ce qu’il peut y avoir de compliqué au cœur de cette troupe.

 

Il reprend sa liberté. Il travaille avec des jeunes. Cela le galvanise. Il le fera jusqu’à ces derniers mois. Dans cette parenthèse sans responsabilité d’institution, en 1987, il met en scène un formidable Mariage de Figaro, avec notamment Didier Sandre, Dominique Blanc, Denise Chalem, Roch Leibovici, André Marcon, pour n’en citer que quelques-uns et dans le désordre…Et il retrouve la Comédie-Française pour La Mère coupable en 1990.

C’est cette année-là qu’il succède à Patrice Chéreau à la direction de Nanterre-Amandiers. Programmé dans la cour d’Honneur, il signe Les Fourberies de Scapin dans un magnifique décor de Jean-Paul Chambas et avec Daniel Auteuil dans le rôle du valet malin. A Nanterre, il invitera Stanislas Nordey à partager les responsabilités et le plateau, mettra en scène de merveilleux Musset mais aussi de jeunes auteurs, telle Fatima Gallaire, disparue il y a très peu de temps ou Bruno Bayen, lui aussi mort tôt. A cette époque, en 1996, Jean-Pierre Vincent est rappelé au Français et monte l’étrange Léo Burckart de Gérard de Nerval. Plus tard, on s’en souvient, en 2012, il mettra en scène Dom Juan de son cher Molière.

 

Saluer un artiste comme Jean-Pierre Vincent revient à énumérer des spectacles car tous nous ont laissé beaucoup de souvenirs d’émotions, de questionnements. En 1999, les Pièces de guerre d’Edward Bond, comme en 2000, Lorenzaccio, avec Jérôme Kircher, jambe cassée, comme Novarina avec des amateurs magistralement portés, tout nous aura frappés, spectateurs et professionnels.

 

Du côté de l’opéra, également, il signait de beaux spectacles. Mozart souvent. Puis, ayant retrouvé sa liberté de jeune homme avec le « Studio », nouvelle compagnie, il aborde Jean-Luc Lagarce, renouant avec son goût féroce du rire avec Les Prétendants avec notamment Anne Benoit et sa fibre très sensible avec Derniers remords avant l’oubli. Dans les hommages qui saluent l’artiste, il y a Dominique Bluzet qui a souvent accueilli les créations de Jean-Pierre Vincent, à Marseille ou Aix. En 2013, Iphis et Iante d’Isaac de Benserade, puis les Suppliantes d’Eschyle, avec des comédiens et des amateurs du Gymnase, ou encore En attendant Godot en 2015.

 

On ne résume pas une telle vie. Elle se confond complètement avec la passion du théâtre. Un homme direct et fin, très cultivé mais secret, d’une certaine manière, Jean-Pierre Vincent. Un grand qui allait son chemin, généreux, croyant en la jeunesse, transmettant depuis toujours. Un artiste qui a apporté énormément au théâtre des XXème et début XXIème siècles.

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October 26, 2020 6:53 AM
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Avignon : à deux, on fait des grands spectacles

Avignon : à deux, on fait des grands spectacles | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog -  25 octobre 2020


Kaori Ito et Yoshi Oïda, Etienne Minoungou et Simon Winse, Israël Galvan et Nino De Elche, trois occasions d’éprouver la grandeur au théâtre.

Parce que le couperet du couvre-feu a obligé les organisateurs de la Semaine d’art en Avignon à avancer les spectacles de trois heures, on n’a pas pu voir, encore, Le Tambour de soie, un nô moderne de Yukio Mishima. Un drame découvert dans une mise en scène de Maurice Béjart qui s’appuyait alors sur la belle traduction de Marguerite Yourcenar, au Théâtre du Rond-Point, il y a bien des années.

 

On a pris date pour le 1er novembre, au Théâtre de la Ville où va être présenté le spectacle. Mais, évidemment, l’alliance artistique et spirituelle de ces deux artistes rares que sont la danseuse Kaori Ito et le comédien Yoshi Oïda, personnalité essentielle du parcours de Peter Brook, et écrivain singulier, est promesse d’excellence. Pour cette représentation ils sont accompagnés de Makoto Yabuki et c’est Jean-Claude Carrière qui a rédigé le texte. On en reparlera. Mais les spectateurs ont été charmés.

 

A la Collection Lambert, on peut découvrir l’imagination enlevée des élèves des « villas » de rêve que sont la Casa de Velazquez à Madrid, la Villa Kujoyama à Kyoto, la Villa Médicis qui abrite l’Académie de France à Rome. « Viva Villa ! » est un parcours espiègle avec quelques œuvres puissantes. Mais peuvent-elles rivaliser avec les pièces de la collection permanente ? Pas sûr.

C’est ici, dans la très agréable salle ouverte dans les dessous des Hôtels de Caumont et de Montfaucon, qui abritent la collection d’Yvon Lambert, que l’on a pu applaudir le serein et lumineux Etienne Minoungou, dilaté comme un soleil, avec son regard si profond, émerveillé, offert, et son heureuse et solaire présence. Accompagné de l’extraordinaire musicien Simon Winse, qui chante d’une voix unique, qui vous ouvre et vous comble, il dit le texte de Felwine Sarr, Discours aux Nations africaines. Magnifique plongée dans laquelle, avec une précision fascinante, nous entraînent ces deux interprètes, unis et différents, uniques et disant le pluriel de l’Afrique. Magistral sans démonstration, dans la retenue, la modestie, ce discours, tel qu’il nous est délivré, nous bouleverse. Ici, ce qui touche le plus est la sincérité.

Troisième duo, voici Mellizo Doble qui exalte la complicité du chanteur, guitariste, compositeur Nino de Elche et du danseur et chorégraphe Israël Galvan. La voix exceptionnelle de Francisco Contreras Molina, vrai nom de Nino de Elche, sa puissance, sa maîtrise, ses connaissances et sa virtuosité sont saisissantes. On est empoté par cette voix, ce récit. Tout commence sous le soleil d’une corrida et c’est un soleil de plomb qui pèse sur le mort de Dominguin…A la fin, Séville est célébrée, torride et déchirante. L’art de Nino de Elche est grand.

 

Disons-le, il est dommage que les paroles ne soient pas traduites car, même si l’on connaît la langue, on peut avoir du mal à suivre et c’est dommage. Même si, ici, c’est la complicité des deux artistes qui fait la chair du propos.

 

Israël Galvan, avec ses chaussures blanches et noires, son costume à poche surprise, sa morgue joyeuse, son insolence, est époustouflant dans la performance –comme son ami chanteur qui tient sans boire une goutte d’eau, très longtemps. Dans l’énergie, l’humour vache, l’insolence gamine, et la beauté, la virtuosité, la violence toujours renouvelée de l’expression, il est vraiment étonnant.

 

C’est comme un grand coup de vent sur le plateau, un grand coup de vent sur la ville et cette « semaine d’art » formidable.  

 

Le Tambour de soie, du 24 au 26 octobre à 11h00. Chapelle des Pénitents blancs. Durée : 1h00. Reprise au Théâtre de la Ville-Espace Pierre-Cardin, puis au 104.

 

Traces, du 23 au 27 octobre à 14h00. Salle de la Collection Lambert. Durée : 1h00.

 

Mellizo Doble, Théâtre Benoît XII, les 24 et 25 octobre. Durée : 1h15. Reprises en tournée internationale.

 

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October 19, 2020 5:30 PM
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Natalie Akoun : et maintenant, elle chante !

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Par Armelle Héliot dans son blog 17 octobre 2020

 


Fine et blonde, allure d’éternelle jeunesse, comédienne remarquable, elle nous raconte sa vie en confidences et chansons, très bien accompagnée.

 

C’est un moment musical rare et chaleureux, extrêmement touchant et rigoureux.

 

On a vu ce spectacle cet été et il n’a été repris qu’il y a quelques jours, simplement le samedi et le dimanche. Depuis est tombé le couperet du couvre-feu, les horaires ont donc été modifiés pour les dernières représentations.

 

Vincent Leterme, piano, Laurent Valero, violoniste, deux musiciens excellents, véritables partenaires, soutiennent la mise en scène, précise, fluide, utilisant tout l’espace de ce lieu qui va bien à l’esprit cabaret, au récital. Une mise en scène signée Olivier Cruveiller, comédien dont on loue depuis longtemps le talent ondoyant.

 

Elle peut être gavroche, mais aussi la vamp des récitals, qui s’allonge sur le piano. Photo DR.

Natalie Akoun est une interprète que l’on a très souvent applaudie au théâtre dans des registres très différents. Des personnalités de théâtre très différentes l’ont dirigée. Elle-même s’est mise à l’écriture : Les Madones, Une histoire de clés, La Femme aux sandales d’été. A chaque fois, des chansons, mais prises dans le fil dramaturgique.

 

« Chanter au théâtre, dit-elle, c’est continuer sa pensée quand on ne trouve pas les mots ou quand on n’a plus forcément conscience de ce que l’on ressent. Comme une boîte noire au fond de sa tête » dit-elle.

 

Le fil de Mon âge d’or, que l’on pourrait prendre pour un clin d’œil décalé à Ariane Mnouchkine, est celui de l’autobiographie. Ses parents l’ont initiée au théâtre et ce chemin est souvent passé par la Cartoucherie. Natalie Akoun et Olivier Cruveiller ont joué à –et ils s’y sont même mariés… Mais cet Age d’or est aussi celui de Léo Ferré….

 

Sur le fil de la mémoire, des perles précieuses : les chansons qui l’ont marquée et qu’elle interprète de sa jolie voix, très bien placée lorsqu’elle parle, très juste, mélodieuse et nuancée lorsqu’elle chante. Ce qui est très intéressant c’est qu’elle n’imite jamais, elle ne reprend pas les manières des chanteurs qui ont fait connaître ces textes, ces airs. Elle a forgé, pour chaque chanson, sa propre manière. Elle glisse de Trois petites notes de musique –Delerue/Colpi en 61- à L’Age d’or de Léo Ferré. Il y a aussi, très important, Saltimbanque de Maxime Le Forestier, puisque « saltimbanque » c’est le métier dont rêvait la petite fille.

Boris Vian, Renaud, Barbara, Rezvani, Gréco, Béart, Louis Amade et Bécaud (La Ballade des baladins, évidemment), Roda-Gil et Julien Clerc, Moustaki, on ne vous dévoilera pas ici tous les titres. On aurait bien ajouté une chanson de Pierre Mac Orlan, mais cela, c’est par goût personnel, ou encore des textes d’Aragon…mais c’est une question de génération.

 

Ce récital est une pépite d’émotions chatoyantes, une manière merveilleuse d’être plongé dans la musique, la poésie, l’esprit. Natalie Akoun est une fée, une fragile silhouette mais qui possède une force de jeune déesse et un irrésistible charme.

 

Les Rendez-vous d’ailleurs, 109 rue des Haies, 75020 Paris (Métro Maraîchers). Téléphone : 01 40 09 15 57. Vendredi et samedi à 18h30 et, normalement, ensuite, reprise le 4 décembre à 21h00, jusqu’en janvier, chaque vendredi et samedi, 21h00. Puis au Théâtre de l’Epée de Bois du jeudi au dimanche, du 28 janvier à février.

 

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October 10, 2020 6:20 PM
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Vincent Dissez, acrobate spirituel

Vincent Dissez, acrobate spirituel | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog, le 10 octobre 2020

 

 

Sous le titre « Un jour, je reviendrai », Sylvain Maurice réunit deux textes de Jean-Luc Lagarce, « L’Apprentissage » et « Voyage à La Haye ». Tout l’esprit de l’écrivain est là.

 

On sera bref car rien ne sert de faire l’esprit fort devant ces textes déchirants et innervés de son humour ravageur  :     L’Apprentissage   et Voyage à La Haye donnent la mesure de l’art singulier de Jean-Luc Lagarce. Son style, le régime de sa phrase, ces reprises, ces répétions qui affinent l’expression en se rapprochant de la juste expression. Comme les battements d’un cœur.

 

Roland Fichet avait passé commande à Jean-Luc Lagarce. Il rêvait du récit d’une naissance. L’écrivain a choisi sa renaissance. Sa sortie d’un coma.  Réapprendre la vie, reprendre main sur sa vie. Ce dont on peut se souvenir. Le Voyage à la Haye, avec ce qu’il y a de mélancolie et de férocité, lorsqu’il décrit le petit monde qui reçoit un des spectacles de sa compagnie, donne l’image très fraîche d’un si jeune homme encore, qui sait que son chemin se clôt.

Dans un espace découpé de formes franches par des lumières très finement animées, espace imaginé par Sylvain Maurice lui-même avec André Neri et changeant selon ces lumières signées de Rodolphe Martin, Sylvain Brunet étant à la régie, Vincent Dissez interprète les deux textes comme des partitions précises, précieuses.

 

Son, et régie son par Cyrille Lebourgeois, ajoutent à la beauté simple et saisissante de ce moment.

L’essentiel repose sur le comédien que l’on sait capable d’illuminer des registres très différents. Depuis Didier-Georges Gabily et le groupe Tchang, depuis le conservatoire, on sait les qualités puissantes mais discrètement exprimées, de Vincent Dissez.

Ici, il y a de la pudeur. Une juste distance avec l’auteur fauché par le sida en 1995 et qui continue de nous parler au plus près.

Sylvain Maurice, dont on admire depuis toujours le travail, signe ici une perfection de théâtre qui touchera les adolescents comme leurs aînés. C’est très beau. Comme inspiré par une intime imprégnation pour celui qui dirigea le CDN de Besançon-Franche-Comté de 2003 à 2011, une maison qu’aurait pu longuement habiter Jean-Luc Lagarce…

 

Théâtre de Sartrouville, jusqu’au 23 octobre. Durée : 1h30. Renseignements sur les horaires et réservations au 01 30 86 77 79.

Site : theatre-sartrouville.com

Textes publiés par Les Solitaires intempestifs.

En tournée les 2 et 3 décembre au Théâtre de Lorient-CDN.

Légende photo :Un découpage graphique et une présence simple, sans autre arme que le jeu. Photographie de Christophe Raynaud De Lage. Sartrouville.
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October 5, 2020 4:17 PM
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Joris Lacoste : cause toujours, tu m’intéresses !

Joris Lacoste : cause toujours, tu m’intéresses ! | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan - 5 oct. 2020

 

 

Le Festival d’automne consacre un portrait en huit spectacles à l’Encyclopédie de la parole de Joris Lacoste et de ses diseurs. Une formidable aventure que cette collecte de paroles à travers la France et le monde qui nous ravit depuis plus de dix ans. Un trésor de paroles qui nous parviennent enrichies par le geste même de leur restitution-interprétation en solo ou en commando.

 

 

Je ne sais pas si Joris Lacoste est un taiseux ou un causeur, c’est assurément un homme qui ne manque pas d’oreilles. Il les laisse traîner partout, de jour comme de nuit, à la ville, à la campagne, dans les rues, les école, les logis, les forêts, les réseaux sociaux, la télé, les aéroports, les bistrots, les cuisines, partout où l’être humain, doué de parole, se manifeste. Mais s’il est à l’écoute des paroles du monde, ce n’est pas en solitaire, c’est un être collectif. Il a su s’entourer d’aficionados frénétiques et avides, dit autrement (car tout est dans le dire) : il a su contaminer et entraîner dans son sillage une pléiade d’acteurs, d’actrices, accros et véloces, une superwoman du dire, l’historique Emmanuelle Lafon, la nouvelle et phénoménale Ghita Serraj, mais aussi de non-professionnels, et encore de musiciens, de chanteurs, de chefs d’orchestres et, last but not least, d’une pléiade de récolteurs de paroles, et pas seulement en français, en moult langues.

 

Tu parles d’un parlement

 

Joris Lacoste et son équipe récoltent les paroles comme d’autres des pommes de terre. On ne peut vivre sans les unes ni sans les autres. A cette différence près qu’entre une ratte du Touquet et une Belle de Fontenay, il n’y a que la forme, la texture et le goût qui varient tandis que chaque parole enregistrée est unique au monde et toutes sont goûteuses. L’encyclopédie de la parole, cette fabuleuse banque de données, constitue une phénoménale collecte qui ne cesse de s’enrichir chaque année et où chaque spectacle puise. A la différence du vin ou du blé, il n’y a pas de mauvaises récoltes, toutes les paroles son top.

Toute parole est bonne à dire et à entendre, nous disent, nous redisent, nous serinent, nous chantent, nous mugissent, nous hurlent, nous éructent Lacoste et les siens, car toute parole recèle une part de créativité verbale, elle vaut donc d’être enregistrée. Mais elle atteint une densité disons artistique, et à tout le moins ludique, dès lors qu’elle est épinglée comme un papillon, et par là même érigée au rang d’objet de collection et que, cerise magnifique sur ce gâteau nourrissant, elle est confiée à la bouche et au corps d’un diseur, exactement un porte-parole, qui nous la restitue, non telle qu’elle a été enregistrée mais en décalage horaire et corporel, passée par le filtre de son organe vocal, et dans un lieu autre que celui de son élocution primitive mais commun à toutes les paroles choisies : la scène. Cela fait dix ans que cela dure et on ne s’en lasse pas. Et c’est une formidable opportunité que nous offre cette année le Festival d’automne et les théâtres associés en offrant à Lacoste et à son word’s band, un portrait qui se décline en huit propositions rassemblant onze ans de labeur et de bonheur.

Au commencement était Le Parlement. C’était en 2009, Emmanuelle Lafon, seule en scène devant un micro, usant à peine de ses mains et des positions de son visage, d’un ton ni neutre ni marqué, coupant court à toute théâtralité manifeste, passait d’un locuteur à l’autre à toute vitesse, une centaine de paroles. Enchaînant par exemple : les consignes données dans l’avion au moment de l’atterrissage / les paroles du coach lors d’une séance de gymnastique collective / un coup de fil de la banque vous demandant de rappeler de toute urgence avant de clôturer votre compte / l’extrait d’un discours rocailleux de Jacques Duclos / un slogan publicitaire dont j’ai oublié la marque / la litanie de l’émission « Questions pour un champion » (« je suis... ») / le coup de fil d’un type lâché par son amour et paumé dans une rupture et qui n’en finit pas de rompre / le discours d’un prédicateur religieux / la saillie d’un politicien anti-Hollande / un commentaire sportif du tiercé… (noté lors d’une représentation vue en 2012).

C’était vertigineux. Ce spectacle fut comme le manifeste, l’acte fondateur de ce qui allait suivre. Emmanuelle Lafon allait le reprendre des années durant, un tube, elle le reprend – le verbe est inexact car le matériau change au fil du temps – prochainement dans le cadre du portrait au Théâtre de la Bastille.

Série de suites

Devait suivre une forme chorale avec une vingtaine de diseurs (Emmanuelle Lafon était du nombre) : Suite n°1, spectacle recréé aujourd’hui sous le titre Suite n°1 (Redux). On retrouve une bonne partie des acteurs de la création : Ese Brume, Geoffrey Carey, Delphine Hecquet, Vladimir Kudryavtsev, Nuno Lucas, Marine Sylf. Avec en renfort quatorze étudiants du CFA d’Asnières. Et sous la direction musicale de Nicolas Rollet, dos au public. Tout commence par un murmure de mots qui nous arrivent aux oreilles dans le va-et-vient orchestré d’un brouhaha, puis apparaissent les premières paroles en langue étrangère (anglais d’abord, mais aussi italien, allemand, espagnol, etc.). Les diseurs font bloc en chœur ou reviennent par petits groupes, de brefs solos parfois vite emportés par le reste du groupe. Le soir de la première à Gennevilliers vendredi dernier, le public a salué en applaudissant et en libérant des cris-paroles de joie, il a eu le dernier mot.

Suite n°2 est une sorte de Parlement à cinq têtes et dans une multitude de langues (bien que l’anglais soit dominant) portées par Thomas Gonzalez, Vladimir Kudryavstev, Emmanuelle Lafon, Nuno Lucas et Barbara Matijević. La composition et la mise en scène sont comme toujours signées Joris Lacoste. C’est avec ce spectacle qu’adviennent la collaboration avec le musicien Pierre-Yves Massé et la collaboration artistique d’Elise Simonet. Le spectacle créé au Kunstenfestivaldesarts en 2015 était venu à Gennevilliers, déjà dans le cadre du Festival d’automne (lire ici), il revient au Centre Pompidou.

 

 

Créé en 2017 au Théâtre Garonne de Toulouse, Suite n°3 Europe réunit Denis Chouillet (piano), Bianca Ianzzuzzi (soprano) et Laurent Deleuil (baryton). Le spectacle chante toutes les langues de l’Europe mais bien loin des discours officiels : chant en polonais d’une petite fille aux relents nationalistes, prêche d’un prête orthodoxe de Chypre aux accents anti-juifs, entraîneur de foot italien insultant ses joueurs, star de la télé de Porto s’en prenant à une mendiante à laquelle elle vient de faire l’aumône… (lire ici). Chaque texte est dit dans sa langue et traduit en sous-titres. Implacable et saisissant. Le spectacle Suite n°3 revient avec les mêmes interprètes mais sans sa précision « Europe » dans le titre, au Théâtre de Montreuil.

 

Blablabla et jukebox de paroles

 

Cette même année 2017 était créé blablabla composé par Joris Lacoste, mis en scène par Emmanuelle Lafon avec en alternance Armelle Dousset et Anna Carlier. L’actrice est assise en lotus et tient entre ses mains une tablette lumineuse. Elle appuie sur une case, hop : on entend la voix d’un enregistrement et sa propre voix vient se superposer. Beaucoup de situations quotidiennes : repas, cour d’école, salle de sports, télé, jeux vidéos... C’est un spectacle excitant et jouissif que les parents gagnent à voir avec leurs enfants (en principe à partir de 7 ans), ou ces derniers avec leurs enseignants. Un spectacle que le ministre de l’Education nationale au lieu de se préoccuper des tenues vestimentaires des élèves devrait proposer à toutes les écoles de France (lire ici). Il sera visible dans trois théâtres de banlieue et au Théâtre 14.

Cette année, Suite n°4 a été créé au Théâtre national de Strasbourg le 25 septembre. Si, comme moi, vous ne l’avez pas vu ce soir-là, il sera en novembre à l’affiche de la MC93. Autre nouveau butin d’une récolte, L’Encyclopédiste sera créé, également en novembre, au Centre Pompidou avant d’aller à Chelles.

Finissons ce périple aux paroles-pépites par un petit bijou qui vient d’être créé au T2G, Jukebox, dernière mise en scène en date de Joris Lacoste. Derrière un micro ou assise sur une chaise ou debout, orchestrant sa voix avec son corps et d’abord ses mains en accord avec les variations de sa bouche, Ghita Serraj enchaîne les paroles d’une façon aléatoire dictée par le public. J’explique. Dans un premier temps, Elise Simonet a coordonné la collecte de paroles auprès des habitants de Gennevilliers. Cela va d’une discussion dans un jardin partagé à une prise de parole d’un syndicaliste, d’une scène de tombola aux mots d’une influenceuse sur YouTube, d’un vendeur sur un marché à une vidéo live sur Instagram, d’un discours lors d’un pot de départ à la retraite à la récitation d’un poème par une petite fille. La liste des quarante-cinq morceaux de ce jukebox de paroles est donnée à l’entrée de la salle à chaque spectateur. Tour à tour, chacun lance à haute voix le titre de ce qu’il a envie d’entendre et Ghita Serraj s’y colle. Goulûment. Avec une confondante liberté et une jubilation légère masquant le travail intense de gymnastique de la mémoire des mots et de leur traduction gestuelle et vocale. A peine sorti, on a envie d’y retourner.

 

Tout est à voir, à découvrir ou à revoir. Vous pouvez me croire. Sur parole, il va sans dire. Mais cela va encore mieux en le disant. C’est dit.

 

Parlement, Théâtre de la Bastille, du 8 au 14 oct, lun au sam 19h ;

Suite n°1(redux) s’est donné du 2 au 4 oct au T2G ;

Suite n°2, Centre Pompidou du 5 au 8 nov, jeu, ven, sam 20h3O, dim 17h ;

Suite n°3, Nouveau théâtre de Montreuil, du 15 au 18 déc, mar 20h, mer, jeu et ven 21h ;

Suite n°4, MC93 Bobigny, du 19 au 22 nov, jeu et ven 20, sam 18h, dim 16h ;

blablabla, Théâtre 95 le sam 17 oct 19h30 ; Théâtre 14 du 10 au 21 nov mar au ven19h, sam 16h ; Pantin, Théâtre du fil de l’eau le mer 25 nov à 15h et le sam 28 nov à 18h ; Lavoir Numérique de Gentilly le sam 30 janv à 16h30 ;

Jukebox, les représentations au théâtre de Gennevilliers sont terminées mais le spectacle sera en itinérance dans la ville en décembre et janvier ; MC93, le spectacle sera en itinérance du 10 au 14 nov puis du 30 nov au 5 déc ; maison de la musique de Nanterre, villa des Tourelles le ven 20 nov à 19h et et sam 21 nov à 18h ; Malakoff, fabrique des arts, les jeu 26 et vend 27 nov 20h, sam 28 à 18h.

L’Encyclopédiste, Centre Pompidou du 5 au 8 nov, Théâtre de Chelles le 19 janv.

 

Légende photoScène de Suite N°1 (rdux) © Ctibor Bachraty

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October 25, 2024 8:07 AM
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Christine Boisson, à fleur d’âme

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Par Armelle Héliot dans son blog - 21 oct. 2024

 

Magnétique, très intelligente, ultra-sensible, elle s’est éteinte dans la nuit, emportée par une insuffisance respiratoire. Une comédienne rare qui avait préféré le théâtre au cinéma, malgré les films très brillants qu’elle avait tournés.

 

 

Une femme. Rieuse et profondément triste. Désespérée et gaie. Une femme complexe qui aura séduit réalisateurs, metteurs en scène, spectateurs. Une beauté singulière, silhouette idéale, brune au regard à la Vénus, corps parfait, beau visage, voix d’enchanteresse, et rire. On le répète. On la revoit, malicieuse, insolente, désirant follement être libre et aimant follement. Christine Boisson, parfois, se ligotait elle-même. « Un homme ça s’empêche », disait Camus, qu’elle lisait comme un frère. Mais elle, Christine, elle se sera trop empêchée.

 

Elle s’est éteinte la nuit dernière, emportée par « la maladie des fumeurs » a dit sa fille, Juliette Kowski, aussi blonde que sa mère était brune. Même forme de visage, même front haut légèrement bombé. Comédienne, elle aussi. Juliette a demandé que l’on parle de la « grâce » de sa mère, femme gracieuse, pleine de grâces, effectivement.

 

 

Christine Boisson était née le 8 avril 1956 à Aix-en-Provence. Son père est pilote de chasse. C’est au Maroc qu’elle grandit. Avant dix ans, elle revient en France et accomplit ses études secondaires à Paris avant de tenter sa chance de jeune fille des sixties dans l’agence de mannequins de Catherine Harlé. On en parle dans une chanson de Dutronc…c’est dire. Pas même le temps de faire ses premières photos, Just Jaeckin la remarque et la convainc de jouer dans le film qu’il veut tourner depuis pas mal de temps…Emmanuelle. Avec la sortie du « remake », on pensait à Christine comme à la survivante. Morte, Sylvia Kristel, mort Alain Cuny, mort Just Jaeckin, morte Emmanuelle Arsan et son mari, sans doute l’auteur véritable d’Emmanuelle, Louis-Jacques Rollet-Andriane.

Et puis voici que le souffle lui manque et que cette femme-flamme s’éteint pour toujours. Sa fille annonce la triste nouvelle.

Après Emmanuelle, Christine Boisson aurait pu continuer à tourner, tourner encore. Comme dans Le Jeu avec le feu d’Alain Robbe-Grillet. Mais elle comprend que c’est son physique ravissant qui lui ouvre les plateaux. Elle ne veut pas. Elle passe le concours du conservatoire et le réussit. Dès lors son chemin se confond avec le plus exigeant du théâtre de l’époque. Années 70, années 80. Elle reçoit l’enseignement de maîtres : Antoine Vitez, Roger Planchon qui la dirigera dans Antoine et Cléopâtre et dans Périclès, Prince de Tyr.

 

Mais c’est par le cinéma qu’elle va, dans ces années-là, voir sa notoriété exploser. Extérieur nuit de Jacques Bral –elle est conductrice de taxi- la propulse. On est en 1980, à peine. Elle va, dès lors, passionner de très grands cinéastes, tel Michelangelo Antonioni dans Identification d’une femme ou se voir offrir des rôles âpres, tel celui d’Emma La Rouge dans Rue Barbare de Gilles Béhat, en 1982. Une interprétation qui lui vaudra le prix Romy Schneider.

 

Elle est très demandée, au théâtre comme sur les plateaux. Elle n’arrête jamais. Elle n’arrêtera jamais et ce n’est pas à l’occasion de ce bref message, que nous reprendrons tous les titres. Des dizaines de films, de beaux rôles à la télévision, également, et sur les scènes de théâtre, des personnages magnifiques. Qu’elle rend magnifiques.

Au cours de ce parcours, un moment plus intense que les autres : Harold Pinter l’admire. Il la dirige lui-même en une soirée inoubliable, au Rond-Point avec Lambert Wilson. Ashes to ashes, déchirant. On comprend que le dramaturge aime cette femme extraordinaire. Comme tiennent à elle Claude Régy, Otomar Krejka, Jérôme Savary, Gérard Desarthe, beaucoup d’autres beaux artistes.

 

Elle a beau s’imposer une discipline dure, physiquement, intellectuellement, parfois elle craque. Elle bascule dans certains excès ; elle est dans un processus vertigineux d’autodestruction. Cela ne la rend pas toujours facile. Mais elle est aimée. Des années après Garrel, Lelouch, Boisset, Chouraqui, Assayas, Laetitia Masson, Maïwenn Le Besco l’engage dans Le Bal des actrices, Eric Valette la dirige dans Une affaire d’état. Et, au théâtre, elle trouve sa famille. C’est celle de Jean-Marie Besset, en son royaume du sud, du Théâtre des Treize Vents de Montpellier aux délicieux sites de son pays natal, Limoux et son festival NAVA. Elle a le sentiment d’être au coeur d’une troupe. Elle travaille beaucoup. Elle est impressionnante. Si impressionnante et si vulnérable à la fois. Déchirante et inoubliable. Mais souriante aussi. Grâcieuse et souriante.

 

Armelle Héliot

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April 29, 2023 12:18 PM
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Pour saluer Lucien Attoun. L'hommage d'Armelle Héliot

Pour saluer Lucien Attoun. L'hommage d'Armelle Héliot | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 29 avril 2023

 

Avec sa femme, Micheline, il aura fait éclore bien des talents : auteurs, comédiens, metteurs en scène, journalistes. Il s’est éteint hier. Il avait 87 ans. En attendant de rédiger l’hommage qu’il mérite hautement, nous publions, avec l’accord de « L’Avant-scène théâtre », un article inscrit en 2021 dans le cadre d’un dossier sur le théâtre et la radio.

Lucien Attoun, le passeur de rêves

Avec les magazines d’information, avec le « Nouveau répertoire dramatique » et la création de Théâtre Ouvert, il est l’une des personnalités qui aura fait le plus pour l’écriture contemporaine.

 

Mais il est aussi un homme de radio unique, qui aura passé plus de trente-cinq ans sur les ondes de France-Culture, informant avec des magazines vifs et déliés, faisant découvrir des auteurs nouveaux par le truchement du « Nouveau répertoire dramatique ». Sa voix, chaleureuse, accueillante, sa vivacité, son humour, traduisent sa forte personnalité.

 

 

Né le 8 septembre 1935 à la Goulette, le port de Tunis, il est arrivé en France en septembre 1948. Dès l’école, il a glissé peu à peu vers le théâtre, se retrouvant au cœur même des foyers innovants, du groupe de théâtre antique de la Sorbonne à la fondation de sa propre compagnie. Mais ceci est une autre histoire, celle de sa formation et celle du théâtre, des années 50 à la fin des années 60. A un moment de sa vie, Lucien Attoun, qui avait rencontré dès leur plus jeune âge, la blonde Micheline, la retrouve et l’épouse. Leur parcours est fondé sur ce dialogue essentiel. Attoun et Attounette comme les appelait tendrement Jean-Luc Lagarce.

 

Lucien Attoun ne s’éloigne pas du théâtre le plus vivant en devenant critique dramatique. Ses avis sont influents, son écriture colorée, tout en images. Il est partout où palpitent la jeunesse, les grands étrangers inconnus en France, les formes nouvelles. A Paris et dans la région parisienne, à Nancy. C’est parce qu’elle a remarqué ses articles dans la revue Tréteaux 67 que Claire Jordan lui propose de participer à l’émission qu’elle anime, La Matinée du théâtre« Je suis entré à France Culture pour un quart d’heure et j’y suis resté trente-six ans. »

 

Il faudrait un livre, et il existe (1) pour retracer l’importance de Lucien Attoun dans le repérage, la mise en valeur, le rayonnement des auteurs –et par conséquent des metteurs en scène, comédiens, des équipes techniques et artistiques- dans le monde du théâtre contemporain. Pierre Sipriot, directeur de France Culture, à la fin des années soixante, lui confie le choix des pièces à mettre en ondes. Le Nouveau répertoire dramatique est né. De 1969 à 2002, Lucien Attoun harmonise ces créations, soucieux que les textes soient traités par des hommes et des femmes qui en mesurent l’intérêt. Il lance également les « Radiodrames », formes de 28 minutes. D’autres grandes personnalités contribuent à la vitalité du théâtre sur les ondes. Alain Trutat, notamment.

C’est son grand travail à la radio qui va conduire Lucien Attoun à être approché par Jean Vilar, soucieux de textes du temps : ce sera Théâtre Ouvert en 1971 (nom d’une collection qu’il dirige chez Stock), la chapelle des Pénitents Blancs et les « mises en espace ». Des années extraordinaires qui conduisent naturellement à l’installation au Jardin d’Hiver, en 1981 et en 88 à l’obtention du titre de centre dramatique national de création.

 

On ne saurait épuiser tout ce qu’ont entrepris Lucien et Micheline Attoun. Mais Koltès, Minyana, Rambert, Lagarce, Renaude, Chalem, des dizaines d’auteurs ont été mis en lumière grâce à eux et, aujourd’hui encore, s’ils n’ont plus de responsabilités officielles, ils demeurent des vigies, attentives et aimantes.

 

 

  1. Pour un théâtre contemporain, propos de Lucien Attoun recueillis par Antoine de Baecque, Actes Sud, 2014. Prix : 22,80€.   https://www.actes-sud.fr/node/49831
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April 18, 2021 11:09 AM
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Côme de Bellescize, la lucidité par la comédie

Côme de Bellescize, la lucidité par la comédie | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog 14-04-2021

 

 

Avec Le Bonheur des uns, l’écrivain et metteur en scène, nous plonge dans les contradictions d’une société qui fonctionne par rigides injonctions. Quatre virtuoses sont sur le ring.

 

Côme de Bellescize est un classique. Un moraliste Grand Siècle -qui ne donne aucune leçon- mais dont la lucidité, teintée d’un pessimisme certain, agit au théâtre d’une manière fascinante. Il est à part. Il n’appartient à aucune école. Il est aussi original que libre.

S’il fallait trouver une manière commune à ses différentes pièces de théâtre, on dirait que la comédie légère, l’humour irrésistible, la sensibilité, peuvent basculer du côté de la farce cruelle, sinon de la tragédie épouvantable. Et d’un seul coup. En un instant. Comme un rappel cinglant le la réalité la plus éprouvante.

On rit. On rit beaucoup. Enormément. On rit et puis soudain tout se brise. Le spectateur prend une bonne claque. « Tu ne t’en tireras pas comme ça », semble-t-il nous dire…Et c’est souvent ce qui arrive aux protagonistes de ses pièces : ils croient que…mais ils se trompent. Jusqu’à quelques égarements qui font que du drame qui vous arracherait des larmes, vous rebasculez dans le rire le plus secouant…

 

Dans Le Bonheur des uns… sa nouvelle comédie, il nous laisse évidemment entendre que le malheur des autres n’est pas loin. Sauf que cela n’est pas si simple.

 

Dans un espace unique, un appartement d’aujourd’hui, réduit à des éléments de divan, , une scénographie de Camille Duchemin, on fait la connaissance de deux couples. Elle, Coralie Russier, Lui, David Houri. Ils sont obsédés par l’idée qu’ils ne sont pas complètement heureux…Ils se cherchent, en quelque sorte. En face, la Voisine, Eléonore Joncquez, le voisin, Vincent Joncquez, eux, paraissent épanouis. Elle a beaucoup à dire. Elle se fait une joie de prodiguer ses conseils…

 

N’en dévoilons pas plus car les leçons de méditation, de quête de bien être, etc… sont désopilantes et Eléonore Joncquez a trouvé une manière de s’exprimer, de chanter ses phrases comme font les femmes qui pensent qu’elles sont au meilleur d’elles-mêmes, qui est irrésistible. A ses côtés, Vincent Joncquez (mari à la scène comme à la ville, rappelons-le), haute silhouette dans un vaste pull orange et visage rayonnant de bonheur, est idéal et s’amuse bien  David Houri, grave, inquiet devant les angoisses de son épouse, est remarquable. Très fin. Quant à la paniquée et désarmante « Elle », Coralie Russier lui donne son charme et son sens des nuances.

 

Il ne faut pas vous en dire plus. Comment tout bascule ? Ne le révélons pas ! Auteur, Côme de Bellescize poursuit ses interrogations sur notre société, comme il le faisait avec pièces, dont, par exemple le féroce Soyez vous-même. Mais tous ses textes sont taillés dans des interrogations sur notre monde, et le plus souvent des interrogations très graves. Ici, on est dans une comédie, qu’il avive comme une sorte de vaudeville, avant que le tragique ne déchire le voile des apparences.

Conforté par une équipe artistique excellente, avec costumes de Colombe Lauriot Prévost, son de Lucas Lelièvre, lumières de Thomas Costerg, régie de Manu Vidal, l’écrivain et metteur en scène signe un spectacle qui fait rire et pleurer, sans facilité aucune.   

 

C’est vif et bref –une heure dix- tranchant. Un spectacle qui aurait dû être joué depuis plus d’un mois en tournée. Cachan l’a accueilli pour deux représentations professionnelles et l’on espère que l’on pourra retrouver Le Bonheur des uns, cet été, aux Béliers, à Avignon.

 

Spectacle vu au Théâtre de Cachan, le 13 avril 2021. Reprise espérée cet été, au Théâtre des Béliers, à Avignon. Texte publié aux Editions des Cygnes.

 

Photographie Alain Szczuczynski DR.

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March 7, 2021 2:17 PM
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Ascanio Celestini et David Murgia, entente idéale

Ascanio Celestini et David Murgia, entente idéale | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 7 mars 2021

 

Un auteur italien, un comédien belge, et des textes originaux et puissants à propos du monde d’aujourd’hui. Après Discours à la nation, Laïka, voici Pueblo. 

Le théâtre est art du dialogue. Affaire d’entente, de compréhension, d’harmonie. Le théâtre propose des rencontres idéales, parfois.

En quelques années, Ascanio Celestini et David Murgia ont suivi un chemin qui nous offre régulièrement des moments fertiles et puissants de réflexion qui passe par la scène, le jeu, l’interprétation.

 

L’un est italien, l’autre belge –mais avec des attaches siciliennes. L’un est né en 1972, l’autre en 1988. Ecrivain, musicien, metteur en scène, acteur, Ascanio Celestini est publié chez Einaudi et représente, dans son pays et au-delà, un héritier de la tradition de Dario Fo. Du théâtre qui puise dans le monde et s’adresse à lui. Il travaille sans cesse et ses écrits ne sont pas seulement destinés à la scène. Il s’intéresse aux démunis, à ceux qui sont pauvres, aux déracinés, à ceux que l’on jette dans la marge, ceux que l’on ne voit pas, que l’on n’écoute pas. « Ce qui m’intéresse dans ces personnages, c’est leur humanité.  Je veux raconter comment ils sont avant que la violence ne les transforme en centre d’intérêt pour la presse mais je veux aussi raconter le monde magique qu’il y a dans leur tête. »

 

Comédien, metteur en scène, auteur, frère cadet de Fabrice Murgia auteur (Le Chagrin des ogres en 2008) et lui aussi comédien et metteur en scène, David Murgia est l’un des cofondateurs du Raoul Collectif dont le dernier spectacle est Une cérémonie, en 2020.

 

Murgia et Celestini ont créé ensemble Discours à la Nation en 2013, Laïka en 2017, Pueblo en 2020.

 

La présence de Murgia, ce qu’il y a de trépidant en lui, son débit très vif, sa prise à témoin du public, tout saisit immédiatement. Accompagné du musicien Philippe Orivel, il ne donne jamais le sentiment de dire un texte, de le jouer. La grande complicité de Murgia et Celestini –ce dernier signe la mise en scène- donne à ce moment une puissance très particulière. Une vitalité, une plongée dans l’humain, sans rien de folklorique, mais avec une vérité à la Hugo, en quelque sorte ou, plus près, à la Dario Fo, justement. Pas d’exotisme, mais notre monde, pris dans le cadre d’une image qui ouvre et clôt Pueblo, celle d’un son né du déplacement de masses d’eau à la superficie de la mer…un son planétaire qui touche des indiens d’Amérique. Un signal pour piétiner, en une danse magique, la terre et faire pleuvoir les nuages…

 

Une légende qui rehausse toutes les inventions des gens de peu, des êtres qui se croisent dans Pueblo. Ascanio et Murgia leur donnent la parole. On les entend. On ne les oubliera plus.

 

Vu au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine. Des représentations de Pueblo sont prévues à Rennes, en avril, dans le cadre de Mythos, puis le 27 avril, au Wolubilis, Bruxelles, du 22 au 26 juin au Théâtre l’Ancre, à Charleroi.

 

 

Autre critique de ce spectacle par Christine Friedel dans Théâtre du blog - 8 mars 2021

 

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February 24, 2021 1:43 PM
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Une après-midi au théâtre : L'Habitant du dehors, de Joseph Danan, à Gare au théâtre

Une après-midi au théâtre : L'Habitant du dehors, de Joseph Danan, à Gare au théâtre | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog ----  24/02/2021

 

On hésite à parler de ces moments auxquels on n’accède que par chance professionnelle. Mais ne faut-il pas saluer les artistes ?

Un vendredi après-midi à giboulées. Loin du printemps, pourtant. Nuages et pluie, puis flux de vent pour laver le ciel. Direction, Gare au Théâtre, à Vitry. Une très bonne adresse, depuis longtemps. Une équipe de jeunes très entreprenants qui, des étés durant, nous ont offert, sous le titre amusé de « Nous n’irons pas à Avignon », des rencontres toniques, des spectacles innovants, des personnalités originales.

 

 

Cet après-midi-là, on est invité à une « sortie de laboratoire » : grand nom pour petite forme, représentation brève –lecture d’ailleurs, en fait- mais d’abord travail très sérieux, intelligent et sensible pour un texte délicat et profond, en prise avec notre monde.

 

Gare au Théâtre a été fondé en 1996 par le très actif Mustapha Aouar et sa « Compagnie de la Gare ». Il a monté des dizaines de spectacles, au bord des rails et entrepôts, mais également ailleurs car son talent, sa liberté, l’ont conduit sur d’autres chemins, à l’invitation d’artistes ou d’institutions. C’est lui, également, qui a lancé en 1999, le festival « Nous n’irons pas à Avignon ».

Mustapha Aouar continue sa route ailleurs, avec sa compagnie Delagare & Cie.

 

Il y a quelques mois, le conseil d’administration a choisi, entre de très nombreux dossiers de candidature, Diane Landrot, habituée à l’administration, et l’écrivain Yan Allegret. Ils ont repris le cap d’une programmation dévolue principalement aux auteurs.

 

C’est un privilège, ces temps-ci, que de pénétrer dans une salle, s’asseoir, en respectant distance grande, gestes barrière, etc… et d’assister à un spectacle ou à une lecture. Ces moments sont pour le moment réservés aux professionnels en espérance d’une reprise.

Ici, nous étions invités à assister à une lecture, très travaillée, sous la direction du metteur en scène italien Salvino Raco, assisté de Carolina Basaldùa, d’un texte récent de Joseph Danan, L’Habitant du dehors.

Deux virtuoses du jeu : Charlie Nelson, Philippe Fretun, et une toute jeune fille dans la partition d’un adolescent, Constance Parra.

Dans la salle, Marie-Louise Bischofberger qui a dirigé il y a quelques mois Charlie Nelson dans une adaptation très réussie de textes de Maupassant, Dominic Gould, comédien lui aussi présent dans le Maupassant, l’écrivain et critique Gilles Costaz, et des jeunes du monde du théâtre.

 

Un espace vide, trois chaises, et évidemment, pour nous présenter ce travail, cette « sortie de laboratoire », Joseph Danan lui-même. Un grand universitaire qui a formé des étudiants des années durant, par ses cours et sa direction de thèses, un auteur dramatique très original. Un « labo »,  ce sont quatre jours de travail, pour une lecture très fluide et sensible, à partir d’un texte particulièrement intéressant. Un ancrage dans notre monde. Aujourd’hui, deux hommes. L’un qui vit avec son enfant et se préoccupe beaucoup d’un « habitant du dehors », qu’il a eu l’occasion d’aider –sans se ruiner- et qui l’obsède par sa présence même. C’est Charlie Nelson. L’autre, dans l’autre aile de l’immeuble, observe. C’est Philippe Fretun. Entre eux, l’ado, Constance Parra.

Ce que réussit merveilleusement, avec tact, discrétion, Joseph Danan, c’est de nous parler de notre monde, de notre malaise face aux migrants démunis, migrants ou hommes et femmes et jeunes que le destin a jetés à la rue. Joseph Danan nous parle aussi de notre culpabilité et de notre attitude parfois irrationnelle, face, notamment, aux demandes de la rue. Mendicité appuyée ou présences silencieuses.

 

Il glisse, avec intelligence, une allusion à un exil qu’il a connu, en 1962. Il avait onze ans. On n’est pas obligé de faire le rapport avec sa propre vie. Quand on entend « La Sénia », seul nom propre de L’Habitant du dehors, on traduit Oran et on se souvient que c’est là-bas que Joseph Danan est né. Mais c’est le « personnage » qui a vécu cet épisode et s’interroge : ainsi, on a pu connaître soi-même l’exil, et se fermer aux autres ?

 

Charlie Nelson déploie avec rigueur toute la puissance du spectre très large de son jeu. Il est très engagé, très émouvant. Philippe Fretun, dans une partition moins développée, mais tout aussi importante et finement écrite, est comme toujours subtil, délicat. Entre eux, la jeune Constance Parra est idéale, dans l’économie et dans une présence soutenue, à l’écoute de ses grands aînés.

Bref, un très beau moment de théâtre dont on espère pouvoir suivre les métamorphoses, dont on espère qu’un jour un grand nombre de spectateurs pourront le découvrir.

 

Gare au Théâtre, 13, rue Pierre-Sémard, 94000 Vitry. A deux pas du RER C Vitry.

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January 17, 2021 10:16 AM
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Arturo Ui ou Donald Trump 1929, diptyque de la présidence des Etats-Unis 

Arturo Ui ou Donald Trump 1929, diptyque de la présidence des Etats-Unis  | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Sur le site de l'émission de Charles Dantzig, Personnages en personne, sur France Culture , le 10/01/21

 

 

Qui est Arturo Ui, tyran imaginé par Bertolt Brecht en 1934? Cet immortel personnage de théâtre incarne la brutalité, l'intimidation et le cynisme. Aussi dissimulateur que violent, il se comporte comme un mafieux, proposant sa protection à des gens qui ne la demandent pas.

 

Ecouter l'émission en ligne (28 mn)

 

Pourquoi est-il difficile de montrer les tyrans au théâtre? s'interroge Charles Dantzig. Comment éviter l'idéalisation à l'envers qu'est le monstre?  Bertolt Brecht, qui a fui l'Allemagne nazie, a créé en 1934 le malfaisant bouffon Arturo Ui, tyran à la fois inspiré d'Hitler et d'Al Capone, qui sévit à Chicago dans un monde de truands et de marchands...  

 

Dans l'actualité des dernières semaines du terrible mandat de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, Charles Dantzig propose un diptyque de la présidence des Etats-Unis avec un premier volet consacré à Arturo Ui comme image de Donald Trump, tandis que le deuxième volet sera consacré à Claire Underwood, la manipulatrice au service du pouvoir dans la série "House of Cards".

"Nous avons sous les yeux, en ce moment un pouvoir abject exercé par Trump, souligne Charles Dantzig. Trump est un imbécile, un imbécile habile à exciter les passions basses. Il est rare qu'on montre cela. Bertolt Brecht l'a fait."

Pour parler d'Arturo Ui, Charles Dantzig reçoit Armelle Héliot, critique dramatique au Figaro

 

Armelle Heliot rappelle en début d'entretien :

 

"Arturo Ui est un bouffon qui fait très, très peur, mais c'est un bouffon. L'intrigue se passe à Chicago où surgit un problème sur la vente des légumes. Arturo Ui et ses comparses se mettent en tête d’en obtenir l’exclusivité. On est à l'époque des petits trafics en tous genres. C'est un moment de grande crise économique et morale, et Arturo Ui en profite au maximum. Il noue des alliances avec des personnages qui renvoient exactement à l'entourage d'Adolf Hitler. Mais ils se comportent aussi comme des mafieux de Chicago. C'est ça qui est très intéressant. Au fond, c'est ça qui qui le rend si proche, parce que c'est vraiment un pauvre type. Il y a des moments qui renvoient, là aussi, à la vraie vie d'Adolf Hitler. Il y a une scène extraordinaire dans Arturo Ui, c'est la scène où il va prendre des cours de comédie avec un grand comédien, chose que Hitler avait faite."

 

 

Auteur : Bertolt Brecht, 1898-1956. Ecrivain, dramaturge. Allemand. Politique : communiste stalinien. Hétérosexuel.

Œuvre : La Résistible Ascension d’Arturo Ui, même titre en allemand, Der aufhaltsame Aufstieg des Arturo Ui. Ecrite en 1941, reprise en 1954-56, représentée en 1958. Traduction en français, 1960.

Personnage : Arturo Ui.


Bibliographie

Brian Klass, The Despot's Apprentice, C Hurst & Co

Timothy Snyder, De la tyrannie, Gallimard

Bertolt Brecht, La résistible Ascension d’Arturo Ui, L’Arche

Amos Vogel, Le cinéma, art subversif, Capricci

Robert Musil, Les Oeuvres pré-posthumes, Le Seuil

La Résistible ascension d'Arturo Ui de Bertolt Brecht à la Comédie-FrançaiseMise en scène de Katharina Thalbach.

NTERVENANTS
 
 
L'ÉQUIPE
Production
Réalisation
Clotilde Pivin
Avec la collaboration de
Merryl Moneghetti, Daphné Abgrall
 
Légende photo :
Laurent Stocker et Thierry Hancisse lors de l'interprétation de "La Résistible Ascension d'Arturo Ui" de Bertolt Brecht par la troupe de la Comédie-Française à la salle Richelieu, 30 mars 2017. Mise en scène de Katharina Thalbach. Crédits : Christophe Raynaud de Lage (coll. Comédie-Française )
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January 8, 2021 5:34 AM
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Melly Puaux, la mémoire d'Avignon

Melly Puaux, la mémoire d'Avignon | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog, le 4 janvier 2021

 

Elle avait débuté avec Chéreau et Vincent avant de devenir, auprès de son mari Paul Puaux, la sentinelle d’une époque glorieuse. On lui doit de nombreux ouvrages. Elle s’est éteinte à 77 ans.


A côté de Paul, si grand, comme un bel arbre des Cévennes, Melly Puaux semblait petite. Ils ne se quittaient pas. Un couple, un duo de travail. Des années, ils ont œuvré ensemble. Ils ont bâti.

 

La Maison Jean-Vilar, un des lieux les plus vivants d’Avignon et aussi des festivals car, si Paul Puaux succéda à la direction de la manifestation, à Jean Vilar, il ne fit jamais rien sans que Melly fut là. Associée intellectuellement et puissamment influente.
Cette femme pas comme les autres, s’est éteinte le 2 janvier 2021 dans sa chère maison de Prat-Souteyran, en Lozère.

C’est là qu’elle vivait presque complètement depuis plusieurs saisons. L’appartement de la rue de Provence, joli grenier de bohème, riche de souvenirs, de documents, elle l’avait encore occupé ces derniers temps, coincée par des ennuis de santé un moment. Mais, à Paris, elle n’était pas heureuse, malgré quelques amis et la chaleur de l’entourage de l’immeuble. Pas plus qu’elle ne l’était à Avignon, où elle possédait un charmant pied-à-terre. Mais elle mettait son honneur à n’y séjourner qu’hors saison, hors saison du festival, surtout.

Peu dire que cette femme intelligente et sans doute trop sensible, était en délicatesse avec la Cité des Papes et ses institutions principales. Tout la blessait.

Il y a plus de cinquante ans, Melly Touzoul était comédienne. Une Gelsomina,  avec ce  visage rond et ce regard vif et candide à la fois. Elle fait alors partie de la légendaire troupe du Lycée Louis-le-Grand avec Patrice Chéreau, qui dessine et imagine des décors, et Jean-Pierre Vincent, qui met en scène. On la voit sur toutes les photographies de l’époque. Maquillages très blancs, parfois. Ils ont vingt ans et quelque. Ils ont du succès. Chacun va suivre sa propre voie.

Melly Touzoul va très vite s’ancrer à Avignon. Elle gagne sa vie en travaillant pour la municipalité, dès 1967. La jeune femme est mise à disposition du Festival. Elle est secrétaire permanente. Elle va devenir la mémoire vive de l’histoire du festival. Elle connaît tout, et tout le monde. Elle est passionnée et très rigoureuse.

En 1977, elle épouse Paul Puaux (divorcé d’un premier mariage en 41) à la Mairie du XIXème, à Paris, face aux Buttes-Chaumont. Mais leur passion, c’est le sud. Paul Puaux est né en Ardèche. D’un côté et de l’autre du Rhône, très au sud, c’est là qu’est leur destin. Paul, né le 25 août 1920, était devenu, comme son père, instituteur. Pendant la guerre, il est résistant, très engagé et adhère au Parti Communiste. Il y sera sa vie durant fidèle, même s’il prend parfois ses distances. Il ne quitte l’Education Nationale qu’en 1967 pour devenir administrateur permanent du festival.


En 1972, Melly Touzoul publie, avec Jacques Téphany, époux de Dominique Vilar, la fille du sage de Sète, et futur directeur de la Maison Jean-Vilar, un ouvrage à la gloire du fondateur : Jean Vilar, mot à mot (Stock/Théâtre Ouvert éditeurs). Ce sera l’une des grandes œuvres de Melly Puaux : dans l’administration du festival, elle s’occupe des archives, de la documentation, de la diffusion. C’est un Data Center à elle toute seule. Une encyclopédie savoureuse. Car, en parallèle à ces austères travaux, elle va accompagner Paul dans le monde entier, de au-delà du rideau de fer aux Etats-Unis, de Chine à Japon. Elle connaît tout, elle retient tout. Et ils ont vécu d’inénarrables aventures. Diplomatiques, artistiques, personnelles. Dommage que Melly Puaux n’ait jamais raconté, ces histoires-là. Mais elle avait le sens de l’Etat, du service public. Même si elle s’était parfois beaucoup amusée, elle n’en faisait pas gloriole et elle était très vigilante et stricte. Mais à son initiative et grâce à son savoir, des ouvrages très précieux ont été publiés. Nous reproduisons en note la liste que la Maison Jean-Vilar a publiée cet après-midi, en annonçant la mort de Melly Puaux.

Avec Paul, elle donna vie à la Maison Jean-Vilar. Installée à l’Hôtel de Crochans, au pied du palais, le bâtiment rassemble une antenne du département des spectacles de la Bibliothèque de France et les archives du festival et celles, plus particulièrement, de Jean Vilar. Melly n’y eut jamais de poste officiel. Mais elle y travailla avec une énergie rayonnante. A la mort de Paul Puaux, le 27 décembre 1998, elle n’avait donc plus aucune raison légale d’y demeurer et cela lui fit beaucoup de chagrin. Comment comprendre, lorsque depuis 1967, on a travaillé à la vie du festival, de ne plus être associée à cette institution de « maison Jean-Vilar » que l’on a contribué à faire naître, avec le soutien des tutelles ? Mais c’est ainsi. Avec ses amis d’Avignon, Jean Autrand, décédé il y a plusieurs années, ou le Père Chave, mort lui aussi, plus récemment, avec Bernadette Rey-Flaud, universitaire qui fait toujours beaucoup pour le théâtre, avec tous ceux qui sont les CEMEA, ceux qui sont les héritiers de l’éducation artistique de l’après-guerre, Melly Puaux continuait de converser, de débattre, de se souvenir et d’imaginer l’avenir. Après Jacques Téphany, c’est Nathalie Cabrera qui dirige la Maison Jean-Vilar.  Evidemment, comme partout, la vie est suspendue. Mais, dans les projets, elle a un hommage à Paul Puaux et, évidemment, Melly y sera associée.

 

      Liste des ouvrages :   Mot pour mot / Jean Vilar, textes réunis et présentés par Melly Touzoul et Jacques Téphany, Paris : Stock, 1972.


« Lorenzaccio », mises en scène d’hier et d’aujourd’hui,

 

Jean Vilar : du tableau de service au théâtre, notes de service de Jean Vilar rassemblées par Melly Puaux, Louvain : Cahiers théâtre Louvain, 1985.


Théâtre citoyen : du Théâtre du peuple au Théâtre du soleil, texte de Pascal Ory ; choix de citations et d’illustration par Melly Puaux, Association Jean Vilar, 1995.


L’aventure du théâtre populaire : d’Épidaure à Avignon, Melly Puaux, Paul Puaux, Claude Mossé, Monaco ; Paris : Éd. du Rocher, 1996.


Paul Puaux, l’homme des fidélités, Association Jean Vilar, 2000.


Georges Wilson : travail de troupe (1950-2000), Avignon : Association Jean Vilar, 2001.


Honneur à Vilar, sous la direction de Melly Puaux et Olivier Barrot, Arles : Actes Sud-Papiers, 2001.

Jean Vilar par lui-même, Association Jean Vilar, Avignon : Maison Jean Vilar, 2003.

Droit de mémoire(s), Avignon années 1970, de Melly Puaux, illustration Desclozeaux, 2008.


Les Amis du Théâtre Populaire hier et aujourd’hui…, coordination Melly Puaux, Montreuil : Association Théâtre Populaire, 2017. 

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November 14, 2020 8:49 AM
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Nelly Kaplan, la fiancée des sortilèges

Nelly Kaplan, la fiancée des sortilèges | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 13 novembre 2020

 

Cinéaste, romancière, femme d’une intelligence éblouissante, elle s’est éteinte à 89 ans, vaincue par la covid. Juste trois lignes pour saluer cette artiste d’exception.

Elle nous manquait. On ne la croisait plus dans Paris depuis quelques saisons et au 34 Champs-Elysées, le téléphone sonnait dans le vide.

Elle décrochait rarement son portable. On savait qu’elle était en Suisse. Elle nous manquait et on espérait bien qu’on la reverrait un jour avec ses yeux étincelants d’intelligence et d’amour, de joie.

Sa belle voix, ce très subtil accent qui faisait que l’on n’oubliait jamais qu’elle était née en Argentine, le 11 avril 1931, dans une famille d’origine, en partie, russe.

On aimait son goût de l’aventure. Elle avait quitté son pays natal parce qu’elle ne voulait pas être enfermée dans les normes. Elle avait été une petite fille rebelle, une adolescente passionnée de livres et de films.

 

Elle ne parlait pas encore le français, mais elle s’était embarquée avec quelques sous, une lettre de recommandation du directeur de la cinémathèque de Buenos Aires pour Henri Langlois et l’énergie d’une toute jeune femme d’à peine 22 ans.


Rien que cela, cet épisode fondateur, forçait l’admiration. Après, c’est Paris, et les rencontres dont elle fait un destin. Henri Langlois l’accueille, elle envoûte Abel Gance, bien sûr, Philippe Soupault en 1955, André Breton, en 1956? la croisent par hasard mais ne la lâchent plus…Elle, Nelly, croyait aux forces décisives et savait, notamment pour Breton, rencontré dans une exposition d’art précolombien, que quelque chose allait advenir…

Pages très connues dont elle a très bien parlé, dans des entretiens, des livres, des films. Le plus bel hommage à Nelly Kaplan est signé ce matin Marie-Noëlle Tranchant : Nelly Kaplan était sa marraine de journalisme et se livrait avec une sincérité profonde à son interlocutrice-miroir…Il faut lire leurs entretiens…

C’était bien après les premières années de la beauté argentine qui faisait beaucoup penser, à des années de distance, évidemment, à une autre farouche et lumineuse venue d’Argentine, la peintre Leonor Fini. Comme Nelly, très sensible aux univers oniriques, aux chats, au surréalisme et aux univers parallèles. Sensibles aux créatures du monde, fussent-elles fées ou sorcières, anges, démons, et jusqu’aux monstres. Femmes sensibles, sensuelles, audacieuses, et très secrètes en même temps.

Dès 1954, elle assiste Gance pour La Tour de Nesle et joue Alice. Le film sort l’année suivante. Dès Austerlitz, en 60, si elle joue Madame Récamier, elle dirige la seconde équipe.

C’est elle qui applique le procédé de la « polyvision » à J’accuse.

Dès ces années là, elle écrit, publie. Des histoires souvent un peu vénéneuses, érotiques, mystérieuses. Des textes qui seront plusieurs fois republiés, sous d’autres formes : elle a un pseudonyme, Belen pour a Géométrie dans les SpasmesDélivrez-nous du Mâle et La Reine des Sabbats.

Elle ne brise pas, loin de là, avec le 7ème art, tournant des courts-métrages très beaux Le peintre Gustave Moreau, l’écrivain André Pieyre de Mandiagues avec qui elle entretiendra une longue correspondance, publiée par Tallandier en 2009;

Elle compose des portraits très lumineuse du cinéaste de génie qu’elle a accompagné longtemps : Abel Gance hier et demain, en 1963, et, vingt ans plus tard, un film d’une heure : Abel Gance et son Napoléon.

Avec Le Regard de Picasso, elle reçoit un Lion d’or à Venise en 1967.

 

 

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November 5, 2020 12:31 PM
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Jean-Pierre Vincent, une vie pour le théâtre

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Par Armelle Héliot dans Le Figaro - 5 novembre 2020

 

DISPARITION - Administrateur de la Comédie-Française, directeur de grandes institutions, à Strasbourg ou Nanterre, le metteur en scène s’est éteint dans la nuit du 4 au 5 novembre. Il avait 78 ans.

La jeunesse! Il inspirait le sentiment d’une jeunesse profonde et n’aimait rien tant que de travailler avec des jeunes. Jean-Pierre Vincent s’est éteint dans la nuit de mercredi 4 à jeudi 5 novembre. Il avait subi l’attaque du Covid au printemps dernier, puis avait été touché par deux AVC. Il avait eu 78 ans, le 26 août dernier. Il n’aura jamais cessé de servir l’art du théâtre.

Jean-Pierre Vincent fit partie du légendaire groupe de théâtre du lycée Louis-le-Grand. En 1958, il a 16 ans, il rencontre ses amis, ses pairs, Jérôme Deschamps, Michel Bataillon, auprès de Planchon des années durant et, évidemment, Patrice Chéreau qu’il accompagnera longtemps. C’est dans le cadre de ce groupe que Jean-Pierre Vincent endosse ses premiers rôles et met en scène ses premières pièces: La Cruche cassée de Kleist, Scènes populaires d’après Henri Monnier. Il est le double de Patrice Chéreau, dans ces années-là et l’accompagne à Gennevilliers puis à Sartrouville. Il rencontre sa femme, la comédienne Hélène Vincent. Leur fils, Thomas Vincent, est réalisateur. Ils sont séparés depuis longtemps. Jean-Pierre Vincent avait épousé une autre femme de théâtre, notamment ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, Nicole Taché.

Chéreau poursuit sa route avec Richard Peduzzi, et Jean-Pierre Vincent, qui a rencontré l’universitaire Jean Jourdheuil, signe des spectacles mémorables dans des institutions diverses, de Dijon à Toulouse en passant par Paris. Brecht comme Goldoni ou Marivaux, Labiche, mais aussi Serge Rezvani. Capitaine Schelle, Capitaine Eçço, un événement, au TNP-Chaillot, en 1971, puis Le Camp du drap d’or. Il choisit aussi Jean-Claude Grumberg. L’année suivante naît la Compagnie Vincent-Jourdheuil/Théâtre de L’Espérance et ils poursuivent leur exploration du répertoire de langue allemande, Brecht toujours, et Büchner, et Grabbe. Ils vont même jusqu’au Palace qui est alors une salle de théâtre d’avant-garde.

Grandes années
Michel Guy, secrétaire d’État à la Culture, renouvelle le cercle des directeurs d’institution et nomme Jean-Pierre Vincent à la tête du Théâtre national de Strasbourg, le TNS, pourvu d’une école. De très grandes années. Il forme son équipe: le regretté Dominique Muller, Bernard Chartreux, Michel Deutsch, et le peintre essentiel dans l’ensemble du parcours du metteur en scène, Jean-Paul Chambas. Des textes interrogent l’histoire de France: Vichy fictions (1980), Le Palais de Justice (1981), Dernières nouvelles de la peste (1983). Et des comédiens souverains éclairent ces spectacles: Philippe Clévenot, Évelyne Didi, André Wilms, on ne saurait tous les citer.

Jack Lang va lui confier la Comédie-Française, où il a mis en scène, avec un grand succès, en 1982, Les Corbeaux d’Henry Becque. Jean-Pierre Vincent trouve alors cette formule: «Diriger depuis le plateau». De 1983 à 1986, la maison, pas facile, on le sait, voit les créations, par son administrateur général, de Félicité de Jean Audureau, du Suicidé de Nicolaï Erdman et plus tard, dans la Cour d’honneur d’Avignon, de Macbeth. Le mistral s’en mêle et le spectacle est affaibli par ce coup du sort.

C’est de lui-même que Jean-Pierre Vincent choisit de quitter le Français pour retrouver un peu de liberté. Il enseigne au Conservatoire. Il adore transmettre et sera également, plus tard, professeur à l’Érac, l’école de Cannes. Il montera des spectacles avec des jeunes, comme il le fera à l’ENSATT-Lyon (l’ancienne «Rue Blanche»). Il est très sollicité et monte un inoubliable Mariage de Figaro, en 1987, à Chaillot: Didier Sandre est un Almaviva extraordinaire et Dominique Blanc, une Suzanne délicieuse. Il met aussi en scène Musset, Bernhard, Sophocle comme Ivane Daoudi. Il revient salle Richelieu pour La Mère coupable de Beaumarchais, en 1990.

Il aimait les acteurs
Mais Vincent est décidément quelqu’un sur qui les tutelles s’appuient et, en 1990, il est nommé, succédant à Patrice Chéreau, à la tête du Théâtre de Nanterre-Amandiers. Encore de très brillantes années. Il n’a pas 50 ans, il est dans le rayonnement de ses talents. On lui a commandé l’ouverture d’Avignon, cet été-là. Ce sont Les Fourberies de Scapin avec Daniel Auteuil, l’une des plus belles créations de l’histoire du Festival. À Nanterre, Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart vont porter de leurs radieuses personnalités, un cycle Musset. Le directeur accueille le jeune Stanislas Nordey et lui confie la codirection, travaillant régulièrement pour des maisons d’opéra ou le festival d’Aix. Au théâtre, il révère Molière, au lyrique, il adore Mozart.

On ne saurait, au moment de saluer cette belle vie, ce grand parcours, citer les dizaines et dizaines de mises en scène de Jean-Pierre Vincent. Après Nanterre, il avait repris la route et signé de merveilleux spectacles, tels Les Prétendants et Derniers Remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce, à La Colline, à l’Odéon. Les contemporains, les classiques. Isaac de Benserade, par exemple. Et toujours Molière, L’École des Femmes à l’Odéon, avec Daniel Auteuil, formidable, et Dom Juan à la Comédie-Française avec Loïc Corbery et Serge Bagdassarian, Suliane Brahim, et leurs camarades, magnifiques.

Un très long et beau chemin qu’il poursuivait, se passionnant toujours pour la jeunesse. Il aimait les acteurs. Il aimait lire. Il se tenait toujours au courant des affaires du monde, mais c’est au plus profond des livres qu’il trouvait ses bonheurs et sur un plateau qu’il était pleinement heureux.

 

Légende photo : Jean-Pierre Vincent en 2016 au théâtre des Abbesses. PATRICK KOVARIK/AFP

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October 20, 2020 2:31 PM
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Robert Plagnol et Luce Mouchel en direct !

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Par Armelle Héliot dans son blog, le 20/10/2010

 

 

Le comédien Robert Plagnol avait réagi dès le moment du confinement, au printemps dernier. La merveilleuse Luce Mouchel propose elle aussi du théâtre à déguster en direct.

Pas plus compliqué que cela, en apparence. Jouer et se filmer, faire de son appartement un espace scénographié.


Voici l’affiche/communiqué de presse. Toutes les informations sont là !


Evidemment, cela suppose un travail fin et délié. On n’a pas encore pu voir Luce Mouchel qui est non seulement une interprète fine, audacieuse et qui écrit très bien. Mais on a vu dès ses débuts en direct, Robert Plagnol. Et franchement, c’est bluffant car on suit vraiment l’interprète avec passion. Il y a du suspens dans son adaptation d’Andrew Payne de « La Femme de ma vie » et l’on passe un excellent moment de théâtre, seul ou entre amis.

Dès que l’on aura eu le bon créneau pour découvrir Luce Mouchel et son texte « Un petit souffle et j’allais tomber », on vous en parlera d’une manière plus précise. Mais il n’y a pas à hésiter !

 

https://www.directautheatre.com/spectacles

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October 11, 2020 8:07 AM
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Tommy Milliot, confirmation d’excellence

Tommy Milliot, confirmation d’excellence | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 10 octobre 2020

 

A trente-six ans, il demeure un artiste inventif et rigoureux. La reprise de « La Brèche » de Naomi Wallace au 104 donne un éclat certain à ses talents.

Se faire connaître, dans le monde du théâtre, ne va pas de soi. C’est long. Par-delà le talent, il faut des relais. Né en 1984 dans le Nord, Tommy Milliot possède une personnalité très forte et un sens des textes, de l’espace et du groupe qui sont rares, aujourd’hui, dans les générations du renouvellement.

 

La force de l’adhésion du public, aînés comme jeunes collégiens et lycéens, conduits par leurs professeurs dont on ne soulignera jamais assez le rôle déterminant –ce le fut pour Thomas Milliot- est une éclatante récompense pour le metteur en scène, son équipe artistique (lumière, son, scénographie) et ses comédiens. Le soir où nous avons vu le spectacle, de très grands garçons, des adolescents de 16 ans sans doute, avouaient : « J’ai pleuré… »

Tommy Milliot s’appuie sur l’excellente traduction de Dominique Hollier de la pièce de l’Américaine contemporaine Naomi Wallace (entrée au répertoire de la Comédie-Française avec Une puce, épargnez-la ! dans une mise en scène de Anne-Laure Liégeois, sous l’Administration de Muriel Mayette.

C’est dans le Kentucky, où elle est née en 1960, que la dramaturge situe l’action de The McAlpine Spillway, traduit en française par La Brèche. Deux périodes, 77, à peine sorti de la guerre du Vietnam, et quelques années plus tard. Quatorze années. Beaucoup, à ces âges-là…

Scénographie stricte, lumières, effets. C’est très beau en plus. 

Un espace strict, minimal, des lumières très finement pensées, costumes, etc…tout est idéal. Saluons cette équipe d’excellence, et, évidemment les comédiens. Deux équipes si l’on peut dire. Mais tous jeunes et très bien armés : voix, présence des corps, mouvements, justesse des regards, malgré les pénombres on ressent ces regards, manières de s’exprimer. Ce sont : Lena Garrel et Aude Rouanet, Jude 77 puis 91, Dylan Maréchal, Acton qui est celui qui disparaît, le petit frère de Jude,  Roméo Mariani et Matthias Hejnar, Hoke 77 puis 91,  Edouard Sibé et Alexandre Schorderet, Frayne 77 et 91. Cela parle de l’Amérique, mais cela parle du monde, de la société, aujourd’hui. Tommy Milliot donne son ampleur universelle à la fable.

N’épiloguons pas : le plaisir est aussi dans le développement, les suspens, la succession des séquences, autrefois, maintenant, de 77 à 91. C’est l’un des meilleurs spectacles à voir en ce moment à Paris

 

CentQuatre, jusqu’au 17 novembre. A 20h30. Durée : 1h50. Tél : 01 53 35 50 00.

 

Une tournée suit : Aix/Bois de l’Aune les 17 et 18 novembre, Charleroi les 26 et 27 novembre, Comédie de Reims du 16 au 18 mars 2021.

Légende photo : Solitude et silence. Crédit : Christophe Raynaud De Lage. DR.

 

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October 5, 2020 4:41 PM
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Christophe Honoré : son très cher Proust

Christophe Honoré : son très cher Proust | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Armelle Héliot dans son blog - 3 octobre 2020

 

Avec Le Côté de Guermantes, le cinéaste, écrivain et metteur en scène, transcrit audacieusement l’encre de La Recherche, s’appuyant sur une troupe brillante.

 

“My Lady d’Arbanville, why do you sleep so still?
I’ll wake you tomorrow
And you will be my fill, yes, you will be my fill

 

My Lady d’Arbanville, why does it grieve me so?
But your heart seems so silent
Why do you breathe so low, why do you breathe so low

 

C’est par cette chanson de Cat Stevens que débute la représentation du spectacle le plus attendu de la saison, Le Côté de  Guermantes.

 

La Comédie-Française s’installe pour plusieurs mois au Théâtre Marigny. On pénètre dans la salle où le grand plateau est occupé par un décor superbe, élégant, bien dans l’esprit somptueux d’un salon de l’époque de Marcel Proust, mais vide. Un sol de marbre noir et blanc, un espace fait pour la danse et pour les bousculades mondaines… Alban Ho Van et Ariane Bromberger signent cette scénographie que Christophe Honoré déchire en ouvrant la porte du fond du plateau, celle qui donne sur les jardins, la pluie, la fraîcheur de la nuit parisienne.

 

Dominique Bruguière, de son art tout en nuances, éclaire l’ensemble. Il faut veiller – ce n’est pas elle ! – à l’un des lampadaires extérieurs qui, lorsque s’ouvre cette porte du fond, éblouit tant, que l’on ne voit plus les visages…

 

My Lady d’Arbanville…Cela date de quand ? C’est lointain et beau comme la mélancolie. Il a écrit quand, Yusuf Islam…C’était le nom qu’il s’était choisi…Il y a bien cinquante ans…Mais cette chanson a les vertus que cherche Christophe Honoré : il veut nous charmer, et il nous charme. C’est un ensorceleur.

 

Elle est interprétée par le blond Stéphane Varupenne qui s’accompagne à la guitare. Il est Marcel. Le jeune Marcel qui rêve d’approcher Oriane de Guermantes. Depuis peu, sa famille s’est installée dans un appartement de l’hôtel de cette très grande famille, et il est taraudé par ce dont il a tant entendu parler du temps des promenades…lorsque l’on allait « du côté de Guermantes ». 

 

On entendra aussi, entre autres, Nights in white satin des Moody blues…Une chanson de la fin des années 60, écrite et composée par un jeune homme blond qui aurait pu jouer Marcel, Justin Hayward…Il n’y a pas que cette époque, dans Le Côté de Guermantes

 

On ne donne ces exemples que pour donner une idée au plus large cercle des futurs spectateurs !

 

Christophe Honoré, avec beaucoup de modestie –et de prudence sans doute- ne dit pas « adaptation », il dit « livret ». Comme pour une comédie musicale. On chante, mais on danse aussi en des processions enjouées réglées par Marlène Saldana.

Il prend du champ, pour se protéger des éventuelles accusations d’infidélité, mais aussi, justement, pour trouver une fidélité. A la manière dont Chantal Ackerman et son co-scénariste Eric de Kuyper avaient transposé La Prisonnière pour La Captive, il y a vingt ans.

 

Jean-Yves Tadié, le scrupuleux connaisseur, participe à l’élaboration du copieux dossier de presse (on n’a pas eu le temps de le lire) mais c’est une caution !

 

On est sous le charme, oui, et ému. A Marigny, on est au cœur même du jardin où se baladait le jeune Marcel, à deux pas de l’Hôtel des Guermantes. On voit entrer les « personnages » comme autant de fantômes qui nous seraient visibles…

 

Disons, l’utilisation très sophistiqués des micros –Christophe Honoré dit qu’il n’aime pas la sonorisation, mais les micros artificieux sont de sacrés soutiens pour l’écoute, soyons simples ! – peut déstabiliser une partie des spectateurs. Un clin d’œil, aussi, au film déjà tourné l’été dernier, dans ce décor même…

 

Il ne faut pas abdiquer toute connaissance si l’on fréquente son Proust et qu’on l’aime… Et si l’on ne connaît pas du tout, et on a le droit, il faut se laisser aller au bonheur du jeu. A l’engagement de chacun de la quinzaine de comédiens de la troupe, plus les jeunes de l’Académie.

 

Pas de vidéo, mais une séquence déchirante, la mort de la grand-mère de Marcel, incarnée par Claude Mathieu, hallucinante dans l’agonie de cette femme qu’aime tant le narrateur. Une mort en direct (sauf que la séquence est filmée, et que la comédienne n’a pas à se mettre dans cet état terrible chaque soir), une mort qui fait écho à celle annoncée dans la scène finale avec l’apparition de Charles Swann, Loïc Corbery, émacié, comme creusé de l’intérieur, Swann qui va disparaître face au sensible Marcel : Stéphane Varupenne, en scène et sollicité deux heures trente durant. Conclusion terrible portée par deux virtuoses.

 

En amoureux des acteurs, Christophe Honoré a offert à chacun quelques plans rapprochés. Sensuelle et avide, la Rachel de Rebecca Marder est marquante, mais l’est tout autant le plus discret Bloch de Yoann Gasiorowski, excellent, très fin, profond sans effet, intériorisé, comme le très bien tendu père de Marcel par Eric Génovèse qui joue aussi Legrandin.

 

 

On pourrait citer chacun. Ils échappent à la tentation du « numéro ».

 

Julie Sicard passe de la fidèle Françoise à l’électrique Comtesse d’Arpajon, avec art. Dominique Blanc est la Marquise de Villeparisis, taraudée par son âge mais si heureuse de mener les rondes. Florence Viala est la fée de ce petit monde, la Princesse de Parme, déliée et légèrement fatigante…Anne Kessler, maman minuscule et vibrionnante, est comme toujours idéale. Et drôle.

Car Christophe Honoré transfigure l’humour du narrateur, le regard tendre mais parfois acerbe de Marcel Proust, en piques contre ce petit monde qui s’étourdit et laisse sourdre son antisémitisme bourgeois.

 

Gilles David est Norpois, avec son autorité, Laurent Lafitte, très présent (forcément) Basin de Guermantes, a ce qu’il faut de l’assurance sans corset d’un héritier de longue famille. Il est épatant et glisse sans crainte Basin jusqu’à la sottise de chaussures rouges…On voit là qu’Oriane, à sa façon, est ligotée.

Elle prend une très grande place dans le spectacle. C’est Elsa Lepoivre, brillante dans ce rôle de femme qui s’étourdit de ses bavardages, de sa méchanceté, une Célimène 1900, mais qui n’a déjà plus la jeunesse de l’héroïne de référence. Et Marcel est atrocement déçu, et on le comprend…

 

Robert de Saint-Loup, figure essentielle, est dessiné avec profondeur et sensibilité par Sébastien Pouderoux, qui lui aussi connaît la musique ! Il est formidable Pouderoux, comme toujours.

Serge Bagdassarian se délecte de sa partition de Charlus et de la scène, cocasse, des sièges. On atteint ici le cœur de la représentation dans l’écho qu’elle cherche à donner de l’écriture et de l’esprit de Marcel Proust, l’écrivain. On rit et on pleure. On est dans la vitalité, le tourbillon mondain et la mortifère angoisse d’être au monde.

 

Vous l’aurez compris : il faut se soumettre. Accepter les décisions très personnelles de Christophe Honoré qui nous offre « son »  Proust, son cher Marcel.

 

Comédie Française au Théâtre Marigny, jusqu’au 15 novembre. Durée : 2h30 sans entracte.

Texte du « Livret » et compléments documentaires publiés par L’Avant-scène théâtre (14€).

Tél : 01 44 58 15 15

www.comedie-francaise.fr

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