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Baisses brutales des subventions départementales pour le Théâtre de la Cité, à Toulouse, et la Maison des arts de Créteil

Baisses brutales des subventions départementales pour le Théâtre de la Cité, à Toulouse, et la Maison des arts de Créteil | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joëlle Gayot dans Le Monde - 26 avril 2024

 

Les deux établissements doivent reporter des spectacles, voire fermer, pour faire face aux amputations.


Lire l'article sur le site du "Monde" https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/04/26/baisses-brutales-des-subventions-departementales-pour-le-theatre-de-la-cite-a-toulouse-et-la-maison-des-arts-de-creteil_6230137_3246.html

Grande ou petite, nationale ou régionale, pas une institution culturelle n’est à l’abri des baisses de subventions. Après les établissements nationaux parisiens, soumis, début avril, aux amputations imposées par les ministères de la culture et des finances, c’est au tour de scènes territoriales labellisées d’encaisser une diminution imprévue de leurs subsides, décidée cette fois par les collectivités locales. Le centre dramatique national de Toulouse et la scène nationale de Créteil viennent d’apprendre le désengagement financier de leurs départements respectifs. L’avenir dira s’ils ne sont que les premiers d’une longue liste.

 

En Haute-Garonne, le Théâtre de la Cité, codirigé par le metteur Galin Stoev – dont Rachida Dati vient de renouveler le contrat jusqu’en 2027 – va devoir faire avec 190 000 euros de moins. Une décision actée le 19 avril par le conseil départemental, qui diminue, sans concertation préalable, sa subvention de 80 %. Et semble même remettre en question son accompagnement à partir de 2025. Une perspective qui, si elle devenait effective, impliquerait une perte cumulée de 1 million d’euros d’ici à la fin du mandat de Galin Stoev.

 

Interloqué par l’« absence de dialogue » et placé devant « le fait accompli », le directeur dit s’être heurté à un « discours purement comptable ». Sonné par la « brutalité » du procédé, qui augure, selon lui, une « nouvelle page dans les rapports entre l’institution et sa tutelle », Galin Stoev n’abandonnera pas le bateau, même si l’idée l’a traversé : « Nous allons absorber cette nouvelle contrainte économique. Mais jusqu’à quand devrons-nous rester les bons élèves à qui on demande de trouver des solutions, quels que soient les cas de figure ? »

Limiter les dégâts

Le Théâtre de la Cité est soutenu par les financements croisés de l’Etat (2,4 millions d’euros), de la métropole (2 millions), de la région Occitanie (377 000 euros) et du département (240 000 euros avant la coupe). Tout retrait d’un partenaire est un coup de canif porté à un équilibre fragilisé par un contexte économique tendu. Les répercussions peuvent se révéler désastreuses. « On nous a dit qu’il n’y aurait aucune clause de revoyure, et pas de compensation par les autres tutelles », explique le codirecteur Stéphane Gil.

 

Ce dernier cherche à limiter les dégâts, pour protéger une saison 2024-2025 dont il s’apprêtait à communiquer au public le contenu finalisé : « Nous tentons de décaler des spectacles plutôt que de les annuler, puisque nous sommes, en tant que centre dramatique national, coproducteurs de la majorité des compagnies présentes dans nos murs. Nous allons puiser dans les réserves du théâtre et augmenter symboliquement les tarifs de la billetterie. Nous ne voulons pas toucher à l’emploi permanent. En revanche, celui des intermittents sera affecté : moins de projets, cela veut dire moins d’heures pour les ouvreurs ou les techniciens. »

Ces solutions improvisées dans l’urgence permettront au Théâtre de la Cité de faire bonne figure à la rentrée 2024. Mais pour combien de temps ? « Ce qui m’inquiète, ajoute Galin Stoev, c’est l’effet boule de neige que peut susciter sur les autres tutelles le retrait du département. »

 

De son côté, José Montalvo, directeur de la Maison des arts de Créteil, a pris de plein fouet la perte sèche de 150 000 euros infligée par le conseil départemental du Val-de-Marne. « Je l’ai appris le 2 avril, alors que nous venions de boucler la programmation 2024-2025. Il a fallu tout chambouler. C’est un manque total de professionnalisme », déplore-t-il. Subventionnée par l’Etat (1,893 million d’euros), par Grand Paris Sud-Est Avenir (1,125 million d’euros) et par le département (883 000 euros jusqu’en 2023), la scène nationale n’ouvrira ses portes, à la rentrée prochaine, qu’au mois de novembre.

 

« L’amputation a des effets concrets : elle veut dire que le théâtre ferme pendant un mois et demi. » La méthode, radicale, a le mérite de rendre visibles les conséquences de la coupe. José Montalvo s’est résolu à annuler une dizaine de spectacles, parmi lesquels ceux de Jean Bellorini ou d’Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois.

« On aurait pu nous prévenir avant. Ce mépris des créateurs et des techniciens n’est pas normal. Je suis bouleversé de ne pouvoir tenir les promesses que j’ai faites aux artistes. » Dans un communiqué distribué au public de Créteil, le directeur dénonce la « saignée infligée à [la] maison ». A Toulouse, Galin Stoev alerte sur le « sabotage » de son théâtre. Des mots qui en disent long sur l’état des troupes.

 

Joëlle Gayot / LE MONDE

Légende photo : La Maison des arts de Créteil, sur le parvis de l’hotel de ville. JEAN-MICHEL MOGLIA
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Véronique Felenbok : "Les artistes minorisés seront les premiers touchés"

Véronique Felenbok : "Les artistes minorisés seront les premiers touchés" | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Samuel Gleyze-Esteban dans L'Oeil d'Olivier - 16 avril 2024

Fin mars, une enquête flash menée par LAPAS auprès d'administrateurs du spectacle augurait d'une casse inédite dans la saison à venir. Sa coprésidente, Véronique Felenbok, directrice de production et fondatrice du Bureau des filles, alerte des conséquences sur le secteur tout entier, et en premier lieu sur les artistes en position de minorité.

 

Le rapport de l’Association des professionnels de l’administration du spectacle (LAPAS) est tombé à peu près en même temps que l’annonce de coupes drastiques dans le budget de la Culture… Comment avez-vous réagi à ces annonces ?

 

Ces coupes vont toucher tout le secteur, mais notre problème est ailleurs. Il est directement connecté au souci d’inflation qui se pose depuis qu’a augmenté le prix des matières premières. Nous l’avions identifié dès que nous avions collecté les retours du dernier Festival d’Avignon. En discutant entre adhérents de Lapas, nous nous étions aperçus aperçus que contrairement aux autres années, où les retours des professionnels en sortie de salle nous permettaient de projeter l’importance des tournées des spectacles présentés, cette fois, les programmateurs et programmatrices ne s’engageaient pas. Les mois passant, ces engagements ne venaient toujours pas. Finalement, la saison 24-25 n’a plus rien eu à voir avec ce que l’on pouvait projeter. 

Les résultats de votre enquête, qui concernent 272 artistes et compagnies de différentes disciplines, sont plutôt catastrophiques : -54% de représentations prévues pour 24/25 par rapport à la saison actuelle et 22% des artistes en passe de jeter l’éponge. Côté administration, ce sont 27% des bureaux de production et 40% des compagnies qui pensent devoir renoncer à ces emplois pourtant essentiels à leur bon fonctionnement…

 

Au niveau des compagnies que je produis, je compte une baisse encore plus importante des représentations prévues la saison prochaine : -64%. Ce que l’on ne comprenait pas, c’est pourquoi les chiffres que donnaient les structures étaient à ce point en-deçà de ce que nous pouvions noter au quotidien [l’ACDN prévoit entre 15% et 20% de baisse des dates—ndlr].

Comment en est-on arrivés là ?

Il y a plusieurs facteurs cumulés. L’inflation a impacté très durement les structures, avec l’augmentation des matières premières et d’autres éléments dont le transport et l’hébergement. À la suite, la négociation annuelle des salaires (NAO), indexant les salaires sur l’inflation, a fait augmenter les masses salariales. Ces augmentations, associées à des coupes catastrophiques des collectivités territoriales et de la DRAC, ont laissé une marge artistique très réduite. Celle-ci s’est d’abord manifestée dans la baisse des parts de coproduction. Déjà la saison dernière, les théâtres et les structures commençaient à donner des parts de coproduction nettement inférieures à celles qu’elles accordaient auparavant. Là où, avant, ils mettaient 10 000€, il donnent maintenant 5000€. Même s’il y a eu des indications de la part de l’ACDN et de l’association des Scènes nationales incitant leurs adhérents à pas donner de coproductions en-dessous de 10 000€, mais les compagnies peuvent témoigner depuis longtemps de parts de coproduction nettement inférieures. Désormais, c’est au niveau des tournées que cela devient catastrophique. Je pense que l’on doit s’attendre à une hécatombe. Pour l’heure, celle-ci n’est anticipée par personne. Un grand nombre d’artistes vont arrêter leurs compagnies : 22% dans notre enquête, avec une répartition assez équitable entre les compagnies subventionnées, celles qui ne le sont pas, et celles qui sont aidées au projet.

Y a-t-il des facteurs qui différencient les compagnies qui survivront quand même et celles qui s’apprêtent à mettre la clé sous la porte ?

 

Oui, et c’est multifactoriel. Je pense que le théâtre jeune public sera relativement préservé, puisque les théâtres et les centres chorégraphiques ont une obligation de diffuser des spectacles jeune public. En revanche, les œuvres avec de nombreux interprètes sur le plateau sont impactées très fortement, puisque les théâtres, moins dotés, programment désormais davantage de petites formes à un, deux ou trois interprètes, au coût plateau moins élevé. Le plus inquiétant, c’est que cette situation va favoriser les valeurs sûres. Jusqu’à présent, les programmations opéraient un équilibre entre des valeurs sûres et des spectacles plus singuliers, moins identifiés. Mais à terme, on aboutira sur un paysage des compagnies bipolarisé. D’un côté, des compagnies très institutionnalisées, les plus soutenues. Et de l’autre, des compagnies très précaires qui, par envie ou besoin vital, accepteront de créer sans payer les répétitions, pour ne jouer leur spectacle qu’une poignée de fois…

Que faisiez-vous, déjà, de l’injonction à réduire le nombre de productions ?

 

Ce que l’on pense, c’est que la DGCA n’a pas pris les décisions qui s’imposaient. Le plan « mieux produire, mieux diffuser » vient d’un constat avec lequel nous sommes d’accord : il y a trop de productions, qui tournent chacune pour un nombre de dates trop faible. Mais le ministère de la Culture appelle en réalité de ses vœux, depuis longtemps, à une diminution du nombre de compagnies, et ce n’est pas la solution. La solution serait de produire moins et mieux, et on a déjà émis de nombreuses recommandations allant dans ce sens. En premier lieu, reconnaître et subventionner le travail de recherche. Aujourd’hui, les compagnies sont contraintes de créer un spectacle chaque année pour pouvoir demander chaque année des aides. Mais s’il était possible de demander des subventions sur deux ans — un an pour la recherche et les premières répétitions, une deuxième année pour la création — pour un montant égal à l’année, cela imposerait un ralentissement naturel du rythme des créations, ainsi qu’un plus grand nombre de représentations pour chaque projet. Il faudrait une entente à l’échelle du secteur, qui engage les subventions des DRAC mais aussi les structures accueillant les compagnies en résidence. 

Nous avons alerté le ministère d’un autre souci auquel il est resté sourd : la question du nombre de dates requises pour être conventionné. Aujourd’hui, en théâtre, il faut 90 dates sur trois ans. Qui les atteint ? Surtout, quelles femmes y parviennent ? En 2024, seules 36% de créations de théâtre et « arts associés » sont mises en scène par des femmes, et aujourd’hui, en Île-de-France par exemple, aucun des huit compagnies conventionnées par la DRAC à quatre ans n’est dirigée par des femmes. Le même problème se posera pour toutes les catégories sous-représentées sur les plateaux, puisqu’elles réalisent moins de dates. Les artistes les plus minorés et les plus fragiles seront les premiers touchés par la crise. Et en général, ce sont les mêmes. Cette crise aboutira ainsi à une diminution de la représentativité, qui est déjà à un niveau très bas. Pourtant, c’est une cause du manque de diversité dans le public.

Doit-on craindre que cette situation laisse une plus grande mainmise du politique sur la création, même indirecte ?

 

Indirecte, elle l’est moins en moins. On voit de manière croissante que certaines communes ou régions refusent de programmer des projets qui recueillent pourtant des avis positifs des comités d’experts, des rapporteurs ou des conseillers, et cela pour des raisons politiques. Pour l’instant, cela ne s’observe qu’au niveau des collectivités territoriales. On l’entend de plus en plus depuis deux, trois ans. Cela aura un impact sur les sujets qui pourront être abordés. On sait d’avance lesquels posent problème. Et en ce moment, avec la droitisation de tout le paysage politique, cette emprise est à craindre de plus en plus. 

On imagine qu’à ce titre, toutes les collectivités sont concernées, en dépit des volontés politiques…

 

On est étonnés : même des régions que l’on pensait préservées ont opéré des coupes. L’inflation a mis toutes les collectivités territoriales en situation de faiblesse et de fragilité. Bien sûr, une collectivité comme la région Rhône-Alpes a ouvert le bal avec une très forte emprise du politique sur la culture. Mais depuis que l’inflation s’est aggravée, on voit des régions et des départements tailler dans les budgets de la culture alors que celle-ci était jusqu’à présent au centre de leurs préoccupations. Pour en avoir discuté ensemble, on sait qu’une partie d’entre elles ne sabre pas dans la culture de gaieté de cœur : c’est pour ne pas avoir à le faire dans l’éducation ou la santé.

Qu’en est-il, dans ce contexte, des professionnels de l’administration représentés par Lapas ?

 

L’année dernière, un peu plus de 300 professionnels de l’administration adhéraient à l’association, représentant environ 1200 compagnies. Une chose qui nous inquiète beaucoup depuis le Covid, c’est la pénurie dans nos métiers. Cette crise rendra les choses encore plus tendues. Les administrateurs sont aujourd’hui obligés soit de prendre plus de compagnies, donc travailler plus pour gagner autant, soit gagner moins pour travailler autant.

Quelle réponse politique peut-on trouver à cette crise ?

 

C’est un choix politique de couper dans toutes les politiques régaliennes : l’éducation, la santé… on est tous logés à la même enseigne. Ce n’est pas que ce pays manque d’argent. Mais petit à petit, les choses qui rapportaient de l’argent à l’état ont été abandonnées. Avec la crise énergétique, beaucoup d’entreprises françaises ont réalisé des superprofits, qu’elles ont pu redistribuer à leurs actionnaires. C’est un problème de répartition des richesses. De notre côté, ça devient un massacre. Même les coupes qui sont faites dans les grandes maisons rejaillissent sur l’ensemble du secteur. De l’argent enlevé à l’Opéra, c’est de l’argent enlevé aux artistes et aux techniciens. Ce n’est donc qu’en s’unissant dans la bataille que notre secteur se rendra audible. Concernant les perspectives… il y a eu des périodes, dans l’histoire politique française, où la culture tenait une place importante. Ce n’est plus le cas d’aucune des missions de service public de l’État, dont la culture fait pourtant partie.

 

 

Propos recueillis par Samuel Gleyze-Esteban dans L'Oeil d'Olivier

 

 
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Opéra, Chaillot, Comédie-Française… Les grandes institutions sommées de faire ceinture

Opéra, Chaillot, Comédie-Française… Les grandes institutions sommées de faire ceinture | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Olivier Milot dans Télérama - 4 avril  2024

 

INFO TÉLÉRAMA – Sous pression de Bercy, le ministère de la Culture est contraint d’effectuer 28 millions d’euros de réduction de subventions. L’Opéra et la Comédie-Française sont les plus touchés.

 

 

 

Réservé aux abonnés

 

 

Le couperet est tombé. Les grandes institutions culturelles qui doivent mettre la main à la poche pour financer en partie les 96 millions d’euros de baisse de crédits du ministère de la Culture dans le secteur du spectacle vivant savent désormais à quoi s’en tenir. Le plus touché est l’Opéra de Paris qui voit sa subvention réduite de six millions d’euros. Sans doute pour le récompenser d’avoir dégagé pour la première fois depuis six ans un bénéfice en 2023 (2,3 millions d’euros). « C’est une nette amélioration mais cette performance ne pourra pas être reproduite tous les ans », avait pourtant prévenu son directeur général Alexander Neef.

La Comédie-Française est elle aussi lourdement ponctionnée puisqu’elle perd cinq millions d’euros sur une subvention de 25,5 millions. Un coup dur pour la prestigieuse institution qui ne dispose après paiement de ses coûts fixes (salaires, énergie…) que d’une marge artistique de deux millions d’euros. « Comme la Comédie-Française marche bien, qu’elle a un taux de fréquentation moyen de près de 95 % sur les quelque 900 représentations qu’elle donne chaque année, on a l’impression qu’elle est riche, ce n’est pas vrai du tout, s’agace Éric Ruf. Il faut en permanence faire un effort considérable pour arriver à équilibrer les comptes. Avec cette baisse de subvention, on a l’impression d’être complètement fragilisé. »

 

Réserve de précaution

 

 

D’autres établissements sont également touchés à des degrés divers : la Villa Médicis à Rome et la Manufacture de Sèvres pour un montant d’un million d’euros, le Théâtre de la Colline et le Théâtre national de la danse de Chaillot (500 000 euros), la Philharmonie (250 000 euros de crédit d’investissement). D’autres encore.

 

 

Selon nos informations, la plupart des ces établissements ne verraient également pas la dernière tranche de leur subvention « dégelée » cette année. Cette « réserve de précaution » est généralement débloquée à l’automne et représente des montants non négligeables à l’échelle de certains lieux : 500 000 euros pour la Comédie-Française, 300 000 pour le Théâtre national de la Danse et 230 000 euros pour Le Théâtre de la Colline. « Au total, c’est une perte de 730 000 euros, soit un peu près la moitié de notre capacité de programmation », déplore son secrétaire général Arnaud Antolinos.

 

 

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« C’est beaucoup, confirme en écho Rachid Ouramdane, le directeur de Chaillot. Nous travaillons tous à plus d’élargissement et plus d’ouverture, notamment en direction des territoires fragilisés, explique-t-il. Une institution comme la nôtre dispose certes d’un ancrage parisien mais elle rayonne sur l’ensemble du territoire. Quand on touche à Chaillot, on touche un écosystème qui va bien au-delà du périmètre de nos murs. Et, c’est cela qu’on met en péril quand on baisse notre subvention. C’est incompréhensible, surtout dans le moment de tension sociale extrême que nous vivons. »

Ces baisses de subventions qui n’ont pas encore été notifiées officiellement aux directions des établissements culturels, représentent en cumulé 28 millions d’euros. Pour le reste, le ministère de la Culture a, comme il l’avait annoncé, abondamment puisé dans sa réserve de précaution (47 millions d’euros), une enveloppe de crédits gelée en début d’année pour faire face aux aléas survenant en cours de gestion. Il a également utilisé ce qu’on appelle des « décrets de virement », un mécanisme qui permet de redéployer des crédits entre les différents programmes du ministère. Il est ainsi allé chercher sept millions d’euros dans le programme « livre » et sept autres dans celui dit des « industries créatives ».

 

Ce mécano fait de baisses de subventions et de mesures techniques qui auront néanmoins un impact pour ces deux secteurs touchés, permet au ministère de la Culture « de ne pas enlever un euro au spectacle vivant en région » comme il s’y était engagé. Promesse tenue donc, du moins pour l’instant. Tant que tous les théâtres, les centres chorégraphiques, les salles de spectacles labellisées par le ministère n’auront pas touché l’intégralité de leur subvention, la prudence reste de mise. D’autant que de nouvelles coupes budgétaires sont à prévoir dans le projet de loi de finances rectificative qui s’annonce pour le mois de juin.

De même si le ministère a promis à tous les responsables des établissements culturels qui voient leur subvention baisser cette année qu’il n’en ira pas de même en 2025, beaucoup se montrent circonspects sur une promesse qui n’engage que ceux qui la donne.

 

Olivier Milot / Télérama

 

Légende photo : La Comédie-Française perd cinq millions d’euros sur une subvention de 25,5 millions. Photo Vincent Loison/1h23

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par Ève Beauvallet
 
A la suite de l’annonce d’une baisse de crédits de 204,3 millions d’euros pour le ministère de la culture, les établissements nationaux, essentiellement situés à Paris, voient leur budget 2024 amputé, de façon à réduire la casse ailleurs. Une décision qui affectera par ricochet les artistes indépendants.
 

Depuis le décret d’annonce par Matignon et le ministère de l’Economie, fin février, de coupes historiques dans le budget de la Culture, à ventiler sur les programmes «création» (96 millions d’euros) et «patrimoine» (99,5 millions), une question planait comme une épée de Damoclès : quoi sacrifier ? Collée au pied du mur sitôt arrivée rue de Valois, la ministre Rachida Dati serait, dit-on dans son entourage, particulièrement échaudée de l’absence de concertation préalable et du fléchage imposé dans les coupes à opérer (le controversé Pass culture, lui, est entièrement préservé).

En mars, la voici qui tentait cependant de rassurer un secteur qui, loin d’avoir rejeté en bloc sa nomination, avait au contraire placé en elle maints espoirs de victoire dans le jeu de bras de fer avec Bercy. Disant prendre au sérieux le degré d’asphyxie du secteur du spectacle vivant notamment, confronté à la hausse des coûts de fonctionnement de ses établissements, le ministère certifiait : «Pas un euro ne sera pris sur les crédits des réseaux et labels du spectacle vivant en région.» Traduction : c’est essentiellement aux structures parisiennes sous tutelle directe de l’Etat qu’un effort de «solidarité» sera, entre autres, imposé. Le reste des sommes à trouver sera notamment prélevé dans la réserve de précaution dont dispose chaque ministère pour faire face à l’«imprévu».

Privilégier les «valeurs sûres»

La logique est compréhensible : l’Etat ponctionne dans les établissements qu’il finance seul, pas dans ses «labels» déployés sur l’ensemble du territoire (scènes nationales, centres dramatiques nationaux, qui reposent sur l’association des collectivités locales). A quelques semaines du lancement d’assises nationales dévolues à la culture en ruralité, l’opération permet en outre, par ricochet, de conserver un semblant de cohérence. Ainsi, plusieurs navires amiraux de la capitale apprenaient-ils ces jours derniers l’ampleur exacte de l’amputation dans leur budget 2024 : 6 millions de crédits en moins pour l’Opéra de Paris, 5 millions pour la Comédie-Française, 3 millions pour le musée du Louvre, 1 million pour l’Académie de France à Rome, ou encore 500 000 euros pour le théâtre national de la Colline ou Chaillot, le théâtre national de la danse. Des coups de sabre que le ministère dit «soutenables», sans «conséquences opérationnelles» sur les projets en cours, pour des structures comme l’Opéra de Paris notamment, enfin redevenu bénéficiaire après plusieurs années noires. De quoi préserver les petits au détriment des grands ? Ce serait méconnaître le fonctionnement de la chaîne de fabrication.

 

Mercredi 3 avril, invité de la matinale de France Inter, Wajdi Mouawad, directeur du théâtre de la Colline où il vient d’être reconduit pour un nouveau mandat, faisait exercice de pédagogie. Lorsqu’une baisse budgétaire est actée, ce n’est pas dans la plomberie, dans l’électricité, dans les emplois ou autres frais fixes qu’un théâtre peut couper, «c’est dans les artistes». Alors combien d’artistes indépendants seront touchés en bout de chaîne ? Le directeur adjoint du théâtre de la Colline, Arnaud Antolinos, dit en tout cas devoir refuser «bien plus qu’[il] ne le faisai[t] d’habitude» les sollicitations des compagnies «qui trouvent de moins en moins de lieux de diffusion». Une précision sur le montant de l’«effort» demandé, ajoute-t-il : «C’est 500 000 [euros], plus la réserve budgétaire, donc 730 000. Le seul levier qu’il nous reste au mois d’avril, dans l’urgence, c’est la programmation de l’automne 2024.»

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Cet hiver, l’Odéon, théâtre national de l’Europe, avait communiqué sur le fait que la totalité de sa subvention (13 millions d’euros environ) ne servait plus qu’au fonctionnement de l’établissement, et que rien ne restait pour la mission censée être la sienne : produire et montrer des œuvres d’art. La situation sera la même pour la Colline fin 2025 si la coupe est réitérée l’an prochain. A moins d’attendre de la billetterie qu’elle ne parvienne à couvrir l’entièreté des frais de programmation – ce qui ne peut être le cas qu’au prix d’un renoncement à une mission de service public. Les structures touchées seront donc contraintes, lorsqu’elles disposent d’un répertoire, d’augmenter les reprises d’anciennes pièces (dont la production n’a pas à être refinancée) pour pallier la diminution du volume des créations, de réduire drastiquement l’accueil aux artistes émergents, mais aussi la prise de risque artistique pour privilégier les «valeurs sûres» qui rempliront les salles.

Disette non argumentée par Bercy

Si les coupes se pérennisent, expliquent les acteurs concernés, les solutions à trouver devront être structurelles. Cela signifie : plan social, audit des dépenses, révision de l’activité, réduction du coût de fonctionnement. Est-il si exorbitant dans ces grosses maisons ? Ce serait oublier qu’en leur sein travaillent au quotidien des équipes de techniciens œuvrant pour une multitude d’artistes non programmés mais accueillis dans des salles de répétitions, de concepteurs de décors, de chargés d’actions culturelles dans les écoles, les hôpitaux, les prisons. «Bien sûr, on pourrait se transformer en autre chose, mais auquel cas, on ne répondrait plus à une politique culturelle d’Etat», poursuit Arnaud Antolinos.

Ces annonces interviennent alors que deux programmes du ministère ont déjà été lancés en 2024. Nombre d’acteurs s’interrogent donc sur les crédits qui seront exactement alloués à ce «Printemps de la ruralité» voulu par Rachida Dati en faveur d’une nouvelle étape de la décentralisation, mais aussi au plan «Mieux produire, mieux diffuser», lancé pour enrayer un effet pervers diagnostiqué depuis vingt ans : une inflation d’œuvres qui peinent à jouer plus de quatre fois. A l’approche des festivals d’été, le milieu de la culture n’entend pas se satisfaire de cette disette pour l’instant non argumentée par Bercy. D’autant que le secteur apprenait que les crédits exceptionnels dont il avait bénéficié ces cinq dernières années avaient été fort mal utilisés, si l’on en croit un rapport cinglant de la Cour des comptes publié le 20 mars, attribuant en partie le naufrage à une fâcheuse tendance de Matignon à court-circuiter le ministère de la Culture.

 

Eve Beauvallet / Libération 

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Coupes budgétaires : vers la fin de “l’exception culturelle” française ?

Coupes budgétaires : vers la fin de “l’exception culturelle” française ? | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Jean-Marie Durand dans Les Inrocks - Publié le 16 avril 2024 

 

 

Le 4 avril dernier, le ministère de l’économie annonçait des baisses conséquentes de subventions pour des grandes institutions théâtrales, musicales et muséales. Une mise en péril d’un service public.

 

À quelques semaines du lever de rideau sur les festivals d’été, qui du théâtre à la danse, de la performance au cirque, de l’art à la musique, traduisent la vitalité en France du spectacle vivant et de la création contemporaine, le sens de la fête risque d’être affecté par un sentiment d’inquiétude généralisé : l’État sonne la fin de la “party”, en activant ce que Pierre Bourdieu appelait “la main droite de l’État” (jamais généreuse avec le culturel et le social).

 

En annonçant le 4 avril dernier des baisses conséquentes de subventions pour des grandes institutions théâtrales, musicales et muséales (Comédie française, Théâtre national de la Danse-Chaillot, Théâtre de la Colline, Louvre, Philharmonie, Opéra de Paris…), Bercy contraint le ministère de la rue de Valois à faire plus de 200 millions d’euros d’économies, dont 99,5 millions d’euros sur le patrimoine et 96 millions d’euros sur la création. 10 % du budget de la création (doté d’un millard) va être ainsi amputé. Ce qui, observe le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), va impacter l’ensemble de l’activité culturelle en France, dont l’emploi des artistes et des technicien·nes. Certes, pour le moment, les scènes nationales et les centres dramatiques nationaux semblent passer à travers les gouttes du dessèchement annoncé. Mais tous·tes les directeur·trices de théâtre, de compagnies, de collectifs, de centres de création…, déjà affecté·es par la hausse des coûts de l’énergie, l’inflation et les charges financières de plus en plus pesantes, mesurent bien à quoi iels seront tenu·es dans les mois à venir : la diète, sur les cendres de la fête. Les publics curieux des formes aventureuses et de la jeune création en subiront probablement les effets. Car des millions d’euros d’économies imposés signifient à terme moins de créations, moins de prises de risque artistique, comme le regrettait le directeur de la Colline, Wajdi Mouawad, le 2 avril sur France Inter.

La mise en péril d’un service public de la création

Au-delà du spectacle vivant, ce régime sec touche aussi les centres d’art. Et même les écoles d’art, depuis que la ministre de la Culture Rachida Dati a estimé qu’il fallait tailler dans leur “jungle”. Ce à quoi répondait une tribune collective de 110 enseignant·es en école d’art, défendant ces écoles qui “abritent des conversations et des rencontres, des conférences, des ateliers, des expositions et des performances”, qui alimentent la vie culturelle. “Attaquer les écoles, c’est refermer l’horizon de la création contemporaine française”, écrivent les auteur·trices. “Les étudiant·es qui font la vie de ces écoles sont nos futur·es artistes, nous ne pouvons accepter que leurs vies soient ainsi empêchées. Si nous commençons à vouloir mesurer les écoles d’art en termes de ‘performance’, à les évaluer et les traiter comme des entreprises, comment maintenir l’idée même d’un service public de l’art ?“.

C’est bien ce que la crise budgétaire actuelle traduit : la mise en péril d’un service public de la création, qui plus de quarante ans après la volonté de Jack Lang de sanctuariser son périmètre, est définitivement devenu un secteur comme les autres. “L’exception culturelle”, expression que l’ancien ministre des années 1980 avait inventée, s’est faite avaler par la norme financière.

 

Jean-Marie Durand / Les Inrocks

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La Cour des comptes se penche sur les crédits exceptionnels versés à la culture et aux ICC

La Cour des comptes se penche sur les crédits exceptionnels versés à la culture et aux ICC | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Article publié sur le site d'Artcena - 2 avril 2024

 

 

RAPPORT
Son rapport déplore principalement que le pilotage des Programmes d’investissements d’avenir et de France 2030 ait contribué à dessaisir le ministère de la Culture de ses missions stratégiques.

 

Le 20 mars 2024, la Cour des comptes a publié un rapport – fruit d’une enquête diligentée par la Commission des finances du Sénat – sur les plus de 3 Md€ de crédits exceptionnels engagés de 2017 à 2023 en faveur du secteur culturel, hors budget du ministère de la Culture ; soit « presque l’équivalent, est-il précisé, d’une année des crédits de la mission Culture de ce ministère ». Cette enveloppe concernait, d’une part le Plan de relance (1,6 Md€), et d’autre part les Programmes d’investissements d’avenir (PIA 1 et 3) et France 2030, à hauteur d’1,5 Md€ au total.

Un plan de relance élaboré dans la précipitation

Annoncé à l’été 2020, au sortir de la crise sanitaire, le Plan de relance a été doté d’1,6 Md€ pour la culture (pour un peu plus d’1,4 Md€ de dépenses), afin de poursuivre deux objectifs : soutenir les revenus du secteur culturel, et favoriser « une accélération des transformations structurelles identifiées comme nécessaires ». Si le premier a été rempli, il en va différemment du second, traité de façon marginale. En cause, selon la Cour des comptes, un objectif « trop ambitieux dans le cadre d’une action conjoncturelle » et un plan élaboré « dans la précipitation ». Celle-ci critique, entre outre, une répartition des crédits « très hétérogène entre secteurs culturels » et l’utilisation d’une partie d’entre eux « pour boucler les plans de financement de grands travaux d’établissements publics ». Le rapport conclut ainsi à « un pilotage par la dépense, parfois au détriment des objectifs de politique publique », qui a, par ailleurs, produit « un effet inflationniste dans certains secteurs ». 

 

PIA : des opérations trop risquées

Concernant cette fois les PIA 1 et 3, la Cour estime que ceux-ci « ont faiblement investi le champ culturel et celui des industries culturelles et créatives ». Elle en veut pour preuve le fait que depuis 2017, seuls 278 M€ ont été consommés à ce titre, dont 190 M€ transférés au budget de la culture afin de financer deux grandes opérations patrimoniales (Villers-Cotterêts et le Grand Palais).

Le rapport admet toutefois que plusieurs projets culturels emblématiques (le Grand Palais immersif et la Philharmonie des enfants) portés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Bpifrance ont eu « une réelle portée en termes d’expérimentation et d’innovation ». De même, le soutien apporté à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), « qui dispose d’une excellence connaissance des entreprises culturelles et de liens anciens avec les financeurs de la place, apparaît cohérent avec l’ambition des PIA et économe des finances publiques ». La Cour se montre, en revanche, plus critique sur les financements attribués à « des entreprises au modèle économique fragile » et qui ont traversé depuis de « graves difficultés ». Pour évoquer « une prise de risque particulièrement élevée », elle cite l’appel à manifestation d’intérêt « Culture, patrimoine, numérique » lancé par la Caisse des dépôts et consignations, qui « a connu un taux de sinistralité de 35%, bien supérieur à celui admis en général par la CDC ou Bpifrance », entraînant la disparition de l’argent public investi. De plus, le rapport note que les projets financés « relèvent parfois d’une conception très extensive des industries culturelles et créatives ou n’en font pas clairement partie », « voire relèvent d’un champ spéculatif ». D’où ce constat sans appel : « ces premières expériences d’investissement dans le secteur culturel ont souffert d’une absence de stratégie formalisée avec le ministère de la Culture comme de réflexion sur les outils mobilisés, sur la typologie des projets structurants et sur les effets d’accélération recherchés ».

 

La stratégie peu lisible de France 2030

De semblables griefs sont adressés à France 2030, alors même que ce programme a bénéficié de « moyens considérables » : 400 M€ engagés fin 2020 dans le cadre du PIA 4, puis 600 M€ à l’automne 2020 destinés aux industries de l’image et du numérique dans le cadre de France 2030. Les deux étant rattachés fin 2022, le volet culturel de France 2030 a disposé au total d’1 Md€.

Grande lourdeur des processus décisionnels, éparpillement de l’information rendant complexe un suivi rigoureux, et surtout manque de transparence constituent de nouveaux reproches adressés par la Cour. « Ni la stratégie d’accélération, issue des États généraux des industries culturelles et créatives (..) ni même la liste des 19 mesures retenues n’ont été rendues publiques », regrette-t-elle, avant de remettre en cause la pertinence même du programme. « Les mutations structurelles du secteur culturel peuvent justifier un accompagnement par l’État. Les plans d’investissements d’avenir apparaissent cependant globalement inadaptés au secteur. En effet, ils sont insuffisamment articulés aux objectifs et enjeux de la politique publique », estime-t-elle.

 

Le ministère de la Culture privé de ses missions

Enfin, plusieurs dérives sont imputables, selon le rapport de la Cour des comptes, aux PIA : « mise en œuvre rapide d’appels à concurrence » susceptible de créer « des effets d’aubaine » ; effacement progressif de « la logique originelle des PIA consistant à utiliser des avances remboursables ou à co-investir pour inciter le secteur privé à s’engager », au profit d’une « logique de subvention ». « Dès lors, ajoute le rapport, la Caisse des dépôts et BpiFrance se retrouvent dans la situation paradoxale de verser, très majoritairement dans ce secteur, des subventions, une mission qui incombe en principe au ministère de la Culture ».

Plus globalement, la Cour déplore que « le pilotage des PIA et de France 2030 par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) contribue à dessaisir le ministère de la Culture de ses missions de pilotage stratégique, d’allocation des financements et de contrôle sur l’équivalent d’une part significative de son budget annuel ». À ses yeux en effet, bien qu’à l’origine de la conception de la stratégie (rédaction du cahier des charges), le ministère de la Culture siège souvent uniquement comme observateur au sein des comités désignant les lauréats, ce qui l’empêche d’être « pleinement en situation de garantir la cohérence de ces financements conséquents avec les objectifs de la politique culturelle ». « Si l’on ne veut pas courir le risque de priver durablement le ministère des moyens de remplir ses missions, celui-ci doit reprendre le pilotage des dispositifs initiés dans le cadre de France 2030, et en renforcer significativement le suivi », assure la Cour.

 

En conclusion, elle formule sept recommandations :

1. Avant toute nouvelle consommation de crédits, procéder à une évaluation indépendante du dispositif « Mondes Nouveaux », notamment du point de vue de la rémunération des artistes et de l’articulation avec les dispositifs et institutions préexistants. 

2. Définir de façon concertée les objectifs poursuivis par les investissements d’avenir et délimiter plus nettement le périmètre d’intervention des PIA dans le secteur des industries culturelles et créatives.

3. Veiller à une articulation lisible entre l’architecture budgétaire et la stratégie de France 2030, pour le volet culture.

4. Appliquer strictement la doctrine des investissements d’avenir et réserver les financements des PIA à des projets répondant à des critères d’innovation préétablis

5. Instaurer une procédure de suivi et d’évaluation des crédits des PIA et de France 2030 robuste, afin de permettre le contrôle parlementaire. 

6. Prévoir une procédure explicite de restitution ou de réallocation des crédits exceptionnels non utilisés.

7. Dans les processus décisionnels de France 2030 accorder dès à présent au ministère de la Culture une place lui permettant d’assurer son rôle de chef de file de la politique culturelle.

 

« Un rapport à charge », selon Bruno Bonnell

Lors de leur audition devant la Commission des finances du Sénat, Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, et Sophie Zeller, cheffe du service du spectacle vivant et adjointe au directeur général de la création artistique, ont réagi à différents points soulevés par la Cour des comptes.  

 

Bruno Bonnell a tout d’abord réfuté le titre du rapport qui évoque des « crédits exceptionnels » attribués à la culture et aux industries créatives (ICC). « Ces crédits n’ont rien d’exceptionnels puisqu’il s’agit de crédits d’investissement votés par le Parlement comportant, dans le cadre de France 2030, un volet spécifique d’investissement destiné à soutenir les industries culturelles et créatives », a-t-il indiqué. Concernant France 2030, le secrétaire général pour l’investissement a dénoncé « un rapport à charge et, de plus, inexact », assurant que le ministère de la Culture était associé à toutes les stratégies et décisions et présidait le comité de pilotage qui alloue les budgets. Le manque de transparence lui apparaît, de même, un reproche infondé. « Nos stratégies sont rendues publiques sur les sites web du gouvernement, a-t-il affirmé. Nous avons également communiqué un rapport au Parlement, et effectuons un reporting permanent auprès d’un Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA) composé notamment de quatre députés et de quatre sénateurs. Je ne peux donc accepter l’idée que nous ne soyons pas précis dans le suivi. »

 

Florence Philbert, quant à elle, a rappelé que s’agissant des industries culturelles et créatives, « nous sommes au croisement de la politique culturelle et de la politique industrielle, mais aussi au croisement des financements publics et des financements privés », les ICC souffrant d’une « faible structuration capitalistique », notamment en matière de fonds propres. Ce constat justifie « une logique de continuum de financements » : « au-delà des financements via des subventions, assurés par le ministère de la Culture, il s’agit de voir comment la puissance publique peut faire en sorte que les acteurs des ICC soient financés par le secteur privé », a expliqué la directrice générale des médias et des industries culturelles. Interrogée, par ailleurs, sur la recommandation n°7 formulée par la Cour des comptes, elle a répondu : « cette politique ne peut être uniquement centrée sur le ministère de la Culture ; elle se fait en partenariat avec le ministère qui la conçoit et définit la stratégie ».

 

Sophie Zeller enfin a concentré son intervention sur « Mondes nouveaux », dispositif doté de 30 M€. « Celui-ci a suscité un très grand élan créateur : 3 200 projets déposés, et 264 soutenus, portés par 430 artistes. Une rémunération directe d’un peu moins de 6 M€ a été versée aux artistes, à laquelle il faut ajouter les retombées en termes de présentation ou de vente des œuvres, ou de droits d’auteurs », a-t-elle souligné. La cheffe du service du spectacle vivant et adjointe au directeur général de la création artistique a cependant convenu du manque de visibilité de « Mondes nouveaux » pointé par la Cour, qu’elle a justifié par les différences de temporalité de réalisation des œuvres ainsi que leur répartition sur l’ensemble des territoires, « qui ont pu complexifier les opérations de communication ». « Afin de redonner de la visibilité au programme, nous avons mis en place en avril 2023 une présentation des projets à l’École nationale des Beaux-Arts », a ajouté Sophie Zeller, promettant, lors du lancement d’un nouvel appel à projets fin 2024, la mise en œuvre de « liens plus étroits entre les Frac et les Centres d’art, et l’ensemble de l’écosystème ».    

 

Les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives. Des moyens considérables, une logique de guichet, un contrôle insatisfaisant 2017-2023. 

 

Télécharger le rapport publié par la Cour des comptes,

mars 2024, 125 pages. 

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