Dépendance et fin de vie
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Dépendance et fin de vie
Soigner n’est pas tuer. Les épreuves du vieillissement, de la maladie, de la dépendance et de la mort nous concernent tous, intimement.
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Une larme m'a sauvée : Angèle Lieby, prisonnière de son corps

Une larme m'a sauvée : Angèle Lieby, prisonnière de son corps | Dépendance et fin de vie | Scoop.it

En 2009, Angèle Lieby a été placée dans un coma artificiel. Elle a échappé de justesse à la mort, alors que les médecins n'arrivaient pas à  comprendre qu'elle souffrait du syndrome de Bickerstaff.

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April 14, 2014 4:32 AM
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« Je suis si heureuse qu'ils ne m'aient pas débranchée »

« Je suis si heureuse qu'ils ne m'aient pas débranchée » | Dépendance et fin de vie | Scoop.it
Angèle Lieby est revenue à elle après 12 jours de coma. Alors que le Conseil d'État tente de trancher le cas Lambert, elle raconte le calvaire d'une femme « emmurée vivante ». 

Le 13 juillet 2009, Angèle Lieby plonge dans le coma pendant 12 jours. Tous les tests médicaux laissent croire à un état de mort cérébrale. Aucune activité neuronale, ni réaction physique, pas même de réflexe ou de rictus. Au bout du 4e jour, l'équipe médicale invite le mari d'Angèle à organiser ses obsèques… Pourtant, cette mère de famille de 57 ans perçoit tout: sa propre souffrance physique, mais aussi les conversations des médecins, la détresse des siens. Emmurée vivante. Jusqu'à ce qu'une larme coule sur sa joue. Angèle Lieby est aujourd'hui totalement rétablie. Son témoignage* éclaire sous un jour particulier les débats sur l'euthanasie autour du cas de Vincent Lambert.

LE FIGARO - Quelles circonstances vous ont plongée dans ce coma jugé irréversible par les médecins?

ANGÈLE LEIBY - C'est une migraine terrible qui m'a conduite à l'hôpital. Les médecins ont mis du temps à diagnostiquer le syndrome de Erwin Bickerstaff, une maladie du système nerveux central qui attaque la myéline, cette substance qui transmet les informations entre le cerveau et le corps. J'étais totalement paralysée. Les différents électro-encéphalogrammes étaient chaque fois plats. Pour les médecins, j'étais morte. Ils voulaient me débrancher.

Avec une expérience comme la vôtre, quel regard portez-vous sur l'euthanasie passive pour des patients comme Vincent Lambert, incapables de communiquer?

Je suis si heureuse qu'ils ne m'aient pas débranchée, si heureuse de vivre aujourd'hui! Je suis pour la vie, c'est clair, même si pour avoir tant souffert je comprends très bien qu'on puisse vouloir en finir. Je l'avais moi-même souhaité. Je les entendais dire que j'étais morte et aucune parcelle de mon corps ne pouvait bouger pour leur dire non! Comment supporter que cette prison abominable puisse durer dix ans, un an même? Mais mon cas, parce qu'il en suffit d'un, doit montrer qu'on doit traiter au cas par cas et que les connaissances sur le coma restent très faibles. C'est pourquoi faire une loi, générale donc, me paraît aussi difficile que risqué. Il existe peut-être actuellement des personnes dans le coma ou en état végétatif qui vivent et souffrent ce que j'ai enduré. Des personnes qui peut-être aussi mettent plus longtemps que moi à revenir à elles…

À quoi voulez-vous que serve votre témoignage?

J'ai toujours à l'esprit que tous ces malades dans le coma pourraient souffrir comme j'ai souffert sans que personne n'en ai le moindre soupçon… Le plus important pour moi serait que les médecins se montrent plus prudents, sur tous les plans, avec tous ces patients «non communicants». Qu'ils aient moins de certitudes, plus d'égards. Ne serait-ce que pour éviter la douleur physique aux malades. Comme ils croient qu'on ne sent rien, ils font beaucoup moins attention, dans les soins, les manipulations, les mots… Je garde imprimé en moi l'horreur des piqûres dans les artères, les canules de la trachéotomie qu'on arrache sans anesthésie, qu'on s'échine à mettre alors que ce ne sont pas les bonnes, l'oubli des soignants qui me laissent trop longtemps au fauteuil alors que la tête ne tient pas, que je suffoque, que je risque d'y passer pour de bon comme ça… Plusieurs fois, j'ai failli mourir de ce genre de négligences. Et puis ils vous envoient des stagiaires, non qualifiés, quelle importance? Ils savent qu'on ne dira rien… Il faut qu'ils prennent conscience que nous ne sommes pas que des corps inertes, malgré les apparences… Il faut qu'ils accordent plus de place au doute.

Le plus important pour moi serait que les médecins se montrent plus prudents, sur tous les plans, avec tous ces patients « non communicants ». Qu'ils aient moins de certitudes, plus d'égards. Ne serait-ce que pour éviter la douleur physique aux malades.

Vous évoquez un épisode terrible, symbolique de votre cauchemar…

Alors que je me disais «bon, mon réveil n'est pas encore pour aujourd'hui mais ce sera demain, j'y arriverai», un médecin entouré de dix élèves se trouvait au bord de mon lit. En me pinçant le téton, il leur disait: «Voyez, c'est comme ça qu'on sait quand quelqu'un est en mort cérébrale… Pas de réaction!» La douleur, le désespoir… J'avais envie de hurler.

Lui avez-vous parlé à ce médecin, quand votre état s'est amélioré?

Oui. Et je lui ai dit, sur cet épisode: «Voyez, ça il ne faut plus le refaire.» Il m'a répondu que c'était ce qu'il avait appris dans les livres de médecine, qu'il n'avait donc pas de raison de ne pas le refaire. Terrible, cette impossibilité à se remettre en cause! Mais j'ai l'espoir que la culture médicale évolue, car de nombreux étudiants en médecine m'écrivent depuis la parution de mon livre. Ils me disent qu'ils n'apprennent pas du tout cela à la fac, mais que mon témoignage leur permet d'appréhender les choses un peu différemment.

C'est lors de confidences de votre fille, à votre chevet, qu'une larme coule et vous sauve. Que s'est-il passé à ce moment-là?

C'était le jour anniversaire de notre mariage, à mon mari et moi. Ma fille me parlait de nous, de la famille… Cela montre bien l'importance des proches près des gens dans le coma. Continuer à leur parler, à raconter la vie au-dehors, des détails, les sentiments. L'amour des autres est un moteur de vie incroyable qui, pour moi, a joué un rôle primordial dans le processus de retour à la vie. Mais là encore, cette larme, ils ne voulaient pas y croire ; ils disaient à ma fille que ce n'en était pas une. Elle se faisait des idées, c'était du gel qu'ils me mettaient sur les paupières! Heureusement que ma fille a insisté… Quand quelques mouvements sont réapparus, idem. Ils disaient que c'étaient les nerfs, des réflexes.

En voulez-vous aux médecins?

J'ai été très en colère sur le moment mais j'ai eu tellement de chance de revenir. Et puis j'avais, paraît-il, la Rolls Royce des respirateurs artificiels, c'est grâce à lui que je suis encore là, alors je ne peux pas trop leur en vouloir. La kinésithérapie a aussi été très importante, parce que même si elle n'engendrait pas d'évolution de mouvements, elle était un lien avec la vie et de l'apaisement aux douleurs physiques et mentales.

Les médecins de Vincent Lambert ont stoppé ces séances quand ils ont jugé qu'il n'y aurait pas d'évolution de son état et qu'ils ont amorcé le processus de fin de vie. Le comprenez-vous?

Avec les gens dans le coma, la kiné est un soin de confort et de réconfort capital. C'est cela la dignité aussi, prodiguer des soins aux plus diminués - et pas seulement soigner - sans attendre un retour, un progrès, une efficacité.

Que pensez-vous de la décision du Conseil d'État d'ordonner une nouvelle expertise de Vincent Lambert?

C'est certainement ce qu'il fallait faire. Car ce qui manque aujourd'hui c'est la connaissance, la recherche sur tous ces états du cerveau encore inexplorés. Comment se fait-il que des encéphalogrammes totalement plats puissent dissimuler une vie et une conscience parfaitement actives? Quelles erreurs commises et combien d'autres commettra-t-on?

* Une larme m'a sauvée, Éditions des Arènes, 2012. Traduit en 12 langues, vendu à 200.000 exemplaires.


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