Revenu universel et partage, par Michel Leis | Nouveaux paradigmes | Scoop.it

L’idée de revenu universel trouve un écho grandissant dans le débat public, elle suppose que deux conditions soient remplies. La première est celle d’un consentement qui serait donné par une majorité de citoyens à la répartition de la valeur ajoutée sur une base ne reposant pas exclusivement sur le travail. La deuxième est celle de la possibilité et de la soutenabilité dans le temps d’une telle mesure. Si l’on ne peut se prononcer à la place des individus, il me semble intéressant de clarifier le débat sur la faisabilité d’une telle mesure ou les questions qu’elle soulève.

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Il est évident que tout ceci n’est que spéculations, la complexité d’une simulation réaliste dépasse les capacités d’un simple tableur. Il n’empêche que ces hypothèses simplificatrices donnent une première idée des résultats. Surtout ils soulignent la nécessité absolue de maintenir la valeur ajoutée à un niveau élevé, ce qui pose la question de la soutenabilité.

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Premier élément de réponse, en l’état actuel, le travail des hommes reste une composante importante de la valeur ajoutée. La disparition progressive d’une partie de l’emploi en Occident n’implique pas pour autant que l’emploi tende vers le zéro absolu(...) une partie de la valeur ajoutée visible est réalisée sur la base d’un travail délocalisé et rémunéré à des niveaux de misère.

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En d’autres termes, la soutenabilité d’une telle approche est loin d’être assurée. Si l’on prend en compte d’autres facteurs comme l’écologie, l’interdiction de la spéculation ou le bien commun, elle porte en elle d’autres changements, y compris sa propre dissolution dans une utopie sociale beaucoup plus large.

L’idée du revenu universel est un leurre. Le retour dans le débat de cette mesure jette un voile supplémentaire sur un autre débat qui disparaît de la scène publique : celui du partage du travail et de la valeur ajoutée. (...) il me semble peu probable que le travail humain disparaisse, ni même qu’il tende vers zéro dans les prochaines années. (...) Si la disparition totale de l’emploi me semble peu crédible, il n’empêche qu’il reste encore de sérieux gains de productivité possibles, en particulier dans le domaine des services qui ont pourtant constitué l’essentiel de la création d’emploi salarié ces dernières années.

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Le dernier aspect du partage est la répartition de la valeur ajoutée.(...) En aucun cas, le discours sur la compétitivité, le choc de l’offre ou la croissance ne sont à la hauteur de ces enjeux ou en mesure de résoudre le problème du partage du travail et de la valeur ajoutée. (...) Trop de travail pour certains, travail « à la con » pour d’autres, aucun travail pour beaucoup, cette situation n’est pas acceptable et ce n’est pas un prétendu choix offert aux individus qui pourrait changer la donne. Il faut se souvenir des écrits de Keynes sur la durée du temps de travail et se dire que seule, la réduction massive de celui-ci est en mesure de changer la donne.