Archaeo

Cette initiative danoise est passionnante et montre que l'on peut (doit) enseigner avec une véritable visée émancipatrice. Ici, il n'est pas question d'apprendre les dates, les successions chronologiques, mais de suivre les méthodes utilisées par les chercheurs, en archéologie ce qui permet de croiser sciences humaines et environnementales. En partant de questionnements, le savoir se construit et permet de questionner le monde actuel. Rien de surprenant pour quiconque a pratiqué la recherche, mais cette méthode est déployée ici avec des scolaires, que l'on fait réfléchir plutôt que de leur demander de digérer des notions qui leur sont imposées. On retrouve l'idée portée par le programme des Savanturiers avec l'appui de mentors qui partagent leurs savoirs avec les enfants. Une démarche qui pourrait inspirer l'opérateur national en archéologie préventive, l'inrap.

Fascinant de regarder ces visages de personnes ayant vécu pour certaines il y a plusieurs milliers d'années. Fascinant car elles passeraient inaperçues aujourd'hui tant elles nous sont proches. Loin des images anciennes d'être humains bestiaux, à partir de l'implantation des muscles et de l'analyse de l'ADN, on rend proches des personnes que nous ne comprendrions pas si elles venaient nous parler, mais dont on perçoit immédiatement l'humanité. Cette mise en perspective est essentielle  pour bien saisir l'unité du genre humain, par delà les frontières et les siècles.

Découvrir une nécropole gallo-romaine en plein Paris, ville dont le sous-sol a été largement remanié par l'implantation des différents réseaux et aménagements est une découverte importante, justement du fait de la succession millénaire des occupations sur ce site et de la complexité des opérations de fouille. Les surfaces fouillées sont limitées du fait du parcellaire parisien et des contraintes spécifiques des chantiers urbains. La mise en sécurité des archéologues impose des fenêtres assez étroites en général. Disposer ainsi d'un nombre important d'individus offrira un bel échantillon pour étudier la population de l'ancienne Lutèce. On peut noter sur les photos les orientations est-ouest des sépultures, typiques de la période.

Comment un objet aussi clairement phallique a pu être classé parmi un outil de couture ? Il ne semble pourtant pas y avoir d'ambiguïté, ce qui renvoie à la façon dont les archéologues plaquent sur les objets leurs propres représentations. On a longtemps attribué aux hommes les armes et aux femmes les outils de coutures. Était-ce ici une façon pudique de viser les utilisatrices potentielles ? Au-delà de la plaisanterie, ce classement étrange interpelle. Pour beaucoup, il est difficile d'imaginer ses propres parents avoir des relations sexuelles. Aurait-on le même genre de tabous quand il s'agit d'imaginer nos ancêtres avoir des pratiques sexuelles pas simplement reproductives ?  On connait pourtant pour la période romaine des images et des écrits sans ambiguïtés. Même en traitant d'objets, l'archéologie n'est pas une science objective !

La découverte (et surtout la datation) de la grotte Chauvet avait permis de changer de vision sur l'art préhistorique. Dès son arrivée, l'être humain moderne dispose d'une maîtrise artistique identique à la nôtre, ce qui traduit une relation au monde complexe, reposant sur des récits. Cet article revient sur ces ancêtres directs et montre comment dans tous les registres les humains modernes étaient peu différents de ce que nous sommes, loin des images traditionnelles. Un élément fondamental, que l'on tend à oublier dans notre monde dit moderne qui met la concurrence comme une valeur cardinale, c'est à quel point ce qui fonde l'être humain, c'est la coopération. Sans cette capacité à communiquer, à partager même avec des cultures différentes, à travers de vastes espaces, nous n'aurions sans doute pas pu perdurer. Le brassage entre groupes a permis un brassage génétique, mais aussi culturel, des échanges de ressources, de techniques, permettant de s'adapter à des contextes différents, de progresser et de pouvoir sortir de notre niche écologique.C'est la coopération plus que la concurrence qui nous a sauvés, l'inverse pourrait être mortifère.

Une fois de plus l'archéologie remet en question des idées reçues. Le squelette trouvé dans cette tombe en Hongrie présente des traits traditionnellement attribués à des hommes, des armes, et d'autres à des femmes, des parures. Il s'agit bien ici d'une femme magyare, peuple originaire des steppes d'Asie centrale, installés dans le bassin du moyen Danube au 9ème siècle de notre ère. Si les activités précises de cette femme sont difficiles à déterminer, le statut de guerrière est en particulier complexe à établir tant il s'agit d'un rôle social, ce qui est certain c'est qu'elle avait une activité physique importante. On sort donc des images traditionnelles qui gommaient la présence des femmes dans ces peuples, au mieux les confinaient à des activités domestiques. La répartition genrées des tâches et fonctions s'avère de plus en plus très différente de nos projections, élaborées souvent au 19ème siècle, siècle particulièrement rétrograde sur la place des femmes dans la société et qui exerce toujours une influence négative aujourd'hui dans nos représentations.

Depuis la révélation sur Sites & Monuments, le massacre du site de Carnac est dans l'actualité à travers son aspect le plus spectaculaire, celui de la destruction de 39 menhirs pour faire de la place à un Mr Bricolage. Cette nouvelle est déjà en soi un réel scandale car en plus réalisé sans intervention archéologique préalable. C'est donc une destruction nette du patrimoine, sans passer par la case préventive, pour réaliser une nouvelle enseigne quand la France est déjà saturée d'espaces commerciaux qui se vampirisent les uns les autres. Mais la situation est encore pire à lire le dossier complet. Au-delà de la destruction, c'est l'ensemble de l'aménagement du site qui est problématique. Les solutions clés en main que l'on retrouve désormais partout pour "faire naturel" sont ici totalement inadaptées, écrasant ce qu'elles sont supposées mettre en scène. Aucune prise en compte de l'esprit du lieu, qui nécessite d'adapter ses solutions. La précipitation tient au futur classement au patrimoine mondial qui rendra les aménagements plus contraignants, alors on préfère défigurer avant. Où était l'Etat pour laisser ainsi faire ?